Commentaires de Terry Gilliam et John Cleese sur des scènes de
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Commentaires de Terry Gilliam et John Cleese sur des scènes de
Commentaires de Terry Gilliam et John Cleese sur des scènes de Sacré Graal Générique Commentaires de Terry Gilliam La raison de ces sous-titres bergmaniens au début, c’est qu’on n’avait pas d’argent pour filmer quoi que ce soit pour le générique. On ne pouvait pas se permettre que des sous-titres en noir et blanc. Mike a eu l’idée de mettre des sous-titres suédois absurdes pour faire bergmanien. C’est très risqué de chercher un sens dans un film des Monty Python. On s’est donné l’idée de faire un film important en ajoutant ce genre de musique. Les clignotements bon marché : ça c’est ce qui coûte le moins cher dans une production à budget très réduit. On s’en tire avec n’importe quoi. Commentaires de John Cleese Le générique de début est très sombre, très austère. Très Ingmar Bergman. C’est du faux scandinave. Le trait dans le « O » ne vient pas du suédois. Tout provient d’une expérience pré universitaire de visionnage de films suédois très sombres, très sérieux. Je me rappelle que c’était très amusant d’écrire ce générique au style scandinave hors de propos. On l’a projeté une première fois au festival de Cannes, dans un très vieux cinéma. Ces sous-titres sont arrivés et ont fait beaucoup rire. [John Cleese raconte aussi que des pompiers sont venus évacuer la salle à cause d’une alerte ; les spectateurs ont cru que cela faisait partie du film et ont adoré !] On trouve toujours que cette musique mexicaine est très drôle, que ce soit voulu ou pas. Séquence d’ouverture Commentaires de Terry Gilliam Elle a été filmée en fin de tournage, juste à côté de la route. On a réussi à mettre ce faux soleil là-haut et de la fumée au premier plan. Je crois qu’il y avait Graham et moi qui jouions, Terry à la caméra, Julian Dyle et quelqu’un d’autre encore peut-être. Voilà comment on a tourné ça : on est partis le matin, on s’est habillés dans la voiture, on a hissé le soleil làhaut, soufflé une grande quantité de fumée et hop on a tourné. Juste derrière la caméra il y a l’une des routes les plus fréquentées de Londre. Un des problèmes concernant les lieux de tournage, c’est que Terry Gilliam et moi avons étudié plein d’extérieurs en Ecosse, et deux semaines avant le début du tournage on a su que le ministère de l’Environnement écossais nous interdisait d’utiliser leurs châteaux et bâtiments historiques. Terry et moi allions en Ecosse une semaine avant de filmer en pensant jeter un œil aux extérieurs et définir l’emplacement des caméras etc. Au lieu de ça on a découvert qu’on ne pouvait tourner nulle part. C’était la panique totale. Le seul château qu’on pouvait utiliser était celui de Doune, qui ne dépendait pas de l’Etat, étant une propriété privée. On a utilisé des objectifs grand angle ici, car c’est un petit château. Presque tous les châteaux du film sont ce même château, du coup. C’est à chaque fois filmé sous des angles différents, à part quelques plans comme celui du château gallois du début. Quand on tournait une scène, on ne montrait pas l’un des personnages principaux de la scène, sauf en tout petit. Je crois qu’on aurait filmé ça autrement, maintenant. On ne les aurait pas filmés autant en plongée, mais sous des meilleurs angles. On avait un caméraman excellent, Terry Bedford, qui était terriblement frustré par nos choix de positionnement de la caméra. Elle n’était jamais là où un cinéaste classique l’aurait mise. Commentaires de John Cleese Rien ne vaut une bonne date pour commencer. Terry Gilliam est un spécialiste pour ce genre de chose : les plans morbides et déprimants de corps pourris étendus dans des positions dégoûtantes sur des objets intéressants. C’est sérieux, brumeux, ça crée une atmosphère. C’est une mise en place pour introduire quelque chose de ridicule. En général sur la BBC on cognait sur des noix de coco pour imiter les chevaux, alors c’était une visualisation étrange d’une blague de la radio BBC. On a eu cette idée, Terry et moi, parce que ça permettait ainsi de faire des économies. Ça nous a évité de devoir apprendre à tous les Python de monter à cheval. J’aime bien cela. Un thème est vite mis en place, celui de l’autorité qui n’a pas le dessus sur les gens. Les gens du peuple ont toujours le dernier mot. C’est typique des Python d’utiliser une absurdité pour en parler. On dirait que ça rend le tout encore plus drôle. Graham prend une voix légèrement shakespearienne pour jouer Arthur. La figure de l’autorité parle dans un anglais plutôt extravagant, théâtral. « Patsy » est le nom d’une très jolie femme, gaie. Terry Gilliam n’a rien d’une jolie dame gaie ! Le film a commencé depuis deux minutes et il ne s’est absolument rien passé à l’exception d’une dispute complètement inutile. Il faut un certain culot pour débuter un film de cette façon. La scène du chevalier vert et du chevalier noir (à 11’30) Commentaires de Terry Gilliam Scène du chevalier vert : On a passé une quinzaine de jours sur cette scène. Le bon côté c’est que John et moi avons appris à manier l’épée. Le Chevalier noir, c’est John, et le chevalier vert, c’est moi. On a fait nos propres cascades, pris des leçons de combat à l’épée et appris à faire tout ça. On ne voulait pas avoir recours à des cascadeurs, ça fait toujours faux. On s’est rendu compte d’une chose : c’est très dur de se battre avec ces casques. On voit par de toutes petites fentes, et l’idée c’est de ne pas se perdre des yeux, ce qui n’est pas simple avec un casque. On avait désespérément besoin de plans comme ça. On remplit l’atmosphère de fumée et on obtient de jolis effets de lumière. On a appris ça de Terry Bedford, même s’il ne filmait plus. On avait appris à mettre de la fumée et à obtenir ces effets. Quand on a tourné cette séquence, on avait déjà dépassé le budget. On a tourné avec une équipe minimum (trois personnes) Scène du chevalier noir On a mis une huitaine de jours. Il y avait quelque chose de bizarre. Ce passage ne rendait pas au montage. Finalement, on a rajouté des tas de plans de John qui ne dit rien, et là ça a donné quelque chose. Ce n’était pas écrit comme ça du tout. On était partis de l’idée que la voix de John ne convenait pas au rôle. On a fait venir des doubleurs. Ça n’allait jamais. Pour finir, on a repris la voix de John. A la première, à New York, cette scène a eu un effet extraordinaire. C’était à l’époque de la guerre du Vietnam. Tous les intellectuels libéraux étaient contre la violence en général. Et en même temps on montrait une scène d’une violence extrême. Ils n’en revenaient pas. Ils n’ont pas trouvé ça drôle. Ce n’est qu’à la dernière jambe coupée qu’ils se sont détendus et ont réalisé qu’on pouvait rire de la violence. John a les bras derrière le dos pendant tout le reste de la scène. Des tuyaux et des pompes faisaient affleurer le sang. Ce qui est intéressant [au moment où la jambe est coupée], c’est que ce n’est plus John. C’est un unijambiste qu’on a embauché pour la fin du combat et qui a facilité la tâche. A la fin, quand la dernière jambe est coupée, c’est une marionnette. En regardant de près, on aperçoit les fils. C’est assez rudimentaire. Commentaires de John Cleese Le pauvre Niel a dû composer une bande son avec des saquebutes et des instruments magnifiques. On a fini par revenir aux disques vinyles classiques. De la musique ordinaire. Le film rendait beaucoup mieux avec la musique qu’on a ici. C’était marrant et un peu risqué car les épées étaient lourdes. On faisait semblant de se frapper très fort, mais ça ne l’était pas tant que ça. Je me rappelle avoir pensé : « On ne peut pas montrer ça ». Mais si ! Et c’était presque drôle. Ma fille est venue voir la répétition d’un des combats. Au bout de deux minutes (je crois qu’elle avait cinq ans), elle s’est tournée vers Connie Booth et a dit : « Papa n’aime pas ce monsieur. » On a écrit cette scène avec Chapman, en se basant sur une histoire qu’on m’avait racontée en cours d’anglais au Clifton College vers 1957. Il m’avait parlé de deux lutteurs romains qui avaient combattu un long moment. Et ils étaient tellement emmêlés que l’un d’eux avait un membre cassé, et souffrait tellement qu’il s’était rendu. Les soigneurs et les assistants sont venus les démêler, et ils ont frappé sur l’épaule du vainqueur en disant : « tu as gagné ». Et ils se sont rendu compte qu’il était mort. Mais mon prof m’a dit que si on ne se rendait pas, on ne pouvait pas perdre. Je trouvais cela philosophiquement malsain, mais c’était la base pour ce passage malsain. Quand John Cleese, voit la fin de la scène où le chevalier noir n’a plus de jambe, il dit : « C’est moi dans un trou ».