Ethylotest : à la santé des transporteurs
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Ethylotest : à la santé des transporteurs
En couverture Ethylotest : à la santé des transporteurs Comment ça marche ? L'éthylotest antidémarrage équipera les autocars neufs en septembre prochain. Pour doter le parc existant, la FNTV a obtenu un délai jusqu'en février 2015. L’ardoise se chiffre à 150 millions d'euros. Théoriquement, c’est à la prochaine rentrée scolaire que les conducteurs d’autocars devront souffler avant de démarrer. B oire ou conduire… Cela commence à faire longtemps qu'il faut choisir. Mais comme certains conducteurs d’autocars auraient encore du mal avec la sobriété,c'est toute la profession qui trinque aujourd’hui. Le 13 février 2008, le Comité interministériel sur la Sécurité routière a décidé d'imposer les éthylotests antidémarrage dans les véhicules de transports d'enfants dès la rentrée scolaire 2009. Cette mesure s’avère complexe, notamment pour sa mise en œuvre qui va impliquer différents acteurs : les transporteurs,les fabricants d'éthylotests,les constructeurs,voire les organismes de contrôle...Par ailleurs,le décret officiel du cahier des charges du dispositif n'est pas encore paru et le projet de texte, que s'est fourni Bus & Car, laissait encore quelques zones d'ombre. Il manque aussi l'arrêté qui modifiera celui du 2 juillet 1982 relatif au transport d'enfants.Enfin,pour les questions liées aux règles d'exploitations dans les entreprises, les pouvoirs publics ont renvoyé la balle aux transporteurs.Cela promet de belles discussions avec les organisations syndicales. La FNTV à pied d'œuvre Par la voie de sa fédération, la profession s'est toujours montrée fa- vorable à la mise en place de ce dispositif de sécurité.Et ce,même si le taux d'accident d'autocar dû à l'alcool est très faible,de l'ordre de deux pour mille.Mais la FNTV a rapidement pointé les incohérences de ce dossier qui,à la base,prévoyait l'équipement de tous les véhicules en circulation à la fin 2009 et aucune mesure d'accompagnement financier. Lors d'une récente réunion avec le ministère des Transports, la nouvelle équipe de la rue d'Amsterdam a obtenu des avancées. Principalement sur le plan du calendrier.Ainsi,les véhicules neufs,immatriculés, commandés ou produits (cela reste à préciser) à compter du 3 septembre 2009 devront être équipés Aucun fond public ne sera débloqué pour faire face au coût de cette mesure, laquelle, restera à la charge entière de la profession. Le principe de fonctionnement de l'éthylotest antidémarrage est assez simple. Avant de mettre le contact, le conducteur souffle (pendant trois secondes minimum) dans l'appareil après avoir positionné son embout. Si son taux d'alcoolémie est en dessous de la limite autorisée (0,10 mg/l d'alcool dans l'air), il peut démarrer. Dans le cas contraire, le système bloque l'allumage du moteur. Après, il faut patienter vingt minutes avant de pouvoir refaire une tentative. Quand le contact est coupé, il est possible de redémarrer sans test dans les cinq minutes. La FNTV a demandé que ce délai soit allongé à dix, voire quinze minutes. Et ce, afin d’éviter que les véhicules restent en marche en phase d'attente devant les établissements scolaires. En cas de défaillance du système, l'appareil peut être facilement débranché pour permettre de faire face à des situations d'urgence. Cela soulève incontestablement la question de la fraude du style “débrancher l'éthylotest pour pouvoir démarrer” ou encore “faire souffler une baudruche à la place du conducteur”. Pour éviter que d'autres personnes ne puissent produire le test initial, l'éthylotest antidémarrage exige d'autres tests de confirmation à intervalles irréguliers, tout au long du trajet. Quant au chef d'entreprise, il a accès à toutes les données de l'éthylotest via un journal de bord. Il en va de sa responsabilité de vérifier que ses conducteurs respectent bien le dispositif de démarrage. Après avoir été débranchée, la remise en fonction n'est possible que dans l'entreprise. L'appareil est doté d'une mémoire qui permettra de réaliser un historique des événements. D.R. et I.S Ce que dit la loi Quelles sanctions ? Constitue une contravention de 4e classe le fait de conduire un autocar ou un autobus sous l'empire d'un état alcoolique caractérisé par “une concentration d'alcool dans le sang égale ou supérieure à 0,20 gramme par litre” ou par “une concentration d'alcool dans l'air expiré égale ou supérieure à 0,10 milligramme par litre.” Ce seuil de 0,20 g/l équivaut,en fait,à une “tolérance zéro”,l'organisme pouvant “naturellement présenter un taux très faible d'alcool indépendamment de la prise de boissons alcoolisées.” Cette contravention est punie : – d'une amende forfaitaire d'un montant de 135 euros ; – d'un retrait de six points du permis de conduire. Une peine complémentaire de suspension du permis de conduire peut également être prononcée par le juge pour une durée de trois ans au plus (la suspension pouvant alors être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle). Enfin, les forces de l'ordre qui procèdent à la constatation de l'infraction peuvent décider l'immobilisation du véhicule. La jurisprudence La jurisprudence admet depuis plusieurs années que la consommation d'alcool (interdite par le règlement intérieur) puisse justifier un licenciement pour faute grave. Les conducteurs professionnels doivent être plus sensibilisés que les conducteurs classiques au respect de la réglementation routière.Telle est la leçon à retenir d'un arrêt du 2 décembre 2003 de la Cour de cassation. Dans l'affaire soumise à la Cour, un chauffeur de poids lourd, au service d'une société de transport, avait fait l'objet, alors qu'il conduisait un véhicule en dehors de l'exercice de ses fonctions,d'un contrôle d'alcoolémie positif. Son permis de conduire lui avait été retiré immédiatement. C'est en raison de cette rétention (suivie de l'annulation du permis) que son employeur le licenciait pour faute grave motivant par ailleurs sa décision par le fait que son employé présentait pour lui-même et pour les autres usagers de la route un danger réel. Saisie, la chambre sociale de la Cour de cassation a retenu le principe suivant :“Le fait pour un salarié affecté en exécution de son contrat de travail à la conduite de véhicules automobiles de se voir retirer son permis de conduire pour des faits de conduite sous l'empire d'un état alcoolique, même commis en dehors de son temps de travail, se rattache à sa vie professionnelle”(Cass. soc., 2 déc. 2003, no 01-43.227, Bull. civ.V, no 304, p. 307). La Cour de cassation (Cass. soc.,22 mai 2002, no 99-45.878, Bull.civ.V., no 176, p. 175) a précisé les conditions permettant à l'employeur d'organiser,sur la base d'un règlement intérieur,un dépistage d'alcoolémie. D'une part, les modalités du contrôle doivent en permettre la contestation et, d'autre part, cette vérification ne peut être opérée que sur des salariés chez qui l'absorption d'alcool est “de nature à exposer les personnes ou les biens à un danger.” Au vu du résultat positif obtenu dans ce cadre,il peut alors être procédé au renvoi du salarié intempérant. Dans un arrêt plus récent, la chambre sociale (Cass. soc., 24 févr. 2004, no 01-47.000, Lamyline) a rappelé ces deux conditions. Isabelle Servonnet •••/••• 20 l BUS & CAR - N° 827 N° 827 - BUS & CAR l 21 En couverture surcoût du dispositif.Et comme les délais de livraison des constructeurs se comptent en mois,il est fort probable que des véhicules prévus pour ces services soient équipés d’offices avec un éthylotest,facturé par le constructeur. Quid de l’immobilisation ? Un test positif ne relève pas du pénal S'agissant d'un dispositif préventif et non répressif, le contrôle positif via l'éthylotest antidémarrage ne peut être sanctionné sur le terrain pénal. En outre, s'appuyant sur l'arrêt du 22 mai 2002 (la Cour de cassation admet que le contrôle positif d'une alcoolémie puisse déboucher sur une sanction), l'employeur est en droit de sanctionner le salarié dont le contrôle est positif. C'est sur le manquement à l'obligation de sécurité que le salarié sera sanctionné. Trois conditions sont toutefois nécessaires pour qu'un contrôle de l'alcoolémie, permettant d'établir sur le lieu de travail l'état d'ébriété d'un salarié, soit licite : 1- cette possibilité doit être prévue dans le règlement intérieur de l'entreprise ; 2- les modalités du contrôle doivent en permettre la contestation ; 3- il faut “qu'eu égard à la nature du travail confié à ce salarié, un tel état d'ébriété soit de nature à exposer les personnes ou les biens à un danger”… Si l'installation d'éthylotests antidémarrage dans les autocars apparaît comme une mesure contraignante pour la profession, elle se veut surtout rassurante pour la sécurité des élèves dont plus de 4 millions (source Gart 1996) sont transportés chaque jour en autocar. C'est d'ailleurs pour avancer en matière de sécurité dans les transports en commun que le CNT (Conseil national des transports) a récemment constitué un groupe de travail pour définir des propositions en matière de prévention des risques liés à l'alcool dans l'entreprise. Les mesures qui seront prochainement définies seront complémentaires à l'installation d'éthylotest antidémarrage dans les autocars. Elles porteront notamment sur la formation des conducteurs pour les sensibiliser aux conséquences de l'alcool au volant, sur les relations avec la Médecine du travail et sur les dispositions figurant dans le règlement intérieur de l'entreprise afin de renforcer les contrôles et de lutter contre les risques liés à l'alcool et aux stupéfiants. Isabelle Servonnet 22 l BUS & CAR - N° 827 “Nous n’allons pas donner à nos adhérents le conseil d’accélérer la mise en place des éthylotests”… Chantal Duchène, secrétaire générale du Gart. Du côté des autorités organisatrices, l'arrivée prochaine des éthylotests antidémarrage n'est pas très bien accueillie, comme en témoigne Chantal Duchène, secrétaire générale du Gart. “Nous comprenons parfaitement l'émotion suscitée par les accidents sous emprise de l'alcool. Mais il est important de rappeler qu'il s'agissait de transport occasionnel. Cela ne s'est pas produit lors de services scolaires. L'autocar reste le moyen le plus sûr pour emmener les enfants à l'école. Si on se soucie de leur sécurité, c'est sur les voitures particulières qu'il faudrait imposer les éthylotests antidémarrage. Les conducteurs sous l'emprise de l’alcool ne se contentent pas de blesser les enfants qu'ils transportent, ils en écrasent également ! Cette mesure va essentiellement contribuer à faire grimper le coût du transport collectif, car les transporteurs vont répercuter le surcoût du dispositif quand ils répondront aux appels d'offres. Aussi, nous n’allons pas donner à nos adhérents le conseil d’accélérer la mise en place des éthylotests. Il faut réellement rappeler que les transports collectifs sont les plus sûrs. Je ne pense pas que la FNTV fasse efficacement avancer le débat lorsqu'elle indique qu'il faudrait aussi étendre la mesure aux autobus.” © J.Ph. Pastre Le dispositif est aujourd’hui disponible sur les camions Volvo. Tous les constructeurs promettent d’être opérationnels en septembre 2009. L’urgence du social •••/••• Le flou qui règne actuellement sur les textes risque de poser de sérieux problèmes, surtout pour une application au 3 septembre prochain. Les transporteurs vont devoir entamer des discussions avec les instances représentatives du personnel, notamment pour être en mesure d'intégrer le dispositif et ses conséquences dans le règlement intérieur. “Aujourd'hui, il est impossible de lancer cette démarche car les textes définitifs ne sont pas parus. Or, dans le cas où les instances demanderaient des compléments d'informations, voire des enquêtes, cela pourrait prendre plusieurs mois. Aussi, il est urgent que nous disposions des textes définitifs, au plus tard à la mi-mars. Cela nous permettrait de parer aux discussions les plus longues”, souligne Bernard Lavoix, coprésident de la commission Economie, juridique et réglementaire de la FNTV. d'un système d'éthylotest antidémarrage.On peut penser que c'est la date d'immatriculation qui sera prise en considération. Bref, les constructeurs ne manqueront pas d'être prêts à cette date. Irisbus a déjà annoncé qu'il proposera de série l'éthylotest antidémarrage de Alcolock sur tous ses véhicules susceptibles d'assurer des services scolaires soit : Recréo, Crossway et Arway. Pour les autres modèles de la gamme,le prix de l'option n'a pas encore été défini. Même discours chez Temsa.Les Box et Tourmalin devraient être dotés de l'équipement de série, les autres véhicules pourront en bénéficier en option. En revanche, Dietrich Carebus est en phase de test sur deux fournisseurs d'éthylotests et devrait finaliser son choix prochainement. Cinq ans pour tout équiper Pour ce qui est du rétrofit (équipement des anciens véhicules), une date butoir plus raisonnable a été définie. L'ensemble du parc français d'autocars destiné au transport d'enfants devra être équipé d'un système au plus tard fin février 2015. Mais il y a fort à parier que les transporteurs ne limiteront pas à leurs véhicules scolaires, ni même mixte, la pose d'un éthylotest antidémar- rage.Tous les cars sont susceptibles de transporter des enfants, que se soit dans le cadre d'un remplacement du véhicule habituellement exploité,ou dans celui d'une classe de neige, par exemple. C'est la raison pour laquelle la FNTV estime que la mesure concerne entre 50 000 et 60 000 autocars. Ce qui promet une note plus que chargée. Le coût estimé de l'installation d'un équipement oscille entre 2 000 et 2 500 euros.Dans l'estimation la plus haute, il faudra donc compter près de 150 millions d'euros pour mettre aux normes l'ensemble du parc français. Bien entendu, d'ici à 2015, un grand nombre de véhicules aura été renouvelé et ne s'invitera même plus dans le circuit de l'occasion. L'addition restera tout de même salée.Et,sur ce terrain,la FNTV n'a rien obtenu. Le financement sera intégralement à la charge des transporteurs. Certes, ils pourront en répercuter le coût dans leurs réponses aux appels d’offres. Le problème,c’est que l’absence de texte définitif ne permet pas d’intégrer cette nouvelle donne dans les dossiers qui concernent la rentrée prochaine.Des transporteurs risquent de se retrouver avec un marché gagné sur des tarifs de prestation qui n’incluaient pas le A priori, les conditions d'installation bénéficient d'une certaine souplesse.Ainsi, Irisbus annonce déjà que son réseau est habilité pour procéder à l'installation en rétrofit des éthylotests antidémarrage.Cela sera certainement le cas pour les autres réseaux des constructeurs.Selon les fabricants d’éthylotest, il faudra compter un peu plus d’une heure pour installer un dispositif sur un véhicule. En revanche, il est très probable que cette mise en place se fasse dans les ateliers des installateurs agréés. Cela promet une joyeuse organisation et un sacré quota d’heures d’intervention et d’immobilisation d’autocars. D'ici à février 2015,les autocaristes sont libres de faire ce qu'ils veulent avec leurs véhicules. Aucune date intermédiaire n'a été imposée.Cette souplesse permettra au moins d'étaler les frais dans le temps. Ou de provisionner dans la perspective d'une installation générale à l'approche de la date butoir. Et les coûts d'entretien ? La facture ne se limitera pas à l'achat et à l'installation de l'appareil.Il faudra également composer avec les frais d'entretien et de contrôles périodiques. La fréquence de ces contrôles n'a pas encore été définie.La FNTV souhaite qu'elle puisse être calée sur celle d'autres équipements (chronotachygraphe électronique,limiteur de vitesse...) et que les mêmes organismes bénéficient de l'agrément. L'objectif étant de limiter les immobilisations de véhicules.Une autre interrogation concerne les embouts permettant au conducteur de souffler dans l'éthylotest.Quelle sera l'obligation en matière de renouvellement. Cela peut faire grimper rapidement les coûts d'utilisation du dispositif. Sur ce point, la parution du décret permettra de clarifier les choses. Quoi qu'il en soit,cela viendra s'ajouter à la note des transporteurs. David Reibenberg N° 827 - BUS & CAR l 23