Revue Œnologie 198 - Union des oenologues de France

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Revue Œnologie 198 - Union des oenologues de France
DOSSIER “DES CLÉS POUR CHOISIR SES BOUCHONS”
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Les bonnes pratiques du conditionnement
des vins tranquilles
NICOLINI Bénédicte, BOUDOU F.
I.C.V. La Jasse de Maurin, 34970 Lattes.
Le conditionnement a pour objectif de remplir les conditions
techniques suivantes :
• assurer l'étanchéité du produit
• permettre la conservation des caractéristiques intrinsèques
du produit (adéquation des caractéristiques techniques des
matières sèches aux contraintes techniques des vins) sans
les modifier (inertie organoleptique des emballages).
Pour bien répondre à cet objectif, le simple choix du bouchon
est insuffisant. C'est toute la chaîne de conditionnement
qui doit être réfléchie :
• la planification des mises en bouteilles
• l'approvisionnement en matières sèches (qualité et délai)
• les conditions de stockage des matières sèches, des vins et
des produits finis
• les conditions de bouchage
• les bonnes pratiques d'hygiène des locaux et matériels de
vinification et conditionnement.
Nous développons, ici, essentiellement la partie “étanchéité
des bouteilles” ; les données relatives au plan de contrôle
des matières sèches et à la prévention des goûts de moisi
faisant l'objet d'articles séparés.
1
Origine des bouteilles couleuses
Depuis près de 10 ans, Le département Etudes et Contrôles du
Bouchage de l’I.C.V. est régulièrement amené à conduire des
expertises sur lots de bouteilles couleuses. Une étude statistique
des expertises réalisées sur une période de 12 mois a permis de
mettre en évidence la part de responsabilité des différents
facteurs conditionnant la qualité du bouchage, c'est-à-dire les
bouchons, les bouteilles et les conditions de bouchage (figure1).
Autres 21 %
Bouteilles 10 %
Conditions
de bouchage 55 %
Bouchons 14 %
Figure 1- Origines des bouteilles couleuses
Ainsi dans 55 % des cas, les fuites des bouteilles trouvent leur
origine dans des conditions de bouchage défectueuses.
Pour les autres cas, des défauts de matières sèches expliquent en
partie les causes de fuites : des profils de cols de bouteilles
défectueux (10 % des cas) et des défauts de bouchons (14 %).
Mais ces manques sont souvent couplés à des conditions de
bouchage très perfectibles.
Enfin, dans 21 % des cas (portion “autres”), le manque de
traçabilité et d'échantillons qui ne présentent pas de fuites,
témoins des conditions de mise, ne permet pas d’identifier
l’origine du problème. Dans ces cas, la cause des bouteilles
couleuses présente alors une forte probabilité de se répéter.
Deux enseignements importants ressortent de cette étude :
• la mise en place d'actions préventives (contrôles de chaînes,
formation des opérateurs) sur lesquelles nous avons déjà
beaucoup travaillé, ont une efficacité sur 80 % des causes de
couleuses,
• la mise en place d’éléments de traçabilité permet d’identifier
systématiquement les causes et d’éviter leur répétition.
Afin d'assurer l'étanchéité des bouteilles, plusieurs pré-requis
essentiels sont à valider :
2
Un bouchon adapté aux caractéristiques
techniques du produit
Le temps de rotation du vin, le mode de transport des produits
pour livraison, le circuit de commercialisation et les conditions de
stockage, la teneur en CO2 (vin blanc), le niveau de remplissage
des bouteilles, le modèle de bouteille, sont autant d'éléments à
prendre en compte pour permettre de choisir un bouchon
techniquement adapté aux contraintes techniques des produits.
Par exemple, seuls certains traitements de surface des
bouchons, permettent de répondre à des conservations de
moyenne et longue garde même si l'on choisit des bouchons
de qualité visuelle élevée. Nous rappelons à ce titre qu'il n'existe
pas de corrélation entre la qualité visuelle d'un bouchon et ses
performances mécaniques puisque celles-ci (notamment
l'étanchéité) dépendent des traitements supplémentaires
effectués par les bouchonniers.
Le bouchon doit en outre être adapté à la bouteille car la
profondeur d’enfoncement du bouchon a une incidence directe
sur la qualité de l’étanchéité du couple bouchon/bouteille. Cette
notion est importante à prendre en considération au moment
du choix des dimensions des matières sèches.
En effet, les profils de col de bouteilles sont normés sur les
45 mm supérieurs du goulot, en deçà, le profil de col s’évase.
Une utilisation d’un bouchon de 49 mm de long sur une
bouteille autre que la bordelaise tradition, aura alors tendance à
favoriser des phénomènes de capillarité.
Le film liquide emprisonné entre le verre et le liège finira par
imbiber le bouchon. Les propriétés élastiques du liège déclineront, favorisant un peu plus le passage du vin entre le verre et le
bouchon.
Tout phénomène conduisant à une humidification du col avant
bouchage, tel que l’eau de rinçage des bouteilles, la turbulence
du vin (mousse), les à-coups du convoyeur de bouteilles, l’eau
de condensation des bouteilles stockées au soleil, le niveau de
remplissage trop élevé, la correction du niveau par réaspiration,
permettra d’initier des phénomènes de capillarité et devra donc
être évité.
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Des matières sèches sans défauts majeurs
Les matières sèches ne doivent pas présenter de défauts majeurs
provenant de la matière première ou d’anomalies de fabrication
Revue Française d’Œnologie - janvier/février 2003 - N° 198
tels que des crevasses, des fentes supérieures à 50 % de la
longueur, des trous de fourmis trop importants ou atteignant un
des bouts, des croûtes importantes, ...
Ces caractéristiques peuvent être détectées par un contrôle
visuel des bouchons lors de leur réception.
Quelques modèles de contrôles actuellement pratiqués
Selon que l'on soit acheteur, embouteilleur ou distributeur les
contrôles faits sur les lots de bouchons seront différents. Le choix
du type de contrôle sera à corréler avec le type et le prix des
fournitures.
compression trop lente ou trop rapide (comme cela arrive
lorsque les boucheuses sont au maximum de leur cadence)
pourra faire éclater les parois cellulaires du liège et entraîner des
pertes de ses propriétés de retour élastique.
Des réglages et entretiens insuffisants de la boucheuse pourront
également induire des détériorations des bouchons propres à diminuer l’étanchéité des bouteilles, comme c’est le cas lorsque
par exemple les mors ne sont plus jointifs.
Ainsi la mise en place du bouchon (figure 3) se fera après une
vérification de l’usure des mors. Les réglages des mâchoires et
de la boucheuse seront régulièrement inspectés.
• Le contrôle d'aptitude au bouchage :
par agréage : une portion du lot fabriqué est envoyée à une
tierce partie, un laboratoire indépendant détaché de toute
unité de production. Celui-ci réalise les contrôles visuels,
mécaniques, chimiques et organoleptiques pré-définis et
détermine la conformité par rapport au cahier des charges
du client avant livraison.
Ce même contrôle peut être effectué à réception des matières
sèches.
• Le contrôle de livraison : on s’assure que la quantité et la qualité livrée correspondent à la commande. Ce contrôle permet
de s’assurer de la conformité de la commande mais pas de
l’aptitude au bouchage des fournitures ni de leur intégrité
organoleptique.
Mise en place du bouchon
Enfoncement rapide
Vérification de l'usure
des machoires
du compresseur
Les contrôles visuels, l’analyse sensorielle ainsi que certains tests
mécaniques sur des lots de bouchons prêts à l’emploi, sont
indispensables pour se préserver des défauts principaux de nonconservation des vins (bouteilles couleuses, goûts de bouchons).
La fréquence de contrôle et les paramètres choisis dépendront
du risque calculé pris par la société (qui tiendra compte du prix
des vins et des matières sèches) et des causes de non-qualité
déjà rencontrées.
Au-delà des qualités des bouchons, un bouchage réussi repose
aussi sur des conditions d’embouteillage maîtrisées (réglage des
machines, procédures de mise en œuvre, traçabilité...). C’est
pourquoi, il est nécessaire de développer, parallèlement aux
contrôles des bouchons, des actions préventives visant à mettre
en place de véritables démarches Qualité Bouchage.
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Un local de stockage adapté
Les conditions de stockage sont importantes afin de conserver
aux bouchons leur qualité élastique. Ainsi pour une utilisation
optimum, les bouchons doivent avoir un taux d’humidité de 4 à
8 %. Pour ce faire, ils doivent être stockés dans un local séparé
de celui de l’embouteillage et de la production (figure 2) à une
température de 15-25°C et à une humidité relative ambiante de
40 à 65 %. Des conditions trop chaudes ou trop froides pourront les rendre plus secs et donc plus cassants à la compression.
Compression lente
Compression à 15,5+- 0,5 mm
Figure 3- Ces données correspondent à un bouchon de diamètre 24 mm
et de longueur 44 mm destiné à un goulot de 18,5 ± 0,5 mm
de diamètre
La compression du bouchon sera lente à un diamètre de 15,5 à
16 mm et sera suivie d’un enfoncement rapide vertical et centré
par une broche d’enfoncement de 14 mm de diamètre. Les cadences de bouchage recommandées par les fabricants de boucheuses et les bouchonniers sont les suivantes (tableau 1).
Tableau 1- Cadences de bouchage recommandées par les fabricants de
boucheuses (extrait de Les Guides de l’Embouteillage de
l’INE, guide n°1)
Cadence par tête et par heure
Stockage du bouchon
Maxi
Recommandée
Mini
Monotête
3000 bt/h
2500 bt/h
800 bt/h
Multitêtes
1500 bt/h
1250 bt/h
800 bt/h
Température 15-25°C
humidité relative ambiante : 40 à 65 %
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Mon délai d'utilisation est de 3 mois
après réception
Des conditions ambiantes stables
Les températures du vin à la mise en bouteille, du local de conditionnement et du local de stockage des produits finis, doivent être
proches ; des écarts importants peuvent favoriser la génération
de pression interne résiduelle même si la mise sous vide du
bouchage et ses contrôles associés ont été satisfaisants.
(ICV-DECB)
Figure 2- Certaines précautions de stockage sont nécessaires à la
conservation des propriétés élastiques des bouchons
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Des machines entretenues
Les propriétés élastiques des bouchons peuvent être altérées et
des défauts engendrés lors de la mise en place du bouchon : une
La pression interne dans la bouteille constitue un facteur amplifiant les phénomènes de capillarité qui conduisent à l’apparition
d’une couleuse. Ainsi tout élément contribuant à accroître
la pression interne dans la bouteille favorisera la formation
de couleuses :
• un système de remplissage sous vide défectueux,
• une mise en bouteille sous azote (à proscrire),
Revue Française d’Œnologie - janvier/février 2003 - N° 198
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• un niveau de remplissage trop élevé conjugué à des élévations
de température ultérieures,
• une teneur en CO2 du vin supérieure à 1200 mg/l.
• le respect des niveaux de centilisation avec une réglette (avec
réajustement du niveau en fonction de la température du vin
à l’embouteillage),
• le respect du niveau d’enfoncement des bouchons,
7
Formation des opérateurs : contrôles et
traçabilité
Afin d’éviter l’apparition de couleuses, il conviendra :
• de préparer sa mise en bouteille à l’avance (en définissant des
matières sèches adaptées et en permettant des délais d'approvisionnement et de contrôles),
• de préparer correctement son matériel d’embouteillage et de
respecter les cadences de bouchage,
• de s’assurer de l’exactitude des réglages au cours de son embouteillage par des contrôles simples réalisables au quotidien,
• et de relever les informations essentielles de la mise : date,
température du vin, température ambiante, température de
stockage (matières sèches et produits finis), niveau de remplissage, teneur en CO2 du vin, types de matières sèches utilisées,
résultats des contrôles effectués, nombre de cols embouteillés.
Le vin ne devra pas dépasser une teneur de 1200 mg/l de CO2.
Cette dernière valeur est un maximum théorique qui doit être
évité en pratique. En effet, un vin à 900 mg/l peut déjà présenter quelques difficultés de bouchage.
La mise se fera préférentiellement sous vide.
Des contrôles simples seront réalisés (figure 4) au début et en
cours de mise en bouteille afin de vérifier :
• l’efficacité de la mise sous vide à l’aphromètre ; les valeurs
admises sont comprises entre - 0,3 bars à + 0,3 bars,
• l’état des bouchons par un contrôle visuel (après débouchage
de quelques bouteilles).
L'efficacité de ces gestes quotidiens dépend beaucoup de la
formation régulière et de la sensibilisation des opérateurs de
chaîne. Nous constatons régulièrement, lors des diagnostics
de site de conditionnement, un manque d'autonomie des
opérateurs qui connaissent les contrôles mais ne maîtrisent pas
les paramètres influant sur l'étanchéité des bouteilles. Ainsi, des
erreurs pourraient être détectées avant même le conditionnement ou en cours de conditionnement des produits.
Ces quelques gestes quotidiens doivent contribuer à réduire de
façon significative les origines des bouteilles couleuses puisque
les différentes préconisations concernent 100 % des causes de
fuites des bouteilles.
BIBLIOGRAPHIE
1992. Les guides de l'embouteillage, Guide n°1 : le bouchage
des vins tranquilles sur bague plate unique NF H35-100. DOC
INE 90/031.
1998. Charte des Bouchonniers-Liégeurs, Quatrième édition,
(F.F.S.L.).
Formations “Fabrication, choix et maîtrise des approvisionnements en bouchons”, “Le conditionnement des vins tranquilles :
maîtrise des procédés”, dispensées par le Département Etudes et
Contrôles du Bouchage.
E N
R É S U M É
…
Pression interne nulle
-1
0
Bouchon intact,
à ras et centré
1
Respect
du niveau
de centilisation
2
3
Volume de dégarni
supérieur à 10 mm
4
5
max.
1200 mg/l
en CO2
Tempé
et maîtris
î ée
Le conditionnement a pour objectif d'assurer
l'étanchéité du produit et de permettre la conservation
des caractéristiques intrinsèques du produit
(adéquation des caractéristiques techniques
des matières sèches aux contraintes techniques des vins)
sans les modifier.
Une étude statistique des expertises réalisées
sur une période de 12 mois, par I.C.V.,
a permis de mettre en évidence la part de responsabilité
des différents facteurs conditionnant l'étanchéité
du bouchage. La mise en place d'actions préventives
(contrôles de chaînes, formation des opérateurs)
et d’éléments de traçabilité
permet d’identifier systématiquement les causes
et d’éviter leur répétition.
Nous exposons, ici, les différentes modalités requises :
les caractéristiques techniques du vin, les matières,
le local de stockage, l'entretien des machines,
les conditions ambiantes
et la formation des opérateurs.
Mots-clés : conditionnement, bouchage, liège,
bonnes pratiques.
Figure 4- Précautions de bouchage
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