Devenir professeur des écoles

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Devenir professeur des écoles
ISSN 1286-9392
0C1T.OB4R6E
www.education.fr
De formation à dominante littéraire
et sciences humaines,
la population des nouveaux
professeurs des écoles continue de
se féminiser, et apparaît d’origine
sociale plus élevée que celle des
anciens instituteurs.
Le désir d’enseigner et celui de
s’occuper d’enfants jeunes
justifient le choix du métier,
métier que d’aucuns
continuent d’inscrire dans une
« vocation » plus ou moins précoce.
Apprendre aux élèves à lire, écrire,
compter et leur donner le goût du
savoir et des connaissances
représentent les finalités
également partagées par la
nouvelle génération, même si les
jeunes professeurs des écoles
accordent une place de choix à
l’apprentissage de la citoyenneté.
La formation dispensée à l’IUFM
contribue à cette évolution mais
elle souffre, selon eux, d’un certain
nombre de manques ou insuffisances
rencontrés dans le quotidien du métier.
En effet, les problèmes de
comportements des élèves ou les
phénomènes de violence rendent
l’exercice du métier plus difficile.
Satisfaisant bien que difficile,
le métier conserve pour les deux tiers
d’entre eux du prestige.
O
Devenir professeur des écoles
D
ans le cadre de son programme
d’enquêtes sur le métier d’enseignant, la Direction de la programmation et du développement (DPD)
a constitué un panel de professeurs des écoles, pour moitié issus d’IUFM (institut universitaire de formation des maîtres) en
1999, par concours externe, pour moitié
nommés sur liste d’aptitude ou lauréats du
concours interne. Ces enseignants interrogés à la fin de l’année scolaire 1999-2000
appartiennent à deux générations différentes par l’âge et l’ancienneté dans le métier.
L’étude a pour but de mieux cerner leurs
conditions respectives d’accès à la fonction, l’exercice du métier et ses représentations ainsi que les opinions exprimées sur
la formation à l’IUFM par les jeunes professeurs des écoles.
LA PROFESSION
SE FÉMINISE ENCORE
La féminisation de la fonction se confirme parmi les jeunes professeurs des écoles puisque les femmes représentent 83 %
contre 79 % parmi ceux qui sont intégrés
par concours interne ou liste d’aptitude.
Il semblerait ainsi que « les représentations sociales liées à la socialisation de
sexe jouent à plein rendement : gérer
scolairement la petite enfance apparaît
mentalement comme un métier de femmes reposant sur la construction sociale
idéologique, subjective et réductive de
l’instinct maternel. » 1 Les femmes entrent d’ailleurs dans la fonction nettement
plus jeunes que les hommes (presque un
quart d’entre elles ont moins de 25 ans
pour 12 % seulement des hommes).
Les nouveaux professeurs des écoles sont
issus, à 78 %, des filières lettres et sciences
humaines. Par rapport à la répartition des
élèves inscrits en deuxième cycle à l’université, ils sont d’ailleurs surreprésentés
dans les filières littéraires, sciences humaines et sociales mais aussi scientifiques où
ils ont un niveau d’études plus élevé : 34 %
ont un niveau bac + 4 ou plus, contre 24 %
en lettres et sciences humaines, et 31 % en
moyenne.
Avant l’année d’obtention du concours,
un tiers des jeunes professeurs des écoles
ont exercé une activité professionnelle autre que saisonnière. Parmi ceux-là, six sur
dix ont exercé un métier appartenant à la
sphère « éducation nationale » et quatre
ont été salariés du secteur public ou privé.
Quant au recrutement social des nouveaux professeurs des écoles, il confirme,
par rapport à l’ensemble de la population
française et plus encore par rapport à leurs
homologues anciens instituteurs, le phénomène « d’embourgeoisement » 2 relatif des jeunes sortant d’IUFM. Ainsi, 61 %
1. S. Ramé, L’insertion professionnelle et sociale
des nouveaux enseignants, collection Logiques
sociales, L’Harmattan, 1999.
2. Selon l’expression de I. Berger évoquant à la fin
des années 70 le double mouvement de féminisation et de « lent embourgeoisement » du corps des
enseignants du premier degré. Les instituteurs
d’une génération à l’autre, PUF, Paris, 1979.
des jeunes professeurs des écoles ont un
père cadre moyen ou supérieur, contre
34 % pour les anciens instituteurs. Cette
origine sociale correspond sensiblement à
celle des étudiants ayant une licence, et
confirme que la poursuite d’études dépend
du milieu social d’origine. Ainsi, l’élévation du niveau requis à l’entrée en IUFM
– la licence – participerait à l’élévation de
leur origine sociale. Pour les anciens instituteurs le bac était la condition d’entrée à
l’École normale ou dans la fonction (trois
quarts d’entre eux avaient le bac).
De surcroît, 29 % des jeunes professeurs
des écoles ont un parent au moins enseignant contre 15 % des anciens instituteurs.
« Cette reproduction sociale très marquée aurait pour avantage la continuation de la cohésion institutionnelle et
comme inconvénient une puissance
d’inertie. » 3 Dans l’accès au métier, l’influence de l’environnement familial se révèle forte puisque deux tiers des
enseignants (sept sur dix pour les jeunes)
déclarent qu’une ou plusieurs personnes
proches ont pu jouer un rôle : les parents
(32 %), ou des amis ou membres de la famille eux-mêmes enseignants (28 % pour
les jeunes et 20 % pour les autres).
L’IMAGE FORTE D’UN
ENSEIGNANT A SUSCITÉ
NOMBRE DE VOCATIONS
L’image forte d’un ou plusieurs enseignants peut également se révéler décisive
pour 37 % d’entre eux. Parmi les jeunes
professeurs des écoles, le choix de devenir
enseignant prend forme à des moments variables, assez étalés dans le cours des études : pour un sur cinq dès le primaire, un
sur trois dès le secondaire, et un sur trois
dans le supérieur, les autres à la suite d’une
première expérience professionnelle. Pour
les anciens instituteurs, la vocation s’affirmait plus fortement dès l’école primaire
(39 %), situation logique dans la mesure
où un diplôme d’enseignement supérieur
n’était pas requis pour entrer à l’École normale dont la plupart des anciens instituteurs sont issus.
Les motivations pour devenir enseignant n’ont guère changé entre les deux
générations : en premier lieu, le désir d’enseigner et celui de s’occuper d’enfants.
3. S.Ramé, op. cit.
TABLEAU I – Motivations pour devenir enseignant du premier degré
selon l’origine des enseignants (en %)
Motivation principale
Motivations
Débutants
Autonomie dans le travail
Temps libre, vacances
Sécurité de l’emploi
Garantir équilibre vie profes./ vie privée
Désir de s’occuper d’enfants
Désir d’enseigner
Considération pour ce métier
Exercer une fonction éducative
Le salaire
La perspective de carrière
Exercer un métier de service public
Autre
5
–
3
6
25
43
2
15
–
–
–
1
Anciens
instituteurs
5
1
5
4
31
35
4
8
–
1
2
4
Motivation citée
en rang 1, 2 ou 3
Anciens
Débutants
instituteurs
32
28
11
12
24
19
35
25
61
65
70
69
11
20
43
38
1
2
4
2
7
8
3
6
857 répondants
Total supérieur à 100 % en raison des réponses multiples.
L’allongement des études requises accentue l’envie d’exercer une fonction éducative puisque 43 % des jeunes placent le
désir d’enseigner devant le désir de s’occuper d’enfants (25 %), alors que pour les anciens instituteurs, les proportions sont
respectivement de 35 % et 31 % (tableau I).
Il reste que l’enseignement apparaît
souvent exprimé sur le mode d’un fort engagement personnel voire, de la vocation :
« C’est un sacerdoce, ce n’est pas un métier comme les autres. » « C’est un métier extraordinaire. On est libre, c’est
difficile et il faut avoir la vocation. On a
de lourdes responsabilités, il faut le faire
à fond ou faire autre chose. » Interrogés
pour savoir si le salaire serait un frein dans
le choix du métier, neuf enseignants sur
dix répondent par la négative en ce qui les
concerne. Mais ils sont six sur dix à penser
que cela pourrait être le cas pour ceux qui
voudraient s’engager dans cette voie. On
peut percevoir là une forme d’insatisfaction qui ne va pas, toutefois, jusqu’à motiver un refus du métier.
POURQUOI LE PREMIER DEGRÉ ?
POUR S’OCCUPER
D’ENFANTS JEUNES
ET POUR LA POLYVALENCE
DE L’ENSEIGNEMENT
Pour quatre jeunes professeurs des écoles sur dix, l’accès au métier se caractérise
par une hésitation entre le premier et le second degré, davantage pour les diplômés
de langues vivantes et disciplines scientifiques que pour ceux des lettres et arts. Le
choix du premier degré par défaut (non réussite au concours du second degré) concerne
huit enseignants sur cent et serait donc relativement marginal.
Plus précisément, la polyvalence du métier et le contact avec les jeunes enfants
sont les raisons majeures de choix du premier degré pour les jeunes professeurs des
écoles, raisons un peu moins souvent
avancées par les anciens instituteurs qui
sont en revanche plus nombreux (un
quart) à regretter de n’avoir pas eu les diplômes suffisants pour accéder au second
degré. La dimension « maternelle » s’affirmerait ici encore plus fortement puisque
61 % des femmes, jeunes professeurs des
écoles, contre 36 % des hommes avancent
le désir de s’occuper d’enfants jeunes. Une
enseignante déclare que « Çà reste un
challenge, le grand bonheur c’est de travailler avec des enfants » et une autre :
« Il faut aimer les enfants, être capable
d’une grande disponibilité pour occulter tous nos problèmes en entrant dans
la classe. Savoir les motiver, les intéresser, établir un contact, une communication véritable, savoir les aider. »
La troisième raison avancée par presque
un tiers des jeunes professeurs des écoles est
le choix du premier degré pour rester dans
l’académie ou le département, condition assurée par le recrutement académique du concours par rapport au recrutement national
du second degré. La quatrième raison avancée (par un sur cinq) est d’ordre stratégique :
ils estimaient leurs chances de réussite plus
fortes qu’au concours du second degré (surtout les hommes, 33 %, contre 13 % de femmes). 30 % des anciens instituteurs avancent
d’« autres » raisons de natures diverses : financière (les instituteurs connaissent ainsi
une valorisation de leur salaire), pédagogique
(liberté de garder ses élèves d’une année sur
l’autre) ou bien d’ordre privé (tableau II).
NOTE D’INFORMATION 01-46
Page 2
TABLEAU II – Raisons de choix du premier degré selon le profil des enseignants
(en %) (deux réponses possibles)
Ensemble
29
55
Anciens
instituteurs
17
40
18
4
13
57
22
45
4
25
12
8
7
8
30
8
15
Débutants
Rester dans l’académie ou le département
Vous occuper d’enfants jeunes
Les chances de réussite au concours premier degré
étaient plus fortes
Attrait pour la multiplicité des disciplines enseignées
Pas de diplôme qui préparait aux concours de recrutement
du second degré
Pas été reçu aux concours du second degré
Autre
24
50
269 répondants
Total supérieur à 100 % en raison des réponses multiples.
TABLEAU III – Deux principales finalités de l’enseignement à l’école primaire
selon le profil des professeurs des écoles (en %)
(deux réponses maximum)
Débutants
60
38
20
12
20
48
Apprendre à lire/écrire/compter
Former les futurs citoyens
Former les élèves à des méthodes de travail
Habituer les enfants à une vie collective
Développer l’autonomie de l’enfant
Donner le goût du savoir et des connaissances
Anciens instituteurs
59
26
19
11
29
52
857 répondants
Total supérieur à 100 % en raison des réponses multiples.
LES JEUNES DAVANTAGE
EN ZONE RURALE,
RÉGION PARISIENNE ET ZEP
Les jeunes professeurs sont essentiellement affectés sur des postes provisoires
(huit sur dix). Ils sont moins présents en
maternelle que leurs aînés, la situation
étant inverse pour les jeunes hommes,
deux fois plus souvent affectés en maternelle que les anciens instituteurs (15 %
contre 6 %). On ne peut toutefois conclure
à un effet de génération ou d’ancienneté.
Trois quarts des sortants d’IUFM sont satisfaits de leur première affectation dont
46 % très satisfaits. Quant au quart d’assez
peu ou de très peu satisfait, on les trouve
plus fréquemment en ZEP, en zone rurale
et dans les communes de plus de 50 000
habitants.
UNE PRÉOCCUPATION
NOUVELLE DU MÉTIER :
FORMER LES FUTURS CITOYENS
Les professeurs des écoles sortis d’IUFM
et les anciens instituteurs intégrés dans la
fonction partagent deux des grandes finalités de leur métier : apprendre aux élèves à
lire/écrire/compter, leur donner le goût du
savoir et des connaissances. Les différences
dans la définition et l’appréhension des objectifs assignés à l’enseignement primaire
portent sur deux dimensions. Les enseignants des écoles recrutés par concours interne et liste d’aptitude mettent davantage
l’accent sur le développement de l’autonomie de l’enfant tandis que les professeurs
débutants se distinguent surtout par la
place accordée à la citoyenneté (tableau III). C’est au niveau élémentaire
que cette préoccupation apparaît la plus
affirmée, puisque 40 % des professeurs indiquent cette finalité. Ce résultat apparaît
somme toute en conformité avec les objectifs de formation du citoyen ou d’exercices
de la citoyenneté énoncés dans les textes
ministériels les plus récents.
Par ailleurs, les finalités premières assignées à l’enseignement du français et des
mathématiques sont partagées par les professeurs des écoles débutants et les anciens
instituteurs : apprendre à lire d’un côté, développer les capacités de raisonnement de
l’autre. Plus précisément, c’est le niveau
enseigné (maternelle, élémentaire) qui
peut faire varier les priorités, comme dans
l’enseignement du français, plus axé sur
l’expression personnelle et orale au niveau
maternelle, sur la production de textes
écrits au niveau élémentaire.
UNE DIMENSION PRIVILÉGIÉE
DU MÉTIER : LE CONTACT AVEC
LES ENFANTS
Travailler au contact des enfants est une
source de satisfaction prépondérante que
ce soit du point de vue des professeurs des
écoles débutants ou des anciens instituteurs. De nombreux témoignages sur le
métier en soulignent l’importance : « Pas
de routine, Le contact avec les enfants est
valorisant. C’est un métier enrichissant.» « Aimer le contact avec les enfants
et les favoriser. Métier prenant mais qui
offre de belles récompenses.» «Il faut aimer les enfants, et que le contact passe tout
de suite avec eux.»
La transmission de savoirs et de connaissances est seconde et proche, dans l’ordre
des motifs de satisfaction professionnelle,
de l’autonomie dans le travail. Sur ce registre des aspects positifs, la convergence de
points de vue entre les deux catégories
d’enseignants est forte. Les différences sont
davantage perceptibles sous l’angle des difficultés rencontrées. Ainsi, s’adapter au niveau des élèves et des classes est cité en
première difficulté par 35 % des professeurs
des écoles débutants contre 15 % parmi les
anciens instituteurs. « Il a fallu s’adapter
à des enfants beaucoup plus sollicités
par le monde qui les entoure et à d’autres devenus passifs pour beaucoup de
choses » confie une jeune enseignante.
Préparer les cours est une seconde difficulté très spécifique des débutants (14 % la citent en premier).
Les conditions de travail sont une contrainte et, sans doute, une critique adressée
à l’institution, plus caractéristique des anciens instituteurs. Quant à l’indiscipline
des élèves, elle peut être considérée comme
l’une des difficultés majeures qui pèse sur
l’enseignement dans les écoles en ZEP.
S’agissant des contenus enseignés, les
professeurs des écoles reconnaissent rencontrer des difficultés dans l’enseignement
des arts plastiques (43 % beaucoup ou un
peu), des sciences et techniques (46 %), et
plus encore des langues vivantes (54 %), de
l’éducation musicale (58 %) ou de l’informatique (59 %). Les difficultés rencontrées
dans les trois dernières matières mentionnées étant plus spécifiquement le fait des
professeurs des écoles anciens instituteurs.
LES ÉLÈVES ET LA CLASSE :
UNE FORTE DISTINCTION
ZEP/HORS ZEP
Les professeurs des écoles débutants
dans le métier ou anciens instituteurs développent une même perception des élèves
qu’ils jugent intéressés, participatifs mais de
niveaux scolaires hétérogènes. Le problème
des effectifs se pose plus particulièrement
en classes maternelles (57 % des professeurs des écoles les jugent trop importants)
NOTE D’INFORMATION 01-46
Page 3
et celui du niveau des élèves en classes élémentaires (un tiers le considèrent comme
faible). Cependant, c’est la distinction entre les écoles en ZEP et hors ZEP qui cristallise les différences de perception des élèves,
en particulier sous les critères d’indiscipline (43 % des enseignants jugent les élèves indisciplinés en ZEP contre 23 % hors
ZEP), de niveau des élèves (59 % les jugent
de niveau faible en ZEP contre 16 % hors
ZEP) et d’hétérogénéité de ces niveaux
(81 % en ZEP contre 57 % hors ZEP).
La question de l’hétérogénéité pose celle
des progrès des élèves et de la capacité de
l’enseignant à intervenir efficacement auprès du plus grand nombre. Or, force est de
constater que la plupart se trouvent confrontés à un double écueil : aider suffisamment
les élèves les plus en difficulté (23 % seulement estiment y parvenir) sans freiner les
élèves les plus en mesure de progresser
(59 % estiment au contraire que ce type
d’élèves est freiné dans leurs apprentissages). En outre, plus la classe est jugée hétérogène ou de niveau faible, plus les élèves
les plus en avance sont freinés dans leur
progression. Au total, près d’un professeur
des écoles sur deux (48 %) estime que les
élèves les plus en difficulté sont insuffisamment aidés et que les éléments jugés les
plus en avance sont freinés dans leur progression. Cette opinion concerne davantage les
enseignants débutants que les anciens instituteurs (52 % contre 43 %).
GÉRER LES PROBLÈMES
DE COMPORTEMENT
DES ÉLÈVES ET
LES PHÉNOMÈNES DE VIOLENCE
Faire la classe s’accompagne d’un certain nombre de nuisances et perturbations
liées au comportement des élèves. Le bruit
est l’une des principales, surtout à l’école
maternelle (52 % le citent comme cause
majeure de pénibilité d’une heure de
classe) tandis que le manque d’attention
caractérise les situations au niveau de
l’élémentaire. Les élèves des classes en ZEP
se caractérisent, du point de vue des enseignants, par leur fatigue plus fréquente
(39 % contre 33 % hors ZEP), leur comportement jugé turbulent (32 % contre 25 %
hors ZEP) voire par différentes manifestations de violence en classe (24 % contre
15 % hors ZEP).
Parallèlement, les problèmes d’indiscipline des élèves ont une fréquence inégale
selon les contextes. Ils sont plus récurrents
auprès des professeurs des écoles débutants
(40 % déclarent en rencontrer très souvent
ou assez souvent contre 29 % parmi les anciens instituteurs) et dans les écoles en ZEP
(52 %). Du point de vue des enseignants,
les problèmes sociaux rencontrés par les
élèves sont la cause majeure de l’indiscipline en classe et tout particulièrement
dans les contextes en ZEP (55 % citent ce
critère contre 33 % hors ZEP). « Je suis
obligée de faire continuellement de la
discipline » déclare une enseignante.
Au-delà des phénomènes d’indiscipline
souvent imputés au chahut de quelques
élèves perturbateurs, ce sont les faits de violence qui occupent une place relativement
importante puisque 21 % des enseignants
estiment que des actes graves de violence se
sont produits au sein de leur école. Ces faits
se produisent plus fréquemment au niveau
élémentaire mais ils ne sont pas exclus des
cours de récréation ou des classes des écoles
maternelles (24 % contre 12 %). Plus répandus en ZEP (35 % contre 14 % hors
ZEP), ils sont davantage ressentis par les
professeurs des écoles débutants que par
leurs collègues anciens instituteurs enseignant dans ce contexte (42 % des premiers
contre 24 % des seconds estiment que leur
TABLEAU IV – Fréquence des pratiques de travail en équipe (en %)
Pratiques de travail en équipe
Échanger sur les méthodes pédagogiques
Assurer le suivi des élèves
Réaliser des projets pédagogiques d’école
Harmoniser les règles de discipline des enfants
Produire des documents d’évaluation
Produire des supports de cours, des exercices
Préparer des séquences pédagogiques
Harmoniser la correction d’exercices d’évaluation
600 répondants
Très
Assez
souvent souvent
25
25
30
31
16
14
14
10
42
41
40
36
23
22
24
18
Assez
peu
souvent
23
18
16
18
22
24
25
20
Rare/
jamais
Total
10
16
14
15
39
40
37
52
100
100
100
100
100
100
100
100
école a été confrontée à des problèmes graves de violence depuis la rentrée scolaire).
Cette violence consiste principalement en
bagarres et coups entre élèves, en agressivité, menaces, en violences verbales plus que
physiques.
LE TRAVAIL EN ÉQUIPE
PLUS DÉVELOPPÉ
AVEC L’ANCIENNETÉ
DANS LA FONCTION
Le travail en équipe apparaît inégalement développé selon les contenus et objectifs assignés et selon l’ancienneté dans
la fonction. Ainsi, les échanges sur les méthodes pédagogiques, le suivi des élèves,
l’élaboration de projets pédagogiques
d’école ou bien encore l’harmonisation
des règles de discipline apparaissent
comme des pratiques courantes (tableau IV). Moins fréquentes sont les occasions de travail en équipe qui auront pour
objet de produire des supports de cours ou
d’harmoniser les exercices d’évaluation.
Autrement dit, ce qui se situe au plus près
des pratiques pédagogiques de l’enseignant, de sa manière de faire la classe,
semble plus difficile à intégrer dans une
réflexion collective. Encore faut-il différencier les professeurs des écoles débutants
des anciens instituteurs car ces derniers
sont systématiquement plus impliqués
dans les différentes modalités du travail en
équipe. De même, les collaborations relatives à l’enseignement (par exemple, la préparation de séquences) seraient un peu
plus fréquentes dans les écoles en ZEP.
En fait, parmi les différents partenaires
côtoyés dans le cadre de leur activité professionnelle, les professeurs des écoles jugent
avec plus de satisfaction les relations avec
leurs collègues y compris le directeur
d’école. Sans être nécessairement difficiles, les contacts et échanges avec les familles recueillent des opinions un peu
moins favorables (12 % seulement les envisagent en ces termes). En fait, il se dessine
un processus d’élargissement du cadre de
référence de l’activité enseignante, comme
l’indique cette enseignante : « C’est un
métier où il faut savoir composer avec
les enfants, les parents, les collègues. Ce
n’est plus un travail seul dans la classe
comme autrefois.»
NOTE D’INFORMATION 01-46
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DES OPINIONS CONTRASTÉES
L’EXERCICE D’UN MÉTIER
SUR LA FORMATION REÇUE
À L’IUFM
À LA FOIS SATISFAISANT
ET DIFFICILE
L’évaluation de la formation reçue à
l’IUFM par les professeurs des écoles débutants nécessite une approche différenciée
selon les domaines de formation. Les apports disciplinaires et didactiques sont inégalement appréciés mais les insuffisances
sont plus fortement soulignées sur le plan
des techniques d’expression et de communication, des connaissances en sciences
humaines et sociales, et surtout de la gestion de la classe (64 % des professeurs des
écoles jugent cette formation inadaptée).
Plus précisément, l’hétérogénéité des publics et les problèmes d’indiscipline, la gestion d’une classe à plusieurs niveaux sont
quelques-uns des manques les plus fortement soulignés par les professeurs des écoles. On peut également observer que les
professeurs des écoles débutants ne se reconnaissent pas une même capacité à enseigner dans tous les contextes,
notamment les classes en ZEP (la moitié
des enseignants s’estime dans l’incapacité
d’enseigner en ZEP). « Ce qui m’a manqué ? du concret : l’aide à la gestion des
élèves en difficulté, la gestion du problème de la violence et de l’indiscipline,
de l’hétérogénéité des élèves. L’aide pour
l’enseignement en ZEP. Pas assez de stages » déclare un professeur des écoles interrogé sur les manques de la formation en
IUFM.
En fait, les opinions les plus positives
concernent la formation se rapportant directement à la pratique professionnelle
comme en témoigne l’utilité que tous accordent au stage de seconde année, leur intérêt manifeste pour le mémoire
professionnel (61 %) et leur satisfaction
vis-à-vis des enseignants en poste issus du
premier degré qui les conseillent. « Ce qui
m’a le plus apporté ? les stages : être ainsi confronté au terrain, on sort de la
théorie. On est dans une vraie classe avec
de vrais élèves. On côtoie des futurs collègues et ainsi on se fait un réseau de
connaissances » répond une enseignante
interrogée sur les apports de la formation
en IUFM.
Lorsqu’ils dressent un bilan synthétique
de leur première année en tant que professeur des écoles, qui est aussi une première
année d’enseignement pour les débutants,
les professeurs expriment leur satisfaction
en même temps qu’ils reconnaissent le caractère difficile de l’année professionnelle
écoulée. Les appréciations des professeurs
des écoles débutants accentuent à la fois les
jugements positifs et négatifs de sorte que
62 % d’entre eux (contre 39 % de anciens
instituteurs) évoquent une expérience à la
fois satisfaisante et difficile. Peu nombreux
sont ceux qui parlent de difficultés et d’insatisfaction professionnelle (7 % des débutants, 9 % des anciens instituteurs).
Citons les témoignages de ces professeurs des écoles après plusieurs années
d’exercice dans la fonction. « C’est un métier enrichissant, à responsabilité. L’autonomie de travail est appréciable,
parfois effrayante. C’est un beau métier
mais pas si facile. » « C’est un métier très
intéressant, valorisant, mais extrêmement difficile compte tenu des problèmes
de violence. On est aussi psychologue, assistante sociale, gendarme. » Ce sentiment de satisfaction, voire de passion, mêlé
à la difficulté du métier se retrouve également auprès de professeurs des écoles débutants : « Ce métier demande un
engagement fort et un certain courage.
Le métier est difficile mais passionnant. »
Outre le critère d’ancienneté dans la
fonction, les différences d’appréciation apparaissent minimes et pourraient témoigner d’une capacité d’adaptation à la
diversité des contextes d’enseignement. En
effet, un certain nombre d’évolutions se
sont produites, soit dans le cours de l’année
pour les professeurs des écoles débutants,
soit sur le plus long terme pour les anciens
instituteurs. S’agissant des premiers, les réponses apportées à une question ouverte
portant sur leur perception des évolutions
depuis leur prise de fonction fait apparaître
trois points majeurs, axés sur les compétences organisationnelles : une meilleure
organisation, une meilleure gestion ; des
temps de préparation des séquences moins
longs ; une meilleure gestion du temps.
Du point de vue des anciens instituteurs,
l’approche se fait moins en termes de ges-
tion que de travail, mettant en avant de
nouvelles formes d’exercice du métier à la
fois plus collectives et plus attentives à la
prise en charge individuelle des élèves : travail sur projets, individualisation du travail des élèves, travail en équipe.
E NRICHIR SES PRATIQUES
PÉDAGOGIQUES PAR
LA FORMATION CONTINUE
ET LA RÉFLEXION COLLECTIVE
Les anciens instituteurs devenus professeurs des écoles se saisissent des possibilités
offertes par la formation continue pour
évoluer dans leurs pratiques professionnelles (60 % d’entre eux ont suivi une formation dans ce cadre au cours des cinq
dernières années). La formation pédagogique apparaît comme la plus suivie (48 %),
précédant la ou les formations disciplinaires (34 %). En troisième lieu, ce sont les
formations dans le domaine des nouvelles
technologies éducatives qui motivent les
professeurs des écoles.
Cependant, si l’accès à la formation
continue est l’expression d’un intérêt pour
faire évoluer sa pratique de la classe, cette
démarche témoigne également d’une aspiration à pouvoir échanger avec d’autres
collègues (premier motif d’intérêt pour
suivre une formation continue). L’enrichissement de la pratique professionnelle
ne passe donc pas seulement par l’acquisition autonome de savoirs et savoir-faire
mais aussi par la confrontation d’expériences et la mise en commun des réflexions.
Cette évolution par l’expérience et l’approche plus collective de la fonction peut
aider à comprendre qu’un peu plus d’un
tiers seulement des enseignants estime que
la qualité d’un enseignant dépend de la
formation reçue. Les débutants sont moins
nombreux à partager cette opinion que
leurs aînés dans la fonction (30 % contre
41 % des anciens instituteurs).
UN STATUT DIVERSEMENT PERÇU
De ce point de vue, les anciens instituteurs se démarquent des jeunes par une
perception paradoxale de l’enseignement
à la fois plus « militante » et plus dénuée
d’illusions. Nettement plus nombreux à
considérer le niveau de salaire comme trop
faible, à se sentir déconsidérés par la société,
NOTE D’INFORMATION 01-46
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dans un métier qui a perdu de son prestige,
ils se reconnaissent d’abord dans un système de valeurs lié à leur appartenance à la
fonction publique, que n’ont pas atténué
mais plutôt renforcé le temps et l’expérience.
Être enseignant,
c’est idéalement transmettre
des savoirs mais aussi être
éducateur dans la pratique
Interrogés sur la conception du métier
d’enseignant, deux tiers se prononcent sur
la transmission des savoirs et des connaissances mais ils ne sont plus que quatre sur
dix à être en adéquation avec cet idéal dans
le quotidien du métier. De fait, le rôle
d’éducateur passe avant celui de « transmetteur » des savoirs dans la réalité. « Ce
métier c’est avoir envie d’être avec les
enfants, savoir échanger avec eux, leur
transmettre des connaissances. » « Les
relations avec les enfants sont très motivantes, plaisir de leur apprendre la vie
en société. Il faut être capable d’attachement, d’émerveillement pour faire passer des connaissances qui ne sont pas
toujours faciles » déclarent deux enseignants. Mais, pour une autre, « ne transmettre que du savoir ne suffit plus et on
a un rôle d’éducateur, du fait des parents qui démissionnent. »
Cette dichotomie dans la perception du
métier se révèle plus flagrante pour les jeunes
professeurs des écoles. Si les trois quarts se
projettent en tant que « transmetteurs » de
savoirs, ils ne sont que quatre sur dix à le vivre
au quotidien. À ce titre, l’ancienneté acquise
pour les anciens instituteurs leur permet de
mieux concilier conception et réalité puisque
les écarts entre les deux s’avèrent moindres
(si 56 % se conçoivent comme transmetteurs,
ils ne sont que 36 % à le vivre au quotidien).
Quant aux enseignants en ZEP, seulement
30 % d’entre eux se définissent comme éducateurs mais la réalité les contraint à l’être
pour 59 % d’entre eux, bien avant le rôle de
transmetteur de savoirs et de connaissances
(30 %).
TABLEAU V – Représentations du statut d’enseignant (en %)
Débutants
Anciens
instituteurs
Ensemble
29
60
45
63
32
47
57
29
51
36
54
33
Le niveau de salaire des enseignants est trop faible par rapport
à l’utilité du métier
La sécurité d’emploi et les vacances peuvent justifier le niveau
de salaire des enseignants même s’il doit être réévalué
J’ai le sentiment d’être plutôt reconnu par la société
J’ai le sentiment d’être plutôt déconsidéré par la société
Ensemble des répondants hors « Ne sait pas ».
Interrogés sur l’appellation qui définit le
mieux leur profession, les jeunes se perçoivent avant tout comme enseignants ou
professeurs des écoles, alors que les anciens
instituteurs se considèrent prioritairement
comme instituteurs, enseignants voire
pédagogues.
Pour deux jeunes sur trois,
le métier garde un certain prestige
Même si le contexte économique et de
l’emploi tend à s’améliorer, les jeunes
semblent davantage marqués par les années de chômage. Ils estiment que la sécurité de l’emploi et les vacances peuvent
justifier le salaire, deux fois plus souvent
que leurs aînés bien plus nombreux, surtout les hommes (69 %), à critiquer leur
niveau de rémunération (tableau V).
De même les jeunes professeurs des écoles
se sentent davantage reconnus par la société
et accordent un certain prestige au métier
(63 % contre 55 % des anciens instituteurs).
Même s’ils ne sont que modérément optimistes sur l’avenir du système éducatif
(60 % des jeunes et 40 % des anciens se déclarent très ou assez optimistes), plus de
neuf enseignants sur dix ne regrettent pas
leur choix professionnel et se déclarent très
ou assez satisfaits (respectivement 27 % et
64 %) par rapport à l’idée initiale du métier. Seuls des jeunes professeurs des écoles
hommes et ceux qui débutent en ZEP formulent à cet égard quelques réserves.
Ainsi, sept jeunes professeurs des écoles sur dix pensent continuer d’enseigner
dans le premier degré mais quatre sur dix
envisagent d’enseigner dans l’enseignement spécialisé ou le second degré et
même d’exercer d’autres fonctions que
celle d’enseignant au sein de l’Éducation
nationale.
Interrogés sur la présentation du métier
qu’ils feraient à un jeune tenté d’entrer
dans la profession, les nouveaux professeurs centrent leurs réponses sur l’enfant
plus que sur l’élève, qualifiant leur métier
de « beau, difficile et passionnant ». Les
hommes mettent en avant les dispositions
intellectuelles qu’ils souhaitent faire acquérir aux élèves ; les femmes sont davantage
dans un registre relationnel, de patience,
d’amour des enfants. Nombre d’entre eux
mentionnent néanmoins le courage
comme un qualité attendue. « C’est un
enrichissement personnel, un métier qui
permet d’évoluer ; il faut être patient et
s’armer de patience avec des enfants en
difficulté ; cela demande un travail personnel très important. » Chez les anciens
instituteurs s’ajoute la référence plus fréquente aux parents, comme partenaires
éducatifs à prendre en compte. « Métier
passionnant, enrichissant mais nerveusement pénible, riche en contacts avec
les enfants et les parents. C’est un métier
envahissant. »
Nadine Esquieu, DPD C 5 et
Pierre Périer, IUFM de Bretagne
POUR EN SAVOIR PLUS
Devenir professeur des écoles,
Les dossiers, n° 123,
MEN-Direction de la programmation
et du développement, juin 2001.
« Connaissance des enseignants »,
Éducation & formations, n° 56,
MEN-Direction de la programmation
et du développement, avril-juin 2000.
Source. Un échantillon de 858 enseignants du premier degré public, tiré de façon aléatoire dans trente et un
départements, a été enquêté en juin 2000 par entretiens en face à face. Il comprend des professeurs des écoles
débutants sortis d’IUFM et des anciens instituteurs intégrés dans ce corps. La représentativité a été assurée
par redressement selon trois critères : type de concours, taille d’école, type d’école (maternelle, élémentaire,
primaire).
Direction
de la programmation
et du développement
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Rédactrice en chef
Francine LE NEVEU
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