le songe - La Différence
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e.indd 5 SOR JUANA INÉS DE LA CRUZ LE SONGE traduit de l’espagnol (mexique) par jean-luc lacarrière et présenté par margo glantz édition bilingue orphÉe / la diffÉrence 15/07/2014 12:44 e.indd 22 El sueño Piramidal, funesta, de la tierra nacida sombra, al Cielo encaminaba de vanos obeliscos punta altiva, escalar pretendiendo las Estrellas; si bien sus luces bellas –exentas siempre, siempre rutilantes– la tenebrosa guerra que con negros vapores le intimaba la pavorosa sombra fugitiva burlaban tan distantes, que su atezado ceño al superior convexo aun no llegaba del orbe de la Diosa que tres veces hermosa con tres hermosos rostros ser ostenta, quedando sólo o dueño del aire que empañaba con el aliento denso que exhalaba; y en la quietud contenta de imperio silencioso, sumisas sólo voces consentía de las nocturnas aves, tan obscuras, tan graves, que aun el silencio no se interrumpía. Con tardo vuelo y canto, del oído mal, y aun peor del ánimo admitido, 22 15/07/2014 12:44 e.indd 23 Le songe Pyramidale, funeste, de la terre une ombre née, dirigeait de vains obélisques la pointe hautaine, prétendant à l’assaut des Étoiles ; même si ses lumières belles, – claires toujours, toujours rutilantes – la guerre ténébreuse, que l’ombre vaporeuse et fugitive de noires vapeurs intimait, moquaient si distantes que son noir sourcil n’atteignait pas encore le convexe supérieur de l’orbe de la Déesse qui trois fois belle montre trois beaux visages, ne dominant que l’air qu’elle ternissait du souffle dense qu’elle exhalait ; et dans la contente quiétude d’un silencieux empire, elle ne consentait que les voix soumises des oiseaux nocturnes, si obscures, si graves, que même le silence ne s’interrompait pas. D’un vol lourd et d’un chant, par l’ouïe mal admis, et par l’âme pire encore, 23 15/07/2014 12:44 e.indd 24 la avergonzada Nictimene acecha de las sagradas puertas los resquicios, o de las claraboyas eminentes los huecos más propicios que capaz a su intento le abren brecha, y sacrílega llega a los lucientes faroles sacros de perenne llama, que extingue, si no infama, en licor claro la materia crasa consumiendo, que el árbol de Minerva de su fruto, de prensas agravado, congojoso sudó y rindió forzado. Y aquellas que su casa campo vieron volver, sus telas hierba, a la deidad de Baco inobedientes, –ya no historias contando diferentes, en forma sí afrentosa transformadas–, segunda forman niebla, ser vistas aun temiendo en la tiniebla, aves sin pluma aladas: aquellas tres oficiosas, digo, atrevidas Hermanas, que el tremendo castigo de desnudas les dio pardas membranas alas tan mal dispuestas que escarnio son aun de las más funestas: éstas, con el parlero L e e 24 15/07/2014 12:44 e.indd 25 la honteuse Nyctimène1 épie les fentes des portes sacrées, ou des hautes claires-voies les failles les plus propices à lui ouvrir la brèche souhaitée, et sacrilège parvient aux brillantes lanternes à la flamme éternelle qu’elle éteint, sinon infâme, consumant en liquide clair l’huile que l’arbre de Minerve de son fruit, de presses écrasé, dans la peine sua et rendit sous la force. Et celles qui virent leur maison changée en terre, leurs tissus en herbe, à la déité de Bacchus inobéissantes – ne racontant plus maintenant différentes histoires mais transmuées en forme ignominieuse – forment une brume seconde, craignant même dans les ténèbres d’être vues, oiseaux sans plumes ailés : ces trois officieuses, dis-je, Sœurs effrontées que le terrible châtiment affubla de nues et sombres membranes, d’ailes si informes qu’elles sont l’objet des railleries des oiseaux les plus funestes : celles-ci, avec Ascalaphos, le rapporteur 1. Dans la mythologie grecque, Nyctimène est la fille du roi de Lesbos, Épopée. Elle était si belle que ce dernier se prit de passion pour elle et la viola. Nyctimène, honteuse, alla se cacher dans une forêt où elle fut transformée en chouette par Athéna. 25 15/07/2014 12:44 e.indd 26 ministro de Plutón un tiempo, ahora supersticioso indicio al agorero, solos la no canora componían capilla pavorosa, máximas, negras, longas entonando, y pausas más que voces, esperando a la torpe mensura perezosa de mayor proporción tal vez, que el viento con flemático echaba movimiento, de tan tardo compás, tan detenido, que en medio se quedó tal vez dormido. Éste, pues, triste son intercadente de la asombrada turba temerosa, menos a la atención solicitaba que al sueño persuadía; antes sí, lentamente, su obtusa consonancia espaciosa al sosiego inducía y al reposo los miembros convidaba, –el silencio intimando a los vivientes, uno y otro sellando labio obscuro con indicante dedo, Harpócrates, la noche, silencioso; a cuyo, aunque no duro, si bien imperioso precepto, todos fueron obedientes–. l f r 26 15/07/2014 12:44 e.indd 27 ministre de Pluton, désormais superstitieux indice pour l’augure, formaient un chœur silencieux effrayant, maximes, noires, longues entonnant, et plus que des voix des pauses, attendant la lente mesure paresseuse peut-être accrue, que le vent marquait d’un mouvement flegmatique, d’un compas si lent, si posé, qu’entre deux notes peut-être il s’endormait. Ce triste son, donc, inconstant de la tourbe craintive assombrie, sollicitait moins l’attention qu’au sommeil il ne persuadait ; bien plus, lentement, son obtuse consonance flegmatique à la quiétude induisait et au repos les membres conviait – la nuit, Harpocrate1 silencieux, d’un doigt péremptoire sur la lèvre obscure intimant l’un et l’autre le silence aux vivants ; à ce précepte, léger, bien qu’impérieux, tous obéirent –. 1. Dans la mythologie égyptienne, Har-pa-khrat, qui signifie « Horus l’enfant », est le dieu enfant, né d’Isis et d’Osiris. Les Grecs qui en ont fait Harpocrate voyaient en lui le dieu du silence, parce qu’il est souvent représenté le doigt à la bouche en un geste enfantin. 27 15/07/2014 12:44 e.indd 4 © SNELA La Différence, 30, rue Ramponeau, 75020 Paris, 2014, pour la traduction en langue française et la préface. 15/07/2014 12:44