123 claudel no1 - Acf-Vlb
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1, 2, 3… Claudel Petit journal de « Lacan lecteur de Claudel » L’HOMME ET SON DESIR1 1 L’Otage de Claudel par François Regnault Qui peut raconter L’Otage, à ne faire que le lire ? Tandis qu’à la représentation, il y a les corps qui supportent les pensées, à qui on fait confiance. Ce qui s’incarne, on le comprend. Je dis raconter, non résumer. Parce que, si tout un chacun peut suivre les vicissitudes de ce pape à l’encan […] il est plus obscur de percer le désir de cette Sygne de Coûfontaine, à qui est pourtant suspendu tout le système de cette dramaturgie. Ce qu’elle a juré et qu’un prêtre lui propose de parjurer sans l’exiger d’elle, cette lutte impossible entre une foi supposée, dont dépend le salut historique du Pontife, et un honneur indicible, que seule sa EDITO 1, 2, 3… partez ! 1, 2, 3… soleil ! 1, 2, 3… comme trilogie ! 1, 2, 3… Claudel ! devise avoue et voile à la fois, l’offrande de sa féminité à un monstre […] et le sacrifice de sa vie à ce même monstre, comment raconter tout cela sans s’embrouiller, cela qui se concentre pour finir en ce non obstiné qu’elle oppose à l’absolution et que certains ont pu tenir pour blasphème, mais qui n’empêchait cependant pas la prudence de Claudel de conclure : « Je crois qu’elle est sauvée. » et c’est là que nous pouvons nous sentir à nous-mêmes totalement aliénés. Sans doute l’Até antique nous rendait-elle coupables de cette dette, mais à y renoncer comme nous pouvons maintenant le faire, nous sommes chargés d’un malheur plus grand encore, de ce que ce destin ne soit plus rien. »2 Voilà ce que dit Jacques Lacan dans son analyse de la trilogie de Claudel, confrontée eu destin grec et à l’esprit du christianisme. Non, il n’y a vraiment que le théâtre qui puisse venir à bout de semblables questions, parce qu’il les déplie dans l’espace. Comme le théâtre grec faisait voir en son lieu le destin, la dette et la culpabilité. Car il s’agit encore de cela : « C’est la dette elle-même où nous avions notre place qui peut nous être ravie, 1 Cet extrait est publié avec l’aimable autorisation de son auteur, François Regnault. On peut en lire la totalité dans ThéâtreSolstices, « L’homme et son désir, L’Otage de Claudel », Actes Sud, p. 251-252. 2 Lacan J., Le Séminaire, livre VIII, Le transfert, p. 354 A suivre, 3 numéros passionnants, documentés, CITATIONS animés, illustrés, où se succéderont des références lacaniennes, claudéliennes, des archives, des produits de cartel, des citations… Ils prépareront l’hommage à Roger Cassin du 13 septembre 2014 pour vous mettre l’eau à la bouche … « Il ne s'agissait guère de raison au beau soleil de ce bel été de l'An Un ! Que les reines-Claude ont été bonnes, cette année-là, il n'y avait qu'à les cueillir, et qu'il faisait chaud ! Seigneur ! que nous étions jeunes alors, le monde n'était pas assez grand pour nous ! Le comité d’organisation : P.-G. Gueguen, Jean Luc Monnier, Anne-Marie Le Mercier, Jeanne Joucla, Guilaine Guilaumé, Cécile Wojnarowski Le cartel : Gwenaëlle Le Péchoux, Yvon On allait flanquer toute la vieillerie par terre, on allait faire quelque chose de bien plus beau ! On allait tout ouvrir, on allait coucher tous ensemble, on allait se promener sans contrainte et sans culotte au milieu de l'univers régénéré […] » Le baron Turelure dans L’Otage, Acte II scène I. Bernicot, Jean-Noël Donnart, Jeanne Joucla, Cécile Wojnarowski Archives L'Otage, Comédie de l'Ouest, 1956, Hubert Gignoux (Turelure) et Denise Bonal (Sygne de Coûfontaine) Conception / Réalisation : Charles Cullard Pour s’inscrire / Renseignements : [email protected] /1 1, 2, 3… Claudel Petit journal de « Lacan lecteur de Claudel » ECHOS DE CARTEL Un hommage à Roger Cassin : « Lacan lecteur de Claudel » par Jeanne Joucla À la veille de se rendre à Rome pour le Ve Congrès de l’AMP « Le nom du père », Roger Cassin publiait un texte au titre évocateur « Le jardin du Père humilié »1. Claudel, précurseur par Jean-Noël Donnart Deux ans après Le désir et son interprétation, Lacan, dans son Séminaire Le transfert, avec Claudel, poursuit sa déconstruction de la métaphore paternelle, soulignée récemment par Jacques-Alain Miller1. Les chapitres regroupés sous le titre « Le mythe d’Œdipe aujourd’hui - commentaire de la trilogie des Coûfontaine de Paul Claudel », sont sans doute à lire en dérivation de ce point d’« il n’ y a pas d’Autre de l’Autre ». Nous sommes « Il y a anguille sous roche ! » par Gwénaëlle Le Péchoux Claudel et la trilogie : L’Otage, Le pain dur, Le père humilié. Lacan va y consacrer trois leçons dans le Séminaire Le transfert. Pourquoi ? Un hasard, nous dit-il, avec son côté accidentel et amusant : lisant la correspondance d’André Gide et de Paul Claudel, il apprend qu’il allait falloir, pour éditer L’Otage, fondre un caractère qui n’existe pas, le U Si en effet les jardins de la Villa Médicis inspirent Claudel – Quand des jardins, on voit le dôme de SaintPierre… avec le soleil d’une qualité vraiment divine qui voisine avec lui comme une gloire, on se sent vraiment chez le Bon Dieu. On est chez lui. C’est ici2 – il reste pour nous cette question : qu’est-ce qui, chez Claudel, inspirait tant notre collègue « laïque dans l’âme »3 ? porteuse d’une voix et d’un message singuliers – dont Jacques Rivière disait « cette formidable propriété des mots… celle de quelqu’un qui dompte avec génie une langue. » interventions de M.-H. Blancard, M.H. Roch, P. Naveau et, parce que la tragédie est la « racine de notre expérience », avec une représentation de L’Otage dans une mise en scène de J. Roch. Des figures tragiques de femmes, Sygne bien sûr, Prouhèze du Soulier de satin, mais aussi, Ysé, dont Lacan disait « dans Partage de midi, Claudel nous a fait une femme, Ysé, qui n'est pas si mal, ça y ressemble fort à ce que c'est, la femme »4. Ce texte a déjà été publié dans la Lettre Mensuelle n° 329. Sans doute, ici, les tribulations de la papauté, toile de fond de la trilogie commentée par Lacan, partie prenante de cette Histoire que Roger Cassin aimait tant et dont il exhumait souvent pour nous des références inconnues ou oubliées. Mais encore la langue du poète – Le 13 septembre à Rennes l’aprèsmidi « Lacan lecteur de Claudel » organisée par l’ACF-VLB et la Section clinique de Rennes, rendra hommage à Roger Cassin avec des alors moins surpris d’y rencontrer différentes figures étonnantes du père, tel ce « guignol de père »2, sa « forme gorillesque »3 et bien « d’autres bruits de père » encore... Avec la mythologie claudélienne, quelque chose est en effet franchi du destin de l’héroïne antique, pour laquelle la loi divine - c’est à dire de l’Autre - la portait dans l’épreuve et Lacan d’interroger : « que veut dire que le poète nous porte à cet extrême du défaut, de la dérision du signifiant lui-même ? »4. Claudel, dit encore Lacan, était en avance5, articulant déjà, peu de temps avant la première guerre mondiale, que « du seul fait que le père est celui qui articule la loi, la voix ne peut que défaillir derrière »6. Avec Claudel donc, et la lecture renouvelée du mythe et du destin qu’il permet, Lacan signale « qu’il n’y a pas besoin de remonter [...] à perpète jusqu’au père Adam » pour situer la composition du désir chez un sujet : celui-ci se compose entre « la marque du signifiant » et « la passion de l’objet partiel »7. Gageons que la pièce que nous aurons la chance de voir le 13 septembre prochain nous fera saisir, au-delà de la marque signifiante justement, comment la tragédie du désir majuscule accent circonflexe : Sygne de COÛFONTAINE. Faisant usage de ses propres critères, il suit la fonction de la lettre, et se dit qu’il devait y avoir là « anguille sous roche » ! « Ce signe du signifiant manquant »1, est justement ce que Lacan met au cœur de l’expérience analytique et du transfert. L’analyste doit tenir la place vide pour que le sujet puisse y « repérer le signifiant manquant ». Paradoxe de la fonction de l’analyste, c’est à la place même où il est supposé savoir, qu’il est appelé à n’être rien de plus, rien d’autre, que la présence réelle, et justement en tant qu’elle est inconsciente. Lacan cherchait dans la dramaturgie de son époque ce qui pourrait lui servir pour « tourner autour de ce que c’est que le désir de l’homme ». L’année précédente, avec Antigone, il avait donné un aperçu de ce que veut dire l’expérience tragique dans la tragédie antique. Deux ans auparavant, il nous faisait faire un autre parcours, celui d’Hamlet et le Pour s’inscrire / Renseignements : [email protected] 1 Cassin R., Lettre Mensuelle n° 247, p. 36. 2 Claudel P., Lettre de novembre 1915, Théâtre II, Paris, Gallimard, coll., La Pléiade, 1965. 3 Guéguen P.-G., texte publié dans le dépliant édité pour « Lacan lecteur de Claudel ». 4 Lacan J., Le Séminaire, livre VIII, Le transfert, Paris, Seuil, 2001, p. 367. s’incarne aussi via le jeu des acteurs, pour notre plaisir et un éclairage vivant de ces pages denses du séminaire. 1 Miller J.-A., « L’Autre sans Autre », Mental n° 30. 2 Lacan J., Le Séminaire, livre VIII, Le transfert, Paris, Seuil, 2001, p. 345. 3 Ibid., p. 337. 4 Ibid., p. 330. 5 Ibid., p. 350. 6 Ibid. 7 Ibid., p. 351. drame originel de l’homme moderne. Dans le Séminaire Le transfert, en choisissant la Trilogie de Claudel, il nous invite de nouveau à repasser par un de ces détours pour lequel, dit-il, il faut un peu plus que du courage, « une espèce de fureur »2 ! 1 Lacan J., Le Séminaire, livre VIII, Le transfert, Paris, Seuil, 2001, p. 322. 2 Ibid., p. 320. /2 1, 2, 3… Claudel Petit journal de « Lacan lecteur de Claudel » CLAUDEL, ACTUEL WITZ - Au théâtre de la Tempête en 2013, Philippe Adrien a monté Protée, pièce que Claudel qualifiait de « grosse bouffonnerie » ou « pitrerie de cirque », affirmant auprès de J.L. Barrault : « Vous savez, le goût que j'ai toujours eu pour la farce que je considère comme la forme exaspérée du lyrisme et l'expression héroïque de la joie de vivre. » - Au théâtre des Bouffes du Nord, jusqu’au 24 juillet 2014, Yves Beaunesne présente une version avec musique et chant de L'Annonce faite à Marie, cette pièce que Claudel voyait comme un « opéra de paroles » L’anecdote est connue, au lendemain de la mort de Gide, Claudel aurait reçu ce télégramme : Judith Chemla dans L’annonce faite à Marie (Photo Guy Delahaye, M le magazine du Monde du 20.06.2014 « Enfer n’existe pas, tu peux te dissiper – préviens Mauriac – stop – signé André Gide. » LES COMEDIENS L’Otage de Paul Claudel Mise en scène : Jacques Roch Parmi les comédiens : Louise Roch interprétera Sygne de Coûfontaine Louise Roch est une comédienne formée au conservatoire du 5ième arrondissement de Paris et à l'Ecole Nationale Supérieure, l'ERAC. A l'Ecole, elle travaille entre autre avec Ludovic Lagarde, Laurent Il joue également La Mouette d'Anton Tchekhov, Le Spleen de Paris de Baudelaire, spectacles montés par Mario Konstantin Bucciarelli ; France-Allemagne 82 monté par Jean Cyril Vadi ; La Maladie de la Jeunesse de Ferdinand Brukner, mise-enscène de Mathieu Gerin. Poitrenaux, Valérie Dréville, Youri Pogrebnitchko, Xavier Marchand. Elle joue Soeurs et Frères d'Olivier Cadiot, mise en scène de Ludovic Lagarde au Festival d'Avignon en 2008, puis fait la rencontre du metteur-en-scène Mario Konstantin Bucciarelli, issu du Théâtre d'Art de Moscou, avec qui elle jouera La Mouette, de Tchekhov et Le Spleen de Paris de Baudelaire. Elle joue également une pièce de Ferdinand Brukner La Maladie de la Jeunesse, mise-en-scène de Mathieu Gerin, au théâtre des Célestins à Lyon ; Antigone de Sophocle mise-en-scène de Paulo Corria, au TNN ; Calderon de Pasolini par la Compagnie les Ex-citants. Elle apparaît au cinéma dans Los Angeles puis Alyah d'Elie Wajeman. Valentin L’Herminier interprétera, entre autres, Georges de Coûfontaine INFO PRATIQUES Valentin L'Herminier est un comédien formé à l'Ecole Nationale l'ERAC, où il travaille avec de nombreux artistes tels que Catherine Marnas, Valérie Dréville, Didier Gallas, Laurent Poitrenaux. Samedi 13 septembre 2014 A 15h A l'Ecole il rencontre le metteur-enscène Ludovic Lagarde avec qui il jouera Soeurs et Frères et Un nid pour quoi faire d'Olivier Cadiot. Pour s’inscrire / Renseignements : [email protected] "Lacan lecteur de Claudel" suivi à 17h d'une représentation de L'Otage Salle Le Ponant 12, bd Dumaine de la josserie 35740 Pacé /3