Santé et prévoyance : après l`ANI, où en est-on
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Santé et prévoyance : après l`ANI, où en est-on
ASSURANCES DE PERSONNES Santé et prévoyance : après l’ANI, où en est-on ? N’en jetez plus ! Sur près d’un an, le paysage de la complémentaire santé a été redessiné en profondeur par plusieurs réformes : fin des clauses de désignation, loi ANI, nouveaux contrats responsables, labellisation des contrats ACS et, bientôt, labellisation des contrats pour les 65 ans et plus… Comment le marché absorbe-t-il ces changements ? Et si la prévoyance était la grande oubliée ? P rès de trois mois après l’entrée en application de la généralisation de la complémentaire santé en entreprise, on peut tirer un premier bilan des réponses apportées par les employeurs à cette nouvelle obligation. La loi ANI a été un appel d’air pour les grands opérateurs de la place et leur a permis de renforcer leur position en santé. De grandes entreprises dont l’effectif comportait une proportion élevée de non cadres avaient fait le choix de ne pas couvrir ces catégories en santé. La loi ANI leur 34 34 a imposé de les doter d’une complémentaire. Une minorité de PME n’avait pas pourvu leurs salariés de garanties santé et ont dû mettre en place un contrat collectif. Quant aux TPE dont le taux d’équipement était faible, si la plupart d’entre elles ont tardé à répondre à l’obligation d’équiper leurs salariés, les souscriptions de contrats santé ont été massives à partir de la fin 2015 et au début de l’année 2016. Pour les seules TPE, le coût supplémentaire à acquitter en termes de cotisations obligatoires est évalué à un milliard d’euros. la Revue du Courtage n° 922 - avril 2016 ASSURANCES DE PERSONNES Ce qu’il faut retenir e e Les cas de dispense d’adhésion aux complémentaires santé ANI sont plus élevés qu’attendu. Sur ce point, les textes juridiques ont été publiés au dernier moment et manquaient de clarté. e e Entre les cols bleus et les cols blancs, c’est la première catégorie qui est la plus encline à opter pour une surcomplémentaire ; e e En vigueur depuis le début de l’année, la protection universelle maladie a décorrélé droits à l’assurance et durée de travail minimale ; Contrairement aux attentes, ce sont les catégories socioprofessionnelles à faibles revenus qui sont plus enclines à opter pour une surcomplémentaire car une dépense imprévue en dentaire ou en optique, ou des dépassements d’honoraires importants, peuvent poser des problèmes financiers là où les catégories ayant des revenus supérieurs ont la possibilité de faire appel à l’auto-assurance. “ Les cols bleus veulent se prémunir contre la volatilité des dépenses de santé car ils ne veulent pas prendre de risques financiers, estime Vincent Harel, Directeur adjoint Santé et Prévoyance de Mercer. C’est pourquoi ce sont ces catégories qui se tournent le plus vers le renforcement des garanties. C’est toutà-fait paradoxal ”. Par ailleurs, lorsqu’elles avaient été mises en place, les clauses de recommandation instaurées dans les branches ont été plus ou moins suivies. Si le régime proposé par la branche était avantageux pour les salariés, les entreprises ont eu tendance à l’adopter mais ça n’a pas été toujours le cas. Entre juin 2013 (mois où la loi ANI a été publiée) et la fin de l’année 2015, environ 60 accords de branche ont été signés en vue d’instaurer une couverture de frais de santé. e e La labellisation des contrats des 65 ans et plus risque d’entraîner les prix vers le bas et de peser sur les résultats techniques des portefeuilles santé à terme ; e e N’ayant pas pris conscience de la nouvelle existence légale de maximas dans le remboursement par les complémentaires, les assurés manifestent du mécontentement auprès de leur organisme alors que celui-ci n’a fait qu’appliquer la loi ; e e On constate une dérive des arrêts de travail depuis 2014. zzDispenses d’adhésion à tout va Paru au Journal officiel du 30 décembre 2015, soit à la veille de l’entrée en vigueur de la généralisation de la complémentaire santé en entreprise, un décret est venu préciser les nouveaux cas de dispenses d’adhésion à la couverture ANI. Les spécialistes de l’assurance santé ont relevé des incohérences dans les textes, malgré une circulaire de la Direction de la Sécurité sociale destinée à apporter des éclaircissements à ce sujet et publiée au même moment mais qui a renforcé la confusion. D’où des difficultés pour les entreprises à se mettre en conformité avec la loi. “ Lors de la mise en place d’un régime santé dans une entreprise, nous enregistrons souvent plus de 60 % de dispenses ”, estime Vincent Harel. Parmi les cas de dispenses, un salarié présent dans l’entreprise avant le 1 er janvier 2016 peut faire le choix de ne pas s’affilier au régime santé si la couverture a été mise en place par décision unilatérale de l’employeur (DUE), comme stipulé dans l’article 11 de la loi Evin. Nombreux sont “ Parce que la mutualisation sera moins importante, les tarifs vont être revus à la hausse pour ceux qui continueront à participer au régime. ” Vincent Harel, directeur adjoint Santé et Prévoyance, Mercer la Revue du Courtage n° 922 - avril 2016 35 ASSURANCES DE PERSONNES “ L’assuré est perdu dans la jungle des nouvelles garanties créées par la mise en conformité à la réglementation responsable. ” Guillaume Pleynet-Jésus, directeur adjoint Collectives, Groupama Gan Vie et Gan Eurocourtage les collaborateurs qui ont invoqué les DUE pour ne pas être assurés par l’entreprise. “ Les dispenses vont prendre de l’ampleur car il est vraisemblable qu’une large proportion de salariés peu consommateurs de soins et de biens médicaux prennent cette option. Inéluctablement, les tarifs vont augmenter pour les autres puisque la consommation moyenne d’un assuré va être plus élevée ”, extrapole Vincent Harel. De plus, compte tenu de l’instabilité réglementaire, les entreprises vont être tentées, selon lui, de réduire le niveau de couverture de leurs salariés. Guillaume Pleynet-Jésus, Directeur adjoint Col lectives Groupama Gan Vie et Gan Eurocourtage, enregistre un taux moyen de dispenses d’adhésions aux contrats santé ANI d’environ 20 % et constate que la quasi-totalité des contrats mis en place l’a été par DUE sur le segment des TPE. Pour rappel, avec la généralisation de la complémentaire santé, les employeurs peuvent choisir d’assurer ou non les salariés à temps par tiel si la cotisation représente au moins 10 % du salaire ; les collaborateurs en contrats à durée déterminée de moins d’un an ou ceux de plus d’un an ayant souscrit une complémentaire santé individuelle. Cependant, il est trop tôt pour déterminer une tendance générale à ce sujet. De plus, parce qu’ils ont été plus nombreux qu’initialement prévu, les cas de dispenses d’adhésion ont soulevé des difficultés aux organismes complémentaires d’assurance maladie et à leurs distributeurs. 36 36 “ Les conditions financières indiquées aux entreprises par les assureurs avant l’ouverture du régime s’en sont trouvées modifiées dans la mesure où les effectifs ont été plus réduits qu’indiqué au départ. Ce qui peut poser un problème d’équilibre technique dans certains cas ”, pointe Guillaume Pleynet-Jésus. Une autre explication au nombre élevé de dispenses d’adhésion tient aussi à ce que des chefs d’entreprise ont considéré l’ANI comme une contrainte et n’en ont pas fait la publicité auprès de leurs salariés, se cantonnant à leur indiquer qu’il leur était possible de souscrire une assurance santé via l’entreprise, sans le présenter comme un avantage. “ Le taux élevé de dispenses n’est pas surprenant parce qu’en cas de non respect de cette obligation, il n’y a pas de sanction prévue par la loi, ni pour l’entreprise, ni pour le salarié. De plus, comme les cas de dispenses sont nombreux et complexes, ils ouvrent le champ d’une liberté d’interprétation ”, note Pascal Compet, Directeur associé Assurance et Protection sociale au sein du cabinet conseil Weave. la Revue du Courtage n° 922 - avril 2016 ASSURANCES DE PERSONNES zzPUMA de France À cela vient s’ajouter une difficulté supplémentaire : la protection universelle maladie (PUMA) est entrée en application le 1er janvier 2016. Si, jusqu’à cette date, il fallait remplir certaines conditions pour bénéficier de la prise en charge des frais de santé par l’Assurance maladie (ouverture des droits d’un salarié conditionnée par une durée de travail minimale de 400 heures par an, maintien des droits d’un chômeur selon certains critères, demande d’ouverture des droits pour la Couverture médicale universelle…), toute personne qui travaille ou réside en France de manière stable et régulière a désormais droit à la prise en charge de ses frais de santé à titre personnel et de manière continue. Au-delà d’une simplification administrative, cette réforme permet aux assurés de conserver leur régime d’assurance maladie en cas de perte d’activité ou de changement de situation personnelle, évitant les périodes de rupture. Mais “ la mise en place de la protection universelle maladie va probablement accélérer une sortie des ayant-droits qui bénéficient des régimes de frais de santé obligatoires des entreprises, notamment les conjoints n’exerçant pas d’activité professionnelle du fait de la disparition de la notion de conjoint à charge. Parce que la mutualisation sera moins importante, les tarifs vont être revus à la hausse pour ceux qui continueront à participer au régime ”, souligne Vincent Harel. les mutuelles 45 et les institutions de prévoyance. Cette direction permet aussi de répondre aux besoins des entités du groupe. “ Des mutuelles cherchant à mettre en place un contrat collectif santé pour des entreprises ‘grands comptes’ ont besoin d’être accompagnées au plan technique. De plus, nous leur apportons la surface financière et la notoriété du groupe. Si des réassureurs étaient déjà présents sur le marché de la santé et de la prévoyance, nous avons considéré qu’il y avait une place à prendre. Le succès rencontré par cette entité vient l’attester ”, explique Didier Bazzocchi, Directeur général santé et prévoyance de Covéa. De grands courtiers en assurance ou en réassurance se tournent aussi vers cette nouvelle entité de Covéa pour des régimes ou des programmes ayant un assureur tenant. Chez Covéa, si l’on ne donne pas à ce jour de chiffres quant à la proportion de salariés ayant rejoint les portefeuilles collectifs de la Maaf et de MMA, la montée en charge de l’équipement en couvertures santé s’est fait sentir à partir de décembre et elle s’est poursuivie en janvier et février. Il y a un an, Covéa s’est doté d’une direction d’acceptation en réassurance santé et prévoyance ciblant “ La labellisation des contrats des retraités va vraisemblablement avoir pour conséquence une baisse des prix. ” Pascal Compet, directeur associé Assurances et Protection sociale, Weave la Revue du Courtage n° 922 - avril 2016 37 ASSURANCES DE PERSONNES zzAccélération De son côté, Groupama Gan a enregistré une nette accélération du mouvement des entreprises vers les couvertures santé à partir de septembre et le nombre de souscriptions s’est considérablement accru fin novembre-début décembre, ce qui a permis à l’assureur de capter plus de 50 000 nouvelles entreprises clientes, tous réseaux confondus. Motivé par les retardataires, le mouvement des entreprises vers les contrats ANI s’est poursuivi en janvier et février et n’a commencé à décélérer qu’au début du mois de mars. “ Du fait de l’ouverture d’un nombre important de contrats à la même période, leur mise en gestion avec, entre autres, l’émission des cartes de tiers-payant, a été très intense ”, relate Guillaume Pleynet-Jésus. Parmi les nouvelles entreprises clientes ayant souscrit une offre ANI auprès de Groupama Gan, plus de 60 % ont opté pour une formule supérieure au panier de soins déterminé par la loi. Plus les entreprises ont tardé à remplir cette obligation, plus elles se sont cantonnées à remplir les contraintes réglementaires avec la couverture minimale. Autre observation : lorsque l’entreprise avait souscrit une complémentaire limitée aux garanties minimales ou légèrement supérieure, la moitié des salariés ont opté pour une surcomplémentaire. À l’inverse, lorsque leur employeur a proposé une assurance santé plus “ couvrante ”, ils n’ont pas souscrit ces renforts de garantie. Entre les institutions de prévoyance, les compagnies d’assurance et les mutuelles, quels opérateurs santé ont le plus tiré leur épingle du jeu dans la généralisation de la complémentaire santé en entreprise ? “ Les institutions de prévoyance ont fait le plein de nouveaux assurés en santé. Les compagnies d’assurance affichent également de bons résultats car leurs réseaux de distribution se sont très rapidement mobilisés pour partir à la conquête de nouveaux clients et, sur la durée, cela a porté ses fruits. En revanche, du fait de leur position historique sur les contrats individuels, une grande partie des mutuelles ont moins bien résisté et doivent faire face à des baisses d’effectifs dans leurs portefeuilles ”, indique Pascal Compet (cabinet conseil Weave). 38 38 zzLabellisation des contrats des 65 ans et + Par l’article 33, la loi de financement de la Sécurité sociale 2016 prévoit la labellisation des contrats santé pour les 65 ans et plus à compter du 1 er janvier 2017. Selon ce texte, “ l’octroi du label vise à identifier des contrats offrant, à des prix accessibles, des garanties adaptées à la situation [de ces] personnes ”. Un décret viendra préciser le niveau des garanties et l’encadrement des tarifs, des seuils étant prévus en fonction de l’âge. La taxation sur ces contrats sera abaissée à 12,27 % (- 1 % sur la taxe de solidarité additionnelle ou TSA) au lieu de 13,27 % sur les autres contrats (taxe CMU à 6,27 % + TSA à 7 %), soit une aide symbolique. Cet avantage fiscal sur les contrats, qui sera défini par un décret en Conseil d’État, permettra de gagner une année sur l’âge réel de l’assuré en termes de gestion du risque, soit “ l’épaisseur d’un trait ”, de l’avis de Vincent Harel. “ Au même titre que l’ANI a entraîné une diminution des tarifs sur les contrats entrée de gamme, la labellisation des contrats des retraités va vraisemblablement avoir pour conséquence une baisse des prix ”, perçoit Pascal Compet. Le hic est que les résultats techniques sont tout juste à l’équilibre pour les contrats des retraités. Afin de “ rentrer dans les clous ” de la labellisation, les assureurs vont devoir réduire leurs marges. Se pose alors la question de la rentabilité des contrats, les 65 ans et plus étant les plus gros consommateurs de soins et de biens médicaux. “ La labellisation des contrats pour les personnes d’au moins 65 ans va casser le système de mutualisation entre classes d’âges actuellement en place. Or, ce système fonctionne plutôt bien ”, remarque Pascal Compet. la Revue du Courtage n° 922 - avril 2016 ASSURANCES DE PERSONNES “ Le besoin était plutôt sur la prévoyance et, en particulier, sur les garanties décès et invalidité […] lorsque des familles doivent faire face à de telles situations en cas d’absence ou d’insuffisance de couverture. ” Didier Bazzocchi, directeur général Santé et Prévoyance, Covéa. Même son de cloche de la part de Guillaume Pleynet-Jésus : “ La loi ANI a déjà eu pour effet de renforcer la concur rence entre les acteurs et de pousser les prix vers le bas. Conséquence : le rapport sinistres sur primes des portefeuilles santé va se dégrader ”. Le fait d’instaurer une labellisation pour les 65 ans et plus pourrait de nouveau inciter les assureurs santé à proposer des cotations tendues. “ Un preneur de risques qui proposera des contrats santé à perte n’aura d’autres choix que de compenser en ponctionnant les contrats des assurés en activité. D’une manière indirecte et sans même le savoir, ces derniers financeront la santé des retraités. C’est contre-productif ”, se désole-t-il. Une opinion partagée par le Directeur général santé et prévoyance de Covéa : “ Les retraités vont se retrouver isolés dans les portefeuilles, ce qui favorisera une accumulation des risques et, corrélativement, une hausse des tarifs ”. Pour les contrats d’aide à l’Acquisition d’une complémentaire santé (ACS), une labellisation a été mise en place et, depuis juillet 2015, onze offres sélectionnées par le gouvernement sont proposées. Afin d’être retenus, les opérateurs avaient déjà “ serré ” les prix, à ceci près que les personnes susceptibles de bénéficier de l’ACS sont, en règle générale, plutôt jeunes. La sinistralité est donc moins élevée. Et Didier Bazzocchi d’ajouter : “ On ne règle pas les problèmes d’accès aux soins en normant les prix et les garanties des contrats santé. Ce n’est pas parce que des plafonds ont été fixés aux remboursements des contrats complémentaires que les médecins spécialistes vont revoir le montant de leurs dépassements d’honoraires. Cette hyper-réglementation des contrats est inefficace et contraire aux intérêts des assurés ”. 40 40 zzMécontentement des assurés À cela s’ajoute la révision du cahier des charges des contrats solidaires et responsables, lui aussi entré en vigueur le 1er janvier 2016. Avec les bornes maximales que les assurances santé ne peuvent dépasser dans la prise en charge des dépassements d’honoraires et pour l’achat de biens optiques, les assurés qui avaient une bonne couverture ou étaient totalement pris en charge pour ces dépenses se retrouvent désormais avec des restes à charge. Parce que la grande majorité des assurés ignore que ce changement résulte de la loi, ils se tournent vers leur complémentaire santé, pensant que celle-ci en est la responsable. “ Depuis le début de l’année, on assiste à un phénomène de mécontentement. Les assurés contactent leur complémentaire santé car ils se sont rendus compte que la prise en charge des dépassements d’honoraires avait diminué et ils demandent aux équipes de s’en expliquer ”, relate Vincent Harel. Parce qu’elle intervient en complément d’une couverture obligatoire, le fonctionnement de l’assurance santé est déjà complexe en soi. Désormais, avec des planchers et des plafonds imposés aux contrats dits responsables, la juxtaposition des minimas des couvertures Ani, la labellisation des contrats ACS et bientôt celle des contrats destinés aux plus la Revue du Courtage n° 922 - avril 2016 ASSURANCES DE PERSONNES La situation financière des organismes complémentaires Fin février 2016, la Direction de la recherche des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) a rendu public son “ Rapport 2015 sur la situation financière des organismes complémentaires assurant une couverture santé ”. Selon ce document, si les “ mutuelles 45 ” restent prédominantes dans le champ de la santé avec 53 % des primes collectées, elles ont perdu des parts de marché. Elles détenaient en effet 60 % de ce marché en 2001 et 55 % en 2012. En revanche, les sociétés d’assurances gagnent du terrain (19 % en 2001 versus 28 % en 2014). Les institutions de prévoyance ont vu leurs parts de marché s’éroder légèrement (21 % en 2001 contre 19 % en 2014). Toutefois, ces informations ont été collectées avant l’entrée en application de la loi ANI, ce qui pourrait modifier substantiellement le découpage. Pour l’ensemble du marché, le résultat technique des contrats santé a été légèrement excédentaire en 2014 (0,8 % des primes collectées). En 2013 et 2014, les sinistres payés par les organismes ont progressé moins vite que les primes collectées. La réassurance a été une charge pour l’année 2014 alors qu’en 2013, les recettes de cette activité étaient supérieures au coût. Si le résultat technique en santé des mutuelles et des sociétés d’assurance mixtes était excédentaire en 2014 (respectivement + 112 M€, soit 0,6 % des primes, et + 72 M€, soit 1,7 % des primes santé), celui des institutions de prévoyance demeurait déficitaire (- 181 M€). Quelle que soit la typologie d’opérateurs, les contrats collectifs sont rarement à l’équilibre alors que les contrats individuels le sont systématiquement. Autres données indiquées dans ce rapport : pour 100 € de primes en 2014, les institutions de prévoyance ont reversé en moyenne 18 € de prestations en optique contre 15 € pour les sociétés d’assurances mixte, 11 € pour les mutuelles et 8 € pour les sociétés d’assurance non-vie. Concernant les soins dentaires, les institutions de prévoyance ont reversé en moyenne 16 € de prestations contre 12 € pour les sociétés d’assurances mixtes, 11 € pour les mutuelles et 9 € pour les sociétés d’assurances non-vie. En revanche, les institutions de prévoyance et les sociétés d’assurance mixtes ont reversé relativement moins de prestations en médicaments et en soins hospitaliers que les mutuelles et les sociétés d’assurance nonvie. Comme explication, on peut y voir le fait qu’en moyenne, leurs adhérents ou assurés sont plus âgés et ont, de ce fait, une consommation médicale et hospitalière plus importante. ••• G.A. la Revue du Courtage n° 922 - avril 2016 41 ASSURANCES DE PERSONNES de 65 ans, “ le fonctionnement de ces garanties devient totalement incompréhensible du grand public ”, observe Didier Bazzocchi. De leur côté, les médias et la presse généraliste ont des difficultés à faire passer les messages et à expliquer les changements survenus dans le domaine de la mise en conformité des contrats responsables. “ L’assuré est perdu dans la jungle des nouvelles garanties créées par la mise en conformité à la réglementation responsable. Il ne sait plus aisément quel est le niveau des prestations pour un acte donné ”, synthétise Guillaume PleynetJésus. En complémentaire santé, les nouvelles normes imposées sur les contrats génèrent des contraintes supplémentaires pour les assureurs et leurs distributeurs. De là se pose une question centrale : la libre concurrence est-elle dans l’intérêt du consommateur et lui permet-elle de trouver la solution la plus intéressante ou bien réglementer les contrats est-il plus avantageux pour l’assuré ? Ce qui est sûr, c’est que d’ici trois ou quatre ans, le paysage de la complémentaire santé aura subi une métamorphose importante. “ Pour la surcomplémentaire, la mutualisation sera moins large parce qu’il y aura moins d’assurés et ils consommeront davantage parce qu’ils n’auront pas choisi de renforcer leurs garanties par hasard. Les prix des surcomplémentaires risquent donc de grimper. Là est le grand changement à venir sur le marché ”, résume Guillaume Pleynet-Jésus. 42 42 zzLa prévoyance sur la touche Alors que le cadre de l’assurance santé a été considérablement modifié, la prévoyance n’a pas fait l’objet de réformes majeures ces dernières années, si ce n’est la portabilité des garanties pour les salariés ayant quitté l’entreprise et sans emploi, étendue à douze mois depuis juin 2015. Si la loi ANI visait à étendre le nombre de Français ayant une complémentaire santé, environ 95 % d’entre eux bénéficiaient pourtant d’une telle assurance avant 2016. Restait donc 400 000 personnes à équiper parmi celles qui relèvent de l’ANI. “ Le besoin était plutôt sur la prévoyance et, en particulier, sur les garanties décès et invalidité. C’est en effet un véritable drame lorsque des familles doivent faire face à de telles situations en cas d’absence ou d’insuffisance de couverture. Nous avons développé de nouvelles offres à cet effet ”, soulève Didier Bazzocchi. La prévoyance des salariés non cadres, en particulier dans les petites entreprises, est insuffisante et mériterait d’être améliorée. C’est le véritable enjeu de solidarité. “ Ces dernières années, on s’est attaché à la santé au détriment de la prévoyance. Or, le coût d’un sinistre moyen en prévoyance est beaucoup plus élevé qu’en santé et le niveau moyen pris en charge par la Sécurité sociale globalement modéré. Il y a donc là un vrai besoin ”, relève Guillaume Pleynet-Jésus. Depuis deux ou trois ans, une forte dérive a été constatée sur les arrêts de travail. Dans un avis émis en mai dernier, le Comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie a fait part d’une hausse du montant des dépenses d’indemnités journalières liées à ces arrêts. Celle-ci était de 3,4 % au premier trimestre 2015 contre 3,1 % pour la même période en 2014, alors qu’elle n’était que de 0,2 % en 2013. Selon cette instance, l’une des raisons est le recul de l’âge de départ en retraite. Peut-on aussi expliquer ces hausses par des phénomènes macro-économiques ? la Revue du Courtage n° 922 - avril 2016 ASSURANCES DE BIENS ET RESPONSABILITÉS Une étude sur les demandes de devis santé des entreprises en 2015 Réalisée par le comparateur LassurancePro.com entre le 1 er janvier et le 31 décembre 2015 à partir de plus de 14 000 demandes de devis faites par Internet, une enquête s’est penchée sur les tendances et les comportements des entreprises en quête d’une complémentaire santé pour leurs salariés. Quatre secteurs d’activité représentaient à eux seuls près de 48 % des demandes (bureaux d’études et sociétés de conseil, commerce et distribution, santé, social). Parmi les entreprises ayant comparé les offres pour leur personnel, 80 % avaient un effectif compris entre 1 et 9 salariés et 20 % avaient entre 10 à 250 salariés. Dans plus de la moitié des cas, c’est le gérant de la structure qui a procédé à des demandes de devis et comparé les offres mais cette démarche a été effectuée par un autre membre de l’équipe (responsable administratif, secrétaire, comptable,…) dans 45 % des cas. Sans surprise, les demandes ont été concentrées sur le quatrième trimestre de 2015 : 9,34 % d’entre elles ont été formulées au premier trimestre, 12,23 % ont eu lieu au cours du second trimestre, 24,96 % des responsables d’entreprise s’en sont préoccupés au troisième trimestre et plus de la moitié (53,47 %) s’y sont attelés entre octobre et décembre. Sur l’ensemble des demandes, près de 27 % concernaient des assurances santé avec un panier de soin correspondant au minimum imposé. Il y avait donc 73 % des demandes de devis pour une couverture dont le panier de soin était supérieur au minimum imposé. Parmi celles-ci, les formules de niveau 2, légèrement au-dessus du panier de soins minimal, ont le plus attiré les entreprises. ••• G.A. Le rapport 2015 de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) est consacré à la protection sociale des jeunes de 16 à 29 ans. Une note d’analyse de France Stratégie, institution rattachée au 1 er ministre, s’est intéressée aux 16-29 ans à ce même sujet. Il faut dire que la hausse des dépenses sociales s’est attachée aux plus âgés durant les deux ou trois dernières décennies, pour des raisons démographiques. En a-t-on oublié les jeunes ? “ La difficulté tient davantage au chômage des jeunes, assez massif, plutôt qu’à une carence en protection sociale. Entre 18 et 28 ans, il y a une trappe où l’on est sorti du cercle de protection des parents mais où, pour autant, on peut être mal couvert si l’on n’est ni étudiant, ni actif ”, analyse Vincent Harel. La protection universelle maladie, effective depuis janvier, permettra de régler ces difficultés du point de vue du régime obligatoire en raison d’une décorrélation entre le fait d’être assuré social et le fait de travailler. L’ANI des retraités constitue-t-il le point d’orgue de la réforme visant à la complémentaire santé pour tous ? Assureurs et distributeurs s’adaptent à ce nouvel environnement et doivent notamment investir au plan informatique pour faire face aux évolutions réglementaires. Il s’ensuit une nouvelle redistribution des cartes entre acteurs, qui a démarré avec les multiples rapprochements intervenus ces derniers temps. Une tendance visant à optimiser les coûts fixes et à renforcer l’adaptabilité qui devrait se poursuivre. la Revue du Courtage n° 922 - avril 2016 ••• Geneviève Allaire 43