Kaps, la colocʼ étudiante solidaire qui ne fait pas

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Kaps, la colocʼ étudiante solidaire qui ne fait pas
Kaps, la colocʼ étudiante solidaire qui ne fait
pas suer ses voisins
Mots clés : Rennes | Ille-et-Vilaine | habitat | solidarité | reportage | ESS | étudiants |
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Chaque année, un flot de jeunes bacheliers
sʼinstalle à Rennes pour poursuivre ses études.
Entre les amphis, la BU, la rue de la soif et leur
appartement, ces nouveaux habitants
découvrent la ville sous lʼangle particulier de la
vie étudiante... et avec peu de moyens. Les
kolocʼ à projets solidaires (Kaps) permettent à
trente étudiants rennais de bénéficier d'un loyer
modéré en échange d'un investissement dans
la vie de quartier de leur nouvelle ville.
A
f
Reportage au 12e étage d'un immeuble de
Villejean.
Villejean est une porte dʼentrée sur Rennes.
Chaque année, quelque 20 000 étudiants
Simone (à gauche) et les kapseurs en pleine discussion lors dʼun apéro.
sʼassoient sur les bancs de la faculté de lettres et
de sciences humaines, implantée de ce côté de la
ville. Parmi eux, beaucoup de nouveaux Rennais. Une grande partie sʼinstallera ici, dans les résidences universitaires ou le parc
locatif privé.
Habitants de passage, ils découvrent un quartier populaire, qui compte 50 % de logements sociaux. Au pied des tours, la dalle
Kennedy en est le cœur, reflet de sa diversité. Ici, à la terrasse de la brasserie, dans la file dʼattente de la boulangerie ou les
allées du supermarché, deux mondes se croisent. Mais se rencontrent-ils ?
Kolocʼ solidaire
Au douzième étage de lʼune des tours voisines, je pousse la porte de lʼappartement de Justine, Lénaïg, Marie et Tom. Cʼest un
logement étudiant comme les autres : il est chichement meublé, des tentures décorent les murs, une affiche des Transmusicales
aussi, la bibliothèque est pleine. Les quatre occupants entrent tout juste dans la vingtaine et semblent se connaître depuis
toujours.
Pourtant, ils se sont rencontrés ici, dans cet appartement,
grâce à la kolocʼ à projets solidaires, connue sous
lʼacronyme Kaps (bien entendu, rien à voir avec l'un des jeux
phares des soirées estudiantines qui consiste à dégommer
une capsule posée une bouteille de bière en lançant une
autre capsule !) Cette forme atypique de colocation a été
mise en place par lʼAfev1, dans lʼesprit qui anime
lʼassociation depuis sa création : nouer des liens entre les
étudiants et la ville. En échange dʼun loyer modéré, les
locataires sʼengagent en effet à sʼinvestir dans la vie de
lʼimmeuble et du quartier.
Lénaïg et Marie sont arrivées les premières, à la rentrée
2012, avec deux autres étudiantes. Quand celles-ci ont
quitté la colocation un an plus tard, Justine et Tom ont pris le
relais. "Ils résument parfaitement le projet Kaps. Cʼest une
colocation qui sʼentend très bien et qui a vraiment la
Atelier coiffure : Fanta fait des tresses à Justine.
motivation de mettre en place un projet avec lʼobjectif que les
habitants en soient acteurs", se réjouit Sarah Brault, coordinatrice des Kaps du quartier de Villejean.
"On attend le bouquin !"
Dès lʼannée dernière, la colocʼ avait tapé dans lʼœil de lʼAfev et de ses partenaires. "Nous avions le projet, le noyau dur
http://www.terristoires.info/societe/kaps-la-coloc-etudiante-solidaire-qui-ne-fait-pas-suer-ses-voisins-1652.html
A
Kaps, la coloc’ étudiante solidaire qui ne fait pas suer ses voisins - Société - Terri(s)toires
dʼhabitants, le lien avec le centre social et, normalement, lʼobjet à la fin," explique Marie. Lʼéquipe était alors entièrement
féminine : les quatre colocataires plus quatre habitantes de lʼimmeuble.
Fanta, lʼune de ces habitantes, se souvient de leur première rencontre. Cʼétait lors dʼun apéro-bas-de-tour, événement
régulièrement organisé par les Kaps pour aller à la rencontre des voisins2 : "Jʼai fait des beignets avec ma mère et je suis
descendue. En vingt secondes, tout était parti. Cʼest comme ça que lʼon sʼest connus." La cuisine pour dénominateur commun.
Cʼest donc tout naturellement quʼelles vont se lancer dans la rédaction dʼun livre de recettes. Seul bémol, "on attend toujours le
bouquin !" lance, dans un éclat de rire, Simone, lʼune des cuisinières. Elle peut se rassurer. Le devis est fait et quelques
exemplaires devraient être distribués lors de la prochaine fête des voisins.
succès pa
Quand l
bonnet
Les fidèles du 12e
Bretons c
Le premier résultat visible est donc les liens qui se sont tissés. Simone sʼest rapprochée dʼune autre contributrice du livre, quʼelle
dépanne quand celle-ci ne peut pas récupérer ses enfants à lʼécole. Elle est aussi devenue, avec Fanta, une fidèle de
lʼappartement du 12e.
À la rentrée 2013, il a fallu trouver une nouvelle dynamique et un nouveau
projet. Le centre de gravité de la Kaps sʼest alors déplacé de la cuisine vers
lʼambiance plus feutrée du salon. "Le principe, cʼest de réunir des habitants
dans un appartement pour une veillée contes", explique Tom. Lʼidée a
dʼabord germé dans lʼesprit des colocataires, qui lʼont ensuite partagée avec
leurs voisins lors des apéros-bas-de-tour. "Ils ne visualisaient pas trop
comment ça pouvait marcher, nous non plus dʼailleurs, mais cʼétait quelque
chose qui les intéressait."
La première a lieu un vendredi soir de février. Simone est là. Fanta aussi. Elle
est venue avec sa fille et sa sœur. Outre ces quelques habitants, les
kapseurs ont invité des conteurs de lʼassociation La Filois pour animer la
soirée. Yassine, lʼun dʼentre eux, détend rapidement lʼatmosphère avec des
exercices de présentation. Puis vient le temps des contes. Ils sont africains,
bas-normands ou turcs. Simone se pique au jeu avec une histoire courte,
Léna aussi, avec une chanson humoristique.
Selon le
l'enquêt
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Les autres colocataires, malgré les sollicitations, restent sans voix. "Jʼétais
chez moi, entourée de gens que je connais, et je nʼai pas réussi à raconter
une histoire", regrette Marie. Autre regret, la difficulté à mobiliser plus largement les habitants. "Le livre de recettes a été une
aventure géniale parce quʼun groupe sʼest formé, observe Tom. Pour cette année, ce nʼest pas fini ; on a ce noyau quʼon essaye
dʼélargir, mais cʼest super dur."
Deux mois plus tard, nouvelle veillée contes. Comme à son habitude, Simone a répondu présent. Il y a aussi Joan, un nouveau
venu. Mais le gros des troupes est formé dʼenfants et dʼadolescents de lʼimmeuble. Quelques têtes connues, habituées des
apéros-bas-de-tour, dʼautres non. Ce nʼest plus un noyau, cʼest une joyeuse communauté, un peu dissipée.
Yassine et Nicole, les conteurs de la Filois, se mettent à conter. Des récits du bout du monde, un peu magiques. Ils ont une
quinzaine de regards rivés sur eux. Tout à leur plaisir, les participants en oublient presque qu'une autre belle histoire est en train
de s'écrire sous leurs yeux.
1 Association de la fondation étudiante pour la ville
Les
Hyblab
accompag
les partici
défi…
2 En hiver, lʼapéro-bas-de-tour a souvent lieu dans lʼappartement des kapseurs. Ceux-ci sʼadonnent alors à lʼexercice ingrat du porte-à-porte pour inciter les
Migrant
habitants à venir.
Quinze villes se sont mises aux Kaps
LʼAssociation de la fondation étudiante pour la ville (Afev) a adapté, à la fin
des années deux mille, un concept belge, les Kot à projets, pour en faire
les kolocʼ à projets solidaires (Kaps). Avec le partenariat des bailleurs
sociaux, elle propose des logements à loyer modéré à des étudiants contre
lʼengagement pour ceux-ci de porter un projet solidaire sur le quartier.
Poitiers, Toulouse et Paris ont été les premières à expérimenter les Kaps.
Rennes a suivi en 2011 et Nantes en 2012. Aujourdʼhui, quinze villes
proposent des Kaps pour un total de 277 kapseurs.
À Rennes, ils sont trente, répartis dans huit logements (sept à Villejean et
un à Maurepas). LʼAfev se charge du recrutement et de la constitution des
colocations. Elle les accompagne ensuite pour les démarches, lors des
réunions hebdomadaires et des temps forts. Deux salariés coordonnent les huit Kaps. Ils sont épaulés par quatre
volontaires ; dont Manon, qui suit Justine, Lénaïg, Marie et Tom.
femmes e
Associa
durable
place par
Sur deux
Photo : (de G à D) Manon, volontaire à lʼAfev, Tom, Justine Lénaïg et Marie.
Les méd
Mis en ligne le 02 mai 2014
Jean-Sébastien Moizan - Journaliste
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coopératio

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