economie des dispositifs de lutte contre le telechargement illegal

Transcription

economie des dispositifs de lutte contre le telechargement illegal
ECONOMIE DES DISPOSITIFS DE
LUTTE CONTRE LE
TELECHARGEMENT ILLEGAL
ANNEXES
ANNEE 2012
Éléments d'information sur quelques exemples étrangers de lutte contre le
téléchargement illégal et les mesures techniques de gestion numérique
Annexe 1 Les Etats-Unis :
Jusqu’en 2008, les sociétés de perception et de répartitions des droits (SPRD) américaines
(principalement la RIAA – Recording Industry Association of America – et la MPAA – Motion
Picture Association of America –) avaient des stratégies divergentes entraînant des coûts
financiers distincts :
Alors que la MPAA menait une politique de prévention et de multiplication de l’offre légale, la
RIAA, représentant l’industrie de la musique, privilégiait les recours devant les tribunaux
contre les téléchargeurs de contenus protégés. Au total, sur l’année 2010, près de 100 000
internautes ont été poursuivis et seize millions de dollars d’honoraire d’avocats (12,5 millions
d’euros) ont été dépensé par la RIAA en 2008 pour conduire ses procès contre les
internautes indélicats. Ce chiffre est à rapprocher du montant global des compensations
financières accordées par les juges à savoir trois cent quatre-vingts dix mille dollars. En
2007, les 25 millions de dollars dépensés en frais d’avocats lui avaient rapporté 516 000
dollars. Face à ces chiffres, l’opinion publique américaine n’a pas toujours compris cette
stratégie notamment devant le cas de Jammie Thomas-Rasset, condamnée en première
instance à payer une amende de près de 2 millions de dollars pour avoir partagé sur internet
24 chansons. Depuis 2009, les SPRD (sociétés de perception et de répartition des droits)
américaines privilégient les accords à l’amiable, avant d’entamer l’arsenal répressif devant
les tribunaux. Les avocats de ces sociétés envoient des courriers aux internautes qu’elles
suspectent de télécharger illégalement afin de leur proposer un abandon des poursuites en
échange du paiement d’une somme transactionnelle comprise entre 3 000 et 5 000 dollars
(2 300 à 3 900 euros). Par ailleurs, cette lutte se concentre d’avantage sur les « uploaders »
(internautes proposant un contenu protégé) que sur les « downloaders » (internautes qui
téléchargent un contenu protégé) occasionnels. La RIAA a également investi un peu plus
d’un million de dollars afin de soutenir le projet de loi « PIPA » et 536 000 dollars pour le
« SOPA ».
Par ailleurs, le Movie labs oriente ses actions sur les moyens de stopper les enregistrements
des caméscopes dans les cinémas grâce à des systèmes de repérages ou à des
fonctionnalités d’empêchement d’enregistrement. Il a également développé des logiciels
permettant de repérer les contenus protégés sur internet.
S’agissant des fonds publics, on peut ajouter que Le FBI, associé à l’IP task force, a quant à
lui bénéficié d’un budget, en 2010 de 9,393 millions de dollars dans le cadre de la loi dite
« pro IP act » (loi publique 110-403), spécifiquement dédié à la lutte contre les droits de
propriété intellectuelle (NB : depuis 2002, le FBI dispose d’une cellule « cyber division and
intellectual property rights unit » également).
De son côté, le pouvoir législatif n’est pas en reste dans le domaine de la lutte contre le
téléchargement illégal sur internet ; il a en effet introduit au Congrès deux projets de loi dont
les votes ont été suspendus. Le premier s’intitule « Protect IP act » (S.968), introduit le 12
mai 2011 et adopté à l’unanimité par la commission judiciaire du Sénat. Le second, le « Stop
Online Piracy Act » dit SOPA(H.R.3261) introduit le 26 octobre 2011 à la Chambre des
2
représentants est au moment de la rédaction de ce rapport repoussé des débats pour
modifications. Actuellement, ce projet de loi contient globalement les éléments suivants :
De larges pouvoirs conférés au Ministre de la justice (attorney general) contre les « foreign
infringing sites ». Ce projet autoriserait le Ministre de la justice à intenter une action contre
les sites internet étrangers accusés d’enfreindre ou de faciliter l’infraction de copyrights.
Avant toute décision finale, une cour de justice pourrait prendre des mesures provisoires
telles que des injonctions. Dès l’obtention d’un ordre de la cour, le Ministre de la justice
pourra alors requérir des fournisseurs d’accès à internet (FAI), moteurs de recherche (tels
que Google), services de paiement en ligne (comme mastercard, visa ou paypal) et
publicitaires en ligne, de suspendre leurs relations avec les sites contrevenants et de
prendre des mesures techniquement réalisables et raisonnables pour empêcher l’accès aux
sites hébergeant des contenus protégés. Contrairement à l’action d’un titulaire de droits, le
Ministre de la justice pourra demander à la cour d’ordonner le blocage de l’accès à un site
par les FAI et son déréférencement des moteurs de recherche.
La possibilité d’action pour un titulaire de droits contre un site ayant des contenus protégés
d’interrompre les soutiens financiers : Le titulaire de droits pourra au choix, soit intenter une
action basée sur un ordre de la cour contre un site illégal afin d’obtenir une injonction de
cesser les relations entre le site contrevenant et les services de paiement et/ou les
publicitaires en ligne, soit notifier par écrit aux services de paiement ou de publicité en ligne
l’identité des sites internet indélicats et prouver que leurs activités lui causent ou lui
causeront un préjudice immédiat et irréparable. Ces organismes devront à leur tour notifier à
leurs clients puis couper l’accès à leurs services à moins que le site en question ne fournisse
une contre-notification (avant un délai de 5 jours) expliquant pourquoi il ne s’agit pas d’une
infraction au copyright.
Les immunités en cas d’actions volontaires : le projet de loi prévoit une immunité en matière
de responsabilité pour les actions volontaires prises par les FAI, réseau et service de
paiement, publicitaire en ligne, moteur de recherche ou service d’enregistrement de noms de
domaines à l’encontre des sites irrespectueux des copyrights. Ces actions peuvent revêtir la
forme de suspensions de service, d’affiliation financière ou de blocage des sites et ce, avant
toute action judiciaire.
L’activité de streaming rendue illégale : l’activité de streaming devient un délit dès lors qu’il y
a une diffusion publique, pour une période d’au moins 180 jours, d’une ou plusieurs œuvres
protégées par le copyright. La peine maximum encourue est de 5 ans de prison.
Le secrétaire d’Etat et le secrétaire au commerce sont chargés d’assurer la protection des
droits de propriété intellectuelle des américains à l’étranger. Ils devront nommer à cet effet
au moins un attaché de propriété intellectuelle (PI) dans un pays de chaque région
géographique où se trouve un bureau régional du département d’Etat.
Au moment de la rédaction de ce rapport, aucune étude d’impact ni étude chiffrée n’a été
réalisée sur ce projet de loi. Aucune donnée publique n’est disponible quant aux coûts de sa
mise en œuvre.
3
Le président de la commission judiciaire de la Chambre des représentants, Lamar Smith auteur du SOPA ("Stop Online piracy Act"), le pendant du PIPA à la Chambre basse - a
annoncé que sa commission allait "reporter tout examen du projet de loi jusqu'à ce qu'un
consensus plus large sur une solution se dégage".
S’agissant du projet de loi « PIPA », « A la lumière des événements récents, j'ai décidé de
reporter le vote de mardi" sur le PIPA ("Protect Intellectual Property Act"), a annoncé,
vendredi 20 janvier, le chef de la majorité démocrate du Sénat, Harry Reid, dans un
communiqué. M. Reid espère un "compromis" dans les semaines qui viennent. Il a ajouté
que "la contrefaçon et la piraterie coûtent à l'économie américaine des milliards de dollars et
des milliers d'emplois chaque année" et qu'il revient au Congrès de légiférer sur la question.
Dans un même temps, l’administration Obama a fait savoir qu’elle ne soutiendrait pas ces
projets et la RIAA a annoncé qu’ils ne verraient probablement pas le jour.
Par ailleurs, dans le cadre d’un livre blanc sur la propriété intellectuelle, une recommandation
de l’Intellectual Property Enforcement Coordinator, propose de considérer les infractions
réalisées grâce au streaming, ou tout autre moyen technologique similaire, comme des
crimes au sens du droit pénal américain. Ce point est important car l’administration prend
ainsi position dans le débat sur la lutte contre le piratage sur Internet. En effet, à l’heure
actuelle, le streaming n’est pas encore condamné par les lois américaines car seules sont
considérées comme des crimes la reproduction et la distribution d’œuvres protégées. Or la
question sur le fait de savoir si le streaming constitue un acte de distribution d’œuvres
protégées (relevant du crime) et/ou une représentation de l’œuvre (qui n’est pas qualifiée de
crime) était jusqu’alors en débat.
S’agissant de l’affaire « Megaupload », le FBI n’a pas communiqué sur les coûts engagés
afin de surveiller et d’analyser la sphère Megaupload pendant plus d’un an, de faire fermer le
site, en saisir les serveurs américains, faire saisir les comptes bancaires à Hong-Kong, faire
procéder aux arrestations des dirigeants en Nouvelle-Zélande. Par ailleurs, alors que la
France (décret n°2011-2122 du 30 décembre 2011), dans le cadre d’une suspension
temporaire ou non d’accès à un site, a opté pour le blocage par DNS (c'est-à-dire par nom
de domaine), les Etats-Unis, eux ont optés dans ce dossier pour un blocage par DPI (Deep
Paquet Inspection) dont l’exécution semble plus coûteuse. Sur ce point, Jean-Pierre Bigot,
expert près la Cour d’appel de Versailles, explique que le blocage par DNS « consiste à
diriger l’internaute vers le site de l’autorité à la place de celui bloqué, et lui afficher une page
lui expliquant pourquoi le site a été bloqué, par exemple, qu’il allait être victime d’un phishing
et ce que c’est. Ce blocage aura le mérite de matérialiser une barrière, au-delà de laquelle la
société ne tolère pas. Peu importe si le blocage est contournable, car de toutes les
manières, l’internaute déterminé y parviendra toujours. Le filtrage IP est plus efficace, mais
présente un risque considérable de surblocage, car on ne peut pas déterminer si une IP
abrite un seul site ou des centaines (serveurs virtuels). Le corolaire sera en outre que tous
les sites volontairement illicites iront se loger sur de tels serveurs impossible à bloquer sans
surblocage. Enfin, les techniques de DPI (Deep Paquet Inspection) consistent à analyser les
contenus des flux circulant sur le Net. [Il s’agit d’un] filtrage systématique, et non [d’un]
blocage ciblé, [comportant un] risque de faux positifs » et dont la mise en œuvre demande
des investissements financiers plus importants précise-t-il. (Interview de Jean-Pierre Bigot –
Numerama 27 juillet 2011).
4
En complément de l’affaire « Megaupload », les douanes américaines ont annoncé que
depuis deux ans elles ont saisi 758 noms de domaine de sites (URL) accusés de diffuser des
contenus protégés par le droit d’auteur (Il s'agit de sites proposant des biens manufacturés
contrefaits ou diffusant sur Internet des contenus piratés). Le contentieux le plus important
concerne surtout des sites de retransmission de rencontres sportives en streaming n’ayant
pas obtenu de droits. Parfois même, le souci de prévention a pu pousser les services secrets
américains à demander la suspension temporaire d’un nom de domaine d’un site a priori
légal mais dont l’un de ses utilisateurs a pu commettre une infraction. En effet, le media
« Wired » rapporte que les services secrets ont obtenu, le 15 février 2012, du registrar
« GoDaddy » qu’il suspende sans préavis le nom de domaine « JotForm.com ». Ce site
propose un service de création de formulaires HTML, qui peuvent ensuite être importés sur
les pages web d’autres sites. Et c’est probablement l’utilisation frauduleuse de l’un des deux
millions de formulaires créés qui a provoqué l’intervention des services secrets américains.
Cette suspension n’a été maintenue que 24 heures, mais elle reflète bien la volonté des
Etats-Unis de combattre efficacement et sans délai les infractions au droit d’auteur, et plus
largement à la propriété intellectuelle sur internet.
Enfin, s’agissant du tout récent Center for Copyright Information (CCI), ses objectifs sont
d’une part, d’informer le public sur l’offre légale de contenu et d’autre part, de renseigner le
public sur la protection et la sécurisation des ordinateurs afin de ne pas mettre à disposition
d’autrui des contenus protégés par le biais d’un partage sur les réseaux peer-to-peer. Ce
système prévoit deux premiers avertissements par mails rappelant les dispositions légales,
les moyens de sécurisation de son ordinateur ainsi que les possibilités d’offres légales. Les
deux avertissements suivants se feront toujours sous la forme électronique mais chacun
d’eux comportera l’obligation de confirmer la bonne réception ainsi que leur lecture. A partir
du cinquième avertissement, le système de réponse graduée permet aux FAI soit de réduire
fortement le débit de l’accès à Internet de l’abonné soit de conduire l’internaute vers une
page d’explication pédagogique où un questionnaire sur le droit d’auteur devra être
renseigné avant de pouvoir poursuivre toute navigation. Elle est érigée sous forme de
partenariat privé alliant les groupements de défense des intérêts des ayants droit et les
principaux fournisseurs d’accès à Internet du pays.
Dans cet organisme figurent des représentants des ayants droit de la MPAA et de la RIAA
mais aussi des FAI comme AT&T, Cablevision, Comcast, Time Warner cable et Verizon.
Le Centre sera dirigé par Jill Lesser, experte en droit de la consommation et en copyright qui
a travaillé pour AOL puis AOL-Time Warner.
Le CCI sera associé à un comité consultatif composé d’experts juridiques, de techniciens et
d’experts en défense de la vie privée ; il aura son Copyright Alert System (CAS), programme
automatisé d’alertes.
Les sociétés de défense des ayants droit qui auront repéré des adresses IP engagées dans
des échanges illicites sur les réseaux P2P les transmettront aux FAI.
Ces derniers ne communiqueront pas le nom de leurs abonnés, mais se chargeront euxmêmes de les « sensibiliser aux problématiques du droit d’auteur » et de leur indiquer
diverses sources de contenus légaux, en leur envoyant des courriels d’avertissement.
5
Si l’abonné Internet veut contester ces sanctions, il devra passer par une procédure
d’arbitrage moyennant la somme de 35 dollars afin de saisir un organisme privé d’arbitrage :
l’American Arbitration Association..
L’internaute conserve cependant le droit de saisir la justice.
Le CCI assure que la téléphonie (en particulier les numéros d’urgence) et les services
Internet de surveillance ou de santé ne risquent pas d’être interrompus.
Annexe 2 la Corée :
La KCC emploie 70 personnes et ses principales attributions sont les suivantes :
- Monitoring des violations de droits d’auteur via les reproductions illégales sur internet et
émission d’avis aux FAI.
- Médiation et conciliation en cas de différends sur les droits d’auteur.
- Délibération sur le montant des redevances ou royalties pour les organisations.
- Promotion du « fair use » des œuvres protégées par les droits d’auteur.
- Coopération internationale pour la protection des droits d’auteur.
- Education du public sur les droits d’auteur.
- Formation d’experts sur les droits d’auteur et recherche sur les politiques en matière de
droits d’auteur.
- Enregistrement des droits d’auteur.
Un comité de délibération (« illegal works deliberation committee ») a été créé par la KCC en
juillet 2009, en charge d’analyser les œuvres téléchargées illégalement et qui émet des
recommandations. Il gère en outre un site internet baptisé CPY112 sur lequel les particuliers
peuvent y dénoncer les abus (www.copy112.or.kr).
Le programme d’obstruction de contenu illégal (l’ICOP) a été développé par le Copyright
Protection Center (CPC) pour permettre un suivi automatique des contenus illégaux sur
l’internet.
La loi ne prévoit pas d’indemnisation des fournisseurs d’accès à internet (FAI) dans le cadre
de l’exécution matérielle des décisions de la KCC et du ministère de la culture, du tourisme
et des sports. Ces coûts d’exécution des décisions administratives restent donc à la charge
des FAI.
Le pragmatisme de la loi Coréenne tient principalement dans le fait que le champ d’action
des interventions du ministère ou de la KCC est limité aux « web hard » ou « bulletin
board », extrêmement développés en Corée du Sud et qui sont le principal lieu d’échange
des œuvres piratées. Ce constat a pu être établit grâce au programme d’obstruction de
contenu illégal. En effet, l’ICOP a été développé pour permettre un suivi automatique durant
24 heures des contenus illégaux sur l’internet afin de cibler là où l’infraction est la plus
6
endémique (89% des téléchargements illégaux ont été détectés à Séoul et Gyconggi-do) et
de pouvoir s’adapter aux changements dans les technologies numériques et dans les
environnements dans lesquels les contenus sous copyright sont utilisés. Ainsi, un suivi
régulier des violations du droit d’auteur est effectué, divisé par catégories et avec un
personnel spécifiquement dédié, au cœur de l’ICOP qui effectue 24 heures de surveillance
automatisée le week-end de nuit et les jours fériés. Par ailleurs, une répression plus
rigoureuse est prévue à l’encontre des « téléchargeurs » de contenus importants. Ils feront
l’objet d’un dépôt de témoignage, de pénalités plus importantes et d’une surveillance sur
l’internet continue par l’ICOP.
On citera encore, basé sur ce modèle, le cas du Japon.
Annexe 3 L’Allemagne :
Le système juridique du droit d’auteur allemand diffère du système français sur deux points
essentiels : Une conception moniste du droit d’auteur d’une part et des exceptions
différentes d’autre part. La conception moniste du droit d’auteur allemand, contrairement à la
conception dualiste française (où droits patrimoniaux et droits moraux ne se calquent pas),
implique d’analyser celui-ci comme un tout indivisible. De cette conception découle le fait
que les droits moraux cessent d’exister en même temps que les droits patrimoniaux (c'est-àdire 70 ans post mortem autoris).
S’agissant de la contrefaçon commerciale, l’Allemagne avait dès le mois de juin 2011 fait
interdire le site « kino.to. ». Il s’agissait d’un site de liens qui, bien que n’hébergeant pas luimême de fichiers illicites, faisait vivre différents services d’hébergement de fichiers sur
lesquels il reposait. L’un d’entre eux (« SkyLoad.net ») vient récemment de faire l’objet d’une
interdiction. En effet, le site a été fermé le 14 février 2012 par la police allemande, qui a
arrêté son propriétaire. Dans cette opération, la police a également interpellé le dirigeant de
la société qui fournissait les serveurs et la bande passante utilisée par le site « SkyLoad ».
Pour la justice allemande, ce dirigeant est accusé d’avoir sciemment fourni des serveurs aux
groupes pirates qui délivrent les premières copies des œuvres illicites ainsi qu’à des sites de
streaming de films protégés. Dans un cas similaire (celui de juin 2011 sur un délit de
contrefaçon), l’administrateur du site « kino.to a été condamné à une peine de trois ans de
prison.
En mai 2011, le ministre de la culture allemand, a envisagé de mettre en place un système
de riposte graduée, similaire à celui instauré par l’HADOPI en France, pour lutter contre le
téléchargement illégal. S'exprimant lors d'une convention de la CDU (conservateurs), le
ministre a estimé que les fournisseurs d'accès à Internet devaient "prendre leurs
responsabilités" et il s’est dit favorable à la mise en place d’un système d’avertissement
avant toute sanction judiciaire.
Enfin, selon la fédération allemande de l’internet eco, les fournisseurs d’accès à internet
transmettraient chaque mois, sur la base d’une décision de justice, aux industries détentrices
des droits d’auteur, près de 300 000 adresses d’utilisateurs. Cette traçabilité et une offre de
contenus légaux en hausse auraient permis, d’après eco, de diminuer de plus de 20% le
piratage en ligne depuis 2008.
Mais parallèlement, un tribunal dispense l’hébergeur YouTube de fournir les données
concernant un utilisateur : YouTube avait retiré un contenu illégal (vidéos « captées » en
salle de cinéma) après notification de l’ayant droit. En revanche, le site a refusé de
transmettre les données personnelles de l’utilisateur. Le tribunal lui a donné raison, en
7
estimant que la dimension commerciale du délit, telle qu’elle est requise par l’article 101 de
la loi sur le droit d’auteur pour justifier une requête d’information, fait défaut.
Il est à noter que le transfert d’adresses IP, dont les titulaires sont soupçonnés de
téléchargement illégal, aux détenteurs de droits d’auteurs de films ou de morceaux de
musique est légal en Allemagne selon la législation sur la protection des données. Un
tribunal hambourgeois (l’Oberlandesgericht de Hamburg) a rendu une décision en ce sens le
3 novembre 2010 (5 W 126/10 approbation des méthodes du fournisseur de solutions d’antipiratage Logistep).
Annexe 4 Le Royaume Uni :
Le gouvernement britannique a pris la décision de ne pas édicter à ce stade de
réglementation visant à permettre des injonctions judiciaires ordonnant aux FAI le blocage
des sites illégaux sur la base d’un rapport de l’OFCOM. En parallèle, les ayants droit et les
FAI ont engagé des négociations visant à définir les conditions dans lesquelles des sites de
streaming ou de pair à pair (ou peer to peer) pourraient faire l’objet de mesures de blocage
sur une base volontaire. Toutefois, et l’on ne sait s’il s’agit d’une mesure exceptionnelle ou
non, l’agence britannique de lutte contre le crime organisé (SOCA), rattachée au ministère
de l’intérieur, vient de saisir le site internet « RnBxclusive.com » qui proposait des morceaux
de musique en téléchargement illégal, souvent inédits (en date du 15 février 2012). Ainsi, en
l’absence d’injonction judiciaire, une autorité administrative anglaise a pu bloquer un nom de
domaine en .com (qui est de la compétence technique des Etats-Unis) en affichant sur la
page d’accès à ce site le message suivant : « la SOCA a pris le contrôle de ce nom de
domaine. Les individus derrière ce site ont été arrêtés pour escroquerie…la majorité des
fichiers musicaux qui étaient mis à disposition sur ce site étaient volés à des artistes … Si
vous avez téléchargé de la musique en utilisant ce site vous avez pu commettre une
infraction pénale condamnée d’une peine maximale de 10 ans d’emprisonnement et d’une
amende illimitée selon la loi britannique… [le site internet affiche également l’adresse IP du
visiteur, le type de navigateur qu’il utilise, son système d’exploitation ainsi que l’heure de
cette visite] : L’information ci-dessus peut être utilisée pour vous identifier et vous localiser ».
Cette action est à rapprocher d’une précédente où, il y a quelques années, la chaîne de
télévision BBC avait retransmis en direct l’arrestation de l’administrateur du site OinK qui
proposait des téléchargements similaires. Au bout de trois ans de procédure, en 2010, il était
relaxé par la justice.
Fondés également sur ce modèle, on citera également des pays comme la Suède, la
Nouvelle-Zélande, la Finlande (la direction des droits sur la propriété intellectuelle au
ministère de l’éducation - M. Jukka Liedes – estime à 1 million d’euros le total des dépenses
publiques faites en faveur du droit d’auteur) et parallèlement l’Australie.
Annexe 5 Le Danemark :
Le problème de la lutte contre le piratage face au développement de la technique, et
notamment des réseaux en Wi-Fi, a donné lieu à des décisions de justice relaxant très
majoritairement les internautes incriminés. En effet, le fait d’accuser le détenteur d’un point
d’accès de connexion à Internet de contrefaçon et/ou de piratage est au cœur de nombreux
8
procès intentés par les ayants droit au Danemark. En septembre 2008, la justice danoise a
relaxé deux femmes accusées d’avoir mis à disposition sur Internet des fichiers de musique
protégés par le droit d’auteur. Leur système de défense fut de déclarer que leur connexion
Internet a été utilisée par des inconnus. La loi danoise sur le piratage internet ne prévoit,
contrairement au droit français sur ce point, aucune obligation de sécurisation de son accès
internet. L’Antipiratgruppen, une branche de l’IFPI, avait accusé ces deux danoises d’avoir
mis à disposition (uploadé) des morceaux de musique illégaux sur le net. Les plaignants
avaient estimé le préjudice à 30 000 dollars et 32 000 dollars pour l’autre. Les deux femmes
ont reconnu avoir des logiciels de P2P sur leur ordinateur. Surtout elles n’ont pas nié que
des téléchargements illégaux avaient eu lieu via leur connexion Internet. Mais elles ont
indiqué qu’elles n’en étaient pas responsables et ont fait valoir que leur ligne Wi-Fi avait été
utilisée par des personnes inconnues. De leur côté, les plaignants ont réaffirmé que
l’utilisateur d’une ligne Internet est responsable de ce qui est fait de sa connexion, et que
c’était aux contrevenantes de prouver qu’elles n’avaient pas partagé des fichiers illégaux.
Mais la Haute Cour en a décidé autrement, et a relaxé les deux accusées. Ce jugement
suivit une décision similaire prise par la cour d’appel de Frankfurt début juillet 2008. Pour
l’avocat de l’époque des deux danoises, cette décision « claire et nette » rappelle que « c’est
aux plaignants d’apporter les preuves. » Il poursuivit : Beaucoup de gens ont reçu des
courriers qui leur ont donné l’impression qu’ils devaient payer. Mais, on a maintenant une
réponse de la cour : ils n’ont pas à payer. Il ne suffit pas de dire que vous êtes coupable de
piratage simplement parce que vous avez un point d’accès à Internet. "
L’antipirategruppen a décidé d’abandonner tout contentieux face aux relaxes quasi
systématiques des tribunaux en matière de poursuites individuelles. En effet, ces derniers
considèrent que concrètement, le niveau de preuve de la contrefaçon requit ne peut s’obtenir
que par des aveux.
En revanche, et s’agissant de la contrefaçon commerciale, la loi danoise semble tout à fait
adaptée. En effet, un groupement représentant une trentaine de titulaires de droits d’auteur
musicaux vient de faire interdire le site de streaming « Grooveshark ». La Cour de justice du
Danemark a donc enjoint l’opérateur « 3 » de bloquer l’accès au site Grooveshark. Le FAI
dispose dès lors d’un délai de quatre semaines avant de décider d’exécuter ou non la
mesure ordonnée par la Cour. Si l’opérateur faisait le choix de ne pas suivre l’avis de la
justice, il lui appartiendrait dès lors de saisir la Haute Cour de Justice du Danemark.
Annexe 6 L’Espagne :
A l’origine, le gouvernement espagnol avait inséré dans le projet de loi sur l’économie
durable, présenté en mars 2010, certaines mesures modifiant la loi 34/2002 sur les services
de la société d’information et le décret législatif 1/1996 qui établit le cadre général de la loi de
propriété intellectuelle. Cette disposition est connue sous le nom de « loi Sinde », du nom de
la ministre de la culture, Angeles Gonzalez-Sinde. Après de nombreux aléas législatifs, la loi
2/2011 dite « sinde » adoptée le 4 mars 2011, contient des dispositions pouvant permettre,
en cas de coopération, de bloquer ou suspendre l’accès aux sites web depuis lesquels des
contenus protégés sont susceptibles d’être téléchargés. La commission de propriété
intellectuelle du ministère de la culture est saisie par les ayants droit qui invoquent la
présence de contenus illicites sur un site. Si la commission juge recevable la demande, elle
9
demande au responsable du site internet de retirer le contenu ou de faire valoir ses
observations dans un délai de 48 heures. En l’absence de retrait volontaire, la commission
peut prendre une décision constatant l’atteinte aux droits d’auteur et ordonnant la fermeture
du site. L’exécution de cette décision est subordonnée à une autorisation du juge judiciaire
qui vérifie que la mesure souhaitée ne se heurte pas de façon disproportionnée à d’autres
droits fondamentaux. En revanche, rien n’est prévu pour les utilisateurs de l’internet. Aucun
internaute ne peut être poursuivi. On notera au passage que bien que même si certains pays
(comme les Etats Unis) saluent la progression de la loi espagnole permettant aux
détenteurs de droits d’auteur de faire enlever ou bloquer l’accès à des contenus illégaux en
ligne, ils rappellent que des problèmes persistent : les titulaires de droits n’ont toujours pas la
possibilité d’obtenir les informations nécessaires leur permettant d’identifier les personnes
violant leurs droits et de facto ne peuvent pas exercer de poursuites à leur encontre ; une
circulaire émise par le Procureur Général en 2006 semble décriminaliser le partage de
données en peer-to-peer ; enfin, les juges espagnols n’imposent que très peu de sanctions
pénales en cas d’atteinte aux droits de propriété intellectuelle.
S’agissant de l’application du droit d’auteur sur internet, la jurisprudence espagnole fait la
distinction entre les sites qui proposent des liens directs de téléchargement vers des
plateformes de direct download, qui eux sont responsables du contenu offerts, et les sites
qui se contentent de proposer des liens de peer-to-peer dont la responsabilité ne peut être
retenue (En appel, Cour provinciale de Barcelone à propos du site « Elrincondejesus.com »
qui proposait des liens eMule et Bit Torrent pout télécharger des films, séries TV, albums de
musique et logiciels. Responsabilité retenue). En mars 2010, la justice espagnole avait
estimé que le détenteur d’un site n’était pas responsable du contenu mis en partage grâce à
des liens, notamment lorsque l’on n’héberge pas soi-même les contenus référencés et que
l’on n’en tire pas de bénéfice pécuniaire.
En ce sens, la Cour provinciale de Barcelone semble depuis peu (mars 2012) opérer une
distinction entre l’hébergement de liens de P2P, non condamnable (jurisprudence constante
depuis 2006), et l’hébergement de liens menant vers des sites de téléchargement direct
devant faire l’objet d’une condamnation (affaire « elrincondejesus »). Un pourvoi a été formé
et la Cour suprême espagnole aura à se prononcer sur cette différence de régime entre les
liens de téléchargement lorsque les contenus sont partagés par les utilisateurs (P2P) ou
selon qu’ils renvoient vers des plateformes de DDL.
Un mois après la mise en œuvre de la loi anti-piratage, selon le quotidien El Mundo, la
Commission de la Propriété Intellectuelle a reçu 213 plaintes et 79 demandes de blocages.
Pour chaque dossier, elle doit en premier lieu tenter une conciliation avec les responsables
des sites visés par la demande. Au terme de celle-ci, et en cas d’échec, la Commission
pourra ensuite transmettre le dossier à la justice, qui statuera alors sur le retrait des
contenus protégés ou sur le blocage du site, pouvant aller jusqu’à un an.
Fondés également sur ce modèle, on citera également les cas de l’Italie (l’Agcom ordonne
au FAI le retrait de l’œuvre si celui-ci n’a rien fait suite à la demande du titulaire de droits) du
Chili (simples envois de mails aux internautes), de la Hongrie (pas de contrefaçon pour un
téléchargement d’œuvre protégée à des fins personnelles ; seul le partage est interdit), de la
Roumanie et de la Turquie.
10
Annexe 7 L’absence de loi spécifique ou de résultats opérants :
Enfin, les pays développés ne respectant pas ou peu le droit d’auteur ou le copyright sur
l’Internet sont (voir en ce sens également la liste noire du Congrès américain
« Congressional International Anti-Piracy Caucus » 2011), la Chine, la Russie, l’Ukraine et le
Canada. A noter le cas de l’Irlande qui n’a pas de loi spécifique et ce, en contravention avec
le droit européen sur la question (un projet de révision à minima est toujours en cours dans
le cadre d’un « statutory instrument »).
11
Annexes techniques
Annexe A Budget Hadopi alloué à la réponse graduée :
En 2012, le coût prévisionnel global de la réponse graduée est de 6,7 millions d'euros.
Ce coût se répartit, pour l'essentiel, entre :
- les charges d'investissement, d'amortissement et de maintenance liées au système
d'information dédié à la réponse graduée (près de 40 %),
- les charges de personnel (34%),
- les frais postaux et de télécommunications (12 %).
Le tableau suivant présente plus en détail la ventilation de ce coût :
Poste
Réponse
graduée
Libellé de la dépense
Total
6 737 074,51
64
Charges de personnel
2 322
776
205
Concessions et droits similaires, brevets,
licences, marques procédés, droits
1 128
131
68
Dotations aux amortissements et aux
provisions
967
535
626
Frais postaux et frais de télécommunication
778
917
615
Travaux d'entretien et de réparations
546
297
613
Locations
268
172
63
Impôts, taxes et versements assimilées
193
982
604
Achats d'études et prestations de services
162
560
622
Rémunérations d'intermédiaires et
honoraires
127
059
12
Ce coût prévisionnel de la réponse graduée comprend :
- le développement et la maintenance du système sécurisé de traitement des données,
- le traitement des saisines transmises par les ayants droit (près de 80 000 chaque
jour),
- les échanges avec les fournisseurs d’accès à Internet en vue de l’identification des
abonnés et la transmission des recommandations,
- l'élaboration des premières et des secondes recommandations aux abonnés,
- la mise en place de la troisième phase.
Pour calculer le coût annuel structurel de la réponse graduée (hors dépenses
exceptionnelles réalisées sur l’année 2012), il convient de lisser les investissements
réalisés en 2012 en les amortissant selon la règle définie dans le règlement comptable et
financier de la Hadopi pour le compte 205 (Concessions et droits similaires, brevets,
licences, marques, procédés, logiciels, droits et valeurs similaires), soit 3 ans. En
conséquence, il convient de diviser le coût des investissements prévus en 2012 sur le
compte 205 (soit 1 128 131 €) par 3. En résulte un coût annuel structurel d’investissement de
376 044 €, soit un coût annuel structurel de la réponse graduée de 5 743 342 €.
Annexe B sur les mesures techniques mondiales de repérage, de protection et
d’accès à l’œuvre :
D’après Global industry analysts inc., le marché mondial de la gestion des droits numériques
pourrait atteindre les 2,5 milliards de dollars en 2017 (San José, Californie (PRWEB) 21
Novembre, 2011). Bien entendu, sur ces 2,5 milliards attendus, tout ne sera pas consacré à
l’unique protection des droits d’auteur, mais également à la sécurisation des contenus
numériques stratégiques des entreprises ou à la sécurisation contre le vol de données par
exemple. Mais le plus gros du budget concernera tout de même l’industrie créative. Alors
que sur les marchés matures la sphère des producteurs et éditeurs de musique réduit
fortement ses dépenses en matière de DRM (voir en ce sens les déclarations faites par le
SNEP en France mais aussi par l’IFPI, ainsi que la plupart des majors mondiales) et tend
vers une suppression partielle (ce qui a été supprimé, ce sont les mesures techniques de
protection anti-copie et anti-transfert de fichiers sur les offres de téléchargement à l’acte.
Mais pas sur les abonnements, et uniquement sur PC. Donc pas sur le téléchargement à
l’acte sur mobile pour le moment), le marché mondial du livre numérique ainsi que des jeux
vidéo sont quant à eux en hausse constante. Le rapport table même sur une croissance
rapide (19%) des DRM dans la zone Asie-Pacifique où le marché est encore jeune même si
la région où le marché des DRM demeure le plus élevé reste les Etats-Unis. La forte
croissance de la zone Asie-Pacifique s’explique en grande partie par le développement de
l’offre de services de télévisions payantes (en particulier au sein de pays émergeants comme
l’Inde ou la Chine). Ainsi, la part de croissance du secteur des DRM dans la sphère des
médias et du divertissement est de 15,3%. Par ailleurs, petit à petit, des reproches initiaux
que l’on pouvait faire aux DRM, en matière notamment d’interopérabilité, des développeurs
ont mis au point de façon concerte une nouvelle génération de DRM, plus intelligent et plus
respectueux des exceptions des droits d’auteur au profit des utilisateurs. C’est le cas
notamment avec le concept de DRM « Ultraviolet » qui est le fait d’un consortium de
fabricants afin de rendre la lecture du bien numérique acheté compatible sur de nombreux
supports tout en limitant les copies excessives.
13
Par ailleurs, on notera que « Les DRM ont des coûts d’implantation. Dans le système ouvert
de Microsoft, l’encodage réalisé par le fournisseur de contenu est gratuit. Ce sont les
constructeurs de matériel et les plates-formes de distribution, non les ayants droit, qui payent
avec, dans certains cas, un coût répercuté sur l’utilisateur final. La plupart des fournisseurs
de contenus ayant renoncé à développer en interne des solutions DRM pour s’adresser à
des prestataires techniques spécialisés, ils se retrouvent très dépendants de ces firmes. »
Rapport de la commission du CSPLA de 2004 dirigée par le professeur P. Sirinelli sur la
distribution des contenus numériques en ligne.
14