Intimé Ministre-de-la-justice-du-Canada
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Intimé Ministre-de-la-justice-du-Canada
Dossier no 35527 COUR SUPRÊME DU CANADA (EN APPEL D’UN JUGEMENT DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC) ENTRE : DAVID CAPLIN APPELANT (demandeur) - et MINISTRE DE LA JUSTICE DU CANADA INTIMÉ (intimé) MÉMOIRE DE L’INTIMÉ (règle 42 des Règles de la Cour suprême du Canada) William F. Pentney Sous-procureur général du Canada Ministère de la Justice (Canada) Complexe Guy-Favreau Tour Est, 5e étage 200, boul. René-Lévesque Ouest Montréal (Québec) H2Z 1X4 William F. Pentney Sous-procureur général du Canada Ministère de la Justice (Canada) Bureau 500 50, O’Connor Street Ottawa (Ontario) K1P 6L2 Par : Me Ginette Gobeil Me Marc Ribeiro Par : Me Robert J. Frater Tél. : 514 496-8115 (Me Gobeil) Tél. : 514 283-6272 (Me Ribeiro) Téléc. : 514 283-3856 [email protected] [email protected] Tél. : 613 670-6289 Téléc. : 613 954-1920 [email protected] Procureurs de l’intimé Correspondant de l’intimé Henri A. Lafortune Inc. Tél. : 450 442-4080 Téléc. : 450 442-2040 [email protected] 2005, rue Limoges Longueuil (Québec) J4G 1C4 www.halafortune.ca L-3716-13 -2Me Véronique Courtecuisse Bureau 216 9200, rue Sherbrooke Est Montréal (Québec) H1L 1E5 Me Richard Gaudreau Bergeron, Gaudreau 167, rue Notre-Dame de l’Île Gatineau (Québec) J8X 3T3 Tél. : 514 353-8282 Téléc. : 514 955-9800 [email protected] Tél. : 819 770-7928 Téléc. : 819 770-1424 [email protected] Procureure de l’appelant Correspondant de l’appelant -iTABLE DES MATIÈRES Page MÉMOIRE DE L’INTIMÉ PARTIE I – LES FAITS ......................................... 1 A. Survol ......................................... 1 B. La preuve américaine et l’historique procédural ......................................... 2 C. L’audition d’extradition ......................................... 9 D. La décision du ministre ......................................... 9 E. La décision de la Cour d’appel du Québec ....................................... 10 – LA QUESTION EN LITIGE ....................................... 12 PARTIE II PARTIE III – L’ARGUMENTATION ....................................... 12 A. La norme de révision applicable à la décision du ministre ....................................... 12 B. Le critère applicable pour refuser l’extradition l’extradition doit « choquer la conscience » : ....................................... 13 C. L'incidence des délais ....................................... 16 D. La conduite du poursuivant américain ....................................... 20 E. Le préjudice allégué : la disponibilité de la preuve et la preuve nouvelle ....................................... 21 La décision du ministre est raisonnable ....................................... 24 PARTIE IV – ORDONNANCE DEMANDÉE CONCERNANT LES DÉPENS ....................................... 27 F. PARTIE V – CONCLUSION ....................................... 28 - ii TABLE DES MATIÈRES Page Volume I (suite) PARTIE VI – TABLE ALPHABÉTIQUE DES SOURCES _______________ ....................................... 29 -1Mémoire de l’intimé Les faits MÉMOIRE DE L’INTIMÉ PARTIE I – LES FAITS A. Survol 1. Les États-Unis d’Amérique demandent l’extradition de l’appelant David Caplin et de son coaccusé Anthony Barnaby1 afin qu’ils subissent leur procès dans l’État du New Hampshire pour les meurtres violents et haineux d’un couple de lesbiennes commis en 1988. L’appelant n’a jamais subi un procès pour répondre à ces accusations. Des accusations avaient été déposées à l’origine, mais à la suite d’une décision des tribunaux du New Hampshire d’exclure certains éléments de preuve de la poursuite, celle-ci a déposé un nolle prosequi à son égard en 1991. En 2011, les autorités du New Hampshire ont obtenu une preuve d’ADN, impliquant l’appelant dans la commission de ces meurtres, selon un procédé scientifique qui n'était pas disponible au moment de l’enquête initiale. Selon les autorités du New Hampshire, des témoignages incriminant l'appelant sont également disponibles, alors qu'ils n'étaient pas disponibles lors de l'enquête initiale. 2. La décision du ministre ordonnant son extradition est raisonnable. La décision du ministre commande la déférence et la Cour d’appel a eu raison de ne pas intervenir à cet égard. 3. Étant donné qu’en droit américain il n’y a pas de prescription pour le crime de meurtre et que le dépôt d’un nolle prosequi n’empêche pas la reprise des procédures, les autorités américaines étaient justifiées de déposer de nouvelles accusations contre l’appelant. 1 Dossier connexe portant le numéro 35548. -2Mémoire de l’intimé 4. Les faits Le juge d’extradition au Canada a estimé que la preuve annoncée était suffisamment fiable pour ordonner l’incarcération de l’appelant en vue de son extradition, et ce dernier n’a pas porté cette décision en appel. Du reste, le ministre était justifié de s’en remettre aux tribunaux américains dans l’appréciation ultime de cette preuve. 5. Lorsqu’une préoccupation est soulevée par un individu concernant le processus auquel il fera face dans le pays requérant, y compris toute question relative aux délais, les tribunaux canadiens interviendront pour invalider un arrêté d’extradition uniquement dans les cas les plus exceptionnels où l’extradition « choquerait la conscience ». Il s’agit d’un seuil très élevé. 6. L’extradition de l’appelant n’est pas un de ces cas exceptionnels. En matière d’extradition, les tribunaux canadiens doivent s’abstenir d’imposer les normes canadiennes aux instances judiciaires étrangères. De toute façon, même si l’appelant faisait face à des accusations pour meurtre au Canada, un procès vingt-six ans après les faits allégués ne constituerait pas nécessairement un abus de procédure. De même, les tribunaux du New Hampshire disposent de mécanismes en droit américain pour évaluer la constitutionnalité de faire subir un procès à l’appelant vingt-six ans après les faits allégués. L’extradition dans ces circonstances n’est pas de nature à « choquer la conscience ». B. 7. La preuve américaine et l’historique procédural En 2011, les autorités américaines ont demandé l’extradition de l’appelant et de son coaccusé Anthony Barnaby pour faire face à des accusations de meurtre au premier et deuxième degré de Charlene Ranstrom et Brenda Warner en 19882. 2 Dossier de l’appelant (D.A.), Diplomatic note, pages 111 à 113. -3Mémoire de l’intimé 8. Les faits Selon la preuve soumise par les autorités américaines à l’appui de leur demande d’extradition, dans la nuit du 3 octobre 1988, l’appelant et M. Barnaby auraient tué les victimes en les poignardant à plusieurs reprises dans leur appartement à Nashua au New Hampshire. Les corps des victimes ont été découverts par le fils de Mme Ranstrom3. 9. Avant leur décès, les victimes avaient porté plainte contre un ami de M. Barnaby pour un vol de signaux de câble dans leur immeuble4. M. Barnaby se serait fâché et a déclaré que les victimes ne seraient pas vivantes le jour du procès si elles ne retiraient pas leur plainte. Il aurait aussi utilisé des épithètes haineuses liées à leur orientation sexuelle et aurait eu une altercation avec elles le 2 octobre 1988, soit le jour avant que leurs corps aient été découverts5. 10. M. Barnaby a fait des déclarations à la police dans lesquelles il se serait progressivement incriminé quant aux meurtres des victimes6. Il a déclaré qu’il n’aimait pas le fait qu’elles soient lesbiennes. Il a aussi indiqué que l’appelant avait suggéré qu’ils les tuent7. M. Barnaby a décrit que le soir des meurtres, l’appelant s’était procuré deux couteaux et une planche de bois et lui avait remis un de ses bas pour qu’il l’utilise comme un gant, afin d’éviter de laisser des empreintes digitales8. Il a ensuite déclaré qu’ils se sont rendus à l’appartement des victimes et ont frappé à la porte à plusieurs reprises. Quand Mme Ranstrom a ouvert la porte, l’appelant l’a frappée au visage avec la planche de bois et elle est tombée au sol9. Par la suite, ils ont attaché les victimes et les ont poignardées à tour de rôle. Il a rajouté qu’il aurait par la suite lancé son couteau par la véranda en quittant l’appartement et aurait laissé le bas qu’il portait à sa main au bas de 3 4 5 6 7 8 9 D.A., page 58, Record of the case (ROC), page 6, par. 19. D.A., page 53, ROC, page 1, par. 4. D.A., pages 53-56, ROC, pages 1-4, par. 6, 7a),-7d), 12b) et 13. D.A., pages 58-68, ROC, pages 6-16, par. 20-28. D.A., pages 63-66, ROC, pages 11-14, par. 25b) et 25j). D.A., pages 66-68, ROC, page 14, par. 27. D.A., pages 64-66, ROC, pages 12-14, par. 25j). -4Mémoire de l’intimé Les faits l’escalier menant à l’appartement10. Il a par la suite nié avoir divulgué volontairement la plupart de ces éléments de preuve à la police11. 11. Le docteur Roger Fossum, médecin légiste, a émis l’opinion que les blessures observées lors de l’autopsie concordaient essentiellement avec les déclarations de M. Barnaby12. Selon lui, les deux victimes avaient été attachées et étaient décédées durant la nuit à la suite de plusieurs coups de couteau13. Le docteur Fossum a témoigné sous serment et a été contre-interrogé lors du procès du coaccusé Barnaby14. Il est décédé depuis. Le docteur Thomas Andrew a révisé le rapport d’autopsie du docteur Fossum, les photographies prises des deux victimes ainsi que des notes et du témoignage antérieur du docteur Fossum. Il est d’accord avec les conclusions de ce dernier quant à la cause de la mort des victimes et relativement aux blessures infligées à ces dernières15. 12. Les déclarations de M. Barnaby sont également corroborées par la découverte des deux bas tachés de sang sur la scène de crime, l’une à l’extérieur de la porte de l’appartement des victimes et l’autre en bas des escaliers menant à leur appartement, ainsi que par la découverte des deux couteaux dans la cour arrière de l’immeuble16. 13. De plus, une veste de denim tachée de sang a été trouvée dans l’appartement de M. Barnaby17, et des témoins ont vu l’appelant porter cette veste le soir des meurtres18. Plus particulièrement, l’un de ces témoins a déclaré qu’il avait vu l’appelant à quelques reprises le soir des meurtres. À une occasion, il portait une veste de denim. Plus tard dans la soirée, il s’était introduit par effraction dans son appartement. Il ne portait plus la veste 10 11 12 13 14 15 16 17 18 D.A., pages 66-68, ROC, page 15, par. 27. D.A., pages 78-82, ROC, pages 26-30, par. 44. D.A., page 69, ROC, page 17, par. 30c). D.A., pages 68-70, ROC, pages 16-17, par. 30. D.A., page 68, ROC, page 16, par. 30. D.A., page 70, ROC, pages 18, par. 32. D.A., pages 70-71, ROC, pages 18-19, par. 34-36. D.A., pages 77-78, ROC, pages 25-26, par. 43. D.A., pages 57-58, ROC, page 5, par. 16 et 18a). -5Mémoire de l’intimé Les faits de denim et avait du sang frais sur ses pantalons19. Les policiers ont aussi trouvé des poils pubiens dans l’appartement des victimes20. 14. L’appelant a été accusé du meurtre au premier degré des victimes en 1990. Avant son procès aux États-Unis, la défense a réussi à faire exclure comme non pertinente la preuve de l’expert Deedrick quant à la provenance des poils pubiens retrouvés sur la scène de crime. L'expert avait procédé à une analyse visuelle au microscope des poils pubiens trouvés sur la scène du crime en comparaison avec un échantillon des poils pubiens de l’appelant. Il avait estimé que les échantillons se ressemblaient fortement, mais avait noté une différence à savoir que l’extrémité des poils trouvés sur la scène de crime avait été taillés au ciseau, alors que ce n’était pas le cas pour l’échantillon de poil pubien fourni par l’appelant. L’expert avait par conséquent indiqué qu’il ne pouvait former une opinion positive ou négative sur l’identification de l’appelant concernant les poils en question. La Cour d’appel du New Hampshire a conclu que : « Agent Deedrick evaluated the hair samples and was unable to form an opinion as to their source. To allow admission of his testimony would be improperly to require the jury to assume the role of the expert and to evaluate the technical data. Since this is clearly beyond the jury’s ability, the testimony would be of little value »21. Fut également exclu le témoignage de l’appelant dans le cadre d’une audience préalable au procès de M. Barnaby. La poursuite a subséquemment déposé un nolle prosequi contre l’appelant22. 19 20 21 22 D.A., page 58, ROC, page 6, par. 18b). Par ailleurs, l’appelant a reçu une sentence de 12 mois à l’issue de son procès pour « criminal trespass » relativement à cette introduction par effraction. D.A., page 91, Letter from the Attorney General’s Office, page 6. D.A., page 74, ROC, page 22, par. 42a)-42e). D.A., pages 126-132, décision de la Cour annexée au Summary of the case and submissions, page 130, par. 3. D.A., page 91, Letter from the Attorney General’s Office, page 6; D.A., pages 101-102, Summary of the case and submissions, pages 3-4. -6Mémoire de l’intimé 15. Les faits En 2010, les autorités de l’État du New Hampshire ont rouvert l’enquête sur les meurtres. En 2011, des éléments saisis sur la scène de crime ont été soumis à des tests d’ADN selon un procédé scientifique qui n’était pas disponible lors de l’enquête initiale. En avril 2011, le laboratoire judiciaire du FBI a informé les autorités poursuivantes que : Les poils pubiens retrouvés dans l’appartement des victimes, notamment sur la main de l’une des victimes et sur des serviettes tachées de leur sang, de même que les cheveux retrouvés dans la poche de la veste de denim tachée du sang de l’une des victimes ont été soumis à des analyses appelées « mitochondrial DNA testing » (ci-après mtADN) par deux laboratoires différents. La conclusion des experts est à l’effet que la séquence de mtADN de ces poils et cheveux correspond à celle de l’appelant et que cette séquence est rare, rendant « hautement improbable » qu’elle provienne de quelqu’un d’autre que l’appelant ou un membre de sa famille du côté maternel23. L’un des poils pubiens retrouvés sur la scène de crime avait par ailleurs une racine permettant une analyse d’ADN plus poussée appelée « PCR-STR nuclear DNA testing » (ci-après ADN nucléaire). Cet échantillon fut envoyé à un troisième laboratoire. Les autorités américaines résument la preuve d’expert à l’égard du profil ADN nucléaire de l’échantillon en question de la façon suivante : She determined that to a reasonable degree of scientific certainty and excluding an identical twin, David Caplin was the source of the DNA from hair labeled ACS-2. Et ajoutent : Detective Frank Bourgeois is expected to testify that he determined that David Caplin did not have an identical twin.24 23 24 D.A. pages 77 et 78, ROC, pages 25 et 26, par. 42 m), 42 n) et 43. D.A. p. 76, ROC, page 24, par. 42 l). -7Mémoire de l’intimé 16. Les faits L’expert médico-légal du FBI est par ailleurs disposé à témoigner que la différence entre les poils pubiens ayant leur extrémité taillée au ciseau qui ont été trouvés sur la scène du crime et les poils pubiens de l’échantillon fourni par l’appelant peut simplement s’expliquer du fait que l’échantillon aurait été prélevé sur une région du pubis où l’appelant n’avait pas taillé ses poils25. 17. La Nashua Police Department a également obtenu des déclarations d’un certain nombre de témoins qui ont fourni des renseignements supplémentaires qui n’étaient pas disponibles lors de la mise en accusation initiale de l’appelant et de M. Barnaby26 : Richard Barnaby, le cousin de M. Barnaby, qui habitait avec l’appelant et M. Barnaby au moment des meurtres, est prêt à témoigner qu’il a rencontré l’appelant Caplin en 2010. À ce moment, l’appelant avait un couteau de cuisine dans ses pantalons et lui a indiqué que le couteau était destiné à celui qui l’importunerait et qu’il ferait à cette personne ce qu’il a fait aux deux femmes27. Frank Metallic est prêt à témoigner que M. Barnaby lui aurait dit qu’il s’était rendu à l’appartement des victimes avec l’appelant la nuit des meurtres et que l’appelant aurait frappé Mme Ranstrom dans le visage avec la planche de bois et aurait par la suite, poignardé les deux victimes. De plus, M. Barnaby lui aurait indiqué que l’appelant Caplin aurait enlevé sa veste en denim et avait cherché de l’argent dans l’appartement des victimes28. M. Metallic ne coopérait pas à l’époque de l’enquête initiale dans la mesure où il n’était pas disposé à retourner au New Hampshire pour témoigner, mais il est maintenant prêt à aller témoigner contre l’appelant et contre M. Barnaby29. 25 26 27 28 29 D.A. p. 75, ROC, page 23, par. 42 h). D.A., pages 102, 105-106, Summary of the case and submissions, pages 4, 7-8. D.A., page 83, ROC, page 31, par. 49. D.A., pages 82-83, ROC, pages 30-31, par. 46. D.A., page 94, Letter from the Attorney General’s office, page 9. Voir aussi: D.A., page 105, Summary of the case and submissions, page 7. -8Mémoire de l’intimé Les faits Le détective Bourgeois de la police de Nashua a parlé avec M. Barnaby à Montréal, le 27 octobre 2010. M. Barnaby lui aurait dit que ni lui ni l’appelant ne seraient allés à l’appartement des victimes. Le 5 novembre 2010, M. Barnaby aurait rappelé M. Bourgeois pour lui dire qu’il avait vu l’appelant sortir de l’appartement des victimes la nuit des meurtres, que l’appelant portait une veste de denim et que l’appelant avait caché la veste de denim dans le sofa de l’appartement de M. Barnaby30. Duane Baron, qui était agent des services correctionnels, est prêt à témoigner qu’en 1989, M. Barnaby l’a menacé de mort en lui disant : « I’m gonna kill you like I did those two bitches»31. M. Baron n’avait pas rapporté ces menaces à l’époque parce qu’il croyait que M. Barnaby avait déjà été condamné pour les meurtres. Ce n’est que lorsqu’il a appris que les accusations contre M. Barnaby avaient été abandonnées qu’il a réalisé l’importance de cette information et l’a rapportée à la police32. Melissa Metallic a fait une déclaration aux policiers de Nashua le 24 octobre 2010. Elle a déclaré qu’une semaine ou deux avant les meurtres, alors qu’elle était avec son ami de cœur de l’époque, Dion Methot, M. Barnaby leur avait dit qu’il allait tuer deux lesbiennes à Nashua qui habitaient au-dessus de chez lui et les découper à l’aide d’une tronçonneuse. La semaine suivante, elle a appris que les deux femmes avaient été tuées. Elle n’a pas donné cette information aux policiers à l’époque, car l’appelant et M. Barnaby étaient déjà incarcérés et elle croyait que les policiers détenaient suffisamment d’informations. Suite à cette déclaration, les policiers ont rencontré Dion Methot qui corrobore cette déclaration. Ils sont prêts à témoigner de ces faits au procès33. 30 31 32 33 D.A., pages 83-84, ROC, pages 31-32, par. 50. D.A., page 82, ROC, page 30, par. 45. D.A., page 105, Summary of the case and submissions, page 7. D.A., page 83, ROC, page 31, par. 47-48;D.A., pages 93-94, Letter from the Attorney General’s office, pages 8-9. -9Mémoire de l’intimé 18. Les faits Par conséquent, les autorités du New Hampshire ont obtenu de nouveaux mandats d’arrestation à l’endroit de l’appelant pour meurtres au premier et au deuxième degré34. C. 19. L’audition d’extradition Le 13 septembre 2011, à l’issue de leur audition d’extradition, l’appelant et M. Barnaby ont été incarcérés relativement à l’infraction canadienne de meurtre. 20. L’honorable juge Zigman a conclu que « there is some evidence, that is available for trial and not manifestly unreliable, on every essential element of the parallel Canadian crime, upon which a jury properly instructed, could convict »35. 21. D. 22. Ils n’ont pas porté cette décision en appel. La décision du ministre Le 18 décembre 2011, l’appelant a présenté des observations au ministre. Plus particulièrement, il alléguait que le ministre devait refuser son extradition au motif qu’elle constituerait un abus de procédure compte tenu du délai de plus de 20 ans écoulé depuis les crimes reprochés. Il a prétendu aussi que la nouvelle preuve invoquée par les autorités américaines était non concluante à son égard. 23. Le 28 mars 2012, après avoir soigneusement considéré les représentations de l’appelant, le ministre ordonnait son extradition, ainsi que celle de M. Barnaby, sur les accusations américaines de meurtre au premier et au deuxième degré. Relativement à l’appelant, le ministre a noté que dans l’état du New Hampshire, le poursuivant a l’autorité de retirer 34 35 D.A., pages 114-117. Décision du juge Zigman. United States of America v. Caplin, 2011 QCCS 4802, Dossier de l’intimé, pages 2-3, par. 5, faisant siens les propos de la Cour d’appel de l’Ontario dans United States of America c. Thomlison, [2007] O.J. No. 246 (C.A.Ont.), Recueil de sources de l’intimé, onglet 33, par. 47-49 (Nous soulignons). - 10 Mémoire de l’intimé Les faits les accusations contre un accusé comme il l’a fait à l’égard de l’appelant en 1991, sans préjudice à la possibilité de subséquemment déposer de nouvelles accusations. Il a également noté que dans l’état du New Hampshire, il n’y a pas de prescription pour le crime de meurtre. Le ministre a noté que le poursuivant avait certifié que de nouvelles preuves d’ADN et de nouvelles preuves testimoniales étaient disponibles pour le procès de l’appelant. Il a considéré les arguments de l’appelant concernant le délai écoulé depuis les crimes allégués et a estimé que le préjudice que cela pourrait occasionner sur l’équité du procès pourra être examiné par les tribunaux du New Hampshire : I am therefore satisfied that the passage of time between the commission of the alleged offences charged and the request for Mr. Caplin's extradition does not amount to a situation where surrender would condone an abuse, or be "simply unacceptable" (United States of America v. Allard, [1987] 1 S.C.R. 564). In my view, it would not be an abuse of process and thereby a breach of section 7 of the Charter to surrender Mr. Caplin to the United States in all of the circumstances of this case.36 E. 24. La décision de la Cour d’appel du Québec L’appelant a soutenu devant la Cour d’appel du Québec, comme il le fait devant cette Cour, que son extradition plus de vingt ans après la commission des crimes reprochés constitue un abus de procédures. Il a, dans ce contexte, tenté de contester la fiabilité et la force probante de la nouvelle preuve invoquée par les autorités américaines. 25. La Cour d’appel du Québec a confirmé l’arrêté d’extradition émis à l’égard de l’appelant. Elle conclut qu’il n’y avait pas de motifs justifiant son intervention à l’égard de la décision du ministre concernant l'appelant puisque ce dernier n’avait fait l’objet d’aucun procès antérieur, contrairement à M. Barnaby37. 36 37 D.A. page 9, Décision du ministre, page 7. D.A. page 17, Décision de la Cour d’appel, page 3, par. 16. - 11 Mémoire de l’intimé La question en litige PARTIE II – LA QUESTION EN LITIGE 26. La question en litige dans ce dossier peut être formulée comme suit : la Cour d’appel du Québec a-t-elle erré en concluant que la décision du ministre ordonnant l’extradition de l’appelant est raisonnable? 27. L’intimé soumet que la Cour d’appel du Québec n’a pas erré, et que la décision du ministre est raisonnable et devrait être maintenue. ---------- - 12 L’argumentation Mémoire de l’intimé PARTIE III – L’ARGUMENTATION A. La norme de révision applicable à la décision du ministre 28. La raisonnabilité est la norme de contrôle appropriée pour évaluer la décision du ministre. Dans Lake, cette Cour a indiqué : Notre Cour a confirmé à maintes reprises que la déférence s’imposait à l’endroit de la décision du ministre de prendre ou non un arrêté d’extradition une fois le fugitif incarcéré. Elle doit aujourd’hui déterminer quelle norme de contrôle judiciaire s’applique à l’appréciation ministérielle des droits constitutionnels du fugitif. Cette norme demeure celle de la raisonnabilité, même lorsque le fugitif fait valoir que l’extradition porterait atteinte à ses droits constitutionnels. Il ressort de la jurisprudence de notre Cour que pour assurer le respect de la Charte dans le contexte d’une demande d’extradition, le ministre doit tenir compte de considérations opposées et possède à l’égard de bon nombre de celles-ci une plus grande expertise. L’affirmation selon laquelle les tribunaux n’interviendront que dans les cas exceptionnels où cela « s’impose réellement » traduit bien la portée du pouvoir discrétionnaire du ministre. La décision ne doit en effet être modifiée que si elle est déraisonnable (Schmidt) (voir l’analyse de la norme de la décision correcte et de la norme de la décision raisonnable dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, 2008 CSC 9)38. 29. La déférence envers les décisions du ministre en matière d’extradition est liée à la reconnaissance de l’intérêt considérable qu’a le Canada à l’égard de la répression du crime dans le cadre de la coopération internationale39. C’est généralement au ministre, et non à la Cour, d’évaluer le poids des facteurs qui militent pour et contre l’extradition40. 38 39 40 Lake c. Canada, [2008] 1 R.C.S. 761, Recueil de sources de l’intimé, onglet 13, par. 34. États-Unis d'Amérique c. Cotroni, [1989] 1 R.C.S. 1469, Recueil de sources de l’intimé, onglet 7, p. 1485, cité par la juge McLachlin (telle qu'elle était alors) dans Kindler c. Canada (Ministre de la Justice), [1991] 2 R.C.S. 779, Recueil de sources de l’intimé, onglet 12, p. 843-844; Libman c. The Queen, [1985] 2 R.C.S. 178, Recueil de sources de l’intimé, onglet 15, p. 214; Idziak c. Canada (Minister of Justice), [1992] 3 R.C.S. 631 Recueil de sources de l’intimé, onglet 10, p. 662. Canada (Justice) c. Fischbacher, [2009] 3 R.C.S. 170, Recueil de sources de l’intimé, onglet 2, par. 37; Lake, supra, Recueil de sources de l’intimé, onglet 13, par. 38-39; Németh c. Canada (Justice), [2010] 3 R.C.S. 281, Recueil de sources de l’intimé, onglet 18, par. 72. - 13 Mémoire de l’intimé 30. L’argumentation Il est généralement accepté que le ministre doit disposer d’une importante marge de manœuvre pour évaluer si une situation est « injuste ou tyrannique ». La personne qui fait l’objet de la demande d’extradition a le fardeau de démontrer que de telles circonstances existent41. Le résultat de la pondération effectuée par le ministre en vertu des articles 44(1)a) de la Loi sur l’extradition et 7 de la Charte afin de déterminer si l’extradition dans les circonstances « choquerait la conscience » doit faire l’objet de déférence. 31. Partant, la seule question qui se pose est de savoir si les délais encourus font en sorte que le ministre aurait dû refuser l’extradition au motif que celle-ci « choque la conscience » ou est simplement inacceptable42. B. Le critère applicable pour refuser l’extradition : l’extradition doit « choquer la conscience » 32. En général, les individus qui choisissent de quitter le Canada laissent derrière eux la Charte, la procédure et le droit canadien, et doivent accepter la procédure, le droit, et les peines locales que l’État étranger applique à ses propres résidents 43. Une personne qui est accusée d’avoir violé les lois d’un pays étranger dans sa juridiction ne peut, par conséquent, se plaindre d’être extradée vers ce pays pour y subir un procès en conformité avec ses procédures, et cela, même si elles peuvent différer des exigences spécifiques applicables aux procès au Canada44. 41 42 43 44 Ibid. États-Unis c. Allard, [1987] 1 R.C.S. 564, Recueil de sources de l’intimé, onglet 5, p. 572. États-Unis c. Burns, 2001 CSC 7, [2001] 1 R.C.S. 283, Recueil de sources de l’intimé, onglet 6, par. 72. Kindler c. Canada (Ministre de la Justice), [1991] 2 R.C.S. 779 Recueil de sources de l’intimé, onglet 12, p. 844-847; Canada c. Schmidt, [1987] 1 R.C.S. 500, Recueil de sources de l’intimé, onglet 4, p. 527. - 14 Mémoire de l’intimé 33. L’argumentation Nos tribunaux peuvent intervenir pour invalider un arrêté d’extradition uniquement dans les cas les plus exceptionnels, où l’extradition « choquerait la conscience ». Il s’agit d’un seuil très élevé. L’intervention est réservée aux cas où l’individu ferait face à des situations extrêmes à l’égard desquelles le système étranger n’est pas en mesure de le protéger, telle que la peine de mort45, un déni flagrant des principes en matière d’équité du procès46, la torture ou d’autres violations sérieuses des droits de l’homme47. 34. Compte tenu des relations diplomatiques qui sous-tendent l’extradition, la Charte, de même que les autres règles applicables dans le contexte de l’extradition doivent être interprétées à la lumière du principe de courtoisie et des obligations internationales du Canada, qui dictent un haut degré de déférence pour le système juridique de l’État requérant48. 35. La courtoisie commande que l’État requis intervienne de façon limitée dans la procédure d’extradition pour empêcher qu’elle ne devienne un procès sur le fond, que ce soit à la phase judiciaire ou exécutive de l’extradition49. 36. Cela implique entre autres que : (1) le ministre est généralement justifié de s’en remettre aux règles juridiques et constitutionnelles de l’État partenaire, et cela même si elles sont 45 46 47 48 49 Burns, supra, Recueil de sources de l’intimé, onglet 6, par. 65. Canada (Minister of Justice) v. Pacificador (2002), 60 O.R. (3d) 685 (C.A.), Recueil de sources de l’intimé, onglet 3, par. 44; Kindler, supra, Recueil de sources de l’intimé, onglet 12, p. 847. Suresh c. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3, Recueil de sources de l’intimé, onglet 28, par. 56; Schmidt, supra, Recueil de sources de l’intimé, onglet 4, p. 522; Burns, supra, Recueil de sources de l’intimé, onglet 6, par. 69. Voir par analogie McMaster c. United States, 9 F3d 47 (8th Circ. 1993), Recueil de sources de l’intimé, onglet 16, pages 3-4; In the Matter Of : Extradition of John Edward Burt to the Federal Republic of Germany,(1984) F.2d 1477 (U.S.C.A. 7th) Recueil de sources de l’intimé, onglet 11, p. 30. Schmidt, supra, Recueil de sources de l’intimé, onglet 4, p. 515-16, 518, 527; Argentine c. Mellino, [1987] 1 R.C.S. 536, Recueil de sources de l’intimé, onglet 1, p. 554-55; Allard, supra, Recueil de sources de l’intimé, onglet 5, p. 571; Kindler, supra, [1991] 2 R.C.S. 779, Recueil de sources de l’intimé, onglet 12, p. 844-45; R. c. Hape, [2007] 2 R.C.S. 292, Recueil de sources de l’intimé, onglet 22, par. 48; Burns, supra, Recueil de sources de l’intimé, onglet 6, par. 72. Fischbacher, supra, Recueil de sources de l’intimé, onglet 2, par. 52. - 15 Mémoire de l’intimé L’argumentation différentes des nôtres puisque la Charte et les règles canadiennes ne doivent pas avoir un effet extraterritorial relativement aux procédures judiciaires dans l’État requérant; et (2) le ministre est également généralement justifié de déférer aux cours criminelles de l’État requérant pour appliquer les règles de droit étrangères aux faits du dossier. 37. Cette Cour a confirmé le processus de pondération comme étant la méthode analytique appropriée pour déterminer si les circonstances dans un cas particulier sont telles que l’extradition « choquerait la conscience »50. Bien que nos conceptions de ce que constitue un procès criminel équitable soient pertinentes au processus d’extradition, elles sont nécessairement tempérées par d’autres considérations, telles que la gravité du crime pour lequel l’extradition est demandée et les protections qui seront disponibles pour l’individu dans l’État requérant. 38. L’analyse demeure généralement guidée par le principe de courtoisie et la bonne foi du Canada à honorer ses obligations internationales, la présomption voulant que la personne reçoive un procès équitable dans la juridiction étrangère, la réciprocité, et la préoccupation voulant que le Canada ne devienne pas un refuge pour les fugitifs51. 39. Ceci signifie que le ministre ne doit pas appliquer mutatis mutandis les principes constitutionnels applicables aux procès tenus au Canada, mais plutôt se demander si l’extradition d’un individu serait injuste compte tenu de l'état général de l'appareil gouvernemental et judiciaire de l’État requérant ou à cause d’un traitement oppressif qui lui serait réservé là-bas. 50 51 Burns, supra, Recueil de sources de l’intimé onglet 6, par. 32, 64-65, 67; Lake, supra, Recueil de sources de l’intimé, onglet 13, par. 32; voir aussi Fischbacher, supra, Recueil de sources de l’intimé, onglet 2, par. 38-39, concernant l’exercice de pondération au terme de l’art. 44(1)a de la Loi sur l’extradition. Kindler supra, Recueil de sources de l’intimé, onglet 12, p. 844; United States of America c. Anekwu, [2009] 3 R.C.S. 3, Recueil de sources de l’intimé, onglet 32, par. 27; Lake, supra, Recueil de sources de l’intimé, onglet 13, par. 39. - 16 Mémoire de l’intimé 40. L’argumentation Les facteurs à pondérer diffèrent selon le contexte et « le résultat peut très bien varier d’une affaire à l’autre »52. Compte tenu de son expertise et de son obligation de s’assurer que le Canada satisfait à ses engagements internationaux, le ministre est en meilleure position pour déterminer si les facteurs militent pour ou contre l’extradition. L’évaluation du ministre à savoir si l’extradition « choquerait la conscience » commande conséquemment la déférence judiciaire53. C. L'incidence des délais 41. En matière d’extradition, les délais ont une incidence très limitée. En effet, s’il fallait juger du temps mis par l’État requérant à compléter sa preuve dans le contexte d’un procès à l’étranger, il en résulterait une immixtion injustifiée dans les procédures étrangères. Selon cette Cour dans Mellino : « [S]i un tribunal canadien se chargeait de contrôler la conduite des fonctionnaires diplomatiques et du ministère public d’un État étranger, il me semble que cela entrerait fondamentalement en conflit avec le principe de courtoisie internationale sur lequel repose l’extradition »54. 42. La question dans le présent pourvoi n’est pas de savoir si les délais préinculpatoires constitueraient un abus de procédures si le procès devait avoir lieu au Canada. Cela dit, le Code criminel au Canada ne prévoit pas de prescription pour le crime de meurtre et aucune disposition de la Charte n’interdit d’accuser un individu du simple fait qu’un long délai s’est écoulé depuis les crimes reprochés. 43. Au Canada, l’impact du délai préinculpatoire peut faire intervenir le droit à une défense pleine et entière au procès en vertu de l’article 7 et du paragraphe 11d) de la Charte55. 52 53 54 55 Burns, supra, Recueil de sources de l’intimé, onglet 6, par. 65. Lake, supra, Recueil de sources de l’intimé, onglet 13, par. 34. Mellino, supra, Recueil de sources de l’intimé, onglet 1, p. 551. R. c. Kalanj, [1989] 1 R.C.S. 1594, Recueil de sources de l’intimé, onglet 23, p. 1610; R. c. L. (W.K.), [1991] 1 R.C.S. 1091, Recueil de sources de l’intimé, onglet 25, p. 1100. - 17 Mémoire de l’intimé 44. L’argumentation Dans le contexte canadien, pour obtenir un arrêt des procédures sur la base des délais préinculpatoires, l’accusé doit démontrer un préjudice réel selon la balance des probabilités. Il doit démontrer que dans les faits, le délai a nui à son droit à une défense pleine et entière. Un simple risque de préjudice ne suffit pas56. 45. Autrement dit, bien que l’article 7 et le paragraphe 11d) de la Charte garantissent notamment le droit de l’inculpé à un procès équitable, la Charte ne met pas un accusé à l’abri des poursuites simplement en raison d’un délai écoulé entre l’infraction et la mise en accusation : Mettre fin aux procédures simplement en raison du temps écoulé équivaudrait à imposer une prescription de création judiciaire à l’égard d’une infraction criminelle. Au Canada, sauf dans de rares circonstances, il n’existe pas de prescription en matière criminelle.57 46. L’équité du procès n’est pas automatiquement compromise « même par un long délai » préinculpatoire : il faut plutôt analyser l’effet du délai sur l’équité du procès, et tenir compte du fait qu’un délai peut aussi jouer en faveur de l’accusé58. 47. Par exemple, dans l’affaire Finta, cette Cour a décidé qu’un délai de 45 ans entre le crime allégué et le procès, en l’occurrence pour crimes de guerre, ne portait pas nécessairement atteinte à la Charte, et que le juge du procès serait mieux placé pour évaluer cette question après avoir entendu toute la preuve : Il soutient que, puisque 45 ans se sont écoulés entre le moment où les actes donnant naissance aux accusations ont été commis et la date du procès, il ne peut que subir un préjudice. À mon avis toutefois, le juge en chef adjoint Callaghan a à juste titre décidé qu'après avoir entendu 56 57 58 R. c. MacIntosh, 2011 NSCA 111, Recueil de sources de l’intimé, onglet 27, aux par. 8, 9, 13 à 27 et 101, confirmé en appel, 2013 CSC 23; Lepage c. La Reine, 2008 QCCA 105, Recueil de sources de l’intimé, onglet 14, par. 21 (demande d’autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée le 5 juin 2008 (no 32522) ; R. c. Lee Valley Tools Ltd., 2009 ONCA 387, Recueil de sources de l’intimé, onglet 27, par. 27. R. c. L. (W.K.), supra, Recueil de sources de l’intimé, onglet 25, p. 1100. Ibid. - 18 Mémoire de l’intimé L’argumentation l'ensemble de la preuve, le juge du procès serait le mieux placé pour décider si une réparation fondée sur le par. 24(1) de la Charte était possible....59 48. Ainsi, même si une situation similaire à celle de l’appelant se produisait lors d’un procès tenu au Canada, il est loin d’être établi que la situation justifierait un arrêt des procédures. De plus, il appartiendrait au juge de procès d’examiner la situation à la lumière de l’ensemble de la preuve et de décider si un arrêt des procédures est justifié. 49. De toute façon, les procédures d’extradition ne portent pas sur ces questions60. Les tribunaux étrangers souhaitant faire subir un procès à un individu plus de vingt ans après les faits allégués devraient être ceux qui déterminent s’il serait équitable de procéder, en fonction du droit applicable dans cet état. Les facteurs qui militent pour ou contre la tenue d’un tel procès doivent être évalués par les tribunaux dans la juridiction étrangère. Il y a des raisons pratiques et de politique générale pour déférer aux tribunaux de l’état où les témoins et la preuve sont situés. Aux fins de déterminer si un procès plus de vingt ans après les crimes allégués violerait l’équité du procès, les autorités canadiennes ne disposent pas de l’ensemble des faits et de la preuve qui seront présentés devant les tribunaux étrangers. La cour dans la juridiction étrangère est ainsi mieux placée pour évaluer si le délai écoulé peut avoir un impact inacceptable sur l’équité du procès61. 59 60 61 R. c. Finta, [1994] 1 R.C.S. 701, Recueil de sources de l’intimé, onglet 20, p. 874. Voir également R. c. Lepage, supra, Recueil de sources de l’intimé, onglet 14, par. 20-29 (déclaration de culpabilité pour meurtre et tentative de meurtre survenue 24 ans après les faits allégués - arrêt des procédures refusé), R. c. Greene, [1993] O.J. No. 2777 (On. C.J.) Recueil de sources de l’intimé, onglet 21, (requête préliminaire déférée au juge du procès), R. c. Lasik, [1999] N.J. No. 203 (Nfld T.D.) Recueil de sources de l’intimé, onglet 24, déclaration de culpabilité pour agression sexuelle 42 à 45 ans après les faits allégués, requête fondée sur l’article 7 de la Charte pour délais préincuplatoires rejetée par le juge du procès après avoir entendu toute la preuve au procès, R. c. Barry, [1998] N.J. No. 187 (Nfld T.D.) Recueil de sources de l’intimé, onglet 19, déclaration de culpabilité pour agression sexuelle 44 ans après les faits allégués, requête en arrêt des procédures rejetée. Mellino, supra, Recueil de sources de l’intimé, onglet 1, p. 558; Allard, supra, Recueil de sources de l’intimé, onglet 5, p. 572; États-Unis d'Amérique c. Kwok, [2001] 1 R.C.S. 532, Recueil de sources de l’intimé, onglet 9, par. 99. Allard, supra, Recueil de sources de l’intimé, onglet 5, p. 572. Voir également par analogie, McMaster c. United States, supra, Recueil de sources de l’intimé, onglet 16, p. 4. - 19 Mémoire de l’intimé 50. L’argumentation En l’espèce, l’extradition vingt-six ans après les crimes reprochés ne violerait pas les principes de justice fondamentale et ne choquerait pas la conscience. La gravité du crime concerné (un double meurtre), l’importance pour le Canada de remplir ses obligations internationales, le principe de courtoisie et les protections judiciaires disponibles aux États-Unis, militent en faveur de l’extradition de l’appelant. 51. Ainsi, de façon similaire à notre analyse des délais préinculpatoires en vertu de la Charte, les délais préinculpatoires aux États-Unis sont analysés, sous la « due process clause » au Cinquième Amendement de la Constitution américaine62. Il s’agit du pendant de la protection accordée par les articles 7 et 11d) de la Charte concernant le droit à une défense pleine et entière et à un procès équitable. Un individu peut ainsi invoquer le préjudice qui résulterait de ce délai pour sa défense devant les tribunaux américains à l’encontre de l’accusation criminelle63. Une analyse de l’ensemble des circonstances doit être effectuée, incluant le préjudice réel résultant du délai et le comportement de la poursuite64. La longueur du délai ne serait pas déterminante à elle seule65. 52. Contrairement à ce que soumet l’appelant, l’évaluation des droits de l’accusé dans ce contexte doit être laissée aux tribunaux du New Hampshire en fonction du droit qui y est applicable et de son évaluation de la preuve. 62 63 64 65 U.S. c. MacDonald, 456 U.S. 1 (1982), Recueil de sources de l’intimé, onglet 31, p. 7. U.S. c. Lovasco, (1977) 431 U.S. 783, Recueil de sources de l’intimé, onglet 30, p. 788-789. Lovasco, supra, Recueil de sources de l’intimé, onglet 30, p. 788-796. Voir par exemple Michigan c. McGuire, 2006 Mich. App. Lexis 2308, Recueil de sources de l’intimé, onglet 17 (Court of Appeal of Michigan), demande d’autorisation d’appel rejetée à 477 Mich 978 (Supreme Court of Michigan) : procès tenu 35 ans après les faits allégués sur la base d’une preuve d’ADN non disponible à l’origine. - 20 Mémoire de l’intimé L’argumentation D. La conduite du poursuivant américain 53. Le ministre a conclu que le poursuivant américain a agi avec célérité pour demander son extradition lorsqu’il a eu connaissance de la preuve nouvelle contre l’appelant 66. L’appelant ne remet pas en cause cette conclusion. 54. L’appelant remet cependant en cause la conduite du poursuivant lorsqu’il a déposé le nolle prosequi contre lui en 1991. Il laisse entendre qu’il s’agirait d’une tactique de la poursuite pour « contrecarrer » une décision du tribunal qui avait ordonné un « stay of proceedings »67. Or, il appert que le New Hampshire Supreme Court avait ordonné un « stay of procedings » interlocutoire simplement afin que l’affaire ne procède pas pendant l’appel relativement à la question préliminaire de l’admissibilité (i) de l’expertise visuelle et microscopique des poils pubiens retrouvés sur la scène de crime et (ii) du témoignage de l’appelant au procès de son coaccusé Barnaby. Il ne s’agissait nullement d’un arrêt définitif des procédures ordonné par la Cour. C’est lorsque l’exclusion de la preuve a été confirmée en appel que le poursuivant a pris l’initiative de déposer un nolle prosequi68. 55. Il n’y a donc eu en apparence aucune tentative de « contrecarrer » une décision du tribunal. Selon toute apparence, le poursuivant a déposé le nolle prosequi simplement parce qu’il considérait son dossier insuffisant à l’époque suite à l’exclusion de la preuve. 56. Au New Hampshire, tout comme au Canada69, la poursuite peut déposer un nolle prosequi et arrêter les procédures contre un individu, sans préjudice à son droit de 66 67 68 69 D.A., page 9, Décision du ministre, page 6-8. Mémoire de l’appelant, par. 22. D.A., page 5; Décision du ministre, page 3; D.A., page 110, Summary of the Case and Submissions, page 12. Article 579 du Code criminel (R.S.C., 1985, c. C-46). - 21 Mémoire de l’intimé L’argumentation déposer subséquemment de nouvelles accusations contre lui70. Par ailleurs, il n’y a pas de prescription pour le crime de meurtre dans l’état du New Hampshire71. 57. L’appelant pourra par ailleurs faire valoir tout reproche à l’encontre du dépôt du nolle prosequi dans son dossier devant les tribunaux du New Hampshire, tel que l’a souligné le ministre72. E. Le préjudice allégué : la disponibilité de la preuve et la preuve nouvelle 58. L’appelant prétend que les délais ayant précédé son arrestation en vue de son extradition constituent un abus de procédure. Il se plaint essentiellement du temps qu’a mis le partenaire d’extradition à l’inculper. Par ailleurs, il indique que des témoins susceptibles de témoigner au procès peuvent avoir pris leur retraite, sont décédés ou ont pu perdre la mémoire. Ces seules assertions ne sauraient établir les circonstances exceptionnelles requises pour faire du délai préinculpatoire un abus de procédures et un motif de refuser son extradition. 59. En effet, rien au dossier n’indique que les témoins à la retraite ne sont pas disponibles pour témoigner et que les autorités américaines ne peuvent pallier la mise en preuve de l’expertise du médecin légiste décédé qui a été contre-interrogé lors de l’un des procès du coaccusé Barnaby73. De plus, au-delà d’affirmations générales, il n’identifie aucun élément de preuve disculpatoire concret dont il sera privé, non plus qu’il n’identifie un témoin qui pourrait lui être utile, mais qui aurait perdu la mémoire. Bien plus, c’est la poursuite, qui assume le 70 71 72 73 D.A., page 8, Décision du ministre, page 6; D.A., page 110, Summary of the case and submissions, page 12. D.A. page 9; Décision du ministre, page 7; D.A., p. 110, Summary of the case and submissions, page 12. D.A., page 10, Décision du ministre, page 8. United States of America c.Turchin, 2007 QCCA, 136, Recueil de sources de l’intimé, onglet 29, par. 108, décision confirmant Turchin c. États-Unis d’Amérique [2004] Q.J. No. 10447 (C.S.Q), Recueil de sources de l’intimé, onglet 29, par. 45; Vallée c. États-Unis d'Amérique, 2006 QCCA 229, Recueil de sources de l’intimé, onglet 36, par. 40-41. - 22 Mémoire de l’intimé L’argumentation fardeau de présenter une preuve hors de tout doute raisonnable et qui risque de subir un préjudice en lien avec le délai.. Dans Turchin, une affaire citée par le ministre à l’appui de sa décision, où un délai de vingt ans s’était écoulé avant de présenter une demande d’extradition, la Cour d’appel du Québec notait qu’« il est certain que le facteur temps est ici un élément qui jouera sans doute en défaveur de la poursuite, la mémoire étant plus défaillante avec le passage du temps »74. 60. Par ailleurs, les États-Unis ont certifié que les éléments de preuves résumés dans le dossier d’extradition sont disponibles pour le procès de l’appelant, incluant de nouvelles preuves qui n’étaient pas disponibles à l’époque. Cette preuve inclut les résultats d’analyses d’ADN obtenus en 2011 selon des procédés scientifiques qui n’étaient pas disponibles lors de l’enquête initiale. Ceux-ci permettent de conclure que des poils pubiens trouvés sur la scène du crime et des cheveux trouvés dans une veste en denim tachée du sang d’une des victimes correspondent à l’ADN de l’appelant. La preuve inclut également des témoignages qui n’étaient pas disponibles à l’époque de l’enquête initiale. 61. Concernant la preuve de laboratoire, l’appelant laisse entendre que cette preuve avait déjà été exclue par les tribunaux du New Hampshire lors de la première tentative de l’inculper75. Or, ce qui avait été exclu était plutôt la preuve de l’expert Deedrick qui avait procédé à une analyse visuelle au microscope des poils pubiens trouvés sur la scène du crime en comparaison avec un échantillon des poils pubiens de l’appelant. L’expert ne pouvait former une opinion concluante qu’il s’agissait des poils pubiens de l’appelant76. 62. Ce qui avait été exclu lors de l’enquête d’origine n’était pas les poils pubiens comme tels, mais bien les résultats non concluants de l’expertise de M. Deedrick. Il ne s’agit donc aucunement d’une situation où les autorités américaines tenteraient d’utiliser une preuve 74 75 76 Turchin (CAQ), supra, Recueil de sources de l’intimé, onglet 29, par. 51. Voir aussi par analogie U.S. c. Lovasco, supra, Recueil de sources de l’intimé, onglet 30, p. 759 à 763. Mémoire de l’appelant, par. 38. D.A., page 130, Décision de la Cour annexée au Summary of the Case and Submissions, page 5. - 23 Mémoire de l’intimé L’argumentation qui a été antérieurement exclue par les tribunaux américains. Il n’y a ainsi rien qui « choque la conscience » dans le fait d’extrader l’appelant pour subir un procès en partie sur la base de cette preuve. 63. L’appelant tente par ailleurs de remettre en question la fiabilité de cette nouvelle preuve de laboratoire, ainsi que de la preuve testimoniale annoncée par les autorités américaines77. 64. Tel qu’exposé ci-haut dans la section des faits du présent mémoire, en sus de la preuve d’ADN, de nouvelles preuves testimoniales sont disponibles contre l’appelant et contre son coaccusé M. Barnaby. Certains de ces témoignages incriminent directement l’appelant. Les autres incriminent directement M. Barnaby, et tendent par le fait même à incriminer aussi l’appelant de façon incidente, compte tenu notamment des aveux de M. Barnaby qu’il aurait commis les meurtres avec l’appelant et de la preuve matérielle supportant la thèse selon laquelle le meurtre aurait été commis par deux personnes (deux bas tachés de sang et deux couteaux ayant été retrouvés)78. 65. La certification de la preuve prévue à l'al. 33(3)a) de la Loi crée une présomption de fiabilité à l'égard des éléments de preuve contenus dans le dossier d'extradition79. L’individu qui veut remettre en question la fiabilité de cette preuve et renverser cette présomption avant l’extradition doit le faire à l’étape judiciaire du processus en vertu du para. 29(1) de la Loi, et non pas à l’étape ministérielle80. Or, le juge d'extradition en l'espèce a conclu que « there is some evidence, that is available for trial and not manifestly unreliable, on every essential element of the parallel Canadian crime, upon 77 78 79 80 Mémoire de l’appelant, par. 38. D.A., pages 70-71, ROC, pages 18-19, par. 34-36. États-Unis d'Amérique c. Ferras; États-Unis d'Amérique c. Latty, [2006] 2 R.C.S. 77, Recueil de sources de l’intimé, onglet 8, par. 52. Ibid, Recueil de sources de l’intimé, onglet 8, par. 40-41. Voir aussi Vallée, supra, Recueil de sources de l’intimé, onglet 36, par. 92; United States of America c. Howard, [1995] O.J. No. 2276 (ONT CA), Recueil de sources de l’intimé, onglet 35, par. 4. - 24 Mémoire de l’intimé L’argumentation which a jury properly instructed, could convict »81. L'appelant n'a pas porté cette décision en appel. 66. Le rôle du ministre n’est pas de déterminer la culpabilité ou l’innocence à l’égard du crime pour lequel l’extradition est demandée. Il n’a pas à évaluer la force probante des éléments de preuve présentés au soutien de la demande82. 67. Du reste, il appartiendra aux tribunaux de l’état du New Hampshire d’évaluer en détail la recevabilité, la pertinence et la valeur probante de l’ensemble de la preuve à la lumière du droit applicable dans leur juridiction. Il n’appartient pas aux autorités canadiennes de s’y substituer83. 68. La décision du ministre de déférer aux tribunaux américains à cet égard est raisonnable et n’est pas de nature à « choquer la conscience »84. F. La décision du ministre est raisonnable 69. Dans sa décision, le ministre a noté que dans l’état du New Hampshire, le poursuivant a l’autorité de retirer les accusations contre un accusé comme cela fut fait à l’égard de l’appelant en 1991, sans préjudice à la possibilité de déposer de nouvelles accusations. Il a également noté que dans l’état du New Hampshire, il n’y a pas de prescription quant à l’infraction de meurtre. 81 82 83 84 Décision du juge Zigman. United States of America c. Caplin, 2011 QCCS 4802, Dossier de l’intimé, pages 2-3, par. 5, faisant siens les propos de la Cour d’appel de l’Ontario dans United States of America c. Thomlison, 216 C.C.C. (3d) 97, Recueil de sources de l’intimé, onglet 34, p. 116 (Nous soulignons). Turchin (CAQ), supra, Recueil de sources de l’intimé, onglet 29, par. 106. Turchin (CAQ), supra, Recueil de sources de l’intimé, onglet 29, par. 107. D.A., page 10, Décision du ministre, page 8. - 25 Mémoire de l’intimé 70. L’argumentation Le ministre a résumé la preuve originale au dossier supportant l’accusation de l’appelant pour le meurtre des deux victimes. Il a également fait référence à la nouvelle preuve annoncée par les autorités américaines contre l’appelant. Le ministre a considéré les arguments de l’appelant visant à remettre en question la nouvelle preuve contre lui, la conduite de la poursuite, et l’impact soi-disant préjudiciable du délai écoulé. Il a conclu que les arguments de l’appelant pourront être soulevés devant les tribunaux du New Hampshire, et que l’extradition dans les circonstances de l’espèce n’était pas de nature à « choquer la conscience ». 71. Le ministre a fait état de la décision Turchin85 où la Cour d’appel avait : “any impact which the 20 year delay could have on his ability to present a full answer and defence to the charge should be assessed by the Washington trial court”86. De la même façon, le ministre a conclu que les arguments de l’appelant pourront être plaidés devant les tribunaux du New Hampshire, qui sont bien placés pour les examiner87. 72. Ce raisonnement fait écho aux propos tenus par cette Cour dans l’arrêt Mellino : Nos tribunaux doivent tenir pour acquis que cette personne aura un procès équitable dans le pays étranger. En règle générale, les questions touchant le caractère équitable des procédures doivent y être tranchées par les tribunaux à l'étape du procès, de la même manière qu'elles le seraient si le procès avait lieu ici. Toute tentative de préjuger de telles questions, que ce soit par suite d'un retard ou pour d'autres raisons, entrerait directement en conflit avec les principes de courtoisie qui sont à la base de l'extradition. [Nos soulignements]88 85 86 87 88 Turchin, supra, Recueil de sources de l’intimé, onglet 29, par. 59. D.A., page 9, Décision du ministre, page 7. D.A., page 10, Décision du ministre, page 8. Mellino, supra, Recueil de sources de l’intimé, onglet 1, page 558; Fischbacher, supra, Recueil de sources de l’intimé, onglet 2, par. 52. - 26 Mémoire de l’intimé 73. L’argumentation De façon similaire, cette Cour l’indiquait dans l’arrêt Allard : [Y] a‑t‑il des témoins qui ne pourront comparaître en raison du délai, ainsi que d'autres circonstances qui militeraient pour ou contre la conclusion qu'il y a eu violation des principes de la justice fondamentale? [C]e sont des questions qui doivent être soulevées au procès aux États‑Unis. [Nos soulignements]89 74. Lorsqu’il est question d’extradition vers les États-Unis, qui ont un système judiciaire similaire au nôtre, il est pertinent que la personne puisse avoir accès à des remèdes comparables devant les cours américaines90. Cela rend d'autant plus clair dans la présente affaire que l’extradition de l’appelant n’est pas de nature à « choquer la conscience », et qu'il est approprié de laisser aux cours étrangères le soin d’évaluer les arguments qu’il soulève. 75. Ce n’est pas le rôle des tribunaux canadiens d’évaluer eux-mêmes les différents éléments et d’imposer leur propre évaluation. La Cour doit plutôt déterminer si la décision du ministère à l’effet que l’extradition dans les circonstances n’est pas de nature à « choquer la conscience » se situe parmi une gamme de décisions raisonnables. 76. L’appelant n’attaque pas la façon dont le ministre a appliqué les principes juridiques en matière d’extradition. L’appelant invite plutôt cette Cour à se substituer au ministre et ultimement aux tribunaux américains concernant la force probante de la preuve au dossier, la conduite de la poursuite, et l’impact du délai écoulé sur l’équité du procès. 77. La décision du ministre d’ordonner l’extradition de l’appelant est raisonnable. Elle ne choque pas la conscience et ne crée pas de situation qui serait simplement inacceptable pour l’appelant. Elle se situe à l’intérieur d’une gamme de solutions raisonnables. La Cour d’appel a eu raison de confirmer la décision du ministre d’extrader l’appelant. 89 90 Allard, supra, Recueil de sources de l’intimé, onglet 5, page 572. Schmidt, supra, Recueil de sources de l’intimé, onglet 4, p. 529; United States of America c. Jamieson, [1996] 1 R.C.S. 465, confirme United States of America c. Jamieson (1994), 93 C.C.C. (3d) 265 (Que. C.A.), Recueil de sources de l’intimé, onglet 33, par. 87. - 27 Mémoire de l’intimé Ordonnance demandée concernant les dépens PARTIE IV – ORDONNANCE DEMANDÉE CONCERNANT LES DÉPENS 78. L’intimé ne fait pas de représentations concernant les dépens. ---------- - 28 Mémoire de l’intimé Conclusion PARTIE V – CONCLUSION 79. L’intimé demande que l’appel soit rejeté. Montréal, le 4 décembre 2014 ______________________________ Me Ginette Gobeil Me Marc Ribeiro Ministère de la Justice (Canada) Procureurs de l’intimé - 29 Mémoire de l’intimé Table alphabétique des sources PARTIE VI – TABLE ALPHABÉTIQUE DES SOURCES ................. Paragraphe(s) Argentine c. Mellino, [1987] 1 R.C.S. 536 .......................34,41,49,72 Canada (Justice) v. Fischbacher, [2009] 3 R.C.S. 170 .......................29,35,37,72 Canada (Minister of Justice) v. Pacificador (2002), 60 O.R. (3d) 685 (C.A.) ......................................33 Canada c. Schmidt, [1987] 1 R.C.S. 500 .......................32,33,34,74 États-Unis c. Allard, [1987] 1 R.C.S. 564 .......................31,34,49,73 États-Unis c. Burns, 2001 CSC 7, [2001] 1 R.C.S. 283 ..................32,33,34,37,40 États-Unis d'Amérique c. Cotroni, [1989] 1 R.C.S. 1469 ......................................29 États-Unis d'Amérique c. Ferras; États-Unis d'Amérique c. Latty, [2006] 2 R.C.S. 77 ......................................65 Etats-Unis d'Amérique c. Kwok, [2001] 1 R.C.S. 532 ......................................49 États-Unis d'Amérique c. Shulman, [2001] 1 R.C.S. 616 ......................................67 Idziak c. Canada (Minister of Justice), [1992] 3 R.C.S. 631 ......................................29 In the Matter Of: Extradition of John Edward Burt to the Federal Republic of Germany, (1984) F.2d 1477 (U.S.C.A. 7th) ......................................33 Kindler c. Canada (Ministre de la Justice), [1991] 2 R.C.S. 779 ..................29,32,33,34,38 Lake c. Canada, [2008] 1 R.C.S. 761 ..................28,29,37,38,40 Lepage c. La Reine, 2008 QCCA 105, (demande d’autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée le 5 juin 2008 (no 32522) .................................44,47 Libman c. The Queen, [1985] 2 R.C.S. 178 ......................................29 McMaster c. United States, 9 F3d 47 (8th Circ. 1993) .................................33,49 Michigan c. McGuire, 2006 Mich. App. Lexis 2308 (Court of Appeal of Michigan), demande d’autorisation d’appel rejetée à 477 Mich 978 (Supreme Court of Michigan) ......................................51 Németh c. Canada (Justice), [2010] 3 R.C.S. 281 .................................29,30 - 30 Mémoire de l’intimé Table alphabétique des sources ................. Paragraphe(s) R. c. Barry, [1998] N.J. No. 187 (Nfld T.D.) ......................................47 R. c. Finta, [1994] 1 R.C.S. 701 ......................................47 R. c. Greene, [1993] O.J. No. 2777 (On. C.J.) ......................................47 R. c. Hape, [2007] 2 R.C.S. 292 ......................................34 R. c. Kalanj, [1989] 1 R.C.S. 1594 ......................................43 R. c. Lasik, [1999] N.J. No. 203 (Nfld T.D.) ......................................47 R. c. L. (W.K.), [1991] 1 R.C.S. 1091 ............................43,45,46 R. c. Lee Valley Tools Ltd., 2009 ONCA 387 ......................................44 R. c. MacIntosh, 2011 NSCA 111, confirmé en appel, 2013 CSC 23 ......................................44 Suresh c. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3 ......................................33 Turchin c. États-Unis d’Amérique [2004] Q.J. No. 10447 (C.S.Q), AZ-50273992; appel rejeté 2007 QCCA 136 .......................59,66,67,71 U.S. c. Lovasco, (1977) 431 U.S. 783 .................................51,59 U.S. c. MacDonald, 456 U.S. 1 (1982) ......................................51 United States of America c. Anekwu, [2009] 3 R.C.S. 3 ......................................38 United States of America c. Jamieson, [1996] 1 R.C.S. 465, confirme United States of America c. Jamieson (1994), 93 C.C.C. (3d) 265 (Que. C.A.) ......................................74 United States of America et al. c. Thomlison, 216 C.C.C. (3d) 97 .................................20,65 United States of America c. Howard, [1995] O.J. No. 2276 (ONT CA) ......................................65 Vallée c. États-Unis d'Amérique, 2006 QCCA 229 ......................................59 ________________