IL FAUT UNE UMP PLUS PRO

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IL FAUT UNE UMP PLUS PRO
ESPRITS LIBRES
I D É E S
•
D É B A T S
•
O P I N I O N S
•
E S S A I S
•
D O C U M E N T S
e
HERVÉ MARITON
“IL FAUT
UNE UMP
PLUS PRO !”
Selon le candidat à la présidence du parti, « il faut une UMP de conviction
qui ne soit pas une marque ou un produit, qui ne soit pas dans le “storytelling”. La politique est une mission, et non un jeu ni un spectacle. »
PROPOS RECUEILLIS PAR PATRICE DE MÉRITENS
Q
uelles sont les raisons de votre
candidature à la présidence
de l’UMP ?
Hervé Mariton – Je suis candidat parce que je crois aux
idées. La politique ne doit
pas être un théâtre, je veux
être au plus près de la vérité ; je veux porter cette
exigence, assurément en
décalage avec la démagogie
consistant à dire que le
peuple est remarquable et que ses élites sont nulles. Davantage que les débats sur la forme, c’est le résultat qui compte.
Le doute et la construction scientifique peuvent-ils avoir
une place en politique ? Oui. Je suis quant à moi un poly-
technicien assumé, je demeure persuadé que l’esprit
scientifique en politique, c’est à la fois le doute, l’humilité
et le progrès. Bruno Le Maire affirme qu’il faut inventer
« une nouvelle France ». J’ai, quant à moi, quelque pudeur
à « inventer » un monde. Au discours qui veut la révolution des formes, je préfère celui, plus humble, des idées
nouvelles, de la réforme, de la transmission. La fermeté
des idées, la solidité des résultats. Et je ne dis pas que la
suppression de l’ISF est « envisageable », je dis : nous le
supprimerons.
Quel diagnostic portez-vous sur l’UMP, et quelle est votre différence par rapport à Bruno Le Maire et Nicolas Sarkozy ?
Depuis la défaite de la droite à l’élection présidentielle
de 2012, nous avons assisté à un conflit fratricide de succession, à une guerre brutale des chefs, au déchirement
sourd d’écuries personnelles qui ne recouvraient ­
7 NOVEMBRE 2014 - LE FIGARO MAGAZINE 179
< ESPRITS LIBRES >
La loi Taubira
“
DR
sincère des militants et des sympathisants, l’UMP a
alors fait preuve de son incapacité à organiser un vote,
à tenir un budget, à présenter des comptes irréprochables.
Je ne vous ferai pas ici l’injure de faire semblant d’avoir
ignoré le nom de Bygmalion. L’absence de transparence
est allée de pair avec le renoncement au projet. Depuis
la fin des années 80, la droite ne se définit que par l’extérieur, sans attacher d’importance aux idées. Etre un
simple rempart contre les dérives de la gauche n’exige
pas en effet d’avoir une véritable pensée. C’est ainsi que
nous avons une droite de réaction, doublée d’une droite
qui se définit trop exclusivement par le culte du chef,
lequel ne décrit qu’une partie de son histoire. Si je
considère que les idées sont essentielles, que la politique
est une mission et non un jeu ni un spectacle, l’homme
du projet que je suis à l’UMP depuis deux ans se dit qu’il
est important d’aller soi-même au front. Pour ce qui est
de ma différence avec les autres candidats, je suis moins
connu. Je suis aussi plus droit, plus exigeant, plus
constant. Quand un choix politique se présente, j’ai de
la difficulté à laisser de côté ce qui s’accommode mal
avec ce que l’on voudrait entendre. Cette exigence peut
rendre le message plus complexe et aussi plus construit
et plus juste. Je le revendique.
Exemple ?
J’ai en mémoire un échange très dur avec Nicolas Sarkozy
à l’Assemblée à l’époque où il était ministre des Finances,
autour de la politique familiale. Il m’avait rembarré au
motif qu’introduire une notion plus familiale dans un
débat budgétaire compliquait le problème. Il préférait
une réforme simple à une réforme juste, alors que dans
une dialectique du simple et du juste, je préférerai toujours
le juste au simple, au nom de la justesse et de la justice.
C’est tout le débat avec mes deux concurrents : la réforme
juste est moins communicante…
Es qualités de président, que changeriez-vous à l’UMP ?
J’aspire à un parti de droite installé dans la durée, qui
soit un pôle, un môle, à l’instar de la CDU en Allemagne,
du parti conservateur en Angleterre, ou du parti républicain aux Etats-Unis, alors que certains en France aspirent à changer d’appellation, de périmètre et d’idées tous
les dix ans. La durée est indispensable à notre société, elle
est favorable à l’émergence des nouveaux talents tout
comme à la transmission d’une culture. Il faut une UMP
de conviction qui ne soit pas une marque ou un produit,
qui ne soit pas dans le storytelling, cette fausse modernité, et surtout, qui consacre son énergie à honorer ses
militants. Une UMP plus « pro », capable d’assurer les
services de base : des cartes qui arrivent dans les délais,
la réponse assidue aux courriers des militants, des standards téléphoniques qui fonctionnent, des formations,
des conventions sur le terrain, la démonstration que l’argent est bien employé. La campagne actuelle peut servir
pour notre renaissance. Pour l’heure, je ne dirai pas que
FRANÇOIS BOUCHON
­ aucun débat d’idées. Au mépris de l’engagement
les militants sont désespérés. Non,
ils sont à la fois inquiets et pleins
d’attentes. J’ai, à ce jour, tenu près
d’une centaine de réunions en
France. Tous ceux que j’ai eus devant moi estiment que ce que je dis
est très juste : « ils aimeraient
bien… » sans être tout à fait sûrs de
Hervé Mariton,
pouvoir y croire. Et c’est terrible.
polytechnicien,
Que vous inspirent les primaires pour
ingénieur des Mines,
2017 ? Pourquoi ne serez-vous pas
candidat ?
député de la Drôme
Les primaires demeurent la moins
depuis 1993 et
mauvaise idée pour gérer la commaire de Crest
pétition entre les hommes et éviter
depuis 1995, a été
d’être absents au second tour de la
ministre de l’Outre-mer
présidentielle. Elles sont l’occasion
dans le gouvernement
d’un vrai débat, rendant par là
Villepin en 2007.
même leur rôle souverain aux miliCandidat à l’élection
tants. En ce sens, elles modifient le
à la présidence de l’UMP, parti. Si je suis élu, je ne me prédont le scrutin
senterai pas aux primaires parce
se déroulera le samedi
que seul un président non candidat
peut assurer la transparence d’un
29 novembre, il publie
tel scrutin ainsi que l’ouverture à
« Le bonheur regarde
d’autres partis. Nicolas Sarkozy s’y
à droite », Editions
présentera. Bruno Le Maire précise
du Cerf, 105 p., 12 €.
ne pas être candidat « aujourd’hui ».
Ce n’est pas bon pour le redressement de l’UMP.
Pour autant, on conçoit la stratégie assumée de Nicolas Sarkozy qui, à l’instar
de Jacques Chirac avec le RPR, veut
contrôler l’UMP pour mieux revenir à
l’Elysée…
C’est exact. A cette nuance près
que, si le RPR a été cré é p ou r
Chirac, l’UMP n’a été fondée qu’après son élection en
2002. A ceux qui estiment que le chef de l’Etat doit
systématiquement avoir été à la tête d’un parti, je répondrai que tel n’a pas été le cas pour le général de
Gaulle, et encore moins pour Georges Pompidou. Valéry
Giscard d’Estaing, quant à lui, ne présidait pas la principale formation. Ce qu’on nous affiche comme un
élément d’autorité ou une évidence n’est donc tout
simplement pas juste. Ma stratégie personnelle est de
remettre les idées au cœur même du réacteur politique. Quand j’ai été nommé responsable du projet à
l’UMP, quelques bons amis m’ont dit : « Hervé, ne te fatigue pas, cela ne sert à rien, avec la perspective des primaires, personne ne va s’y intéresser. » Nous étions en 2012,
on n’allait quand même pas rester les bras ballants jusqu’à
La suppression de l’ISF n’est pas seulement
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”
est mauvaise. Une mauvaise loi, je l’abroge
2017 ! Il y a une responsabilité à faire émerger une
culture commune, quelles que soient les écuries en lice.
Quand les candidats viennent piocher dans les idées
que je développe, je suis très heureux que cette banque
d’idées serve. Pour moi, je pense ressembler à l’UMP,
tout comme à la France d’aujourd’hui, à la fois libérale
et conservatrice. Les Français savent ce qu’est la compétition du monde, le mouvement des « pigeons » et
des « poussins » a marqué un fort surgissement du sentiment d’entreprise. Jadis, les Français croyaient au
statut et au tarif, lesquels ne sont plus garantis. Il suffit
de voir combien la vie a bougé par exemple à France
Télécom. Moins d’un employé sur deux est aujourd’hui
fonctionnaire, et l’on négocie désormais entre les fournisseurs d’accès pour obtenir les meilleurs tarifs. Parallèlement, les Français sont conservateurs par volonté
identitaire – au sens de Finkielkraut –, et par refus de
faire du passé table rase. Mon engagement personnel
demeure en droite ligne de celui de l’adolescent que je
fus, épris de liberté, passionné par la question de la tradition et de la transmission, anticommuniste, et honteux aujourd’hui que le monde occidental et ma propre
famille politique ne s’intéressent pas à ce qui se passe à
Hongkong…
En cas de victoire de la droite en 2017, allez-vous œuvrer pour
la révision de la loi Taubira sur le mariage pour tous ?
Oui, car cette loi est mauvaise, et une mauvaise loi, je
l’abroge. Instaurée au nom d’un prétendu sens de
l’histoire que je récuse, elle est emblématique d’une
certaine vision de la société face à laquelle je déplore
que la droite française ait montré une grande fragilité
de conviction. Le concept de famille durable est une
réponse à Laurence Parisot qui, un jour, avait expliqué
la flexibilité du travail en disant : « Le travail, c’est
comme l’amour, c’est essentiellement précaire. » Horrible
phrase. L’amour peut être fragile, mais à l’instar d’une
pièce de Sèvres qui durera des siècles. La famille n’est
donc nullement précaire, avec 75 % des enfants qui vivent avec leurs parents. Elle est bien moins abîmée ou
explosée que certains l’affirment, mais elle est attaquée
par pessimisme ambiant, par visée idéologique, voire
par racisme. Pour bien des Français, en effet, la famille
nombreuse, c’est la famille musulmane, d’où cette
sorte de réserve face aux initiatives du gouvernement
qui ne sont finalement pas si impopulaires. C’est ainsi.
J’ai une responsabilité à ce que le peuple mesure les véritables enjeux, ne soit pas trompé, ne se trompe pas.
Que pensez-vous de la remise à l’honneur du référendum voulue par Nicolas Sarkozy ?
Le référendum, oui, si c’est pour trancher des questions de fond, non, si c’est pour s’encombrer de problèmes non essentiels. La réforme territoriale ? Oui,
car c’est un enjeu d’efficacité, d’économies budgétaires et d’allégement fiscal. Réduire le nombre de députés ? Est-ce si important qu’il faille faire les frais d’une
consultation nationale ? Si la suggestion n’est pas infondée, elle n’est pas non plus primordiale. « La politique consiste à rendre possible ce qui est nécessaire », a dit
Richelieu. Je conjure donc mes concitoyens de ne pas
être dupes des débats-spectacles. Exigeons les vraies
réformes, parfois douloureuses, telles que la retraite à
65 ans. Dans cette perspective, mes vœux pour la
France sont ceux de l’espoir, de la lucidité et du courage. La lucidité, avec son corollaire de courage, parce
que les réformes ne concernent pas que les autres et
qu’on ne construit pas l’espoir sur le mensonge, l’esquive, où le sable. L’UMP en tant que structure a été et
risque encore demain d’être un colosse aux pieds d’argile. Elle est puissante en apparence, mais fragile, tout
comme certains de ses dirigeants. Je propose en
conséquence que chaque grand axe du projet UMP soit
voté par les militants pour que ces derniers deviennent
ipso facto coresponsables et solidaires de l’action des
politiques. Pourquoi Juppé a-t-il trébuché en 1995 ?
Parce que ses propres soutiens avaient glissé. L’interaction entre le responsable politique, le militant et le
citoyen est essentielle. C’est ainsi, en impliquant ses
partisans, en leur expliquant combien elle avait besoin
d’eux que Margaret Thatcher a réussi en son temps.
Tout comme de Gaulle, qui a su dire aux Français :
« Aidez-moi ! » On a beaucoup répété dans cette campagne que les militants étaient extraordinaires et que
le parti était pourri par la tête, mais le travail incombera demain aux chefs comme à la base.
Impossible de ne pas songer ici à Nicolas Sarkozy, qui est le
grand favori de cette élection…
Une élection est une élection, et quand on est candidat,
on en connaît la logique. On veut la victoire, mais on accepte aussi qu’un autre puisse gagner. Si Nicolas
Sarkozy devait être élu, l’espérance serait qu’il démontre un réel changement, de manière à garder ses qualités, mais aussi à corriger ses défauts, qui parfois inquiètent, et qui parfois abîment l’action publique. Il serait
alors face à une responsabilité considérable, soit de ne
rien vouloir modifier à ce qu’il est, et les mêmes causes
produiraient les mêmes effets, soit d’entrer dans une
démarche plus exigeante, plus humble et plus grande. Il
faut toujours vivre d’espoir !
L’espoir surtout d’un projet au cœur du parti. Décidé par
les militants. Les Français seront très exigeants en 2017.
Notre travail devra garantir non seulement le succès à
l’élection, mais surtout la réussite de l’alternance. Ingénieur
impénitent, je veux prouver par les résultats.
■ PROPOS RECUEILLIS PAR PATRICE DE MÉRITENS
“envisageable”... Nous le supprimerons !
7 NOVEMBRE 2014 - LE FIGARO MAGAZINE 181

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