Composition de la gamme musicale

Transcription

Composition de la gamme musicale
Composition de la gamme musicale
Margaret Bilu
Mélissa Huguet
22 janvier 2006
Table des matières
1 Introduction
2 L’échelle de Pythagore
2.1 Les observations des Grecs
2.2 Les harmoniques d’un ton
2.3 Le cycle de quintes . . . .
2.4 Une série de quintes . . .
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3
3
3
3
4
3 L’échelle de Zarlino, la gamme naturelle
3.1 Une gamme basée sur les accords parfaits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.2 La tierce majeure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.3 Les intervalles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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4 Notre échelle tempérée
4.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.2 Observations . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.3 Consonance et transposition . . . . . . . . .
4.4 Une suite géométrique . . . . . . . . . . . .
4.5 Fréquences et logarithmes . . . . . . . . . .
4.6 La quinte juste . . . . . . . . . . . . . . . .
4.7 Autres intervalles . . . . . . . . . . . . . . .
4.8 Décomposition en fractions continues . . . .
4.9 Une échelle de douze tons . . . . . . . . . .
4.10 Pourquoi cette gamme a-t-elle été adoptée ?
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13
5 Autres gammes
5.1 La gamme diatonique . . . . . . . . . .
5.2 La gamme chromatique . . . . . . . . .
5.3 La gamme pentatonique . . . . . . . . .
5.4 La gamme par tons . . . . . . . . . . . .
5.5 La gamme orientale . . . . . . . . . . .
5.6 Les gammes arabes . . . . . . . . . . . .
5.7 Les tempéraments par division multiples
5.8 D’autres tempéraments dans le monde .
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6 Conclusion
A Annexes
A.1 Annexe 1 : Les noms des notes . .
A.2 Annexe 2 : Les fractions continues
Références. . . . . . . . . . . . . . . .
Lexique. . . . . . . . . . . . . . . . .
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1
Introduction
La musique a toujours fait partie de la vie des hommes. Ainsi, ils se sont naturellement intéressés
à une façon de choisir l’échelle de sons la mieux adaptée, c’est-à-dire à se limiter à certains sons, la
plupart des instruments de musique ne pouvant produire qu’un nombre limité de sons. Bien sûr,
il y a eu différentes solutions : c’est pour cela qu’on ne parlera pas d’une seule gamme, mais de
plusieurs...
– Comment sont constituées les échelles musicales les plus célèbres ?
– Pourquoi la gamme tempérée, celle que nous utilisons, est-elle plus utilisée que d’autres ?
Nous essayerons de répondre à ces questions, en étudiant tout d’abord la gamme de Pythagore
et la gamme de Zarlino, gammes célèbres de l’Antiquité et du Moyen Âge, puis, un peu plus en
détail, notre échelle tempérée. De plus, nous compléterons notre étude en parlant d’autres gammes
présentes dans le monde.
2
2
L’échelle de Pythagore
2.1
Les observations des Grecs
Les Grecs ont construit leur système musical sur la lyre. Ils n’avaient pas les moyens techniques
de s’occuper de la fréquence des sons, phénomène vibratoire. Mais il se trouve que la fréquence,
et donc la hauteur du son fondamental émis est inversement proportionnelle à la longueur de la
corde. Ces gens ont donc fait des observations et des mesures sur les consonances entre sons émis,
et se sont aperçus que les rapports de longueurs correspondant aux sons consonants étaient des
rationnels “simples“. En fait, ils ont découvert les premiers termes de la suite des harmoniques...
2.2
Les harmoniques d’un ton
La hauteur d’un son est déterminée par sa fréquence, inversement proportionnelle à sa longueur
d’onde, elle-même directement liée à la longueur de la corde vibrante ou du tuyau (d’instrument
à corde ou à vent) dans lequel vibre l’air. Un son naturel (non électronique) est toujours composé
d’un son fondamental (vibration de fréquence f ) et d’harmoniques plus aiguës dont la fréquence
est un multiple de f . Une expérience simple permet de s’en rendre compte : frapper une corde
grave d’un piano met en vibration de nombreuses cordes plus aiguës, si les étouffoirs sont élevés.
Ces notes ont bien sûr un rapport particulièrement harmonieux avec le fondamental. La plus
importante des harmoniques est la première de fréquence 2f . Les deux sons se fondent tellement
bien ensemble qu’on leur donne le même nom : par exemple, do et do, ré et ré... Leur intervalle
s’appelle une octave. Mais on conçoit bien qu’avec seulement des do de différentes hauteurs, les
possibilités mélodiques et harmoniques sont trop limitées. D’autant plus qu’un être humain peut
rarement chanter plus de deux do différents.
On est donc conduit à utiliser la deuxième harmonique, de fréquence 3f . Sa distance au fondamental étant très grande, on va ramener cette note à celle qui a le même nom une octave en-dessous.
La fréquence de cette dernière est la moitié de celle de son homonyme, donc 3/2f . L’intervalle
qu’elle détermine avec le fondamental s’appelle une quinte parfaite. Elle est plus petite que l’octave
puisque f < 3/2f < 2f .
2.3
Le cycle de quintes
Les 3 premières harmoniques de f : 2f , 3f et 4f nous donnent trois intervalles : Une octave
(ascendante 2f ou descendante 1/2f ) est composée d’une quinte (ascendante 3/2f ou descendante
2/3f ) et d’une quarte (ascendante 4/3f ou descendante 3/4f ).
Le procédé utilisé par les Pythagoriciens (et qui nous est connu par les écrits d’Aristoxène
de Tarente) se base sur ces 3 harmoniques ; il consiste en une succession alternée de quintes
montantes et de quartes descendantes. Plus précisément, on part d’un son f0 = f puis on
prend le son f1 situé une quinte au-dessus de f (f1 = 3/2f ), le son f2 se trouvant une quarte
en-dessous de f1 (f2 = 3/4 × f1 = 9/8f ), le son f3 placé une quinte au dessus de f2 , etc... On voit
immédiatement que l’on aura
µ ¶n
µ ¶n
9
9
3
f2n =
et f2n+1 = ×
(1)
8
2
8
La méthode des Grecs est, pour les premiers termes de la suite (fn ) équivalente à la suivante, qui
consiste en une progression de quintes ramenées à l’octave. Précisons : Partant toujours de
f0 = f , on construit la suite (fn ) définie par
– fn+1 = 3/2fn si 3/2fn < 2f
– fn+1 = 3/2fn : 2 si 3/2fn ≥ 2f
Les termes successifs de cette suite seront donc de la forme
µ ¶n
3
1
fn =
× p f,
2
2
3
p étant défini comme l’entier (unique) tel que fn ∈ [f ; 2f ] Le calcul montre que cette méthode,
appelée “cycle de quintes“ est équivalente à celle des Grecs jusqu’à n = 7.
Ce qui sera intéressant, du point de vue musical, ce sera d’obtenir une échelle de sons finie.
Cela se produira si et seulement si la suite des fn est périodique. On pourra alors véritablement
parler de cycle des quintes, puisque le procédé permettra de ”boucler la boucle”.
Voyons donc si on peut trouver un entier p tel que fp = f0 (= 1). Ceci revient à chercher 2
entiers n et p tels que
µ ¶n
1
3
× p =1
2
2
ou encore 3n = 2n+p . Or, 2n+p est pair et 3n est impair. Nous obtenons une contradiction, le
“cycle“ des quintes n’existe pas.
Cependant, les musiciens de l’Antiquité ont trouvé une solution au problème, en arrêtant la
progression lorsqu’ils sont revenus dans le voisinage du son dont ils étaient partis. Ainsi, dans la
gamme pythagoricienne, 12 quintes équivalent “presque“ à 7 octaves. En effet, en avançant de
quinte en quinte, on ne peut pas tomber sur 7 octaves à moins de raccourcir la dernière quinte dite
“quinte du loup“. En effet, 12 quintes valent 312 /212 ≈ 129, 74 et 7 octaves 27 = 128. On appelle
cette différence le comma pythagoticien : (3/2)12 /27 ≈ 1, 0136.
Il existe plusieurs versions de gammes pythagoriciennes, toutes divisées en un nombre différent
d’intervalles (5, 7, 12, 41, 53...), visant à réduire la différence entre 12 quintes et 7 octaves.
(Source : www.wikipedia.org)
2.4
Une série de quintes
Utilisons la méthode citée dans 2.3 : À partir d’un do de fréquence f on obtient, une quinte audessus, un sol de fréquence 3/2f , puis encore une quinte au-dessus, un ré de fréquence 3/2×3/2f =
9/4f puis un la 27/8f , un mi 81/16f et un si 243/32f . Pour composer une gamme dite de do
majeur, on va chercher un fa une quinte en-dessous du do donc à une fréquence 2/3f . Pour avoir
toutes les notes de la gamme dans l’intervalle d’une octave entre f et 2f , il faut remonter ce fa
d’une octave, descendre le la et le ré d’une octave et le mi et le si de deux octaves. On trouve
alors dans l’ordre ascendant des hauteurs :
Notes
Rapports de fréquences
do
1
ré
9/8
mi
81/64
fa
4/3
sol
3/2
la
27/16
si
243/128
do
2
C’est la gamme majeure pythagoricienne. Entre do et ré, ré et mi, fa et sol, sol et la, la et si,
on trouve des intervalles appelés des tons pythagoriciens qui représentent une multiplication de la
4
fréquence par 9/8 entre deux notes. Entre mi et fa puis entre si et do, on trouve des demi-tons
pythagoriciens correspondant à une multiplication de la fréquence par 28 /35 = 256/243.
La génération des notes par quintes est rationnelle et facile : c’est par quintes que l’on accorde
encore de nos jours les instruments de la famille des violons. On peut d’ailleurs continuer la série
de quintes soit au-dessous de fa 0 soit au-dessus de si3 1 ; c’est ainsi que l’on obtient les dièses
et les bémols. En prenant cette série complète, on arrive à deux notes qui ramenées à la même
octave diffèrent assez peu : Ainsi par exemple, dans l’échelle pythagoricienne le do ] et le ré [ sont
considérées comme deux notes différentes.
Étant donné qu’on obtient les tons de cette gamme par superpositions de quintes parfaites
(3/2), elle contient beaucoup de sons purs, ce qui lui donne des avantages au niveau mélodique.
1 si
3
signifie “si de la 3ème octave d’un piano“.
5
3
3.1
L’échelle de Zarlino, la gamme naturelle
Une gamme basée sur les accords parfaits
Pour incorporer l’accord parfait majeur à l’échelle musicale, divers musiciens, et en particulier le
vénitien Gioseffo Zarlino (1558), imaginèrent de construire une nouvelle échelle, approximation de
celle de Pythagore, qui serait basée sur cet accord ; elle permettait d’obtenir, sans battements, des
accords consonants en sons simultanés. Elle est obtenue à l’aide de trois accords parfaits majeurs
naturels de trois tons donnant successivement la tierce majeure naturelle (5/4) et la tierce mineure
naturelle (6/5). Partant de la note fa, on obtient un premier accord fa-la-do, un second do-mi-sol,
et un troisième sol-si-ré. Elle a l’avantage de fournir trois accords parfaits majeurs naturels, par
construction. Certains des intervalles de la gamme de Zarlino s’écartent notablement des intervalles
pythagoriciens (d’un neuvième de ton environ), telle la quinte ré-la. Ainsi, comparée à la gamme
de Pythagore, la gamme de Zarlino présente pour la contenance de la tierce, de la sixte et de
la septième, une différence d’un comma, petit intervalle exprimé par la fraction 81/80, presque
identique à l’unisson. Cependant les inconvénients de cette gamme sont multiples. Par exemple,
la transposition à une autre tonalité donne une inégalité des intervalles successifs.
3.2
La tierce majeure
L’utilisation de trois tons aux noms différents, pour enrichir l’harmonie, amène à s’intéresser
aux harmoniques supérieures de notre ton fondamental. La troisième harmonique, de fréquence
4f , n’apporte rien de nouveau : elle est à une double octave au-dessus du fondamental et porte le
même nom. En revanche, la quatrième harmonique de fréquence 5f , encore nettement perceptible
à l’oreille est digne d’intérêt. Redescendue de deux octaves pour se trouver entre f et 2f , elle
donne la fréquence 5/4f en rapport particulièrement harmonieux avec le fondamental. L’intervalle
déterminé par ces deux notes s’appelle une tierce majeure et l’accord constitué par ces deux notes
et la quinte s’appelle accord parfait majeur. La note correspondant à 5/4f par rapport au do
n’apparaı̂t pas dans la gamme de Pythagore mais elle est voisine, légèrement plus basse du mi
81/64 de celle-ci puisque 5/4 = 80/64. Il est donc tentant de remplacer l’ancien mi de Pythagore
par celui-ci qui “sonne mieux“. La différence entre la tierce pythagoricienne et la tierce ”naturelle”
est appelée le comma syntonique. Il est égal à (34 /26 )/(5/4), soit 81/80.
3.3
Les intervalles
Pour privilégier l’accord parfait majeur, Zarlino garde le fa, le do, le sol, et le ré de la gamme
de Pythagore mais modifie les trois autres notes pour former trois accords parfaits majeurs sur fa,
do et sol, appelées notes tonales de la gamme. On a donc dans le système de Zarlino, les rapports
de fréquences suivants :
Note
Rapport de fréquence
do
1
ré
9/8
mi
5/4
fa
4/3
sol
3/2
la
5/3
si
15/8
do
2
Les fréquences des différentes notes s’expriment ici par des fractions plus “simples“ que dans
le cas de Pythagore, mais il y a cette fois trois types d’intervalles :
– le “grand ton“ ou ton pythagoricien, entre do et ré, fa et sol, la et si, qui correspond à une
multiplication de la fréquence par 9/8 ;
– le “petit ton“ entre ré et mi puis sol et la, qui correspond à une multiplication de la fréquence
par 10/9 ;
– le “demi-ton zarlinien : on le trouve entre mi et fa, si et do, et il correspond à une multiplication de la fréquence 16/15, fraction nettement plus simple que 256/243.
La différence entre le grand ton et le petit ton s’entend nettement par une oreille même si elle
est peu exercée.
6
La gamme de Zarlino n’a pourtant pas que des avantages : si elle conserve des quintes parfaites
entre do et sol, mi et si, fa et do aigu, sol et ré aigu, la et mi aigu, elle diminue légèrement
l’intervalle entre ré et la qui n’est plus qu’un rapport de 40/27 < 3/2.
L’échelle de Zarlino n’est donc pas très adaptée au niveau mélodique, car ses quintes ne sont
pas toutes parfaites. Contrairement à la gamme de Pythagore, plutôt mélodique, la gamme de
Zarlino est une gamme harmonique, c’est-à-dire qu’elle est utile pour jouer des accords, étant
donné qu’elle est basée sur les accords parfaits.
7
4
4.1
Notre échelle tempérée
Introduction
La gamme tempérée est de nos jours utilisée de façon presque universelle dans la musique
occidentale. Seules les œuvres antérieures (environ) à 1750 sont exécutées dans d’autres systèmes,
selon les habitudes en cours à l’époque de leur composition.
La gamme tempérée consiste, pour ainsi dire, à « trancher le nœud gordien » des inconvénients
de tous les autres systèmes qui tentaient des compromis entre justesse de certains intervalles,
fausseté pas trop marquée des autres, possibilités de transposition et/ou de modulation. Elle
consiste tout simplement à diviser l’octave en douze intervalles chromatiques tous égaux.
4.2
Observations
L’oreille humaine peut percevoir les tons dont les fréquences sont comprises entre 16 et 20000
Hertz (vibrations de l’air/seconde), et peut même distinguer deux tons pour lesquels la différence
des fréquences n’est que d’1 Hz. Plus la fréquence d’un ton est élevée, plus celui-ci est aigu.
Cependant, un piano est constitué de seulement 90 touches, et ne peut donc donner que 90 tons
de fréquences, et donc de hauteurs différentes.
Une partie du clavier d’un piano
(Source : www.wikipédia.org)
Observons les fréquences des tons constituant la première octave, la plus utilisée, d’un piano :
Ton
Fréquence en Hz
do1
262
ré 1
294
mi1
330
f a1
349
sol1
392
la1
440
si1
494
do2
523
Du premier coup d’œil, elles constituent une suite plutôt aléatoire. On ne peut remarquer, à part
l’ascendance de cette suite, que le fait que le la1 est la seule note qui a une fréquence entière, non
irrationnelle. En effet, les fréquences des autres notes sont ici présentées sous forme de valeurs
approchées.
Ces observations nous amènent à notre question essentielle : Pourquoi ce sont exactement ces
tons-là qui ont été choisis pour figurer dans notre échelle musicale ?
4.3
Consonance et transposition
En musique, la consonance et l’harmonie jouent un grand rôle, c’est-à-dire qu’une gamme
est constituée de tons qui “sonnent le mieux ensemble“. Comme on a vu dans 2.2, sur plusieurs
instruments de musique à cordes, on peut remarquer que si on fait sonner une corde de fréquence
f Hz, on peut en même temps aussi entendre plus ou moins fortement le ton de fréquence 2f Hz :
C’est la première harmonique du ton de fréquence f . On peut donc poser la condition que l’échelle
musicale, si elle contient un ton de fréquence f Hz, contienne aussi le ton de fréquence 2f Hz. Afin
d’inclure aussi des fréquences inférieures à f , il est évident que notre gamme devrait aussi contenir
le ton de fréquence f /2. Nous avons déjà vu que l’intervalle délimité par 2 tons dont la fréquence
8
de l’un est le double de celle de l’autre, l’octave, est l’intervalle sonore le plus “simple“2 . Définir
une gamme musicale, c’est donc définir une méthode pour diviser l’octave en intervalles sonores
plus petits. Évidemment, le nombre de ces intervalles doit être relativement petit faute de quoi
chacun d’entre eux est trop petit, et les notes successives obtenues trop rapprochées pour être
discernables par l’oreille, et de plus la gamme deviendrait trop compliquée.
Une autre propriété essentielle de la gamme est la possibilité de transposition : On peut jouer
une même mélodie à des hauteurs différentes sans la fausser, et ainsi par exemple l’adapter à divers
timbres de voix etc.
Si on joue ”Frère Jacques” en commençant par un do (do ré mi do, do ré mi do, mi fa sol )
cela donne dans l’ordre les fréquences suivantes en Hz :
262 – 294 – 330 – 262 – 262 – 294 – 330 – 262 – 330 – 349 – 392
Si maintenant on joue la même mélodie en commençant par sol (sol la si sol, sol la si sol, si
do ré) on aura :
392 – 440 – 494 – 392 – 392 – 440 – 494 – 392 – 494 – 523 – 587
On voit que les rapports entre les fréquences des 2 versions sont dans l’ordre les mêmes. En
effet :
392
294
440
262
=
,
=
etc.
294
440
330
494
Cela veut dire que la transposition en fait conserve les intervalles entre les notes des mélodies.
Notre échelle devra donc être divisée en intervalles égaux afin que la transposition soit possible.
4.4
Une suite géométrique
À présent, imaginons que nous avons construit une échelle de tons qui vérifie les conditions
que nous avons posées, c’est-à-dire que :
– l’échelle avec tout ton de fréquence f contient aussi les tons de fréquences 2f et
f /2,
– elle permet de transposer une mélodie sans la fausser, elle est donc divisée en
intervalles égaux entre eux.
Soient les tons suivants à l’intérieur d’une octave :
f = f0 < f1 < f2 < . . . < fm−1 < fm = 2f
où m est un entier naturel supérieur à 3.
Ces tons forment par eux-mêmes une mélodie simple. On peut alors transposer cette mélodie
d’un ton vers le haut, de sorte que le ton le plus grave passe de f0 à f1 . Cette nouvelle mélodie
commencera donc par le ton de fréquence f1 et finira par le ton de fréquence fm+1 , qui va être
séparé du premier par une octave.
Le ton fm+1 est plus aigu que le dernier ton de l’octave (f0 , fm ), mais on peut considérer que
c’est celui qui suit fm . En effet, s’il y avait un ton f 0 entre fm et fm+1 = 2f1 , alors il existerait
aussi un ton 1/2f 0 . De la double inéquation fm < f 0 < fm+1 on peut déduire que f0 < 1/2f 0 < f1 .
Or on a défini l’échelle de telle sorte qu’il n’y ait pas de ton intermédiaire entre f0 et f1 , donc par
contradiction, il n’y a pas de ton intermédiaire entre fm et fm+1 .
Notre mélodie transposée aura donc la forme
f1 < f2 < . . . < fm < fm+1 .
Vu que c’est une transposition exacte de la mélodie de départ, on a
2 On appelle ce principe l’équivalence de octaves : l’octave constitue le cadre privilégié des tons musicaux,
car elle se reproduit de manière cyclique, quelle que soit l’échelle musicale adoptée.
9
f2 f2
f3
fm
fm+1
f1
=
,
=
,...,
=
f0
f1 f1
f2
fm−1
fm
donc
f1
f2
f3
fm
fm+1
=
=
= ... =
=
f0
f1
f2
fm−1
fm
La suite f0 , f1 , . . . , fm est donc une suite géométrique. Cherchons sa raison, que nous appellerons
q. Alors fm = q m f0 = 2f0 et donc q m = 2. Pour définir entièrement notre échelle musicale, il faut
donc trouver le nombre m de divisions qu’elle contient entre les fréquences f0 et 2f0 .
4.5
Fréquences et logarithmes
A présent, afin de simplifier la suite du raisonnement, passons des fréquences f0 , f1 , . . . , fm à
leurs logarithmes de base 2, log2 f0 , log2 f1 , . . . , log2 fm . L’octave (f0 , 2f0 ) est alors représentée par
l’intervalle allant de log2 f0 à log2 2f0 = log2 f0 + 1, donc de longueur 1 et notre suite géométrique
√
f0 , f1 , . . . , fm devient la suite arithmétique log2 f0 , log2 f1 , . . . , log2 fm de raison log2 m 2 = 1/m.
Ainsi, sur l’échelle logarithmique, notre octave va être constituée des points
A, A + 1/m, A + 2/m, . . . , A + 1
où A = log2 f0 . Comment faut-il alors choisir le nombre m ?
4.6
La quinte juste
Après expériences sur divers instruments de musique, on peut poser une autre condition à
l’existence de notre échelle :
Dans notre échelle avec tout ton de fréquence f , il doit exister le ton de
fréquence 3f .
Ceci a pour conséquence également l’existence du son de fréquence 1/2 × 3f = 3/2f . Cette
fréquence nous intéresse parce qu’elle appartient à l’intervalle (f, 2f ) dans lequel nous construisons
notre gamme. Le nombre m de divisions dans notre octave (f0 , 2f0 ) doit donc être choisi de façon
à ce qu’un des tons de celle-ci corresponde à la fréquence 3/2f0 . Soit k, 1 < k < m le numéro de
ce ton dans l’octave. On aura alors pour k et m entiers naturels
A + k/m = A + log2 3/2,
D’où
log2 3/2 = k/m,
ce qui en enlevant le logarithme donne
2k/m = 3/2,
ou, en mettant le tout à la puissance m,
2k = (3/2)m , donc 2k+m = 3m .
Or pour tout k et m entiers naturels le terme de gauche de l’égalité obtenue est pair alors que
celui de droite est impair. On obtient donc une contradiction, le nombre log2 3/2 est irrationnel,
on ne pourra pas avoir une échelle des tons logarithmique régulière contenant la fréquence 3/2f
en même temps que la fréquence f .
L’intervalle (f, 3/2f ) est appelé quinte juste, et on voit qu’on ne peut pas avoir de quintes
justes sur une échelle logarithmique régulière. C’est cependant un intervalle très important en
musique. Nous devrons néanmoins nous passer soit de la régularité de l’échelle, soit de la présence
des quintes justes. La première propriété est indispensable pour la transposition des mélodies. Il
est plus facile de se passer des quintes justes, car on pourra rapprocher le nombre rationnel k/m
10
du nombre irrationnel log2 3/2 de façon à ce que la différence des fréquences correspondantes soit
inférieure à 1 Hz, et donc inaudible pour l’oreille humaine.
Calculons alors la précision que devra avoir notre résultat : La première octave va de 262 à 523 Hz
et a donc une longueur de l’ordre de 260 Hz, ce qui correspond sur l’échelle logarithmique à un
intervalle de longueur 1. 1 Hz correspond donc à peu près à 1/260 ≈ 0, 004 sur l’échelle logarithmique.
⇒ Sachant que log2 3/2 ≈ 0, 585 on doit trouver k/m tel que :
|k/m − log2 3/2| ≤ 0, 004
4.7
Autres intervalles
À part la quinte 3/2f , il y a d’autres points dans l’intervalle (f, 2f ) sur lesquels il serait
souhaitable d’avoir des tons de l’échelle musicale3 : L’analyse de différents exemples de musiques
populaires montre que l’on y trouve surtout les intervalles majeurs ou justes correspondant aux
rapports de fréquences suivants :
2 (octave), 3/2 (quinte), 5/4 (tierce), 4/3 (quarte),
5/3 (sixte), 9/8 (seconde), 15/8 (septième)
Écrivons les valeurs approchées des logarithmes de base 2 de ces nombres :
f /f0
log2 f /f0
9/8
0,169
5/4
0,323
4/3
0,416
3/2
0,585
5/3
0,737
15/8
0,908
2
1
On doit donc obtenir une échelle régulière telle que certaines de ses valeurs soient les plus proches
possibles de celles présentées dans le tableau. Le plus important reste toutefois le nombre log2 3/2,
car la quinte juste est l’intervalle le plus ”évident” de l’octave.
4.8
Décomposition en fractions continues
Nous allons décomposer le nombre irrationnel x = log2 3/2 à l’aide de fractions continues afin
d’en obtenir une valeur approchée suffisamment précise (voire Annexe A.2).
D’après la définition du logarithme, on a
2x =
3
.
2
(2)
Vu que x < 1, on aura, en posant y = 1/x, y > 1. Alors d’après l’équation (2),
µ ¶y
3
= 2.
2
(3)
Encadrons y : (3/2)1 = 3/2 < 2 et (3/2)2 = 9/4 > 2 donc 1 < y < 2. On pose alors y = 1+1/z ,
ce qui implique 1/z < 1 et z > 1. En remplaçant dans l’équation (3), on obtient :
3
2
µ ¶1
3 z
= 2
2
donc
µ ¶1
3 z
=
2
4
,
3
3 Les intervalles (rapports de fréquences) entre les différentes notes d’une gamme ne sont pas dus au hasard.
Bien sûr, notre oreille s’est formée, habituée. Chaque culture a fait des choix, heureusement souvent différents, sur
le nombre de notes et sur les intervalles. Mais deux intervalles sont universels : Deux notes forment une octave
si le rapport de leurs fréquences est 2 (ou 1/2 évidemment). Si ce n’est pas le cas, cela sonne faux parce que la
première harmonique constituant le son de la plus grave va se mettre à “battre“ (onduler) avec la seconde . Deux
notes forment une quinte si le rapport de leurs fréquences est 3/2. C’est encore un peu vrai pour la tierce, qui fait
elle-aussi partie des harmoniques d’un son mais c’est beaucoup moins marqué. C’est surtout lorsque l’on joue de la
musique “occidentale“, à base d’accords parfaits que la justesse de la tierce devient importante.
11
d’où
µ ¶z
4
=
3
3
.
2
(4)
Maintenant on encadre z : 4/3 < 3/2 et (4/3)2 = 16/9 > 3/2 donc 1 < z < 2. On pose donc
z = 1 + 1/u. Alors :
4
3
µ ¶1
4 u
=
3
µ ¶1
4 u
=
3
3
donc
2
µ ¶u
9
4
=
.
8
3
9
, d’où
8
(5)
De même (9/8)2 = 81/64 < 4/3 et (9/8)3 = 729/512 > 4/3 donc 2 < u < 3. Par conséquent,on
pose u = 2 + 1/v où encore v > 1. Alors d’après (5) :
µ ¶2 µ ¶ 1
9
9 v
=
8
8
ce qui donne
µ ¶1
9 v
=
8
4
, donc
3
µ
256
243
¶v
256
,
243
9
.
8
=
(6)
Afin de simplifier les calculs suivants, nous allons utiliser les logarithmes décimaux des nombres
qui nous intéressent. D’après les propriétés sur les logarithmes, l’équation (6) équivaut à
v ( log 256 − log 243 ) = log 9 − log 8 ,
et si on remplace par les valeurs approchées, on aura
v ( 2, 4082 − 2, 3856 ) ≈ 0, 9542 − 0, 9031 ,
d’où
0, 0226v ≈ 0, 0511 .
(7)
On peut donc conclure que v est compris entre 2 et 3. Nous pourrions continuer ainsi les calculs
infiniment vu que le nombre x = log2 3/2 est irrationnel et donc sa fraction continue est infinie,
mais nous allons nous arrêter là. On a donc :
1
1
1
1
1
x= =
=
=
=
,
y
1
1
1
1
1+
1+
1+
1+
z
1
1
1
1+
1+
1+
u
1
1
2+
2+
v
2 + ...
ce qui nous donne les premiers membres de notre fraction continue. Calculons les approximations
successives de log2 3/2 correspondantes :
1
=1;
1
1
1+
1
1
=
1
;
2
1
1+
=
1
1+
1
2
3
;
5
1
=
1
1+
1+
7
.
12
1
2+
1
2
Les deux premières approximations ne nous conviennent pas, étant visiblement trop éloignées de
la valeur recherchée. La 3ème, k/m = 3/5 = 0, 600 nous donne déjà une erreur assez petite, de
l’ordre de 0,015, par rapport à log2 3/2 ≈ 0, 585. Cependant cette erreur est encore 4 fois plus
grande que l’erreur maximale acceptée, 0,004.
Par contre, pour k/m = 7/12 ≈ 0, 583 l’erreur n’est que d’environ 0,002, c’est-à-dire même la
moitié de l’erreur maximale admise : Elle est donc suffisamment précise.
L’échelle musicale correspondante se construit sur l’axe des logarithmes par la division d’un
segment de longueur 1 en 12 parties égales délimitées par les points :
12
1/12
0,083
2/12
0,167
3/12
0,250
4/12
0,333
5/12
0,417
6/12
0,500
7/12
0,583
8/12
0,667
9/12
0,750
10/12
0,833
11/12
0,917
12/12
1,000
On remarque que les valeurs qui nous intéressaient (log2 4/3 etc., cf. paragraphe 4.7) sont très
proches des valeurs en gras, même si l’erreur est plus grande que pour log2 3/2.
4.9
Une échelle de douze tons
On fixe donc une échelle graduée de 12 tons,
√ qui a pour propriété le fait que le rapport de deux
fréquences voisines soit constant et égal à 12 2.
Une division (qui correspond à une longueur de 1/12) est égale à un demi-ton. Un intervalle
constitué de deux demi-tons voisins est appelé un ton. L’octave peut donc être divisée en 6 tons
ou 12 demi-tons. Les fréquences principales (correspondant aux touches blanches sur un piano) de
l’octave sont obtenues en considérant au lieu de f1 la graduation de l’échelle la plus proche (2/12),
au lieu de f2 , 4/12 etc.
Examinons les valeurs des logarithmes de base 2 des fréquences de la première octave4 :
Ton
f en Hz
log2 f
log2 f /f0
do1
262
8,031
0
ré 1
294
8,198
0,167
mi1
330
8,365
0,334
f a1
349
8,448
0,417
sol1
392
8,615
0,584
la1
440
8,781
0,750
si1
494
8,948
0,917
do2
523
9,031
1,000
On voit que les emplacements des logarithmes de base 2 des tons de la premières octave dans
l’intervalle [0; 1] sont les mêmes que ceux que nous avions trouvé pour les sons principaux de notre
échelle musicale. Nous avons ainsi éclairci la structure de l’octave : L’échelle tempérée
est donc une
√
suite de tons dont les fréquences sont en progression géométrique de raison 12 2 : c’est ce qu’on
appelle le tempérament égal. L’octave est divisée en 12 demi-tons, et 2 demi-tons font un ton.
Outre les 7 tons principaux, l’octave contient 5 autres tons (touches noires sur le piano). Ils
sont définis grâce aux notions de dièse ] et le bémol [, qui respectivement augmentent ou diminuent
la note d’un demi-ton. Par exemple, un so l ] est un so l augmenté d’un demi-ton, et c’est donc
logiquement la même note que le la [, un la diminué d’un demi-ton5 .
La ”mélodie” formée des sons principaux
do − ré − mi − f a − so l − la − si − do
constitue la gamme naturelle Do Majeur. En transposant cette mélodie vers le haut dans l’octave,
on peut obtenir 11 autres gammes majeures. Le mot “majeur“ indique la composition de la gamme
en intervalles (ton - ton - demi-ton - ton - ton - ton - demi-ton) : on dit qu’une gamme majeure
contient des demi-tons entre le IIIème et le IVème et entre le VIIème et le VIIIème degrés (le degré
désignant la note). Les gammes mineures, elles, sont constituées d’un autre façon : elles ont des
demi-tons entre le IInd et le IIIème et le Vème et VIème degrés. Par exemple la gamme naturelle
Do mineur contient les notes
do − ré − mi [ − f a − so l − la [ − si [ − do
4.10
Pourquoi cette gamme a-t-elle été adoptée ?
La création d’une échelle musicale dodécaphonique à tempérament égal est le fruit d’un longue
évolution de la musique et des mathématiques. Elle ne pouvait évidemment pas voir le jour
avant la création de l’algèbre des grandeurs irrationnelles et des logarithmes, or les scientifiques
4 dans
5 Par
le tableau f0 est la fréquence de do1
contre, ce n’est pas le cas dan l’échelle de Pythagore, voire 2.4
13
ne commencèrent à maı̂triser tout ceci librement qu’au XVIIème siècle. Avant, les instruments
de musique étaient accordés selon le principe des intervalles purs (quintes, tierces etc...), ce
qui irrémédiablement menait à des difficultés dans l’utilisation d’autres tonalités et donc à des
problèmes dans les modulations (passage d’une tonalité à une autre dans un morceau de musique), et posait ainsi des limites au développement de la musique.
La gamme tempérée permet les modulations à volonté - c’est d’ailleurs la raison de son adoption
générale. Elle uniformise les demi-tons, diatoniques ou chromatiques, la quinte du loup disparaı̂t.
Elle présente un seul inconvénient, mais qui est de taille et qui explique la réticence des musiciens
à l’adopter avant la période dite « classique » : à l’exception des octaves, tous les intervalles sont
plus ou moins faux :
– les quintes sont relativement justes, issues de la quinte pure diminuée d’un douzième de
comma pythagoricien, valeur faible ;
– les quartes sont légèrement trop grandes (même raison) ;
– les tierces sont meilleures que les tierces pythagoriciennes, beaucoup trop grandes, mais sont
néanmoins encore éloignées de la pureté.
– la même remarque vaut pour les sixtes, trop petites ;
– les secondes (ou tons) s’éloignent d’un sixième de comma de la valeur juste) : elles perdent
également en pureté trop petites).
– les septièmes sont trop grandes d’un sixième de comma, en conséquence.
Ces inconvénients, bien réels, n’ont pu empêcher les musiciens de s’y rallier, car les avantages
en termes de composition et d’expressivité l’ont emporté.
L’adoption générale du tempérament égal aux récents siècles passés s’explique également par une
évolution esthétique de l’art en général. À la brillance des couleurs baroques correspond le clavecin,
au son cristallin, accordé en tempérament inégal, avec des intervalles assez purs. À la douceur
mélancolique de la période romantique correspond le piano, à la sonorité moins définie, plus douce
et enveloppée, qui ouvre la porte aux intervalles plus approximatifs mais réguliers du tempérament
égal.
Les écarts sont suffisamment faibles pour être admissibles6 . Et l’habitude aidant, puisque de
nos jours quasiment toutes les musiques que nous entendons l’utilisent, cette faible dissonance
ne choque personne, et c’est au contraire les anciens tempéraments qui surprennent notre oreille
lorsque nous les expérimentons pour la première fois.
6 En
effet, ils sont pratiquement inaudibles pour une oreille non-expérimentée.
14
5
5.1
Autres gammes
La gamme diatonique
La gamme diatonique, composée de cinq tons et de deux demi-tons, correspond aux gammes
du mode majeur ou mineur, c’est la gamme modèle contenant les sons naturels do, ré, mi, fa, sol,
la, si. Les transpositions, indiquées à l’armure de la clé7 par les altérations n’en modifient pas la
structure, mais seulement l’emplacement dans l’échelle générale des sons.
5.2
La gamme chromatique
La gamme chromatique se forme par l’intercalation, entre les 7 degrés de la gamme diatonique,
de 5 demi-tons chromatiques, obtenus par l’emploi des altérations accidentelles. Elle comprend
donc la totalité des 12 tons de la gamme tempérée.
La gamme chromatique
(Source : http ://dictionnaire.metronimo.com)
5.3
La gamme pentatonique
La gamme pentaphonique ou gamme de cinq sons, qui se construit selon 4 modes différents
dans la musique chinoise, a existé à une époque reculée dans l’Europe occidentale et subsiste au
moins partiellement dans quelques chants populaires traditionnels de l’Écosse, du Pays de Galles
et de la Grande-Bretagne ; la succession qu’elle y présente, do, ré, fa, sol, si [, se compose de 3
tons et de 2 intervalles de chacun un ton et demi.
La gamme pentatonique
(Source : http ://dictionnaire.metronimo.com)
5.4
La gamme par tons
La gamme de six sons ou gamme par tons entiers, dont Claude Debussy et d’autres musiciens
du début du XXe Siècle ont tiré des effets mélodiques très neufs et des combinaisons harmoniques
très hardies, s’obtient en prenant une note sur deux de l’échelle tempérée : il en existe donc deux
formes (et deux seulement), transposées l’une de l’autre.
Gamme par tons commençant par do
(Source : http ://dictionnaire.metronimo.com)
7 Il existe en musique plusieurs types de clés, les plus utilisées sont la clé de sol et la clé de fa. Les altérations,
c’est-à-dire les dièses et les bémols, non accidentelles (représentant la tonalité) sont indiqués au début de chaque
ligne, juste à côté de la clé.
15
5.5
La gamme orientale
La gamme orientale sur laquelle Auguste Chapuis a composé une Suite pour le piano, est
formée de 1 ton, 4 demi-tons et 2 intervalles de un ton et demi. L’auteur la note soit avec ré pour
tonique : ré, mi, fa, sol ], la, si [, do ], ré, soit avec do pour tonique : do, ré, mi [, fa ], sol, sol ],
si, do.
Les deux gammes orientales
(Source : http ://dictionnaire.metronimo.com)
5.6
Les gammes arabes
Les gammes arabes ont la particularité de posséder un intervalle valant 3/4 d’un ton, obtenus
avec des demi-dièses et demi-bémols (ou dièses et bémols barrés). Il y a beaucoup de gammes
différentes, regroupées en sept modes différents : mode de do (rast), mode de ré (doukah), mode
de mi (sikah),mode de fa (jiharkah), mode de sol (nawa), mode de la (ouchairan) et mode de
si (ourak). La gamme principale est en mode de do, et s’appelle rast.Elle est considérée comme
la gamme de base dans la musique arabe. Ses intervalles ressemblent à ceux de la gamme de
Do majeur, sauf entre les degrés mi et si qui sont plus bas d’un quart de ton. On trouve une
description détaillée de toutes ces gammes dans [12].
(Source : http ://perso.menara.ma/˜ dalil/)
Du point de vue de la notation, il est intéressant de savoir que certains anciens musiciens
inversaient l’écriture sur la portée en commençant à droite et en écrivant vers la gauche, comme il
est d’usage dans l’écriture arabe, mais l’armature restait la même, ainsi que la hauteur des notes
sur la portée.
5.7
Les tempéraments par division multiples
Les tempéraments par division multiples sont les tempéraments dans lesquels le nombre
des notes excède douze. Le nombre de tempéraments par division multiple est historiquement
fort développé. L’un des premiers tempéraments de ce genre, trouvé uniquement par la voie
de l’expérience et jamais mis en pratique, est celui de Salinas, avec 19 degrés par octave. Le
tempérament à 31 intervalles égaux (ou de Huyghens) recommandé - mais non inventé - par
Huyghens, peut être introduit simplement en considérant la proportion de 5/3 entre le ton et le
demi-ton. En complément de ce tempérament, le savant néerlandais préconisa un système de clavier
glissant permettant de le concrétiser mais qui resta à l’état de curiosité théorique et mécanique.
Un autre tempérament multiple est le tempérament égal par 53, inventé par Mercator en 1675 et
16
repris par Holder (dont il a pris le nom) en 1694. Ce tempérament est, lui, basé sur l’échelle pythagoricienne à 53 notes et possède l’intérêt théorique d’être une très bonne approximation du cycle
des quintes8 . D’autres exemples de tempéraments pardivisions multiples sont les tempéraments de
Henfling et de Sauveur (43 intervalles égaux) ainsi que de Helmholtz.
5.8
D’autres tempéraments dans le monde
Suivant les pays, on retrouve des gammes différentes : le tempérament par 7 présent au Cambodge, en Thaı̈lande, en Afrique Occidentale (Guinée) et dans les Iles Salomon ; le tempérament
par 5 qui est un mode Slendro9 est présent en Indonésie et en Afrique Occidentale (Haute Volta
et Mali). Plus généralement, il existe des centaines, peut-être même des milliers de gammes
différentes, qui se sont toutes développées selon les coutumes des leurs utilisateurs, les moyens
et instruments accessibles, etc.
8 Cela
veut dire que dans cette échelle la quinte du loup est pratiquement égale à une quinte parfaite.
est une échelle de 5 tons traditionnelle javanaise
9 Slendro
17
6
Conclusion
Nous avons vu que la gamme de Pythagore était plutôt mélodique, étant donné qu’elle contient
des sons purs, alors que la gamme de Zarlino est plutôt harmonique car elle est basée sur les accords
parfaits10 . Dans l’idéal, on devrait donc jouer la mélodie d’un morceau avec les notes de la gamme
de Pythagore, et l’accompagnement avec celles de la gamme naturelle, mais c’est embêtant d’avoir
deux gammes différentes. De plus, elles ne permettent pas de transposer la mélodie, ni de moduler.
L’échelle tempérée, bien qu’elle ne contienne pas de sons purs car ses quintes ne sont pas tout à
fait justes, présente de nombreux avantages par rapport à ces gammes (surtout la possibilité de
transposition et de modulation), et est pour cette raison utilisée le plus couramment de nos jours.
En effet, presque tout genre de musique, allant de la sonate calme jusqu’au morceau de rock le plus
agité est aujourd’hui préférentiellement joué dans les tonalités de l’échelle tempérée. Cependant,
même au XXIème siècle, il existe encore des tentatives d’améliorer ce système, ou d’en créer un
autre présentant plus d’avantages. La musique évolue en même temps que les hommes : qui sait,
peut-être que dans un siècle ou deux, la gamme tempérée sera depuis longtemps oubliée, ayant
laissé place à d’autres systèmes plus performants...
10 Ceci
a d’ailleurs été démontré, lors des expériences de Cornu et Mercadier.
18
A
Annexes
A.1
Annexe 1 : Les noms des notes
C’est Guido d’Arezzo (v.1000 - v.1050) qui est à l’origine du nom que nous donnons aux notes
de la gamme. Ayant remarqué que, dans l’hymne “Ut queant laxis“ (dédié à St Jean), les notes
initiales de la mélodie de chaque vers (sauf le dernier) étaient dans l’ordre naturel de la gamme, il
songea à donner comme nom, à chacune de ces notes, la syllabe sur laquelle elle se chantait. Et,
pour la dernière, on forgea plus tard le mot formé des initiales des deux mots du dernier vers.
UT queant laxis
REsonare fibris
MIra gestorum
FAmuli tuorum
SOLve polluti
LAbii reatum
Sancte Iohannes
(DO a remplacé UT au XVIIème siècle)
A.2
Annexe 2 : Les fractions continues
Les fractions continues sont utilisées pour obtenir des valeurs approchées rationnelles de nombres
irrationnels. Ce sont des fractions de type
1
a0 +
= [ a1 , a2 , . . . , an ] ,
1
a1 +
a2 +
(8)
1
a3 + . . .
où a1 , a2 , . . . ∈ N et où [a1 , a2 , . . . , an ] est une autre notation de la fraction continue.
On sait que tout nombre a réel peut s’écrire sous forme de fraction continue qui sera finie si a
rationnel, infinie si a irrationnel. Les expressions rationnelles
a0 +
1
1
, a0 +
, a0 +
1
a1
1
1
a1 +
a2
1
, a0 +
a1 +
etc.
1
a2 +
1
a3
appelées réduites d’ordre n, n = 1, 2, 3, ..., de la fraction continue (8) sont des approximations
successives de plus en plus précises de celle-ci. Les entiers naturels p n et qn tels que
p 0 = a0 ,
q 0 = 1,
p 1 = a0 a1 + 1,
···
p n = an p n−1 + p n−2 ,
q1 = 1,
qn = an qn−1 + qn−2 ,
sont appelés convergents d’une la fraction continue. Ils sont liés à cette dernière par la relation :
a0 +
1
=
1
a1 +
a2 + . . .
+
19
1
an
pn
.
qn
(9)
De plus, le terme de gauche de (9) étant la réduite d’ordre n d’un réel a, (9) implique aussi :
| [ a1 , a2 , . . . , an ] − a | <
1
qn 2
.
Références
[1] G. E. Chilov, La gamme simple - Composition de l’échelle musicale 1980 (en russe)
[2] B. Parzysz, Musique et Mathématique, Publication de l’A.P.M.E.P. 1983
[3] “Dictionnaire Culturel des Sciences“, édition Seuil Regard
[4] “Le Grand Larousse Universel“
[5] “Le Petit Larousse Illustré 2001“
[6] “Science et Musique“, Editions Bordas
[7] L. Lamport, “LATEX, User’s Guide and Reference Manual “
[8] http ://www.google.fr
[9] http ://www.les-mathematiques.net
[10] http ://www.wikipedia.org
[11] http ://dictionnaire.metronimo.com
[12] http ://perso.menara.ma/˜ dalil/
[13] http ://perso.wanadoo.fr/eisenberg/r temper.htm
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Lexique
Ce lexique contient, classés par ordre alphabétique, certains mots appartenant au domaine musical
susceptibles d’être méconnus par le lecteur.
accord : Ensemble d’au moins 3 sons musicaux émis simultanément.
accord parfait : Accord superposant la tonique (Ier degré), la médiante (IIIème degré) et la
dominante (Vème degré) d’une gamme, il est affecté du nom de cette gamme. Par exemple,
l’accord do mi sol est l’accord parfait de Do Majeur.
bémol ( [ ) : Altération ayant pour effet de baisser d’un demi-ton la note qu’elle précède. Par
exemple si[ signifie que le si est baissé d’un demi-ton.
consonance : Rapport harmonieux entre deux ou plusieurs sons.
cycle des quintes : Fait que 12 quintes soient égales à 7 octaves, c’est-à-dire que si on part d’une
note et qu’on monte de 12 quintes on arrive sur une note de même nom. Dans certaines
gammes, comme la gamme pythagoricienne le cycle des quintes n’st pas “bouclé“, 12 quintes
ne sont pas exactement égales à 7 octaves.
degré : Chacun des sons d’une gamme majeure ou mineure par rapport à la tonique. Dans la
gamme de Do Majeur, mi est le 3e degré. Dans la gamme de Do mineur, c’est mi [.
dièse ( ] ) : Altération ayant pour effet de monter d’un demi-ton la note qu’elle précède. Par
exemple do] signifie que le do est monté d’un demi-ton.
échelle : Succession des sons d’une gamme.
fréquence : Nombre de vibrations par seconde caractérisant un son, exprimée en Hz (Hertz).
Plus la fréquence d’un son est élevée, plus ce son est aigu.
gamme : Série ascendante ou descendante de sons conjoints, disposés à des intervalles convenus,
dans l’espace d’une octave et dans un système musical donné.
intervalle : Distance qui sépare deux sons, rapport des fréquences de ces deux sons.
intervalle pur : Les intervalles dits “purs“ sont ceux qui correspondent aux rapports de fréquences
”simples” (cf. paragraphe 4.7). L’octave est toujours la même dans toutes les gammes, cependant les autres intervalles ne sont pas purs dans la plupart de celles-ci. Par exemple l’échelle
tempérée ne contient pas d’intervalles purs.
modulation : Passage d’une tonalité à une autre pendant une ou plusieurs mesures dans un
morceau, afin d’augmenter la richesse musicale de celui-ci.
octave : 1. Huitième degré de l’échelle diatonique, portant le même nom que le premier.
2. Intervalle de 8 degrés (12 demi-tons), et l’ensemble des notes contenues dans celui-ci.
quinte : Intervalle de 5 degrés (7 demi-tons) dans l’échelle diatonique.
quarte : Intervalle de 4 degrés (6 demi-tons) dans l’échelle diatonique.
seconde : Intervalle entre deux notes conjointes. Elle peut être majeure (2 demi-tons) ou mineure
(1 demi-ton).
septième Intervalle de 7 degrés dans l’échelle diatonique. Elle peut être majeure (11 demi-tons)
ou mineure (10 demi-tons).
sixte : Intervalle de 6 degrés dans l’échelle diatonique. Elle peut être majeure (9 demi-tons) ou
mineure (8 demi-tons).
tempérament Système musical consistant à diviser l’octave en un certain nombre de demi-tons,
qui peuvent être égaux (tempérament égal), ou inégaux (tempérament inégal).
tierce : Intervalle de 3 degrés dans l’échelle diatonique. Elle peut être majeure (5 demi-tons)ou
mineure (4 demi-tons).
tonique : Première note d’un gamme, celle qui lui donne son nom : le do est la tonique de Do
Majeur et de Do mineur.
transposition : Fait d’écrire ou d’exécuter un morceau dans une tonalité différente de celle dans
laquelle il est composé. Elle est utilisée pour adapter une mélodie à des instruments de
musique jouant à des hauteurs différentes ainsi qu’à différents timbres de voix.
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