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Le légume du mois
Simplissimes é
©Xavier Mathias
Cumulant peu de
maladies ou
ravageurs et des
exigences de
culture simples,
les échalotes
sont incontestablement une des
plantes
potagères les
plus faciles à
réussir. La
grande majorité
des jardiniers
amateurs ne s’y
trompe pas et
les cultive en
général avec
succès. Elles
sont devenues
des plantes
tellement
courantes dans
nos jardins qu’on
oublierait
presque que
derrière ces
tuniques grises
ou cuivrées, se
cache une
longue histoire
et une parfois
complexe réalité
botanique.
Commençons par le
commencement
Les échalotes appartiennent à la très
ancienne, et fortement représentée
au potager, familille des alliacées.
Celle-ci regroupe essentiellement les
oignons, poireaux, échalotes, aulx,
ciboules et ciboulettes. Il est difficile
pour les botanistes amateurs que
nous sommes de différencier clairement les oignons des échalotes, un
travail qu’il faut laisser aux spécialistes. Pour l’essentiel, tous les deux
appartiennent aux Allium cepa. Ce
sont des bulbes à tunique concentrique, dépourvus de limbes pour les
bulbes les plus internes. Leur caractéristique est qu’une fois parvenus à
maturité, après avoir connus des températures élevées, ils reprendront
leur vie végétative dès qu’elles redescendront. Les bourgeons produiront
alors soit des hampes florales quand il
s’agit d’oignons, soit redonneront une
touffe de nouveaux bulbes pour les
échalotes. Cela ne signifie pas pour
autant que ces dernières ne donnent
jamais de graines. Ajoutons à cette
première différence liée à leur mode
de reproduction par émission de
bulbes plus que par graines, que les
échalotes contiennent plus de bourgeons à la base même de leurs bulbes
que les oignons.
Exception qui confirme la règle, sans
quoi ce ne serait pas drôle, l’échalote
grise (Allium oschaninii) se distingue
par ses racines épaisses, sa tunique
extrêmement dure et son feuillage à
port retombant. Hormis un mutant
ayant fleuri en 1988 dans le Drôme,
les Allium oscaninii sont réputés parfaitement stériles et constituaient une
énigme à part entière. Des méthodes
modernes de recherche ont permis
de rattacher ces échalotes à une
espèce originaire d’Asie centrale.
Pour conclure, on peut en simplifiant
un peu, sans tenir compte des exceptions (« oignon patate », « oignon des
familles », « échalion » etc.), considé-
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rer pour citer Vincent Albouy dans
Le courtil des gourmets que
« …l’échalote commune des jardins
n’est pas une espèce à part, mais une
simple variété d’oignon qui se caractérise par la production de plusieurs
caïeux, comme l’ail, alors que l’oignon ne fait qu’un bulbe unique. »
De l’origine
à notre table
Après un long périple qui les a
conduites de l’Asie centrale, leur
région d’origine, à l’Europe en passant par l’Egypte, les échalotes se
sont largement répandues dans tout
le bassin méditerranéen depuis
l’Antiquité. Ouvrage de référence
pour avoir une idée précise de la
popularité d’un légume ou condiment, l’échalote est citée dans le
célèbre capitulaire De villis, ordinairement attribué à Charlemagne.
Recommandées par l ‘empereur luimême, nul doute qu’elles faisaient
chalotes
grande facilité culturale. Leurs rendements sont inférieurs en terme de
poids à ceux des oignons, mais ce
défaut est compensé par une production largement favorisée par leur multiplication par bulbes. Inutiles donc
les cultures longues de portesgraines, avec les risques phytosanitaires que cela comporte comme
dans le cas des oignons. Les échalotes permettent également d’éviter
les délicats semis en pépinière , une
méthode exigeant un repiquage, opération à risque qui demande une
attention et des soins particuliers.
Ainsi, même si les échalotes sont fréquemment victimes de botrytis en
cours de conservation, connaissent
en raison de leur mode de multiplication des problèmes fréquents de
Griselle, échalote grise, elle se distingue par ses racines épaisses, sa
tunique dure et son feuillage à
port retombant.
Une ressource alimentaire à ne pas négliger
Elles sont tellement discrètes,
presque timides, nos échalotes qu’on
en oublierait presque qu’étant extrêmement proches de l’oignon comme
nous avons pu le voir, elles en ont les
nombreuses qualités. Ainsi, elles sont
stimulantes, diurétiques, pectorales et
antiseptiques. Des essais récents ont
même montré que le disulfure d’allyle-propyle, cette substance qu’elles
contiennent et qui les rend piquantes,
permet d’abaisser le taux de sucre
contenu dans le sang. Une propriété
intéressante pour les diabétiques.
Ci-dessus, Longor, une
amélioration de la variété
‘Longue de Jersey’.
Ci-dessous, ce ne sont pas
des échalotes mais des
« oignons des familles »
qui, exception dans la
famille des oignons,
se multiplient uniquement par leur bulbe à
l’instar des échalotes.
©Graines Baumaux
©Xavier Mathias
partie de l’ordinaire des « Français »
du IXème siècle. Si, de nos jours, elles
ont de moins en moins les honneurs
de notre table, elles furent pour le
moins les égales des oignons au
moyen âge, soumises par exemple
aux statuts des régrattiers (marchands
de détail) au même titre que l’ail et
l’oignon, sous le nom générique d’aigrun.
Si elles correspondaient bien sûr aux
goûts de l’époque, leur succès n’est
sûrement pas sans lien avec leur
viroses, elles restent incontestablement nettement plus faciles à produire que les oignons. Ceci est particulièrement vrai dans les régions à
saison de végétation courte, ou dans
celles où les climats trop humides
posent des problèmes de maladies
cryptogamiques.
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Le légume du mois
Askalonion
C’est de ce mot grec
apparu au IVème siècle av.
J.C que découle
eschaloigne, escharoigne,
et autres vocables à
l’origine de notre échalote.
©Noëlle Derré
Hormis l’obligation de
maintenir un sol propre
durant les premiers mois
de plantation, l’échalote
est d’une culture facile ne
demandant pas beaucoup
d’entretien.
Bref, en légume ou en condiment, les
échalotes permettent de se régaler en
se faisant du bien
Les cultiver
Inutile de s‘éterniser pour aborder un
sujet relatiement simple. Le jardinier
doit essentiellement réunir deux
conditions pour avoir une garantie de
succès : pas de fumure récente ou de
fumier mal décomposé au risque de
provoquer des pourritures en cours
de culture ou de conservation, et surtout pas d’humidité excessive ou stagnante pendant la culture, elles détestent ça. C’est pourquoi, hormis en
terre réellement sableuse et bien
drainée, il est plus que largement
recommandé de les cultiver sur
buttes. Inutiles de remuer des mètres
cubes de terre pour un résultat satisfaisant. Relever le sol ne serait-ce que
de 10 cm suffit. Comme pour
nombre d’alliacées, une famille dont
les membres sont souvent sensibles
aux maladies cryptogamiques, il vaut
toujours mieux avoir tendance à
planter large et espacé, afin de garantir une bonne circulation d’air entre
les plants quand ils seront en pleine
végétation. Les rangs seront donc
espacés de 30 cm, les bulbes juste
enfoncés aux 2/3 à 3 doigts, la pointe
dirigée vers le haut, à 20 cm de distance les uns des autres.
Ensuite, elles se débrouillent toutes
seules, ou presque. A l’instar de n’importe quelles plantes potagères elles
supportent mal la concurrence, il faut
donc veiller à maintenir le sol propre
et régulièrement biné le premier mois
suivant la plantation. Hormis
quelques rares variétés particulières
(‘Longor’ par exemple) qu’un long
stress hydrique au printemps rendra
sensibles à la fusariose ou au sclérotium, elles ne requièrent aucun arrosage particulier. En règle générale
c’est même l’inverse qu’il faut
craindre, et ne pas hésiter à les
déchausser au mois de Juin en cas
de printemps humide.
On les récolte par temps sec aux
mois de juillet et août, quand le
feuillage commence à jaunir, que leur
tunique se « parchemine ». On les
laisse ensuite sécher 2 jours au moins
sur place, avant de les stocker dans
un endroit sec et ventilé. On coupe
en général le feuillage 1 cm au-dessus des bulbes, même si cette opération n’est pas indispensable.
Parfois embêtants
Ils ne sont pas si nombreux que ça,
mais plutôt embêtants quand ils s’y
mettent il faut bien le reconnaître, ces
agresseurs. Nous en avons 2 principaux en magasin :
La mouche de l’oignon
(Hylemya antiqua)
C’est essentiellement au printemps
que la première génération provoque
le plus de dégâts. Les deuxièmes et
troisièmes générations au mois de
juillet et août en causent rarement.
En pénétrant dans les bulbes, les
larves provoquent leur pourrissement
total, rendant la récolte impossible.
Date de plantation
Griselle
Octobre à décembre
De jersey longue
Mi-février à fin avril
Cuisse de poulet
Octobre à décembre
Ronde de hollande
Mars à mi-mai
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Type
Petits bulbes allongés,
très parfumés
Allongé, chair blanc rosée
Tunique cuivrée,
bulbes allongés
à chair rose marbrée
Tunique cuivrée, bulbes
arrondis à chair violette
au parfum plus doux
que les longues
L’échalote,
un condiment ?
Il n’est pas forcément aisé
de définir précisément ce
qu’est un condiment. Si on
s’en tient à la définition du
Larousse, le condiment est
une substance et bien
souvent une association de
substances aromatiques
que l’on ajoute aux
aliments pour les relever.
Dans Le livre des épices,
des condiments et des
aromates, Louis Lagriffe la
définit comme un
condiment, au même titre
entres autres que l’ail,
l’oignon, le cornichon ou la
moutarde. Les échalotes
sont donc bien des plantes
condimentaires, parfois
utilisées comme légume
dans certaines recettes :
échalotes confites, etc.
Conservation
Médiocre : 6 à 7 mois
Excellente
Très bonne
Très bonne
Ces mouches ressemblant à la
mouche domestique sont présentes
en cas de printemps ou de fin d’hiver
humide, la sécheresse détruisant
naturellement les œufs. Il n’y a malheureusement que peu de solutions
en cas d’infestation, les mesures à
prendre sont essentiellement préventives : pratiquer des rotations rigoureuses, éviter les fumiers et amendements frais. En cas d’attaque, il est
indispensable d’arracher et brûler les
plantes atteintes. On peut également,
en cas de saison humide, couvrir préventivement avec un filet antiinsectes de mi-avril à fin mai.
La pourriture de l’oignon
(Botrytis sp)
Confites en tartes ou glacées à la
menthe par exemple, elles sont aussi
capables de tenir le premier rôle dans
une gastronomie audacieuse et
inventive.
Dossier réalisé par Xavier Mathias
Remerciements pour
la fourniture de photos à :
•Ferme de Sainte-Marthe
www.fermedesaintemarthe.com
•Graines Baumaux
www.graines-baumaux.fr
©Xavier Mathias
©Ferme de Sainte Marthe
Ronde de Jersey, à la
saveur douce, à planter
en février/mars.
Sympathique
Quand nous étions enfants
nous faisions, sous la
surveillance des parents
bien sûr, des imitations de
parchemins en écrivant
avec la pulpe d’oignons ou
d’échalotes. La flamme
d’une bougie servant de
révélateur à cette encre
naturelle et sympathique.
La course à l’échalote
Au sens moderne, cette expression signifie une course où tous les moyens
sont bons pour arriver le premier ou pour parvenir à ses fins, avec une
surenchère démesurée de moyens si nécessaire. Son origine, un peu
mystérieuse encore, tiendrait aux formes « fessues » que peut prendre ce
condiment. On se rapproche alors de l’idée de courir « aux fesses » de
quelqu’un, avec des objectifs plus ou moins avouables : le retenir par le fond
de la culotte pour l’empêcher de progresser, voire plus si affinités…
Echalote Jermor,
amélioration de l’échalote
de Jersey, à planter
à l’automne.
C’est en fin de culture ou en cours de
conservation que le champignon qui
a pénétré dans le bulbe en fin d’été,
voire était déjà présent dans les
semences, se développe, provoquant
le pourrissement des bulbes. Encore
une fois, les mesures sont essentiellement préventives : éviter toute blessure mécanique lors de la récolte, ne
surtout pas arroser en fin de saison,
bien laisser sécher les bulbes avant
de les entreposer, et brûler les plants
atteints.
©Ferme de Sainte Marthe
Terminons malgré tout sur une note
optimiste en rappelant une nouvelle
fois que les échalotes sont avant tout
une belle occasion de se faire plaisir
tout simplement. Superbes dans leurs
tuniques grises ou cuivrées, elles sont
un des indispensables condiments
dont la présence honore toute cuisine. Cela dit, ne les cantonnons pas
à ce rôle clé mais néanmoins subalterne de substance aromatique.
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