Une nouvelle carte de la mobilité professionnelle

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Une nouvelle carte de la mobilité professionnelle
ACTIVITÉ
Une nouvelle carte
de la mobilité professionnelle
Simone Chapoulie*
La fréquence des changements d’entreprise ou de catégorie socioprofessionnelle fournit
une mesure de la mobilité professionnelle susceptible d’être mise en rapport avec le
contexte conjoncturel dans lequel elle s’effectue.
Si la mobilité professionnelle s’est légèrement intensifiée de 1985 à 1993, elle concerne
essentiellement des passages entre catégories voisines. Cette intensification est plus
sensible pour les femmes que pour les hommes et pour les moins de 40 ans . Les hommes
demeurent cependant plus mobiles que les femmes. Leurs mouvements professionnels
continuent à s’effectuer principalement selon trois filières de promotion : la mise à son
compte, la filière administrative (itinéraire reliant les employés aux cadres
administratifs), et la filière technique (des ouvriers qualifiés vers les techniciens, et de ces
derniers vers les ingénieurs). La mobilité professionnelle des femmes tend à rattraper
celle des hommes. L’avancement administratif demeure, pour elles, une voie privilégiée,
que ce soit en entreprise ou dans la Fonction publique.
Sur l’ensemble de la carrière, le brassage professionnel demeure finalement intense,
même s’il résulte, pour l’essentiel, d’une succession de mouvements professionnels de
faible amplitude tout au long de cette carrière. Par ailleurs, la mobilité est toujours
sensiblement plus favorisée par une formation initiale générale que par une formation
technique.
* Simone Chapoulie est professeur de sciences économiques et sociales au lycée Janson de Sailly à Paris.
Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d’article.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 331, 2000 - 1
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a mobilité professionnelle recouvre une réalité
complexe dans laquelle interfèrent des paramètres individuels (niveau de formation, ancienneté et expérience professionnelle) et économiques
(marché du travail). L’orientation du marché du travail est profondément affectée par les cycles
conjoncturels. Dans une période de récession,
l’offre d’emploi se raréfiant et les licenciements se
multipliant, la mobilité est souvent contrainte : les
individus sont obligés d’accepter des changements
d’entreprise, de catégorie socioprofessionnelle ou
même de résidence, pour préserver leur emploi. À
l’inverse, une période de croissance laisse davantage de latitude aux préférences individuelles, de par
la plus grande abondance de l’offre d’emplois : la
mobilité est alors plus souvent volontaire. Les changements professionnels sont appréhendés par une
enquête : l’enquête Formation Qualification Professionnelle (FQP) qui saisit la situation des personnes
au moment où elles sont interrogées, cinq ans auparavant, et au début de leur vie professionnelle (premier emploi occupé) (cf. encadré). Elle ne fournit
donc que trois points de repère et ignore les événements qui ont pu intervenir dans l’intervalle : changements de catégorie, période de chômage,
interruption d’activité. D’autre part, les périodes de
la vie professionnelle qu’elle recouvre ont en général connu des retournements conjoncturels : l’enquête de 1993 servant de matière à cet article permet
de rapprocher la situation des personnes interrogées
en 1988 et en 1993. Cette période de cinq ans voit se
L
succéder deux années de relative croissance avec
baisse du chômage (1988-1989), et trois années de
ralentissement pendant lesquelles le nombre de demandeurs d’emploi augmente (1990-1993). Le taux
de chômage de 1993 dépasse celui de 1988. Les
conclusions de cet article doivent donc être relativisées en tenant compte de ce contexte. Les évolutions
de la mobilité sont obtenues en comparant les résultats de l’enquête de 1993 à ceux des enquêtes antérieures : 1970, 1977, et 1985.
La fréquence des changements d’établissements et de catégories sociales augmente
Mesurée à la fréquence des changements d’établissements ou d’entreprises, la mobilité augmente
sensiblement entre l’enquête de 1985 et celle de
1993 (cf. tableau 1). Elle retrouve ainsi un niveau
équivalent à celui qu’elle atteignait à l’enquête de
1970, après avoir sensiblement fléchi de 1972 à
1977 et de 1980 à 1985. Deux explications ont été
avancées à ce fléchissement : d’une part, une chute
de la mobilité volontaire liée à la montée du chômage de la fin des années 70 (Chenu, 1992),
d’autre part, une raréfaction des promotions
qu’aurait provoqué la concurrence des nouvelles
générations plus diplômées (Goux, 1991). Mais en
s’accélérant à la fin des années 80 et au début des
années 90, le bouleversement des activités productives et de l’organisation des entreprises a, au
Tableau 1
Changement d’établissement ou d’entreprise et changement de catégorie sociale
selon le sexe et l’âge (1985-1993)
En %
Changement d’établissement ou d’entreprise
1980-1985
Hommes
20-24 ans
25-29 ans
30-34 ans
35-39 ans
40-45 ans
45-49 ans
50-54 ans
55-59 ans
60-64 ans
Total
Femmes
20-24 ans
25-29 ans
30-34 ans
35-39 ans
40-45 ans
45-49 ans
50-54 ans
55-59 ans
60-64 ans
Total
1988-1993
Changement de catégorie sociale (1)
1980-1985
1988-1993
41,0
48,7
38,3
30,1
24,4
20,6
16,3
13,0
6,4
29,0
80,8
62,2
49
37,6
31,8
22,4
24,4
13,8
10,9 (2)
35,4
40,1
28,5
19,9
15,6
11,8
9,8
6,3
5,5
3,5
15,1
51,2
32,7
22,8
20,2
15,6
10,9
12,0
7,1
10,2 (2)
18,0
53,9
39,1
30,3
25,5
19,8
17,6
16,1
11,4
5,9
24,5
88,1
58,7
45,9
33,8
28,0
22,3
24,2
15,0
19,8 (2)
33,6
24,2
12,8
12,7
10,5
7,7
5,4
6,1
4,4
1,3
9,3
28,3
26,1
16,1
13,5
13,1
11,5
9,0
6,6
8,8 (2)
14,0
1. Catégories socioprofessionnelles : nomenclature PCS regroupée en 7 postes.
2. L’augmentation du taux pour les 60-64 ans concerne des actifs beaucoup moins nombreux en 1993 qu’en 1985.
Lecture : 41 % des hommes âgés de 20 à 24 ans en 1985 ont changé d’établissement ou d’entreprise entre 1980 et 1985.
Champ : actifs occupés en 1980 et 1985 ou en 1988 et 1993.
Source : enquête FQP, Insee.
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ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 331, 2000 - 1
contraire, engendré un regain de mobilité : ce que
suggère l’enquête FQP 1993. À partir de 1985,
s’est développée progressivement une certaine
flexibilité de l’emploi : cela explique l’augmentation de la fréquence des changements d’établissements ou d’entreprises, qui relèveraient alors
davantage d’une mobilité contrainte que volontaire. Cette progression est spectaculaire pour les
20/24 ans, et plus sensible pour les femmes que
pour les hommes.
La modification de la structure des emplois a favorisé les changements de catégories socioprofessionnelles qui se font aussi de nouveau plus
nombreux. De 1988 à 1993, et mesuré au niveau le
plus agrégé de la nomenclature (PCS en sept postes), plus de 16 % des actifs ont changé de catégorie
sociale. Ce pourcentage est nettement supérieur à
celui de l’enquête de 1985 (12,9 %) et à celui de
1977 (14,5 %). Là encore, la hausse est plus prononcée pour les femmes, dont la mobilité reste
cependant encore inférieure à celle des hommes
(cf. tableau 1). Concernant toutes les tranches
d’âges, cette hausse est plus accentuée pour les
plus jeunes. Ce sont eux en effet dont l’insertion
professionnelle est le plus tributaire de la conjoncture économique. La dégradation de cette dernière
s’accompagne du développement des premières
embauches sur des contrats de courte durée, ou sur
des postes sous-qualifiés par rapport à leur
diplôme. Ces conditions d’insertion défavorables
conduisent ultérieurement certains jeunes à changer d’établissements. Dans d’autres cas ils bénéficieront de reclassements de qualification.
Des catégories sociales moins fermées sur
elles-mêmes…
L’évolution des effectifs est assez contrastée d’une
catégorie socioprofessionnelle à l’autre. Alors
Encadré
En dehors de la mobilité, les effectifs des différentes catégories socioprofessionnelles résultent des
facteurs suivants : entrées des jeunes sur le marché
du travail, départs en retraite, retraits temporaires
et retours en activité des femmes. L’importance
relative de ces différents mouvements permet de
caractériser le degré d’ouverture ou au contraire de
fermeture de chaque groupe. Les graphiques I-A à
I-G décrivent l’importance des mouvements
d’entrée ou de sortie qui ont affecté en cinq ans (de
1988 à 1993) certains groupes.
Entre 1988 et 1993, les agriculteurs constituent
ainsi une catégorie particulièrement close : la diminution de ses effectifs résulte de l’importance des
départs en retraite, de la faiblesse du renouvellement par entrées en activité de lycéens ou d’étudiants (issus, évidemment, des filières techniques
appropriées), et de l’insignifiance des échanges
avec d’autres PCS. Au total, 90 % des hommes de
cette profession en 1993 y appartenaient déjà en
1988 (cf. graphique I-A).
La légère diminution du nombre d’artisans, commerçants et chefs d’entreprise recouvre en fait
d’importants mouvements vers et surtout en
provenance d’autres PCS (ouvriers notamment).
La faiblesse des entrées de jeunes issus de
l’appareil scolaire n’est pas surprenante : l’installation à son compte est favorisée par la détention d’un minimum d’expérience professionnelle
et de capital. Aussi concerne-t-elle des hommes
de plus de 40 ans dans presque la moitié des cas
(cf. graphique I-B).
L’ENQUÊTE FQP 1993
Les données sur la mobilité professionnelle utilisées ici
proviennent principalement des résultats des enquêtes
FQP, dont la dernière date de 1993. Cette enquête, qui
a été réalisée pour la première fois en 1964, a été renouvelée sous des formes voisines en 1970, 1977 et 1985.
L’enquête de 1993 diffère des précédentes par la taille
de l’échantillon, plus restreinte (22 500 individus contre
45 000 précédemment), par une technique d’échantillonnage un peu différente, et par une restriction du
champ de l’enquête aux personnes âgées de 20 à 64
ans. Elles permettent de mesurer la mobilité professionnelle sur 5 ans : changements d’établissements,
d’entreprises, de catégories sociales, entrées et sorties
d’activité. L’enquêté a été interrogé sur sa situation professionnelle en mai 1988 et en mai 1993 : les
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 331, 2000 - 1
que le nombre de cadres et de professions intermédiaires des deux sexes, ainsi que celui des
employés femmes augmente, les agriculteurs, les
artisans commerçants, ou les ouvriers s’avèrent des
catégories en déclin, ceci quel que soit le sexe
(cf. tableau 2).
mouvements éventuels survenus entre ces deux dates
sont donc ignorés. La position professionnelle est
appréhendée selon le code des PCS. Ce dernier comporte trois niveaux de précision croissante emboîtés les
uns dans les autres. Le plus fin, celui des professions
comporte 489 postes élémentaires repérés par un code
à 4 chiffres. Ces professions peuvent être rassemblées
en 32 grands regroupements, repérés par un code à
deux chiffres. Nous y faisons référence dans cet article
sous le nom de nomenclature à deux chiffres. Le dernier
regroupement, en sept catégories socioprofessionnelles, est le plus fréquemment utilisé (1).
1. Sur le code des professions et catégories socioprofessionnelles, se reporter à Desrosières et Thévenot (1996).
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Les deux catégories des cadres et des professions
intermédiaires manifestent davantage d’ouverture.
En cinq ans elles accueillent environ 30 % de nouveaux arrivants (cf. graphiques I-C et I-D). L’augmentation de leurs rangs recouvre à la fois une
intensification du recrutement direct de jeunes
en provenance du système scolaire, et des arrivées en provenance d’autres PCS. Comme partout, le passage par le chômage a pris davantage
d’ampleur.
Le nombre d’employés et d’ouvriers qualifiés de
sexe masculin a peu varié. Ici l’apport des débutants est resté stable. Ces deux groupes entretiennent des échanges intenses avec d’autres catégories
socioprofessionnelles : dans le cas des employés,
ces mouvements sont bilatéraux, alors que dans
celui des ouvriers les départs vers d’autres horizons
sociaux l’emportent de beaucoup sur les arrivées.
Enfin, les effectifs d’ouvriers non qualifiés
connaissent une érosion s’expliquant par un
Graphique I
Évolution les plus remarquables des catégories socioprofessionnelles
Autres PCS
A - Agriculteurs (hommes de 20 à 64 ans)
Effectifs
1993
1985
514
Étudiants
élèves
21
(28)
796
1108
Étudiants
élèves
1186
30
(23)
Stables
285
(256)
Taux de stabilité
en 1993 : 762
en 1985 : 877
en 1993 : 69 %
en 1985 : 74 %
44
(39)
C - Cadres (hommes de 20 à 64 ans)
1985
Chômage
91
Retraite
(56)
27
(14)
294
(175)
131
(65)
1839
Étudiants
élèves
1390
Retraite
(58)
Autres PCS
Effectifs
1993
119
Autres PCS
115
(98)
Effectifs
1985
Taux de stabilité
en 1993 : 90 %
en 1985 : 91 %
Stables
en 1993 : 461
en 1985 : 724
B - Artisans, commerçants, chefs d’entreprises
(hommes de 20 à 64 ans)
1993
32
(48)
22
(42)
195
(106)
Stables
Taux de stabilité
en 1993 : 1314
en 1985 : 1078
en 1993 : 71 %
en 1985 : 78 %
57
(26)
37
(10)
Chômage
134
Retraite
(115)
D - Professions intermédiaires (hommes de 20 à 64 ans)
Autres PCS
Effectifs
1993
1985
2719
2333
Étudiants
élèves
316
(220)
Stables
Taux de stabilité
en 1993 : 1990
en 1985 : 1690
en 1993 : 70 %
en 1985 : 72 %
146
(57)
28
492
(295)
393
(360)
Chômage
198
Retraite
(197)
35
(14)
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 331, 2000 - 1
tarissement des entrées de jeunes issus du système
scolaire, et par une hémorragie vers d’autres catégories, les départs à destination de ces dernières
s’avérant presque deux fois plus nombreux que les
arrivées. De ce fait, seuls 64 % des ouvriers non
qualifiés de 1995 l’étaient déjà en 1988.
Le degré de fermeture d’une catégorie sur
elle-même au cours d’une période donnée peut être
mesuré par le pourcentage d’actifs occupés qui, en
début de période, appartenaient déjà à cette
catégorie : on l’appelle taux de stabilité, et, sauf
indication contraire, il est calculé pour chaque
enquête FQP, en rapprochant la situation des personnes interrogées à la date de l’enquête, de celle
occupée cinq ans avant. Cet indicateur est en général plus faible pour les femmes que pour les hommes. Leur mobilité professionnelle est inférieure,
mais leur risque de chômage est accentué et leurs
passages par l’inactivité restent nombreux. Même
si l’ensemble des taux d’activité féminin croissent,
de tels retraits d’activité demeurent importants
Graphique I (suite)
E - Ouvriers qualifiés (hommes de 20 à 64 ans)
Autres PCS
Effectifs
539
(434)
374
(415)
3368
1993
1985
Étudiants
élèves
3389
250 (227)
Stables
Taux de stabilité
en 1993 : 2617
en 1985 : 2613
en 1993 : 78 %
en 1985 : 77 %
213
(206)
F - Ouvriers non qualifiés (hommes de 20 à 64 ans)
1985
122
(46)
Chômage
174
(125)
335
(449)
1217
1466
Étudiants
élèves
176
(203)
Stables
Taux de stabilité
en 1993 : 775
en 1985 : 1053
en 1993 : 64 %
en 1985 : 71 %
175
(193)
G - Employés (femmes de 20 à 64 ans)
Retraite
Autres PCS
Effectifs
1985
61
(161)
84
(35)
Chômage
1993
Retraite
Autres PCS
Effectifs
1993
257
(240)
304
(183)
427
(285)
4399
4096
Étudiants
élèves
462 (678)
Stables
Taux de stabilité
en 1993 : 2925
en 1985 : 2816
en 1993 : 67 %
en 1985 : 69 %
350
(246)
320
(193)
Chômage
224
(317)
174
Retraite
(174)
389
(227)
inactivité
Lecture : ces graphiques retracent les flux d’entrées et de sorties de la catégorie. Pour chaque individu on dispose de sa situation à la date
de l’enquête et cinq ans auparavant. Sur les 514 000 agriculteurs de 1993, 461 000 l’étaient déjà en 1988 (et sont qualifiés de stables) ;
21 000 le sont devenus au sortir de leurs études et 32 000 proviennent d’autres catégories. 119 000 agriculteurs de 1988 ont pris leur
retraite entre 1988 et 1993 tandis que 22 000 ont abandonné l’état d’agriculteur au profit d’une autre catégorie pendant la même
période (graphique I-A) .
Chiffres en milliers. Chiffres de 1985 entre parenthèses.
Champ : hommes (resp. femmes) de 20 à 64 ans, actifs (resp. actives) à l’une au moins des deux dates (1988 ou 1993).
Sources : enquête FQP, Insee.
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pour les employées et les ouvrières (1) (cf. graphique I-F).
…surtout chez les moins de 40 ans
Les moins de quarante ans cumulent les facteurs de
renouvellement : plus grande vulnérabilité au chômage, changements fréquents de profession, propension à l’inactivité des jeunes femmes au
moment de la venue des enfants. Au-delà de 40 ans,
la mobilité se réduit, les entrées se raréfient, la
composition des catégories se stabilise. Au sein de
chaque catégorie, les plus de 40 ans diffèrent donc
des plus jeunes à la fois par leur plus grande stabilité et par leur moindre niveau de diplôme.
La mobilité peut être analysée au moyen de tables
de recrutement (catégorie socioprofessionnelle en
début de période des personnes appartenant à une
catégorie donnée au moment de l’enquête), ou de
tables de destination (catégorie socioprofessionnelle au moment de l’enquête en fonction de la
catégorie en début de période). La période considérée est encore celle des cinq années précédant la
date de l’enquête. Cette approche se limite aux
actifs occupés en début et en fin de période, en
l’occurrence en 1988 et en 1993 pour l’enquête
FQP de 1993. Elle néglige, évidemment, les événements qui ont pu intervenir au cours des années
intermédiaires dans la trajectoire professionnelle
des personnes enquêtées.
La comparaison de la table de recrutement sur cinq
ans à l’enquête de 1993, avec celles des deux
enquêtes précédentes, indique une légère intensification du renouvellement de la plupart des catégories. Cette évolution est plus marquée pour les
moins de 40 ans en fin de période dans les catégories suivantes : artisans, cadres, professions intermédiaires et employés (cf. tableaux 3-A et 3-B).
1. Cette progression connaît une exception majeure récente. Depuis
juillet 1994, la possibilité de toucher l’allocation parentale d’éducation
(APE) dès le deuxième enfant a provoqué une chute spectaculaire
des taux d’activité des mères de jeunes enfants (Afsa, 1999).
Tableau 2
Nombre d’actifs occupés selon la catégorie socioprofessionnelle (niveau détaillé) et le sexe, en
1988 et en 1993
En milliers
Catégorie socioprofessionnelle détaillée
11. Agriculteurs sur petite exploitation
12. Agriculteurs sur moyenne exploitation
13. Agriculteurs sur grande exploitation
1. Agriculteurs exploitants
21. Artisans
22. Commerçants
23. Chefs d’entreprise de 10 salariés et plus
2. Artisans, commerçants et chefs d’entreprise
31. Professions libérales
33. Cadres de la Fonction publique
34. Professeurs, professions scientifiques
35. Professions de l’information, des arts et des spectacles
37. Cadres administratifs et commerciaux d’entreprise
38. Ingénieurs et cadres techniques d’entreprise
3. Cadres et professions intellectuelles supérieures
42. Instituteurs et assimilés
43. Professions intermédiaires de la santé et du travail social
44. Clergé, religieux.
45. Professions intermédiaires de la Fonction publique
46. Professions intermédiaires adm. et commerciales d’entreprise
47. Techniciens
48. Contremaîtres, agents de maîtrise
4. Professions intermédiaires
52. Employés civils et agents de la Fonction publique
53. Policiers et militaires
54. Employés administratifs d’entreprise
55. Employés de commerce
56. Personnels des services directs aux particuliers
5. Employés
62. Ouvriers qualifiés de type industriel
63. Ouvriers qualifié de type artisanal
64. Chauffeurs
65. Ouvriers qualifiés de la manutention, du magasinage et du transport
67. Ouvriers non qualifiés de type industriel
68. Ouvriers non qualifiés de type artisanal
69. Ouvriers agricoles
6. Ouvriers
Total
Hommes
1988
258
267
262
787
627
420
96
1 143
192
179
249
82
493
447
1 642
306
179
19
180
643
681
504
2 512
385
385
369
162
161
1 462
1274
1164
523
343
957
542
198
5 001
12 547
Femmes
1993
116
185
269
570
587
415
123
1 125
212
194
298
102
529
522
1 857
278
196
18
206
646
748
502
2 594
382
426
332
167
155
1 462
1276
1284
518
320
745
411
169
4 723
12 331
1988
177
147
142
466
210
351
19
580
84
56
222
72
153
44
631
501
555
1
192
493
79
39
1 860
1437
26
1585
549
851
4 448
190
83
15
17
588
228
49
1 170
9 155
1993
107
106
139
352
217
307
22
546
104
75
326
66
229
65
865
502
623
2
224
593
89
44
2 077
1501
32
1620
564
951
4 668
205
106
23
26
449
265
58
1 132
9 640
Source: enquête Emploi, Insee.
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ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 331, 2000 - 1
Tableau 3
Mobilité professionnelle des actifs occupés âgés de 25 à 39 ans : table de recrutement*
A - Hommes
En %
PCS à la date de l’enquête
PCS 5 ans avant
la date de l’enquête
Agriculteurs
Artisans, commerçants
et chefs d’entreprise
Cadres
Professions
intermédiaires
Employés
Ouvriers qualifiés
Ouvriers non qualifiés
Total
Date de
l’enquête
Agriculteurs
Artisans,
commerçants
et chefs
d’entreprise
Cadres
Professions
intermédiaires
1977
1985
1993
1977
1985
1993
1977
1985
1993
1977
1985
1993
1977
1985
1993
1977
1985
1993
1977
1985
1993
1977
1985
1993
89,2
89,4
87,0
0,3
0,4
1,5
0,0
0,1
0,0
1,4
2,2
1,0
0,5
0,7
2,3
3,4
3,0
0,5
5,2
4,2
7,7
100
100
100
0,9
0,4
0,9
53,9
57,7
49,5
5,3
4,3
3,7
12,0
9,4
14,2
5,0
4,3
5,2
17,6
18,9
25,6
5,3
5,0
0,9
100
100
100
0,0
0,0
0,0
0,5
0,5
0,4
70,9
74,9
66,8
22,6
20,3
24,7
4,3
3,4
5,5
1,2
0,2
1,9
0,5
0,7
0,7
100
100
100
0,3
0,1
0,2
1,4
1,4
1,5
0,7
1,1
1,9
73,8
76,2
71,9
9,2
8,7
9,4
10,9
10,5
12,7
3,7
2,0
2,4
100
100
100
Employés
0,6
0,2
0,0
1,1
0,8
1,1
0,3
0,2
0,4
3,9
4,8
4,1
79,2
80,2
76,7
9,6
7,5
9,1
5,3
6,3
8,6
100
100
100
Ouvriers
qualifiés
0,5
0,2
0,2
1,0
1,1
1,8
0,1
0,0
0,0
1,0
0,9
1,2
2,1
1,8
2,9
84,5
85,0
85,5
10,8
11,0
8,4
100
100
100
Ouvriers
non
qualifiés
1,0
0,9
0,6
0,5
0,9
0,5
0,2
0,0
0,4
0,1
1,3
2,1
1,9
0,9
5,2
9,9
9,5
12,4
86,4
86,5
78,8
100
100
100
* Comparaison des enquêtes de 1977, 1985 et 1993.
Lecture : 87 % des hommes agriculteurs en 1993 étaient déjà agriculteurs en 1988.
Champ : actifs occupés en 1988 et en 1993 résidant sur le territoire.
Source : enquête FQP, Insee.
B - Femmes
En %
PCS à la date de l’enquête
Date de
l’enquête
Agriculteurs
Artisans,
commerçants
et chefs
d’entreprise
Cadres
Professions intermédiaires
Agriculteurs
1977
1985
1993
91,6
90,4
87,3
0,5
0,2
0,0
0,0
0,0
0,0
0,3
0,1
0,1
0,6
0,1
0,1
1,1
0,0
0,0
2,4
0,1
0,3
Artisans, commerçants
et chefs d’entreprise
1977
1985
1993
1,1
1,7
0,0
73,5
64,4
57,7
0,0
0,4
1,4
0,8
0,2
0,4
1,4
1,0
1,0
1,3
0,0
0,0
0,2
0,9
2,0
Cadres
1977
1985
1993
0,9
0,2
0,0
0,0
1,5
0,0
75,3
75,8
74,7
1,1
0,5
2,8
0,2
0,1
0,0
0,0
0,0
0,0
0,2
0,0
0,0
Professions
intermédiaires
1977
1985
1993
0,9
2,1
1,2
3,9
2,1
1,6
17,3
16,3
16,5
84,6
84,7
75,3
1,8
2,1
2,8
0,7
0,4
1,7
0,5
0,0
2,7
Employés
1977
1985
1993
3,2
4,8
6,9
16,1
28,5
37,6
6,5
6,6
7,4
12,4
13,8
16,9
90,7
93,1
90,1
8,3
4,2
14,9
7,0
4,7
11,5
Ouvriers qualifiés
1977
1985
1993
0,0
0,0
0,0
1,4
1,6
0,0
0,0
0,5
0,0
0,4
0,5
3,4
1,4
0,7
1,3
77,7
77,3
73,4
0,9
0,5
3,5
Ouvriers non qualifiés
1977
1985
1993
2,3
0,8
4,6
4,6
1,7
3,1
0,9
0,4
0,0
0,4
0,2
1,1
3,9
2,9
4,7
10,9
18,1
10,0
88,8
93,8
80,0
Total
1977
1985
1993
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
PCS 5 ans avant
la date de l’enquête
100
100
100
Employés
100
100
100
Ouvriers
qualifiés
Ouvriers
non
qualifiés
* Comparaison des enquêtes de 1977, 1985 et 1993.
Lecture : 87,3 % des femmes agricultrices en 1993 étaient déjà agricultrices en 1988.
Champ : actives occupées en 1988 et en 1993 résidant sur le territoire.
Source : enquête FQP, Insee.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 331, 2000 - 1
31
Graphique II :
Carte de la mobilité masculine
Cadres adm.
d’entreprise
495
39 (8)
Ingénieurs
353
24 (16)
Professeurs
292
21
31
(27)
15
(7)
17
19
26
(23)
19
52
(37)
Ouvriers qualifiés
de type industriel
1146
32 (22)
22
(17)
506
21
Instituteurs
233
Mouvements (en milliers)
32
Employés
238 adm.
d’entreprise
(20)
17
63 (58)
Ouvriers qualifiés
de type artisanal
26 (17)
1024
22
(14)
(5)
Ouvriers
non qualifiés
de type industriel
45
(21)
146 (35)
63
(121)
18
(18)
55
(34)
Contremaitres
Agents
de maîtrise
497
(2)
27
(2)
Prof.
intermédiaires
adm.
commerciales
632
22 (11)
Techniciens
671
39
(46)
45
(40)
27
(5)
Plus de 95
44 à moins de 95
Commerçants
389
30 à moins de 44
29
20 à moins de 30
15 à moins de 20
Artisans
529
Entre parenthèses,
les chiffres de 1985
Effectifs (en milliers)
22
(21)
500
31
(72)
Ouvriers
qualifiés
manutention 21
transport (7)
316
200
30
(13)
Chauffeurs
438
22
18
22 (21)
17 (45)
22 (20)
248
ONQ de type artisanal
20 (9)
Employés
Fonct. pub.
349
Lecture : flux entre catégories détaillées de la nomenclature PCS de 1982. Pour chaque homme, on compare sa position professionnelle au
moment de l’enquête et cinq ans auparavant. Seul les mouvements concernant au moins 15 000 hommes ont été répertoriés.
L’aire de chaque cercle est proportionnelle à l’importance numérique des catégories en 1993.
Chiffres de l’enquête de 1993. Entre parenthèses, chiffres de l’enquête de 1985.
Champ : hommes de 25 à 64 ans.
Sources : enquête FQP, Insee.
32
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 331, 2000 - 1
Graphique III
Cadre de la mobilité féminine
Ingénieurs
51
Cadres
206
adm.
d’entreprise
14
(2)
20
(18)
31
(27)
Techniciennes
12
105
(60)
(9)
26
243
17
(16)
19
(12)
19
(28)
9
212
13
24
44 à moins de 95
21
564
Entre parenthèses,
les chiffres de 1985
99
64
(27)
10
(28)
(9)
Personnels
des services directs
aux particuliers
541
12 à moins de 20
24
(34)
Effectifs (en milliers)
45
35
(16)
200
13
(5) 10
22
500
Employées
Fonction publique
1018
13
21
20 à moins de 30
12 (8)
20
Ouvrières
non qualifiées
30 à moins de 44
Commerçantes
389
32
(23)
16
(5)
Mouvements (en milliers)
Plus de 95
10
19
Prof. interm.
de la santé et
du travail social
521
Prof. interm.de la
Fonction publique
34
10
Ouvrières
qualifiées
Institutrices
398
18
Employées
administratives
d’entreprise
1259
17
16
11
Prof.
intermédiaires
adm.
commerciales
506
95
17
Professeurs
278
12 (5)
Employées
de commerce
325
(4) 18
14 (9)
Artisanes
155
Lecture : flux entre catégories détaillées de la nomenclature PCS de 1982. Pour chaque femme, on compare sa position professionnelle au
moment de l’enquête et cinq ans auparavant. Tous les mouvements concernant au moins 12 000 femmes, et certains mouvements de taille
inférieure ont été répertoriés et figurent en pointillé.
L’aire de chaque cercle est proportionnelle à l’importance numérique des catégories en 1993.
Chiffres de l’enquête de 1993. Entre parenthèses, chiffres de l’enquête de 1985.
Champ : femmes de 25 à 64 ans.
Sources : enquête FQP, Insee.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 331, 2000 - 1
33
Sur cinq ans, ces catégories intègrent des pourcentages croissants de nouveaux membres, ce dont
témoigne la diminution des chiffres de la diagonale. Cependant, la proximité des catégories n’en
est pas vraiment modifiée. En effet, l’intensification de la mobilité recouvre toujours un renforcement du recrutement de nouveaux membres en
provenance de la catégorie la plus proche : celle
dont étaient déjà originaires l’essentiel des nouveaux arrivants aux enquêtes précédentes. Ainsi,
en cinq ans, 33 % de nouveaux venus viennent grossir les effectifs des cadres âgés de moins de 40 ans
en 1993. Ce pourcentage n’était que de 25 % en
1985. Ces nouvelles recrues sont toujours aussi
rarement d’anciens ouvriers ou d’anciens
employés. Par contre, le recrutement traditionnel
en provenance des professions intermédiaires se
renforce. De même, les nouveaux artisans sont
d’anciens ouvriers, tout comme le sont les nouveaux membres des professions intermédiaires et
les nouveaux employés. Au total, malgré l’augmentation de la mobilité, la fréquence des mouvements entre catégories socialement éloignées
demeure insignifiante, pour les hommes comme
pour les femmes.
Les ouvriers qualifiés restent la plaque
tournante de la mobilité masculine…
L’intensité des échanges entre catégories ouvrières
s’impose au vu de la carte de la mobilité masculine
(cf. graphique II). Le monde ouvrier s’organise
autour de deux pôles : celui des ouvriers qualifiés
de type industriel, terminologie de la nomenclature
des PCS de 1982 qui regroupe un personnel en
général issu de l’enseignement technique, travaillant dans des entreprises moyennes ou grandes de
branches industrielles telles que la métallurgie, la
chimie, le textile ou l’agro-alimentaire (Desrosières et Thévenot, 1996). Le second pôle est celui des
ouvriers qualifiés de type artisanal, souvent issus
de l’apprentissage, travaillant plus fréquemment
dans de petites entreprises, notamment du bâtiment
ou de la réparation automobile, qui offrent des
salaires en moyenne inférieurs. La circulation entre
ces deux pôles s’est intensifiée : le flux qui conduit
des ouvriers qualifiés de type artisanal vers les
ouvriers qualifiés de type industriel est de 1988 à
1993 le plus important du graphique. Il a plus que
quadruplé depuis l’enquête de 1985. Fait d’autant
plus remarquable qu’il est douteux qu’il résulte
Tableau 4
Mobilité professionnelle des hommes de 25 à 39 ans actifs occupés : table de destinées*
En %
PCS à la date de l’enquête
Artisans,
commerçants
et chefs
d’entreprise
Date de
l’enquête
Agriculteurs
Agriculteurs
1977
1985
1993
88,7
94,4
92,8
1,4
0,8
1,8
Artisans,
commerçants et
chefs d’entreprise
1977
1985
1993
0,3
0,3
1,3
Cadres
1977
1985
1993
PCS 5 ans avant la
date de l’enquête
Cadres
Professions
intermédiaires
Employés
Ouvriers
qualifiés
Ouvriers
non
qualifiés
Total
0
0
0
1,8
0,8
1,1
1,4
0,5
0,0
3,8
1,5
2,3
2,9
2,0
2,0
100
100
82,5
83,7
73,3
0,9
0,9
0,9
6,2
5,4
7,5
2,3
1,7
2,6
6,6
6,4
13,2
1,2
1,6
1,2
100
100
0,0
0,1
0,0
6,1
4,5
3,1
90,6
92,0
90,3
2,3
2,8
5,5
0,4
0,4
0,5
0,3
0,2
0,0
0,3
0,0
0,6
100
100
Professions
intermédiaires
1977
1985
1993
0,3
0,5
0,2
4,6
3,9
4,5
9,5
9,9
12,7
81,3
80,3
77,3
2,1
3,1
2,2
1,7
1,6
2,0
0,5
0,7
1,1
100
100
Employés
1977
1985
1993
0,2
0,2
0,6
3,1
2,6
2,6
3,0
2,4
4,5
16,8
13,4
15,8
69,2
75,7
64,9
5,8
4,5
7,4
1,9
1,2
4,2
100
100
Ouvriers qualifiés
1977
1985
1993
0,4
0,4
0,1
3,9
4,4
4,8
0,3
0,1
0,6
7,0
6,3
8,1
2,9
2,8
2,9
81,5
82,9
79,8
4,0
3,1
3,7
100
100
Ouvriers non
qualifiés
1977
1985
1993
1,3
1,2
2,2
2,3
2,6
0,4
0,2
0,4
0,5
4,6
2,7
4,2
3,2
5,2
7,3
20,3
24,2
21,0
68,1
63,7
64,4
100
100
100
100
100
100
100
100
100
* Comparaison des enquêtes de 1977, 1985 et 1993.
Lecture : sur 100 hommes actifs occupés en 1977 et qui étaient agriculteurs en 1972, 3,8 % étaient devenus ouvriers qualifiés en 1977. Sur
100 hommes actifs occupés en 1993 et qui étaient agriculteurs en 1988, 2,3 % étaient devenus ouvriers qualifiés en 1993.
Champ : actifs occupés en 1988 et en 1993 résidant sur le territoire.
Source : enquête FQP, Insee.
34
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 331, 2000 - 1
d’une mobilité contrainte : les effectifs des ouvriers
qualifiés de type artisanal sont stationnaires de
1988 à 1993 selon l’enquête Emploi (cf. tableau 2).
C’est donc que les grandes entreprises ont attiré à
elles, grâce aux meilleurs salaires qu’elles proposent, des ouvriers qui avaient acquis une formation
et une expérience sur le tas.
Ces deux pôles diffèrent aussi par les trajectoires
professionnelles qu’ils permettent. Cette différence renvoie bien sûr aux caractéristiques des
entreprises. Le pôle des ouvriers qualifiés de type
industriel offre des voies de passage, sans doute sur
le marché interne à l’entreprise, vers les techniciens mais aussi vers les contremaîtres et agents de
maîtrise. Celui des ouvriers qualifiés de type artisanal autorise également ces derniers trajets, mais
conduit plus fréquemment à des mises à son
compte comme artisan.
Les mouvements des ouvriers vers une qualification supérieure continuent à l’emporter : la transition des ouvriers non qualifiés vers des emplois
d’ouvriers qualifiés est toujours plus intense que le
mouvement inverse (144 600 contre 22 000). Ce
flux s’est cependant réduit de moitié depuis
l’enquête de 1985. Cette réduction concerne essentiellement les 25/39 ans (cf. tableau 4). En dehors
de cette tranche d’âge, la fréquence de tels passages est stable, mais elle s’applique à des effectifs
réduits du fait de la raréfaction des emplois
d’ouvriers non qualifiés, surtout de type industriel.
De tels emplois étaient situés dans de grandes
entreprises qui se sont souvent réorganisées au
cours des années 80 en développant la polyvalence
et en requalifiant les postes de travail dans la grille
salariale. Si le mouvement de qualification a continué à l’emporter, c’est dans un contexte marqué à la
fois par l’érosion des effectifs d’ouvriers non qualifiés et par le maintien de ceux d’ouvriers qualifiés.
…qui emprunte les itinéraires
traditionnels de la promotion sociale
De l’enquête de 1985 à celle de 1993, un grand
nombre de flux intercatégoriels se sont enflés, ce
qui traduit l’accroissement de la mobilité entre
presque toutes les catégories.
Les flux entre ouvriers et employés demeurent peu
intenses. Des ouvriers vers les employés, les fréquences de passage sont faibles (2 à 3 %). Elles
sont légèrement plus fortes pour les ouvriers non
qualifiés. Les seuls flux conséquents conduisent
des ouvriers non qualifiés vers les employés civils
et agents de la Fonction publique. Bien que le parcours employé/ouvrier soit un peu plus fréquent, il
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 331, 2000 - 1
concerne peu d’individus, du fait du petit nombre
d’employés de sexe masculin. Dans le cas des
employés, des professions intermédiaires et des
cadres, les flux ascendants l’emportent massivement. Les employés administratifs d’entreprises
peuvent devenir membres des professions intermédiaires administratives et commerciales, et ces derniers peuvent rejoindre les cadres administratifs et
commerciaux : c’est ce que l’on appelle traditionnellement la filière administrative de promotion. La
circulation entre techniciens, professions intermédiaires administratives et commerciales, et, dans
une moindre mesure, contremaîtres, est importante
et bilatérale. Pour les hommes, et comme aux
enquêtes précédentes, trois voies de promotion différentes coexistent : la mise à son compte, la filière
administrative, et la filière technique qui va des
ouvriers qualifiés vers les techniciens et de ces derniers vers les ingénieurs. Cependant, sur cinq ans,
seuls les trajets courts, conduisant d’une catégorie
à sa voisine, sont empruntés par des effectifs
conséquents.
Par rapport à la carte de la mobilité professionnelle
que dressait, selon une autre nomenclature,
l’enquête de 1970 (2), celle de 1993 se caractérise
par une différence majeure. Dans les années 60, les
flux de départs de l’agriculture venaient grossir les
rangs des ouvriers non qualifiés. Aujourd’hui ces
flux se sont totalement taris alors que le nombre de
postes d’ouvriers non qualifiés décline.
La mobilité masculine n’augmente
que pour les moins de 40 ans
Si la mobilité sur cinq ans se fait plus importante,
elle s’applique à des durées de carrières professionnelles plus courtes, puisque la vie active se réduit
aux extrémités : l’insertion professionnelle se fait
plus tardive. 21 % des hommes âgés de 16 à 19 ans
en 1977 avaient, selon l’ancienne nomenclature,
changé de CSP cinq ans plus tard. L’enquête de
1993 ne comporte plus de questions sur la mobilité
avant l’âge de 20 ans (3). À l’autre extrémité de la
pyramide des âges, les taux d’activité ont également fléchi.
Aux enquêtes précédentes, la mobilité professionnelle était plus intense chez les jeunes et elle diminuait régulièrement avec l’âge. Ces contrastes
tendent aujourd’hui à se renforcer. Les tables des
plus de 40 ans se caractérisent par une remarquable
2. Cf. Insee, enquête FQP 1970, ou Données Sociales, 1973, p. 34.
3. Les taux d’activité avant 20 ans sont en effet très faibles. À
l’enquête Emploi de 1993, 10 % des hommes et 5,9 % des femmes
âgés de 15 à 19 ans étaient actifs.
35
stabilité, l’absence de mouvements descendants
significatifs, et de faibles évolutions. L’essentiel de
l’accroissement de la mobilité globale a concerné
les moins de 40 ans, ce que confirme l’Échantillon
Démographique Permanent, qui permet aussi de
préciser les évolutions par âge. Le maximum de
mobilité est atteint entre 30 et 36 ans sur la période
1975-1982, et entre 37 et 43 ans sur la période
1982-1990 (Chenu, 1998).
Pour les hommes de plus de 50 ans, l’immobilité,
largement prédominante aux deux dates, s’infléchit
légèrement à la baisse entre 1985 et 1993 (le taux
de stabilité passe de 95 % à 90 %). Cette diminution
concerne essentiellement les employés et les
ouvriers. Elle traduit un léger renforcement de la
mobilité ascendante des salariés, et des mises à son
compte plus fréquentes. Dans un seul cas, on constate
une légère accentuation des flux descendants : 3,5 %
des cadres de 1988 sont devenus professions intermédiaires en 1993 contre 2 % à l’enquête de 1985.
Cela pourrait signifier à première vue que les plus
de 50 ans ont été épargnés par le contexte économique difficile et que leurs trajectoires professionnelles n’ont guère été perturbées. Arrivés sur le
marché du travail dans un contexte économique
encore très favorable, ils auraient connu massivement des évolutions positives de carrière. Une telle
interprétation doit être nuancée si l’on se réfère au
champ sur lequel portent les tables de mobilité : des
actifs occupés en début et en fin de période. Or,
5,8 % des plus de 50 ans de l’échantillon étaient au
chômage en mai 1993 et leur probabilité de retrouver du travail est très faible. De plus, un grand
nombre d’entre eux se sont retirés du marché du
travail, par le passage en préretraite ou la prise de
retraite anticipée (4). La stabilité apparente des
hommes actifs occupés fait donc bon marché des
différentes formes de retrait du marché du travail,
dont l’importance numérique est loin d’être négligeable : la crise a tronqué la carrière professionnelle
des hommes de plus de 50 ans. À l’enquête de 1977,
ces derniers étaient loin de leur fin de carrière,
puisque les taux d’activité des 60/64 ans s’élevaient
encore à 48 %. L’augmentation de la mobilité dans
chaque tranche d’âge ne compense pas la réduction
de la durée d’activité : le nombre d’hommes de plus
de 50 ans ayant changé de PCS est en fait plus réduit
sur la période 1988-1993 que sur la période
1980-1985. Les difficultés économiques, quand
elles atteignent les plus de 50 ans, les conduisent au
chômage ou à la préretraite. Mais elles n’affectent
pas vraiment les trajectoires des actifs occupés.
Telle a été du moins la situation jusqu’en 1993.
L’essentiel de l’accroissement de la mobilité concerne
donc essentiellement les moins de 40 ans. De ce fait,
36
la table de destinées générale (cf. tableau 5) présente les mêmes caractéristiques que celle des
moins de 40 ans (cf. tableau 4), mais sous une
forme atténuée.
La mobilité ascendante :
une approximation de la promotion sociale
L’étude des trajectoires professionnelles nécessite
de donner une signification aux mouvements, même
si une telle opération n’est pas dénuée de danger.
On qualifiera de mobilité ascendante des trajectoires qui correspondent vraisemblablement à une
amélioration des conditions professionnelles. Cette
locution s’appliquera ainsi au passage d’employé à
profession intermédiaire ou de profession intermédiaire à cadre. Les limites d’une telle terminologie
doivent être soulignées. Tout d’abord, les mouvements recensés comportent une part d’arbitraire
puisqu’ils dépendent du découpage des catégories
et des regroupements qu’elles opèrent : c’est ainsi
que le professeur des écoles (classé comme les instituteurs avec les professions intermédiaires) qui
deviendrait professeur certifié (classé parmi les
cadres) engendrerait ici un mouvement ascendant
alors que ce passage n’a aucune incidence sur sa
rémunération puisque les carrières des professeurs
des écoles sont aujourd’hui identiques à celles des
certifiés. En deuxième lieu, cette manière de procéder omet les promotions au sein d’une même
catégorie. Enfin, une partie des mouvements catalogués comme ascendants peut ne correspondre
qu’à un changement de l’intitulé de la profession
telle que l’individu la déclare, sans que sa situation
réelle se soit modifiée. Certains passages d’une
PCS à une autre peuvent, à l’inverse, découler du
reclassement d’un poste à la suite d’une modification des grilles de convention collective sans que
son contenu ait changé. De surcroît, les classements statistiques n’apprennent rien sur la manière
dont les intéressés ressentent leur mobilité.
Compte tenu de ces limites, la distinction entre
mouvement ascendant et mouvement descendant
permet de caractériser des changements qui recouvrent le plus souvent soit des améliorations, soit
des détériorations de la position professionnelle
des intéressés.
Il convient également de distinguer la mobilité professionnelle de l’hérédité sociale. L’intensification
de la première ne s’accompagne pas forcément
d’une réduction de l’influence de la seconde. En
1993 comme en 1977, les probabilités de
4. À l’enquête Emploi de 1994, 20,6 % des hommes de 55 à 59
ans étaient retraités ou préretraités. Le chiffre correspondant pour
les 60-64 ans s’élevait à 77,3 %.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 331, 2000 - 1
promotion professionnelle d’un individu varient
très fortement selon son origine sociale (Pohl et
Soleilhavoup, 1981). La probabilité de passer
d’une profession intermédiaire (en 1988) à un
poste de cadre (en 1993) pour un homme âgé de 25
à 39 ans varie de 9,1 % pour un fils d’ouvrier à
18,5 % pour un fils de cadre tandis que la probabilité de passer d’ouvrier à profession intermédiaire
s’établit, aux mêmes âges, à 5,5 % pour un fils
d’ouvrier et à 20,7 % pour un fils de cadre (Galland
et Rouault, 1998).
La mobilité ascendante
des hommes progresse...
Cet accroissement de la mobilité s’effectue le plus
souvent et comme dans le passé, dans le sens
ascendant : les employés ont eu accès plus souvent
aux professions intermédiaires ou, plus rarement, à
des emplois de cadre ; les membres des professions
intermédiaires sont un peu plus fréquemment devenus cadres. La probabilité des ouvriers qualifiés ou
non qualifiés d’accéder à une profession intermédiaire a très légèrement augmenté. La fréquence de
ces mouvements ascendants est d’autant plus forte
qu’ils concernent des catégories voisines. Les trajets longs restent exceptionnels, et il peut de plus
avoir existé, pour de tels mouvements, une ou plusieurs étapes intermédiaires dont l’enquête ne rend
pas compte. L’augmentation de la mobilité ascendante est liée à la poursuite de la déformation de la
structure des actifs : le nombre d’emplois de cadres
et de professions intermédiaires augmente. Il y a
donc place pour des promotions à côté des arrivées
de débutants, dont nous avons vu précédemment
qu’elles se faisaient également plus nombreuses.
Les probabilités de promotion peuvent varier notablement d’une catégorie à l’autre lorsque l’on descend au niveau de détail de la nomenclature PCS à
deux chiffres : certaines catégories recrutent
essentiellement des débutants, tandis que d’autres
constituent plutôt des voies de promotion. Ainsi
s’explique que l’arrivée de jeunes plus diplômés ne
semble pas affecter la mobilité des personnes déjà
engagées dans la vie active (Pohl et Soleilhavoup,
1981). C’est ainsi, par exemple, que les professions
intermédiaires administratives et commerciales
des entreprises (5) accueillent la moitié des
employés transitant vers l’ensemble des professions intermédiaires. De même, les cadres administratifs et commerciaux accueillent la moitié des
employés et 43 % des membres des professions
intermédiaires devenus cadres.
L’immobilité des employés a fortement régressé.
En 1993, cette catégorie est l’une de celles où la
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 331, 2000 - 1
mobilité est maximum, ce qui n’était pas le cas en
1985. Compte tenu de la grande variété des
emplois regroupés sous ce vocable, l’interprétation
de cette mobilité ne va pas de soi. Les passages vers
les professions intermédiaires se font plus fréquents pour tous les postes d’employés de la
nomenclature à deux chiffres, mais les contrastes
entre les sous-catégories demeurent énormes : les
employés administratifs d’entreprise ont connu de
fréquentes promotions (23 % ont fait leur entrée
dans une profession intermédiaire et 7 % dans un
poste de cadre). Ce n’est pas le cas, en revanche,
des policiers et militaires, des employés civils et
agents de la Fonction publique ou des employés
des services directs aux particuliers : seulement
9 %, 7 % et 10 % sont concernés par un passage
vers la catégorie des professions intermédiaires.
Les employés des services directs aux particuliers,
quant à eux, sont les plus proches des ouvriers : un
tiers d’entre eux le sont devenus en cinq ans.
La mobilité des ouvriers a peu changé : la fréquence de passage vers les professions intermédiaires ou les cadres augmente à peine, même pour
les ouvriers qualifiés. Les réorganisations du travail ont peut-être augmenté les qualifications
demandées mais elles n’ont pas conduit à des
reclassements importants dans les grilles des
conventions collectives. Les mises à son compte, le
plus souvent comme artisan, augmentent un peu
mais uniquement pour les ouvriers qualifiés ; elles
semblent, au contraire, s’effondrer pour les non
qualifiés.
Les ouvriers non qualifiés ont toujours constitué la
catégorie la plus mobile. Dans le passé, un grand
nombre d’entre eux obtenaient une qualification
sur le tas. Aujourd’hui, alors que les emplois
d’ouvriers non qualifiés se font plus rares et que le
chômage les frappe tout particulièrement, cette
mobilité s’atténue légèrement pour ceux qui étaient
occupés en 1988 et en 1993. Ils accèdent moins fréquemment à des emplois d’ouvriers qualifiés (cf.
tableaux 4 et 5). Ils deviennent par contre plus souvent employés, en général employés civils et
agents de la Fonction publique. Leur fréquence de
passage vers les professions intermédiaires et les
cadres reste très faible et demeure toujours inférieure à celle des employés.
S’impose ainsi le constat d’une mobilité notable :
Elle privilégie des trajets courts ascendants, selon
trois cheminements différents : une voie de
5. Les professions intermédiaires administratives et commerciales des entreprises ne rassemblent que 27 % des membres de
professions intermédiaires. Les cadres administratifs et commerciaux constituent 30 % du total des cadres.
37
par promotion interne, une fois cadre, on le
demeure. Cela se vérifie encore en 1993 pour toutes les tranches d’âge. L’immobilité reste aussi
importante chez les artisans, commerçants et chefs
d’entreprise bien qu’elle ait légèrement diminué de
l’enquête de 1985 à celle de 1993.
promotion technique qui passe, pour certains
ouvriers, par l’accès à la maîtrise, par la promotion
de cette dernière vers les cadres (en 5 ans, 6 % des
agents de maîtrise sont devenus ingénieurs), ou
bien conduit des ouvriers qualifiés de l’industrie
vers les techniciens, et de ces derniers vers les ingénieurs (près de 5 % des techniciens ont été promus
ingénieurs en cinq ans). Un autre itinéraire mène
des employés administratifs d’entreprise vers les
professions intermédiaires et les cadres administratifs et commerciaux d’entreprise. Enfin, la mise à
son compte est un débouché fréquent pour de nombreuses catégories, notamment pour les ouvriers :
en cinq ans, près de 5 % des ouvriers qualifiés âgés
de 25 à 39 ans se sont mis à leur compte.
...mais la mobilité descendante augmente
aussi un peu
On peut définir de la même manière que les mouvements ascendants, des mouvements « descendants ». Des réserves similaires s’imposent quant à
leur interprétation. L’enquête de 1993 est la première à enregistrer une augmentation de la fréquence de certains de ces mouvements : ainsi des
transitions employé/ouvrier plus fréquentes à
l’enquête de 1993 qu’à celle de 1985 (8,6 % contre
4,9 %). Toutes les catégories d’employés sont
concernées à l’exception des employés de commerce. Ces passages plus fréquents traduisent sans
doute la difficulté croissante de tracer une ligne de
démarcation nette entre le monde des employés et
celui des ouvriers, ce dont témoigne l’augmentation du nombre de postes de travail situés sur leur
frontière (Chenu, 1996).
En 1985 comme en 1993, les mêmes catégories se
distinguent par une forte fermeture. En premier
lieu les agriculteurs : 96 % de ceux qui étaient
actifs occupés en 1988 sont demeurés agriculteurs
en 1993 (cf. tableau 5). Même entre 25 et 39 ans,
leur stabilité est très forte. Pourtant le nombre global d’agriculteurs diminue, mais cette diminution
s’opère par les départs en retraite, cinq fois plus
nombreux que les installations de jeunes. Les
cadres constituent une catégorie également très
stable. Si un grand nombre de cadres le deviennent
Tableau 5
Mobilité professionnelle des hommes de 25 à 64 ans actifs occupés : table de destinées*
En %
PCS à la date de l’enquête
PCS 5 ans avant la
date de l’enquête
Agriculteurs
Artisans,
commerçants et
chef d’entreprise
Cadres
Professions
intermédiaires
Employés
Ouvriers qualifiés
Ouvriers non
qualifiés
Ensemble
Artisans,
commerçants
et chefs
d’entreprise
Employés
Ouvriers
qualifiés
Ouvriers
non
qualifiés
0,4
0,4
0,4
0,3
0,3
0,6
0,6
0,6
0,8
1,2
1,2
2,1
1,0
0,6
1,7
2,9
2,9
3,3
1,4
1,8
1,5
4,8
3,4
5,7
1,6
0,9
0,5
3,0
3,5
4,0
93,9
94,2
90,9
2,1
1,9
4,6
0,3
0,3
0,4
0,3
0,1
0,0
0,1
0,0
0,1
0,2
0,3
0,2
3,2
3,2
3,1
6,9
7,3
10,0
85,8
85,1
82,8
1,9
2,2
1,8
1,4
1,4
1,4
0,6
0,4
0,7
0,2
0,1
0,3
2,5
2,0
1,8
1,8
1,7
3,2
12,1
10,2
13,2
76,9
81,1
72,9
4,3
3,8
6,1
2,3
1,1
2,5
1,3
0,4
0,1
3,0
3,3
4,0
0,2
0,1
0,4
5,3
5,4
6,8
2,6
2,5
2,4
84,6
86,0
83,3
4,1
2,4
3,0
1,3
1,1
1,7
1,4
1,6
0,8
0,2
0,3
0,3
2,7
1,9
2,8
2,9
4,4
6,0
14,4
17,5
17,3
77,2
73,2
71,1
8,6
7,2
4,7
10,2
11,0
10,1
9,3
12,4
15,5
19,6
20,0
22,8
9,2
10,6
10,0
28,6
28,2
28,3
14,4
10,5
8,6
Date de
l’enquête
Agriculteurs
1977
1985
1993
1977
1985
1993
1977
1985
1993
1977
1985
1993
1977
1985
1993
1977
1985
1993
1977
1985
1993
1977
1985
1993
95,1
96,9
95,5
0,5
0,5
0,6
0,1
0,1
0,0
0,7
0,2
0,4
87,7
90,1
86,9
0,2
0,0
0,0
Cadres
Professions
intermédiaires
Total
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
* Comparaison des enquêtes de 1977, 1985 et 1993.
Lecture : sur 100 hommes actifs occupés en 1977 et qui étaient agriculteurs en 1972, 0,6 % étaient devenus ouvriers qualifiés en 1977. Sur
100 hommes actifs occupés en 1993 et qui étaient agriculteurs en 1988, 0,8 % étaient devenus ouvriers qualifiés en 1993.
Champ : hommes de 25 à 64 ans, actifs occupés à la date de l’enquête et cinq ans auparavant, résidant sur le territoire national.
Source : enquête FQP, Insee.
38
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 331, 2000 - 1
Les flux reliant la catégorie des employés administratifs d’entreprise à celle des ouvriers se sont particulièrement intensifiés : ils concernent, en 1993,
près de 9 % des effectifs de la catégorie d’origine
contre seulement 3 % en 1985. Les artisans commerçants et chefs d’entreprises forment un groupe moins
stable en 1993 qu’à l’enquête de 1985. La fréquence
des passages de ressortissants de cette catégorie vers
des postes d’ouvriers (le plus souvent d’ouvriers qualifiés de type artisanal) double entre 1985 et 1993
(cf. tableau 5). Cela témoigne sans doute de la fragilité de certaines mises à son compte dans une
conjoncture économique médiocre. Ces régressions
sont surtout le fait de moins de 40 ans (6). Enfin,
environ 5 % de cadres en 1988 sont classés professions intermédiaires cinq ans plus tard. Ils n’étaient
qu’environ 2 % dans ce cas en 1978. Du moins, cette
dernière augmentation recouvre-t-elle pour une part
des erreurs de classement (cf. infra).
La mobilité féminine ascendante
en net progrès
Dans le passé, la mobilité féminine était plus faible
que celle des hommes, et moins souvent ascendante. C’était la conséquence de carrières professionnelles souvent interrompues lors des
maternités, et d’un niveau d’instruction longtemps
plus réduit. Aujourd’hui, certaines conditions semblent réunies pour permettre un rapprochement de
la mobilité professionnelle féminine de celle des
hommes : fécondité plus faible, interruptions professionnelles à la naissance d’enfants plus courtes,
scolarisation des filles plus longue que celle des
garçons. De fait, les profils d’évolution se rapprochent, mais sans abolir les différences d’ensemble.
Les évolutions sont similaires : augmentation de la
mobilité perceptible au travers des changements
d’établissement ou d’entreprise dont la progression
est telle qu’entre 20 et 24 ans la mobilité féminine
dépasse la mobilité masculine (cf. tableau 1). En ce
qui concerne les changements de catégories socioprofessionnelles, l’accroissement de mobilité qui,
chez les hommes concernait spécialement les
moins de 40 ans, se poursuit pour les femmes
jusqu’autour de 50 ans. Les mouvements s’intensifient donc également dans la classe d’âge des 40/49
ans. Tel est le cas par exemple des ouvrières non
qualifiées : en cinq ans, près de 22 % d’entre elles
sont devenues employées ; elles n’étaient que 6 %
dans ce cas à l’enquête précédente.
Comme pour les hommes, leur mobilité ascendante
a, en général, augmenté (cf. tableau 6) : les membres des professions intermédiaires sont devenues
6. L’Échantillon Démographique Permanent (EDP) conduit aux
mêmes résultats : les perspectives de mise à son compte sont, en
moyenne, stables pour les ouvriers, mais la fréquence des mouvements inverses augmente (Chenu, 1998).
Tableau 6
Mobilité professionnelle des femmes de 25 à 39 ans actives occupées : table de destinées*
En %
PCS à la date de l’enquête
PCS 5ans avant la
date de l’enquête
Agriculteurs
Artisans,
commerçants et
chefs d’entreprise
Cadres
Professions
intermédiaires
Employés
Ouvriers qualifiés
Ouvriers non
qualifiés
Date de
l’enquête
1977
1985
1993
1977
1985
1993
1977
1985
1993
1977
1985
1993
1977
1985
1993
1977
1985
1993
1977
1985
1993
Artisans,
commerçants
et chefs
d’entreprise
Cadres
86,7
97,5
94,8
1,0
1,4
0,0
0,5
0,4
0,0
83,4
82,4
69,3
0
0
0
0
0,6
3,9
1,2
0,1
0,0
0,2
0,3
0,1
0,4
0,3
0,3
0,0
0,0
0,0
0,8
0,2
1,1
0,0
1,7
0,0
1,2
0,5
0,2
2,3
2,9
2,6
2,3
2,3
0,0
2,2
0,7
1,2
89,9
94,3
89,3
3,8
4,3
5,9
0,6
0,7
1,2
0,0
0,9
0,0
0,3
0,2
0,0
Agriculteurs
Employés
Ouvriers
qualifiés
Ouvriers
non
qualifiés
1,4
0,4
1,3
2,9
1,5
4,1
5,2
1,2
2,6
11,3
11,5
17,0
0,8
0,0
0,0
0,9
0,0
0,0
5,4
0,5
1,3
0,5
2,6
5,7
6,2
2,4
10,7
90,4
90,2
86,7
5,8
6,3
8,6
2,0
3,3
20,1
0,7
0,4
3,1
2,0
1,5
0,0
4,0
4,6
5,9
88,3
88,5
84,5
15,8
10,1
14,2
12,9
10,9
23,2
0,0
0,0
0,0
0,1
0,1
0,2
0,7
0,3
1,0
77,1
81,7
59,1
3,2
5,2
3,6
0,7
0,0
0,0
0,3
0,0
1,0
1,9
1,0
1,8
2,8
1,7
6,6
79,9
82,4
67,8
Professions
intermédiaires
Total
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
* Comparaison des enquêtes de 1977, 1985 et 1993.
Lecture : sur 100 femmes actives occupées en 1977 et qui étaient agricultrices en 1972, 5,2 % étaient devenues employées en 1977. Sur
100 femmes actives occupées en 1993 et qui étaient agricultrices en 1988, 2,6 % étaient devenues employées en 1993.
Champ : femmes actives à la date de l’enquête et 5 ans avant, résidant sur le territoire national.
Source : enquête FQP, Insee.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 331, 2000 - 1
39
plus souvent cadres ; cela se vérifie au niveau de
toutes les sous-catégories de la nomenclature à 2
chiffres, mais dans des proportions variables.
L’augmentation est spectaculaire pour les techniciennes (17 % ont été promues, le plus souvent
ingénieurs et cadres techniques), mais elle ne
concerne que des effectifs relativement réduits. À
l’inverse, l’augmentation est insignifiante pour la
catégorie des professions intermédiaires administratives et commerciales alors que celle-ci fournit
les plus gros bataillons de nouveaux cadres (7). La
mobilité des employées est également plus intense.
Elles sont plus souvent que par le passé absorbées
par la catégorie des professions intermédiaires.
Cette augmentation concerne là aussi tous les postes
de la nomenclature à 2 chiffres : le taux de promotion
des employées administratives d’entreprise vers
les professions intermédiaires passe par exemple
de 6 % à près de 10 % entre 1985 et 1993. Les
ouvrières qualifiées sont plus souvent devenues
employées ou professions intermédiaires : dans ce
dernier cas la progression est considérable mais le
niveau initial était faible et les flux concernés
demeurent très réduits du fait du petit nombre de
personnes concernées. Enfin, les ouvrières non
qualifiées sont beaucoup plus nombreuses
qu’auparavant à devenir employées (personnel des
services directs aux particuliers, ou employés
civils et agents de service de la Fonction publique,
le plus souvent). Dans ce dernier cas, il s’agit plutôt
de circulation entre des emplois socialement voisins que de promotion.
Cet accroissement de la mobilité ascendante est en
rapport avec la transformation des emplois. Le
nombre de femmes membres des professions intermédiaires et cadres augmente rapidement, le
nombre d’employées faiblement tandis que les
ouvrières qualifiées se maintiennent et que le
nombre d’ouvrières non qualifiées régresse (cf.
tableau 2). De telles évolutions suscitent automatiquement des mouvements ascendants. Mais le fait
remarquable, c’est que cette augmentation de
mobilité soit, pour les femmes, si modérée. En
effet, le nombre de femmes cadres augmente de
234 000 entre 1988 et 1993 (37 % d’augmentation), soit plus que celui des cadres hommes, dont
le nombre progresse de 210 000 (soit 13 % d’augmentation). On aurait pu s’attendre à ce que cet
accroissement suscite une mobilité structurelle
accentuée pour les femmes. Cela ne s’est pas produit. C’est donc que la progression des effectifs de
femmes cadres s’est opérée principalement par
entrée de jeunes diplômées, venues grossir le rang
des professions libérales, des professeurs ou des
cadres administratifs et commerciaux. Ainsi, le
nombre de ces dernières double sans susciter
d’accroissement du flux de mobilité professionnelle
40
correspondant. Le marché du travail des débutants
et celui des actifs déjà insérés demeurent, comme
par le passé, nettement cloisonnés ( Pohl et Soleilhavoup, 1981).
La mobilité descendante des femmes
s’accroît davantage que celle des hommes
L’accroissement de la mobilité descendante des
femmes est un fait nouveau : à toutes les enquêtes
précédentes elle s’avérait pratiquement négligeable. De 25 à 39 ans comme de 40 à 49 ans, les
transitions cadre/profession intermédiaire, profession intermédiaire/employé, et ouvrier qualifié/ouvrier non qualifié sont devenues plus
fréquentes.
L’augmentation de la mobilité descendante des
hommes ne concerne que les passages de cadres à
professions intermédiaires. Encore se révèle-t-elle
moins considérable qu’il n’y paraît lorsque l’on
passe ces mouvements au crible de la nomenclature
PCS la plus détaillée (489 postes élémentaires
d’intitulés de professions). Le tiers environ de ces
passages vers les professions intermédiaires relève
en effet d’erreurs de classement, le plus grand
nombre portant sur des enseignants du technique (8). Le reste se partage par moitié entre des
cas de reconversion professionnelle (changements
de métier qui conduisent à un classement différent
dans la nomenclature) (9) et des cas probables de
mobilité descendante. En réalité, cette dernière ne
concerne que très peu d’hommes. Il en va différemment pour les femmes. Les erreurs de classement
sont plus rares. L’ampleur des flux globaux est plus
élevée, et a nettement augmenté entre l’enquête de
1993 et la précédente. En 1985, et pour presque
tous les postes de la nomenclature à 2 chiffres, la
fréquence féminine du passage de cadre à profession intermédiaire était inférieure à 2 %. En 1993,
elle s’établit à 6 %. Les cas numériquement les plus
nombreux correspondent à des femmes qui ont
renoncé, en 1993, à des professions de l’information, des arts et des spectacles qu’elles exerçaient
en 1988, ou bien à des cadres peu diplômés de
PME. Il semble donc que la mobilité descendante a
bien augmenté. Ainsi les vertus traditionnellement
protectrices du statut de cadre déclinent pour certaines femmes moyennement diplômées de secteurs où la précarité de l’emploi est forte.
7. 6,9 % des femmes exerçant une profession intermédiaire administrative et commerciale en 1980 sont devenues cadres en 1985.
Le chiffre correspondant pour l’enquête de 1993 est de 7,1 %.
8. Il s’agit, par exemple, de titulaires d’un brevet professionnel
codifiés professeur agrégé en 1988 et professeur de l’enseignement général et des collèges (PEGC) en 1993.
9. On pourrait citer un ingénieur en mécanique devenu expert indépendant.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 331, 2000 - 1
Pour les professions intermédiaires les chances de
régression sont supérieures ou égales aux chances
de promotion. C’était déjà le cas aux enquêtes de
1977 et de 1985 pour les 25/39 ans ; en 1993, c’est
le cas pour toutes les femmes de moins de 50 ans. Il
s’agit essentiellement de membres des professions
intermédiaires administratives et commerciales
d’entreprise pour lesquelles les probabilités de passage vers des postes d’employé administratif
d’entreprise l’emportent de loin sur les probabilités
de promotion à des emplois de cadre administratif
et commercial d’entreprise. Il est douteux qu’il
s’agisse d’erreurs de classement ou de reconversion.
En effet, les femmes membres des professions intermédiaires administratives et commerciales promues au rang de cadres ont des caractéristiques
homogènes et sensiblement différentes de celles de
leurs collègues redevenues employées : les premières travaillent à temps plein en 1988 comme en
1993 ; plus de la moitié possède un diplôme supérieur au bac. Quand elles sont mariées, c’est dans la
moitié des cas avec un conjoint cadre. Elles sont
rarement filles d’ouvriers ou d’employés. Elles
n’ont pas changé de région entre 1988 et 1993. À
l’opposé, les femmes redevenues employées possèdent, pour plus de la moitié, un diplôme inférieur
au bac. Leur conjoint, le plus souvent, n’exerce pas
une profession de cadre. La moitié de ces femmes
ont un père ouvrier ou employé. Elles sont trois fois
plus nombreuses à travailler à temps partiel en
1993 qu’en 1988, ce qui peut être le signe des
concessions qu’elles ont du faire pour trouver un
emploi ou bien de leur insatisfaction à l’égard
d’une situation professionnelle jugée plus mauvaise. Elles font preuve, enfin, d’une mobilité géographique non négligeable (fréquents changements
de régions), qui a pu engendrer des difficultés à
trouver un emploi.
Quant aux ouvrières qualifiées passées ouvrières
non qualifiées entre 1988 et 1993, elles sont pour la
plupart devenues ouvrières non qualifiées de type
industriel.
Employées administratives d’entreprise
et employées de la Fonction publique :
deux pôles de la mobilité féminine
La carte de la mobilité des femmes diffère sensiblement de celle des hommes (cf. graphique III). En
premier lieu, l’emploi ouvrier y est numériquement
faible et le poids des ouvrières qualifiées reste très
réduit. Ce trait distinctif semble exclure jusqu’ici
une filière de promotion technique analogue à la
filière masculine. En effet, malgré le maintien du
nombre d’ouvrières qualifiées, le flux conduisant
des ouvrières non qualifiées (toujours de type
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 331, 2000 - 1
industriel) vers les ouvrières qualifiées est de
même importance que le flux inverse, alors qu’à
l’enquête de 1985 le flux de qualification était cinq
fois plus important que le flux inverse. Pourtant, le
nombre d’ouvrières qualifiées a augmenté tandis
que celui des non qualifiées a diminué. La promotion des ouvrières (qualifiées ou non) vers les professions intermédiaires ne s’opère pas à destination
d’emplois d’agent de maîtrise ou de techniciens,
mais uniquement vers ceux de professions administratives et commerciales d’entreprise.
Les flux féminins concernent essentiellement les
employées et gravitent autour de deux pôles principaux. Le premier est constitué du personnel des
services directs aux particuliers et des employés
civils et agents de service de la Fonction publique ;
ce groupe accueille des flux importants d’ouvrières
non qualifiées le plus souvent de type artisanal, et,
en moindre quantité, des employés de commerce.
Les emplois concernés par ces échanges, malgré
leur diversité, ont en commun une faible qualification. Ils servent rarement de point de départ à une
promotion vers les professions intermédiaires ou à
une mise à son compte. Une deuxième nébuleuse
s’organise autour des employées administratives
d’entreprise. Cette catégorie joue un rôle redistributif. Elle se situe à l’origine de nombreuses promotions vers les professions intermédiaires
(surtout les professions intermédiaires administratives et commerciales d’entreprise). Ces flux de
promotion sociale sont importants en chiffres absolus comme en pourcentage (9,8 % de ses effectifs
initiaux connaissent une promotion en cinq ans).
C’est là aussi que l’on trouve les flux relativement
les plus importants de mise à son compte.
De 1985 à 1993, beaucoup de flux numériques se
sont enflés, et quelques voies de promotion nouvelles se sont ouvertes, même si leur importance est
encore réduite. Une filière semble ainsi s’ébaucher,
des ouvrières qualifiées vers les professions intermédiaires administratives et commerciales, et des
techniciennes vers les ingénieurs. À l’enquête de
1964 comme à celle de 1993, les femmes ne disposent de facto que d’une voie de mobilité ascendante, la voie administrative, alors que les hommes
bénéficient en plus de la voie technique et de la
mise à son compte. Cependant, il semble que les
prémices d’une filière technique se dessinent,
mais de manière très ténue puisque les ouvrières
qualifiées ne deviennent toujours ni techniciennes
ni agents de maîtrise. Les flux entre professions
intermédiaires et cadres se sont légèrement intensifiés.
Bien qu’elle ait augmenté, la mobilité féminine
reste inférieure à la mobilité masculine pour toutes
41
les catégories de salariées, à l’exception des
ouvrières qualifiées (catégorie qui ne rassemble
que 3,7 % des femmes actives en 1993). La mobilité ascendante demeure plus faible pour les femmes que pour les hommes : près de deux fois moins
de femmes que d’hommes sont passées, en cinq
ans, des professions intermédiaires aux cadres, ou
des employés aux professions intermédiaires. Au
niveau de détail de la nomenclature à 2 chiffres, les
probabilités de promotion des femmes sont inférieures à celles des hommes dans presque toutes les
catégories, à deux exceptions près : l’accession des
techniciennes et des agents de maîtrise à des postes
d’encadrement. Encore ces deux professions
sont-elles si peu féminisées que la taille très restreinte de l’échantillon rend les résultats relativement fragiles. Les trajectoires longues, rares pour
les hommes, sont inexistantes pour les femmes (tels
les passages d’ouvrière ou employée à cadre). Les
trajectoires de déqualification sont aussi plus nombreuses chez les femmes. Quant aux mises à son
compte, elles restent exceptionnelles. Leur probabilité culmine à 3,9 % dans la catégorie du personnel de
services directs aux particuliers : encore ne concernent-elles dans ce cas que certains postes de la
nomenclature détaillée : employés de commerce,
professions intermédiaires administratives et commerciales, et cadres administratifs et commerciaux
d’entreprises.
savoir-faire) ou conjoncturelle (période d’expansion ou de récession) pour engendrer des processus
de transition complexes qui sortent du cadre de cet
article. Aussi se borne-t-on à quelques constats
simples, permettant de prendre la mesure de
l’influence du niveau de formation. On peut ainsi
distinguer deux configurations : la première
concerne les mouvements ascendants entre certaines catégories d’employés, les professions intermédiaires et les cadres. Dans cet « espace
professionnel », la possession d’un diplôme accroît
toujours les chances de promotion. Ainsi des femmes employées : la possession d’un diplôme et le
niveau de ce dernier sont tout d’abord des facteurs
de mobilité. Leur taux de stabilité fléchit de 91 %
pour les non diplômées à 70 % pour les titulaires
d’un diplôme de type baccalauréat plus deux ans
d’études universitaires (« BAC + 2 »). Plus le
diplôme est élevé, plus les chances de promotion
vers un emploi ressortissant des professions intermédiaires sont importantes : un tel mouvement
concerne 16 % des employées titulaires du BAC,
24 % de celles qui possèdent un diplôme de niveau
BAC + 2, et 37 % de celles qui disposent d’une formation plus élevée (cf. tableau 7). Dans cette filière
administrative, la possession d’un diplôme accroît
sensiblement les chances de promotion. À l’inverse,
une transition vers un emploi d’ouvrier ne concerne
que des employées peu ou non diplômées.
Le niveau du diplôme le plus élevé dont l’actif est
titulaire constitue également un facteur susceptible
de jouer sur la mobilité. Le type de diplôme (formation générale ou formation technique), ainsi que
les catégories sociales d’origine et de destination
interfèrent avec des variables individuelles (âge,
L’avantage que procure une formation générale est
plus accentué pour les hommes : à diplôme égal, les
chances de promotion des femmes sont sensiblement plus réduites, si bien que l’effet promotionnel
du diplôme joue avec un décalage suivant qu’il
s’agit d’hommes ou de femmes : le BEPC confère
aux employés hommes des chances de promotion à
une profession intermédiaire légèrement plus favorables que le baccalauréat n’en donne aux femmes.
De même, le simple baccalauréat s’avère pour un
homme aussi opérant qu’un diplôme de niveau
Tableau 7
Probabilité de passage : d’employé (en 1988) à
professions intermédiaires (en 1993)
Tableau 8
Probabilité de passage : professions
intermédiaires (en 1988) à cadres (en 1993)
Un diplôme de formation générale favorise
nettement les promotions vers des postes
de cadre
En %
En %
Hommes
Femmes
Aucun diplôme
CEP
BEPC
CAP,BEP
BAC
BAC +2
Supérieur à BAC+ 2
1,6
5,3
17,2
11,3
26,7
8,5
0,0
2,3
0,8
8,7
5,2
15,6
24,4
36,8
Ensemble
13,2
6,8
Diplôme
Lecture : 26,7 % des hommes employés et titulaires du baccalauréat sont devenus professions intermédiaires entre 1988 et 1993.
Champ : actifs occupés en 1988 et en 1993 résidant sur le territoire.
Source : enquête FQP, Insee.
42
Diplôme
Hommes
Femmes
Aucun diplôme
CEP
BEPC
CAP,BEP
BAC
BAC + 2
Supérieur à BAC + 2
1,2
2,9
13,3
5,1
11,9
12,9
35,5
0
2,7
5,2
3,4
4,5
3,6
22,5
Ensemble
10,0
5,3
Lecture : 11,9 % des hommes professions intermédiaires titulaires
du baccalauréat sont devenus cadres entre 1988 et 1993.
Champ : actifs occupés en 1988 et en 1993 résidant sur le territoire.
Source : enquête FQP, Insee.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 331, 2000 - 1
possession d’un diplôme. De même, les femmes
ouvrières non qualifiées deviennent employées
dans des proportions indépendantes de leurs titres
scolaires. La possession d’un diplôme technique
court ne confère donc que peu d’avantages, sur le
plan de la promotion du moins (elle accroît notablement les chances d’accéder à l’emploi comme
on le sait par ailleurs). Dans cet « espace professionnel », le niveau scolaire n’est donc pas déterminant. Cependant, ces chiffres traduisent aussi la
faible valorisation des premiers niveaux de diplômes (CEP, CAP), puisque la possession d’un
BEPC accroît notablement les passages d’ouvrier
qualifié à employé ou à professions intermédiaires.
BAC + 2 pour une femme (cf. tableau 7). Il en est
de même de l’impact des diplômes de formation
générale sur le passage de profession intermédiaire
à cadre : un diplôme supérieur à BAC + 2 assure
plus d’un homme sur trois d’une telle promotion,
alors que ce n’est le cas que pour une femme sur
cinq (cf. tableau 8). Cas limite, l’absence de
diplôme semblerait exclure toute transition d’une
femme vers un poste d’encadrement, alors qu’un tel
mouvement, pour exceptionnel qu’il demeure, n’est
pas impossible pour un homme. L’avantage promotionnel plus sensible ainsi conféré aux hommes par
la possession d’un diplôme a pour contrepartie que
les femmes occupant des postes de cadres ou de profession intermédiaire sont sensiblement plus diplômées que leurs homologues masculins.
La mise à son compte est une autre voie ouverte
aux peu diplômés. En effet, la probabilité de se
mettre à son compte dépend elle aussi très peu du
diplôme (cf. tableau 9). Les cadres qui choisissent
cette voie sont principalement les non diplômés et
les titulaires de CAP ou BEP. La mise à son compte
des ouvriers qualifiés et des membres des professions intermédiaires, rare elle aussi (elle concerne
sur cinq ans 4 % des effectifs), dépend peu des
titres scolaires. Les hommes devenus artisans ou
commerçants entre 1988 et 1995 s’avèrent peu
diplômés, légèrement moins que la moyenne des
membres de la catégorie qu’ils rejoignent : un quart
d’entre eux n’ont aucun diplôme ou le CEP. Un
tiers détenaient un CAP ou BEP. 8 % d’entre eux
seulement sont titulaires d’un diplôme supérieur à
BAC + 2 : il s’agit alors d’anciens cadres. Dans un
contexte de valorisation croissante des diplômes, la
mise à son compte apparaîtrait comme la seule voie
ouvrant des perspectives aux peu diplômés.
Les diplômes techniques n’ont qu’un
faible impact sur la mobilité des ouvriers
et travailleurs indépendants.
Une seconde configuration de mouvements, au
contraire, accorde un rôle réduit au diplôme. Elle
met en jeu les ouvriers, qualifiés ou non, et une
partie des employés et des travailleurs indépendants. Hommes et femmes y sont également peu
diplômés et la possession d’un diplôme semble
assez peu y conditionner la mobilité. Il s’agit évidemment ici de diplômes sanctionnant une formation technique courte (CAP, BEP, etc.). Tel est le
cas des mouvements entre ouvriers non qualifiés et
ouvriers qualifiés. Sur cinq ans, 15,8 % des non
diplômés et 20,1 % des titulaires d’un tel diplôme
deviennent ouvriers qualifiés. D’ailleurs, la possession d’un CAP ou d’un BEP ne semble pas vraiment conditionner la mobilité vers les ouvriers
qualifiés : parmi les nouveaux venus dans cette
catégorie, un tiers ne possédait aucun diplôme, et
seulement la moitié un CAP ou un BEP. Leur
niveau de diplôme est très voisin de celui de
l’ensemble des ouvriers qualifiés, une catégorie
pour laquelle le savoir-faire et l’expérience professionnelle s’avèrent plus déterminants que la
Sur le long terme : une mobilité intense
mais de faible portée
Pour appréhender la mobilité sur une perspective
de long terme, on rapproche la position socioprofessionnelle au moment de l’enquête, de celle en
début de vie active. On a choisi de ne retenir que les
Tableau 9
Probabilité de se mettre à son compte entre 1988 et 1993 selon la PCS et le diplôme (hommes)
En %
PCS en 1988
Diplôme
Aucun diplôme
CEP
BEPC
CAP,BEP
BAC et plus
Cadres
Professions
intermédiaires
Ouvriers qualifiés
Ouvriers non qualifiés
10,6
17,1
6,3
8,5
2,4
4,1
2,3
7,3
3,3
2,2
2,1
4,6
3,4
5,0
5,3
1,2
1,3
0,0
0,2
0,0
Lecture : 10,6 % des hommes qui étaient cadres non diplômés en 1988 sont devenus artisans, commerçants ou chefs d’entreprise en 1993.
Champ : actifs occupés en 1988 et en 1993 résidant sur le territoire.
Source : enquête FQP, Insee.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 331, 2000 - 1
43
actifs ayant en 1993 entre 20 et 29 ans d’ancienneté
professionnelle (10) : ils ont commencé à travailler
entre 1964 et 1973. 65 % des hommes et 43 % des
femmes n’appartiennent plus à la même catégorie
socioprofessionnelle qu’en début de vie active. Ce
pourcentage est d’autant plus fort que la position de
départ était moins élevée. Cette intensité de la mobilité sur le long terme doit être cependant nuancée :
l’amplitude de ces mouvements a été en effet, le plus
souvent, limitée. Les trajets courts prédominent, les
trajets longs demeurant l’exception. Ainsi, la mobilité est maximale pour les hommes ayant débuté
comme ouvriers non qualifiés : 18 % d’entre eux
seulement sont encore ouvriers non qualifiés en
1993, 43 % étant devenus ouvriers qualifiés. Mais
seule une part relativement faible a abouti à des
positions sociales éloignées : 2,8 % se retrouvent
cadres, 14 % professions intermédiaires, tandis
que 11 % d’entre eux se sont mis à leur compte
(cf. tableau 10-A) (Goux, 1991).
Les tables de recrutement sur le long terme confirment l’intensité de ce brassage professionnel, particulièrement important dans le cas des hommes.
L’intensité la plus forte est atteinte pour les artisans, commerçants et chefs d’entreprise : un sur dix
seulement a entamé sa vie professionnelle dans la
même catégorie, un sur trois a débuté comme
ouvrier non qualifié et le même pourcentage comme
ouvrier qualifié. En ce qui concerne les cadres, les
professions intermédiaires, les employés et les
ouvriers qualifiés ayant entre 20 et 29 ans de carrière, un homme sur trois a commencé à travailler
dans la catégorie à laquelle il appartient en 1993.
10. L’ancienneté professionnelle mesure ici la durée écoulée
depuis la fin des études. En cas de chômage prolongé ou d’inactivité, l’ancienneté réelle peut être surestimée par cette mesure.
Tableau 10
Mobilité professionnelle sur le long terme : table de destinées
A - Hommes
En %
Hommes
Catégorie socioprofessionnelle en 1993
Artisans,
commerçants
et chefs
d’entreprise
Ouvriers
qualifiés
Ouvriers
non
qualifiés
1,6
27,6
2,5
100
10,4
7,5
52,1
25,1
24,0
13,5
2,4
0,0
4,0
23,8
10,2
10,2
6,9
1,0
0,8
9,2
39,7
42,8
0,0
0,0
0,6
3,3
4,4
18,0
100
100
100
100
100
100
22,7
10,0
26,4
7,8
100
Cat. socioprofessionnelle
au premier emploi
Agriculteurs
Agriculteurs
Artisans, commerçants et
chefs d’entreprises
Cadres
Professions intermédiaires
Employés
Ouvriers qualifiés
Ouvriers non qualifiés
57,1
4,8
1,0
5,4
3,1
0,5
0,4
1,9
1,4
1,7
74,9
8,9
9,5
8,9
15,3
11,0
2,3
82,1
32,6
27,8
5,0
2,8
3,4
12,1
17,6
Ensemble
Cadres
Professions
intermédiaires
Employés
Ensemble
Lecture : 27,6 % des hommes ayant débuté de 20 à 29 ans auparavant leur vie professionnelle comme agriculteurs exploitant sont devenus ouvriers qualifiés en 1993
Champ : actifs occupés en mai 1993 et ayant de 20 à 29 ans d’ancienneté professionnelle
Source : enquête FQP, Insee.
B - Femmes
En %
Femmes
Catégorie socioprofessionnelle en 1993
Artisans,
commerçants
et chefs
d’entreprise
Employés
Ouvriers
qualifiés
Ouvriers
non
qualifiés
1,7
12,5
0,0
9,7
100
0,0
80,1
17,8
5,5
2,9
1,2
0,0
10,5
68,7
16,6
10,3
5,5
6,6
3,6
9,9
58,7
28,7
44,8
0,0
0,0
0,4
2,1
30,8
7,0
0,0
0,0
0,0
7,4
16,3
32,6
100
100
100
100
100
100
9,9
23,1
42,2
3,8
10,0
100
Cat. socioprofessionnelle
au premier emploi
Agriculteurs
Agriculteurs
Artisans, commerçants et
chefs d’entreprise
Cadres
Professions intermédiaires
Employés
Ouvriers qualifiés
Ouvriers non qualifiés
74,9
1,2
0,0
0,0
1,3
0,0
2,0
0,8
5,0
93,4
4,5
3,2
7,7
10,2
3,9
3,9
7,1
Ensemble
Cadres
Professions
intermédiaires
Ensemble
Lecture : 9,7 % des femmes ayant débuté de 20 à 29 ans auparavant leur vie professionnelle comme agriculteurs exploitants sont devenues ouvrières non qualifiées en 1993.
Champ : actives occupées en 1993 et ayant de 20 à 29 ans d’ancienneté professionnelle.
Source : enquête FQP, Insee.
44
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 331, 2000 - 1
Deux des traits distinctifs de la mobilité féminine
sur le court terme se confirment sur le long terme :
la proximité des positions d’employées et
d’ouvrières non qualifiées, et l’importance des
recrutements de cadres et de professions intermédiaires en provenance des employées. Le premier
est attesté par l’intensité des échanges entre ces
deux catégories. D’une part, sur une telle durée, les
femmes qui ont entamé leur vie professionnelle en
tant qu’ouvrières non qualifiées sont beaucoup
plus nombreuses à se retrouver employées que
dans leur catégorie d’origine (45 % contre 33 %)
(cf. tableau 10-B). En sens inverse (perspective de
recrutement), et avec l’ancienneté considérée,
40 % des femmes ouvrières non qualifiées en 1993
ont débuté comme employées. C’est aussi le cas de
30 % des ouvrières qualifiées. En ce qui concerne
le passage de l’état d’employé à celui de profession
intermédiaire ou de cadre, 30 % des femmes cadres
en 1993 et 39 % de celles qui exercent une profession intermédiaire ont débuté comme employées.
Ce large éventail de devenirs sur le long terme
reflète la diversité des situations recouvertes par le
terme d’employé. Enfin, la moindre propension
des femmes à changer de catégories constatée à
court terme connaît une exception importante sur le
long terme : les femmes cadres en 1993 avec
l’ancienneté considérée ne sont que 34 % à avoir
débuté dans cette catégorie, une proportion analogue à celle de leurs homologues masculins. ¨
L’auteur remercie Marc-Antoine Estrade pour son aide précieuse et ses conseils, Dominique Merllié et
Serge Bosc pour leurs encouragements et leur lecture critique d’une première version du texte.
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ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 331, 2000 - 1
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