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UNIVERSITE TOULOUSE II – LE MIRAIL UFR SCIENCES ESPACES ET SOCIETES Département des Sciences de l’Education et de la Formation UMR-EFTS Master 1 en Sciences de l’Education et de la Formation L’ANALYSE DE PRATIQUES EN FORMATION INITIALE INFIRMIERE : UNE DEMARCHE DE (TRANS)FORMATION Présenté par Matthieu CHINCHOLLE Sous la direction de Dominique BROUSSAL Membres du jury Laurent TALBOT, Maître de conférences Université Toulouse 2 le Mirail Dominique BROUSSAL, Maître de conférences Université Toulouse 2 le Mirail Marine Do, Cadre de santé IFSI Villeneuve sur Lot Mémoire Professionnel de Recherche en vue de l’obtention du Diplôme de Cadre de santé INSTITUT DE FORMATION DES CADRES DE SANTE Centre Hospitalier Universitaire de Toulouse Juin 2012 Remerciements Je tiens à remercier : - Dominique Broussal, pour sa disponibilité, sa bienveillance, son écoute, son accompagnement qui m’a permis de cheminer tout le long de cette aventure. - Laurent Talbot, pour ses enseignements et ses remarques constructives. - Mireille Alozy, pour son écoute, ses encouragements, son attitude bienveillante. - Les formatrices qui ont accepté de participer à cette recherche. - Madame Pouilles et toute l’équipe pédagogique de l’IFSI de CASTRES qui m’a soutenu dans mon projet. - Les collègues de l’IFCS avec qui j’ai échangé toute cette année, qui m’ont permis de m’interroger sur mes pratiques, un petit clin d’œil à ceux qui m’ont soutenu dans les moments plus difficiles. - Mes parents pour leur aide précieuse, leurs encouragements, leur soutien. - Cécile, ma compagne, pour son soutien inconditionnel, sa patience, son réconfort dans les moments de doutes. - Claire, Thomas et Chloé qui m’ont supporté et porté grâce leur joie de vivre. 2 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 Sommaire INTRODUCTION………………………………………………………………………………………………...4 PREMIERE PARTIE : EXPLORATION DE LA QUESTION DE DEPART ................................................ 7 I. ENTRETIENS EXPLORATOIRES........................................................................................................................... 7 II. APPROCHE CONTEXTUELLE ........................................................................................................................... 14 III CADRE CONCEPTUEL ..................................................................................................................................... 22 DEUXIEME PARTIE : DE LA CONSTRUCTION DE LA PROBLÉMATIQUE A L’ELABORATION DU PROTOCOLE DE RECHERCHE EMPIRIQUE ..................................................................................... 42 IV. PROBLEMATIQUE ET QUESTION DE RECHERCHE ........................................................................................... 42 V. PROTOCOLE DE RECHERCHE .......................................................................................................................... 44 TROISIEME PARTIE : RESULTATS DE L’ANALYSE ET DISCUSSION ............................................... 48 VI. RESULTATS ET INTERPRETATION DE L’ANALYSE DES DONNEES ................................................................... 48 VII. DISCUSSION ................................................................................................................................................ 65 CONCLUSION .................................................................................................................................................... 74 LISTE DES REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ..................................................................................... 77 3 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 INTRODUCTION La réforme de la profession infirmier débutée en septembre 2009 est vécue par les Instituts de Formation en Soins Infirmiers ou IFSI et les partenaires de stage comme un changement de paradigme. L’approche par compétence et l’universitarisation du cursus reconfigurent la place et le rôle des étudiants, des formateurs et des professionnels de terrain. L’une des finalités du référentiel de formation concerne la professionnalisation du parcours de l’étudiant. « L’étudiant est amené à devenir un praticien autonome, responsable et réflexif, c'est-à-dire un professionnel capable d’analyser toute situation de santé, de prendre des décisions dans les limites de son rôle et de mener des interventions seul et en équipe pluri professionnelle. »1 Pour ce faire un outil a été créé pour suivre la progression de l’étudiant : le portfolio. Ce livret est à l’usage de l’étudiant en interaction avec les professionnels de terrain et le référent du suivi pédagogique à l’IFSI. Dans ce portfolio sont formalisées des analyses de pratiques que l’étudiant choisit d’inscrire après chaque stage. Elles sont issues de situations ou activités rencontrées. Ce retour sur la pratique a pour objectif de contribuer « à développer chez l’étudiant la pratique réflexive nécessaire au développement de la compétence infirmière. » 2 Par ailleurs, « pendant la durée des stages, le formateur de l’IFSI référent du stage organise, en lien avec l’équipe pédagogique, le tuteur et le maitre de stage, soit sur les lieux de stage, soit en IFSI, des regroupements des étudiants d’un ou de quelques jours. Ces regroupements entre les étudiants, les formateurs et les professionnels permettent de réaliser des analyses de la pratique professionnelle. »3 Le nouveau référentiel demande donc aux IFSI de formaliser et d’intégrer ces deux dispositifs d’analyse de pratiques dans leur cursus : portfolio et regroupement. En tant qu’infirmier faisant fonction de formateur auprès d’élèves aide-soignant dans un IFSI au moment de la mise en œuvre du nouveau programme infirmier, j’ai pu observer les difficultés de mise en place de ces outils au regard des formateurs de l’IFSI et des étudiants en soins infirmiers. 1 Extrait du référentiel de formation profession infirmier p.69 Extrait du référentiel de formation/profession infirmier p.77 3 Extrait du référentiel de formation/profession infirmier p.81 2 4 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 En ce qui concerne les formateurs j’ai pu percevoir leur ressenti en participant à une formation d’équipe intitulée « Apprentissage de la démarche réflexive ». Dans ce cadre nous avons bénéficié d'une initiation à l’analyse de pratiques. J’ai constaté lors des exercices proposés, les réserves de certaines collègues face à ce type de pratiques : réticences engendrées notamment par la méconnaissance de l’outil, par leur questionnement sur la pertinence d’un tel dispositif, par la posture inhabituelle et inconfortable devant être adopté par le formateur… D’autre part, lors des premiers retours de stage des étudiants et de la restitution du portfolio, j’ai pu constater la surprise de mes collègues face à certaines productions : jugements de valeurs importants sur les situations observées, description de situation impliquant des professionnels mis en défaut sur leurs pratiques ou sur les valeurs professionnelles. Ces documents les ont fortement questionnés sur la compréhension du travail demandé et sur la conservation de tels écrits dans le portfolio qui suit l’étudiant tout le long de son cursus. L’expérimentation des étudiants est à prendre en compte dans cette problématique. Nous avons pu en avoir un aperçu en nous appuyant sur une étude réalisée par des formateurs d’IFSI concernant l’utilisation du port folio par des étudiants intitulée Première utilisation du portfolio en formation initiale en soins infirmiers (Laine, Lefranq-El Helou, Nicot-Hervigo, & Rodek-Thivolle, 2010). Cette recherche indique que seuls 12% des étudiants ayant répondu à cette étude expriment avoir des difficultés pour remplir la partie « analyse de situation ». En revanche 73% des étudiants déclarent ne pas tirer de bénéfices du portfolio, 55% soit plus de la moitié le vivent comme une contrainte et 95% soit quasiment la totalité le perçoivent comme un outil d’évaluation supplémentaire. Cette enquête a le mérite de nous interroger quant à l’intérêt pédagogique du portfolio pour l’étudiant. En effet, dans cette étude le portfolio est vécu majoritairement comme étant un instrument au service du formateur : 79% ou au service du tuteur : 70% et beaucoup moins au service de l’étudiant : 44%. Tout ceci m’amène à me poser les questions suivantes : Comment l’analyse de pratiques est mise en œuvre dans les IFSI ? Les formateurs sont-ils formés à cet outil de formation ? Quelle est l’intention pédagogique de l’analyse de pratiques ? Est-elle la même pour tous les formateurs ? Quel type de relation pédagogique est adopté dans ce genre de dispositif ? Y a-t-il un accompagnement particulier à adopter de la part des formateurs ? 5 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 Comment les étudiants en soins infirmiers perçoivent l’analyse de pratiques? Qu’en comprennent-ils ? Y voient-ils un intérêt pour eux ? Comment perçoivent-ils le fait de travailler en groupe ? En quoi cet outil permet de développer les compétences infirmières des étudiants ? Toutes ces questions laissent à penser que malgré la formalisation concernant l’utilisation de l’analyse des pratiques inscrite dans la réforme des études d’infirmière, l’application concrète de ce dispositif n’est pas clairement défini et n’est pas forcément en phase avec les enjeux énoncés dans le référentiel de formation : « développer chez l’étudiant la pratique réflexive ». En résumé, en tant que futur cadre de santé, nous nous posons la question suivante : Qu’en est-il du regard porté par les formateurs en IFSI et les étudiants en Soins Infirmiers sur l’analyse de pratiques? Pour aborder cet objet d’étude, nous nous inscrivons dans une démarche de recherche qualitative, conçue dans une optique compréhensive. Notre première partie consiste à faire état de la question par une phase exploratoire, qui comporte trois étapes. Nous exploitons d’abord les entretiens exploratoires menés auprès de trois cadres de santé formateurs en I.F.S.I., pour cibler notre champ d’investigation. Ensuite, nous posons le cadre contextuel dans lequel se déroule notre recherche. Enfin nous convoquerons différents concepts en lien avec l’ « analyse de pratiques ». Dans la deuxième partie, la problématique aboutit à l’établissement de la question de recherche centrale, posée au regard du cadre conceptuel. Notre protocole d’investigation empirique est décrit en suivant. La troisième partie de ce travail consiste à l’exposé de nos résultats d’enquête, analysés manuellement. La discussion qui s’ensuit ouvre alors sur des perspectives professionnelles concrètes. 6 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 PREMIERE PARTIE : EXPLORATION de la QUESTION de DEPART I. Entretiens Exploratoires Au travers du constat, nous venons de voir que la formalisation de l’analyse de pratiques dans le nouveau référentiel de formation infirmier peut amener des interrogations et de l’incompréhension des formateurs en IFSI ainsi que des étudiants en soins infirmiers. Notre démarche première a donc été de poursuivre ce questionnement en menant trois entretiens exploratoires de cadres formateurs dans un IFSI de la région midi Pyrénées, aux mois d’octobre et de décembre 2011. Ces entretiens semi-directifs se sont déroulés dans les locaux de l’IFSI pour les deux premiers, au téléphone pour le troisième et ont été enregistrés avec l’accord des interlocutrices. Nous avons modifié leur prénom pour des raisons d’anonymat. Le premier avec Annie, cadre de santé depuis neuf ans, formatrice en IFSI depuis six ans, formée à l’analyse de pratiques. Cet entretien a duré 25 minutes. Le deuxième avec Béatrice, cadre de santé depuis dix ans, formatrice en IFSI depuis cinq ans, non formée à l’analyse de pratiques. Cet entretien a duré 37 minutes. Le troisième avec Christiane, cadre de santé depuis 12 ans, formatrice en IFSI depuis 11ans, non formée à l’analyse de pratiques. L’entretien a duré 27 minutes. Nous avons fait le choix de trois cadres de santé avec une expérience différente, une formée et deux autres pas. Cela nous a permis de pouvoir comparer leur approche concernant l’analyse de pratiques. Nos objectifs étaient : D’identifier les modalités d’utilisation de l’analyse de pratiques pendant la formation, De déterminer l’intérêt qu’elles portent à cet outil, D’identifier leurs objectifs pédagogiques quant à l’utilisation de l’analyse de pratiques. Il ressort de ces entretiens plusieurs points : 7 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 L’analyse de pratiques dans cet IFSI est utilisée à différents moments de la formation, avec des objectifs pédagogiques différents : o 1- Lors du suivi pédagogique individuel de l’étudiant, le formateur reprend ce qui est inscrit dans le portfolio. C'est-à-dire l’analyse d’une activité rencontrée par l’étudiant durant le stage. C’est une « réponse au référentiel ». L’analyse est centrée sur l’apprenant. Elle lui permet de « décrire son étonnement », de « comprendre ce qu’il fait ». La pertinence de l’analyse demandée est fonction de son niveau de formation : au semestre un, une description écrite la plus exhaustive possible tant de l’activité que du contexte. L’un des objectifs est de s’intéresser aux choix de la situation puis petit à petit de procéder à une mise à distance de celle-ci. Cette progression comme choix pédagogique doit permettre aux étudiants de comprendre l’intérêt de l’analyse de pratiques pour eux. Le document écrit dans le port folio et cette séance de suivi pédagogique ont une double finalité : participer à la construction identitaire de l’étudiant en l’amenant à se questionner et répondre à un des quatre critères d’attribution des ECTS correspondant au stage effectué lors du semestre. o 2- Sur le lieu de stage avec un groupe de 2 à 4 étudiants, le formateur reprend les analyses de pratiques inscrites dans le portfolio ou s’appuie sur « une demande de l’étudiant », comme par exemple « une situation d’agressivité ». Ce temps n’est pas exclusivement réservé à cela. Il peut être utilisé pour travailler la démarche clinique. Là aussi, le formateur est plus centré sur la « progression individuelle » de l’étudiant qui essaye d’ « analyser son comportement ». Béatrice trouve les étudiants « plus impliqués » qu’en grand groupe. Ces séances sont aussi utilisées pour la validation du stage. o 3- Lors de regroupements d’étudiants à l’IFSI allant de 8 à 15 étudiants pendant les stages. Les modalités dans ces séquences sont très précises et formalisées pour tous les formateurs de l’école. Une fiche regroupant les consignes, les objectifs et le déroulement de la séance a été réalisée, en utilisant un modèle : le G.F.A.P.P. (Groupe de Formation à l'analyse de pratiques professionnelles) initié par Patrick Robo. Au sein de cet IFSI, seules deux formatrices sont formées à l’analyse de pratiques à l’aide de ce modèle. Cependant, Christiane me dit qu’avec ses collègues elles adaptent les 8 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 modalités en fonction du niveau des étudiants. Elle explique qu’elles ont mis en place une modalité particulière cette année : regrouper les étudiants en fonction des disciplines de stage. Ceci a pour conséquence d’avoir des problématiques semblables et « de mettre du sens dans ce qui est dit ». En début de séance, les objectifs sont clairement énoncés pour l’étudiant impliqué dans la situation comme pour les autres : analyser une situation professionnelle et la comprendre, développer des compétences professionnelles et des capacités d’analyse. Dans ce cas, l’étudiant peut être acteur ou observateur de la situation. A ce sujet, Annie, en lien avec les cadres théoriques reçus, préconise le choix d’une situation vécue par l’étudiant « pour être moins dans le jugement de valeur ». Béatrice trouve la situation observée plus enrichissante. Annie me signifie que les situations ramenées doivent être si possible en lien avec les compétences travaillées lors du semestre, indication qui ne nous est pas confirmée par les deux autres. Autre point important, lors de ces regroupements si un étudiant exprime une émotion, elle ne sera pas « investie » pendant la séance mais reprise « après en face à face, durant un accompagnement individuel ». Le déroulement de la séance est le suivant : présentation des situations proposées par les étudiants, choix d’une situation par vote, exposé de la situation, questionnement des autres membres du groupe avec l’animateur qui régule et pose des questions éventuellement, émission d’hypothèses par le groupe sur « ce qui est modifiable dans la situation », retour du narrateur sur ce qui a été dit, recherche de lien avec des cadres théoriques, les compétences, les unités d’enseignement et enfin une conclusion avec le ressenti des participants lors de la séance. Dans ce dispositif, les formateurs sont centrés principalement sur la situation. Nous constatons des points communs dans ces trois dispositifs : o la pratique est toujours contextualisée au travers d’une situation plus ou moins complexe. o Il est demandé à l’étudiant une rédaction écrite de la situation basée sur des faits. Cette modalité est importante pour Annie, beaucoup moins voire un frein pour Béatrice. Celle-ci pense qu’il est plus constructif de « décrire ce dont ils se souviennent » à l’oral et de réfléchir avec l’étudiant sur ce qu’il manque. 9 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 Dans le discours des trois formatrices, des convergences concernant l’analyse de pratiques émergent : o elle permet « d’évaluer le champ des possibles » en utilisant ce qu’une formatrice appelle la « multiréférentialité », o elle favorise la réflexion tant individuelle que collective, « permet de se regarder pédaler », o elle apporte un éclairage sur la situation exposée, o elle participe à la professionnalisation de l’étudiant, elle favorise « la posture professionnelle », o elle fait le lien avec la théorie, permet « de mieux intégrer les savoirs », o elles estiment que le groupe, autour de 8 personnes, est une plus-value de l’analyse de pratiques. Elle favorise « la capacité à parler en groupe », apprend à « faire confiance au groupe », possible transfert avec le travail d’équipe, o Quand les étudiants ont intégré la démarche, ils sont quasiment autonomes, l’animateur a uniquement un rôle de « régulateur de la parole » et de gestion du temps, o les trois sont d’accord pour faire de la connaissance du programme infirmier un préalable incontournable pour le formateur-animateur. Par contre sur certains points leurs objectifs divergent : o elles portent un regard différent sur la possibilité de transférabilité de la situation analysée. Deux d’entre elles pensent que c’est un des intérêts de ce dispositif, cela permet à l’étudiant d’être « mieux armé pour affronter d’autres situations », de construire ce qui lui manque pour faire face aux prochaines situations de « même type ». Béatrice estime au contraire que l’une des finalités est « de montrer que chaque situation est unique », « particulière ». o L’une d’entre elle privilégie la participation des étudiants plutôt que l’application à la lettre des étapes du dispositif. o Une autre insiste sur l’importance de « sortir l’étudiant de ses représentations » pour élargir sa vision de la situation. Le rôle du formateur est d’animer la séquence. Il est le « garant méthodologique », « le garde-fou ». Il veille au bon déroulement de la séance et au respect des consignes : « volontariat, confidentialité, respect de l’autre et de sa parole, liberté de chacun de 10 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 s’exprimer ». Il ouvre « le questionnement sur tous les champs ». Il doit « pousser la réflexion ». Il doit « mettre en confiance » les participants. Les compétences de l’animateur sont de plusieurs ordres : relationnelles, capacités d’observation et de faire rapidement les liens entre la situation, le contenu des unités d’enseignement et les dix compétences infirmières. Les difficultés rencontrées sont : o Pour Béatrice le fait d’«être trop concentrée à appliquer la méthode », d’être encore dans la découverte de l’outil. Il lui arrive de se sentir frustrée face à la passivité ou au manque d’intérêt du groupe face à l’analyse de pratiques, o Pour les trois formatrices, le nombre d’étudiants devrait être limité à 12 maximums, o Les étudiants ont d’avantage tendance à porter des jugements de valeur sur le service lors des analyses de pratiques sur les lieux de stage. Les limites de l’analyse de pratiques évoquées lors de ces entretiens sont variables selon les formatrices et les dispositifs mis en place : o Pour l’une le fait qu’il n’y ait pas de compte rendu écrit des séances du groupe est un manque. o la plupart des formatrices dans l’IFSI ne sont pas formées à l’analyse de pratiques : 2 sur 9, or cette méthode demande une implication importante et de l’intérêt pour le dispositif pour amener l’étudiant à en comprendre les finalités. Une des formatrices interrogées non formée avoue avoir été réticente à l’utilisation de l’analyse de pratiques, elle reconnait maintenant que cette « gymnastique intellectuelle » s’acquiert et est nécessaire pour construire « sa posture professionnelle ». o La prise de parole en groupe peut être un frein à la participation de l’exercice. Des pistes d’amélioration sont évoquées. Annie souhaiterait faire un bilan des analyses de pratiques chez les étudiants, connaitre leur ressenti, leur intérêt. Pour Béatrice, une formation serait un plus pour assoir son positionnement d’animatrice et mieux maitriser la théorie de ce genre de dispositif. Pour résumer, selon les formatrices rencontrées, l’analyse de pratiques est un outil d’apprentissage pleinement intégré par les étudiants qui leur permet de construire leur identité d’apprenant et surtout de futur professionnel, de faire des liens entre « théorie et pratique », de mieux se connaitre en tant que personne et de savoir analyser des situation 11 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 complexes. Ils « sont habitués » à l’utiliser de façon naturelle. Certains sont en demande de la démarche. Les deux formatrices qui l’utilisaient avant la réforme de 2009 estiment que cet engouement est lié à la « philosophie » du nouveau programme de formation dont l’axe principal est la réflexivité, terme qui n’a cependant pas été employé par les formatrices durant les entretiens. Cependant des questions restent en suspens. L’une des formatrices nous a clairement dit qu’il n’y avait rien de formalisé concernant la façon dont elles évaluent l’analyse des situations de travail exposées dans le portfolio. Pourtant cette évaluation participe à l’attribution des ECTS correspondant au stage. Il n’existe ni grille commune à l’IFSI, ni au niveau de la région. D’autre part, elle souligne que les étudiants en début de formation dans leur grande majorité ne conçoivent l’analyse de pratique du portfolio que comme faisant partie de la validation du stage4. C’est seulement à la suite des analyses de pratiques effectuées lors des regroupements que la plupart prennent conscience de l’intérêt de tels dispositifs. Cela leur permet de « mettre plus de sens en termes de questionnement et de méthodologie ». Le manque de formation soulevé par deux formatrices pousse à s’interroger sur l’intérêt de professionnaliser l’usage de ces dispositifs. A ce sujet, une formatrice soulève le rôle des tuteurs de stage quelle désigne comme « une ressource », une aide pédagogique pour l’étudiant pour réaliser les analyses du portfolio. Nous pouvons nous interroger sur leur qualification en analyse de pratiques, sur l’accompagnement de la fonction de tuteur, leur connaissance du nouveau programme. Ainsi, avant de nous interroger sur le regard que les étudiants portent sur l’analyse de pratiques il nous semble nécessaire et pertinent de réfléchir sur la vision des formateurs en IFSI sur ce sujet. En effet, nous voyons bien que les finalités de l’analyse de pratiques prescrites par le nouveau référentiel de formation et l’usage qu’en font les étudiants sont fortement dépendants de l’approche des formateurs, de comment ils le font vivre tout au long du cursus et des échanges à ce sujet avec les autres acteurs de la formation. Nous reformulons donc notre question de départ de la manière suivante : Qu’en est-il de la réflexion des formateurs au sujet des situations de travail analysées par les étudiants dans le portfolio ou lors des regroupements? Si nous nous plaçons comme futur formateur auprès d’étudiants infirmiers, plusieurs points nous interrogent : l’opportunité pour l’étudiant de tels dispositifs qui doit composer en 4 Article 56 de l’arrêté du 31juillet 2009 12 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 fonction des différents objectifs pédagogiques proposés par les formateurs, l’évaluabilité de tels dispositifs au regard de la prescription. Face à ce questionnement, il est donc clair qu’un éclairage théorique est nécessaire : Pourquoi analyse-t-on les pratiques ? Comment analyse-t-on les pratiques ? Quel intérêt cela peut-il avoir en formation initiale ? Nous voyons bien à la lecture de l’analyse des entretiens exploratoires que plusieurs concepts sont invoqués ne venant pas des mêmes cadres théoriques. Nous choisissons d’en développer trois qui nous semblent pertinents dans une recherche ayant comme toile de fond la formation initiale des infirmiers. Le premier est l’approche multiréférentielle développée par Jacques Ardoino. Le second est le concept de réflexivité qui est au centre du nouveau référentiel de formation et lié nous le verrons à l’analyse de pratiques. Le troisième est la conceptualisation dans l’action dans le cadre de la didactique professionnelle, introduite par Pierre Pastré. Nous avons choisi volontairement d’axer notre travail dans un courant que nous qualifierons de « cognitivo-réflexif » qui nous semble bien refléter la couleur de ce nouveau programme infirmier. D’autre part pour des raisons de faisabilité et de temps, il nous semblait judicieux de faire des choix d’orientation. Nous sommes, cependant, conscients que d’autres focales seraient susceptibles d’être approfondies comme le concept d’identité professionnelle ou l’approche psychanalytique de l’analyse de pratiques. Avant cela, il est nécessaire de poser le contexte dans lequel se déroule notre travail de recherche. Il est donc important de regarder d’un peu plus près la genèse de ce nouveau référentiel, de comprendre la place du formateur, celle de l’étudiant et celle des soignants. Il sera aussi nécessaire de préciser le rôle de cet outil qu’est le portfolio. 13 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 II. Approche contextuelle La dernière réforme des études infirmières dataient de 1992, soit 17 ans d’application, la plus longue de tous les programmes. Ce dernier programme s’appuyait sur une logique de contenus qui n’est plus adapté aux pratiques de soins actuelles. La formation était devenue insuffisante au regard de l’évolution des besoins de santé de la population et de la diversité de l’offre de soins. C’est pourquoi en septembre 2009, un nouveau référentiel de formation infirmière a débuté. Comme le souligne Mercedes Chaboissier (2009) cette réforme invite : « les infirmiers à passer progressivement d’une logique d’actes à une logique de compétences ». Ce programme a pour ambition de mieux relier les savoirs aux situations professionnelles rencontrés sur les terrains d’exercices. Un autre atout de cette réforme a aussi pour objectif de palier au « grave manque d’attractivité de la profession » (Chaboissier, 2009) ; l’obligation d’une uniformisation européenne et l’universitarisation en sont deux éléments fortement novateurs. Pour construire notre propos, nous choisissons une approche systémique de la situation. C'est-à-dire en se référant au cours de l’IFCS citant J. de ROSNAY dans le macroscope : « la systémique est la théorie des « systèmes » qui se définissent comme des ensembles d’éléments interdépendants, organisés et autorégulés ». Cette approche est basée sur trois principes fondateurs d’interaction, de totalité et de rétroaction et se construit de la façon suivante: l’étude des éléments à l’entrée, la formation, le résultat à la sortie et le feedback entre les parties. C’est pourquoi nous avons décortiqué de nombreux écrits professionnels tirés de plusieurs revues pour comprendre et tenter d’expliquer cette réforme. Au final, nous avons pris le parti d’appuyer notre propos sur deux sources principales. La première est le dossier Rénovation de la formation infirmière, CHU de Toulouse - site de Purpan, réalisé par les membres du Centre de ressources documentaires des professions sanitaires et sociales qui nous semble relativement exhaustif, objectif et pertinent quant au choix des articles sélectionnés. La deuxième est Formations des professions de santé – Profession infirmier. Recueil des principaux textes relatifs à la formation préparant au diplôme d’État et à l’exercice de la profession (2010). 14 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 II.1 Les nouveaux besoins en santé Pour nous aider dans cette réflexion, nous nous réfèrerons à l’article, Nouveaux besoins en santé et évolution des compétences professionnelles, tiré de la revue Soins de mai 2009 qui fait partie du dossier susnommé. La France comme beaucoup de pays européens connait une transformation concernant sa demande en santé. Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte : Le vieillissement de la population amplifie « la prévalence des pathologies de la sénescence, du handicap et des maladies chroniques » (accident vasculaire, diabète, maladie cardiovasculaire…). Les pathologies virales et les problématiques liées aux comportements addictifs et/ou mode de vie restent des priorités de santé publique. « la population est de plus en plus attentive à la prévention » et à la prise en charge de sa santé (la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé) ce qui entraine une exigence accrue dans la qualité des soins prodigués. Les usagers deviennent des « consommateurs avertis ». « Les déterminants de santé sont connus et d’avantage pris en considération ». Les solutions apportées à ces changements sont plurielles : - Redéfinition de l’organisation de la santé avec la loi « Hôpital, patients, santé, territoires », qui a comme objectifs parmi d’autres de renforcer l’éducation thérapeutique, de développer des coopérations entre professionnels, - « mises en œuvre de plans et/ou de programmes fixant les priorités de santé publique », - « présence d’usagers partie prenante d’instances » dans le domaine de la santé. Parallèlement à cela le vieillissement démographique touche fortement les effectifs des professionnels de santé. Les « baby-boomers » sont devenus les « papy boomers ». Les départs à la retraite s’intensifient, qu’ils concernent les médecins ou les professions paramédicales. En 2009, « 30,6% des infirmiers ont plus de 50 ans et 15,4% plus de 55 ans »5. « 94000 infirmiers partiront en retraite dès 2012 ». Cette pénurie a pour conséquence d’augmenter les quotas en formation pour les métiers de la santé, de mettre en place des actions d’information et de fidélisation concernant ces professions, de faciliter les conditions 5 Drees. Les professions de santé au 1er janvier 2009. Document de travail, n°131, avril 2009 15 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 d’exercice au fonctionnement des nouvelles générations. Ainsi, la réforme basée sur une approche par compétences et une uniformisation des études au niveau européen devrait permettre une plus grande mobilité et une meilleure employabilité des professionnels deux caractéristiques centrales de la gestion des ressources humaines actuelles. La reconnaissance du grade licence de la formation infirmière est un argument supplémentaire pour accroitre l’attractivité du métier. Une des conséquences au niveau de la grille indiciaire dans la fonction publique hospitalière est le passage pour les infirmiers de la catégorie B à la catégorie A. D’autre part, le contexte actuel est en proie à des évolutions importantes et très changeantes : L’économie française fragilisée par les marchés financiers, met à mal le système de protection sociale : les déficits cumulés engendrent des politiques de rigueur. La maitrise des dépenses de santé nous impose plus d’efficience et une analyse précise des besoins sanitaires pour être au plus près des attentes des usagers. Comme le dit le slogan : « La santé n’a pas de prix mais elle a un coût » pour la collectivité et plus directement pour le patient. Toutefois cette gestion comptable met le professionnel de santé dans une situation inconfortable car il doit jongler entre rentabilité, qualité des soins et sécurité du patient. La réduction des moyens - qu’ils soient humains ou techniques - retentit fortement sur la façon d’exercer son activité. Face à ses évolutions, on constate de nombreux changements : La durée moyenne de séjour qui diminue obligeant les professionnels à plus de réactivité et d’efficacité dans leur prise en charge et d’anticipation dans l’organisation de la sortie du patient. Les admissions des personnes âgées dans les structures d’hébergement ou unités de soins de longue durée se font le plus tardivement possible. Le développement des technologies de précision, la modification des modes de communication et l’utilisation quasi systématique de l’informatique demandent aux professionnels de nouvelles compétences qui dépassent le cadre de leur formation initiale. L’apparition dans le paysage médical des NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication) est une véritable révolution. La « création et le développement des réseaux de soins », l’émergence de l’utilisation de « chemin clinique » ou « parcours de soins » favorisent le travail interdisciplinaire. Le métier d’infirmier est un de ceux qui « connaitront des modifications en profondeur dans les années à venir », des réflexions sont actuellement à en cours pour développer 16 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 les pratiques avancées à la suite du rapport Berlan et des coopérations entre professionnels de santé en lien avec l’HAS. Ainsi, « le système d’emploi, de rémunération et de promotions » basés en France essentiellement sur les qualifications tendent à s’appuyer d’avantage sur les compétences, fer de lance de la réforme des études infirmières. Cette situation de changement demande donc à ces futurs professionnels une capacité d’analyse où ils doivent prendre en compte de multiples facteurs. La maitrise de savoir-faire, l’application de savoirs procéduraux, l’intégration de savoirs théoriques ne suffisent plus pour affronter la complexité des situations rencontrées. Elles demandent de conjuguer ces savoirs, de faire preuve d’une capacité réflexive sur sa pratique. Cette posture qui est une des exigences du nouveau programme infirmier apprend à l’étudiant à se questionner et l’aide à faire la liaison entre savoirs et actions. Parallèlement à cela, l’infirmier qui prend en charge la personne soignée pensée dans sa singularité doit avoir conscience des interactions environnementales qui sont susceptibles de modifier sa prise en charge. Cette démarche demande donc un regard holistique des situations. Or, nous avons vu à travers l’enquête exploratoire que les analyses de pratiques formalisées dans le nouveau référentiel pourraient permettre d’apporter une approche plurielle des situations. Ainsi, la réforme des dispositifs de formation des professionnels de santé est une réponse à ces évolutions. 17 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 II.2 La nouvelle réforme de la formation infirmière : un changement de paradigme II.2.1 Elaboration du dispositif de formation Le « processus de Bologne » de 1999 portant sur la construction de l’Espace Européen de l’Enseignement Supérieur repris en France dans la loi de modernisation sociale de 2002 est à l’origine de la réforme de la formation initiale infirmière. Ils identifient plusieurs axes dont les quatre principaux sont : Mettre en place un système compréhensible et comparable pour permettre une bonne lisibilité et faciliter la reconnaissance internationale des diplômes et qualifications, Organiser les formations sur un cycle commun appelé en France Licence/Master/Doctorat, qui oblige les IFSI à passer des conventions avec les universités, Valider les formations par un système d'accumulation de crédits transférables entre établissements appelé E.C.T.S (European Credit Transfert System) Elaborer des référentiels métiers et de formation avec une approche par compétences. Toutes les professions paramédicales vont être touchées par cette évolution, le premier métier fut celui des aides-soignants en 2005, puis la profession infirmière en 2009. D’autres professions (diététicien, masseur kinésithérapeutes, manipulateur en électro radiologie…) sont actuellement en cours de réingénierie. Les nouvelles études infirmières sont régies par l’arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d’état d’infirmier. Elles se déroulent en 3 ans équivalant à 6 semestres. L’obtention du diplôme certifie un grade licence (Bac+3) universitaire. Les premiers diplômés sortiront en juin 2012. Les membres des différents groupes ayant participé à l’élaboration de ce nouveau programme ont commencé par construire un référentiel d’activités. A la suite de cela ils ont conçu un référentiel de compétences ainsi que leurs modalités d’évaluation. Le référentiel de formation est ainsi articulé autour de l’acquisition de dix compétences se référant aux activités du métier d’infirmier. 18 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 II.2.2 Finalités de la formation La formation a pour finalité d’amener l’étudiant « à devenir un praticien autonome, responsable et réflexif, c'est-à-dire un professionnel capable d’analyser toute situation de santé, de prendre des décisions […] et de mener des interventions seul et en équipe pluri professionnelle ». Pour cela il a besoin de développer des ressources. Celles-ci seront internes et externes et mises en pratique lors des stages. « L’étudiant développe une éthique professionnelle lui permettant de prendre des décisions éclairées. » Pour cela aussi, il s’appuie sur un sens critique, une analyse la plus large possible des situations rencontrées, lui permettant de répondre à la question « Comment agir au mieux ? ». II.2.3 Principes pédagogiques Ils sont basés sur « l’acquisition des compétences requises pour l’exercice des différentes activités du métier d’infirmier6 ». Le programme s’articule autour du principe d’ « alternance entre l’acquisition de connaissances et de savoir-faire reliés à des situations professionnelles, la mobilisation de ces connaissances et savoir-faire dans des situations de soins, et, s’appuyant sur la maitrise des concepts, la pratique régulière de l’analyse de situations professionnelles.7 » Il fait le lien entre « les connaissances à acquérir et le développement des compétences requises » ou dit autrement entre la théorie et la pratique. Il s’appuie, pour cela, sur une approche pédagogique centrée sur « la posture réflexive » de l’étudiant qui s’articule autour de trois grandes étapes: comprendre, grâce à l’acquisition de savoirs et savoir-faire, agir, en mobilisant les savoirs et en développant des capacités d’action et d’évaluation et enfin de transférer, par la conceptualisation et la transposition de ses acquis dans des situations nouvelles. Nous y reviendrons plus en détail ultérieurement. La posture pédagogique est centrée sur approche différenciée et humaniste. Elle doit amener chaque étudiant à développer un sens de l’observation, de raisonnement et d’analyse en tenant compte d’une pluralité de facteurs. Les trois années d’études équivalent à 180 ECTS répartis sur les stages (60 ECTS) et les unités d’enseignement ou UE (120 ECTS). 6 7 Annexe 3 de l’arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d’état d’infirmier Ibid. 19 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 II.2.4 Modalités pédagogiques II.2.4.1 Formation théorique La formation théorique compte 2100 heures sous forme de : cours magistraux, travaux dirigés (TD), temps de formation obligatoires réalisés en groupes restreints dont la finalité est d’approfondir des savoirs, d’en permettre l’appropriation par les étudiants, utilisation de méthodes plus interactives travail personnel guidé (TPG), temps de travail où les étudiants effectuent des recherches personnelles, préparent des travaux, en autonomie accompagnée. Ils permettent aussi les suivis pédagogiques individualisés Ces enseignements se partagent en quatre types : les UE de savoirs dits contributifs aux savoirs infirmiers (sciences humaines, sociales et juridiques ; sciences biologiques et médicales) (42 ECTS/1050 heures). Le partenariat universitaire se fait principalement sur ces UE. Il implique une coconstruction et une co-évaluation de ces enseignements. les UE dit de sciences et techniques infirmières, appelé parfois « cœur de métier » (64 ECTS/1600 heures). Elles sont enseignées par les formateurs de l’IFSI et des professionnels de la santé. les Unités d’Intégration (UI) des différents savoirs et leurs mobilisations en situation qui permettent de faire la liaison entre les UE et les compétences du semestre (12 ECTS/400 heures). Elles comportent des analyses de situations, des mises en situation simulées, des analyses de pratiques…Elles doivent permettre à l’étudiant de s’approprier les concepts en les contextualisant et les aider à les transférer dans d’autres situations. les unités de méthodologie et de savoirs transversaux (12 ECTS/240 heures). Toutes ces UE sont détaillées et explicitées dans le référentiel en fonction de la compétence auxquelles elles sont rattachées, des prérequis, des objectifs de formation, des contenus, de leur durée, des modalités et critères de validation. Un temps est dédié au travail personnel complémentaire de 900 heures sur la formation. 20 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 II.2.4.2 Formation clinique La formation clinique compte 2100 heures répartis sur 6 stages, un par semestre. En ce qui concerne les stages, ils permettent à l’étudiant d’être «confronté à la pratique soignante auprès des patients, il se forme en réalisant des activités et en les analysant au sein des équipes professionnelles. »8 Le stage doit donc être un moment d’utilisation et d’intégration des connaissances, de construction de compétences, de réflexion sur les/ses pratiques. L’étudiant est accompagné dans cet apprentissage par différents professionnels : le maitre de stage qui a une fonction organisationnelle qui est dévolue au cadre de santé ; le tuteur de stage qui est un professionnel de santé représentant la fonction pédagogique. Il est l’interlocuteur privilégié de l’étudiant lors du stage. Il suit la progression de l’étudiant ; les professionnels de proximité qui accompagnent l’étudiant au quotidien, le guide, « facilitent l’explicitation des situations » ; le formateur de l’IFSI référent de stage qui fait l’interface entre l’étudiant, l’institut et le lieu de stage. II.2.5 En synthèse Notre description de ce dispositif de formation n’est pas exhaustive, elle permet cependant de montrer que ce nouveau référentiel de formation infirmier s’inscrit dans une démarche de professionnalisation pour l’étudiant qui s’engage dans ce cursus. La philosophie de ce nouveau programme s’appuie sur l’idée que l’étudiant construit les compétences nécessaires à la pratique du métier d’infirmier, et ceci dans une perspective de relative autonomisation. L’apprentissage s’articule autour d’une alternance institut-terrain de stage où chaque acteur joue un rôle en vue d’accompagner au mieux l’étudiant dans cette dynamique. L’analyse de pratique dans ce dispositif est un des outils au service de cet apprentissage. Nous allons maintenant approfondir notre réflexion sur cette notion. 8 Ibid. 21 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 III Cadre conceptuel Nous allons dans cette partie développer les notions et concepts utiles à notre recherche. Dans un premier temps nous nous intéresserons à l’objet central de notre étude : l’analyse de pratiques. Par la suite nous décrirons la notion de multiréférentialité abordée par les formatrices lors des entretiens exploratoires et qui semble être une des notions primordiales de l’analyse de pratiques. Puis nous expliciterons ce qu’est la réflexivité qui est au cœur de ce nouveau programme. Nous terminerons cette partie en nous arrêtant sur un concept qui est en lien avec l’analyse de pratiques et le développement des compétences, autre notion cardinale du nouveau référentiel de formation infirmière : la conceptualisation dans l’action. III.1 L’analyse de pratiques III.1.1 Définitions « Analyse de pratiques » qu’est-ce que cela signifie ? Si nous nous en tenons à cette appellation sans convoquer de concepts ou une littérature spécialisée et que nous décortiquons ce syntagme en cherchant la signification des mots qui le compose, nous obtenons ceci. Signification d’ « analyse » selon Le nouveau petit Robert de la langue française 2009 : « Action de décomposer un tout en ses éléments constituants. Compte rendu, critique, étude. (…) Examen, souvent minutieux qui tente de dégager les éléments propres à expliquer une situation, un sentiment, une personnalité. » Ce vocable est utilisé dans de multiples champs avec des significations différentes que ce soit en chimie, en philosophie, en économie, en informatique, en sciences humaines, en psychanalyse. Comme le dit Patrick Robo (2003), de « cette polysémie, nous retiendrons en particulier qu'en chimie, par la décomposition, il s'agira davantage d'une procédure; ici le tout égalera la somme des parties. Par contre en sciences humaines, il sera davantage question d'un processus qui permettra certes une décomposition mais très souvent la recomposition à l'identique sera quasi impossible : la maîtrise de la connaissance en la matière est, sera incomplète, imparfaite. » Signification de «pratique » selon Le nouveau petit Robert de la langue française 2009 : 22 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 Définition de « la pratique » : 1. « Activité volontaire visant des résultats concrets. Empirique, expérimental, pragmatique. » 2. « Manière concrète d’exercer une activité ». « Ex : la pratique d’une langue, d’un métier, d’un sport. (…) Le fait de suivre une règle d’action. » Définition d’ « une pratique » : 3. « Manière habituelle d’agir, comportement habituel. » Ces différentes composantes permettent de dégager plusieurs points. Dans la première, définition, on retrouve l’opposition entre la pratique et la théorie ainsi que l’intentionnalité et la recherche d’un résultat et non une connaissance abstraite. Il faut des chercheurs modernes pour avancer l’idée qu’il y a une théorie de la pratique. Si l’on s’en tient à la vision traditionnellement mise en avant entre ces deux notions évoquée par Marion Pescheux (2008) se référant aux travaux de Schön (1996), on voit que : du côté de la théorie, se situeraient la rigueur, la rationalité, la simplicité, la certitude, la stabilité, la généralité, et, enfin, la théorie apporterait toujours des solutions ; à l’autre extrémité, la pratique oppose à la rigueur la pertinence, à la rationalité la débrouillardise et l’intuition, à la simplicité la complexité des situations singulières, à la certitude l’incertitude, et apporterait, pour l’essentiel, des problèmes… » Comme l’explique Pescheux (2008), Schön dépasse ce clivage et affirme que « la pratique professionnelle est à la fois un processus de résolution de problème et un processus de construction de problème car, pour transformer une situation problématique en un problème tout court, un praticien doit dégager le sens d’une situation qui semblait n’en avoir aucun. » En d’autres mots le praticien a besoin de comprendre sa pratique, se l’approprier pour appréhender de façon pertinente les situations complexes qu’il rencontre. Dans la deuxième définition, c’est l’idée d’une mise en œuvre de règles, de principes, d’application de techniques qui est mise en avant. Nous sommes proches de « pratiques » synonyme de procédures. Dans ce cadre, l’analyse devient évaluation, au sens où « évaluer les pratiques, c’est mesurer l’écart entre le travail prescrit et le travail réel » (Menaut, 2011). L’utilisation d’un « guide des bonnes pratiques » va dans ce sens-là. Comme l’explique Hervé Menaut (2011), l’évaluation renseigne sur la pratique qui engage la personne comme un opérateur non comme un sujet agissant en situation avec ses intentions, ses empêchements, ses ressources, ses schèmes mentaux, ses représentations…Or tous ces paramètres font que la pratique est dépendante du sujet. « Si, dans leur dimension opératoire, les pratiques désignent des activités ayant pour but de transformer le réel, ces activités sous entendent implicitement 23 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 une intention, […] un choix de moyens. » (Viard, 2009) Nous ne pouvons donc pas les considérer « comme neutres ». (Viard, 2009) Ainsi, « parler de pratiques, c’est par conséquent, accorder une place centrale au sens donné à l’action ». (Viard, 2009) Dans la troisième définition, c’est l’idée d’habitude, relative à une façon de faire, d’accoutumance. A cette approche, nous pouvons associer l’idée de pratique cachée, intériorisée, « routinisée », automatisée. Dans ce cas-là, l’analyse de pratiques serait de faire émerger cet invisible. Mais dans quel but ? Y a-t-il un intérêt à décortiquer ce qui sous-tend nos actions ? La réponse est oui, en effet, « travailler sur sa pratique, c’est donc en réalité travailler sur une famille d’actions comparables et sur ce qui les sous-tend et en assure une certaine invariance […] C’est à la fois se souvenir et tenter d’anticiper, c’est réfléchir à l’action à venir en fonction de l’action achevée. » (Perrenoud, 2001) Cela passe par un travail de prise de conscience de ce que Perrenoud appelle les « schèmes d’action incorporés ». Il entend par schème, « la structure cachée de l’action, son invariant. ». « La pratique désigne également la connaissance que chacun acquiert par l’expérience.» (Viard, 2009) Elle est partagée, discutée, liée à des affects, des représentations. Elle est dépendante du contexte. Elle est individuelle et collective. Analyser sa pratique va donc permettre non seulement de la justifier mais surtout de la rendre intelligible à soi et aux autres. Nous voyons bien que parler d’ « analyse de pratiques » est une chose complexe. C’est pourquoi il est nécessaire de faire appel à différents courant de pensées scientifiques pour appréhender au plus juste ce dispositif et comprendre quelles peuvent en être les potentialités et les finalités. Nous allons commencer par un rapide tour d’horizon des différents dispositifs d’analyse de pratiques puis nous nous arrêterons plus longuement sur l’analyse de pratiques en formation. 24 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 III.1.2 L’analyse de pratiques, un dispositif Parler de concept pour « l’analyse de pratiques » est un peu délicat tant ce terme englobe des significations, des dispositifs très différents, pour en citer quelques-uns : « les Groupes d’approfondissements professionnels (GAP) développés par André de Peretti, les Groupes de Parole dans le cadre de la Pédagogie Institutionnelle, les Groupes d'Entraînement à l'Analyse de Situations Educatives (GEASE), les groupes Balint-Enseignants, les Groupes d'Analyse de Pratiques Professionnelles (GAPP) développés par Nimier, etc. Dans le cadre des formations de base, des séminaires d’analyse des pratiques sont destinés aux futurs enseignants, ils prennent les appellations « Réflexion sur les pratiques », « Ateliers de pratique réflexive », « Séminaire clinique d’analyse des pratiques éducatives » ou encore « Séminaire d’analyse des pratiques d’enseignement et d’apprentissage ». (Petignat, 2010) Nous pouvons aussi citer les entretiens d'explicitation, l'instruction au sosie, la vidéoformation, les jeux de rôle, les simulations, etc. Les sources théoriques utilisées par les concepteurs de ces dispositifs sont variables: psychanalytique, sociologie, psychosociologique, pédagogique, didactique, ergonomique. Cela rend d’autant plus difficile l’élaboration d’un véritable cadre conceptuel autour de l’analyse de pratiques. « L'analyse de pratiques reste plurielle » (Fablet, 2002). Un éclairage sur la genèse de cette notion pourra nous donner son orientation première. III.1.3 Historique de l’analyse de pratiques Historiquement, les groupes Balint créés par le Dr Michael Balint dans les années 50 sont « souvent cités comme les premiers groupes d’analyse des pratiques professionnelles ». (Viard, 2009) A visée psychanalytique, ils étaient destinés à «mieux préparer les médecins à la relation thérapeutique ». (Viard, 2009) Par la suite de nombreux autres psychiatres, psychologues, pédagogues s’emparèrent du dispositif, se l’approprièrent en fonction de leur sensibilité, de leur courant théorique, de leurs intentions. Ces arrangements multiples ont grandement participé à rendre ce terme d’ « analyse de pratiques » fortement polymorphe et polysémique. III.1.4 Finalités de l’analyse de pratiques Leurs finalités sont ainsi extrêmement différentes. Pour Philippe Perrenoud :« on peut analyser des pratiques pour des raisons fort diverses : recherche fondamentale ou appliquée, construction d’un référentiel métier, première étape de la transposition didactique en formation de praticiens, démarche d’identification de pratiques efficaces dignes d’être portées 25 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 à la connaissance d’autres praticiens, travail d’explicitation d’une expertise, mode sophistiqué d’évaluation des compétences, optimisation des tâches et de l’organisation du travail, outil d’intervention psychosociologique dans les organisations, stratégie d’innovation, démarche réflexive, méthode de formation. » (Perrenoud, 2003) C’est dans le cadre de la formation initiale que nous allons cibler notre recherche. III.1.5 Analyse de pratiques et formation initiale Des chercheurs en sciences de l’éducation ont travaillé sur « l’analyse de pratiques » dans le cadre de la formation initiale des enseignants, parmi eux : Claudine Blanchard-Laville, Marguerite Altet, Philippe Perrenoud, Richard Wittorski. Or si nous regardons de plus près nous nous apercevons que la finalité de la formation d’enseignant est très proche de celle des infirmiers. Ainsi Marguerite Altet (2004) dit en parlant de la formation des enseignants qu’elle sert à: « construire les compétences professionnelles du métier, par le développement d’une autonomie, d’une éthique professionnelle et d’une capacité à rendre compte de ses actions, d’une pratique réflexive. » Si nous regardons le référentiel infirmier, l’étudiant « construit progressivement les éléments de sa compétence, (…) est amené à devenir un praticien autonome, responsable et réflexif, (…) L’étudiant développe une éthique professionnelle ». Nous pouvons aussi faire un parallèle entre ces deux formations quand Marguerite Altet expose les modalités « pour professionnaliser les enseignants » : « mise en place d’une formation universitaire permettant de construire (…) des savoirs issus de l’expérience pratique, des savoirs disciplinaires, (…) par des dispositifs en alternance et des démarches d’analyse de pratiques ». Les similitudes entre ces deux formations nous paraissent suffisamment importantes pour que nous puissions nous appuyer sur les écrits de ces chercheurs et tenter de comprendre ce qu’est « l’analyse de pratiques », sur quels concepts elle s’appuie et quelles sont ces finalités en formation initiale. III.1.6 Définition de l’ « analyse de pratiques » en formation Claudine Blanchard Laville (2004) définit « l’ « analyse des pratiques » comme une activité de formation, organisée dans un cadre institué de formation professionnelle, initiale ou continue » qui invite les sujets à « travailler à la Co construction du sens de leurs pratiques et/ou à l’amélioration des techniques professionnelles ». Pour elle, cette activité est réalisée « en situation interindividuelle, le plus souvent groupale, qui s’inscrit dans la durée ». Elle « nécessite la présence d’un animateur, en général professionnel lui-même dans le domaine 26 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 des pratiques analysées, garant du dispositif en lien avec des références théoriques affirmées ». Cette activité concerne des professionnels ayant des fonctions à forte dimension relationnelle. (Blanchard Laville, 2004) Et pour cause, qui dit « dimension relationnelle », dit échange interindividuel, dit communication, donc dit « autre » que « moi ». Cet alter, pour l’éduquer, pour le soigner, nécessite de le décrire, de le connaitre, de le reconnaitre comme un sujet différent tout en étant son égal ce qui implique aussi une connaissance et une affirmation de « moi ». La pratique professionnelle devient pratique sociale avec une forte dimension éthique. Elle demande donc une mise à distance des situations, un temps de réflexion en prenant en compte cette notion d’altérité. Marguerite Altet soumet des invariants quant à l’usage de « l’analyse de pratiques ». Elle est réalisée « entre pairs ». Elle se rapporte à des « pratiques vécues, agies, mises en œuvre, apportées volontairement par chacun ». Elle s’appuie sur des «traces de pratiques» tangibles : étude de cas rédigés, récit narratif, cassette vidéo, enregistrement audio...Elle « requiert le non-jugement » de la part des participants. Pour Philippe Perrenoud, en formation initiale des enseignants « il peut être judicieux de tirer l’analyse des pratiques vers l’analyse de situations éducatives complexes, qu’un stagiaire peut vivre ou observer en classe sans être en pleine responsabilité. » L’explication qu’il donne à ce propos permet de transposer cette variante à la formation initiale infirmier. Le fait que l’étudiant soit en stage plus ou moins long limite sa responsabilité et ne le confronte pas à « la solitude du praticien autonome ». Il est donc préférable pour commencer de le laisser observer les pratiques des professionnels qui l’encadrent et progressivement de l’amener à regarder ses propres pratiques. Même en formation initiale, les dispositifs mis en place n’ont pas tous des visées identiques. Marguerite Altet (2004), en reprenant Richard Wittorski, en a identifié trois sortes avec des intentions différentes : - « l’un s’inscrit dans une logique du développement identitaire et analyse la relation affective sujet-situation vécue » L’analyse est basée sur la clinique, repose sur « la dimension interpersonnelle, la dimension intersubjective, l’implication professionnelle de la personne ». - Un deuxième « s’inscrit dans une logique du développement des compétences ». Nous nous situons ici d’avantage dans l’analyse de l’action en situation. - « le troisième s’inscrit dans une logique de transfert des savoirs». 27 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 Pour Marguerite Altet se former « au métier d’enseignant, métier complexe, métier de l’humain », nécessite « ces trois formes complémentaires d’analyse». Nous pouvons transposer cette remarque à la profession d’infirmier. Cependant il existe une différence importante entre les deux premiers dispositifs où nous sommes sur une analyse « des pratiques vécues » (Lagadec, 2009) alors que sur la troisième nous sommes sur une « logique plus traditionnelle de la formation à partir de la transmission de savoirs ». (Lagadec, 2009) Cette distinction va modifier la fonction de l’animateur : « facilitateur » dans le premier, « co-analyseur » dans le 2ème, « transmetteur » dans le 3ème. (Lagadec, 2009). Dans tous les cas il joue un rôle clé qui demande à être approfondi. III.1.7 Rôle du formateur dans une démarche d’analyse de pratiques Le formateur, si nous nous référons à Altet (2004) et à Blanchard-Laville (2004), a une posture plurielle dans une démarche d’analyse de pratiques. Il joue donc un rôle de : Accompagnateur réflexif : il « s’appuie d’abord sur la parole du sujet » puis « du questionnement du groupe », il chemine « à côté » de l’étudiant. Il agit « comme médiateur », « il possède les outils théoriques pour faire réfléchir, questionner, interpréter, élucider, reconstruire le sens de ce qui s’est passé » (Altet, 2004) Encadrant : il dispose des qualités d’écoute, d’empathie. Il fait preuve de respect, de sollicitude, de disponibilité. Il doit savoir instaurer une relation de confiance, « l’animateur est garant du cadre, du respect des règles et de l’atmosphère de non jugement » (Blanchard-Laville , 2004) Non évaluateur : il doit soutenir une « posture de questionnement et de compréhension des pratiques, mais pas d’évaluation » (Altet, 2004). Il n’est pas là pour apporter des recettes, des conseils. Référent : pour Altet (2004) le formateur est un expert dans le domaine étudié, un « référent professionnel ». il doit avoir une certaine compétence à l’analyse des pratiques. « Le formateur qui accompagne l’analyse des pratiques est dans une posture formatrice d’aide à la construction de la professionnalité (Altet, 2004) » ce qui nous amène à nous interroger sur les finalités de cette démarche en formation. 28 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 III.1.8 Finalités de l’analyse de pratiques en formation L’analyse de pratiques, selon Marguerite Altet (2004) permet, entre autre, de : Percevoir la complexité de la mise en œuvre de l’action, Verbaliser les cadres de références de l’action et se représenter stratégiquement son action, Théoriser pour se donner des règles d’action opératoires afin de répondre à chaque situation ; « former des praticiens réflexifs », « savoir analyser », « de donner du sens ». Pour ce faire elle est « mise en œuvre grâce à des outils conceptuels » (Altet, 2004) qui demande à être définis. Nous nous proposons dans décrire trois : la multiréférentialité, la réflexivité et la conceptualisation dans l’action. III.1.9 En synthèse L’analyse de pratiques est une notion polysémique et polymorphe. En la situant dans le champ de la formation initiale nous recentrons notre objet d’étude. Dans ce cadre, nous pouvons dire que l’analyse de pratiques est une démarche : Groupale, en présence de pairs ou à minima d’un formateur, Accompagnée d’un animateur, praticien réflexif, expert et encadrant la démarche Instrumenté d’outils conceptuels permettant de décrire, de formaliser la pratique finalisée : construction identitaire, développement des compétences, compréhension de situations complexes. 29 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 III.2 La multiréférentialité III.2.1 Définition Cette notion est introduite par Ardoino pour la première fois en 1966. Il l’a notamment développée depuis pour appréhender les situations éducatives et formatives de manière « plurielle ». Il s’appuie principalement sur la notion de complexité pour bâtir son raisonnement et l’idée d’hétérogénéité. « Assumant pleinement l'hypothèse de la complexité, voire de l'hyper-complexité, de la réalité à propos de laquelle on s'interroge, l'approche multiréférentielle se propose une lecture plurielle de ses objets (pratiques ou théoriques), sous différents angles, impliquant autant de regards spécifiques et de langages, appropriés aux descriptions requises, en fonction de systèmes de références distincts, supposés, reconnus explicitement non-réductibles les uns aux autres, c'est à dire hétérogènes » (Ardoino 1993). Ardoino oppose cette notion à la « démarche analytique, "classique", fondée sur l'hypothèse d'une réduction, toujours possible, du complexe à l'élémentaire, et, par conséquent, de l'hétérogène à l'homogène » (Ardoino, 2003). Il estime que cela dépasse la multi dimensionnalité qui « se pense, en effet, en termes de différences ne suffisant pas à exclure l’espoir d’un retour ultérieur à une homogénéité » (Ardoino, 1993). Cette dernière « reste une lecture du compliqué ». Alors que la multiréférentialité est « plus résolument « compréhensive » qu’explicative, reconnait l’implication, l’altération et la temporalité qui la constituent » (Ardoino, 1993). En cela, cette notion se rapproche de l’analyse systémique mais c’est la notion d’ « holistique » : « position selon laquelle on ne peut comprendre les parties sans connaître le tout » (Ardoino, 1993) qui semble la plus proche. Ainsi, Cette approche prend tout son sens dans l’analyse des pratiques sociales. Celles-ci sont fondées sur l’interaction d’individus disposant chacun de leur vécu, de leurs représentations, de leur mode de pensée…qui peuvent être très différents voire opposés. Cela oblige l’analyste à utiliser de multiples focales : psychologique, philosophique, économique, sociologique, anthropologique…Cela permet de regarder l’autre qui n’est pas moi dans sa subjectivité, de comprendre la situation dans sa globalité. Elle concerne le praticien qui cherche à optimiser sa pratique et donc à la comprendre, voire la théoriser. C’est donc un outil pour rendre intelligible ses pratiques. Un des intérêts majeurs pour Ardoino est en s’inspirant de la dialectique de la sociologie des organisations de rendre « l’agent » « acteur » et même « auteur ». C’est à dire « le fondateur, le créateur, voire le géniteur » et donc quelqu’un qui à certains moments, dans certaines situations est autonome 30 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 et pas simplement un exécutant. L’analyse multiréférentielle va, en effet, l’obliger à se décentrer, mettre à distance, prendre du recul. Elle lui permet de se positionner de façon plus éclairé. Elle « se réclame également résolument du réalisme », en ne cherchant pas à simplifier, ni réduire les pratiques à une juxtaposition d’éléments. Elle n’a pas prétention à l’exhaustivité mais à ouvrir le champ des possibles. III.2.2 Multiréférentialité et « savoir analyser » P. Robo (2003) met l’analyse multiréférentielle au cœur de la « méta compétence » « savoir analyser ». Il propose au praticien souhaitant analyser une situation de travail, d’être capable de reconstruire au travers d'un récit, cette réalité vécue puis « de questionner ce vécu, de manière multiréférentielle, afin d'y apporter le plus d'éclairages, de lumière possibles… et de clarifier le conscient de sa pratique mais aussi de faire émerger de l'inconscient de cette pratique (ce à quoi je n'avais pas pensé, ce que j'avais oublié, ce que je n'avais pas perçu…). » Par la suite il préconise « d'émettre des hypothèses de compréhension (et non des solutions) et ce, également, de manière multiréférentielle. » Enfin, « il s'agit de retenir, à présent, des éléments qui peuvent tenter d'expliquer pourquoi cette situation a eu lieu et s'est déroulée telle qu'elle a été perçue. » L’auteur recommande certains outils utiles au développement de ce « savoir analyser », l’un d’eux est l’analyse de pratiques. De plus, il situe cette capacité dans une perspective de « démarche réflexive ». Nous allons donc développer plus en détail ce concept. III.2.3 En synthèse La multiréférentialité devient une grille de lecture plurielle qui permet d’appréhender puis analyser une situation complexe dans sa globalité. L’analyse de situations est un des outils qui participe à développer le « savoir analyser » que Robo (2003) schématise : ANALYSER (à présent) pour COMPRENDRE (du passé) afin de DISCERNER pour DÉCIDER puis AGIR (dans l'à-venir) 31 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 III.3 Concept de réflexivité III.3.1 Réflexions autour de la réflexivité Étymologiquement, la notion de réflexivité vient du latin reflectere, réfléchir, le préfixe re- marquant « le mouvement en arrière », se réfléchir « revenir sur sa pensée pour l'approfondir », réfléchir « penser mûrement ». (Site internet CNRTL) Le concept de réflexivité recoupe plusieurs termes : pratique réflexive, posture réflexive et démarche réflexive. Prenons le temps de détailler ces notions. L’histoire de ce concept remonte aux années 1980, avec la sortie d’un livre de Donald Schön (1983) The reflectivePractionner. How Professionnel Think in Action. Littéralement : Le praticien réflexif. Comment les professionnels pensent dans l’action. Cet ouvrage est considéré par beaucoup comme le début d’un changement paradigmatique dans la recherche. Philippe Perrenoud (2001) s’interroge sur la traduction française, onze ans plus tard qui est intitulée: Le praticien réflexif. A la recherche du savoir caché dans l’agir professionnel. La présence du mot « savoir » dans le titre n’est pas anodine selon lui et traduit la difficulté pour certains auteurs de « percevoir l’action autrement que comme mise en œuvre de savoirs, au besoin en les supposant « cachés ». » Il explique que « les traducteurs sont en quelque sorte passés d’une question ouverte : « comment les praticiens pensent-ils dans l’action ? » à une réponse : en mobilisant des savoirs « cachés ». » Il estime que c’est plus complexe que cela. Perrenoud (2001) explique que l’idée première de Schön est : quelle que soit l’action professionnelle complexe effectuée, elle résulte toujours « d’une réflexion dans l’action » s’appuyant sur des « fonctionnements cognitifs qui sont d’abord des processus de régulation de l’action ». Les savoirs entrant en jeux dans ce cas-là ne sont pas nécessairement « savants » ou « scientifique », ils sont plutôt expérientiels. Ils apparaissent donc après une « réflexion sur l’action ». Perrenoud prend l’exemple « de la pratique du débriefing dans certains métiers » qui a pour objectif de collectiviser « ce que chaque praticien peut faire en solitaire : « se repasser le film » » pour « tenter de comprendre le cours des événements et ses propres réactions ». Elle «permet [aussi] d’anticiper et prépare le praticien, souvent à son insu, à réfléchir plus vite dans l’action et à envisager d’avantage d’hypothèses ». (Perrenoud, 2010, p. 31) 32 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 La réflexion dans l’action et sur l’action ne sont pas opposées l’une de l’autre mais juxtaposées, associés, complémentaires. La temporalité de ces deux notions est très relative en fonction de l’action menée. Perrenoud préfère apporter une autre nuance, distinction qu’il décline en trois pistes complémentaires dans la formation de praticiens réflexifs: - « Développer, au-delà de ce que chacun fait spontanément, la capacité de réfléchir dans le vif de l’action ; - Développer la capacité de réfléchir sur l’action en amont et en aval des moments de vif engagement dans une tâche ou une interaction ; - Développer la capacité de réfléchir sur le système et les structures de l’action individuelle ou collective. » (Perrenoud, 2010, p.32) La première piste est souvent difficile à réaliser. Le professionnel « dans le feu de l’action » agit souvent de façon « automatisée ». Elle se développe donc dans l’expérience et demande un entrainement intensif. La deuxième est de nature « rétrospective » quand il s’interroge sur une action passée et « prospective » quand il planifie une activité nouvelle ou cherche à anticiper un problème inédit. Elle se renouvelle en permanence au gré des situations rencontrées et n’amène donc pas toujours à une réflexion plus poussée. Enfin, la troisième fait appel à une déconstruction plus détaillée des actions menées pour arriver à en dégager une « « structure de l’action » ou « schème d’action », au sens piagétien » (Perrenoud, 2010, p.37). Nous reviendrons plus en détail sur ce sujet quand nous traiterons de « la conceptualisation dans l’action ». Pourquoi pouvons-nous parler de changement paradigmatique quand on évoque la réflexivité? Gaston Pineau lors d’une communication intitulé : les réflexions sur les pratiques au cœur du tournant réflexif (2007) nous livre un début de réponse en comparant le paradigme de « la science appliquée » à celui du « praticien réflexif » (cf. tableau 1). Comme le dit Pineau (2007) : « Les frontières entre les deux paradigmes ne sont heureusement pas étanches ». Des passerelles existent entre les deux. Ces deux mondes « se nourrissent » l’un de l’autre. Les savoirs issus de la recherche appliquée permettent de connaitre, d’expliquer des phénomènes. Ceux issus de la pratique réflexive font émerger des savoirs du cœur même de l’action, en s’appuyant sur elle, en la décortiquant. A travers ce tableau nous voyons bien comme le dit Perrenoud que le paradigme du praticien réflexif est « intégrateur et ouvert ». Cela demande de sa part une véritable « posture » quasi permanente, « une forme d’identité ». Il devient le propre chercheur de sa pratique au quotidien, le co-auteur de celle-ci. Cela redonne ses lettres de noblesses aux « savoirs 33 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 d’action » qui étaient encore dans les années 1970-80 soumis au diktat des « savoirs théoriques ». En effet, dans beaucoup de situations complexes, les « savoirs savants » ne suffisent pas pour les appréhender correctement et requiert d’autres savoirs issus de l’expérience. Autrement dit, « dans certains métiers considérés comme des professions à part entière, fondées sur des savoirs scientifiques « solides », la référence au praticien réflexif est une forme de réhabilitation de l’intuition et de l’intelligence pratique. » (Perrenoud, 2001) L’apprentissage de la pratique réflexive revêt donc un caractère tout particulier dans les formations professionnelles qui nous semble intéressant de développer. Tableau 1 : Comparatif entre "la science appliquée" et "le praticien réflexif" Paradigmes « la science appliquée » «Le praticien réflexif » Questions constituantes Quel est l’objet de le monde conçu, abstrait : les Le monde vécu, concret : les recherche ? théories, les lois, les modèles pratiques, les actions, les expériences Qui réfléchit ? Les chercheurs : professionnels Les praticiens, les acteurs, les de la réflexion valable, sujets objective Comment réfléchir ? •Méthodologie Méthodologie Méthodologies interactives dichotomique de division de recherche avec des sociale et technique de la traits d’union : recherche- recherche : sujet/objet, action, -participative, - pratique/théorie, collaborative, -formative action/réflexion. •Epistémologie Pour quoi réfléchir ? Axiologie, éthique Epistémologie disciplinaire Epistémologie positiviste d’un savoir transdisciplinaire d’un analytique, précis, certain, savoir systémique, organisateur complexe, dialectique Objectifs d’explication et de Objectifs de compréhension compréhension théorique pour pratique et théorique mais aussi trouver des lois, des modèles, objectif d’autonomisation de des principes à appliquer. l’agir et de l’acteur. 34 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 III.3.2 Former un débutant réflexif Nous nous appuierons sur les écrits de Perrenoud pour construire ce chapitre en transposant ses données à la formation infirmière qui se rapproche, par de nombreux aspects, à celle des enseignants. Pour lui, la formation initiale si elle se dit réflexive doit prendre en compte la réalité du terrain et celles des étudiants. Elle doit donc par exemple : - « Se fonder sur une analyse des situations professionnelles les plus problématiques en début de carrière » - « ne pas ignorer l’angoisse et le peu d’expérience des étudiants » (Perrenoud, 2010, p.18) C’est donc leur apprendre avant tout à réfléchir à partir de leur vécu ou de situation emblématique en tenant compte de leurs appréhensions, de leurs difficultés. C’est donc se centrer autant sur leurs besoins personnels que sur leurs attentes de futurs professionnels. C’est en faire « des gens capables d’évoluer, d’apprendre au gré de l’expérience, en réfléchissant sur ce qu’ils voulaient faire, sur ce qu’ils ont réellement fait, sur ce que cela a donné. » (Perrenoud, 2010) Or, un étudiant est souvent plus centré sur ses incertitudes que sur ses ressources. Il est souvent confronté au stress, à la fatigue, à la solitude, à l’inefficacité du débutant. Il prend conscience au fur et à mesure de ses études de la différence qui existe entre la pratique imaginée et la réalité du terrain. Il doit apprendre aussi à reconnaitre ses émotions lors de situations professionnelles et de les utiliser à bon escient. Il a donc besoin d’être en confiance pour prendre le recul suffisant afin de devenir un praticien réflexif. « La condition de débutant induit donc, à certains égards, une disponibilité, une quête d’explications, une demande d’aide, une ouverture à la réflexion. »(Perrenoud, 2010, p.20) Tout le long de son cursus s’opère un changement d’identité : passer du métier d’étudiant à celui d’un professionnel responsable de ses décisions. Le dispositif de formation doit lui permettre d’effectuer cette transformation. Il doit être conçu dans ce sens, « avec cohérence et transparence ». Les formateurs et les professionnels de terrains accompagnant ces étudiants doivent être au clair avec cette démarche, pour qu’elle soit la plus explicite possible. Perrenoud avance que « seul un formateur réflexif peut former des enseignants réflexifs, non seulement parce qu’il incarne globalement ce qu’il préconise, mais parce qu’il fait fonctionner la réflexion « spontanément », au détour d’une question, d’un débat, d’une tâche, d’un fragment de savoir » (2010, p. 68). Comme nous l’avons dit nous pouvons remplacer « enseignants » par « infirmiers ». 35 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 Ce cheminement vers la posture réflexive se construit au quotidien, la participation à « quelques séminaires d’analyse de pratiques ou […] séances de réflexion sur les problèmes professionnels n’est pas à la hauteur du défi. » (Perrenoud, 2001) Louise Lafortune (2012) qualifie la démarche réflexive en trois points qui nous semble adapté dans le contexte de la formation : - métacognition: concept issu de la psychologie cognitive qu’elle définit comme « le regard qu’une personne porte sur sa démarche mentale dans un but d’action afin de planifier, contrôler et réguler son processus d’apprentissage. » (Lafortune, 2004) - pratique réflexive issue du développement professionnel - Jugement professionnel qu’elle définit comme « un processus qui mène à une prise de décision, laquelle prend en compte différentes considérations issues de son expertise (expérience et formation) professionnelle. Ce processus exige rigueur, cohérence et transparence. » (Lafortune, 2008) Ces trois composantes sont donc à construire au cours du cursus de formation afin de développer chez l’étudiant une posture réflexive. Si nous considérons la formation initiale comme un moyen de professionnaliser le parcours de l’étudiant, la démarche réflexive devrait donc être consubstantielle à l’apprentissage d’une profession. Elle permet à l’étudiant de comprendre comment il apprend, de réfléchir sur et dans l’action et de se positionner comme acteur voire co-auteur de ses actes. Dans cette optique, en quoi l’analyse de pratiques comme dispositif pédagogique est liée à cette démarche réflexive. III.3.3 Pratique réflexive et analyse de pratiques Nous nous appuierons une fois encore sur un article de Perrenoud (2003) intitulé l’analyse de pratiques en questions pour étayer notre propos. Dans ce document l’auteur confronte ces deux notions : d’une part, une posture réflexive qui définit un praticien en exercice, et se présente comme une composante de son identité, de son habitus, de son rapport au métier et au monde, comme un ensemble de dispositions et de compétences acquises et relativement stables ; d’autre part, une démarche de formation professionnalisante (Altet, 2000), de durée limitée, intégrée à un dispositif défini. L’analyse de pratiques peut être considérée comme un outil au service du praticien réflexif. Cependant nous avons vu que : 36 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 - l’analyse de pratiques peut avoir d’autres finalités comme « la construction de connaissances ou de compétences » (Perrenoud, 2003) - le praticien réflexif se construit sur la durée, de façon continue et par une approche globale qui touche à toutes les dimensions de la formation. « Cela passe par un travail sur le projet, l’identité, le rapport au savoir, à l’institution et au changement, autant que par l’acquisition de savoirs de référence et d’un « savoir-analyser » (Altet, 1994, 1996) » (Perrenoud, 2003) L’analyse de pratiques n’est donc qu’un élément de développement de la pratique réflexive qui ne suffit pas s’il est « isolé » dans la formation. Elle demeure cependant primordiale pour au moins trois raisons, définies par P. Perrenoud (2003): 1. modéliser une pratique réflexive autonome, 2. permettre d’expérimenter la dimension collective de la pratique réflexive, avec sa transposition possible au travail en équipe ou en réseau ; 3. donner l’occasion de travailler sur les résistances, à l’analyse, les aspects identitaires, la prise de risque, le rapport à l’expérience, à la théorie, à la discussion. III.3.4 En synthèse La pratique réflexive est une réflexion dans, sur et pour l’action. Elle se construit au fil des expériences rencontrées et analysées. Elle nécessite pour devenir posture qui caractérise l’identité, la professionnalité du praticien, une démarche d’apprentissage inscrite de façon explicite dans le cursus et doit se faire sur la continuité. Elle demande une implication du formé et du formateur. L’analyse de pratiques est un des outils au service du praticien réflexif. Nous venons de traiter deux concepts qui développent l’idée de l’analyse de pratiques comme participant à cette « méta compétence » qu’est le savoir analyser et qui permet si elle est utilisée régulièrement de développer la posture réflexive de l’étudiant en analysant des situations complexes. Or nous avons vu que l’analyse de pratiques peut avoir une autre finalité qui est de rendre la pratique plus opérationnelle ou comme le dit Marguerite Altet (2004) de « théoriser pour se donner des règles d’action opératoires afin de répondre à chaque situation ». Cette idée est reprise par Pastré quand il traite de la didactique 37 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 professionnelle et plus particulièrement de la « conceptualisation dans l’action ». Nous allons donc maintenant développer cette approche. III.4. La conceptualisation dans l’action dans le cadre de la didactique professionnelle III.4.1 Approche de la didactique professionnelle Pour traiter ce courant nous nous appuierons sur les travaux de Pastré sur la didactique professionnelle dont les objectifs sont de « construire des contenus de formation correspondant à la situation professionnelle de référence » et d’ « utiliser les situations de travail comme des supports pour la formation des compétences » (Pastré, 2002). C’est en nous basant sur le deuxième objectif que nous construirons notre propos. La didactique professionnelle se base sur deux courants: la psychologie du travail de langue française et la conceptualisation dans l’action de Vergnaud. Elle est ancrée dans le paradigme de la complexité et sur le constat que le professionnel pour arriver à ses fins ne s’appuie pas seulement sur des savoirs qui sont le plus souvent implicites mais doit construire et développer des compétences. C’est pourquoi la didactique professionnelle est fondée sur l’analyse de l’activité des professionnels en situation. L’apport de la psychologie du travail de langue française se situe principalement sur comment le sujet fonctionne en situation de travail. Ce courant montre le fait que travailler pour le sujet, c’est d’une part résoudre des problèmes, planifier, mettre en œuvre des stratégies mais aussi l’idée que le travail réel est fait d’autre chose que la tache prescrite. Il nécessite de la part du sujet non seulement une adaptation aux situations rencontrées mais aussi une dimension qui va orienter l’activité, une « structure cognitive de la tâche ». La relation entre dimension située et dimension cognitive est la première clé de la didactique professionnelle. La deuxième qui précise cette cognition est issue du champ de la psychologie du développement et emprunté à Vergnaud sous le nom de conceptualisation dans l’action. 38 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 III.4.2 Conceptualisation dans l’action : vers le « pouvoir agir » Comme l’explique Pastré (2002) la conceptualisation dans l’action « s’est construite autour des concepts de schème et d’invariant opératoire » empruntés à Piaget mais adapté à l’analyse de situations. Pour Pastré (2007) la conceptualisation est « l’activité qui consiste à prélever dans le réel des éléments invariants sous forme d’objets, de propriétés de ces objets, de relations entre ces objets et ces propriétés. ». Pastré (2007), pour développer sa théorie, explique qu’il existe deux formes de connaissances qui ne sont en fait que les deux registres d’une même connaissance : - une forme prédicative, basée sur le registre épistémique, sur des concepts abstraits qui permet au sujet de construire des savoirs, - une forme opératoire, pragmatique qui lui permet « d’orienter et de guider l’action », de la transformer. Cette connaissance est mise à l’œuvre quand il est nécessaire de poser un « diagnostic de situation pour savoir comment agir ». Cette dernière forme de conceptualisation fonctionne aussi par abstraction et n’est pas toujours explicite et consciente pour le sujet. Elle est aussi sélective. C'est-à-dire qu’elle permet de repérer les « concepts organisateurs de l’action ». Pastré (2011) différencie deux types de concepts servant à guider l’action : le concept pragmatique issu directement de la pratique et construit dans l’action et le concept pragmatisé qui est une « transformation de concepts scientifiques et techniques en concepts organisateurs. » Ces derniers sont d’une grande utilité en formation. Ils permettent à l’apprenant de « pragmatiser certaines connaissances scientifiques et techniques pour pouvoir faire un diagnostic de situation. » Pastré nomme l’ensemble des concepts pragmatiques et pragmatisés qui ont pour fonction d’orienter et de guider l’action « la structure conceptuelle d’une situation » qui se décomposent en quatre éléments constitutifs (Pastré, 2011) : - les concepts organisateurs, - l’ensemble des indicateurs qui permettent d’évaluer la valeur des concepts dans une situation particulière, - l’ensemble des classes de situations qui peuvent être appréhendées à l’aide de chaque concept, - les stratégies attendues de la part des acteurs. Nous voyons bien que ces quatre éléments sont interdépendants entre eux et qu’ils sont tout à la fois du domaine de l’objectivable et de celui du subjectif. Pastré (2011) insiste aussi sur le fait que dans de nombreuses situations la réussite de la tache dépend beaucoup de l’expérience qui est le plus souvent collective. La précision de la tâche permet d’expliciter 39 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 plus ou moins la structure conceptuelle d’une situation, renvoyant soit si la tâche est précise à une prescription formalisée soit si elle l’est moins à un « commun à tous les professionnels du domaine ». Pour expliquer comment le sujet réagit face à une situation Pastré utilise deux modèles empruntés à Ochanine: - le modèle cognitif qui permet de comprendre comment « ça fonctionne », - le modèle opératif qui permet de comprendre comment « ça se conduit ». Il existe une articulation entre ces deux modèles. Le passage du modèle cognitif à celui opératif se fait par l’intermédiaire de la pratique mais n’est pas toujours explicite. Le modèle opératif se détermine selon trois éléments (Pastré, 2011) : - une structure conceptuelle d’une situation que le sujet s’est plus ou moins appropriée, - un « genre professionnel » qui vient particulariser l’organisation de l’activité, - une expérience. Il est donc à la vue de tous ces éléments important de faire une analyse de la situation avant l’analyse de l’activité pour poser un diagnostic puis de faire une analyse de la situation après l’activité pour repérer les concepts organisateurs de l’action. Au travers de cette analyse, l’activité n’est plus seulement productive, transformant seulement le réel, elle devient constructive. Elle transforme le sujet lui-même, en transformant le réel. L’apprentissage se fait pendant l’exercice de l’activité mais aussi par l’analyse de sa propre activité à postériori. C’est tout l’intérêt dans ce courant du briefing et surtout du débriefing « car c’est à ce moment-là que s’opère la conceptualisation de la situation sous sa forme pragmatique (Pastré, 2002). » Le débriefing permet une meilleure compréhension de la situation et donc de mieux anticiper les situations à venir, en réfléchissant sur comment je m’y suis pris, comment j’ai organisé mon action. L’intérêt en sera d’autant plus grand qu’il sera partagé, échangé Ce courant se fonde donc « sur une très forte centration sur le sujet : un sujet qui agit, qui apprend, au travail et en formation, un sujet qui se développe (Pastré, 2011)». Pastré explique que « l’apprentissage est à son plus haut niveau quand chez un sujet le modèle cognitif et le modèle opératif peuvent se féconder l’un l’autre (Pastré, 2007)». Il est nécessaire pour cela que « le modèle cognitif repose sur des savoirs identifiés et validés » (Pastré, 2007). Pour conclure ce chapitre nous reprendrons la différence que fait Pastré entre « les didactique disciplinaires, totalement centrées sur l’acquisition, la construction et la transmission de savoirs (Pastré, 2011)» qui permet au sujet de dire « je sais » et la didactique professionnelle qui ouvre au sujet les portes du « pouvoir d’agir ». C’est amener l’apprenant à 40 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 construire ses propres ressources pour agir de façon autonome. « Car il ne suffit pas de savoir quoi et comment faire ; il faut aussi savoir le faire. » (Pastré, 2006) III.4.3 En synthèse La conceptualisation dans l’action selon Pastré est une analyse de l’activité d’un sujet lui permettant d’organiser son action et de lui donner du sens. Elle se compose de trois éléments : - les concepts organisateurs : pragmatiques ou pragmatisés - la structure conceptuelle de l’action - le modèle opératif du sujet. Pour se faire le sujet utilise le principe du débriefing que nous pouvons schématiser ainsi : Activité Analyse descriptive de la situation Analyse de l’activité (comment ?) Analyse organisatrice de la situation 41 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 DEUXIEME PARTIE : De la construction de la PROBLÉMATIQUE à l’élaboration du PROTOCOLE de RECHERCHE EMPIRIQUE IV. Problématique et question de recherche Notre questionnement initial repose sur la prescription, par le nouveau référentiel de formation infirmier, d’utiliser l’analyse de pratiques comme démarche pédagogique. Nous avons ainsi formulé la question de départ suivante : « Qu’en est-il du regard porté par les formateurs en IFSI et les étudiants en Soins Infirmiers sur l’analyse de pratiques? » Pour explorer cette question, nous avons commencé par nous entretenir avec trois cadres formateurs en IFSI. Notre objectif était de nous décentrer de la représentation que nous avions de la problématique afin de prendre du recul et élargir notre vision du sujet. Au vu des thématiques abordées et dans un but de faisabilité nous avons décidé de centrer notre recherche sur la réflexion des formateurs à propos des situations de travail analysées par les étudiants dans le portfolio ou lors des regroupements à l’IFSI. Nous avons ensuite esquissé le contexte dans lequel se déroule cette réforme de la formation infirmière. Plusieurs éléments ont été mis en évidence : la complexité et la contingence du système de santé actuel voire de la société toute entière ; le passage à l’universitarisation des études infirmières qui peut amener une évolution de la profession d’infirmier et enfin le changement de paradigme en passant d’une formation basée sur l’apprentissage de savoirs disciplinaires à une approche par compétences. Les lectures, menées en parallèle, d’ouvrages concernant l’analyse de pratiques et des concepts s’y rattachant nous ont amené à orienter notre recherche vers un courant que nous qualifierons de « cognitivo-réflexif » dont nous avons pu dégager deux axes de réflexions. Le premier est l’idée que l’une des finalités de l’analyse de pratiques en formation initiale est de développer le « savoir analyser » de l’étudiant en vue de mieux comprendre la complexité des situations. Nous nous appuyons sur les propos de Robo qui reprend à son compte la notion de multiréférentialité d’Ardoino. Il nous semble donc pertinent de 42 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 questionner les formateurs autour de cette capacité qu’est le « savoir analyser » et de rechercher les liens qu’ils peuvent formuler avec l’analyse de pratiques. Le deuxième axe de réflexion porte sur la relation qui existe entre l’activité de l’étudiant en tant que stagiaire et l’analyse qu’il peut en faire à postériori. En nous basant sur le courant de la didactique professionnelle portée en France par Pastré, nous avons pu voir que l’analyse de l’activité peut contribuer à conceptualiser dans l’action et pour l’action par une mise en exergue de concepts pragmatiques, organisateurs de l’action, dans une perspective de développement des compétences, essentielle en formation initiale. On retrouve des similitudes dans les deux approches : elles ancrent toutes les deux leurs travaux dans une perspective réflexive, basée sur un retour sur l’action, une réflexion rétrospective; elles fondent toutes les deux la capacité à « savoir analyser » comme moyen et objet d’apprentissage. Cependant si la première tente d’avoir une visée principalement compréhensive de la situation, la deuxième s’inscrit d’avantage dans une visée introspective tentant d’apporter à l’étudiant des ressources lui permettant de former des compétences professionnelles. Dans les deux cas l’étudiant sera à même de mieux comprendre ce qui se passe dans sa pratique mais pas forcément pour des perspectives équivalentes. Il nous semble pertinent en nous situant comme futur cadre de santé formateur de comprendre la position des formateurs en IFSI quand ils sont dans une démarche d’analyse de pratiques et de les interroger sur comment ils perçoivent la réception des étudiants à cette démarche. Notre recherche a une visée principalement compréhensive et demande de rencontrer un échantillon relativement large de professionnels pour obtenir un rendu le plus exhaustif possible. Nous recentrerons donc notre question de recherche autour de deux questions complémentaires : En quoi, pour les formateurs en IFSI, le dispositif d’analyse de pratiques participe au développement d’un « savoir analyser » ? De quelle façon ce « savoir analyser » contribue-t-il à l’intelligibilité des pratiques ? 43 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 V. Protocole de recherche Notre investigation empirique s’intéresse à l’utilisation de l’analyse de pratiques en formation initiale en soins infirmiers par les cadres de santé formateurs en IFSI. L’objectif est d’analyser le lien qu’ils font entre cette méthode pédagogique et le développement du « savoir analyser ». Nous avons pour cela adopté une technique d’enquête qualitative à visée compréhensive. En conséquence, les données ont été recueillies auprès d’une population ciblée, lors d’entretiens semi-directifs enregistrés. V.1 Population cible et choix de l’échantillon Notre échantillon pour procéder à l’analyse de notre questionnement est constitué de cadres de santé formateurs en IFSI. Nous avons rencontré dix cadres de santé. Pour établir un comparatif nous avons interrogé des cadres d’instituts de la région de taille différentes pour avoir des points de vue de personnes n’exerçant pas avec les mêmes projets pédagogiques. Réaliser une étude inter IFSI a été pour nous un moyen d’augmenter l’exhaustivité des réponses malgré la faible valeur représentative de nos échantillons. V.1.1 Données descriptives de l’échantillon de cadres de santé L’échantillon de cadres de santé se compose de dix femmes.9 Elles sont âgées de 38 à 55 ans, avec une moyenne de 46 ans et une médiane à 48 ans. L’écart type est de 8,4. Au niveau de l’ancienneté comme infirmière, la moyenne est la médiane sont à 14 ans, l’écart type à 4,8. Au niveau de l’ancienneté dans la fonction cadre, la moyenne et médiane sont à 8 ans, l’écart type à 5,8. Au niveau de la fonction de formateur, la moyenne et la médiane sont à 7 ans, l’écart type à 3,7. Toutes ces données nous apportent une information en termes : - de relative homogénéité d’expérience professionnelle pour la majeure partie d’entre elles au niveau infirmier, - d’hétérogénéité de l’échantillon quant à leur âge, leurs expériences de cadre de terrain et cadre formateur. Cette hétérogénéité en termes d’âge, d’expérience professionnelle, mais aussi de lieux nous permet d’obtenir un panel de réponses le plus complet possible et ainsi augmenter la 9 Cf. Annexe 2 44 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 pertinence de notre recherche. Les formatrices interrogées ont toutes été formées à l’analyse de pratiques, soit dans le cadre d’une formation continue, soit dans le cadre du master II en Sciences Humaines et Sociales, Mention Sciences de l’Éducation, Spécialité Formation de Formateurs en Santé, soit lors de leur formation cadre de santé complété d’une formation interne. V.2 Recueil des données V.2.1 Choix de l’outil La visée compréhensive de notre recherche nous a incité à privilégier l’entretien semi directif pour retirer des informations et des éléments de réflexion riches et nuancés grâce à un échange direct avec chacun de nos interlocuteurs (Quivy & Van Campenhoudt, 2011 : p. 170). Les informations recueillies servent de matériel pour la recherche. L’entretien est semi-directif car « il n’est ni entièrement ouvert, ni canalisé par un grand nombre de questions précises » (Quivy & Van Campenhoudt, 2011, p. 171). L’intérêt de ce type d’entretien est de laisser venir « l’interviewé afin que celui-ci puisse parler ouvertement, dans les mots qu’il souhaite et dans l’ordre qui lui convient » (Quivy & Van Campenhoudt, 2011). V.2.2 Trames d’entretien Nous avons construit notre trame de questions en amont des entretiens. Nous nous sommes appuyés sur notre phase exploratoire. Nous avons découpé notre entretien en trois grandes parties10 : - la première partie cherche à comprendre le dispositif mis en place dans l’IFSI, - la deuxième partie recherche la pertinence du dispositif pour l'étudiant, - la dernière s’interroge sur l’intérêt pour l’agir professionnel. Une dernière partie que nous avons nommé bibliographie a été placée à la fin de l’entretien car des questions risquaient d’influencer la suite de l’interview. 10 Cf. Annexe 1 45 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 V.2.3 Aspects éthiques et déroulement des entretiens Ce travail de recherche s’inscrit dans le respect de règles éthiques et déontologiques, nécessaires à toute investigation empirique. Notre responsabilité de chercheur éthique a d’abord été de demander une autorisation d’enquêter, auprès des Directions de Soins des instituts concernés par notre investigation. Ensuite, il était important pour nous de nous présenter et d’expliciter dans quel cadre nous effectuions notre étude. Enfin, pour respecter et protéger la liberté des personnes se prêtant à notre recherche et pour garantir l’anonymat et de la confidentialité des données, nous avons lu, à chacun de nos interlocuteurs, les règles de l’entretien (anonymat, enregistrement, droit de regard sur la retranscription, publication d’extraits du discours et non du discours intégral), puis demander à chacun s’il était d’accord pour participer11. Après cet accord -donné par tous nos interlocuteurs- nous avons commencé l’enregistrement des données sur notre dictaphone. Chaque entretien s’est conclu par des remerciements à la personne pour sa participation. Nous avons par la suite procédé à une retranscription intégrale de chaque entretien12. Les entretiens avec les cadres de santé ont duré de 37 à 56 minutes. Pour neuf d’entre eux, ils se sont déroulés en face à face, dans le bureau de la formatrice et pour un par téléphone. V.2.4 Limites de l’outil L’entretien semi directif est une technique souple qui peut effrayer par son manque de directivité ou à l’inverse autoriser à converser n’importe comment. (Quivy & Van Campenhoudt, 2011, p. 172). « Les éléments d’information et de réflexion recueillis (…) ne se présentent pas d’emblée sous une forme qui appelle un mode d’analyse particulier » (Quivi & Van Campenhoudt). Cette méthode « peut laisser croire à une complète spontanéité de l’interviewé et à une totale neutralité du chercheur » (Quivi & Van Campenhoudt). Or dans notre cas, nous interrogions des cadres formatrices d’IFSI alors que j’ai exercé la fonction de formateur et que je suis lors de la recherche étudiant cadre de santé. D’autre part, les cadres formatrices interrogées ont toutes été volontaires pour participer à l’étude et donc possiblement orientées par rapport au sujet d’étude. 11 12 Cf. Annexe 1 Cf Annexes 3 et 4 46 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 V.3 Traitements des données Nous avons réalisé une analyse des données en utilisant l’analyse de contenu en nous appuyant sur ce que Bardin (1977) appelle la catégorisation. Cette technique consiste à classer des éléments en catégorie en recherchant ce que chacun d’eux a de commun avec d’autres (Bardin, 1977, p. 151). « La catégorisation est une démarche de type structuraliste. Elle comporte deux étapes : l’inventaire : isoler les éléments. La classification : répartir les éléments, donc chercher ou imposer une certaine organisation aux messages. (Bardin, 1977) » Nous avons donc en premier lieu effectué une pré-analyse en lecture flottante lors de la retranscription des entretiens qui nous a indiqué les idées générales du corpus. Nous avons par la suit réalisé une analyse thématique de contenu en calculant et comparant les fréquences de certaines caractéristiques (le plus souvent les thèmes évoqués) préalablement regroupées en catégories significatives. (Quivy & Van Campenhoudt, 2011 : p. 171). Nous avons essayé de respecter au mieux les principes que Bardin déclinent pour que les catégories soient de qualité : L’exclusion mutuelle : un élément ne peut être affecté à plus d’une seule case, L’homogénéité : une catégorie égale un registre d’analyse, La pertinence : adaptée aux intentions du chercheur, L’objectivité et la fidélité. 47 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 TROISIEME PARTIE : RESULTATS de l’ANALYSE et DISCUSSION VI. Résultats et interprétation de l’analyse des données La catégorisation a été un moment clé de notre recherche qui nous a demandé rigueur, précision, temps. Nous sommes passés par des moments de tâtonnements, de doutes. Nous avons entrepris une première catégorisation basée sur 4 axes : posture de l’étudiant, posture réflexive, développement des compétences, relation théorie-pratique13. Nous avons entrepris cette catégorisation qui au final ne nous semblait pas pertinente à la vue de l’ensemble des entretiens croisé à notre question de recherche. Nous avons tout reposé à plat, en essayant de nous distancier des entretiens et en nous appuyant plus sur les concepts étudiés. Ce travail nous a permis d’affiner et de préciser notre catégorisation. Nous présentons à présent les résultats de l’analyse thématique conduite sur les 10 entretiens. Les tableaux ci-dessous présentent les catégories qui ont pu être dégagées concernant les trois grandes thématiques : la position du formateur-animateur face à l’analyse de pratiques (tableau 2). C'est-àdire comment le formateur interrogé se positionne face à cette démarche pédagogique, comment il la perçoit. la conception des pratiques (tableau 3). C'est-à-dire comment cette pratique est conçue et comment on la conçoit. la réception des formés (tableau 4). C'est-à-dire quel regard porte les formateurs sur la réception des formés à cette pratique. Nous pouvons noter que ces thématiques et les catégories associées s’excluent bien, respectent au mieux le principe d’homogénéité, sont en lien avec le sujet d’étude et tentent le plus possible d’être objectifs et fidèles. Les tableaux 2 et 4 se décomposent par colonne : - en catégorie, - en propos illustratifs ou exemples, 13 Annexes 5, 6, 7, 8 48 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 - en nombres d’items répartis en deux catégories : le nombre d’éléments positifs qui vont dans le sens de la catégorie et le nombre d’éléments négatifs qui vont à l’encontre de la catégorie, - le pourcentage de la catégorie par rapport à la thématique Le tableau 3 se décompose par colonne : - en catégorie, - en composante qui précisent la catégorie, - en nombre d’items par composante, - le pourcentage de la catégorie par rapport à la thématique. Chaque tableau est suivi d’une partie explicative, qui décrit plus dans le détail la thématique correspondante. Une discussion suit cette analyse et interprète les résultats au regard de notre question de recherche. 49 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 Tableau 2 : Position du formateur CATEGORIES Analyse de pratiques comme pratique professionnalisante pour le formateur EXEMPLES « pour moi, l'APP est un outil au service des compétences du professionnel et de l'étudiant. L'animation d'ateliers d'APP, pour moi, ça participe au développement de mes compétences. » « après moi en tant que formé, ben non, pas plus que ça » Analyse de pratiques comme pratique familière pour le formateur Analyse de pratiques comme pratique problématique pour les formateurs Analyse de pratiques comme pratique non évaluative Analyse de pratiques comme voie de développement du « savoir analyser » des formateurs 121+ « moi je ne l’ai jamais fait dans ma pratique professionnelle » 12- « après c’est une réelle difficulté d’amener quelqu’un à analyser s’il n’est que dans la description » 18+ « j’ai pas sincèrement l’impression que l’analyse de pratiques nous pose des problèmes », « moi ça me va comme pratique » 13- « En fait le modèle préconisé pour moi dans le référentiel de formation c’est les analyses de pratiques qui sont faites par les étudiants au retour du stage et qui permettent au formateur de valider les ECTS d’un stage donné. » « ça permet quand même de prendre du recul par rapport à sa pratique et justement de sortir un petit peu la tête du guidon. » Pourcentage 13,2 % « alors peut-être qu’on avait anticipé le nouveau référentiel, mais on était déjà dans cette dynamique avec des ateliers d'explicitation » « L'APP, c'est pas l'évaluation des pratiques professionnelles, on est là pour se former, l'APP ça sert à ça, ça sert pas à évaluer » o NBRE D’ITEMS 22+ 24,3 % 29,4 % 2620,6 % 2+ 17+ 12,5 % 50 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 VI.1 Position du formateur14 Au regard de ces entretiens, nous remarquons que les positions des formatrices interrogées concernant l’analyse de pratiques diffèrent sur de nombreux points. Leurs expériences d’analyse de pratiques sont diverses et engendrent donc des vécus, des ressentis différents. Elles ont en commun de n’avoir pas expérimenté l’analyse de pratiques en tant qu’infirmière. Elles l’ont donc approchée pour la première fois relativement tardivement dans leur parcours professionnel puisqu’elles ont en moyenne 15 ans d’ancienneté d’infirmière avant de devenir formatrices. Cependant, nous nous apercevons que pour cinq d’entre elles l’analyse de pratiques n’est pas une démarche nouvellement découverte. En effet, les cinq formatrices les plus anciennes dans la profession ont participé à une formation continue à l’analyse de pratiques basée sur le même modèle : GFAPP (Groupes de Formation à l'Analyse de Pratiques Professionnelles), en amont du nouveau référentiel. Or, cette formation a un double objectif : participer à des analyses de pratiques professionnelles et former les participants à l’animation de séances. Nous supposons que cette démarche de formation est volontaire de la part de ces formatrices. Nous avons su par ailleurs que cette formation était un choix régional proposé par le CEFIEC (Comité d’Entente des Formations Infirmières et Cadres). Les cinq formatrices ont par la suite animé des séances d’analyse de pratiques au cours du précédent programme infirmier alors qu’aucune prescription à ce sujet n’était encore posée. Nous pouvons constater que ces cinq formatrices expriment une certaine familiarité avec cette démarche : « j'ai été formé à l'analyse de pratiques professionnelles par monsieur Robo, donc je connais très bien, on a déjà animé (nº 9). » Quatre des cinq formatrices ne relatent pas de difficultés. Elles vivent ces séances comme un moment enrichissant où elles se sentent à l’aise : « je suis contente de parler de l’APP parce que c’est quelque chose que j’aime bien faire, je trouve que c’est très intéressant (nº 2) ». Seule, une formatrice expérimentée (nº 8) exprime de réelles difficultés, tant pour les formateurs que pour les étudiants, sur l’intérêt, la compréhension ou les modalités des dispositifs d’analyse de pratique : « on ne comprend pas toujours à quoi ça sert », « moi j’y trouve du sens […] ce qui n’est pas le cas de tout le monde… », « … il [le dispositif] est rigide ». Pour les 4 formatrices qui ont fait la formation de cadre de santé récemment (nº 1, nº 4, nº 6 et nº 7), elles ont participé pour la première fois à des analyses de pratiques lors de leur cursus à l’IFCS. Mais elles n’ont pas eu de formation dédiée proprement dite à l’animation. Trois de ces quatre 14 Cf. Annexes 9 et 10 51 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 formatrices disent ne pas éprouver de difficultés majeures, mais appuient sur le fait qu’il aura fallu du temps et une prise de recul importante pour se familiariser à cette approche et se l’approprier : « pour avoir travaillé les analyses de pratiques sur une année de façon très soutenue lors de la formation de cadre (nº 1) », « avant que ça prenne sens pour les étudiants je crois qu’il faut que ça vive chez nous aussi et je crois qu’après ça devient une pratique (nº 4) ». Une formatrice (nº 4), se considérant comme novice, participe actuellement à des séances d’analyses de pratiques en groupe réunissant des cadres de santé managers et formateurs. Seule, une formatrice nouvellement diplômée cadre (nº 7) signifie ses difficultés face à cette discipline. Elle développe plus le fait qu’elle est débutante dans la formation et que l’analyse de pratiques en groupe requiert des compétences multiples. Elle estime que cette relation pédagogique est plus complexe que le cours magistral et demande une certaine expérience : « Donc je me suis rendu compte […] que c’était quand même difficile quand on est novice en formation d’arriver à atteindre tous les objectifs » ; « C’est plus compliqué que d’aller divulguer un cours transmissif où l’on donne des connaissances à un groupe de 150 qui ne pose pas de questions, en tout cas de mon point de vue ». Autre point de différence, les formatrices de l’institut B animaient, déjà dans l’ancien programme, des ateliers qu’elles qualifient de « praxéologie » ou d’« explicitations » en stage en s’appuyant sur les travaux de Vermersch. Un autre point de divergence est l’apport de l’analyse de pratiques pour les formateurs. En effet, cinq d’entre elles ne désignent pas directement l’analyse de pratiques comme participant à leur professionnalisation au sens défini par Altet (2004) : « processus de construction de compétences professionnelles et de maîtrise des rapports à la pratique par la mise à distance de l’action et la réflexivité sur la pratique ». Toutefois, ces cinq formatrices y voient un intérêt quant au développement de leur « savoir analyser », qu’elles soient animatrices ou simples participantes d’analyse de pratiques : « pendant cette séance on écoute, on prend part parce qu’on pose des questions et l’on pose des hypothèses et l’on est aussi dans la synthèse de ce qui se passe, on essaie d’être encore plus dans l’analyse de ce qui s’est passé (nº 2) », « enfin, moi, en tant que participante ? Oui, voilà une aide à l’analyse (nº 10) ». Les cinq autres formatrices estiment que l’analyse de pratiques participe à leur professionnalisation. L’une d’entre elles (nº 3) l’affiche clairement. Elle voit l’analyse de pratiques comme un moyen d’appréhender la philosophie du nouveau programme, en passant d’un modèle essentiellement transmissif de formation à un modèle plus transversal, participatif et transdisciplinaire qui redéfinit la posture du formateur devenant davantage un 52 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 accompagnateur : « apprentissage par le vécu et par l'expérience, par l’immersion, un éclairage » ; « je trouve que cela permet de placer le formateur dans une posture différente, en pédagogie... ça a été un bon levier d'introduction au nouveau programme de formation, de prise de conscience de la posture d'accompagnateur du cadre formateur et pas le modèle transmissif que l'on a pu connaître jusque-là. Je suis pas enseignante, je suis formée, je suis formatrice ! » Nous retrouvons les trois exigences que Jorro (2005) estime nécessaires pour se professionnaliser : - Analyser une situation, - Évaluer son positionnement professionnel pendant cette situation, - Entrevoir un ajustement pour soi et pour autrui dans le déroulement de l’activité. Pour les quatre restantes, leurs propos sont moins clairs, plus approximatifs, employant des termes plus génériques, utilisant des articles indéfinis : « de retrouver de l'intérêt et du sens (nº 5) », « on en tire un bénéfice (nº 5) », « j’y trouve du sens (nº 8) ». Elles évoquent à demi-mot l’idée de réflexivité en vue d’améliorer leurs pratiques : « ce questionnement à avoir sur les situations, une prise de recul sur l’intérêt justement de l’analyse de pratiques dans la profession infirmière et l’intérêt que l’on peut y voir comme cadre à la fois cadre formateur et cadre manager, par rapport à l’évolution des pratiques (nº 1) ». Deux se distinguent quant à l’utilisation en tant que participante à des séances d’analyse de pratiques. Elles les perçoivent surtout comme un moment de partage voire de déversoir et lui confèrent ainsi un rôle social : « Quand on est devant les étudiants on est seul et le fait de se dire qu'effectivement d'autres rencontrent les mêmes difficultés déjà ça nous réconforte et puis on peut justement partager sur ce qui s'est passé (nº 9) » L’utilisation de l’analyse de pratiques du portfolio en tant que modalité de validation du stage est soulevée de façon récurrente par quasiment toutes les formatrices, 9 sur 10. Cependant là aussi les avis sont partagés. Quatre formatrices explicitent le fait qu’il s’agit d’une utilisation dévoyée, voire même antinomique avec la philosophie de l’analyse de pratiques : « L'APP, c'est pas l'évaluation des pratiques professionnelles, on est là pour se former, l'APP ça sert à ça, ça sert pas à évaluer (nº 9) ». Six l’évoquent comme un fait établit, mais n’émettent pas de jugement particulier : « ça permet de valider le stage en l’occurrence c’est un des critères (APP portfolio). » Cela questionne, car l’un des fondements de l’analyse de pratiques en formation est que « le formateur “analyste” est dans une posture de questionnement et de compréhension des pratiques, mais pas d’évaluation. » (Altet, 2004) 53 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 Après ce tour d’horizon des positions des formatrices interrogées sur l’analyse de pratiques, nous allons nous pencher plus directement sur la conception qu’elles en ont. Comment elles le mettent en œuvre ? À quelles fins ? Dans quel contexte ? 54 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 CATEGORIES COMPOSANTES Posture d’accompagnateur réflexif Posture du formateur Posture d’encadrant Posture de référent Posture d’évaluateur Construction d’une posture réflexive Objectifs et intentions pédagogiques Contribution à l’intelligibilité de situations complexes Amélioration des compétences Mobilisation des savoirs Utilisation de la multiréférentialité Expression d’un vécu Objets de l’analyse de pratiques Organisation de la pratique Méthodes Modalités d’animation Méta-conception de cette organisation Sociabilité Identité Valeurs professionnelles Capacité Professionnalité EXEMPLES « le formateur marche à côté du groupe, il n'est qu'accompagnateur, un guide, il ne part pas de lui, il doit être centré sur le groupe. » « Le rôle du formateur c’est une régulation en fait. Pour respecter les règles » « ben voilà, chacun peut amener une approche différente, je trouve ça encore plus riche pour l’étudiant. » « Alors le formateur les corrige entre guillemets, les annote » « Dans la mesure où ils ne sont pas dans la simple reproduction de choses, mais ils se questionnent sur ce qu’ils font, comment ils le font » « on questionne, on pose des hypothèses de compréhension, c’est mieux comprendre la situation. » « avec cette situation-là qu’est ce qu’on pourrait avoir amélioré ou travaillé comme compétences. » « ce qu'on leur demande de faire c'est de pouvoir mobiliser à travers leurs pratiques, les enseignements qu'ils ont pu avoir. » « je pense que l’enrichissement il vient des champs qui vont être abordés » « en retour de stage pour essayer de faire verbaliser les étudiants par rapport à leur vécu sur une situation particulière » « Un soin qu’il a vécu dans une situation précise, avec un patient précis, que là il va nous exposer en soi » « et là on explicite le soin, donc avec une méthodologie bien particulière » « est présent également un professionnel de terrain, infirmier ou cadre de santé » « on a décidé en équipe de ne pas réaliser d’analyse de pratiques sur les semestres 1, on ne démarre qu’en semestre deux » « ça peut-être qu’intéressant […] pour l’enrichissement des relations en équipe et voilà, c’est déjà pas mal » « déjà parce que justement ils vont pouvoir avoir pleinement conscience de ce qu'est le rôle de l'infirmier. » « c’est être autonome c’est aussi savoir décider pour soi, décider de sa pratique et qu'est-ce qui fonde ma pratique » « c'est-à-dire pas seulement narratif et en S6, on attend vraiment un positionnement professionnel » NBRE D’ITEMS % 61 35 6 20,3 % 17 73 19 32 31,2 % 42 13 5 29 109 18 38,1 % 71 24 14 16 10,4 % 8 Tableau 3 : Conception des pratiques 55 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 VI.2 Conception de la pratique15 La conception de la pratique est la thématique la plus importante en terme d’items recensés dans cette recherche ce qui s’explique en partie par la nature des questions posées aux formatrices. Elle dépend de plusieurs facteurs. Le premier est la posture du formateur. Si nous nous référons à notre cadre conceptuel, nous serions susceptibles de retrouver les différentes postures identifiées par Altet. Deux se dégagent nettement des entretiens : la posture d’accompagnateur réflexif qui est décrite par toutes les formatrices interviewées : « un rôle de facilitateur, de médiateur, il doit impulser, favoriser l'échange au sein du groupe (nº 3) », « on est dans l’accompagnement (nº 1) ». Il fait des liens avec les concepts appris en formation et favorise la réflexion : il « reprend tous les champs qui ont pu être explorés en essayant d’approfondir avec les étudiants (nº 10) » la posture d’encadrant que l’on retrouve chez 8 formatrices : « De garder ce cadre, mais aussi de donner la parole aux personnes suivant les règles définies (nº 5) ». Lors des regroupements, elles insistent sur le fait que le cadre doit être clairement posé et respecté pour permettre aux étudiants de se sentir en sécurité, en confiance. Il est le garant du bon déroulé de la séance. Dans une moindre mesure nous retrouvons la posture d’évaluateur, avec 6 formatrices qui l’évoquent dans des contextes et des intentions différents. Nous retrouvons l’idée de mesurer une progression chez l’étudiant au travers de ses analyses de pratiques : « on leur met des annotations dessus qui vont leur servir à progresser (nº 7) ». Elles expriment aussi le fait que les analyses du portfolio doivent être validées par le formateur, tant au niveau du fond que de la forme ; « c'est au niveau de l'orthographe, au niveau du jugement de valeur et une capacité de description (nº 9) » ; sous peine pour l’étudiant de refaire l’analyse : « on leur demande de reprendre leur analyse de pratiques (nº 2) ». Cette posture peut être corroborée par le cadre réglementaire qui oblige l’étudiant à fournir dans son portfolio deux analyses de pratiques qui participent à la validation du stage. La posture de référent n’est développée que par une formatrice (nº 2). Elle relate la proposition qu’elle avait faite à ses collègues de mettre en place une rotation au niveau des animateurs et des groupes d’étudiants, argumentant que chaque formateur a une expertise, un regard qui lui est propre et qui permettrait d’enrichir la vision des étudiants. Elle soumet aussi l’utilisation d’outils, maitrisés par l’animateur, pour 15 Cf. Annexes 11, 12 et 13 56 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 analyser les pratiques : « j’oriente souvent vers l’approche systémique parce que ça me parle. » Un autre point important contribue à la compréhension de la conception de la pratique : les objectifs et intentions pédagogiques formulés par les formatrices. Ils sont clairement orientés vers une construction d’une posture réflexive de l’étudiant. Toutes les formatrices l’évoquent de manière significative : « je pense que c’est des méthodes tout à fait d’actualité pour être dans de la réflexivité, c’est la méthode qui permet d’être réflexif, d’avoir une posture réflexive à un moment donné (nº 4) ». La mobilisation des savoirs est un autre objectif évoqué par huit formatrices. L’atout de cette démarche est de faire des liens entre la théorie et la pratique : « c'est de pouvoir mobiliser à travers leur pratique, les enseignements qu'ils ont pu avoir. (Nº 9) », Mais la majorité des formatrices, six, vont plus loin dans leur raisonnement. L’intérêt pour l’étudiant est de pouvoir remobiliser les savoirs appris en formation théorique et de les rendre utiles et signifiantes dans leurs pratiques afin de mieux comprendre ce qu’ils vivent dans leur quotidien de travail : « c’est toujours d’essayer de permettre à l’étudiant de trouver du sens et de raccrocher à la connaissance qui permettent de leur faire comprendre comment ils ont agi de cette façon en situation sur quoi ils s’appuient en terme de connaissances pour réaliser ce soin-là (nº 4) ». Dans ce cas-là et en nous référant à Wittorski (2007), l’analyse de pratiques permet de faire émerger des « savoirs sur l’action ». Concernant cet objectif, il est intéressant de remarquer que les deux formatrices (n° 1, nº 4) qui en parlent le plus sont les plus jeunes dans la formation. Deux autres objectifs s’articulent entre eux : l’analyse de pratiques comme contribution à rendre intelligible les situations complexes analysées et comme permettant l’utilisation de la multiréférentialité par les étudiants. Ils représentent une visée compréhensive pour l’étudiant et l’amènent à transférer dans des situations semblables : « le fait de comprendre les situations de façon multiréférentielle permet dans une situation analogue, ou qui pourrait s’en rapprocher, d'avoir cette vision plus large des choses. (nº 9) » Le dernier objectif central de l’analyse de pratiques au vu des entretiens est l’amélioration des compétences. Cet objectif est exprimé par huit formatrices : « avec cette situation-là qu’est-ce qu’on pourrait avoir amélioré ou travaillé comme compétences. (nº 7) ». D’autres évoquent la conceptualisation dans l’action (Pastré, 2002, 2006,2007, 2011) sans s’y référer explicitement : « il devait trouver dans chaque situation les invariants de la situation (nº 8) », « oui, c'est s'adapter, comment développer des capacités d'adaptation (nº 3) », « essayer de repérer les critères de qualité du soin, ce qu'ils vont pouvoir réajuster, ce qu'ils vont pouvoir garder et appliquer dans d’autres contextes (nº 57 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 6) ». Nous retrouvons ici l’idée du débriefing avec les principes d’invariants, d’adaptation à la situation et de concepts organisateurs. Une formatrice (nº 10) évoque distinctement l’objectif de faire verbaliser le vécu des étudiants et d’adopter une posture réflexive sur la situation, n’invoquant aucun autre objectif. À l’inverse deux autres (n °4, nº 9) distinguent clairement le groupe de parole et l’analyse de pratiques. L’organisation est un autre élément permettant d’appréhender la conception de cette pratique. Ainsi, les objets de l’analyse de pratiques nous montrent à voir une diversité importante, le plus souvent choisis librement. Ils peuvent être en lien dans le cadre du portfolio avec les compétences travaillées dans le semestre. Ils renvoient fréquemment à tout ce qui a interpellé, mis en difficulté l’étudiant. Cela peut être un soin, une situation de travail… Les méthodes employées font apparaitre les différents dispositifs utilisés pour réaliser l’analyse de pratiques : le portfolio, support écrit qui permet d’évaluer la progression individuelle de l’étudiant dans sa capacité à savoir analyser. L’analyse écrite suivant les instituts se poursuit oralement avec le formateur référent pédagogique de l’étudiant ou par un questionnement écrit interposé. Des grilles de correction ont été mises en place dans certaines écoles. Elles se basent surtout sur la syntaxe, l’orthographe et la capacité à décrire la situation. les regroupements à l’IFSI, étant formées quasiment au même modèle, les formatrices utilisent un déroulé sensiblement équivalent. Le nombre d’étudiants est relativement similaire : une douzaine. Les différences se font au niveau des modalités, sur le type d’enseignement auquel elles le rattachent : le plus souvent au temps de stage, lors des unités d’intégration, parfois dans les « UE cœur de métier ». La différence se fait aussi en fonction du moment où débute ce genre de démarche collective : pour l’IFSI B dès le 1er semestre, pour le A à partir du 2e semestre, pour le C et le D à partir du 3e semestre ; une dernière différence de taille est la présence ou non de professionnels de terrain lors de ces regroupements, seul un IFSI : le A procède actuellement ainsi, « est présent également un professionnel de terrain, infirmier ou cadre de santé en fonction des disponibilités (nº 3) ». l’enseignement clinique, un IFSI (le B) utilise clairement l’analyse de pratiques comme outil d’apprentissage en stage, « donc ils font le soin, on observe le soin et on questionne ensuite le soin (nº 4) », « On fait l'explicitation, mais à chaud. (nº 6) » 58 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 Il nous parait important d’aborder un dernier point concernant l’organisation de la pratique. C’est ce que nous nommerons la méta-conception de cette organisation ou, autrement dit, comment les formatrices réfléchissent, envisagent cette pratique et les perspectives éventuelles. Nous remarquons une réflexion commune aux quatre IFSI : le manque de formalisation de cette pratique dans l’ingénierie de formation, « ça pose question et justement il faut y travailler pour une modélisation au niveau de l’IFSI. (nº 1) » Un autre point régulièrement soulevé est le niveau attendu de progression pour les analyses du portfolio qui n’est pas clairement défini au niveau des quatre IFSI. Plusieurs formatrices d’IFSI différents appuient l’idée de renforcer le partenariat avec les professionnels de terrain dans cette démarche : « Il me semble que si les professionnels sont initiés à cette méthodologie, ça peut permettre sur le terrain de stage et en stage pareil de faire une approche et une pratique réflexive par situation de soins rencontrés (nº 3) ». Deux formatrices (nº 9, n°6) ne semblent pas pleinement satisfaites de l’accompagnement effectué auprès des étudiants dans cette démarche. En effet, les deux estiment qu’il n’y a pas assez de temps consacré pour les suivis pédagogiques, l’une d’elles regrette qu’il n’y ait pas d’analyse en groupe en 1re année. Une autre estime que ces regroupements permettent aux étudiants de mieux appréhender l’analyse individuelle du portfolio. Toutes ses remarques confirment l’idée qu’« Il n’y a donc pas d’analyse de pratiques formatrice sans outils d’analyse théorique, sans accompagnateur, sans pairs » (Altet, 2004). Pour terminer sur cette thématique, nous nous sommes penchés sur ce que nous avons décidé de nommer les valeurs professionnelles émergeant de l’analyse de pratiques en formation initiale. Nous voyons à travers ces entretiens que l’analyse de pratiques, que ce soit en individuel avec le formateur ou en groupe, à l’IFSI ou en stage, est basée sur une approche socioconstructiviste : construction de savoirs, de compétences à l’aide d’une médiation. Ceci est associé à une méthodologie qui demande respect, écoute et non-jugement de valeur. Elle favorise donc pour huit formatrices une forme de sociabilité chez l’étudiant : « tout ce qui est dynamique de groupe, confiance d'un travail en équipe, partage des connaissances, des compétences. Oui, je trouve que c'est positif pour le groupe. (Nº 3) » Pour cinq formatrices, l’analyse de pratiques participe à la construction identitaire de l’étudiant, l’amenant par ses réflexions, cette mise à distance à se positionner en futur professionnel : « En fait l’étudiant, il sait pourquoi, il est infirmier, il va pouvoir mettre en évidence son savoir infirmier et le valoriser. (nº 6) » Les formatrices expriment une autre valeur professionnelle que nous qualifierons de capacité et qui amène l’étudiant à devenir un « sujet capable » (Rabardel, 2005 59 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 dans Pastré, 2011). « Ensuite c’est quelque chose qui va leur amener aussi peut-être plus de confiance en eux-mêmes (nº 7) » L’analyse de pratiques pour certaines formatrices permet aussi de développer cette capacité pour les professionnels qui participent à cette démarche : « parce que ça peut amener aussi à voir comment on réfléchit sur des situations problématiques sur le terrain (nº 1) ». La dernière valeur retrouvée dans ces entretiens est l’analyse de pratiques comme participant à la professionnalisation de l’étudiant : « ça permet de suivre aussi ce changement aussi la professionnalisation de l’étudiant. (nº 1) » seules quatre formatrices en parlent explicitement, cependant à travers le discours des autres formatrices nous retrouvons des éléments qui vont dans ce sens. 60 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 Tableau 4 : Réception des formés CATEGORIES Analyse de pratiques comme voie de développement du « savoir analyser » des formés EXEMPLES « d’apprendre à analyser une situation que l’on a observée et surtout d’apprendre à se questionner et à prendre du recul » « elles ont essayé effectivement de tout questionner, de poser des hypothèses » « chez ces étudiantes le questionnement bascule du comment au pourquoi, au fur et à mesure de l'avancée dans la formation » Analyse de pratiques comme pratique problématique pour les formés « on voit qu’au niveau du portfolio par rapport à la retranscription c’est très réduit, le questionnement est très réduit » « ce travail-là du portfolio est pour eux quand même, pas tous, mais pour la majorité encore assez compliqué … parce qu’eux-mêmes ne se sont pas encore bien approprié l’outil. » Analyse de pratiques comme pratique familière pour les formés « finalement une fois qu’on leur a bien expliqué, bien mis le cadre, c’est vraiment un exercice qu’ils avaient beaucoup apprécié » « En deuxième année ils ont cette habitude du temps de parole, du temps de questions et du temps d’hypothèses » Analyse de pratiques comme pratique nécessitant une implication des formés « Alors, comme ils en ont pas suffisamment non plus, je trouve, c’est difficile, mais... » « c’est celle dont ils ont envie de parler et après c’est la façon dont le groupe se l’approprie, la questionne, l’explique qui va faire la différence » Analyse de pratiques comme mobilisant les savoirs des formés « et puis surtout ils se sentent jugés » « Donc elles ont utilisé des savoirs qu'elles ont mobilisés pour comprendre ce qui s'était passé » Analyse de pratiques comme pratique professionnalisant les formés « C'est un début d'analyse, ce qui manque c'est de faire le lien, de répondre à ces questions et de faire le lien avec la théorie » « tout à fait puisque l'étudiante a axé toute son analyse par rapport à toute la législation, la démarche éthique et déontologique quelle a couplée avec la démarche en soin palliatif. » NBRE D’ITEMS Pourcentage 41+ 30,8 % 13- 30+ 23,6 % 155+ 4,4 % 333+ 21,4 % 611+ 7,1 % 2- 23+ 12,6 % 61 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 VI.3 Réception des formés16 La 3ème thématique dégagée de ces entretiens s’axe sur comment les formatrices perçoivent la réception des étudiants à l’analyse de pratiques. Le principal retour qu’en font les étudiants est l’analyse de pratiques comme voie de développement du « savoir analyser ». En effet, neuf formatrices relatent des éléments de réponses qui vont dans ce sens-là. Au regard des analyses du portfolio, elles observent une progression très nette dans leur questionnement : « j’ai des étudiants en suivi pédagogique en S3 qui sont maintenant en S4, on voit quand même par rapport à l’analyse de pratiques qu’ils ont pu faire en S1 une évolution de leur questionnement (nº 1) ». Les neuf formatrices observent que cela participe à construire la posture réflexive de l’étudiant. Ils arrivent à décrire correctement une situation, à questionner cette situation en s’appuyant sur différents champs et ainsi prendre le recul nécessaire. Elles reconnaissent que les étudiants développent une ouverture d’esprit, mais certaines insistent sur le fait que cette mise à distance prend du temps : « ils se questionnent beaucoup, ils arrivent à prendre du recul, mais sur la fin de la formation (nº 10) ». Trois formatrices d’IFSI différents disent que les étudiants trouvent l’analyse de pratiques utile pour mieux comprendre les situations complexes. Une autre (nº 3) remarque que ce nouveau programme a un impact sur leur façon d’apprendre « il le met toujours dans une posture de questionnement par rapport à sa pratique, par rapport à un texte, par rapport à un TD, par rapport à l’article, par rapport à des situations ». Une autre (nº 2) exprime le fait que des étudiants prennent conscience de la différence qui existe entre le travail réel et le travail prescrit, entre la tâche et l’activité. Certaines formatrices s’arrêtent sur l’idée que cette capacité à analyser est loin d’être innée pour les étudiants et que certains ont du mal à dépasser le stade de la description. Une formatrice (nº 2) trouve que l’analyse de groupe pour les étudiants, une fois qu’ils ont intégré la méthode, favorise ce « savoir analyser ». Nous remarquons que les deux formatrices (n° 2, nº 3) qui en parlent le plus sont du même IFSI, formées ensemble à l’analyse de pratiques et qui ont mis en place la démarche collective dans leur institut. Un autre point abordé par les formatrices est comment les étudiants ressentent, vivent, ces analyses de pratiques. Le constat est relativement unanime. Pour neuf formatrices, de nombreux éléments contribuent à rendre pour les étudiants cette démarche difficile. Le premier est l’utilisation du portfolio et le passage à l’écrit : « ce qui parait difficile pour eux à 16 Cf. Annexes 14 et 15 62 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 ce jour (APP portfolio) (…) c’est difficile à l’écrit, c’est un peu de la souffrance pour eux de passer à l’écrit (nº 2) ». La méthodologie est un problème tant au niveau du portfolio que pour l’analyse en groupe. Ils ne sont pas habitués à ce genre d’exercice. Cela demande de leur part une assimilation pour en comprendre l’intérêt. Au début de leur cursus, ils sont d’avantage dans de la résolution de problèmes que dans de l’analyse de pratiques d’où la nécessité de leur expliquer la démarche : « et j’avais été très surprise de la façon dont les étudiants adhéraient énormément à ce… même au début on avait dit les hypothèses… formuler des hypothèses on avait dit ils ne vont pas y arriver puis finalement une fois qu’on leur a bien expliqué, bien mis le cadre, c’est vraiment un exercice qu’ils avaient beaucoup apprécié. (nº 5) » La prise de parole en groupe peut être un facteur contraignant pour certains. L’analyse de pratiques en stage proche de l’action peut être source de stress, ce qui peut perturber l’analyse : « l’analyse de pratiques se fait à chaud, ce qui peut être compliqué à gérer (…) on est dans de la relation duelle et bon, pour certains c’est un peu compliqué. (nº 7) » Les formatrices soulèvent le fait que les étudiants font peu d’analyse de pratiques en groupe, environ une par semestre, ce qui ne favorise pas l’intérêt et le sens qu’ils mettent dans cette démarche. L’expérience développe cette « gymnastique d’esprit (nº 2) ». Le portfolio leur permet de se familiariser avec cette démarche. Huit formatrices trouvent que l’implication des étudiants infirmiers influe sur la pratique de l’analyse de pratiques. Pour elles, dans l’ensemble, les étudiants s’impliquent dans cette démarche quand ils sont acteurs de la situation. D’ailleurs, elles remarquent qu’ils choisissent souvent des situations où ils ont eu un « rôle » à jouer : « Souvent le groupe fait le choix d'une situation que l'étudiant a vécu (nº 3) ». En groupe, trois formatrices expliquent que l’implication n’est pas directement liée pour elles à la participation verbale des étudiants. Le retour réflexif pouvant être lié au conflit sociocognitif émergeant de l’analyse de pratiques. Elles posent aussi le fait de l’importance de comment les étudiants se saisissent de cette démarche, comment elles lui donnent sens ou pas. Or, comme le dit Perrenoud (2010), il existe une différence importante entre adhérer à un groupe d’analyse de pratiques et s’y retrouver au gré d’un parcours de formation. Trois formatrices, à ce sujet, remarquent que cette implication dépend des étudiants : « ça dépend des séances, ça dépend aussi du groupe d’étudiants que l’on a (nº 10) ». Elles observent aussi que cette implication se développe sur la durée. Deux formatrices voient l’implication des étudiants dans la façon dont ils se saisissent de cette démarche pour s’autoévaluer, faire un débriefing de leurs actions passées. À l’inverse pour une autre l’implication est moindre, car « ils se sentent jugés (nº 7) ». 63 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 Perrenoud explique très bien ce phénomène (2004) : « ces démarches impliquantes exigent une rupture avec la carapace que se sont forgée les élèves depuis leurs premières années de scolarité ». La majorité des formatrices est beaucoup plus circonspecte quant à la capacité de mobilisation des savoirs par les étudiants au cours des analyses de pratiques. Trois d’entre elles estiment qu’il y a une tentative de mobilisation : « ils essayaient d’analyser par rapport à des connaissances, à quoi ça faisait référence. (nº 8) » Trois n’en parlent pas. Deux (n °6, nº 9) ont un regard plus critique et estiment que c’est quelque chose qu’ils ne font pas naturellement : « ce qui manque c'est de faire le lien, de répondre à ces questions et de faire le lien avec la théorie (n ° 6) ». Toutes les formatrices interrogées reconnaissant que l’analyse de pratiques participe à la professionnalisation de l’étudiant. Plusieurs d’entre elles parlent de progression dans la façon qu’ont les étudiants d’appréhender les situations analysées. Elles mesurent cette progression grâce au portfolio, aux types de situations analysées plus complexes et à l’utilisation de la multiréférentialité. « On part en première année sur un semestre 1 de représentation et après on voit la professionnalisation de l’étudiant et comment à un moment donné il peut acquérir une posture professionnelle (nº 1) ». « Certains abordent des situations sur le plan éthique, d'autres sur le plan sociologique, d'autres sur le plan des émotions, il me semble que cela permet à l'étudiant de confronter différents points de vue (nº 3) ». VI.4 Réflexion autour du « savoir analyser » Lors de l’entretien, nous avons demandé aux formatrices de nous exprimer ce qu’évoquait pour elle la compétence « savoir analyser »17. Nous proposons d’en faire une synthèse. L’idée qui revient le plus fréquemment, c’est que le « savoir analyser » fait appel à une combinaison de « choses » : connaissances, expériences, observations, multiréférentialité… Nous retrouvons aussi le fait que cela aide à comprendre « pourquoi on fait les choses (nº 6) ». Cela demande une posture réflexive, de savoir s’autoévaluer. Elles le rattachent aux compétences professionnelles : deux d’entre elles le relient spontanément à une des compétences du référentiel infirmier, la une (Évaluer une situation clinique et établir un diagnostic dans le domaine infirmier) et la huit (Rechercher et traiter des données professionnelles et scientifiques). C’est un préalable à l’action qui est valable pour tout professionnel et qui lui permet de s’adapter aux situations nouvelles. 17 Cf. Annexe 17 64 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 VII. Discussion VII.1 D’une observation particulière à une analyse compréhensive Après avoir analysé les données recueillies par catégories, de façon horizontale, il nous semble intéressant d’étudier le contenu du point de vue des formatrices interviewées, c'est-à-dire de façon verticale18. Pour cela nous avons décidé de regarder plus précisément celles qui s’expriment le plus, en nombre d’items, sur notre sujet d’étude. Nous nous sommes focalisé sur trois entretiens qui se détachent des autres de façon relativement significative : 110 items pour la première (nº 5), 108 pour la deuxième (nº 6), 100 pour la troisième (nº 7) contre 91 items pour la quatrième. Les résultats de cette analyse sont instructifs. En effet, nous nous apercevons que les trois formatrices font partie du même institut (le B). Celui-ci a plusieurs caractéristiques intéressantes : il a anticipé la réforme en mettant en place des ateliers d’explicitation au sein de l’IFSI et dans le cadre des stages avec les professionnels de terrain. Les trois modalités d’analyse de pratiques exposées dans cette recherche : portfolio, groupe, stage sont utilisés dans cet IFSI. Un accompagnement a été mis en place pour les formatrices débutantes pour les guider dans leur apprentissage de cette démarche. Au niveau des variables caractérisant les formatrices, nous remarquons une information qui a son importance : deux formatrices sont relativement expérimentées (n °5, nº 6), la troisième l’est moins, se qualifiant de « novice ». Cette dernière porte un regard différent des deux autres sur un point principal : son niveau d’appropriation de la pratique. Pour les autres catégories, les trois formatrices ont un regard similaire. Nous avons synthétisé les similitudes dans un tableau pour plus de lisibilité. (cf. tableau 5). Nous proposons à partir de ces informations une réflexion que nous qualifions de systémique sur l’analyse de pratiques dans un IFSI. Il est bien entendu que les éléments trouvés ne permettent pas une généralisation, mais ils nourrissent la discussion. Nous tenons aussi à signaler que cette réflexion n’a pas pour objet de comparer leurs pratiques avec celles des autres formatrices, mais d’apporter des éléments de compréhension sur notre recherche. Nous pouvons regarder l’intégration de l’analyse de pratiques en formation initiale comme un processus. Nous avons en entrée l’IFSI avec les formateurs, vient ensuite la conception de la pratique, puis pour terminer la réception des formés. Au vue de ces trois 18 cf. annexe 16 65 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 entretiens, quels peuvent être les « clés » de la réussite de la mise en place de ce nouveau dispositif pédagogique dans une formation initiale ? Le rôle joué par l’Institution : nous voyons que la préparation en amont a été un élément facilitant pour l’utilisation par les formateurs de cette nouvelle démarche pédagogique qu’est l’analyse de pratique. L’accompagnement, sous forme de tutorat, dont disposent les nouveaux formateurs dans l’animation des séances de groupe, témoigne d’une volonté institutionnelle affirmée de professionnaliser les formateurs à cet outil. La mise en place d’atelier d’explicitation ou praxéologique conduit les formateurs à se familiariser avec ce type d’apprentissage. Cette organisation est issue, nous l’avons compris, d’une réflexion d’équipe murie et réfléchie qui a permis d’anticiper et de donner du sens à cette méthode. Nous comprenons d’ailleurs que cette dynamique est entretenue par les formateurs et par la coordinatrice pédagogique, qui cherchent à améliorer le dispositif et à le rendre toujours plus pertinent au regard des objectifs posés. L’idée d’inscrire cette démarche dans une culture professionnelle semble essentielle dans une formation basée sur l’alternance « théorie-pratique ». Une des clés au niveau institutionnel est donc de lui donner du sens et du corps pour que le formateur se l’approprie et puisse la faire vivre auprès des étudiants. 66 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 Tableau 5 : Récapitulatif des points similaires retrouvés, par thématique, chez les trois formatrices s'étant le plus exprimées Thème I Elles ont eu besoin de trouver du sens à l’analyse de pratiques et de l’expérimenter de façon répétée pour se l’approprier. Elles n’ont pas de grandes exigences concernant celles du portfolio comme élément validant du stage. À travers leurs propos on peut considérer qu’elles sont toutes les trois des praticiens réflexifs qui voient cette démarche comme participant à développer leur « savoir analyser ». Thème II Leur posture en tant qu’animatrice est celle de l’accompagnateur réflexif et de l’évaluateur dans une dimension formative cherchant à faire progresser l’étudiant. Leurs objectifs : - développer la réflexivité de l’étudiant ; - améliorer les compétences de l’étudiant dans une idée d’améliorer la qualité des soins. Deux formatrices (n °6, nº 7) associent cet objectif à l’idée du débriefing ; - mobiliser les savoirs utiles pour comprendre les situations ; - permettre de mieux comprendre les situations complexes. L’objet de l’analyse : vision large, peu de restriction Concernant leur « métaconception » : Les trois réfléchissent sur leurs pratiques. Trois idées priment : - instaurer une progression dans l’analyse ; - associer les professionnels de terrain à cette démarche ; - utiliser des méthodes différentes d’analyse de pratiques. Deux valeurs communes émergent : - la sociabilité : l’analyse de pratiques permettant les échanges, le partage d’expériences ; - le professionnalisme dans l’idée de responsabiliser l’étudiant. Thème III Elles remarquent que les étudiants ont besoin de temps pour s’approprier la démarche. Ils ont besoin de comprendre l’intérêt de la démarche. Elles estiment toutes les trois que les étudiants comprennent mieux les situations analysées, qu’ils y mettent du sens. Les trois formatrices observent que l’implication des étudiants ne se fait pas naturellement, elle demande du temps, de la confiance, une fois celle-ci établie, ils s’impliquent fortement. Elles reconnaissent que les étudiants ont encore du mal à mobiliser des savoirs dans cette démarche. En lien avec cette remarque, il faut signaler que les étudiants de ces formatrices sont en 1re ou 2e année. 67 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 La position des formateurs est le deuxième critère permettant de comprendre l’intégration de ce dispositif pédagogique dans l’ingénierie de formation. Comme nous l’avons vu avec Altet la visée principale de l’analyse de pratiques en formation est de construire une posture réflexive chez l’étudiant. Or, comme le dit Perrenoud, seul un formateur réflexif peut former à la réflexivité. Cet élément se confirme pour les trois formatrices : elles sont dans une démarche d’analyser en permanence leurs propres activités. L’une d’elles parle de réflexion interdisciplinaire et en a fait son sujet de mémoire de master en santé publique. Nous voyons que cette implication des formateurs va jouer grandement dans la réussite ou non de ce genre de démarche. Cette implication ne se fait pas du jour au lendemain, elle demande du temps, de l’expérience, des moments d’analyses, de débriefing, afin de comprendre et de s’améliorer. Leur peu d’exigence concernant les analyses du portfolio peut paraitre problématique. Cela peut remettre en question la validité de l’obtention des ECTS du stage. Cela met surtout en exergue cette dichotomie qui existe entre le portfolio objet d’évaluation certificative et le portfolio objet d’évaluation formative et de développement professionnel (Péoc’h, 2010). Leur positionnement est relativement clair à ce sujet. Elles en font principalement un objet d’évaluation formative mesurant la progression de l’étudiant dans une optique d’autonomiser celui-ci. L’idée d’associer les professionnels de terrain dont les tuteurs renforcent cette idée d’accompagnement réflexif à l’IFSI et sur les lieux de stage. Elles cherchent par leur relation pédagogique avec l’étudiant à favoriser « sons sens critique et son autoévaluation » (Péoc’h). Leur conception de l’analyse de pratiques reflète aussi l’idée du nouveau programme. Les objectifs énoncés s’articulent autour du concept de réflexivité. Elles associent des intentions pédagogiques complémentaires qui s’inscrivent dans une perspective cognitive et constructiviste (Péoc’h) : comprendre des situations complexes, améliorer les compétences des étudiants en utilisant le débriefing, mobiliser les savoirs appris ou les savoirs recherchés par leurs propres moyens. Tout ceci participe à développer le « savoir analyser » des étudiants. Elles laissent une part de liberté dans le choix des situations et permettent ainsi une plus grande implication de l’étudiant. Elles utilisent plusieurs méthodes d’analyse de pratiques et diversifient ainsi leurs approches et leurs visées. Cela peut permettre aussi à l’étudiant d’éviter la lassitude qui peut s’installer dans la répétition d’une seule méthode. Il est aussi important de souligner qu’il existe d’autres modalités pédagogiques qui participent à développer ce « savoir analyser » : 68 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 l’étude de cas et l’analyse de documents, moins impliquantes pour l’étudiant, la simulation avec débriefing permettant aussi une analyse de l’activité, les serious game ou les ateliers de remédiation favorisant la métacognition et l’autoévaluation. Les valeurs qui émergent de l’utilisation des analyses de pratiques, sociabilité et responsabilité, sont en parfaite adéquation avec l’esprit du nouveau programme infirmier. Elles positionnent l’étudiant comme un acteur de soins dans une équipe pluridisciplinaire. Le courant socioconstructiviste qui anime cette démarche va dans le sens du partage des expériences et de l’acceptation de la controverse. Le retour d’expérience que font ces formatrices semble relativement lucide et éclairé. Elles ont pleinement conscience des difficultés rencontrées par les étudiants pour appréhender l’analyse de pratique. Elles ont bien perçu, au même titre que leur propre apprentissage, qu’ils ont besoin de temps pour se l’approprier et pour en comprendre l’intérêt. Comme le dit Perrenoud (2004), « l’analyse de pratique fait appel à une culture de l’observation, de la mise en mots, de l’interrogation, de l’hypothèse, du débat, de l’écriture, toutes choses que l’école développe inégalement ». Les étudiants doivent passer par différentes étapes leur permettant de se familiariser puis de s’impliquer dans cette démarche. L’acceptation de cette résistance au changement, pour certains, est un préalable incontournable à la mise en œuvre de ce dispositif. Les difficultés que rencontrent les étudiants à mobiliser les savoirs vont dans ce sens-là. Le rôle d’accompagnateur du formateur est donc capital en début de formation pour amorcer le processus de réflexivité, fournir des apports directs de connaissances, aider le formé à choisir, combiner et mobiliser les ressources pertinentes pour agir avec compétence. (Boudreault, 2009). L’exemple de ces trois formatrices nous montre bien l’importance des conditions requises pour intégrer au mieux ce genre de démarche dans une formation initiale : L’implication de tous les acteurs : institutionnels, formateurs, professionnels de terrain, étudiants, Une posture réflexive individuelle et collective qui implique (Perrenoud, 2010) : une culture minimale des concepts liés à cette démarche, une intention commune dans l’utilisation des différents outils, une éthique explicitant clairement les limites de la démarche, 69 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 L’acceptation d’une réticence à ce genre de démarche nouvelle touchant implicitement ou explicitement à l’habitus des participants (Perrenoud, 2010), L’accompagnement d’une progression vers l’appropriation des modalités, la compréhension des objectifs, la formalisation des analyses. Nous proposons maintenant de regarder les transformations que cette démarche induit dans la formation des infirmiers. VII.2 L’analyse de pratique : démarche de transition et de (trans)formation L’analyse de pratiques comme dispositif pédagogique est apparue officiellement dans la formation infirmière avec le nouveau référentiel en 2009. Nous prenons conscience, à travers cette recherche, que la philosophie de ce programme a eu depuis trois ans un impact à tous les niveaux de la formation. Si nous comparons l’ancien programme de 1992 avec celui de 2009 (Doucet, 2009), nous voyons que les grandes transformations des points de vues pédagogique et finalités sont : la construction de compétences et non plus l’intégration de savoirs, l’apprentissage par les situations et non plus par les disciplines, l’approche par les processus plutôt que par les appareils anatomiques, La formation, tout en étant centrée sur l’étudiant, développe les échanges en groupe, La finalité de la formation infirmiers polyvalents, mais n’est des plus uniquement professionnels de autonomes, former des adaptables, responsables et réflexifs. Au vu des résultats des entretiens, nous pouvons constater que l’analyse de pratique peut contribuer à ces transformations : Le formateur dans ce nouveau programme passe d’une posture « d’enseignant » à celle de « formateur » (Perrenoud, 2010). Son rôle devient celui d’un médiateur, un accompagnateur, un régulateur. Il utilise le groupe comme une ressource. Il part des besoins de l’étudiant, de ses pratiques et des problèmes rencontrés. Pour tous ces éléments, l’analyse de pratiques peut aider le formateur à construire cette posture s’il accepte ce changement, ce qui est loin d’être une évidence. Passer d’une « posture de savant partageant son savoir » à une « posture d’entraîneur prêtant main-forte à une autoformation » de l’étudiant n’a rien de simple. Cela oblige le formateur, par moment, à naviguer à vue, à ne pas toujours être seul maître de la situation. Dans 70 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 l’analyse de pratique, il passe d’une transmission de savoirs verticale descendante à une approche transversale où il amène l’étudiant à combiner, mobiliser ses ressources. Son rôle n’est pas de donner des recettes toutes prêtes aux problèmes rencontrés, mais que l’étudiant comprenne le sens de ses actions. L’étudiant dans ce nouveau programme n’est plus un objet d’apprentissage, mais un sujet construisant les compétences nécessaires à la profession d’infirmier. Il ne subit plus seulement les hétéroévaluations traditionnelles, mais apprend à s’autoévaluer. Il doit savoir se repérer parmi les trois niveaux de l’autoévaluation que sont l’autocontrôle, l’autorégulation et l’évaluation hors champ du contrôle (Rongiconi, 2010). La compréhension de situations complexes, dans le cadre d’analyses de pratiques, peut aider l’étudiant à se situer dans ces différentes formes d’évaluation. Il passe du sujet épistémique qui a assimilé des connaissances à un « sujet capable » qui « se positionne dans l’agir (…) et qui utilise, à sa convenance, le savoir comme ressource pour orienter son agir » (Pastré, 2011). Cette nouvelle posture demande à l’étudiant de comprendre ce qu’il apprend, ce qu’il voit, ce qu’il fait avant, pendant et après l’action. Il est donc nécessaire pour lui de construire au plus tôt une posture réflexive. Or nous avons vu que l’analyse de pratique peut l’aider dans cette démarche. Comme pour le formateur, cet apprentissage vers l’autonomie ne se fait pas sans heurt. Cela demande à l’étudiant une grande capacité de transférabilité, de sens critique, de remise en question. Le but de l’activité pour l’étudiant en stage n’est pas seulement qu’elle soit productive, mais comme le dit Pastré (2002, 2006, 2007, 2011) qu’elle soit aussi constructive. La finalité n’est pas uniquement pour lui de transformer le réel, mais surtout de construire ses compétences professionnelles. L’analyse de l’activité faite par l’étudiant, lors des enseignements cliniques en stage au plus proche de l’action ou plus à distance dans le portfolio ou lors des regroupements, va amener le formé à s’arrêter sur, dans l’ordre, ce qu’il a fait, comment il l’a fait et pourquoi il l’a fait. Ce débriefing va guider l’étudiant vers une conscientisation de tout ce qui sous-tend l’action. L’activité devient source d’apprentissage. Il est nécessaire, pour cela, de comprendre qu’elle « ne se réduit pas à traiter la singularité d’une situation (Pastré, 2007) ». Elle demande à l’étudiant de se distancier de la situation par « un mouvement de désingularisation (Pastré) » pour lui permettre de repérer les invariants et la part d’adaptabilité. Cette démarche demande entrainement et habitude réflexive. L’aide 71 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 d’une médiation est primordiale en début de formation pour accompagner l’étudiant dans cette transformation, cette reconfiguration de l’activité. Appréhender l’activité de la sorte demande une grande rigueur intellectuelle pour être le plus exhaustif possible dans la description et dans la compréhension des faits. Là aussi, des ressources externes peuvent être utilisées : humaine ou matérielle. L’auto confrontation, méthodologie où la personne est filmée puis participe à un entretien d’explicitation, est un bon moyen de rendre l’activité constructive. Cette confrontation de l’étudiant avec son activité est un moyen pertinent pour mieux organiser ses actions par un processus d’anticipation, mais ça lui permet aussi de pouvoir mieux se justifier, de se positionner professionnellement. Cette démarche favorise donc le jugement professionnel et la responsabilité de l’étudiant. VII.3 Limites de l’étude et difficulté VII.3.1 L’échantillon Saturation des données : Le nombre de formateurs interrogés par IFSI n’est pas toujours représentatif de la population : 1 formatrice sur 12 dans l’IFSI D. Lors d’une table ronde à l’IFCS, des formateurs de la région ont relaté d’autres façons de faire et de percevoir l’analyse de pratiques. Nous n’avons interrogé que des formatrices qui ont eu une formation à l’analyse de pratique et qui étaient volontaires. Ces paramètres ont eu une influence sur le discours. Nous avons peu tenu compte dans notre approche de l’identité professionnelle des formatrices, de leur parcours et de leurs représentations sur la profession, qui pourraient avoir un impact sur leur posture et leur conception de l’analyse de pratiques. Ma position de praticien, ayant exercé la fonction de formateur, a pu influencer leur discours. J’ai par ma posture essayé de garder une distance et de privilégier l’écoute active. Cependant, à la réécoute des entretiens, j’ai pris conscience que mes interventions ont pu par moment influencer l’interviewé. VII.3.2 L’outil L’entretien comme outil de recueil de données est un moyen d’observation indirect (Quivy & Van Campenhoudt, 2011 : p. 151). Il permet d’accéder à une partie de la 72 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 pratique du professionnel qui est conscientisée, relativement réfléchie. Il ne nous a pas permis d’approcher « l’inconscient pratique » des formatrices (Vermersh dans Perrenoud, 2010, p.137), ni de percevoir leur genre ou leur style. Il existe une différence de taille entre le dire et le faire. Une auto confrontation permettrait d’approcher ces concepts. VII.3.3 L’analyse de données L’analyse de contenu manuelle est une méthodologie, si elle est appliquée dans les préceptes reconnus, scientifiquement éprouvée. Nous aurions pu enrichir notre analyse de contenu par une analyse informatique avec le logiciel « Alceste », ce qui aurait peut-être mis en évidence d’autres catégories de discours et/ou confirmé les catégorisations présentées dans l’analyse. VII.3.4 Difficultés rencontrées La mise en œuvre de la méthodologie de l’analyse de contenus catégorielle selon Bardin a été une des difficultés de cette recherche. Découvrant cet outil qui demande rigueur, distanciation et temps, il m’a fallu plusieurs semaines pour en comprendre le mécanisme. Par contre, j’ai pu en mesurer l’intérêt certain et la pertinence dans l’exploitation des résultats. 73 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 CONCLUSION Pour conclure, nous rappellerons les grandes lignes de notre recherche, nous synthétiserons les nouvelles connaissances concernant notre sujet, nous exprimerons ce que cette recherche nous a apporté, nous donnerons quelques pistes pour l’action et nous terminerons sur un éventuel prolongement à cette étude. Le thème central de notre mémoire est l’analyse de pratiques en formation initiale infirmière. Notre phase exploratoire : entretien, contexte et cadre conceptuel nous a permis de recentrer notre travail sur ces deux questions de recherche : En quoi, pour les formateurs en IFSI, le dispositif d’analyse de pratiques participe au développement d’un « savoir analyser » ? De quelle façon ce « savoir analyser » contribue-t-il à l’intelligibilité des pratiques ? Notre recherche professionnelle a une visée compréhensive, notre but étant de comprendre comment les formatrices en IFSI abordent l’analyse de pratiques en formation initiale. Nous avons donc procédé à dix entretiens de formatrices dans quatre IFSI différents. Puis à partir des entretiens retranscrits nous avons effectué une analyse catégorielle de contenu que nous avons ensuite discutée sur deux grands axes : l’intégration de cette démarche dans l’ingénierie de formation et l’analyse de pratiques comme démarche de (trans)formation. De cette analyse, nous pouvons dégager quelques éléments de réponses à nos questions. L’analyse de pratiques peut participer au « savoir analyser » des étudiants de diverses manières. Nous avons vu qu’il existe différentes modalités à l’analyse de pratiques en formation initiale. Nous sommes, à ce sujet, bien conscient de n’en avoir vu qu’une partie. Pour les formateurs interrogés, si ces différentes modalités n’ont pas la même finalité, elles sont toutefois complémentaires : Les analyses du portfolio retracent la progression individuelle de l’étudiant, elles peuvent être un outil d’apprentissage pertinent dans l’activité métacognitive et réflexive de l’étudiant. Cela demande un accompagnement spécifique et individualisé par les formateurs et les tuteurs ce qui suppose que ces professionnels soient informés, formés et impliqués et aient du temps pour réaliser ce suivi. 74 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 Les regroupements s’appuient du socioconstructivisme et de la multiréférentialité pour amener l’étudiant à élargir son regard, à se questionner, à apprendre à poser des hypothèses de compréhension. Le cadre imposé à travers la méthodologie est un élément primordial au bon fonctionnement de ces séances. Cette démarche n’est bénéfique pour les formés que s’il règne un esprit de confiance et de partage. Tout cela participe au développement de la sociabilité de l’étudiant. Les outils théoriques utilisés favorisent la rigueur scientifique tout en encourageant le sens critique des étudiants. Les analyses, lors des enseignements cliniques, se centrent plus sur l’activité de l’étudiant se rapprochant davantage du principe du débriefing. Elles lui permettent de mieux appréhender la situation, de prendre conscience de sa pratique et de comprendre l’organisation de son action. Cette méthode permet de repérer des invariants, pour éventuellement, les transférer dans d’autres situations. Concernant le « savoir analyser », nous avons vu qu’il contribue à rendre intelligible les pratiques de différentes manières : Le passage à l’écrit amène l’étudiant à formaliser sa pensée, à la structurer, à rendre explicite l’implicite. L’utilisation dans ces analyses d’un vocabulaire adapté, professionnel, se référant à des savoirs scientifiques lui permet de clarifier sa pensée. La verbalisation du vécu de la situation relatée peut lui faire prendre conscience de ses propres fonctionnements, attitudes, comportements et aussi de la complexité des relations humaines. L’utilisation de la multiréférentialité lui ouvre ce champ des possibles. Le partage des expériences, la confrontation des points de vue différents voire divergents sur les situations exposées, dans un cadre respectueux de la parole de chacun, ouvrent la voie au débat éthique dans les équipes. Ce travail de recherche, officiellement débuté en septembre 2011, a été pour moi l’occasion de me confronter à la dualité praticien/apprenti chercheur. En effet, étant déjà formateur avant de commencer l’IFCS, j’ai pu me rendre compte de la distanciation nécessaire pour imposer une rigueur scientifique à une recherche où l’on est professionnellement impliqué. Cette vigilance critique, nécessaire pour dépasser l’obstacle épistémologique19 chère à Bachelard, m’a demandé du temps pour avoir ce regard surplombant20 et pour m’approprier les outils méthodologiques de la recherche. Ce travail a suscité chez moi des moments de doutes et de frustrations mais au final je suis récompensé 19 20 Cf. cours IFCS «LA FORMATION À LA RECHERCHE ÉPISTEMOLOGIE » de Michèle Saint Jean Ibid. 75 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 par l’enrichissement intellectuel et culturel qu’il m’a apporté. Il m’a permis de me professionnaliser dans ce métier complexe qu’est celui de formateur. Cette recherche a une visée compréhensive et aussi praxéologique. En effet, les éléments de réponses dégagés nous ont amené à réfléchir à des propositions en vue d’améliorer les pratiques d’analyses de pratiques en formation initiale infirmière. Nous proposons d’en donner quelques-unes qui nous semblent significatives : Favoriser le travail de coopération entre les formateurs des IFSI et les professionnels de terrain afin d’optimiser l’utilisation des analyses de pratiques du portfolio. Faciliter la réflexion collective au sein des IFSI sur les besoins, les attendus, les objectifs de chaque formateur concernant l’analyse de pratiques. Ces échanges permettraient d’expliciter le point de vue de chacun et ainsi de poser les bases de ce dispositif pour tendre vers un langage commun à tous et envisager une harmonisation des pratiques. Ceci clarifierait le discours face aux étudiants tout en respectant la spécificité, la sensibilité, les compétences de chaque formateur. Reconnaitre la parole des étudiants de façon inconditionnelle dans l’expression de leurs analyses de pratiques et leur permettre par un accompagnement réflexif de cheminer dans leur réflexion et leur construction identitaire. Encourager les formateurs, les cadres et les professionnels de terrain qui le souhaitent à pratiquer ce type d’analyse pour eux-mêmes. Ceci afin de faire vivre cette démarche dans les services en tant que pratique sociale émergente. A un moment où les professionnels ont parfois l’impression d’avoir souvent la « tête dans le guidon », cela leur assurerait un espace de partage pour exprimer librement leurs réflexions concernant leurs pratiques. Nous avons pris le parti, dans cette recherche, d’utiliser comme instrument d’observation l’entretien semi directif et comme population les formateurs. Or, il nous semblerait pertinent afin de compléter notre questionnement : - D’explorer le vécu des étudiants en soins infirmiers sur l’analyse de pratiques. - D’observer les séances d’analyse de pratiques des formatrices interrogées. Ces deux exemples nous montrent l’étendue des réflexions que peut engendrer un sujet aussi complexe que l’analyse des pratiques. 76 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 LISTE des REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES Ouvrages Bardin, L. (1977). L’analyse de contenu, Paris : PUF. Blanchard-Laville, C., & Fablet, D. (coord), (2001). Sources théoriques et techniques de l’analyse des pratiques professionnelles, Paris : L’Harmattan. Lafortune, L. (2008). L’exercice et le développement du jugement professionnel pour l’évaluation des apprentissages. In Lafortune L. & A. Allal L. (coord), Jugement professionnel en évaluation (pp.13-35). Québec : Presses de l’Université du Québec Pastré, P. (2011). La didactique professionnelle Approche anthropologique du développement chez les adultes. Paris : PUF. Pastré, P. (2007). Activité et apprentissage en didactique professionnelle. In Durand M. & Fabre M. (coord), Les situations de formations entre savoirs, problèmes et activités (pp.103121). France : L’Harmattan Pastré, P. (2006). Apprendre à faire. Dans E. Bourgeois & G. Chapelle (Dir.), Apprendre et faire apprendre (pp. 1-18). Paris : PUF. Perrenoud, P. (2001, éd.2010). Développer la pratique réflexive dans le métier d’enseignant. Paris : ESF éditeur. Quivy, R. & Van Campenhoudt, L. (2011). Manuel de recherche en sciences sociales. (4e éd. rev. et aug.). Paris : DUNOD. Articles Altet, M. (2004). L’analyse de pratiques en formation initiale des enseignants : développer une pratique réflexive sur et pour l’action. Éducation permanente, 160, 101-110. Ardoino, J. (1993). L'approche multiréférentielle en formation et en sciences de l'éducation, Pratiques de formation (analyse), nº 25-26. Blanchard-Laville, C. (2004). L’analyse clinique des pratiques professionnelles : un espace de transitionnalité. Éducation permanente, 161, 16-30. Cateau, C. (2009). Réussir la mise en œuvre de la réforme de la formation infirmière. Soins, 735, 42-44. Chaboissier, M. (2009). Comprendre la réforme de la formation infirmière. Soins, 735, 29 77 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 Doucet, A. (2009). Réforme de la formation infirmière, une nouvelle dynamique. La revue de l’infirmière, 153, 19-22 Lagadec A.-M. (2009). L’analyse des pratiques professionnelles comme moyen de développement des compétences : ancrage théorique, processus à l’œuvre et limites de ces dispositifs. Recherche en soins infirmiers, 97, 4-22 Laine A., Lefranq-El Helou B., Nicot-Hervigo F., & Rodek-Thivolle B. (2010). Première utilisation du portfolio en formation initiale en soins infirmiers. Soins Cadres, 74S, 18-20 Menaut, H. (2011). Évaluation ou analyse des pratiques des formateurs en Ifsi ? Soins Cadre, 77S, 17-19 Pastré, P., Mayen, P., & Vergnaud, G. (2006). La didactique professionnelle. Revue Française de Pédagogie, 154, 145-198. Pastré, P. (2002). L’analyse du travail en didactique professionnelle. Revue Française de Pédagogie, 138, 9-17. Péoc’h, N. (2010). 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La revue de l’infirmière, 153, 16-18 Viard, A.-M. (2009). Analyser les pratiques du groupe de partage à l’élaboration de l’action. Le journal des psychologues, 270, 26-28. Wittorski, R. (2004). Les rapports théorie-pratique dans la conduite des dispositifs d’analyse de pratiques. Éducation permanente, 160, 61-70 78 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 Sites internet Actes des 9es Journées Nationales d'Etudes des Cadres de Santé 2005. (2005). http://www.chu-montpellier.fr/publication/inter_pub/R179/A1589/actes2005.pdf Ardoino. (2003). L'ANALYSE MULTIREFERENTIELLE. http://probo.free.fr/textes_amis/textes_amis.htm Boudreault. (2009). Accompagnement et réflexivité. Page consultée le 2 mai 2012 sur http://didapro.wordpress.com/2009/04/16/accompagnement-et-reflexivite/ Fablet. (2011, 15 avril). Les dispositifs d'analyse de pratiques dans le secteur de l'éducation spécialisée. 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Présentation récupérée le jour même (24 janvier 2012) 79 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 Table des tableaux Tableau 1 : Comparatif entre "la science appliquée" et "le praticien réflexif" ......................... 34 Tableau 2 : Position du formateur ............................................................................................ 50 Tableau 3 : Conception des pratiques ....................................................................................... 55 Tableau 4 : Réception des formés ............................................................................................ 61 Tableau 5 : Récapitulatif des points similaires retrouvés, par thématique, chez les trois formatrices s'étant le plus exprimées ........................................................................................ 67 80 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 TABLE DES MATIERES INTRODUCTION ................................................................................................................................................. 4 PREMIERE PARTIE : EXPLORATION DE LA QUESTION DE DEPART ................................................ 7 I. ENTRETIENS EXPLORATOIRES........................................................................................................................... 7 II. APPROCHE CONTEXTUELLE ........................................................................................................................... 14 II.1 Les nouveaux besoins en santé ............................................................................................................... 15 II.2 La nouvelle réforme de la formation infirmière : un changement de paradigme................................... 18 II.2.1 Elaboration du dispositif de formation ..............................................................................................................18 II.2.2 Finalités de la formation ...................................................................................................................................19 II.2.3 Principes pédagogiques .....................................................................................................................................19 II.2.4 Modalités pédagogiques ....................................................................................................................................20 II.2.4.1 Formation théorique ..................................................................................................................................20 II.2.4.2 Formation clinique ....................................................................................................................................21 II.2.5 En synthèse .......................................................................................................................................................21 III CADRE CONCEPTUEL ..................................................................................................................................... 22 III.1 L’analyse de pratiques .......................................................................................................................... 22 III.1.1 Définitions .......................................................................................................................................................22 III.1.2 L’analyse de pratiques, un dispositif................................................................................................................25 III.1.3 Historique de l’analyse de pratiques ................................................................................................................25 III.1.4 Finalités de l’analyse de pratiques ...................................................................................................................25 III.1.5 Analyse de pratiques et formation initiale .......................................................................................................26 III.1.6 Définition de l’ « analyse de pratiques » en formation ....................................................................................26 III.1.7 Rôle du formateur dans une démarche d’analyse de pratiques ........................................................................28 III.1.8 Finalités de l’analyse de pratiques en formation ..............................................................................................29 III.1.9 En synthèse ......................................................................................................................................................29 III.2 La multiréférentialité ............................................................................................................................ 30 III.2.1 Définition .........................................................................................................................................................30 III.2.2 Multiréférentialité et « savoir analyser » .........................................................................................................31 III.2.3 En synthèse ......................................................................................................................................................31 III.3 Concept de réflexivité ........................................................................................................................... 32 III.3.1 Réflexions autour de la réflexivité ...................................................................................................................32 III.3.2 Former un débutant réflexif .............................................................................................................................35 III.3.3 Pratique réflexive et analyse de pratiques .......................................................................................................36 III.3.4 En synthèse ......................................................................................................................................................37 III.4. La conceptualisation dans l’action dans le cadre de la didactique professionnelle ............................ 38 III.4.1 Approche de la didactique professionnelle ......................................................................................................38 III.4.2 Conceptualisation dans l’action : vers le « pouvoir agir » ...............................................................................39 III.4.3 En synthèse ......................................................................................................................................................41 DEUXIEME PARTIE : DE LA CONSTRUCTION DE LA PROBLÉMATIQUE A L’ELABORATION DU PROTOCOLE DE RECHERCHE EMPIRIQUE ..................................................................................... 42 81 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012 IV. PROBLEMATIQUE ET QUESTION DE RECHERCHE ........................................................................................... 42 V. PROTOCOLE DE RECHERCHE .......................................................................................................................... 44 V.1 Population cible et choix de l’échantillon .............................................................................................. 44 V.1.1 Données descriptives de l’échantillon de cadres de santé .................................................................................44 V.2 Recueil des données ............................................................................................................................... 45 V.2.1 Choix de l’outil .................................................................................................................................................45 V.2.2 Trames d’entretien ............................................................................................................................................45 V.2.3 Aspects éthiques et déroulement des entretiens ................................................................................................46 V.2.4 Limites de l’outil...............................................................................................................................................46 V.3 Traitements des données ........................................................................................................................ 47 TROISIEME PARTIE : RESULTATS DE L’ANALYSE ET DISCUSSION ............................................... 48 VI. RESULTATS ET INTERPRETATION DE L’ANALYSE DES DONNEES ................................................................... 48 VI.1 Position du formateur ........................................................................................................................... 51 VI.2 Conception de la pratique ..................................................................................................................... 56 VI.3 Réception des formés ............................................................................................................................ 62 VI.4 Réflexion autour du « savoir analyser » ............................................................................................... 64 VII. DISCUSSION ................................................................................................................................................ 65 VII.1 D’une observation particulière à une analyse compréhensive ............................................................ 65 VII.2 L’analyse de pratique : démarche de transition et de (trans)formation .............................................. 70 VII.3 Limites de l’étude et difficulté .............................................................................................................. 72 VII.3.1 L’échantillon ..................................................................................................................................................72 VII.3.2 L’outil ............................................................................................................................................................72 VII.3.3 L’analyse de données .....................................................................................................................................73 VII.3.4 Difficultés rencontrées ...................................................................................................................................73 CONCLUSION .................................................................................................................................................... 74 LISTE DES REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ..................................................................................... 77 TABLE DES TABLEAUX .................................................................................................................................. 80 82 Matthieu Chincholle Mémoire IFCS 2011-2012