economie des dispositifs de lutte contre le
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ECONOMIE DES DISPOSITIFS DE LUTTE CONTRE LE TELECHARGEMENT ILLEGAL Mission confiée à Jacques Bille Rapporteur : Ludovic Doglione Mai 2012 1| CHAPITRE LIMINAIRE : L’ARTICULATION DU RAPPORT .......................... 4 2| CHAPITRE I LE SYSTEME FRANÇAIS .......................................................... 5 2-1 Les fonds publics : .................................................................................................................... 5 2-2 Les budgets privés : .................................................................................................................. 7 2-3 Premiers éléments d’une analyse de l’efficacité des mesures de lutte contre le téléchargement illégal ......................................................................................................................... 14 3| CHAPITRE II ELEMENTS SUR L’ETAT MONDIAL DES MODELES DE LUTTE CONTRE LE TELECHARGEMENT ILLEGAL ............................................ 16 3-1 Les Etats-Unis .......................................................................................................................... 16 3-2 La Corée du Sud ...................................................................................................................... 19 3-3 L’Allemagne ............................................................................................................................. 20 3-4 Le Royaume Uni....................................................................................................................... 21 3-5 L’Espagne ................................................................................................................................. 23 4| CHAPITRE III : TABLEAUX DE SYNTHESE................................................. 25 CONCLUSIONS ....................................................................................................... 30 2 Contexte du chantier Le présent rapport, décidé par les membres du collège de la Hadopi en octobre 2011 a pour objet une évaluation, en France et à l’étranger, du coût effectif total que représente la lutte contre le téléchargement illégal. A ce stade, il n’existe en effet pas véritablement de recensement des dépenses – publiques et privées – engagées, dans chaque pays, y compris en France, pour lutter contre les effets des téléchargements illégaux depuis Internet. Il s’agit d’essayer de rassembler les informations économiques et financières qui recouvrent pour l’essentiel : d’une part, les efforts entrepris au travers de fonds publics, budgétaires notamment, pour mettre en place des instruments ou institutions en charge de la lutte contre les téléchargements illégaux. d’autre part, les actions privées entreprises par les principaux acteurs concernés : producteurs, distributeurs, société d’ayants droit etc. ainsi que les opérateurs de télécommunication et fournisseurs d’accès internet. Ces actions peuvent revêtir diverses formes qui, toutes, impliquent un coût (procédures, logiciels, coût humain des personnels affectés etc.) Introduction Les actions visant à combattre le téléchargement illégal se sont multipliées à travers le monde. Mais le coût de ces actions, les montants investis par la puissance publique comme par le secteur privé dans la lutte contre ces pratiques demeurent mal connus et n’ont pas, jusqu’ici, véritablement fait l’objet d’une évaluation globale. Des études antérieures ont été réalisées afin de déterminer les contours du secteur créatif, les manques à gagner liés aux infractions au droit d’auteur ou bien encore les pertes d’emploi consécutives à ce phénomène, mais aucune ne semble s’être portée sur les coûts directs (ou directement induits) de la lutte contre la reproduction et la diffusion de contenus illégaux au regard du droit de la propriété littéraire et artistique sur internet. Ce rapport ne prend en compte que les coûts de la lutte contre le téléchargement illicite dans le cadre des dispositions légales en vigueur. Méthodologie Les chiffres produits concernent l’année 2011. Le présent rapport s’appuie tant sur des études et travaux antérieurs que sur les déclarations directement recueillies auprès des institutions publiques, sociétés privées et des établissements mixtes. Les données publiques institutionnelles nous ont été communiquées par les instances publiques concernées par cette étude1. Les données privées à caractère national ont été recueillies principalement auprès des sociétés de perception et de répartition des droits (SPRD) et de leurs plateformes à compétences spécifiques, des syndicats professionnels de l’industrie culturelle, des firmes de production et de diffusion des œuvres (les « majors ») ainsi que des sociétés privées en lien avec notre problématique. Certaines déductions ont pu être faites à partir des éléments de bilans que nous avions à notre disposition. Par ailleurs, certains chiffres issus des déclarations officielles de ces structures ont également été intégrés. 1 Ce rapport ne prend pas en compte les frais exposés par la justice. 3 Les données internationales proviennent d’une enquête menée grâce au concours de notre réseau diplomatique et économique, sollicité à cet effet, mais aussi des gouvernements euxmêmes ou d’articles internationaux de presse confirmés par les autorités compétentes. Certaines SPRD étrangères ont pu être également sollicitées à des fins de recoupement. En l’absence de données pour l’année 2011, certains chiffres peuvent concerner 2010. Enfin, cette étude intègre également les travaux de recherche conduits ou parrainés par les pays membres d’organisations européennes ou internationales. 1 | Chapitre liminaire : l’articulation du rapport Le rapport évoque d’abord les moyens de lutte mis en œuvre en France en évaluant leurs conséquences financières tant au niveau des fonds publics que des budgets privés, ces éléments pourront ultérieurement alimenter les analyses visant à apprécier l’efficience et l’efficacité de ces mesures. Il présente ensuite les principaux modèles en application dans le monde et dont les budgets sont suffisamment significatifs pour être intégrés à cette étude. Concernant les budgets privés, pour disposer d’une analyse globale, tout en évitant d’identifier des actions dont la confidentialité demeure essentielle, il a été choisi de présenter les coûts des dispositifs de lutte contre le téléchargement illégal ventilés en cinq catégories : (NB : Chacune de ces catégories intègre les coûts de personnel dédié ainsi que les frais fixes.) Coûts liés aux dépenses juridiques (honoraires, procédures judiciaires de lutte contre le téléchargement, référés, référé-contrefaçon, actions au fond civiles et pénales, actions en cessation, actions en contrefaçon, auxiliaires de justice, personnel rattaché à un département juridique au sein de la structure, agents assermentés habilités à dresser des constats). Détection des contrefaçons et participation à la mise en œuvre de la réponse graduée par la saisine de la Hadopi, à l’égard des titulaires d’abonnements à partir desquels ont été constatés des faits de contrefaçon (collecte des IP, surveillance internet, frais de personnel correspondant aux agents assermentés saisissant la Hadopi). Mise en œuvre des mécanismes de déréférencement auprès des hébergeurs de sites (constatations des faits par les agents assermentés des ayants droit, suppression des liens, mise en quarantaine des contenus). Actions de sensibilisation (communication, manifestations). Mesures techniques de repérage et d’accès à l’œuvre (DRM, gestion des droits numériques, le traçage, le tatouage…,). Ce poste, très délicat à évaluer (cf. Inf.), est essentiel et peut représenter une proportion importante des coûts totaux engagés. Il fera l’objet d’un chapitre particulier. 4 2 | Chapitre I Le système français On distinguera les fonds publics des budgets privés. 2-1 Les fonds publics : a) Le budget de la Hadopi consacré à la lutte contre le téléchargement illégal: On rappellera ici que l’article L.331-13 du code de la propriété intellectuelle investit la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI) de trois missions essentielles dont une porte, par la procédure de réponse graduée, sur la protection des œuvres et objets à l’égard des atteintes à ces droits commises sur les réseaux de communication au public en ligne. La loi de finances 2010 a accordé une subvention à la Hadopi de 12 000 000 d’euros consacrant un budget global à la Hadopi de 11 400 000 euros pour 20112, après l’application d’un gel des dépenses par le ministère de la culture et de la communication (MCC) lequel a prévu un quantum de 11 000 000 euros pour 20123 (par un probable gel des dépenses de 6%). Si l’on ne prend en compte au sein de l’activité de la Haute Autorité que les dépenses relatives à la lutte contre le téléchargement illégal stricto sensu, on retiendra les éléments budgétaires concernant la Direction de la protection des droits et on valorisera dans les services communs, la part consacrée à cette mission. On parvient ainsi à un montant de 6 737 074 euros pour 2012 et de 6 726 000 euros pour 2011 (plus de détail en annexe A) b) La contribution du Centre National du Cinéma et de l’image animée: Au nom du ministère de la culture et de la communication, le CNC a attribué une subvention en 2011 de 483 000 euros à l’Association de Lutte contre la Piraterie Audiovisuelle (ALPA) dont il est membre. c) Actions publiques de promotion de l’offre légale et de sensibilisation : On peut débattre du point de savoir si les actions de promotion de l’offre légale sont à considérer comme relevant de la lutte contre le téléchargement illégal dont elles seraient le « volet positif » - et donc si les coûts liés à ces actions doivent être inclus. A l’évidence, il serait exagéré de raisonner ainsi pour toutes les actions entreprises par le ministère de la Culture et de la Communication. En revanche, il paraîtrait étroit de ne pas retenir le volet promotionnel mis en place par le ministère après la loi Hadopi, notamment au travers de l’initiative de la « carte musique jeunes ». Le ministère de la culture et de la communication a 2 Avec 4,2% des 260 M€ affectés aux différentes autorités administratives indépendantes (une quinzaine environ), la dotation de la Hadopi la place en 9e position parmi ses pairs, derrière les 58 M€ de l'Autorité de Sureté Nucléaire, le CSA (38 M€), le Défenseur des Droits (30 M€) ou encore l'ARCEP (23 M€), l'Autorité de la Concurrence (20,5 M€), la CNIL (17 M€) et à peu près au même niveau que l'ARJEL (11,5 M€). 3 Soit un budget en baisse de 3,5% pour un effectif de 71 salariés 5 ainsi dégagé un budget de 25 millions d’euros par an et sur trois ans pour la création et la commercialisation de la « carte musique jeunes » créée dans le but de promouvoir le téléchargement légal. La première année (2010), seuls 5 millions ont été dépensés. L'Assemblée nationale, dans un objectif d’économie budgétaire, a décidé de diminuer les crédits de 10,9 millions ramenant ainsi le budget pour la première année à 14,1 millions dans le cadre de la loi de finances. Dans le prolongement de ce raisonnement, on peut tout aussi bien prendre en compte le budget affecté à la mission de développement de l’offre légale de la Hadopi dont les actions « incitatives », en dehors de la réponse graduée, concourent à la promotion de l’offre légale. On obtient ainsi un budget de 1 938 000 euros consacré aux actions de promotion de l’offre légale4. Enfin, on peut aussi imaginer de prendre en compte l’ensemble des autres missions de la Haute autorité, ce qui revient à considérer le budget de la Hadopi dans sa totalité à savoir 11 400 000 euros. Le ministère de la culture et de la communication a par ailleurs attribué une subvention de 65 000 euros à l’association Calysto pour son action de sensibilisation auprès du jeune public (collèges et lycées). Synthèse des coûts publics en France en 2011 Réponse graduée Hadopi 6 726 000 euros et budget Hadopi promotion de l’offre légale 1 938 000 euros Ou Budget total de la Hadopi 11 400 000 euros CNC/Subvention ALPA 483 000 euros Carte musique jeunes 14 100 000 euros MCC/ Subvention Calysto 65 000 euros TOTAL : entre 23 312 000 et 26 048 000 euros 4 Soit 17% du budget global de la Hadopi. 6 2-2 2-2-1 Les budgets privés : LES FRAIS DES FOURNISSEURS D’ACCES A INTERNET (FAI) Ces frais portent sur deux aspects : l’identification des adresses IP d’une part, les sanctions (non encore intervenues à ce jour) prononcées par la justice (suspension d’accès) d’autre part. Le coût de l’identification des adresses IP implique la prise en compte des frais globaux engagés. Il n’est pas traité ici de l’éventuelle répartition ultérieure de ces frais entre secteur privé (fournisseurs d’accès à Internet –FAI-) et puissance publique, ce qui est un élément qui n’intervient qu’en deuxième ressort et n’a pas d’effet sur l’enveloppe globale estimée. En revanche, cette estimation de l’enveloppe fait, on va le voir, l’objet de calculs divergents. Par ailleurs, ces différents calculs n’ont pas fait l’objet de débats contradictoires et de vérification ; ils constituent des hypothèses, parmi d’autres, basées sur les seules déclarations des FAI et pouvant servir de base à une discussion entre pouvoirs publics et FAI sur le cout réel supporté par les FAI. Les coûts d’ensemble comportent des frais initiaux d’investissement dans les systèmes d’information pour répondre à la mission nouvelle. Il faut ensuite ajouter le coût des identifications des adresses IP. A ce stade, les FAI ont adressé des factures qui se basent sur un coût par adresse IP qui varie largement d’un opérateur à l’autre. Le coût moyen total estimé par les FAI est de l’ordre de 0,065 euros H.T.par IP représentant un montant global de factures (de frais de fonctionnement et d’investissement) pour l’année 2011 de 2 600 000 euros. De son côté les services de la Hadopi ont évalué, pour le ministère de la Culture et de la communication (CC), la dépense annuelle correspondant aux investissements initiaux, d’une part, et aux frais de fonctionnement, d’autre part. Ainsi, sur la base des montants d’investissements déclarés par les FAI qui se montent à 2 425 000 euros5, une évaluation en dépense annuelle, et en fonction d’un amortissement sur 5 ans, conduit à un montant annuel de 485 000 euros. S’agissant des frais de fonctionnement, les services de la Hadopi ont retenu une base de calcul fondée sur un coût unitaire moyen de 0,0335 euros T.T.C., aboutissant en année pleine à un cumul de 789 000 euros. L’addition des frais d’investissement et de fonctionnement aboutit donc à un coût annuel en année pleine de 485+789= 1 274 000 euros selon l’estimation faite par les services de la Hadopi pour le MCC. L’estimation totale se situe donc dans une « fourchette » de 1,274 à 2,6 millions d’euros. Une fois encore, cette évaluation est indépendante du partage - dont ni le principe ni les modalités ne sont à ce jour arrêtés -, entre les frais qui incombent aux FAI et la part qui pourrait être éventuellement supportée par la puissance publique. Aucune peine complémentaire de suspension d’accès à internet n’ayant à ce jour été prononcée, il n’y a pas d’expérience concrète de cette phase. On constate même que tous les FAI n’ont pas encore mis en place de dispositif spécifique à la suspension des accès à internet et que donc, une mesure de leur coût demeure encore délicate. Un travail d’évaluation a cependant été 5 Ce montant n’intègre pas les coûts d’un opérateur sur les cinq principaux qui n’a pas communiqué de chiffrage. 7 entrepris. Il devra faire l’objet de vérifications et de validation. Toutefois, la grande majorité des opérateurs ont déclaré un coût, hors frais de personnel dédié, pratiquement nul dans la mesure où l’application de la loi Hadopi sur ce point n’entraînerait qu’un coût marginal restreint et de telles mesures de suspension d’accès à Internet existent déjà (pour non paiement des abonnements). Seul un opérateur a déclaré avoir des problèmes techniques en pareil cas et concernant moins de 5% de ses clients non dégroupés totalement, entraînant dans ce cas un éventuel surcoût 6- S’agissant des coûts de personnel, le montant ne devrait pas dépasser 1 heure pour un juriste par dossier et dans un volume inférieur à 10 dossiers par mois ce qui, selon les prévisions devrait être le cas. 2-2-2 En dehors de la mission de réponse graduée confiée à la Hadopi il convient de prendre aussi en compte les frais induits par les mesures de blocage de site qui pourraient être prononcés dans le cadre d’une décision de justice. Au regard du très faible nombre des procédures de ce type par an, on peut estimer un coût marginal très restreint compte tenu de l’existence de ce mécanisme déjà mis en œuvre pour d’autres obligations légales présentes et à venir (blocage des sites pédo-pornographiques, demandes ARJEL). La grande majorité des opérateurs déclarent donc un coût proche de zéro, hors frais de personnel, à condition que la méthode choisie soit celle du blocage par DNS. LES BUDGETS PRIVES DES AYANTS DROIT On notera, en préalable, que l’ensemble des sous rubriques thématiques intègre les coûts de personnel ainsi que de frais fixes (locaux, fournitures etc.). Les dépenses de personnel varient selon les cas. Certaines structures disposent d’une cellule anti-téléchargement illégal spécifiquement dédiée avec un nombre d’agents assermentés pouvant aller jusqu’à 9 personnes. D’autres auront fait le choix de déléguer ces actions à d’autres structures de protection des droits. On rappellera aussi que, conformément à l’article L. 331-2 du Code de la Propriété Intellectuelle (CPI), outre les officiers ou agents de police judiciaire, la preuve de la matérialité de toute infraction en matière de propriété littéraire et artistique peut résulter des constatations d’agents assermentés désignés selon les cas par le CNC, par les organismes de défense professionnelle et par les SPRD. Ces agents sont agréés par le ministre chargé de la culture. Le nombre moyen d’agents assermentés par société de perception et de répartition des droits est de 3 pour les structures ayant fait le choix d’en avoir. Leur total représente 21 personnes. La majorité des structures interrogées déclare qu’aux coûts directs de personnel spécialement dédié à la contrefaçon sur Internet il convient d’ajouter en moyenne 20% environ des salaires des dirigeants ainsi que des responsables juridiques qui restent mobilisés sur cette problématique, ce qui a été opéré dans le cadre des déclarations fournies par les SPRD. Les coûts de personnel des agents assermentés ne concernent que les deux premières sous rubriques (juridique et identification). 6 Pour les abonnés non dégroupés, un partenariat avec l’opérateur historique reste à prévoir à charge pour ce dernier de réduire considérablement le débit du réseau rendant ainsi la navigation sur Internet quasi impossible. Par ailleurs, en cas de découplage impossible avec le service de téléphone fixe, une prestation de téléphonie mobile compensatoire reste envisageable (notamment, par exemple, dans le cadre d’un forfait à 2 euros). 8 1. Coûts liés aux dépenses juridiques (honoraires, procédures judiciaires de lutte contre le téléchargement illégal, référés, référé-contrefaçon, actions au fond civiles et pénales, actions en cessation, actions en contrefaçon, auxiliaires de justice, personnel rattaché à un département juridique au sein de la structure, agents assermentés habilités à dresser des constats). Les actions judiciaires sont de deux ordres. Les unes concernent le contentieux de la contrefaçon commerciale, c’est-à-dire tourné vers ceux qui mettent à disposition des contenus protégés et qui en tirent souvent profit. Les secondes s’attaquent aux modes de diffusion de contenus protégés échappant au dispositif de la Hadopi, c’est-à-dire le « direct download »(DDL) et le « streaming » afin de faire cesser le préjudice. Ainsi, la demande peut être fondée sur le délit de contrefaçon7 ou sur l’article L.336-2 du code de propriété intellectuelle relatif aux actions en cessation. Les dossiers juridiques s’appuient sur les constatations des agents assermentés. Le montant global pour ce poste est de 1 579 795 (*) euros et représente 30 % des coûts privés hors mesures techniques de protection et de distribution des droits. (N.B.) Un organisme professionnel dont le secteur n’est, à ce jour, pas couvert par l’activité de la Hadopi, indique avoir dépensé un montant de 1 million d’euros annuel en actions juridiques de toutes sortes. Il souhaite modifier son approche et agir au travers de la réponse graduée de la Hadopi. A cet effet, il a entrepris de recourir aux prestations de la société TMG (indépendantes de celles fournies par l’ALPA), de déclarer ses fichiers à la CNIL et de demander à la Hadopi d’intégrer son secteur dans l’activité de la réponse graduée. Les coûts assumés ne seront plus à comptabiliser dans le domaine juridique mais dans le domaine suivant, celui de la mise en œuvre de la réponse graduée. 2. Détection des contrefaçons et participation à la mise en œuvre de la réponse graduée par la saisine de la Hadopi, (collecte des IP, surveillance internet, frais de personnel correspondant aux agents assermentés saisissant la Hadopi). On sait que les ayants droit ont mis en place un système de traitement qui permet de constater les faits de mise à disposition de fichiers contrefaisant sur les réseaux pair à pair et de collecter les adresses IP à partir desquelles ces faits ont été commis et qui repose sur l’empreinte unique d’une œuvre. Ces empreintes sont alors transmises par un prestataire (Kantar) à TMG8, prestataire des SPRD. Il convient de préciser que les constats sont ensuite validés par les agents assermentés des ayants droit qui saisissent la Commission de protection des droits de la Hadopi. Outre les coûts de personnel et d’agents assermentés qui interviennent à ce stade, deux postes de dépenses externes viennent s’ajouter (ces coûts de personnel ont été mis à part car selon les structures ils sont très différents) : 7 Article L.335-2 et suivants du CPI 8 On sait que les SPRD définissent une liste de références sur lesquelles les constats porteront. Le prestataire (la société TMG -Trident Media Guard) calcule pour chaque titre une empreinte musicale unique, qui permettra d’identifier les fichiers illicites partagés identiques aux titres originaux. Chaque jour, TMG collecte auprès des utilisateurs les fichiers illicites identifiés et enregistre l’adresse IP du titulaire de l’accès qui a mis à disposition l’œuvre contrefaisante. 9 L’empreinte numérique de l’œuvre (en moyenne, moins de 7% des dépenses de la rubrique hors frais de personnel) Les constatations et la collecte d’IP (en moyenne, 93% des dépenses de la rubrique hors frais de personnel) A ce stade, les SPRD passent par des sociétés spécialisées dans le contrôle d’échange entre utilisateurs d’internet (P2P) et de la protection des droits d’auteur. Les SPRD ont choisi la société TMG comme opérateur en ce domaine. Le montant global pour ce poste (frais de personnel inclus) est de 2 951 610 euros et représente 55% des coûts privés hors mesures techniques de protection des droits. 3. Mise en œuvre des mécanismes de déréférencement auprès des hébergeurs de sites (constatations des faits par les agents assermentés des ayants droit, suppression des liens, mise en quarantaine des contenus, frais fixes) Le régime de responsabilité des intermédiaires techniques et, notamment, des hébergeurs a été mis en place par la loi sur la confiance dans l’économie numérique (LCEN) du 21 juin 2004 qui a transposé la directive européenne du 8 juin 2000 n°2000/31 sur le commerce électronique. Cette loi dispose dans son article 6, I, 2, que la responsabilité des hébergeurs ne peut être engagée que lorsqu’ils ont eu connaissance de contenus litigieux ou illicites sur les sites qu’ils hébergent et qu’ils n’ont pas été diligents pour supprimer les contenus signalés comme tels. 9 Des sociétés commerciales proposent une surveillance des contenus et un envoi automatisé de demande de retrait de contenu auprès des hébergeurs de sites. Les SPRD ont choisi les sociétés LeakID et TMG comme opérateurs principaux en ce domaine. Le montant global pour ce poste est de 556 558 euros et représente 10% des coûts privés hors mesures techniques de protection des droits. 4. Actions de sensibilisation (communication, manifestations, frais fixes) Ces actions peuvent paraître générales et ne recouvrir que partiellement le sujet de la lutte contre le téléchargement illégal. Elles doivent cependant être ici prises en compte à leur juste mesure. Il a été demandé à nos interlocuteurs de ne retenir que les dépenses rattachées – fût-ce indirectement – à cet objectif. Elles sont de deux ordres. Les premières visent à sensibiliser l’opinion publique et à encourager les pratiques légales (comme par exemple pour la musique lors du MIDEM). Les secondes visent à mener des actions de lobbying auprès des politiques et des institutions décisionnaires. On peut néanmoins penser que c’est là une vision minimale puisqu’une part importante des actions de communication 9 Cette obligation de retrait correspond à la version « assouplie » du principe américain du « Notice & Take down », selon lequel l’hébergeur doit retirer d’office un contenu notifié par les titulaires de droits ou leurs représentants. Par ailleurs, le régime de la responsabilité juridique des intermédiaires techniques a été renforcé depuis une jurisprudence du TGI de Paris du 19 octobre 2007 qui met à la charge de l’hébergeur l’obligation de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires en vue d’éviter une nouvelle diffusion d’un contenu illicite précédemment notifié, introduisant ainsi le principe du « Notice & Take down & Stay down », lequel consiste non seulement à retirer un contenu notifié manifestement illicite, mais aussi à empêcher sa réintroduction sur la plateforme. 10 des organismes interrogés comporte inévitablement des implications touchant à la problématique et aux conséquences de toute nature des contenus illégaux. Le montant global pour ce poste est de 269 000 euros et représente 5% des coûts privés hors mesures techniques de protection et de distribution des droits. 11 Première tentative intermédiaire d’estimation des coûts privés (hors mesures techniques de protection) engagés en France en 2011 (exprimés en euros) : Coûts engagés par les FAI Estimation des FAI pour 2011 Estimation des services de la Hadopi pour le MCC en 2011 2 600 000 1 274 000 Coûts engagés par les ayants droit Juridique 1 579 795 Collecte IP 2 951 610 Déréférencement 556 558 Sensibilisation 269 000 5. Les mesures techniques de repérage, de protection et d’accès à l’œuvre (Gestion des droits numériques, DRM, traçage, tatouage…) : un coût important mais très difficile à évaluer. La gestion des droits numériques (en anglais : Digital Rights Management – DRM) a pour objectif de contrôler l’utilisation qui est faite des œuvres numériques, par des mesures techniques de protection. Ces dispositifs peuvent s’appliquer à tous types de supports numériques physiques (disques, DVD, Blu-ray, logiciels…) ou de transmission (télédiffusion, services Internet…) grâce à un système d’accès conditionnel. Ne seront pris en compte ici que les dispositifs techniques de repérage (finger print, watermarking) visant à : restreindre ou empêcher la copie privée du support (transfert vers un appareil externe) ; identifier et tatouer numériquement toute œuvre et tout équipement de lecture ou enregistrement afin de faciliter le pistage des copies non autorisées ; Interdire la duplication de l’œuvre numérique. Le coût des mesures techniques de protection doit être intégré dans l’évaluation globale mais deux remarques liminaires s’imposent : il n’est pas supporté par les ayants droit mais en amont par d’autres acteurs il porte sur des montants très élevés mais demeure très difficile à évaluer La difficulté d’évaluation de la dépense privée à l’échelon national de ces dispositifs s’explique par quatre raisons principales. En premier lieu, ces dépensent relèvent de la stratégie des acteurs commerciaux de l’industrie créative et ces stratégies sont aussi nombreuses qu’il y a d’acteurs économiques dans le secteur. Ensuite, les entreprises ne communiquent peu ou pas sur ces systèmes autrement que pour annoncer un retrait (notamment dans le domaine musical). Troisième élément, ces dépenses ne sont pas supportées par les mêmes acteurs : elles ne relèvent pas des SPRD mais plutôt du secteur de la production. Elles peuvent aussi être de la responsabilité des plates-formes de diffusion. Enfin, dans certains cas (jeux) elles font 12 partie intégrante du processus de production en amont et sont intégrées dans les coûts industriels initiaux du produit (cf. annexe B). Enfin, le caractère stratégique et confidentiel des mesures mises en place rend difficile l’accès à une information auprès des entreprises techniques, fournisseurs des solutions retenues. C’est pourquoi les éléments de la présente évaluation et la méthode de calcul adoptée, figurent à part au bas de ce rapport (voir page 27). A ce stade, on peut néanmoins évoquer ici les points suivants : Si par exemple, on applique le coût moyen des mesures techniques de protection et de gestion des droits numériques par secteur aux ventes nationales des produits de ce secteur on obtient ainsi les résultats suivants : 1° Pour le secteur de la vidéo : ¤ Le « Watermarking » est ponctuel et limité et représente un coût négligeable. ¤ DRM anti-copie : Si l’on applique la moyenne des tarifications des leaders du marché on obtient un coût moyen de 0,09 euro par DVD/ Blu-ray, hors licence annuelle ou frais d’installation par titre. Si on applique ce coût moyen par unité de 0,09 euros à l’ensemble des ventes (142,41 M d’unités) on obtient un coût total de mesures techniques de 12 816 900 euros. ¤ Supports dématérialisés : la vidéo à la demande. Le marché est de 8 millions d’euros (source CNC) auquel on applique un tarif de 6,5% du chiffre d’affaires brut. On obtient un résultat de 520 000 euros. 2° Pour le secteur de la musique : Coût négligeable : les intéressés ont fait savoir qu’ils s’engagent à supprimer toute mesure technique de protection ou de gestion des droits numériques. 3° Pour le secteur des jeux vidéo : Si l’on applique la tarification en vigueur du leader du marché (SONY DADC) à savoir un coût maximum par unité de 0,75 euro (ou 6,5% du chiffre d’affaire brut), pour les supports dématérialisés, qui représentent environ 20 % du marché, ou de 0,21 euro pour les DVD-ROM (représentant les 80% restant du off line) à l’ensemble des ventes (37 M d’unités en 2010 pour les supports physiques ; source CNC) on obtient des coûts totaux de solutions techniques de 7 700 000 d’euros (pour les DVD-ROM) et 5 550 000 d’euros (pour les supports dématérialisés), soit 13 250 000 euros pour le secteur du jeu vidéo. Ce coût par unité constitue une estimation haute car il peut diminuer en fonction des quantités commandées et des remises commerciales hors catalogue. Soit un total des trois secteurs confondus de 26 586 900 euros par an. On mesure ici que ce poste à lui seul est sans commune mesure avec les autres moyens mis en œuvre. 13 Synthèse France Les coûts totaux engagés par la puissance publique et par les acteurs privés peuvent faire ici l’objet d’une première synthèse chiffrée. Synthèse hors mesures techniques de protection pour la France (2011) Fonds publics Hadopi réponse graduée 6 726 000 euros et Hadopi actions promotion de l’offre légale 1 938 000 euros. Ou Hadopi budget total 11 400 000 euros Budgets privés Juridique 1 579 795 euros CNC 483 000 euros Collecte IP 2 951 610 euros Carte musique 14 100 000 euros Déréférencement 556 558 euros Calysto 65 000 euros Sensibilisation 269 000 euros TOTAL entre 23 312 000 et 26 048 000 euros Hypothèses FAI entre 1 274 000 et 2 600 000 euros TOTAL entre 6 630 963 et 7 956 963 euros Synthèse mesures techniques de protection comprises pour la France (2011) Fonds publics français Hadopi réponse graduée 6 726 000 euros et Hadopi actions promotion de l’offre légale 1 938 000 euros. Ou Hadopi budget total 11 400 000 euros Budgets privés français Total ayants droit 5 356 963 euros CNC 483 000 euros FAI 1 274 000 / 2 600 000 euros Carte musique 14 100 000 euros Mesures techniques 26 586 900 euros Calysto 65 000 euros TOTAL entre 23 312 000 et 26 048 000 euros TOTAL entre 33 217 863 et 34 543 863 euros 14 2-3 Premiers éléments d’une analyse de l’efficacité des mesures de lutte contre le téléchargement illégal Il n’est pas aisé de rapprocher les coûts consentis des résultats obtenus et prétendre ainsi mesurer l’efficacité de l’action entreprise au regard de ses objectifs stratégiques voire de mesurer l’efficience de certaines actions plus précises au travers de moyens identifiés. La mesure des résultats est, en elle-même, un exercice difficile. A- Les données disponibles tant en ce qui concerne les coûts d’un côté que les résultats de l’autre, inciteront seulement à ouvrir ici la voie à une réflexion, qui méritera d’être complétée et approfondie. En janvier 2012, l'IFPI a publié une étude du marché musical mondial et en a tiré un bilan pour l'année 201110. La Fédération constate que le chiffre d'affaires issu des ventes en téléchargement a connu une augmentation record de 8 %. Il faut donc en déduire que la mutation du secteur se précise. Preuve en est, et même si la situation reste quelque peu différente en France, les Etats-Unis ont enregistré l'an dernier une augmentation globale des ventes d'environ 1 % grâce notamment aux ventes dématérialisées. Le nombre d'albums ainsi vendus a progressé de 20 %. L'étude établit également une corrélation entre l'action de la Hadopi et l'intérêt croissant des utilisateurs envers les offres légales. Les ventes de titres musicaux sur la plateforme iTunes d'Apple auraient ainsi augmenté de 23 % depuis la mise en place de la Haute autorité. Cet impact serait plus important en France que dans les autres pays couverts par l'étude (Belgique, Allemagne, Espagne, France, Italie et Royaume-Uni) L'IFPI considère donc que la mise en place de la Haute Autorité a contribué à diminuer de 26 % l'utilisation illégale du peer-to-peer. L'autorité base sa réflexion sur le fait que les e-mails d'avertissement ont entrainé une modification des comportements des internautes. En mars 2012, la Hadopi a publié une note d’information indiquant que la comparaison entre les différentes sources disponibles mettait en évidence une nette tendance au recul du téléchargement en peer-to-peer. Ainsi, entre octobre 2010 et décembre 2011, sur l’ensemble des dossiers d’abonnés ayant reçu au moins une recommandation, 95% de ceux ayant reçu un premier rappel ne se sont pas vu reprocher de nouveau comportement illicite. Il en a été de même pour 92% des abonnés ayant reçu une deuxième recommandation, et 98% de ceux ayant reçu un troisième rappel. Par ailleurs, d'autres données venant "attester d'une baisse du P2P", ont été rappelées par la Hadopi. Selon des chiffres Nielsen, l'audience des sites proposant des liens vers des fichiers et applications peer-to-peer a ainsi baissé d'environ 17% en 2011. 10 Etude des professeurs Danaher, Smith, Telang et Chen 15 Selon Peer Media Technologies, les mises à disposition illicites d'œuvres sur les réseaux P2P en France ont baissé d'environ 43% en 2011. Parallèlement à ce recul du téléchargement illégal, la Hadopi n’a pas relevé d’éléments allant dans le sens d’un « report massif des usages vers les technologies de streaming ou de téléchargement direct ». Au contraire, elle a indiqué que la mesure de l'audience de ces sites par Médiamétrie/Netratings en décembre 2010 et décembre 201111 "aurait tendance à indiquer une stabilité dans les usages". B- Ces bilans apportent des éléments chiffrés, que l’on peut rapprocher - en grandes masses - des frais engagés. Il serait cependant hasardeux de vouloir établir un lien direct et précis avec des effets qui relèvent plus d’une tendance que d’une quantification indiscutable. Au surplus, l’accent mis sur la dimension pédagogique et incitative de l’action menée par la Hadopi – même dans son activité de réponse graduée – tend plus à créer un climat et à modifier des comportements que de quantifier une évolution en nombre de pratiques illicites. Enfin, pour mener à bien une véritable étude EEE (Economie, Efficience, Efficacité) - qui sera sans aucun doute indispensable à l’avenir – il faudra intégrer dans l’analyse chiffrée des éléments que, précisément, la présente étude a volontairement laissé de côté. Ainsi, les effets de « manque à gagner » des industries concernées devront à un moment entrer en ligne de compte, tant en coûts qu’en résultats obtenus, si l’on veut examiner l’économie dans son ensemble des dispositifs de lutte contre le téléchargement illégal et les usages illicites. Une autre approche, par ailleurs, est celle de la comparaison internationale, qui consistera à considérer l’effort consenti dans les différents pays comparables. Elle doit d’abord évaluer la nature du système mis en place et les coûts qu’il implique. Cette évaluation devra, bien sûr, être rapprochée des éléments structurels de base des économies en jeu et de la situation du secteur concerné. C’est à cet effet que le présent rapport apporte, dans sa partie internationale, les données recueillies sur divers systèmes mis en place dans un certain nombre de pays qui poursuivent des objectifs comparables. 11 « études et baromètres de marché convergent à montrer le recul du téléchargement illicite et la montée en puissance des offres légales : marché de la vidéo à la demande en hausse de 45% entre 2010 (152 M€) et 2011 (220 M€, d'après le Baromètre de la VoD GFK/NPA), progression de 25,7% des ventes de musique numérique (110,6 M€ en 2011 selon le SNEP) qui remet le secteur de la production de musique sur le chemin de la croissance, augmentation de 8% des revenus de l'édition numérique (52,9 M€ d'après le SNE), développement des ventes numériques qui "a permis en 2011, à la plupart des grands quotidiens d’afficher des résultats de diffusion positifs", explosion de la consommation de télévision de rattrapage... Et ce sans compter avec l'impact favorable qu'exercera pour 2012 la fermeture en janvier des sites leader du streaming illégal tels que MegaUpload. » Le Figaro 24 avril 2012 P. Bailly. 16 3 | Chapitre II Eléments sur l’état mondial des modèles de lutte contre le téléchargement illégal 3-1 Les Etats-Unis Le modèle des Etats-Unis revêt deux caractéristiques : d’une part, le degré de protection recherché est très élevé ; d’autre part, il repose principalement sur l’initiative privée et, pour les institutions publiques, sur l’application la plus rigoureuse de la loi (« law enforcement ») dont l’opération menée à l’encontre de Megaupload a été une illustration spectaculaire. Ainsi sociétés privées et pouvoirs publics consacrent chaque année plusieurs millions de dollars à la lutte contre l’échange en ligne de contenus protégés. Au sein de ces dépenses, l’action institutionnelle, et notamment le lobbying, prend une place de plus en plus importante. 3-1-1 LES FONDS PUBLICS : S’agissant des fonds publics, des crédits en constante augmentation sont dévolus à la lutte contre le téléchargement illégal. Ils sont de deux ordres : Les actions judiciaires et d’investigations : Le rapport annuel 2010 (pro IP Act annual report soumis au congrès) du Département de la justice, fait état d’un budget de 4 millions de dollars pour une équipe de 6 procureurs. Le Département de la justice a précisé que ces subventions proviennent de 14 Etats, de quelques agences locales pour l’application des lois et de trois organismes à but non lucratif. Par ailleurs, depuis 2010 une force spéciale « IP Task Force », regroupant de nombreuses divisions déjà existantes est créée au sein du Département de la justice et dont la compétence est la défense des droits de propriété intellectuelle. Le FBI, associé à cette structure, a quant à lui bénéficié d’un budget, en 2010 de 9,393 millions de dollars. Soit un total pour le Département américain de la justice dans le domaine de la lutte contre le téléchargement illégal de 13 393 000 USD (ou 10 193 301 euros) Les actions de sensibilisation : le système éducatif dépense 350 000 à 500 000 dollars par an pour aider cette lutte. Par ailleurs, les universités y consacrent des budgets plus ou moins significatifs depuis 2010 car elles courent le risque de perdre leur financement fédéral si elles ne se conforment pas à cette obligation (Higher education opportunity act de 2008). 3-1-2 LE SECTEUR PRIVE : Les deux grandes sociétés de perception et de répartitions des droits (SPRD) américaines sont la RIAA – Recording Industry Association of America – et la MPAA – Motion Picture Association of America12. Les coûts privés peuvent se regrouper autour des quatre catégories retenues par le présent rapport : a) Les dépenses juridiques Au total, sur l’année 2010, près de 100 000 internautes ont été poursuivis et seize millions de dollars d’honoraires d’avocat (12,5 millions d’euros) ont été dépensés par la RIAA (avec un pic de 25 millions de dollars en 2007). 12 On soulignera que la MPAA, via son extension européenne à Bruxelles, la MPA, est en France, le premier contributeur de l’ALPA dont elle est adhérente. 17 b) Les dépenses de surveillance et de déréférencement Microsoft investit chaque année plus de 10 millions de dollars dans la recherche des contrevenants on line. La Business Software Alliance (BSA) dépense environ 50 millions de dollars chaque année à la lutte contre l’échange de contenus protégés on line. La RIAA a débloqué un budget de 32 millions de dollars environ en 201113 pour ces actions. Google a annoncé investir plus de 60 millions de dollars pour retirer de ses pages les annonces de biens protégés par un copyright. c) Les actions de sensibilisation et de lobbying La RIAA a investi un peu plus d’un million de dollars afin de soutenir le projet de loi « PIPA » et 536 000 dollars pour le « SOPA ». La MPAA a déclaré un budget de 1,7 millions de dollars dans cette action. Comcast, premier fournisseur d’accès Internet aux Etats-Unis, a consacré 348 000 dollars au projet de loi « PIPA », (voir annexes) et 266 000 dollars au « SOPA » (voir annexes). Sony Music Entertainment a quant à lui dépensé 235 000 dollars pour la défense de chacun des deux projets de loi, Universal Music Group, 222 500 dollars. La National association of Broadcasters (association professionnelle représentant les radios et chaînes de TV locales gratuites, dont les networks) a investi un peu plus de 294 000 dollars. En outre, un conglomérat de l’industrie du cinéma (CBS Corporation, Viacom, NBC Universal) et de sociétés de production et de distribution (20th Century Fox, Warner Bros, Sony Pictures Entertainment, Walt Disney Co), a financé une campagne télévisuelle intitulée « Creative America ». Sur la base d’informations compilées par le « Center for responsive politics » 14, plus de 91 millions de dollars ont été dépensés en lobbying en 2011. Ce budget est en retrait par rapport aux 185 millions de dollars dépensés en 2010 par l'industrie du divertissement. Le lobby du numérique a, quant à lui, mobilisé 15 millions de dollars en 2010 et 15 autres en 2011. d) Les dépenses de recherche & développement Six des plus gros studios américains (Walt Disney, Paramount pictures, 20th Century Fox, Sony Pictures Entertainment, Universal et Warner Bros) se sont associés en 2005 afin de créer le Motion Picture Laboratories (Movie Labs). Cette structure associative de recherche et développement à but non lucratif est dotée d’un budget de 30 millions de dollars qu’elle dépense dans le développement de nouvelles technologies de distribution de contenus, de diffusion de films et de consommation de médias. A titre d’exemple, le Movie labs a développé un système de brouillage dans les salles de cinéma afin d’empêcher l’utilisation de « camcord ». 13 Entre 45 et 55 millions de dollars USD au total dans la lutte contre le téléchargement illégal. 14 Site opensecrets.org, ONG qui compile les dépenses de lobbying aux Etats Unis 18 Microsoft investit chaque année près de 200 millions de dollars dans le développement de technologies contre le téléchargement illégal. 3-1-3 LA « REPONSE GRADUEE » PRIVEE : Une innovation très récente vient d’être annoncée et modifie potentiellement la donne de l’étude. Un « Center for Copyright Information » (Centre d’information du droit d’auteur) a été institué en avril 2012 dans le cadre d’une collaboration entre les créateurs américains de contenu, regroupant les industries du cinéma et de la musique et les principaux fournisseurs d’accès à Internet du pays15. Un système privé de réponse graduée sera opérationnel dès juillet 2012. Après une série de cinq avertissements (cf. annexe) l’abonné pourra se voir réduire le débit de son accès et recevra des explications pédagogiques détaillées. A l’heure actuelle, aucun coût de mise en place ou de budget de fonctionnement n’a été communiqué. On s’en tiendra donc aux coûts connus des dispositifs en place avant cette initiative. Etats-Unis 2010 : tableau de synthèse des budgets privés exprimé en millions d’euros juridique 13,57 Collecte IP et déréférencement 114,189 sensibilisation R&D 141,95 172,591 Etats-Unis 2010 : tableau de synthèse exprimé en millions d’euros Fonds publics américains 2010 Sensibilisation jeunes 0,38 Budgets privés américains 2010 juridique 13,57 FBI pro IP act 7,15 Surveillance et déréférencement 90,026 I.P. task force budget non publié Sensibilisation et lobbying 141,95 Dpt. Justice Division criminelle pro IP act 3,04 R&D 172,591 10, 57 442,3 15 Les membres du CCI sont : La RIAA, la MPAA ainsi que leurs propres membres, l’Independant Alliance Film and Television, l’American Association of independant music (ayants droits), ainsi que l’AT & T, Cablevision, Comcast, Time Warner Cable et Verizon (FAI). Un conseil consultatif de défense des consommateurs sera également représenté de même que siègeront des experts spécialistes de la vie privée, de l’éducation nationale et des techniciens. 19 3-2 La Corée du Sud Ce pays partage avec la France un modèle basé sur la « réponse graduée » : La loi du 22 juillet 2009 sur la protection du droit d’auteur a mis en place un mécanisme de « réponse graduée » pouvant aboutir à des mesures de suspension de la connexion à internet. Dans ce cadre, le ministère de la Culture des sports et du tourisme, après avis de la KCC-Korean Copyright Commission- (commission coréenne du droit d’auteur) peut notamment ordonner aux FAI d’adresser aux internautes dont les accès sont utilisés à des fins de téléchargement illégal des messages d’avertissement. Après l’envoi de trois recommandations successives, le ministère de la Culture peut ordonner aux FAI, après une nouvelle délibération de la KCC, de suspendre, pour une durée maximum de six mois, l’accès Internet de l’utilisateur incriminé. Parallèlement, le ministère de la Culture s’est également vu reconnaître le pouvoir d’ordonner, après avis de la KCC, la suspension de la diffusion d’œuvres protégées publiées sur des sites d’échange. Après trois mises en garde successives, le ministère peut demander aux FAI de suspendre partiellement ou totalement les sites incriminés pour une durée maximale de six mois. En 2012, le gouvernement coréen a alloué un budget de 13 007 872 Millions de dollars USD (soit 9 891 116 euros) répartis entre les trois organismes de lutte contre les échanges illégaux on line, la plateforme de filtrage de l’Internet (ICOP) et deux actions de sensibilisation. La ventilation de ce budget public s’établit de la façon suivante : Korean Copyright Commission*16 : 2 775 153 USD pour un effectif de 70 personnes. Copyright Judicial Police : 766 404 USD. Copyright Protection Center* : 4 619 422 USD Illegal Copyright Obstruction Program* : 796 150 USD Clean Site Operation : 236 220 USD Actions de sensibilisation au sein des institutions éducatives : 3 814 523 USD Tableau des coûts publics de la Corée du sud en 2011 exprimés en euros Coûts publics de la Corée 16 Réponse graduée coréenne 6 228 154 Réponse judiciaire coréenne 582 767 Sensibilisation en Corée du Sud 3 080 195 Total 9 891 116 * Pour en savoir plus sur ces institutions, voir annexe. 20 3-3 L’Allemagne La loi de mars 2006 institue un système juridique comparable à celui dont disposait la France avant la loi Création et internet. Les internautes ayant téléchargé des œuvres protégées sont des contrefacteurs et passibles à ce titre [à condition de ne pas en faire commerce car dans ce cas la peine d’emprisonnement peut monter jusqu’à 5 ans] d’une peine de trois ans d’emprisonnement17. Le système allemand ne prévoit donc pas de suspension des accès au haut débit des internautes. Afin de ne pas engorger les tribunaux et dans un souci de rapidité, les SPRD allemandes envoient aux internautes en infraction des propositions de traitement civil des dossiers. L'entreprise DigitalRights Solution (prestataire technique des ayants droit qui recherche les adresses IP sur internet) envoie systématiquement des e-mails aux internautes accusés d'échanger des fichiers protégés par un droit d'auteur. La somme moyenne réclamée est 450 euros par fichier, DigitalRights Solutions conserve 80 % de la somme pour couvrir diverses dépenses techniques, administratives et juridiques, le reste allant aux ayants droit. Donc, sur 450 euros, la part revenant à l'industrie culturelle s'élève à 90 euros. Sur l’ensemble des règlements civils envoyés aux internautes les statistiques font état d’un taux de réponse positive de 25%. En l’absence de donnée publique ou d’étude d’ensemble des coûts de la lutte contre le téléchargement illégal en Allemagne, seuls les frais engagés pour mener des actions juridictionnelles dirigées à l’encontre des contrevenants ont pu être estimés. Les sociétés d’ayants droit sont, en grande partie, regroupées au sein de la « société pour la poursuite des violations du droit d’auteur » (Gesellschaft zur Verfolgung von Urheberrechtsverletzungen e. V, GVU). Celle-ci a initié 285 procédures pénales en 2011 (367 en 2010), pour un budget de 1 700 000 euros (financé à 90% par les entreprises membres de la GVU) mais ne représente que moins de 10% du total des procédures engagées. De son côté, le ministère public, selon les statistiques du ministère de l’intérieur allemand (Polizeiliche kriminalstatistik, PKS, édition 2010), environ 4 200 procédures pénales ont été initiées en 2010 au titre de la violation des droits d’auteur sur internet. Les moyens humains et financiers engagés par les juridictions ne sont pas connus. Allemagne 2011: Coûts privés exprimés en euros 17 Juridique Collecte IP Déréférencement Sensibilisation 17 000 000 NC NC NC Equivalente à celle contenue dans le dispositif français dit Perben II 21 3-4 Le Royaume Uni Adoptée le 8 avril 2010, la loi « Digital economy Act » prévoit une « réponse graduée » sous l’autorité de l’OFCOM (autorité de régulation des communications), en deux temps. Une première phase (de notification), exclusivement pédagogique, repose sur l’obligation faite aux FAI d’envoyer, sur demande des ayants droit ayant constaté un téléchargement illicite à partir d’une adresse IP, des mails d’avertissement au titulaire de l’abonnement concerné. Les FAI doivent également tenir une base de données comptabilisant les actes de téléchargement illicite ayant donné lieu à un avertissement en vue de sa mise à disposition des ayants droit. Un code de bonne conduite, établi sous l’égide du régulateur OFCOM, doit préciser les modalités de mise en œuvre des nouvelles obligations des FAI. Il est prévu qu’une seconde phase (de sanction et de procédure d’appel) sera activée dans l’hypothèse où la première se serait révélée inefficace. Les abonnés accusés de téléchargement seront prévenus par lettre et ajoutés à une liste noire consultable par les ayants droit après deux récidives. En fin de procédure, les fournisseurs auront l'obligation de couper l'accès Internet de l'abonné. La nouvelle loi permet également au gouvernement de fermer un site facilitant le téléchargement, sur décision d'un tribunal. NB : A la date de remise du présent rapport, deux plaintes émanant de FAI venaient d’être rejetées par la justice mais une actualisation de l’étude initiale d’impact était demandée, ce qui retarde la mise en œuvre effective du dispositif18. Sur le plan financier, deux règles sont à retenir qui confirment le caractère essentiellement privé de ce système. Tout d’abord, l’OFCOM refacture aux ayants droit les coûts pesant sur elle, c'est-à-dire les coûts d’investissement initiaux. La seconde est un principe de partage des coûts de fonctionnement sur une clef de répartition de 75% à la charge des ayants droit et de 25% restant à la charge des FAI. Le présent rapport, compte tenu de l’information encore parcellaire qui a pu être recueillie, évoquera les coûts en recensant les informations disponibles et en livrant une estimation de ceux qui n’ont pas été communiqués. Il n’y a pas d’estimation précise des coûts publics. Il n’a pas été possible d’obtenir communication des budgets alloués aux acteurs publics impliqués dans la lutte contre l’échange de contenus illicites (Trading standard officers, unités spécialisées dans le cybercrime au sein du Metropolitan police et du City of London police, l’IP crime intelligence unit au sein de l’UK Intellectual property office, le Serious and organised crime agency). Dans les coûts supportés par les SPRD, seule l’industrie de la musique a répondu au questionnaire adressé pour établir le présent rapport. Ces structures (BPI, IFPI, Impala et UK Music) estiment leur contribution globale à la lutte contre le téléchargement illégal à 3 18 La BBC rapporte (avril 2012) que la Digital economy Act n'entrera pas en vigueur avant 2014 ; ce qu’a confirmé le ministère britannique de la culture, des médias et du sport. Ce contretemps fait suite à l’appel ayant débouté deux FAI (British Telecom et Talk Talk) contre certaines dispositions du Digital Economy Act, mais l’arrêt relève néanmoins des anomalies dans la répartition des coûts du dispositif. Le ministre de la culture a confirmé que les récents rebondissements juridiques avaient créé « suffisamment de changements pour qu’une nouvelle étude d’impact soit nécessaire » et que « l’instrument statutaire de partage des coûts devra être révisé » 22 millions de £ (3 603 000 euros) en 2010. La majeure partie de ce montant provient des frais de personnel (enquêteurs régionaux) travaillant en collaboration avec les autorités nationales. La Federation against Copyright Theft (acteur principal de la défense des droits de propriété littéraire et artistique) n’a pas communiqué son budget mais a indiqué que plusieurs millions de livres sont investis chaque année dans cette lutte. On sait que son premier contributeur est la MPA (Motion Picture Association) et que son modèle de fonctionnement est comparable à l’ALPA française (association de lutte contre la piraterie audiovisuelle). On peut toutefois estimer un coût minimum pour le secteur de l’audiovisuel de 3 millions d’euros minimum. Une estimation19 de l’ensemble des coûts engagés au Royaume Uni peut ainsi être avancée : Coûts estimés pesant sur les ayants droit. Entre 4,5 et 15 millions de £ (entre 5,52 et 18,4 millions d’euros) au titre des notifications, identifications et stockage de données des internautes. 5,7 millions de £ (7 millions d’euros) correspondants aux 75% des frais d’investissements pour les FAI refacturés aux ayants droit. Ces frais, une fois amortis sur 5 ans (hypothèse moyenne retenue), donnent un montant de 1 140 000 £, soit 1 393 470 euros par an sur 5 ans. 5,8 millions de £ (7,1 millions d’euros) de procédures d’appel refacturés aux ayants droit à 100% par l’Ofcom. Soit un coût total estimé entre 11,44 millions de £ (14,02 millions d’euros) et 21,94 millions de £ (26,9 millions d’euros) pesant sur les ayants droit. Coûts estimés pour les FAI. Entre 1,5 et 5 millions de £ (entre 1,83 et 6,1 millions d’euros) au titre des notifications, identifications et stockage de données des internautes restant à la charge des FAI. 1,9 million de £ (2,33 millions d’euros) correspondant aux 25% des frais d’investissements (dont 75 % ont été refacturés aux ayants droit), restant à la charge des FAI. Ces frais, une fois amortis sur 5 ans, donnent un montant de 380 000 £, soit 464 490 euros par an sur 5 ans. Soit un coût total estimé entre 1,88 (2,29 millions d’euros) et 5,38 (6,56 millions d’euros) millions de £ restant à la charge des FAI. 19 Source : étude d’impact émanant du ministère de la culture, des médias et des sports (EI N° DCMS032 du 29/06/2010) préalable au projet d’ « ordonnance de 2011 relative à la violation du droit d’auteur sur l’internet (obligations initiales et partage des coûts le détail de ces coûts) 23 Tableau de synthèse de la moyenne estimée des coûts pour le Royaume Uni exprimé en millions d’euros Fonds publics anglais 0 (refacturation à la sphère privée) Budgets privés anglais Ayants droit notifications et appel : entre 14 et 26,9 millions d’EUR Autorités administratives et judiciaires : NC FAI notifications entre 2,3 et 6,5 millions d’EUR Ministère de la culture : NC mais refacturation Industries culturelles Industrie musicale : 3,6 millions d’EUR Industrie audiovisuelle : 3 millions d’EUR TOTAL : 0 TOTAL : entre 23 et 40 millions d’euros Tableau de synthèse de la moyenne estimée des budgets privés exprimé en millions d’euros pour le Royaume Uni Juridique 7,1 3-5 Collecte IP 19,65 Déréférencement 3,6 Sensibilisation 1 L’Espagne L’Espagne jouit de la réputation peu envieuse de « premier pays téléchargeur d’Europe ». La loi 2/2011 dite « Sinde » adoptée en mars 2011, permet aux ayants droit souhaitant voir fermer un site hébergeant un contenu protégé de saisir la Commission de la Propriété Intellectuelle (CPI), qui dépend du ministère de la Culture. Cette Commission avertit l’administrateur et lui demande de le retirer. En cas de refus, un juge peut décider dans un délai de 4 jours le blocage ou non du site incriminé. En revanche, rien n’est prévu envers les utilisateurs de l’internet. Aucun internaute ne peut être poursuivi ; raison pour laquelle il n’existe que peu d’actions en justice d’une part, et que la collecte d’IP d’autre part n’a pas d’intérêt dans ce contexte. Les fonds publics La toute récente CPI, fraîchement installée, s’est vue attribuer en 2012 une première enveloppe budgétaire de 260 000 euros. Le reste du budget est encore en débat. Actuellement la Commission comprend un président, quatre membres un secrétaire et dix employés. La masse de personnel est encore très incertaine et susceptible d’augmentation après approbation du budget. 24 Le ministère de la culture espagnol dépense chaque année des budgets variables en faveur de campagnes de sensibilisation pour la défense des droits d’auteur : 2005-2006 : 1 290 000 euros 2006-2007 : 2 889 000 euros 2008-2009 : 1 884 990 euros 2010-2011 : 695 067 euros Les budgets privés Le syndicat professionnel des jeux vidéo en Espagne déclare un budget de l’ordre de 700 000 euros en actions juridiques de toutes sortes. Les coûts privés en 2011 exprimés en euros pour l’Espagne Juridique > 700 000 Collecte IP NC Déréférencement NC Sensibilisation NC Tableau de synthèse en 2011/2012 exprimé en euros pour l’Espagne Fonds publics 955 067 Budgets privés > 700 000 25 4 | Chapitre III : Tableaux de synthèse Une synthèse comparative des coûts privés et publics de la lutte contre le téléchargement illégal au sein des principaux pays étudiés revêt les caractéristiques suivantes : Tableau comparatif des coûts privés des systèmes internationaux en euros France USA juridique Collecte IP Déréférencement Sensibilisation R&D Total 1 579 795 4 888 610 556 558 269 000 0 7 293 963 141 950 000 172 591 000 442 300 000 13 570 000 Corée du Sud Allemagne RoyaumeUni Espagne 114 189 000 NC NC NC NC 0 NC 17 000 000 NC NC NC 0 >17 000 000 7 100 000 19 650 000 3 600 000 1 000 000 0 31 355 000 >700 000 NC NC NC 0 >700 000 NB : Les chiffres coûts privés pour le Royaume-Uni et la France sont une moyenne entre la fourchette haute et basse Tableau comparatif des coûts publics et privés hors mesures techniques des systèmes internationaux en euros Coûts publics France Entre 23 312 000 et 26 048 000 Coûts privés hors MT 7 293 963 TOTAL PUBLIC/PRIVE 32 678 963 USA 10 559 000 442 300 000 452 859 000 Corée du Sud 9 891 116 NC >9 891 116 NC >17 000 000 >17 000 000 0 31 355 000 >31 355 000 955 067 >700 000 >1 655 067 Allemagne Royaume-Uni Espagne NB : Les chiffres pour le Royaume-Uni et la France sont une moyenne entre la fourchette haute et basse 26 Le cas particulier des mesures techniques de protection, de repérage et d’accès à l’œuvre : En 2007, le budget mondial des mesures techniques de protection était de 1,063.1 milliards de dollars (étude ratium.com données : Insight) avec un taux annuel de croissance en constante hausse. D’après les prévisions d’Insight, les perspectives de croissances, en milliards de dollars, depuis 2007 étaient les suivantes : 2007 1,063.1 2008 1,280.6 2009 1,543.8 2010 1,794.8 2011 1,905.9 2012 1,963.8 En Mds USD Les principaux acteurs du marché de l’offre de DRM sont : Adobe Systems Incorporated, Apple Inc, CoreMedia AG, Digimarc Corporation, EMC Corporation, International Business Machines Corporation, DPI Systems Pty Ltd, Check Point Software Technologies Ltd, LockLizard Limited, Rovi Corporation, Microsoft Corporation, Oracle Corporation, RealNetworks Inc, AuthenTec, Teletrax, VeriSign Inc, YANGAROO Inc, Il n’a pas été matériellement possible d’auditer l’ensemble des acteurs (fabricants ou acquéreurs de DRM et de mesures techniques de protection, de repérage et d’accès à l’œuvre) de la filière de la gestion numérique des droits. Le présent rapport se livre donc à un exercice d’approximation afin d’obtenir une estimation des dépenses nationales de mesures techniques. Cette approximation n’a pas pour objet d’établir des chiffrages précis, mais plutôt de donner un ordre de grandeur dans les coûts liés à cette partie de la protection des droits d’auteur. Une première méthode, peu conventionnelle et très approximative, peut être la suivante : Afin d’obtenir le poids des industries créatives il a été fait application de la règle qui l’estime à environ 5% de son PIB 20&21. Puis, en fonction des chiffres fournis par l’estimation du coût mondial des mesures techniques de protection (1,9 milliards de dollars) et de celui obtenu du montant mondial de l’industrie créative (3 500 milliards de dollars), on aboutit, par application d’une règle de trois, au pourcentage des dépenses de mesures techniques (soit un taux de 0,054%). Les résultats ainsi obtenus seront naturellement surévalués et ceci pour au moins deux raisons. La première est que le chiffre de référence de 1,9 milliard est basé sur une perspective mondiale de croissance des MT grâce notamment aux pays émergents en matière de consommation culturelle (Chine, Brésil, Asie du Sud Est) alors que nos pays cibles ne bénéficient pas de tels taux de croissance. La seconde est que le poids de l’industrie culturelle d’un pays ne reflète pas les secteurs habituellement touchés par le téléchargement illégal (audiovisuel, musique, jeux vidéo principalement) qui forment un domaine plus restreint que l’on peut estimer à 62% de l’industrie créative nationale si on ne prend en compte que les secteurs de l’audiovisuel, de la musique et du jeu vidéo. 20 Les « industries créatives centrales » identifiées dans les études menées pour le compte de la Commission Européenne et comparées avec le PIB des Etats membres. 21 Parfois affinée par les chiffres des industries créatives en Europe selon l’étude TERA consultants de 2010 qui se basent sur 6,9% du PIB 27 On obtient dès lors le tableau suivant exprimé en milliards d’euros pour l’année 2011 : Approximation des coûts des mesures techniques de protection PIB Coûts Poids de des MT Coûts des l'industrie de MT liées au créative l'industrie on line créative Pays (Milliards d'euros) Monde 53 550 2 676 1,450 0,590 Union européenne 13 737 659 0,355 0,134 Etats-Unis 11 522 575 0,310 0,117 Japon 4478 223 0,120 0,0455 Allemagne 2775 123 0,0668 0,0253 France 2147 108 0,0585 0,0222 Royaume-Uni 1897 133 0,0722 0,0440 Italie 1717 71 0,0383 0,0145 Espagne 1174 47 0,0255 0,0096 Corée du Sud 889 44 0,0236 0,0089 Danemark 266 12 0,0068 0,0025 *27 pays membres de l’Union Européenne Compte tenu de l’approximation de la méthode, ce tableau n’est apporté que pour susciter le raisonnement. Une seconde méthode peut être d’appliquer le coût moyen des mesures techniques de protection et de gestion des droits numériques par secteur aux ventes nationales des produits de ce secteur. Pour la France on obtient ainsi les résultats suivants : 28 1° Pour le secteur de la vidéo : Watermark22 : Le coût serait de 15 à 20 euros l’unité (source syndicat de l’édition vidéo SEVN). La majorité des éditeurs à l'exception d'un seul ont cessé la pratique des DVD marqués ou ne l’a jamais mise en œuvre. On peut donc estimer un coût national si marginal qu’il n’entre pas dans notre étude. Par ailleurs, l’emploi ponctuel du watermarking ne se fait que sur un nombre restreint d’unité devant être distribués à la presse lors de campagnes publi-promotionnelles spécifiques (Césars, Festival de Cannes…) DRM anti-copie : la vente de DVD et de Blu-ray en France atteint les 142,41 millions d’unités sur la période d’une année comprise entre avril 2010 et mars 2011 ; soit sur un an (source CNC). Si l’on applique la moyenne des tarifications des leaders du marché 23 on obtient un coût moyen de 0,09 euro par DVD/ Blu-ray, hors licence annuelle ou frais d’installation par titre. Si on applique le coût moyen par unité de 0,09 à l’ensemble des ventes (142,41 M d’unités) on obtient un coût total de mesures techniques de 12 816 900 euros. Supports dématérialisés : la vidéo à la demande. Le marché est de 8 millions d’euros (source CNC) auquel on applique un tarif de 6,5% du chiffre d’affaires brut. On obtient un résultat de 520 000 euros. 2° Pour le secteur de la musique : D’après la très large majorité des maisons de disques et de l’industrie musicale, plus aucune mesure technique de protection ou de gestion des droits numériques ne sont ou ne seront intégrées aux produits vendus. On peut donc estimer un coût très marginal et dont le faible quantum se rapprochera de zéro au fil des ans. 3° Pour le secteur des jeux vidéo : Si l’on applique la tarification en vigueur du leader du marché (SONY DADC) à savoir un coût maximum par unité de 0,75 euro (ou 6,5% du chiffre d’affaire brut), pour les supports dématérialisés, qui représentent environ 20 % du marché, ou de 0,21 pour les DVD-ROM (représentant les 80% restant du off line) à l’ensemble des ventes (37 M d’unités en 2010 pour les supports physiques; source CNC) on obtient des coûts totaux de solutions techniques de 7 700 000 d’euros (pour les DVD-ROM) et 5 550 000 d’euros (pour les supports dématérialisés), soit 13 250 000 euros pour le secteur du jeu vidéo. Ce coût par unité constitue le haut d’une fourchette car il peut diminuer en fonction des quantités commandées et des remises commerciales hors catalogue. Soit un total des trois secteurs confondus de 26 586 900 euros par an. 22 Le watermarking, dans notre contexte, est une technique permettant d'ajouter des informations de droit d’auteur à un signal vidéo. Cette marque peut être le nom ou un identifiant du créateur, du propriétaire, de l'acheteur ou encore une forme de signature décrivant le signal hôte. 23 Sources: « DVD demystified » by Jim Taylor et catalogue SONY DADC Système SecuROM 29 Récapitulatif 2011 pour la France des mesures techniques de protection des industries créatives liées à la contrefaçon sur internet : Audiovisuel Musique 13 336 900 euros 0 Jeux vidéo DVDROM 7 700 000 euros 26 586 900 euros 30 Jeux vidéo dématérialisés 5 550 000 euros 5 | Conclusions L’ensemble des résultats constatés peut être résumé par le tableau suivant : Coûts publics France USA Corée du Sud Allemagne Royaume-Uni Espagne 2 468 000 10 559 000 9 891 116 NC 0 958 067 Coûts privés Coûts privés Total (MT incluses) (MT incluses) public/privé Méthode 1 Méthode 2 méthode 1 30 000 000 560 000 000 > 10 000 000 > 42 000 000 75 000 000 11 000 000 34 000 000 553 000 000 >16 000 000 46 000 000 74 000 000 >14 000 000 56 000 000 570 000 000 20 000 000 42 000 000 75 000 000 12 000 000 Total public/privé méthode 2 60 000 000 563 000 000 26 000 000 46 000 000 74 000 000 15 000 000 NB : Les chiffres «coûts privés» et «coûts publics» pour le Royaume-Uni et la France sont une moyenne entre les points haut et bas de la « fourchette ». NB : en plus de ces coûts nationaux, certaines instances mondiales consacrent des budgets importants à la lutte contre le téléchargement illégal ; à titre d’exemple on citera l’IFPI et la MPA pour des budgets annuels respectifs de 90,471 M24 d’euros et de 52,777 M25 d’euros. La France a le plus gros budget de dépense publique en matière de lutte contre le téléchargement illégal mais la plus grande partie est consacrée à la promotion de l’offre légale : Le budget des mesures techniques de protection mis à part, on s’aperçoit que la France est le pays où la part des coûts publics est la plus importante – en l’état des connaissances rassemblées pour ce rapport -. Cette relative importance s’explique en grande partie par l’accompagnement pédagogique corrélatif à la mise en place de la réponse graduée. En effet, sur les 26 048 000 euros de budget public consacré à la lutte contre le téléchargement illégal, 18 839 000 euros ont concerné divers actions de promotion de l’offre légale (dont 14M pour la carte « musique jeunes ») et d’actions de sensibilisation auprès notamment des jeunes publics. On peut raisonnablement penser que ces dispositifs d’accompagnement pédagogique de la mise en œuvre de la réponse graduée vont progressivement diminuer une fois celle-ci entrée dans les mœurs. A court terme et objectifs constants, le budget public de la France consacré à la lutte contre le téléchargement illégal pourrait être compris entre 7 et 11 millions d’euros, ce qui est du même ordre que ce que dépense la Corée du Sud. Les pays anglo-américains ont des budgets privés plus élevés : En effet, la part des coûts privés est plus élevée là où des processus de refacturation (du public vers le privé) 24 25 Budget 2009 (soit 120 M de dollars USD) Budget 2011 (soit 70 M de dollars USD) 31 ont été mis en place (Royaume-Uni) et où de longue date, une action résolue est engagée par une industrie économiquement implantée et exportatrice (Etats-Unis26). La répartition des dépenses privées voit, aux Etats-Unis, prévaloir les actions de lobbying et d’intervention juridique, les autres pays ayant une répartition d’interventions plus équilibrée. La forte progression des actions de lobbying dans les budgets américains s’explique en grande partie par le chiffre élevé de projets de loi qui ont été débattus depuis quelques années (SOPA, PIPA, ACTA, création du « national intellectual property rights coordination center »…). Quant au budget américain d’intervention juridique, on peut légitimement penser qu’il aura tendance à diminuer compte tenu de la très prochaine mise en place d’une réponse graduée financée par un conglomérat privé27. Cela bien sûr si, d’une part, la pédagogie de cette initiative privée faisait ses preuves en matière d’efficacité et si, d’autre part le développement des technologies de l’Internet ne permettait pas au grand public d’échapper à nouveau à la vigilance des ayants droit. Les coûts de déréférencement rencontrent partout dans le monde des problèmes d’efficacité : Même si ces actions assèchent temporairement l’offre de contenus illégaux, les acteurs concernés ont constaté que des liens identiques pouvaient réapparaître. Plus le poids d’une industrie culturelle est élevé, plus les dépenses de mesures techniques sont conséquentes : On constate que les mesures techniques de protection sont, comme on pouvait s’y attendre, une part très prépondérante des dépenses engagées. Comme elles résident pour l’essentiel en amont du cycle28, il est normal de relever que la part des Etats Unis est très majoritaire. Par ailleurs, lorsque le pays en question est exportateur de son industrie créative, les mesures techniques occuperont une place importante dans le processus de distribution en fonction des différentes chronologies de distribution et du cloisonnement des marchés (zonage régions du monde). En somme, les mesures techniques participent de façon essentielle à la politique stratégique des industriels visant à garantir le monopole d’exploitation accordé par les droits de propriété littéraire et artistique. Les dépenses liées à la réponse graduée devraient diminuer avec le temps : Dans les pays qui ont mis en place une réponse graduée (France, Corée du Sud, Royaume-Uni, Etats-Unis) ; on peut penser qu’une fois les frais initiaux d’investissements amortis, le coût global des dépenses diminuera mécaniquement. Par ailleurs, dans certains pays comme la France, les coûts d’identification des IP pourront diminuer dès lors que les FAI auront intégré des systèmes automatisés performants répondant par ailleurs ainsi à d’autres obligations légales. Enfin, les coûts liés à la détection des mises à disposition de contenus illicites devraient, avec l’installation d’une concurrence29, connaître une baisse sensible. 26 Par ailleurs, la proximité de la Silicon valley et la forte implantation de Microsoft favorisent les investissements en R&D. 27 Il a été remarqué au cours d’un exemple concret que pour un budget d’un million d’euros d’interventions juridiques, il fallait consacrer 450 000 euros pour le remplacer par une réponse graduée. 28 Pour les DVD-Blu ray les coûts pèseront sur les producteurs alors que pour les jeux vidéo, ils pèseront sur les fabricants de consoles, les développeurs de jeux DVD-ROM et les distributeurs de jeux à la demande (dématérialisés). 29 Cf. situation quasi monopolistique des premiers prestataires techniques (comme TMG en France). 32 Annexe sur les structures destinataires d’un questionnaire ou rencontrées : Liste des structures destinataires d’un questionnaire : Pour les ayants droit des auteurs : Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), Société civile des auteurs multimédia (SCAM), Syndicat national des auteurs et compositeurs (SNAC), Société des auteurs de l'image fixe (SAIF)*, Union nationale des auteurs et compositeurs (UNAC), Société des éditeurs et auteurs de musique (SEAM). Pour les ayants droit des producteurs de phonogramme : Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI), Syndicat national de l'édition phonographique (SNEP). Pour les ayants droit des éditeurs de musique : Chambre syndicale de l'édition musicale (CSDEM), Chambre Syndicale des Editeurs de Musique de France (CEMF). Pour les ayants droit des producteurs et distributeurs de cinéma : Union des producteurs de films (UPF), Association des producteurs de cinéma (APC), Société des Producteurs de cinéma et de télévision (PROCIREP), Fédération nationale des distributeurs de films (FNDF). Pour les ayants droit des producteurs audiovisuels : Union syndicale de la production audiovisuelle (USPA), Syndicat des producteurs indépendants (SPI)*, Agence nationale de gestion des œuvres audiovisuelles (ANGOA), Société civile des auteurs réalisateurs et producteurs (ARP)*. 33 Pour les représentants des éditeurs de logiciels et bases de données : Business software alliance (BSA)*, Syndicat national du jeu vidéo (SNJV), Agence pour la protection des programmes (APP), Européenne des données (EDD), ADOBE France*. *structures n’ayant pas communiqué en retour Liste des structures rencontrées : SPRD : La société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM), La société civile des producteurs de phonogramme en France (SPPF), Société des producteurs de phonogrammes (SCPP), Syndicat des Editeurs de Logiciels de Loisirs (SELL), Syndicat de l’édition video (SEVN). Association : L’association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA). Etablissements publics : Centre National du Cinéma et l’image animée (CNC), Institut national de l’audiovisuel (INA). Opérateurs : France Télecom/Orange, Bouygues Telecom, SFR, Numéricable /Complétel, Free/ IILIAD. 34