consolider la stabilité en haïti

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consolider la stabilité en haïti
CONSOLIDER LA STABILITÉ EN HAÏTI
Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21 – 18 juillet 2007
TABLE DES MATIÈRES
SYNTHÈSE ET RECOMMANDATIONS
I.
II.
INTRODUCTION .......................................................................................................... 1
SÉCURITÉ ...................................................................................................................... 2
A.
B.
AMÉLIORATIONS ...................................................................................................................2
UNE FRAGILITÉ PERSISTANTE ................................................................................................4
III. CONSOLIDER LA STABILITÉ À PORT-AU-PRINCE : CITÉ SOLEIL ............. 6
A.
B.
C.
D.
LES ENSEIGNEMENTS DE L’AIDE EXTÉRIEURE ........................................................................6
LES DÉFIS DE LA COORDINATION ET DE LA CRÉATION D’EMPLOI ............................................8
LES DÉFIS LOCAUX DE LA SÉCURITÉ ET DE LA JUSTICE ...........................................................9
LA GESTION MUNICIPALE ....................................................................................................10
IV. GOUVERNANCE ET VIE POLITIQUE .................................................................. 12
A.
B.
C.
D.
V.
LA SCÈNE POLITIQUE NATIONALE ........................................................................................12
LE PARLEMENT ...................................................................................................................13
UNE JUSTICE POLITISÉE .......................................................................................................14
POLITIQUE ET TENSIONS LOCALES : GONAÏVES ....................................................................15
AUGMENTER LES RECETTES ET LES DÉPENSES PUBLIQUES .................. 16
A.
B.
LA GOUVERNANCE ÉCONOMIQUE ........................................................................................16
LES RECETTES PUBLIQUES ...................................................................................................17
1.
Perception ................................................................................................................17
2.
Dépenses ..................................................................................................................19
VI. CONSTRUIRE LES INSTITUTIONS LOCALES ................................................... 20
A.
B.
C.
LA CONSTITUTION DE 1987 ET LA GOUVERNANCE LOCALE .................................................20
LA GOUVERNANCE LOCALE EN ACTION ...............................................................................21
1.
Les nouvelles structures locales et les élections à venir ..........................................21
2.
La sécurité sans police municipale ..........................................................................21
3.
Des délégations et des ministères sans pouvoir .......................................................23
4.
L’aide extérieure et la gouvernance locale ..............................................................23
CRÉER UNE ADMINISTRATION LOCALE ET LE DÉBAT SUR LA DÉCENTRALISATION ................24
1.
Créer les administrations locales .............................................................................24
2.
Le débat sur la décentralisation..................................................................................24
VII. CONCLUSION ............................................................................................................. 26
ANNEXES
A. CARTE D’HAÏTI...................................................................................................................27
B.
ABRÉVIATIONS ...................................................................................................................28
C.
LES POUVOIRS CENTRAUX ET LOCAUX EN HAÏTI .................................................................30
D. LES VICTIMES DE KIDNAPPING 2006-2007 ..........................................................................31
Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21
18 juillet 2007
CONSOLIDER LA STABILITÉ EN HAÏTI
SYNTHÈSE ET RECOMMANDATIONS
La sécurité et la stabilité d’Haïti demeurent fragiles.
Le président René Préval a mis en place des
politiques de réforme des secteurs de la sécurité, de la
police, de la justice et des prisons mais leur mise en
œuvre est lente, difficile et incertaine à cause de la
faiblesse de l’État et des décennies sinon des siècles
d’abandon institutionnel. Son premier et véritable
succès consiste à avoir démantelé les gangs les plus
durs de Port-au-Prince. Mais pour qu’il soit durable, il
s’agit d’instituer une Police nationale d’Haïti (PNH)
en confiance avec la population, et ce sous l’œil
vigilant de la mission de maintien de la paix des
Nations unies (MINUSTAH). De plus, un climat
favorable au développement des infrastructures et de
l’économie doit être assuré dans les quartiers pauvres
de la capitale, et des processus similaires de
redressement et de reconstruction doivent être étendus
à tout le pays.
L’assistance transitoire et post-conflit commence tout
juste à arriver dans la capitale, dont les communes ne
ressentent toujours pas le début d’une ère nouvelle.
La coordination entre les bailleurs de fonds et le
gouvernement n’est pas encore efficace : à Cité
Soleil, où les gangs avaient imposé leur loi, un temps
précieux a été perdu dans d’interminables
négociations censées déterminer où et quand la PNH
devrait établir une présence permanente. La majorité
des membres de gang les plus recherchés ont été
arrêtés ou tués mais certains ont déjà monnayé leur
sortie de prison ou sont remplacés par des lieutenants
plus jeunes et tout aussi violents. D’autres encore se
cachent. Plus d’une dizaine de règlements de compte,
notamment des lynchages, se sont produits à Cité
Soleil depuis janvier 2007. Le processus de
désarmement, démobilisation et réintégration (DDR)
et d’autres programmes de réduction de la violence
communautaire sont trop lents. Il est urgent que les
initiatives de consolidation de la paix apportent
revenus, services de base et espoir à ces
communautés.
Afin de consolider la stabilité, Haïti doit également
mettre fin à l’impunité et aux manipulations
politiques du secteur de la justice et assurer à la fois
des procédures légales efficaces et la responsabilité
face à la loi. Parmi les actions à court terme, il faut
mettre en place une chambre criminelle spécialisée
pour traiter certains crimes graves, mener des
enquêtes indépendantes, engager des poursuites et
commencer les procès de suspects impliqués dans les
assassinats et meurtres politiques les plus sensibles de
la dernière décennie. Toutes ces étapes ne seront
franchies qu’avec le franc soutien du président et du
Premier ministre Jacques Edouard Alexis. Il est
également essentiel que le Parlement vote rapidement
les lois sur la réforme de la justice. Les futurs
financements pour des améliorations à long terme
devraient résulter d’un accord entre les bailleurs de
fonds et du gouvernement sur les indicateurs des
changements à entreprendre en matière de pratiques
juridiques et l’échéance de leur mise en œuvre.
Les structures étatiques sont toujours extrêmement
faibles, en particulier à tous les niveaux locaux, dont
le nombre et la complexité aggravent l’inefficacité de
la gouvernance. La décentralisation est importante et
devrait être poursuivie mais un consensus national en
matière de changements, y compris sur des
amendements constitutionnels si nécessaire, est tout
aussi fondamental. Il faut qu’Haïti dispose d’un
système de gouvernance locale rationnel à la hauteur
de ses moyens sans devoir dépendre de subventions
extérieures massives.
La perception des recettes, les caisses de l’État et la
croissance économique s’améliorent, et l’inflation et
les taux de change sont maîtrisés, mais le citoyen
lambda n’a ressenti aucune amélioration de ses
conditions de vie. Les recettes douanières restent endessous de leur niveau potentiel à cause de la
corruption et de la contrebande. De même, le manque
de capacités administratives limite les possibilités
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Crisis Group Latin America/Caribbean Report N°21, 18 juillet 2007
pour les 140 municipalités d’imposer et de percevoir
des droits et taxes locaux, et par là-même les empêche
de répondre aux besoins locaux. Cette lacune est
d’autant plus visible dans les communautés rurales
quasiment laissées à l’abandon et les villes de
province où vivent 60 pour cent de la population.
Les ministères et institutions publiques doivent
accélérer les dépenses et investissements publics et
activer une rénovation massive des infrastructures.
Beaucoup de créations d’emplois et de projets
d’investissement ont été prévus mais n’ont pas pris
forme. Ceux qui réussissent sont susceptibles de
provoquer un changement culturel et d’apporter de
nouvelles pratiques de gouvernance locale mais
restent des efforts isolés et doivent encore s’étendre à
tout le pays. Le président Préval a récemment affirmé
que l’éradication de la corruption à tous les niveaux
du gouvernement était sa priorité. Mais, comme pour
beaucoup d’autres initiatives capables d’empêcher le
pays de glisser à nouveau dans un chaos trop familier
alors que l’attention internationale se détourne
inexorablement, bien peu a encore été fait.
ministre
et
S’opposer à toute tentative de création d’une
deuxième force de sécurité nationale en plus de
la Police nationale d’Haïti (PNH).
2.
Nommer des responsables respectés au niveau
local aux postes de délégués départementaux et
de vice-délégués ou confirmer ceux qui sont
déjà en poste pour mettre fin à l’incertitude au
niveau local.
3.
Renforcer le ministère de l’Intérieur en lui
attribuant davantage de personnel mieux formé
pour qu’il puisse :
4.
(a)
appuyer et superviser les responsables
municipaux et locaux ; et
(b)
déterminer et appuyer les meilleures
pratiques des projets de développement
local et de gouvernance pour les
reproduire à l’échelle nationale.
Coordonner plusieurs conférences nationales
sur la gouvernance locale et intégrer les
recommandations dans un nouveau cadre légal
de réformes globales impliquant, si cela s’avère
nécessaire, des changements constitutionnels de
manière à :
simplifier l’administration publique en
réduisant le nombre de structures locales
et de niveaux administratifs ainsi que le
coût des élections en fusionnant conseils
et assemblées de manière appropriée;
(b)
redessiner les limites territoriales pour
assurer l’égalité dans la représentation
politique ;
(c)
donner la possibilité aux municipalités,
délégations et vice-délégations de jouer
un rôle plus actif dans le développement
local, tout en prenant en compte le
besoin de donner un rôle consultatif aux
Assemblées des sections communales
(ASEC), aux Conseils d'administration
des sections communales (CASEC), et
aux
assemblées
et
conseils
départementaux, et
(d)
renforcer les capacités de taxation locale
et accélérer la redistribution des revenus.
Mettre plus rapidement en place le plan du
gouvernement pour Cité Soleil, l’élargir pour y
inclure la maintenance, l’administration
municipale et la sécurité des citoyens, et rendre
plus claire la chaîne de commandement pour la
coordination de la task force à Cité Soleil.
6.
Renforcer la coordination entre la commission
nationale
pour
le
désarmement,
la
démobilisation et la réintégration (CNDDR),
les bailleurs de fonds et les organisations non
gouvernementales (ONG) de manière à définir
des critères permettant d’assurer le respect des
exigences du processus de désarmement et des
normes de réinsertion ainsi que des critères de
prévention de la violence des gangs.
7.
Enjoindre le ministère de la Justice de lancer un
examen indépendant des besoins en matière de
réouverture ou de réactivation des affaires
criminelles impliquant des assassinats pour
lesquels il existe une suspicion d’influence
politique abusive.
8.
Créer, à l’aide de mesures administratives
appropriées, une chambre criminelle spécialisée
chargée de l’instruction des affaires impliquant
trafic de drogue, enlèvements, terrorisme,
corruption, blanchiment d’argent, trafic d’êtres
humains et crime organisé.
au
1.
(a)
5.
RECOMMANDATIONS
Au président, au Premier
gouvernement d’Haïti:
Page ii
Aux parlementaires et partis politiques :
9.
Professionnaliser les travaux de la branche
législative en améliorant la discipline au sein
des partis, respecter le règlement intérieur du
Consolider la stabilité en Haïti
Crisis Group Latin America/Caribbean Report N°21, 18 juillet 2007
Page iii
cadre d’affaires concernant des crimes
graves; et
Parlement et mettre en œuvre le plan de
réforme du Parlement qui a été adopté.
10.
À la communauté internationale, dont les
États-Unis, le Canada, l’UE, les institutions
financières internationales et aux autres
importants bailleurs de fonds :
11.
Fournir une aide financière et technique au plan
du gouvernement pour Cité Soleil.
13.
Soutenir, à la suite d’une phase de dialogue
national, la stratégie gouvernementale de
simplification et de renforcement de la
gouvernance locale.
Offrir une assistance technique au ministère de
la Justice pour renforcer l’administration
juridique et collaborer avec le gouvernement
pour déterminer des critères applicables à la
réforme de la justice, tels que :
(a)
un fonctionnement plus efficace de la
commission de détention ;
(b)
l’adoption des trois avant-projets de loi
sur la réforme du statut des magistrats, le
conseil de la magistrature et l’école de la
magistrature ;
(c)
l’examen immédiat par une commission
de contrôle judiciaire redynamisée pour
décider de sanctions appropriées à
l’encontre des juges et avocats
corrompus et d’autres personnes
accusées de mauvaise conduite dans le
le progrès tangible du processus
d’épuration (vetting) de la police.
15.
Continuer à faire pression pour une
modernisation plus rapide de l’administration
des douanes et pour un meilleur contrôle par
l’État dans les ports.
16.
Soutenir les programmes du gouvernement de
lutte contre la drogue, notamment en :
Intégrer Haïti à l’agenda de la Commission de
consolidation de la paix des Nations unies le
plus vite possible et allouer 50 millions de
dollars du Fonds pour la consolidation de la
paix aux agences des Nations unies qui sont en
mesure de faciliter le renforcement des
capacités de la gouvernance à tous les niveaux,
apporter une assistance à la planification à
grande
échelle
et
encourager
des
investissements plus rapides dans des
infrastructures durables et l’amélioration des
services de base dans les zones sensibles.
12.
14.
(d)
Prendre rapidement des décisions sur le paquet
législatif concernant la réforme de la justice.
(a)
soutenant les unités de la PNH ayant déjà
subi l’examen du vetting;
(b)
pourvoir en personnel les bureaux de
lutte contre la drogue des États-Unis en
Haïti;
(c)
intensifier la coordination régionale en
matière
de
renseignement,
de
surveillance et de contrôle, notamment
avec le stationnement permanent de deux
hélicoptères de la Drug Enforcement
Agency des États-Unis pour appuyer
l’action de la PNH et de la MINUSTAH
contre l’usage clandestin des pistes
d’atterrissage et des largages en mer ; et
(d)
apporter à la MINUSTAH et la PNH les
capacités nécessaires à la création d’une
base maritime sur la côte méridionale
depuis laquelle elles pourront conduire
régulièrement des patrouilles et des
opérations de surveillance et de contrôle.
À la MINUSTAH et aux agences des Nations
unies :
17.
Améliorer la coordination avec la CNDDR et
mettre en place un programme de réintégration
du personnel de police révoqué.
18.
Lancer une importante formation en police de
proximité ainsi que des projets relatifs à la
sûreté des communautés là où l’épuration de la
PNH a été réalisée avec succès.
Port-au-Prince/Bruxelles, 18 juillet 2007
Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21
18 juillet 2007
CONSOLIDER LA STABILITÉ EN HAÏTI
I.
INTRODUCTION
Haïti a une occasion historique de se construire un
futur démocratique et d’établir les conditions propices
à son développement. Le président René Préval a le
soutien de l’international et en interne pour mettre en
œuvre une série de réformes ambitieuses et de long terme.
La Mission des Nations unies pour la stabilisation en
Haiti (MINUSTAH), 1 avec la Police nationale d’Haiti
(PNH), a délogé le noyau dur des réseaux politisés et
criminels de Port-au-Prince qui menaçaient la stabilité
depuis neuf mois. Cependant l’État demeure faible et a
besoin d’un soutien militaire, policier, politique, financier
et technique continu.
Comme Préval l’a reconnu en mai 2007, la paix doit être
maintenue non seulement dans la capitale mais aussi dans
tout le pays.
La seconde voie du renouveau 2 consiste à mieux
organiser, former et financer les autorités locales, ce
qui requiert non seulement plus de ressources mais
aussi des partenariats plus efficaces entre les
ministères, les autorités locales, les organisations
communautaires et le secteur privé.
Port-au-Prince reste le défi sécuritaire majeur,
même si la capacité de nuisance des gangs par la
violence politique, les kidnappings, le blocage des ports
et la pression sur le secteur privé a été éradiquée. Le
gouvernement et la MINUSTAH vont devoir garder un
contrôle étroit des zones instables dans les années qui
viennent pour rassurer une population toujours
nerveuse. Renforcer les structures de l’État est essentiel
pour un développement durable. La gouvernance
économique du ministère des Finances et de la Banque
centrale doit être suivie en permanence et ajustée aux
standards internationaux. Les déclarations de Préval
donnant la priorité à la lutte contre la corruption en
sont pour l’instant à un début encourageant.
Transformer l’essai implique une réforme profonde de la
justice appuyée par des bailleurs de fonds conscients de
cette priorité. Pour cela le président a aussi besoin d’un
Parlement plus mature et responsable, d’une classe
politique plus transparente, d’une société civile active et
d’un secteur privé engagé. Les ressources et l’aide ne
manquent pas : les bailleurs de fonds sont prêts à
contribuer à des initiatives concrètes décidées localement.
Dans de nombreux cas, un nouveau cadre légal est
nécessaire, dans d’autres, le personnel compétent est
inexistant.
2
1
Le 15 février 2007, le Conseil de sécurité a prolongé le
mandat de la MINUSTAH jusqu’au 15 octobre 2007.
Philippe R. Girard, Paradise Lost: Haiti’s Tumultuous
Journey from Pearl of the Caribbean to Third World Hotspot
(New York, 2005).
Consolider la stabilité en Haïti
Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007
II.
SÉCURITÉ
Depuis la série d’enlèvements de décembre 2006, de
nombreux chefs de gangs ont été arrêtés ou tués. Depuis
le mois de janvier, plus de 750 personnes suspectées de
faire partie d’un gang ont été emprisonnées et de
nombreuses minutions saisies. Le personnel humanitaire
et de développement travaille plus ou moins en sécurité
pendant la journée. Mais la situation demeure fragile.
A.
AMÉLIORATIONS
L’insécurité générale et les enlèvements ont connu une
recrudescence en novembre et décembre 2006.3 La vague
de terreur qui s’en est suivie à Port-au-Prince a touché
l’ensemble de la société.4 À la mi-novembre, l’enlèvement,
la torture et le meurtre de la jeune étudiante Farah Dessources
ainsi que le meurtre d’un petit garçon de 6 ans alors que
des rançons avaient été versées, suivis en décembre d’une
série d’enlèvements d’enfants, choquèrent profondément
la population.5
Le gouvernement fit pression pour une réponse rapide de
la MINUSTAH mais il fallut attendre les élections du 3
décembre et la rotation de ses troupes au milieu du mois6
3
Selon la MINUSTAH, le nombre d’enlèvements a diminué
en septembre et en octobre 2006, pour ensuite passer de 31 à
96 en novembre, et a atteint en décembre son niveau le plus
élevé de l’année, 129. Les Haïtens pensent que les chiffres
réels sont plus élevés dans la mesure où de nombreux
enlèvements ne sont pas signalés, par peur des représailles et
par manque de confiance en la PNH. Jean-Michel Caroit,
«Le chaos règne en Haïti», 2 janvier 2007, http://www.caraib
Esfm.com/index.php?id=2463.
4
Les hauts fonctionnaires de l’État et internationaux n’ont
pas été épargnés. Fred Joseph, ex-ministre des Finances sous
le gouvernement de Préval, a été enlevé le 30 novembre
2006. Le 10 novembre, deux soldats jordaniens ont été tués
près de Cité Soleil dans l’attaque de leur véhicule. «Haiti
gunmen kill 2 Jordanian U.N. soldiers», Reuters, 11
novembre 2006. http://www.haiti-info.com/spip.php?article
3461.
5
Vingt-neuf enlèvements d’écoliers ont été rapportés en trois
jours au cours de la deuxième semaine de décembre à Portau-Prince. « L’UNICEF et la MINUSTAH ensemble contre
le kidnapping d’enfants », www.minustah.org, 22 décembre
2006. Martissant fit l’expérience d’une escalade de la
violence des gangs avec une dizaine de personnes tuées en
trois jours en décembre et l’assassinat d’un policier local,
Jean-André Noël, qui avait été impliqué dans plusieurs
enlèvements.
6
Entretien de Crisis Group avec un membre du personnel de
la police des Nations unies de la MINUSTAH (UNPOL),
Port-au-Prince, 24 février 2007. Table ronde du Center for
Page 2
pour qu’elle soit prête à réagir. La première d’une série
d’importantes opérations conjointes avec la PNH, le 22
décembre, a dégénéré en fusillade avec le gang de Belony7
à Bois Neuf et Drouillard, faisant au moins neuf victimes.8
Le major-général brésilien Carlos Alberto Dos Santos, qui
a pris la tête de la MINUSTAH le 11 janvier,9 a adopté un
plan systématique, en s’emparant en premier lieu des
bâtiments stratégiques près de Cité Soleil et en ciblant les
plus grands chefs de gangs, tout en comptant sur les activités
du renseignement pour causer le moins de victimes possible.10
Les postes de contrôle ont été maintenus sur les routes à
l’intérieur et à l’extérieur de Cité Soleil, et les troupes sont
restées sur place afin de créer un espace sécurisé pour
permettre à la PNH de revenir de manière permanente et
au gouvernement et aux agences de développement de
travailler librement.11
Le 24 janvier, la MINUSTAH occupa un bâtiment
stratégique de quatre étages, la «Maison Bleue», à l’entrée
du secteur de Boston.12 Le 9 février, l’«Opération Jauru Sud
Americana»13 cibla Boston et la base Jamaica d’Evens.14
Strategic & International Studies (CSIS) avec l’Ambassadeur
Mulet, 27 janvier 2007.
7
Communiqué de presse N° 299 de la MINUSTAH, 22
décembre 2006. L’orthographe des noms des membres de
gangs varie. Les rapports précédents de Crisis Group
utilisaient « Bellony » et « Evans ». Le présent rapport
emploie « Belony » et « Evens » qui sont aujourd’hui plus
fréquents dans les médias.
8
« Monthly Forecast: Haiti », rapport du Conseil de
sécurité, février 2007, http://www.securitycouncil report.org/
site/c.glK WLe MTIsG/ b.2461273/k.472/February_2007br
Haiti.htm.
9
Il remplaça un autre brésilien, le général de brigade José
Elito Carvalho Siqueira.
10
Trente-deux gangs opèrent dans les 34 quartiers de Cité
Soleil. Leurs membres s’affilient selon les circonstances aux
trois gangs principaux, dont les chefs identifiés sont Evens
Jeune à Boston, Belony à Bois Neuf et Amaral Duclona à
Belekou. Pour en savoir plus sur les gangs de Cité Soleil,
voir le Briefing Amérique Latine/Caraïbes N°12, Haïti :
sécurité et réintégration de l’État, 30 octobre 2006.
11
La PNH n’occupe plus ses trois commissariats de Cité
Soleil depuis février 2004.
12
L’opération s’est déroulée près du principal château d’eau,
source d’eau potable de nombreux résidents, et le fruit d’un
projet du Comité international de la Croix-Rouge, de la
Centrale autonome métropolitaine d’eau potable (CAMEP),
de l’Agence des États-Unis pour le développement
international (USAID) et de l’Organisation internationale
pour les migrations (OIM). Une partie du bâtiment était
endommagée et des troupes y ont été postées, ce qui en
faisait une cible potentielle. Elles ont quitté les lieux après en
avoir été informées, les dommages ont été réparés et le
château d’eau fonctionne de nouveau.
13
Du nom du bataillon du capitaine brésilien de la force. Les
700 soldats venaient de Bolivie, du Brésil, du Chili, du
Paraguay, du Pérou, d’Uruguay et de Jordanie. Le gang
Consolider la stabilité en Haïti
Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007
Entre plusieurs manœuvres importantes, la MINUSTAH
est restée à Cité Soleil et a augmenté le nombre de ses
patrouilles, dont certaines ont été effectuées avec la PNH.15
Le gang Evens délogé et la présence permanente de la
MINUSTAH établie à Boston, l’« Opération Nazca » fut
lancée le 20 février à Belekou.16 La PNH arrêta dix-sept
suspects et une nouvelle base de la MINUSTAH fut installée.
Une opération de recherche au fief du chef de gang Amaral
ne permit cependant pas d’arrêter ce dernier. L’opération
conduite le 28 février, qui visait de nouveau le quartier
général de Belony à Bois Neuf, permit d’arrêter sept personnes
sans coups de feu mais pas d’arrêter le chef du gang.17
Quatre semaines après l’opération qui le ciblait, Evens
fut arrêté sur dénonciation de résidents, le 13 mars, près
des Cayes.18 Belony s’enfuit à Saint-Michel de l’Attalaye
dans le département de l’Artibonite mais les locaux,
craignant qu’il amène la violence avec lui, alertèrent la
police qui l’arrêta le 21 avril. Les médias, en particulier
les 200 radios et télévisions nationales d’Haïti, relayèrent
largement les opérations anti-gang,19 et la coopération de
la population, qui a permis ces arrestations, est un signe
positif de progrès.20
d’Evens avait creusé un fossé autour de la base. L’armée
utilisa des pelleteuses, du sable et des ingénieurs pour le
remplir.
14
Entretien de Crisis Group avec le général Dos Santos,
commandant de la MINUSTAH, 9 février 2007.
15
Une patrouille de routine a arrêté Ti Bazil à Cité Soleil.
«Haïti : arrestation de l'un des chefs de gang de Cité
Soleil», consultable sur http://www.un.org/apps/newsFr/
storyF.asp?
NewsID=13683&Cr=Ha%EFti&Cr1=MINUSTAH.
16
Sept cents soldats originaires des mêmes États
d’Amérique Latine que pour l’opération précédente ainsi
que de Jordanie et du Népal y ont participé, en
collaboration avec les gardes-côte, l’appui aérien du Chili,
les hélicoptères de surveillance et des Unités de police
constituée (Formed police units, FPU).
17
« UN peacekeepers complete first phase of anti-gang
crackdown in capital », www.minustah.org, 2 mars 2007.
18
Certains pensent que son gang est lié au trafic de
drogue à Port-au-Prince.
19
L’efficacité de la radio n’a pas échappé à la
MINUSTAH. Elle diffuse sur son site internet deux
heures de programme par jour et espère pouvoir diffuser
bientôt au niveau national. Entretien de Crisis Group avec
David Wimhurst, chef du bureau de la communication et
de l’information de la MINUSTAH, Port-au-Prince, 12
juin 2007.
20
La MINUSTAH demanda via la radio, la télévision et
l’affichage urbain à ce que toute information soit
divulguée à travers une ligne téléphonique gratuite et
confidentielle baptisée « Je Wè Bouch Pale » (ce que je
vois, je le dis), mise en service en juin 2005.
Communiqué de presse 133 de la MINUSTAH, 9 juin
2005, consultable sur http://www.un.org/
Page 3
Comme l’avait promis le Premier ministre Jacques Édouard
Alexis, les opérations de Cité Soleil se poursuivirent à
Martissant, théâtre d’une guerre de territoire des gangs
rivaux et de zones instables. La PNH et la MINUSTAH
patrouillent maintenant régulièrement à Martissant. 21
Les opérations ont pu dissoudre certains gangs et ont
permis aux résidents de Cité Soleil, de Martissant et
d’autres bidonvilles de ressentir un minimum de stabilité et
de reprendre une activité normale. Tous les gangs n’ont pas
été délogés, certains sont simplement moins actifs et ont
dissimulé leurs armes.22 Cependant, l’insécurité n’est plus
omniprésente dans la capitale et la déstabilisation d’autres
régions, où certains membres de gangs avaient trouvé
refuge, n’a pas été aussi forte que ce que l’on craignait.23
Plusieurs organisations, dont l’Institut pour la justice et la
démocratie en Haïti (IJDH) déclarèrent que de nombreuses
victimes des opérations étaient des habitants innocents
pris au piège des tirs à l’aveuglette de la MINUSTAH.24
Les médecins de Médecins sans frontières-Belgique
(MSF-Belgique) notèrent une augmentation des victimes
par balle à l’hôpital local, sans toutefois interpréter les
french/peace/peace/cu_mission/minustah/pr133.pdf.
21
« Après Cité Soleil, offensive de la PNH et de la
MINUSTAH contre les gangs de Bolosse et Martissant »,
Radio Kiskeya, 15 mai 2007, consultable sur http://www.
.radiokiskeya.com/spip.php?/spip.php?article3670 ;
« Le système de patrouille conjointe Minustah-PNH est
un atout pour les autorités », Radio Métropole, 27 avril
2007.
22
Entretiens de Crisis Group avec des résidents locaux et
des volontaires non-gouvernementaux, 13 juin 2007.
23
Des habitants d’autres régions ont demandé
l’organisation d’autres opérations anti-gangs dans leur
ville, comme Ouanaminthe. Entretiens de Crisis Group
avec la MINUSTAH, l’UNPOL et un religieux local,
Ouanaminthe, 25, 26, et 27 avril 2007.
24
Les médias haïtiens ont rapporté quatre décès de civils
dans le raid de Boston, mais les représentants des Nations
unies n’ont pas pu les confirmer. Miami Herald, 19
février 2007. L’IJDH affirma qu’un hélicoptère de la
MINUSTAH avait tiré sans discernement sur des
habitations de Cité Soleil. « Half-hour for Haiti: Followup On MINUSTAH Raid in Cité Soleil », IJDH, 10
janvier 2006, consultable sur www.ijdh.org/articles/article
_halfhourforhaiti_1-10-07.html. Le représentant spécial
du secrétaire général des Nations unies (SRSG), Edmund
Mulet, démentit ces allégations dans une lettre ouverte à
l’IJDH, indiquant que l’hélicoptère n’avait effectué
qu’une mission de surveillance. Ibid. Le porte-parole de
la MINUSTAH affirma que les balles qui avaient touché
les habitations avaient été tirées par les gangs sur
l’hélicoptère. « Haiti: UN peacekeepers complete first
phase of anti-gang crackdown in capital », service
d’information des Nations unies, 2 mars 2007, consultable
sur www.minustah.org/blogs/119/Haiti-UN-peacekeeperscomplete-first-phase-of-anti-gang-crackdown-incapital.html.
Consolider la stabilité en Haïti
Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007
statistiques. Il est donc difficile d’imputer la responsabilité
directe de ces victimes aux opérations de l’ONU pendant
lesquelles les casques bleus ont dû faire face à d’importantes
fusillades de la part de gangs très bien armés.25
B.
UNE FRAGILITÉ PERSISTANTE
L’amélioration de la situation sécuritaire n’a pas pour
autant résolu les problèmes de pauvreté, de violence
urbaine ou de désarmement, dont le processus n’avance
pas. Après les principaux gangs urbains, la PNH et la
MINUSTAH se focalisent sur le crime organisé et les
trafics. Il est essentiel que l’assainissement interne de la
PNH soit achevé. Un second corps armé n’est pas
nécessaire, et la réactivation de l’armée représenterait un
risque de retour à la guerre civile ou à son utilisation par
certains groupes à des fins anti-démocratiques.
Avant que la police ne devienne une institution de
confiance, certains éléments de l’élite pourraient très bien
financer des criminels, en partie au moins pour créer leur
propre zone de stabilité. La déclaration de Belony selon
laquelle il recevait 5 000 dollars par semaine de la part des
milieux d’affaires a renforcé les demandes d’enquête sur
le rôle du secteur privé dans le soutien des gangs,26 ce
qui pourrait déclencher d’imprévisibles réactions chez
des personnes puissantes craignant d’être dénoncées.
De nombreuses victimes de la violence sont traumatisées,
ont besoin d’aide et que justice soit faite.27 En l’absence
de justice formelle, certains ont préféré se faire justice
eux-mêmes. Les lynchages de membres de gangs ainsi
que le nombre de kidnappeurs et de criminels présumés
identifiés par la population locale ont augmenté dans
tout le pays au mois d’avril.28 À Cité Soleil, le personnel
25
Les statistiques de MSF-Belgique sur l’hôpital de SainteCatherine, à Cité Soleil, recensent 200 victimes par balle en
décembre 2006, contre 80 un an auparavant. Les chiffres du
mois de décembre 2005 sont utilisés à titre de comparaison
parce que des pics de violence ont généralement lieu à cette
période de l’année.
26
Radio Vision 2000, monitorée par la MINUSTAH, 25
avril 2007.
27
« Voix d’Haiti : impact de la violence armée », campagne
pour la réduction de la violence, http://www.campagnecontre
violence.org/. Cette campagne a été lancée en mars 2006 par
quinze organisations sociales de soutien aux activités des
communautés. Elle élabore des programmes de recherche et
de sensibilisation et de formation auprès de groupes ciblés
sur la transformation pacifique des conflits violents dans les
zones sensibles et plaide, aux niveaux national et
international, pour le contrôle de la circulation des armes et
la réduction des conflits.
28
Le 23 avril 2007, des habitants de Miragoâne ont jeté des
pierres, poignardé et battu à mort cinq voleurs présumés. La
police et la MINUSTAH ont arrêté sept des agresseurs, dont
Page 4
de l’hôpital de Sainte-Catherine a confirmé une réduction
de la violence par arme à feu mais a rapporté vingt victimes
au couteau et à la machette par semaine.29 Les élus locaux
parlent de «violence silencieuse»,30 de règlements de compte
personnels.31 Un habitant mobilisa un groupe d’au moins
100 personnes armées de machettes pour lyncher d’autres
personnes suspectées d’implication avec les gangs.
L’opération fut stoppée par la MINUSTAH et la PNH.
Suite à l’arrestation de chefs de gangs, certains membres
se sont vengés d’informateurs présumés. Les enquêtes
autour de l’assassinat le 19 janvier du journaliste radio
Jean-Rémy Badio à Martissant sont en cours.32 Le chef
d’un gang de Cité Soleil et complice d’Evens, Johnny Pierre
Louis, alias Ti Bazil, qui avait été arrêté le 18 février par une
patrouille de la MINUSTAH pour le meurtre de membres
des familles de deux participants au programme de
désarmement, démobilisation et réintégration (DDR), a été
relâché. Il aurait pour cela versé des pots-de-vin à un juge.33
Le programme de DDR lui-même reste controversé et le
pays conséquemment armé. Les approches traditionnelles
de la MINUSTAH comme de la commission nationale de
DDR (CNDDR), ont échoué,34 et d’autres propositions de
deux policiers, Augustin Myrtil de la Compagnie
d’intervention et de maintien de l’ordre (CIMO) et Hanz
Maitre, du poste de Miragoâne. Tous faisaient partie d’un
gang armé. Le chef de police Marc-André Cadostin indique
que les habitants se sont plaints de bandits entrés chez eux
pour voler. Une camionette leur a servi à transporter les
biens volés, dont un pistolet 9 mm, qui sont maintenant entre
les mains de la police. Haiti Support Group news briefs,
consultable sur http://haiti support.gn.apc.org/fea_news
_main.html.
29
Entretien de Crisis Group avec un responsable municipal,
Cité Soleil, 4 juin 2007.
30
Entretien de Crisis Group avec un responsable politique,
Cité Soleil, 21 mai 2007.
31
Entretiens de Crisis Group avec un responsable local de
Cité Soleil et un employé de l’hôpital, Cité Soleil, 21 mai
2007.
32
Selon SOS Journalistes, l’association dont il faisait partie,
il a été assassiné par des membres de gangs de Martissant,
Lame Ti Manchet et Baz Pilate, qu’il avait récemment
photographiés. « Amnesty International condamne le
meurtre d’un journaliste », communiqué de presse, 25
janvier 2007, consultable sur http://ara.amnesty.org/library/
Index/FRAAMR360012007?open&of=FRA-HTI.
33
Discours du SRSG Edmund Mulet, diffusé par Radio
Métropole, 30 mai 2007. Ti Bazil serait rentré à Cité Soleil et
se serait vengé en commettant d’autres assassinats.
Entretiens de Crisis Group, Port-au-Prince, 28 mai et 20 juin
2007.
34
Les chefs de gang ont rarement déposé les armes, et quand
ils le font c’est souvent dans le but de négocier leur liberté.
En février 2007, après le renforcement des pressions de la
MINUTAH, Amaral a offert de déposer les armes mais les
autorités ont considéré qu’il était trop tard. En mars, après la
Consolider la stabilité en Haïti
Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007
réduction de la violence communautaire, mises en
évidence dès 2005, n’ont toujours pas véritablement
démarré.35 La coordination entre les bailleurs de fonds et
la CNDDR souffre d’une inflexibilité mutuelle.36 Il est
prévu qu’environ 150 personnes entrent dans le centre
de réinsertion de la CNDDR de Santo mais les organisations
internationales chargées d’accompagner le processus ont
des doutes sur les critères de sélection.37
L’interruption des activités criminelles des gangs pourrait
inciter leurs chefs à chercher d’autres sources de revenu.
Si d’autres possibilités économiques et sociales ne sont
pas offertes, de nouvelles structures criminelles pourraient
apparaître. D’anciens membres de gangs, pour la plupart
de jeunes hommes qui ont rejoint ces groupes comme
seule source financière, n’ont pas de motivation politique.
Nombre d’entre eux ne croient pas au travail pour gagner
un salaire et ne cherchent que la charité ou de rapides
retours financiers en l’échange de peu d’investissement.38
Ils n’ont aucun grief politique particulier, ce qui les rend
vulnérables à la manipulation.
Le sort des officiers de police qui ont été révoqués de la
PNH reste une question sans réponse. Dans le département
de la Grande Anse, des officiers malhonnêtes soupçonnés
de participer à des activités criminelles, ont été transférés.39
On ne sait pas encore comment les anciens policiers qui
ne sont pas poursuivis en justice seront réintégrés dans la
société sans être tentés de rejoindre des groupes criminels.
La CNDDR a évoqué la mise en place de programmes
spéciaux mais rien ne s’est encore concrétisé.
saisie du quartier général de Bois Neuf, il rendit plusieurs
dizaines d’armes et des munitions à la CNDDR.
35
Le personnel de la MINUSTAH a vite compris qu’une
approche classique de la DDR n’était pas appropriée. Après
l’échec de cette approche pendant la période de transition,
les Nations unies ont dû attendre la résolution 1702 du
Conseil de sécurité (15 août 2006) pour que les services du
siège des Nations unies et la cinquième commission de
l’Assemblée générale s’accordent sur un glissement explicite
vers un programme de réduction de la violence
communautaire. En 2007, la section DDR avait 56 postes
pour un budget d’environ 3,6 millions de dollars. Entretien
de Crisis Group avec le personnel de DDR, MINUSTAH,
Port-au-Prince, 12 juin 2007. Environ 80 postes
internationaux et 1,5 million de dollars de budget avaient
d’abord été prévus pour le DDR.
36
Entretiens de Crisis Group avec le personnel du PNUD, de
la CNDDR et d’un groupe de réflexion basé aux États-Unis,
Port-au-Prince, 4 juin, 14 mai et 5 juin 2007.
37
Entretiens de Crisis Group avec des diplomates, Port-auPrince, 5 et 19 juin 2007.
38
Entretien de Crisis Group avec un responsable local de
Cité Soleil, 6 juin 2007.
39
Entretiens et correspondance de Crisis Group avec le
personnel de la MINUSTAH, avril-juin 2007.
Page 5
Depuis 2004, la PNH et la MINUSTAH concentrent la
plupart de leurs efforts sur les gangs urbains, les groupes
armés et les groupes d’auto-défense dans la capitale et
d’autres grands bidonvilles urbains. En dehors de Portau-Prince, les anciens soldats qui n’ont pas constitué de
structures larges et organisées ont fait l’objet de moins
d’attention. Les groupes armés sont néanmoins récemment
réapparus comme des facteurs déstabilisateurs, en
particulier après le discours de Préval sur la corruption.
Les instigateurs de la résistance anti-Aristide en 2004,40
les évadés de prison, les zenglendos (bandits), les policiers
malhonnêtes et autres groupes de type mafieux peuvent
maintenant opérer plus facilement. Certains à Gonaïves
ont été mis hors jeu mais d’autres pourraient redevenir une
source de troubles. Guy Philippe,41 qui avait adopté un profil
bas aux Cayes, a fait une déclaration en faveur de Ti Will42
après son arrestation et révélé le nom de personnalités du
secteur privé qui auraient financé sa rébellion anti-Aristide.43
D’autres griefs sont liés à la fierté nationale et à
l’«occupation» de la MINUSTAH. 44 La police des
Nations unies (UNPOL), par le biais d’opérations
communes de renseignement avec la PNH, a tenté de
réduire le nombre de personnes arrêtées sans motif,
probablement aussi bien pour apaiser la colère de la
population que pour une question de respect des droits
humains.45
40
Également appelés « combattants pour la liberté » par
leurs partisans.
41
Ancien chef de la police, il s’est enfui en République
Dominicaine en 2000 après avoir été accusé de fomenter un
coup d’État. Après avoir été l’un des chefs du mouvement
armé de 2004 qui renversa le président Aristide, il fut
candidat malheureux aux présidentielles de 2006.
42
Wilfort Ferdinand, alias Ti Will, est un ancien membre de
l’Armée cannibale et du Front de résistance
Artibonite/Gonaïves anti-Aristide de Gonaïves. Le
mouvement armé de 2004 le porta à la tête de la « police
départementale ». Inculpé pour meurtre et suspecté d’avoir
commis d’autres crimes, il est cependant resté en liberté aux
Gonaïves jusqu’à son arrestation en mai 2007.
43
Radio Signal FM, information collectée par le service de
monitorage des radios locales de la MINUSTAH, 29 mai
2007.
44
Plusieurs chansons populaires du carnaval de 2007, espace
d’expression politique pour les Haïtiens, parlaient de la
MINUSTAH, souvent perçue comme une force
d’occupation. Les habitants font des plaisanteries et jeux de
mots sarcastiques avec son acronyme. L’histoire récente a
rendu les Haïtiens sensibles à l’occupation militaire. Mary A.
Renda, Taking Haiti: Military Occupation and the Culture of
U.S. Imperialism, 1915-1940 (Chapel Hill: University of
North Carolina Press, 2001).
45
Le terme « aremaj » désigne les rafles des criminels
suspectés. Chaque mois, les chiffres des arrestations sont
communiqués lors de conférences de presse ; lorsqu’ils sont
élevés, ils sont présentés comme une évolution positive de la
Consolider la stabilité en Haïti
Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007
III. CONSOLIDER LA STABILITÉ À
PORT-AU-PRINCE : CITÉ SOLEIL
Il est urgent pour la capitale de consolider la relative
stabilité à laquelle elle est parvenue, en renforçant la
présence de l’État et en coordonnant le soutien international.
L’installation d’autorités locales à Cité Soleil représente
l’occasion d’améliorer la gouvernance locale et la
sécurité. Si elle se révèle un succès, elle pourrait devenir
un modèle pour les autres grands bidonvilles.
Avant le départ de l’ex-président Aristide, Cité Soleil a
compté jusqu’à 500 000 habitants ; elle en compte
probablement encore 200 000 à 250 000 aujourd’hui.46
Le maintien de sa stabilité est essentiel à la vie économique
nationale, compte tenu de sa position stratégique, elle se
trouve sur la partie nord-ouest de la Route nationale 1, la
route principale partant vers le nord de Port-au-Prince,
près des parcs industriels de Sonapi et Shodecosa et sur
la route de l’aéroport. Elle constitue également un pôle
maritime, avec ses deux petits ports ainsi que le terminal
de Varreux appartenant au secteur privé sur son territoire
et le port national à proximité. L’injection de 20 millions
de dollars promise par les États-Unis pour cette seule
lutte contre le crime. Selon la PNH, près de 1400 suspects
ont été arrêtés au mois de mai, contre à peine plus de 1000
en février. Les deux dernières semaines de juin ont vu plus
de 910 personnes être arrêtées. Déclaration de Frantz
Lerebours, porte-parole de la PNH, Radio Métropole,
monitorée par la MINUSTAH, 28 juin 2007.
46
Ce sont souvent des migrants économiques internes arrivés
à Port-au-Prince sans argent ni contact, dont beaucoup ont
débarqué au petit port de Waff Jérémie. Certains résidents de
La Saline ont été déplacés à Cité Soleil dans les années
quatre-vingt après un grave incendie. Entretien de Crisis
Group avec Jorel Joachim, directeur, Radio Boukman, Portau-Prince, 14 juin 2007. Il est difficile d’obtenir des données
démographiques précises. Les estimations locales,
gouvernementales et internationales, avant la dernière vague
de violence, variaient de 200 000 à 500 000 habitants. Il est
assez évident que les résidents ont commencé à fuir en 2004,
et bien que certains décident de revenir, près des trois quarts
des habitations sont vides. Aucune étude sur les
déplacements internes n’a été menée. MSF-Belgique
publiera une étude de mortalité au mois de juillet et un
recensement devrait avoir lieu cet été pour les besoins des
services fiscaux. Entretiens de Crisis Group avec des
responsables locaux, des résidents, des représentants de
gouvernement, des membres de la MINUSTAH, des
organismes donateurs et des organisations internationales,
février-juin 2007.
Page 6
commune de la capitale, d’une superficie d’environ
21m²,47 en dit long sur son importance.
A.
LES ENSEIGNEMENTS DE L’AIDE
EXTÉRIEURE
En conséquence du niveau atteint par la violence à la fin
2006, très peu d’organisations non gouvernementales
(ONG) sont physiquement présentes à Cité Soleil.48 Si
13 à 19 millions de dollars ont été injectés dans quelques
170 projets au cours de l’année fiscale 2006,49 « presque
aucun… de ces projets n’a eu d’effet durable sur la vie
quotidienne des habitants ».50 Dans cette situation, toute
initiative visant des résultats au-delà de l’aide humanitaire
de base est devenue particulièrement difficile à réaliser.
Les organisations qui n’ont pas quitté les lieux au plus
fort de la vague de violence ont dû composer avec les
gangs afin de pouvoir travailler en sécurité.51 La plupart
47
« Cité Soleil » peut désigner le cœur de « Cité Soleil »,
d’une superficie de 5 km², mais aussi la commune d’environ
20 km².
48
Quelques organisations ont affirmé être les seules à avoir
travaillé à Cité Soleil l’année dernière, ce qui s’est révélé
être une méthode efficace de collecte de fonds. Entretiens de
Crisis Group avec des ONG de Cité Soleil, février-juin 2007.
En réalité, un certain nombre d’organisations reconnues
internationalement ont été présentes de manière quasicontinue : le CICR, MSF-Belgique, Médecins du Monde
Canada (MDM), l’Organisation internationale pour les
migrations (OIM), la Fondation panaméricaine de
développement (PADF), Yéle Haiti, AVSI, Food for the
Poor, Hands Together et le National Democratic Institute
(NDI). À leurs côtés travaillaient d’autres organisations plus
petites et moins médiatisées : VIDWA (Haiti Rights Vision,
qui n’a pas de permanence à Cité Soleil mais qui travaille
avec des agents), QIFD (Quisqueya International
Organisation for Freedom & Development), L’Athlétique
d’Haiti, et the Daughters of Charity et Sisters of Mercy, qui
mènent conjointement un programme alimentaire, dirigent
un centre de formation pour les mères ainsi que deux écoles,
et organisent des cours d’éducation sanitaire.
49
Les données budgétaires ne concernent que les projets
rapportés au bureau des Nations unies pour la coordination
des affaires humanitaires (OCHA). Entretiens de Crisis
Group avec Judith Dunne, responsable des affaires
humanitaires/développement, bureau du vice-RSSG, Portau-Prince, 30 mai 2007, et avec un représentant du
gouvernement local, Port-au-Prince, 12 juin 2007.
50
Entretien de Crisis Group avec un représentant du
gouvernement local, Port-au-Prince, 12 juin 2007.
51
Hands Together est l’un des groupes qui a travaillé avec
les gangs en tant que « chefs de la communauté » ; la
diaspora critiqua Wyclef Jean, fondateur de Yéle Haïti, pour
avoir été photographié aux côtés de deux chefs de gang de
Cité Soleil. Il répliqua qu’il était nécessaire d’entendre toutes
Consolider la stabilité en Haïti
Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007
Page 7
du temps, cela consistait simplement à les informer de
leurs activités, mais lorsque les projets nécessitaient leur
collaboration, les gangs s’en sont trouvés consolidés. La
population a souvent cru qu’elle avait accès à des produits
alimentaires et à d’autres biens et services grâce aux
gangs. En un sens, la décision de rester et de travailler
sur place a permis l’accès aux services de santé de base
et à l’alimentation de ceux qui en avaient besoin, même
lorsque la violence était à son comble. Mais d’un autre
côté, les gangs ont extorqué de l’argent, allant parfois
jusqu’à ponctionner des revenus sur l’utilisation des
fontaines communautaires.52 Les ONG qui sont restées
peuvent maintenant partager leur expérience et aider les
nouvelles organisations ainsi que celles qui reviennent.
Certaines reconnaissent volontiers que certains projets
avec des partenaires locaux ont échoué : l’argent a
disparu, le matériel a été volé et les projets n’ont pas
abouti ou bien n’ont pas bénéficié d’un système de
maintenance et sont aujourd’hui en déshérence.53
d’esprit communautaire à Cité Soleil que n’importe où
ailleurs.58 Certains pensent que l’absence de perspectives
de revenus et le lancement de projets pour la plupart à
court terme ne peuvent qu’engendrer le développement
d’une culture de la dépendance à l’aide et l’émergence
de conflits violents et récurrents à cause de la concurrence
entre gangs pour la participation à un projet.59 L’échec a
peut-être également été provoqué par une présence physique
et une surveillance insuffisantes de la part des chefs de
projet, en raison des violences. Les programmes couronnés
de succès, en effet, ont été le plus souvent lancés par des
organisations qui avaient maintenu une présence permanente
dans le bidonville, même pendant l’insécurité: le projet de
fontaines d’eau potable monté avec le CICR, le COGESPOL
et la CAMEP ; la clinique et le centre de formation pour
femmes des Daughters of Charity ; le projet de Hands
Together et l’action de l’hôpital de Sainte-Catherine,
officiellement conduits par l’État mais soutenus par MSFBelgique.
Si ces résultats sont aussi mitigés, c’est en partie parce
que les organisations n’ont pas véritablement su rechercher
les ressources locales, ni trouver les collaborateurs légitimes
pour travailler avec elles. En revanche, les projets du
Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui a
conservé une neutralité lui permettant de continuer à
fonctionner, furent exemplaires en ce qu’ils ont été à
l’écoute des résidents et impliqué la communauté. Pour
évacuer les blessés, on a employé des conducteurs de
taptap54 plutôt que d’utiliser de coûteuses ambulances.
Le personnel et les volontaires locaux ont mis leurs projets
à exécution avec le soutien du CICR, qui les a également
formés. La CAMEP55 et le COGESEPSOL56 ont aussi
été soutenus comme partenaires ayant déjà collaboré à
des projets communautaires de distribution d’eau.
Bien que les principales opérations militaires aient pris
fin au mois de février, les règles de sécurité onusiennes
empêchaient les agences des Nations unies d’entrer dans
Cité Soleil sans escorte jusqu’à fin avril. Pendant cette
période, certains casques bleus, en particulier les Brésiliens,
ont souhaité entreprendre des projets humanitaires, que
ce soit pour soulager une situation sociale catastrophique
ou pour gagner la confiance de la population. On distingue
parmi les interventions d’urgence un centre de santé
temporaire mis en place dans l’ancien fief d’Evens, Jamaica,
et plusieurs projets de construction et de nettoyage autour
des postes militaires importants.60 Des moyens financiers
furent dégagés grâce au mécanisme de «projets à impact
rapide» et aux fonds des bataillons de la MINUSTAH.
Mais pour les résidents, les soldats et ingénieurs militaires
s’emparaient des emplois dans une zone frappée par
quasiment 95 pour cent de chômage. Le nettoyage des
décharges à l’aide de gros engins plutôt qu’en employant
la main d’œuvre locale fut également critiqué. 61 Le
Avec plus de 100 organisations locales à Cité Soleil,
entretenant souvent des relations avec les gangs, et
beaucoup d’autres à l’extérieur affirmant travailler pour
ses résidents, la sélection d’un partenaire local responsable
nécessite une recherche intensive. 57 Il existe moins
les parties. « Lettre de Wyclef Jean à la diaspora haïtienne
inquiète », 9 mars 2006, consultable sur www.potomitan.info
/ayiti/wyclef.php.
52
Commentaire d’un consultant auprès des Nations unies à
Crisis Group, 1er juillet 2007.
53
Entretiens de Crisis Group avec des volontaires des ONG
et des résidents de Cité Soleil, Port-au-Prince, février-mai
2007.
54
Camionnette transformée en minibus vivement décoré et
qui sert de transport public dans les zones urbaines.
55
Centrale autonome métropolitaine d’eau potable.
56
Comité de gestion du système d’eau potable à Cité Soleil.
57
Entretiens de Crisis Group avec Gabriel Frédéric,
coordinateur du Civic Forum Exchange, de NDI, Port-au-
Prince, 28 mai 2007, et Delva Mario, directeur général,
mairie de Cité Soleil, Cité Soleil, 18 juin 2007.
58
Entretiens de Crisis Group avec des employés
d’organisations internationales, avril et mai 2007.
59
Entretien de Crisis Group avec un employé d’une
organisation internationale, Port-au-Prince, 11 avril 2007.
Sur les affrontements entre gangs pour l’obtention d’une part
des fonds alloués à un projet, entretien de Crisis Group avec
un employé de la CAMEP, 29 mai 2007.
60
La MINUSTAH a cessé ses visites médicales lorsque les
agences humanitaires affirmèrent que ce n’était pas une
activité appropriée pour les médecins de l’armée. Des
échanges de tirs entre les troupes et les gangs avaient
endommagé des bâtiments.
61
Entretien de Crisis Group avec un membre du personnel
humanitaire de la MINUSTAH, Port-au-Prince, 30 mai
2007.
Consolider la stabilité en Haïti
Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007
personnel civil de la MINUSTAH décida donc d’établir
de nouveaux critères applicables à de tels travaux afin
d’éviter le mécontentement populaire.62
B.
LES DÉFIS DE LA COORDINATION ET DE
LA CRÉATION D’EMPLOI
Le gouvernement, les organisations internationales et la
MINUSTAH ont reconnu la nécessité d’améliorer la
coordination des projets lancés indépendamment les uns
des autres à Cité Soleil et dans d’autres bidonvilles instables.
Le gouvernement, à la demande du président, mit en
place un plan de développement urbain pour Cité Soleil,
dont l’un des objectifs était de permettre au secteur
public de reprendre les responsabilités qui avaient été
assumées par les ONG. Ce plan devait devenir le modèle
d’opérations similaires dans d’autres bidonvilles. 63
Concentrées sur les infrastructures, ces interventions
n’ont toujours pas pris en compte les questions de
maintenance ni les besoins plus généraux des responsables
de la commune. De son côté, le représentant spécial du
secrétaire général (RSSG) des Nations unies décida, fin
août 2006, qu’une task force internationale réunirait les
principales parties prenantes opérant dans les zones
difficiles. Les trois ou quatre premières rencontres mirent
cependant en évidence les différences entre les organisations
participantes. Les ONG critiquaient la bureaucratie des
Nations unies, la MINUSTAH ne comprenait pas
pourquoi les ONG n’envoyaient jamais les mêmes
représentants aux rencontres, et aucun mandat n’avait
été défini. Au même moment, le vice-RSSG rencontrait
le directeur du Bureau de coordination pour les affaires
humanitaires (OCHA) et le gouvernement sur
l’harmonisation des approches nationales et internationales.
Le 27 février 2007, lors de la première réunion conjointe
de la task force internationale et des partenaires impliqués
dans le plan du gouvernement, il fut décidé que les deux
groupes travailleraient en parallèle, mais en coordination
permanente. Le gouvernement proposa la formation de
quatre sous-groupes sur les thèmes suivants : éducation,
santé, infrastructures et sécurité/justice. Bien que la
MINUSTAH et d’autres internationaux critiquent
toujours la tendance du gouvernement à envoyer du
62
« Peace and Reconciliation in Haiti’s Red Zones: Roles
and Responsibility of the Military Component of
MINUSTAH in Support of Immediate Post-Operations
Relief Activities », code de conduite, avril 2007.
63
Entretien de Crisis Group avec Leslie Voltaire, conseiller
en infrastructures et urbanisme, Port-au-Prince, 30 mai 2007
; « Programme d’interventions urgentes à Cité Soleil, plan
d’opération », bureau du Premier ministre, ministère de la
Planification et de la Coopération externe, CNDDR, février
2007.
Page 8
personnel peu expérimenté et sans autorité décisionnelle,
chaque sous-groupe a développé un programme et les
projets ont été compilés par un coordinateur dans un seul
document commun.64 Si l’ensemble de ce plan met en
valeur les besoins financiers et organisationnels auxquels
les donateurs devront répondre, il s’agira d’un passage
modeste mais d’importance du système de financement
par projets à un système d’appui budgétaires aux
gouvernements locaux et aux ministères. Les agences
humanitaires commencent à quitter la zone ;65 la priorité
doit donc être donnée à planification conjointe, de
manière à assurer la transition de l’aide extérieure vers
l’appropriation par la population des initiatives, par le
biais du renforcement des capacités locales.
Une nouvelle initiative bilatérale américaine pour Cité
Soleil, dans le même temps, montre que même avec une
large consultation, il y a toujours un risque de confusion.
Le département d’État a annoncé le 1er février un programme
post-crise de 20 millions de dollars, «Pwoje Soley Klere»
(projet du soleil qui éclaire), qui combine aide au
développement et soutien sécuritaire. Le 25 avril,
l’ambassadeur signait publiquement un protocole avec le
Premier ministre et le maire de Cité Soleil. Une équipe
d’évaluation du département d’État, après des consultations,
estima les besoins financiers à allouer à Cité Soleil à 5
millions de dollars pour les services de sécurité, y compris
les équipements et les locaux pour trois postes de police
permanents et la formation intensive de leurs effectifs de
la PNH, et à 6,2 millions de dollars pour la Cooperative
Housing Foundation (CHF) ainsi que pour l’Organisation
internationale pour les migrations (OIM), via des
programmes existants de création d’emplois et
d’infrastructures urbaines impliquant les communautés.66
Les attentes des communautés, qui espèrent en ressentir
les fruits immédiatement, sont toutefois irréalistes.
Enrayer définitivement la violence ne passera que par
des propositions d’emplois aux jeunes qui leur sont plus
intéressantes que l’argent des gangs. Cité Soleil, les parcs
industriels et les usines de ses faubourgs ont besoin
64
Le « Plan de réponse intégrée : Cité Soleil, task force
nationale et task force internationale » a été finalisé en juillet
2007.
65
MSF-Belgique a par exemple annoncé son retrait de
l’hôpital Sainte-Catherine. Entretien de Crisis Group avec un
professionnel de santé de Cité Soleil, Port-au-Prince, 12 juin
2007.
66
Les fonds provenaient du mécanisme spécial de transfert
« 1207 », en référence à la section du National Defence
Authorisation Act for Fiscal Year 2006 (Public Law 109163; 119 Stat. 3458) autorisant le transfert de sommes
pouvant aller jusqu’à 100 millions de dollars au département
d’État pour la stabilisation post-conflit dans le monde.
Entretiens de Crisis Group avec un représentant du
département d’État, Washington, février-mars 2007.
Consolider la stabilité en Haïti
Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007
d’investissements. De nombreux projets se sont concentrés
sur l’instruction et la formation mais conçus dans un
environnement instable, ils n’ont pas pu être montés à
long terme ou de manière durable. Les statistiques de
l’éducation montrent néanmoins qu’il existe une main
d’œuvre potentielle large et capable.67 Les jeunes gens
de Cité Soleil affirment qu’ils ne décrochent pas les
emplois correspondant à leurs qualifications à cause de
la mauvaise réputation de la commune.68 Le grand public
devrait être informé de ces statistiques et des projets
scolaires qui ont été une réussite pendant la période de
violence l’image de Cité Soleil s’en trouverait valorisée.69
Les efforts des écoles doivent être complétés par des
formations professionnelles directement liées aux
perspectives de travail. Les projets tels que celui de la
CNDDR qui offre des bourses à des jeunes de Cité
Soleil pour étudier et être formés en dehors de leur
environnement immédiat sont également importants.
Les formations initiées par CHF à Port-au-Prince
donneront peut-être une nouvelle chance aux jeunes
urbains exposés à la violence.
La loi HOPE (Haitian Hemispheric Opportunity through
Partnership Encouragement) 70 votée aux États-Unis
pourrait créer un nouveau dynamisme économique en
permettant au secteur privé du textile de donner un coup
de fouet à la production et donc à l’emploi. Les fabricants
de vêtements, qui exportent 90 pour cent de leurs produits
aux États-Unis,71 s’attendent à voir leurs affaires fructifier.
Les réductions des droits de douane ont pris effet en juin
mais certains avaient déjà anticipé et augmenté leurs
effectifs auparavant.72 Si Cité Soleil et d’autres quartiers
67
Les notes obtenues aux examens, les résultats des projets
scolaires de NDI dans tout le pays et les données de REV
(ONG spécialisée dans l’éducation qui forme les enseignants
de Cité Soleil) montrent tous que les élèves de Cité Soleil
sont parmi les meilleurs en Haïti.
68
Entretiens de Crisis Group avec des volontaires haïtiens de
la Croix-Rouge, 8 mars 2007, et avec des femmes victimes
de violences, Port-au-Prince, 3 avril 2007.
69
Entretien de Crisis Group avec Alix Fils-Aimé, président
de la CNDDR, Port-au-Prince, 14 mai 2007.
70
La loi, votée en décembre 2006, permet l’entrée sans
droits de douane sur le marché des États-Unis de vêtements
fabriqués en Haïti, même si le matériau textile ne provient
pas des États-Unis. Les procédures nécessaires, notamment
la publication des règlementations, furent accomplies le 22
juin 2007. « Statuts et règlements », Federal Register, vol.
72, no. 120, p. 34,369.
71
Après un pic d’activité au milieu des années quatre-vingt,
lorsqu’il employait 100 000 personnes, le secteur en emploie
aujourd’hui moins de 20 000. « Help for Haiti. A time for
trade, not troops », The Washington Post, éditorial, 27
novembre 2006, et http://haiti.quixote.org /node/114.
72
Entretien de Crisis Group avec un industriel du textile,
Port-au-Prince, 24 mars 2007.
Page 9
pauvres et violents en profiteront, il est encore trop tôt
pour le dire.73
De nouveaux investissements sont déjà visibles: le nombre
d’emplois au parc industriel de Sonapi est passé de 7000
en 2005 à 12 000 en juin 2007.74 Les prix de l’immobilier
particulièrement bas à Cité Soleil devraient également
attirer les investisseurs désireux de s’installer près des
zones industrielles.75 Les convaincre nécessite cependant
un partenariat solide entre le gouvernement local et le
gouvernement central. Les efforts de la CNDDR pour
inviter les entreprises de téléphonie mobile et les banques
à étendre leurs services à Cité Soleil sont encourageants.
Les conséquences psychologiques de la violence sont un
problème grave et particulier qui doit être traité parallèlement
aux autres efforts de redressement. L’AVSI, qui travaille
avec d’anciens membres de gangs, a mis en lumière ce
traumatisme et tente d’apporter un soutien psycho-social
à tous les moments du processus de réinsertion.76
C.
LES DÉFIS LOCAUX DE LA SÉCURITÉ ET
DE LA JUSTICE
Bien que la MINUSTAH affirme qu’elle a «rétabli la
sécurité pour tous les résidents de Cité Soleil», beaucoup
reste à faire, en particulier pour les femmes, qui sont
bien souvent la cible de criminels.77 Un sentiment de
sécurité règne pendant la journée, quand les patrouilles de
la PNH et les troupes de la MINUSTAH circulent dans
les rues. Mais dès 18h, ce sentiment se dissipe et les
ONG s’inquiètent de l’augmentation des viols,
73
La plupart des emplois du secteur formels de
l’assemblage, notamment le textile, rapportent plus et dans
de meilleures conditions que les emplois du secteur informel,
bien qu’ils ne nécessitent pas de compétences particulières et
qu’ils ne soient pas protégés par les syndicats. La question
qui se pose aujourd’hui est : quel effort sera fait pour trouver
des travailleurs venant des bidonvilles pour les emplois ?
74
Entretien de Crisis Group avec Mikelson Toussaint Fils,
administrateur, parc industriel de Sonapi, 20 juin 2007.
75
Les trois quarts environ des habitations seraient vides
depuis que les résidents ont fui les violences. Entretiens de
Crisis Group avec Maryse Kedar, présidente, Yéle Haiti, 13
mai 2007, et avec un résident, Port-au-Prince, 13 juin 2007.
76
Entretien de Crisis Group avec Anne Sosin, directrice,
VIDWA, Port-au-Prince, 12 juin 2007. VIDWA aide les
personnes victimes de viol depuis plus de deux ans. Entretien
de Crisis Group avec le personnel de l’AVSI, Port-au-Prince,
11 juin 2007.
77
« Fin de la première phase des opérations de sécurité
engagées par les casques bleus et la police haïtienne contre
les gangs armés à Cité Soleil », www.minustah.org, 1er mai
2007. Selon Oxfam, 90 pour cent des victimes de violences
sont des femmes, voir http://www.oxfam.org.uk/what_we_
do/where_we_work/haiti/violence_against_women.htm.
Consolider la stabilité en Haïti
Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007
notamment de jeunes filles, depuis la fin des plus
grandes opérations.78
Plus la PNH attendra pour installer une présence
permanente à Cité Soleil, plus il lui sera difficile d’établir
des relations de confiance et elle finira par perdre cette
occasion. Les fonds « 1207 » des États-Unis cités plus
haut seront déboursés pour payer les trois commissariats
et concrétiser cette présence permanente de la PNH. L’un
devrait se trouver sur la route 9, qui mène hors de Cité
Soleil, entre Bois Neuf et Drouillard. Le commissariat
central, qui sera le plus grand, devrait être installé dans
un marché couvert, « Marché Boulos », utilisé comme
poste avancé par la MINUSTAH, bien que des problèmes
de coordination aient émergé à ce sujet.79 Le troisième
devrait se trouver à Waff Jérémie.80 Pour régler le problème
des violences commises par la police, toujours inquiétant,
les États-Unis prévoient de former plusieurs centaines
d’officiers de la PNH en police de proximité. Des initiatives
pilotes devront être lancées avec les officiers ayant subi
une probation, par exemple en les faisant participer à des
activités sportives et communautaires, afin de trouver le
meilleur moyen de réconcilier les résidents avec les
forces de l’ordre.
Une partie des 20 millions de dollars alloués par
Washington devrait servir à reconstruire et équiper un
bureau des affaires communautaires et civiles et à soutenir
une présence judiciaire permanente à Cité Soleil. Cette
configuration, de même que la formation de représentants
de la justice et des chefs de communautés, a été élaborée
conformément au plan gouvernemental avec l’aide du
ministère de la Justice. Avec la présence de la police, le
tribunal local est censé permettre l’application de la loi
78
VIDWA a remarqué une inquiétante hausse des victimes
de viols en avril, le mois suivant l’arrestation d’Evens, à 85
actes (dont 50 à Cité Soleil) contre un total moyen de 45
pour les chiffres précédents. Entretien de Crisis Group avec
Anne Sosin, directrice, VIDWA, 12 juin 2007.
79
Le Marché Boulos porte tout simplement le nom de son
propriétaire, Réginald Boulos, homme d’affaires puissant qui
avait géré le Centre de développement de santé. Les troupes
des Nations unies ont renommé ce marché « poste avancé
16 ». En juin 2007, les documents des droits de propriété
devaient encore être clarifiés. Entretiens de Crisis Group
avec des diplomates, Port-au-Prince, 18 juin 2007. Les
priorités des agences des États-Unis et de la PNH étaient
différentes. Certains voulaient en faire un commissariat. La
PNH avait prévu de bâtir un grand quartier général sur
l’ancienne piste d’atterrissage militaire près de Cité Soleil
avec les fonds des États-Unis. D’autres encore souhaitaient
que le Marché Boulos reste un marché couvert. Il fut
finalement décidé d’en faire le commissariat principal de la
PNH. Entretiens de Crisis Group avec le personnel de
l’UNPOL, Port-au-Prince, 10 juin 2007.
80
Entretien de Crisis Group avec Mario Andresol, directeur
général de la PNH, Port-au-Prince, 24 mai 2007.
Page 10
de l’État et apporter des services de proximité aux
habitants. La menace la plus importante cependant, est
l’évasion de membres de gangs sur le chemin du tribunal
ou au pénitencier national.81 À l’extérieur, la sécurité a
été renforcée au pénitencier national, et une protection
spéciale avait été mise en place lorsque Belony et Evens
furent présentés devant le juge.82 De plus, si les représailles
contre les témoins ne cessent pas, les victimes n’oseront
plus porter plainte ou reviendront sur leurs accusations.83
D.
LA GESTION MUNICIPALE
Le 3 décembre 2006, un groupe indépendant, «Pel et
Picwa», qui n’a jamais été activement soutenu par un
gang ou un parti politique majeur mais qui bénéficierait
d’un important appui du secteur privé, remporta les
élections locales de Cité Soleil à une courte majorité et
avec une participation très basse. 84 L’absence de tout
lien avec des partis ou gangs locaux rendait peut-être ce
choix le moins discutable aux yeux des électeurs en
faveur de la paix.85 Toujours est-il que Wilson Louis, le
nouveau maire jeune et relativement inexpérimenté,
ainsi que son équipe, subissent maintenant de lourdes
pressions.86 Les citoyens souhaitent que le vide laissé par
la défaite, au moins temporaire, des gangs, soit comblé
par des services publics et surtout par des emplois. Le
gouvernement central espère utiliser l’expérience de
développement de Cité Soleil comme modèle. La
MINUSTAH, quant à elle, a besoin du soutien des
81
Voir Briefing Amérique latine/Caraïbes N°15 de Crisis
Group, Haïti : réforme des prisons et État de droit, 4 mai
2007.
82
« Première comparution en justice de l’ex-chef de gang
Bélony Pierre », Radio Kiskeya, 22 mai 2007, http://www.ra
diokiskeya.com/spip.php?article3692.
83
Cinq victimes de kidnapping par Evens Jeune ont identifié
ce dernier (dont au moins deux sont prêts à porter plainte
contre lui) avant qu’il soit interrogé par le juge d’instruction,
un mois après son arrestation. Radio Kiskeya, 11 avril 2007,
http://radiokiskeya.com/spip.php?article3530.
84
En français « pelle et pioche », l’emblème du groupe, qui
symbolise la reconstruction de Cité Soleil. Fondé en 1998, il
avait déjà participé sans succès aux élections en 2000, quand
Cité Soleil faisait partie de la commune de Delmas. Entretien
de Crisis Group avec Ernst Saintil, chef de campagne, Portau-Prince, 4 juin 2007. Evens avait soutenu le parti Union,
comme en témoignaient les inscriptions « Vote Union » sur
le mur de son fief Jamaica. Observation de Crisis Group, 2
mars 2007. La participation a été de 10 pour cent, et Pel et
Picwa obtint 5 365 voix, à peine plus de 25 pour cent des
votes, selon les chiffres du conseil électoral temporaire.
85
Entretiens de Crisis Group, avec des représentants de la
MINUSTAH et d’autres sources, mai et juin 2007.
86
Louis avait 27 ans lors de son investiture ; Benoit Gustave
et Jean-Robert Charles sont maires adjoints, et Ernst Saintil
était le directeur de campagne.
Consolider la stabilité en Haïti
Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007
résidents et d’un maire efficace pour assurer la stabilité
et permettre à la PNH de devenir la force de sécurité
légitime dans la zone.
La sécurité est un sujet délicat dans une commune où la
violence a été si fréquente. Un petit scandale a éclaté en
février : avant son investiture, Louis fut arrêté après un
contrôle de routine pour détention d’armes sans licence
dans sa voiture. En l’absence d’une présence régulière
de la police dans la zone, le personnel de sécurité de la
mairie effectue parfois des patrouilles et arrête des
suspects.87 Dans un environnement où il n’est pas inhabituel
de voir des foules d’au moins 100 jeunes hommes exiger
du travail, la présence d’une force de la PNH bien
formée et supervisée est indispensable et urgente.
Les habitants, le gouvernement central et les
gouvernements internationaux ont salué Louis et son
initiative de rapatriement de la mairie depuis Sarthe88
vers le cœur de Cité Soleil. Son équipe semble zélée
mais elle manque de d’aptitudes à administrer. Elle s’est
plaint de ne pas avoir été consultée ni même prévenue
du plan gouvernemental de réhabilitation de Cité Soleil.
Certains représentants sont déconcertés et irrités par la
liste de projets de la task force et les financements qu’ils
ne peuvent vérifier.89 Pel et Picwa a monté son propre
programme, qui consistait en l’organisation de quatre
forums sur quatre jours lors desquels les habitants
pouvaient soumettre leurs projets et définir leurs besoins.
La municipalité reçoit un soutien logistique de la part du
gouvernement, entre autres.90 En mai, Louis fut invité à
participer à un programme aux États-Unis, avec cinq
autres maires de Port-au-Prince.91 Son équipe a également
participé à une session de formations au palais présidentiel,
du 21 au 25 mai, et devrait recevoir un soutien financier
supplémentaire pour l’aide à la gestion budgétaire. 92
L’aide des bailleurs de fonds inclut la réparation du
bureau du maire par le bataillon brésilien de la MINUSTAH,
la fourniture de sept ordinateurs pour ce bureau par l’OIM
et des formations par le NDI.93 La section des affaires
civiles de la MINUSTAH a mis à disposition de l’équipe
l’un de ses employés haïtiens pour apporter une aide
technique deux ou trois jours par semaine.
Les ressources financières sont limitées. Le maire et son
équipe sont quotidiennement sous pression pour distribuer
des fonds et des emplois et doivent paraître généreux, tout
en évitant de devenir la cible privilégiée des résidents les
plus désespérés. 94 Le personnel du gouvernement
municipal est passé de 112 à 150 employés, dépassant son
budget mensuel de 900 000 gourdes haïtiennes (soit 25000
dollars). L’OIM et CHF, qui utilisent les financements
«1207» des États-Unis, font passer leur recrutement
d’employés par le bureau du maire pour l’aider à montrer
qu’il est sensible aux attentes de la population. 95 La
nouvelle équipe considère que grâce à sa connaissance
du terrain, elle est mieux placée que les internationaux
pour choisir les personnes à employer.96 C’est certainement
le cas, même si certains emplois sont confiés à des parents
ou des connaissances. Il faudra quoi qu’il en soit mettre
en place et appliquer des normes de recrutement et de
promotion dans le secteur public, et ce au niveau national.
Cité Soleil a acquis le statut de commune de plein droit
le 13 mai 2002 mais sans limites territoriales déterminées.
Un décret du 2 février 2006 place les grandes entreprises
situées dans les alentours de Cité Soleil sous la juridiction
de la commune de Delmas, à laquelle elles doivent
payer des impôts. 97 Par ce manque à gagner, Cité
92
87
Entretien de Crisis Group avec un membre de l’équipe
municipale, Cité Soleil, 20 juin 2007.
88
Il existe toujours une annexe à Sarthe, au nord de Cité
Soleil. Elle gère les permis de construction, la collecte des
déchets, les avis de décès et le prélèvement des impôts.
Entretien de Crisis Group avec Delva Mario, directeur
général, mairie de Cité Soleil, 18 juin 2007.
89
Entretiens de Crisis Group avec des représentants de la
mairie, février-juin 2007. Un représentant a présenté à Crisis
Group une liste de projets mis en place par la task force
internationale et indiqué qu’il n’en saisissait pas le contenu.
90
Entretien de Crisis Group avec le personnel de la
MINUSTAH, Port-au-Prince, 8 juin 2007.
91
« Visite aux États-Unis des six maires de la région
métropolitaine », Le Nouvelliste, 15 mai 2007. Louis et le
maire de Pétion Ville n’ont cependant pas pu faire le voyage
à cause d’un problème de passeports. Entretien de Crisis
Group, Cité Soleil, 18 juin 2007.
Page 11
Radio Vision 2000 et Radio Métropole, Monitorage des
radios locales de la MINUSTAH, 19 juin 2007.
93
Entretien de Crisis Group avec Gabriel Frédéric, NDI,
Port-au-Prince, 28 mai 2007.
94
Entretiens de Crisis Group avec le personnel chargé des
affaires civiles de la MINUSTAH, Port-au-Prince, 16 juin
2007, et avec un membre de l’équipe municipale, Cité Soleil,
20 juin 2007. La CAMEP en a fait l’expérience en travaillant
avec le COGESEPSOL, un groupe local qui a perçu des
taxes sur les réseaux de distribution d’eau de Cité Soleil.
Avec une situation sécuritaire qui se détériorait et les
commerces qui quittaient les lieux, moins d’argent circulait,
faisant des bureaux de la CAMEP la cible des résidents
désespérés. Entretien de Crisis Group avec un représentant
de la CAMEP, Port-au-Prince, 29 mai 2007.
95
Entretien de Crisis Group avec le personnel de la
MINUSTAH, Port-au-Prince, 28 mai 2007.
96
Entretien de Crisis Group avec Delva Mario, directeur
général, mairie de Cité Soleil, 20 juin 2007.
97
Telles que l’Aciérie d’Haïti, le parc industriel Sonapi et
certaines du parc industriel Shodecosa. Entretien de Crisis
Group avec le personnel de la mairie, Cité Soleil, 20 juin
2007.
Consolider la stabilité en Haïti
Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007
Soleil entre ainsi dans la seconde catégorie de
municipalités, puisqu’elle dépend des aides du ministère
de l’Intérieur et des projets des bailleurs de fonds.98 Sa
capacité à générer ses propres ressources est gênée par
l’absence d’une liste actualisée des contribuables. Un
recensement sera bientôt effectué mais la commune
restera profondément dépendante de l’aide extérieure, à
moins de modifier ses limites territoriales.99
Page 12
IV. GOUVERNANCE ET VIE
POLITIQUE
A.
LA SCÈNE POLITIQUE NATIONALE
La politique nationale est stable depuis les élections
présidentielles de 2006. Le parti Lespwa (espoir) du
président Préval a formé une alliance avec les deux autres
principaux groupes parlementaires, Fusion et Alyans, et
à une moindre échelle avec Lavalas.100 La plupart des
forces politiques ont accepté les nouvelles règles du jeu
et sont prêtes à coopérer avec Préval et le Premier
ministre Alexis. En dépit de tensions et de quelques
rivalités, le gouvernement a évité la déstabilisation, en
contrecarrant, par exemple, les tentatives d’imposer la
démission d’Alexis et du ministre de la Justice.
Le 31 mai, une conférence nationale des partis a été
organisée avec le soutien de l’ISPOS (Institute for
Advanced Social and Political Studies) pour débattre
d’un projet de loi sur la création, le fonctionnement et le
financement des partis.101 Elle confirma l’intérêt qu’ils
portaient au dialogue, mais en dépit d’une forte participation
et de débats bien structurés, elle n’a pas abouti à un texte
commun. 102 Une résolution proposée par Lavalas en
faveur du retour de l’ex-président Aristide fut rejetée.
Peut-être 10 pour cent des leaders politiques de Lavalas,
l’ancien mouvement d’Aristide, cherchent encore
activement à déstabiliser le système actuel et refusent de
le reconnaître. Les partisans de Lavalas ont récemment
réclamé la remise en liberté des prisonniers politiques
100
98
Les communes sont classées en fonction de leur capacité à
lever des impôts et à être autonome. Delmas et Port-auPrince font partie de la première catégorie.
99
Certains, au sein de l’équipe municipale, estiment à deux
millions de gourdes (soit 55 000 dollars) par an le produit
maximal potentiel de la collecte des impôts municipaux.
Entretien de Crisis Group, mairie de Cité Soleil, 4 juin 2007.
Au Sénat, Lespwa a onze sièges (douze initialement mais
un sénateur de Lespwa du département de l’Artibonite est
décédé en janvier 2007) ; Fusion (Fusion des sociaux
démocrates haïtiens) et OPL en ont quatre ; et Alyans
(Alliance démocratique) et Fanmi Lavalas, LAAA, PONT et
Union en ont deux. À la Chambre des députés Lespwa a 23
sièges ; Fusion dix-sept ; Alyans onze ; OPL dix ; Fanmi
Lavalas et Union six ; LAAA, MPH et RDNP quatre ;
MOCHRENA et Konba trois ; FRN deux ; et JPDN, MIRN,
MODEREH, MRN, PLH et Tet Ansanm un. Pour
l’explication des abréviations, voir en annexe B.
101
Douze partis y ont participé, mais pas Lespwa : Fusion,
GFCD, MOCHRENA, PPRH, GREH, KID, Fanmi Lavalas,
OPL, PNDPH, MRN, RDNP et Tet Ansanm. Voir
www.ispos.org. Pour en savoir plus sur les partis, voir les
briefings Amérique Laine/Caraïbes N°9, Élections en Haïti :
l’opportunité d’un report, 25 novembre 2005 et N°10, Haïti
après les élections : défis pour les 100 premiers jours de
Préval, 11 mai 2006.
102
Fusion est le seul parti qui cherche à transférer la
responsabilité des questions relatives aux partis du ministère
de la Justice au Conseil électoral permanent. Crisis Group a
assisté à la conférence.
Consolider la stabilité en Haïti
Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007
présumés, une participation accrue dans le gouvernement
d’Alexis et la réintégration des fonctionnaires limogés
après le départ d’Aristide.103 Les internationaux et Préval
ont soutenu Alexis contre les menaces du Parlement
encouragées par Lavalas et certains partis opportunistes.104
Lavalas a menacé de provoquer des émeutes («Opération
Bagdad 2 ») si l’on ne donne pas suite à ses revendications
mais ces provocations ont peu de crédibilité, car le
mouvement est divisé et affaibli.105 Le retour du personnage
charismatique qu’est Aristide, cependant, toujours
important pour une part inconnue mais probablement en
baisse de citoyens pauvres qui n’ont pas bénéficié des
récents progrès macro-économiques. Le 7 février,
Lavalas a organisé une manifestation dans la capitale à
laquelle ont participé de 5 000 à 6 000 personnes.106
B.
LE PARLEMENT
Le Parlement a jusqu’ici été maladroit, dispendieux et
improductif. Depuis l’ouverture de la législature, en janvier
2007, il n’a voté que six lois.107 Le Sénat, composé de 30
membres, emploie 620 personnes, dont 350 font partie
du personnel ou sont des administrateurs, et le reste sont
des chauffeurs ou des gardes du corps. Les dépenses
annuelles sont supérieures à 471 millions de gourdes (soit
12,4 millions de dollars) pour le Sénat et 587 millions
(soit 15,4 millions de dollars) pour la Chambre des députés,
composée de 99 membres. Les parlementaires ont reçu
15 000 dollars chacun pour acheter une voiture et
perçoivent 30 000 gourdes par mois pour couvrir les
frais administratifs de leur circonscription. 108 Certains
Page 13
ont voyagé à l’étranger.109 La presse a rapporté que des
sénateurs avaient reçu des pots-de-vin pour bloquer des
mesures de liquidation de la SOCABANK, un établissement
proche des cercles pro-Aristide, qui a été placée sous la
surveillance de la Banque nationale d’Haïti.110
Les médias ont sévèrement critiqué l’absentéisme et
l’incompétence des parlementaires.111 Les pratiques du
Parlement sont le reflet du manque d’expérience et de
l’absence de leadership fort. Les sessions souffrent souvent
d’indiscipline, d’absentéisme ou de retards dus au
manque de quorum. Il est rare de respecter des calendriers
de travail hebdomadaires et les législateurs préfèrent des
arrangements informels et non-transparents à des
décisions formelles. De 30 à 40 pour cent des réunions
de comité se tiennent à huis clos, une procédure que la loi
réserve pourtant aux circonstances exceptionnelles.112
La réforme du Parlement même, par conséquent, devrait
être une priorité. Le Parlement français soutient un projet
de nouveau règlement intérieur et a financé des visites
de formation à Paris. Le centre parlementaire canadien,
de son côté, évalue encore les besoins. Un plan
officiellement approuvé par le ministre chargé des relations
avec le Parlement et par les présidents des deux chambres
a défini des orientations clef de travail mais se concentre
davantage sur les infrastructures que sur le renforcement
des capacités et les aptitudes professionnelles, qui devraient
pourtant être prioritaires.113 Une récente visite d’assistance
du Congrès des États-Unis pourrait aboutir à une aide
rapide en termes de besoins physiques.114
103
« Haiti: Bring to trial or release all political prisoners »,
communiqué de presse d’Amnesty International, 1er août
2006.
104
Le Parlement peut prendre un vote de censure contre un
ministre ou le gouvernement tout entier une fois par an sur
une question particulière. Constitution, Article 129.1-129.6.
105
Table ronde du CSIS Haïti avec l’Ambassadeur Edmund
Mulet, 27 janvier 2007 ; entretien de Crisis Group, avril
2007 ; « Les OP lavalas annoncent la reprise de l’opération
Bagdad », Radio Métropole, 27 octobre 2006.
106
Le site internet pro-Lavalas Haïti Action affirma que la
participation s’élevait à « plus de 100 000 personnes »,
http://www.haitiaction.net/News/HIP/2_9_7/2_9_7.html.
Crisis Group, qui observa la manifestation, a estimé la
participation à environ 5 000 personnes. Une source de la
MINUSTAH l’a estimée à 6 000. Associated Press rapporta
que des « centaines de personnes ont manifesté dans la
capitale haïtienne pour le retour d’Aristide », 8 février 2007,
www.minustah.org.
107
Deux concernaient les emprunts de l’État, et quatre des
conventions internationales. Entretien de Crisis Group,
MINUSTAH, Port-au-Prince, 29 mai 2007.
108
Tous les députés n’ont cependant pas de voiture ou de
bureau en dehors de Port-au-Prince.
109
Vingt-huit voyages officiels à l’étranger auraient été
organisés entre janvier et mai 2007. « Le sentiment du devoir
mal accompli », Le Nouvelliste, 15 mai 2007.
110
« Affaire BRH/SOCABANK : encore des révélations »,
Le Matin, 5 février 2007.
111
« Des députés font l’école buissonnière », Le Nouvelliste,
11 April 2007.
112
Entretien de Crisis Group avec des experts parlementaires
internationaux, Port-au-Prince, 29 mai 2007.
113
Signé en octobre 2006, un plan de 50 millions de dollars
prévoit d’allouer 30 millions de dollars aux infrastructures et
seulement 10 millions au renforcement des capacités, à la
formation
et
au
développement
des
aptitudes
professionnelles.
« Programme
de
développement
stratégique du parlement haïtien 2006-2010 », octobre 2006.
114
Le comité d’appropriations de la Chambre des
représentants des États-Unis exprime son soutien dans son
House Report 110-197 – State, Foreign Operations, and
Related Programs, Appropriations Bill, 2008, consultable sur
http://thomas.loc.gov/cgibin/cpquery/R?cp110:FLD010:@1(
hr197).
Consolider la stabilité en Haïti
Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007
C.
UNE JUSTICE POLITISÉE
La manipulation des tribunaux par les politiciens haïtiens
est une tradition. Depuis le milieu des années quatrevingt dix plusieurs affaires criminelles liées à la politique
ont été rejetées, n’ont abouti à aucun verdict ou ont été
manifestement obstruées.115 Le président Préval a déclaré
qu’il n’existait plus d’obstacle politique aux poursuites
judiciaires pour l’assassinat du présentateur de radio Jean
Dominique116 et a annoncé la création d’une commission
d’investigation sur les meurtres d’autres journalistes. Le
13 juin il a organisé une conférence nationale pour débattre
des conclusions de la commission qu’il avait créée en
mars. Cette commission devrait être le moteur du
changement dans le secteur de la justice, notamment sur
le vote par le Parlement des trois lois de réforme, le
renforcement de l’inspection judiciaire, l’examen et
l’amélioration des résultats des juges, de la commission
de détention et le bouclement de l’épuration de la police.
L’intervention de Préval indique son souhait de mettre
fin à l’impunité mais le système judiciaire est toujours
très faible et manque d’éléments efficaces pour engager
des poursuites dans des affaires sensibles. La création
d’une chambre criminelle spéciale, déjà évoquée par
Crisis Group, serait un important pas en avant. Elle devrait
avoir compétence pour les cas touchant au trafic de
drogues, aux kidnappings, au terrorisme, à la corruption,
au blanchiment d’argent, aux trafics humains et au crime
organisé et devrait être composée d’une équipe de
Page 14
magistrats enquêteurs, de commissaires du gouvernement
et de policiers.117
Le ministère de la justice devrait nommer et équiper
convenablement un groupe de juges qualifiés pour
examiner la possibilité de relancer les instructions d’une
série d’affaires symboliques non abouties qui ont trait
aux pages les plus sombres de l’histoire récente. La
demande par Fritzner Fils-Aimé, le juge d’instruction en
charge depuis 2006 de l’affaire Jean Dominique et JeanClaude Louissaint118, réclamant au ministère de la Justice
et à la PNH plus de moyens et de protection pour relancer
son enquête, devrait être considérée sans délai.119
Le 5 décembre 2003, en prélude à une autre affaire bien
connue, des organisations populaires armées soutenues
par la PNH ont attaqué une manifestation contre le
gouvernement organisée par les étudiants à partir de la
faculté de sciences humaines. Le recteur, Jean-Marie
Paquiot, qui avait offert sa médiation eut les deux jambes
cassées. L’université fut saccagée et plusieurs dizaines
d’étudiants blessés. Onze suspects, tous membres de
Lavalas ou sympathisants furent cités dans une instruction
menée superficiellement. L’une d’entre eux, Annette
“So-Ann” Auguste, une chanteuse populaire et organisatrice
de manifestations du parti Lavalas, fut arrêtée par les
marines américains en 2004 en rapport avec les
événements du 5 décembre bien qu’il n’y eût pas de
preuve de son implication. Son cas fut suivi entre autres
par Amnesty International. Elle fut relâchée le 15 août
2006 après 826 jours de détention. Une instruction fragile
conduisit à la décision d’acquitter des suspects beaucoup
plus controversés.120 Des victimes étudiantes ont à nouveau
115
Michèle Montas Dominique, « Billet à Jacques Roche.
Toi aussi confronté à la sauvagerie », Alterpresse, 21 juillet
2005. Le meurtre du ministre de la Justice d’Aristide, Guy
Malary, le 14 octobre 1993, sous le régime militaire de facto
n’a jamais été poursuivi correctement malgré les nombreuses
recommandations de la Commission interaméricaine des
Droits de l’Homme (CIDH). « Haiti: Failed Justice or the
Rule of Law? Challenges for Haiti and the International
Community », Organisation des États Américains,
Commission interaméricaine des Droits de l’Homme, 26
octobre 2005, p. 77. Pour des détails sur l’affaire de
Raboteau, voir le rapport Amérique latine/Caraïbes N°13 de
Crisis Group, Spoiling Security in Haiti, 31 mai 2005 ;
« Failed Justice or the Rule of Law? », op. cit. ; et « Situation
des droits de l'homme en Haïti », Commission des droits de
l’Homme, E/CN.4/2006/115, 26 janvier 2006.
116
« Jean Dominique : un devoir de justice », 3 avril 2007,
www.minustah.org. Dominique, un agronome de formation,
a consacré sa vie au journalisme, à la liberté d’expression et
à la démocratie en Haïti. Il a commencé à la radio sous la
dictature de François Duvalier et s’est exilé à plusieurs
reprises avec sa femme, Michèle Montas, actuellement
porte-parole du secrétaire général des Nations unies.
Assassiné le 3 avril 2000, il est devenu un symbole mondial
de la liberté de la presse.
117
Voir Crisis Group, briefing Amérique latine/Caraïbes
N°14, Haïti : réforme de la justice et crise de la sécurité, 31
janvier 2007.
118
Louissaint, le gardien de la radio, a été tué en même
temps que Dominique.
119
L’un des premiers juges d’instruction a présenté ses
conclusions en mars 2003 sans mentionner l’implication
d’aucun commanditaire. Les organisations de défense des
droits humains l’ont critiqué et la veuve de Dominique a fait
appel. La cour d’appel a relâché trois suspects et a ordonné
le renvoi de trois autres en jugement tout en renvoyant le
dossier au tribunal pour poursuivre l’instruction. Le 29 juin
2004 la Cour de cassation a confirmé cette décision. Les trois
suspects qui devaient être jugés furent emprisonnés mais se
sont évadés en février 2005 et sont toujours en liberté.
Reporters Sans Frontières, « Who Killed Jean Dominique?
An investigation in Haiti 19-25 March 2001 », 2001 et « 3
avril 2000 – 3 avril 2007 : sept ans d’impunité depuis
l’assassinat de Jean Dominique », 3 avril 2007, consultables
sur www.rsf.org.
120
Les faits ont été filmés par le réalisateur Arnold Antonin
dans « GNB Kont Atila Ou une autre Haïti est possible »,
2004, un documentaire sur le mouvement anti-Aristide.
« Note de presse de la Fondation Connaissance et Liberté-
Consolider la stabilité en Haïti
Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007
porté plainte en 2006 mais cela n’a pas conduit à une
nouvelle enquête.121
Les suspects de l’enlèvement, de la torture et du meurtre
du poète et journaliste Jacques Roche en juillet 2005
attendent toujours d’être jugés, ont été relâchés ou se sont
évadés. L’enquête de police et les arrestations avaient
débuté rondement mais le processus a dérapé avec
l’inculpation du père Gérard Jean-Juste, un leader Lavalas
controversé et candidat potentiel à la présidence.122 Son
emprisonnement a servi les intérêts de la campagne des
anti-Lavalas. Il fut soutenu par des partisans de Lavalas
en Haïti et aux États-Unis et par des groupes indépendants
de défense de droits humains comme Amnesty International,
qui le considéraient comme un prisonnier de conscience.
Bien que très malade il ne pas fut relâché avant d’être
sûr qu’il ne serait pas candidat. La suite de l’enquête sur
le meurtre de Jacques Roche ne produisit aucun résultat.
Selon les pro-Lavalas et des organisations proches de ce
mouvement, 116 personnes sont emprisonnées illégalement
pour des raisons politiques. 123 Certaines d’entre elles
sont suspectées ou inculpées pour implication dans
une troisième affaire controversée : les violences
politiques de La Scierie en février 2004.124 La libération
Fokal à l’occasion des événements du 5 décembre 2003 »,
Alterpresse, 9 décembre 2003. www.haitiaction.net.
« Annette Auguste, prisonnière politique, enfin libérée après
vingt-six mois de détention », Amnesty International, 5
septembre 2006.
121
Entretien de Crisis Group avec un leader étudiant du
mouvement anti-Aristide, 29 juin 2007.
122
Entretien de Crisis Group avec Thierry Fagart, chef de la
section des droits de l’Homme de la MINUSTAH, Port-auPrince, 31 mai 2007. Entretien de Crisis Group avec l’avocat
du père Jean-Juste, Mario Joseph, qui avait fait appel contre
cette décision, Port-au-Prince, 31 mai 2007. Pour plus de
détails sur cette affaire, voir http://www.ijdh.org/articles/
article_jean_juste.htm.
123
L’expert indépendant de l’ONU Louis Joinet avait
prévenu que de telles affaires mal traitées risquaient d’être
manipulées politiquement et que des détenus enfermés pour
des affaires mal suivies deviendraient des « prisonniers
politiques ». « Situation des droits de l’Homme en Haïti »,
E/CN.4/2005/123, 24 janvier 2005. Amnesty International
estime à une centaine le nombre de prisonniers politiques en
Haïti.
124
La Scierie est un village près de Saint Marc, à 100 km au
nord de Port-au-Prince. En février 2004 les partisans (Bale
Wouze) et les opposants (Ramicos) d’Aristide s’y sont
affrontés pendant plusieurs semaines. Une attaque des Bale
Wouze et de la police le 11 février se solda par de
nombreuses victimes. Des enquêtes contradictoires furent
menées et aucune conclusion claire ne fut établie sur la
responsabilité et sur l’affiliation politique des victimes même
après la décision de la cour d’appel des Gonaïves du 19 avril
2007. Les estimations du nombre de morts oscillent entre
Page 15
de l’un de ces prisonniers le 26 Avril 2007 en vertu de
l’habeas corpus, l’ancien député Amanus Mayette, a
suscité les critiques des anti-Lavalas.
D.
POLITIQUE ET TENSIONS LOCALES :
GONAÏVES
Le meurtre du porte-parole régional de Lavalas et ancien
journaliste de Haiti Progrès Johnson Edouard le 12 avril
2007, suivis de l’assassinat d’Alix Joseph, directeur
administratif de la radio locale «Provincial» aux Gonaïves,125
ont montré que la violence continue à être utilisée pour
des règlements de compte politiques. Gonaïves a souvent
connu de violents affrontements entre les gangs pour le
contrôle de son port.126 À Raboteau, d’anciens militants
anti-Aristide emmenés par le chef de gang «Ti Will» et
des groupes pro-Lavalas ont pratiqué vols, intimidations
et meurtres.127 Certains chefs de gangs ont été arrêtés et
relâchés plusieurs fois grâce à des connexions avec la PNH
ou des magistrats. Ce climat d’impunité a créé un
profond ressentiment au sein de la population. La nouvelle
équipe municipale Lavalas, dirigée par Stephen (Topa)
Moïse, a tenté d’apaiser les tensions, par exemple en
subventionnant des groupes musicaux pendant la période
du carnaval, mais la peur ne s’est pas dissipée et Moïse
s’était entouré d’une protection rapprochée au mois de mai.128
neuf et 50. Entretiens de Crisis Group, Port-au-Prince, maijuin 2007.
125
Radio Vision 2000, Radio Métropole, Radio Kiskeya, et
Radio Ibo, service de monitorage des radios locales de la
MINUSTAH, 16 avril 2007.
126
Le port fonctionne à peine mais on pense qu’il facilite le
trafic illégal. Les résidents et observateurs neutres interrogés
par Crisis Group disent que la concurrence pour le contrôle
politique de la ville entre le Premier ministre Alexis et le
sénateur Youri Latortue, tous deux originaires des Gonaïves,
pourrait être un autre moteur de tensions. Entretiens de Crisis
Group, Port-au-Prince et Gonaïves, mars-juin 2007.
127
Le gang de Saint-Juste Adéclat a été en concurrence avec
Ti Will. Billy Augustin est un autre suspect notoire aux
Gonaïves. Il a été arrêté, accusé de crimes et remis en liberté
à plusieurs reprises, en février 2007 pour la dernière fois. Sa
menace d’exécuter trois policiers d’élite (UDMO) eut un
effet déstabilisateur au sein des forces de police des
Gonaïves. « Ti Will » (Wilfort Ferdinand), membre
important du Front de résistance Artibonite/Gonaïves de
2004, fut accusé d’avoir tué une fillette de six ans en 2004.
Le frère du sénateur Youri Latortue, Jacob, est l’avocat
d’Augustin et de Ti Will. Correspondance de Crisis Group,
avec le personnel de la MINUSTAH, 15 mars 2007.
128
Topa Moïse est le frère du président par intérim de la
Cour suprême, Georges Moïse (ministre de l’Intérieur dans
le gouvernement de transition de Latortue). Ancien maire
des Gonaïves, sa maison a été pillée en 2004. Il a créé une
association locale à but non lucratif qui distribue des produits
Consolider la stabilité en Haïti
Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007
Les décès du président de la cour d’appel, Hugues SaintPierre, qui était en charge de l’affaire de La Scierie,129 et
de Joseph ont porté la crise à son paroxysme. Le 7 mai,
lors des funérailles de Saint-Pierre, des jeunes et des gangs
locaux ont jeté des pierres sur la délégation du Premier
ministre, la forçant à repartir prématurément. Alexis a
ensuite demandé à la MINUSTAH de l’aider à régler le
problème de l’insécurité dans sa ville natale. Il fut convenu
que la MINUSTAH se concentrerait sur des suspects
contre lesquels un mandat de justice avait déjà été émis.130
Le directeur départemental adjoint de la PNH fut remplacé
et Ti Will arrêté le 26 mai. Les résidents ont alors
commencé à coopérer avec la MINUSTAH et la police.131
Saint-Juste Adéclat, autre chef de gang notoire, fut
assassiné le 20 juin dans des circonstances inexpliquées
par des individus non identifiés. 132 La MINUSTAH
semble déterminée à mettre fin à l’impunité dans la
ville. La prochaine étape essentielle sera de réaffirmer
le contrôle physique et administratif du port par
l’État.
alimentaires aux pauvres et qui a probablement favorisé son
retour sur le devant de la scène politique. Dans les zones
urbaines les plus pauvres, les gangs sont souvent liés aux
évènements de musique traditionnelle rara. Pendant le
carnaval, les groupes chantent pour les leaders politiques.
Dans le style ochan, on rend hommage au chef local ou au
maire. Gage Averill, « Dechoukaj en musique, La chute de la
dictature haïtienne », Critique internationale, n°7, April
2000. Entretiens de Crisis Group aux Gonaïves, 7 mars
2007.
129
À propos de la controverse sur l’affaire de La Scierie,
voir plus haut.
130
Une quinzaine d’individus ont été arrêtés lors de la
première vague d’interpellations. Un autre rapport indiquait
qu’un juge des Gonaïves avait émis 32 mandats d’arrêts pour
des personnes à Raboteau. Entretiens de Crisis Group avec la
MINUSTAH, Gonaïves, 7 mars 2007 et Port-au-Prince, 13
mai 2007.
131
Ti Will a été transféré le même jour à Port-au-Prince. Son
interpellation a été suivie d’importants échanges de tirs entre
la MINUSTAH et les membres de gangs à Gonaïves.
MINUSTAH, service de monitorage de la radio locale, 28
mai 2007 et entretien de Crisis Group avec le personnel de la
MINUSTAH, 17 juin 2007.
132
Radio Vision 2000, 20 juin 2007.
V.
Page 16
AUGMENTER LES RECETTES ET
LES DÉPENSES PUBLIQUES
Le contrôle des ports et des frontières a un lien direct
avec la stabilité fiscale. Selon la Banque mondiale et le
FMI, le gouvernement de transition a réussi à améliorer
la situation macro-économique et à mettre en place un
cadre légal pour un secteur public plus efficace. La
croissance du PIB est passée de 1,8 à 2,5 pour cent
pendant l’année fiscale 2006. 133 Préval a souligné les
progrès accomplis par son administration dans la réduction
de l’inflation.134 Faire durer ces succès ne sera possible
que si les services de base sont assurés avec transparence
et efficacité. Ceci exige d’augmenter les recettes qui, à
court terme, dépendent de l’élimination de l’évasion
fiscale et de pratiques de gouvernance plus efficaces.
A.
LA GOUVERNANCE ÉCONOMIQUE
Depuis 2004, les institutions financières ont aidé Haïti,
par le biais du Cadre de coopération intérimaire (CCI),135
à lancer une réforme visant à s’attaquer aux principales
faiblesses de la gouvernance économique. Un prêt de 25
millions de dollars de la Banque interaméricaine de
développement (BID) pour la réforme fiscale et un
programme de gouvernance contient des conditions
relatives à quatre domaines clef : la passation de marchés
publics, le processus budgétaire, le contrôle financier et
le recouvrement des recettes.136 Pour recevoir la première
tranche, le gouvernement a dû réduire la part des
dépenses non assignées dans le budget et le nombre des
comptes bancaires courants utilisés sans critères précis ;
mettre en place des cellules de passation de marchés
publics dans chaque ministère ; créer une structure de
lutte anti-corruption et préparer les codes douanier et
133
Rapport de la Banque mondiale, report N° 38235-HT, 12
décembre 2006, p. 7. L’année fiscale se termine le 30
septembre en Haïti.
134
MINUSTAH, service de monitorage des radios locales,
14 mai 2007. D’après Préval, l’inflation est tombée de 46
pour cent en 2004 à 8,5 pour cent en 2007. Pour la première
fois depuis 1999, Haïti a cessé d’avoir recours à la Banque
centrale pour financer son déficit public, ibid.
135
Le Cadre de coopération intérimaire est un programme de
redressement économique, social et politique soutenu par les
bailleurs de fonds. C’est une stratégie intérimaire de
développement adoptée après le départ d’Aristide en 2004
qui a été prolongée d’un an en attendant que le
gouvernement et les donateurs travaillent sur un concept de
réduction de la pauvreté.
136
« Proposal for a loan for a fiscal reform and governance
program », Banque interaméricaine de développement, 7 juin
2005.
Consolider la stabilité en Haïti
Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007
fiscal. Tout ceci a été fait ainsi que l’audit des principales
entreprises publiques. Les codes douanier et fiscal attendent
d’être approuvés par le Parlement.
Le gouvernement va poursuivre avec un document de
stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) à finaliser
en 2007 et censé coordonner les réformes sociales,
économiques, politiques, du secteur de la sécurité et de
la justice.137 Le 14 mai Préval s’est engagé a remplir les
conditions de la BID pour une seconde tranche de 10
millions de dollars, en annonçant que le gouvernement
allait donner la priorité à des mesures anti-corruption au
cours de sa deuxième année au pouvoir et soumettre un
projet de loi sur la publication du patrimoine des
fonctionnaires.138 La BID a aussi fourni une assistance
technique pour soutenir la réforme et la modernisation
des douanes et la Direction générale des impôts (DGI),
toutes deux sous la supervision du ministère de
l’Économie et des Finances.139 Ce ministère a désormais
informatisé son système de gestion des dépenses
publiques.140 La DGI a monté une base de données des
contribuables et la Banque centrale prévoit de généraliser
les transferts bancaires électroniques à l’ensemble du
pays. Ces résultats devraient faciliter davantage le
passage de l’aide extérieure par le budget national.
Les citoyens ne voient ou ne comprennent pas encore les
avantages d’une inflation plus basse et du potentiel
d’investissement créé par de bonnes performances macroéconomiques. Pour cause, l’insertion de l’aide extérieure
dans le budget national reste à accomplir. En sachant
que le milliard de dollars engagé pour cette aide en 2004
correspondait à 22 pour cent des ressources disponibles
pour une période de quatre ans, inclure l’aide extérieure
dans la comptabilité nationale devrait renforcer
l’appropriation par le gouvernement des investissements
de développement et ainsi contribuer à améliorer son image.
B.
LES RECETTES PUBLIQUES
Le soutien international à la discipline budgétaire et la
capacité limitée du gouvernement à planifier, à financer
137
Un DSRP intérimaire a été finalisé en septembre 2006.
MINUSTAH, service de monitorage des radios locales,
14 mai 2007. La version finale de la loi devrait aussi imposer
aux juges et commissaires du gouvernement des contrôles
équivalents à ceux de la probation de la police.
139
L’un de ces programmes appelés « initiatives de
renforcement institutionnel » a soutenu la création d’une
unité anti-corruption.
140
« Technologie : l’administration publique haïtienne a pris
le train sans une vision stratégique globale », Réseau de
développement durable d’Haïti (RDDH), 30 mars
2007,www.rddh.org.ht/index.php?option=com_content&task
=view&id=289&Itemid=99999999.
138
Page 17
et à mettre en œuvre des projets ont conduit à une réduction
brutale des dépenses publiques depuis 2004. À la fin du
premier trimestre de l’année fiscale 2007, seulement 5
pour cent du budget consacré aux investissements de
l’État avait été dépensé. 141 Sans augmentation des
investissements publics dans tous les secteurs, la
frustration sociale risque encore d’être exacerbée. Le
secteur privé doit être consulté au sujet des augmentations
de perception des impôts et des taxes douanières mais il
doit être prêt à payer sa juste part, et ce d’autant plus
depuis que le gouvernement commence à lui faire
bénéficier d’un certain nombre de mesures incitatives,
notamment commerciales.
1.
Perception
La perception des taxes représente seulement 8 à 10 pour
cent du PIB, et au cours des vingt dernières années, elle
a plafonné à un niveau beaucoup plus bas que dans les
autres pays des Caraïbes où la moyenne atteint 20 pour
cent. Avec son entrée dans la Communauté des Caraïbes
(CARICOM), Haïti a besoin d’ajuster le contrôle et le
cadre de régulation de ses douanes aux standards
internationaux. Les recettes douanières représentent 70
pour cent des revenus de l’État. Les autres formes de
recettes n’ont pas été intégralement collectées par manque
de mécanisme budgétaire central efficace.142 Depuis 2004,
le gouvernement tente d’augmenter significativement les
revenus internes et d’améliorer l’efficacité des douanes.
Certains changements de la législation fiscale soutenus
par la BID devraient améliorer la clarté, la rapidité et
l’accessibilité des procédures.
Les perceptions douanières représente 31 pour cent de la
valeur des importations à Port-au-Prince mais seulement
6 pour cent ailleurs dans le pays, et on pense que 5
milliards de gourdes (soit 130 millions de dollars)
supplémentaires pourraient être levés si le taux légal
était appliqué et les sommes collectées. 143
141
Entretien de Crisis Group, 16 février 2007.
, « Proposal for a loan for a fiscal reform and governance
program », Banque interaméricaine de développement, 7 juin
2005, p. 9, n. 3 :. « Par exemple les contraventions perçues
par la police, les actes de naissance, de baptême et de décès,
les frais d’inscription à l’école et l’université, les paiements
perçus par le ministère des Travaux publics pour l’analyse
des sols et diverses taxes et frais perçus par le corps
judiciaire, etc. ». En 2002-2003, jusqu’à 58 pour cent des
dépenses publiques étaient réalisées via des « comptes
discrétionnaires ». Cette pratique a quasiment cessé sous la
pression des bailleurs de fonds. Ibid, p. 10.
143
Entretien de Crisis Group avec le personnel des affaires
civiles de la MINUSTAH, Port-au-Prince, 1er février 2007.
Ce chiffre est nettement plus bas que les estimations de
Crisis Group pour 2006. Certains économistes haïtiens les
trouvent élevés, car ils correspondent à une improbable
142
Consolider la stabilité en Haïti
Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007
L’administration générale des douanes (AGD) a demandé
à ses directeurs d’augmenter les recettes, et les
représentants des douanes ont commencé à utiliser le
Code d’évaluation du GATT 144 pour évaluer les
importations, traditionnellement sous-évaluées pour
satisfaire les commissionnaires informels qui travaillent
pour les importateurs finaux. 145 Les taux en vigueur
restent les mêmes mais les résultats hors de la capitale
s’améliorent. 146 Cependant, les bailleurs de fonds
considèrent que l’administration des douanes a mis du
temps à formuler une stratégie concrète de réforme
nationale et un plan de modernisation digne du soutien
financier dont elle bénéficie. 147 Selon l’AGD,
l’informatisation des douanes devrait être achevée en
juillet 2007, la gestion du contrôle des risques sera
développée, les infrastructures réhabilitées et le personnel
formé. Les capacités des bureaux régionaux doivent être
renforcées en vue de la lutte contre la contrebande.
Le contrôle par l’État du port de Port-au-Prince, qui
représente presque 90 pour cent des recettes douanières,
est indispensable.148 Mais depuis que le port est sous
l’emprise de groupes pro-Lavalas, notamment d’éléments
venant de syndicats entachés de manipulations politiques,
et du crime organisé, le contrôle n’est toujours pas sécurisé.
Tout en éliminant ces éléments nuisibles et les pratiques
illégales, le gouvernement devra conclure un partenariat
avec le secteur privé pour mettre le fonctionnement du
port en conformité avec les normes internationales et
le droit du travail et qui permette une perception
transparente des taxes.149
augmentation des importations d’une valeur d’1,3 milliard de
dollars. Quoi qu’il en soit, 100 millions de dollars auraient
déjà un impact considérable sur le budget. Entretien de Crisis
Group avec un économiste haïtien, 28 juin 2007.
144
Pour en savoir plus sur le code d’évaluation du GATT voir
www.itsfts.co.uk/ITSChinese/section_01/s01_intro_c_gvc.htm.
145
Seuls deux commissionnaires sont officiellement
enregistrés à Saint Marc. Les autres (plus de 100, selon les
douaniers locaux) travaillent sans autorisation officielle.
Entretiens de Crisis Group avec des douaniers locaux, Saint
Marc, 3 mars 2007.
146
Entretien de Crisis Group avec un expert international,
Port-au-Prince, 24 avril 2007.
147
Au Cap Haïtien, par exemple, 48 douaniers contrôlent
seulement neuf bateaux par mois. Entretien de Crisis Group
avec un expert international en douanes, Port-au-Prince, 1er
février 2007.
148
Entretien de Crisis Group avec Jean-Jacques Valentin,
directeur général des douanes, Port-au-Prince, 23 mai 2007.
« Perceptions douanières ventilées par bureau de douane par
zone d’enregistrement et par ordre d’importance », direction
des statistiques, administration générale des douanes, avril
2007.
149
Entretien de Crisis Group avec un responsable haïtien, 19
juin 2007.
Page 18
Dans le port de Saint Marc, où les recettes douanières
s’élèvent à 30 millions de gourdes par mois (soit 800000
dollars), les tensions se sont ravivées après la modification
des procédures de perception.150 Profitant de la brève
interruption de l’activité des patrouilles de la
MINUSTAH,151 les commissionnaires non officiels, qui
refusaient de renoncer à leurs prérogatives, ont menacé
et agressé le directeur local des douanes en février 2007,
révélant le besoin flagrant d’une protection accrue par la
PNH. 152 Le calme est revenu en mai mais selon les
douaniers, les résidents sont toujours en colère. Le
directeur a maintenant deux gardes du corps, et la PNH
stationne de manière permanente sur le quai pour contrôler
l’accès aux bureaux. La situation restera tendue jusqu’à
ce que le statut des commissionnaires soit clarifié par un
processus d’enregistrement durable et transparent auquel
participent les autorités portuaires et douanières. En
même temps, les locaux des douanes doivent être
sécurisés pour pouvoir fonctionner normalement.
L’administration des douanes a 70 agents de sécurité à
disposition mais ils manquent toujours d’une véritable
formation. La MINUSTAH a apporté son soutien par le
biais d’un projet à impact rapide mais sa mise en œuvre
est ralentie par les pesanteurs bureaucratiques.153
Au cours du premier mois de l’entrée en fonction du
nouveau directeur des douanes, Jean-Claude Voltaire, le
20 mars 2007, les recettes douanières de Ouanaminthe,
ville frontière du nord de l’île et l’un des quatre points
officiels de migration vers la République Dominicaine,
sont passées de 2,5 à treize millions de gourdes (soit de
74 000 à 383 000 dollars). C’est le résultat de l’exigence
150
Les recettes douanières continuent à augmenter à Saint
Marc, avec 21 millions de gourdes (soit 550 000 dollars)
collectés en avril et 32 millions de (soit 840 000 dollars) en
mars. Entretien de Crisis Group avec des douaniers locaux,
Saint Marc, 3 mai 2007.
151
Jusqu’à janvier 2007, l’unité pakistanaise de police
constituée basée aux Gonaïves patrouillait à Saint Marc mais
elle dut cesser cette mission à cause de mauvaises conditions
de circulation. Le soutien de la PNH au centre-ville des
Gonaïves fut finalement confié au bataillon argentin des
Gonaïves. Entretiens de Crisis Group avec le personnel de la
MINUSTAH, Gonaïves, Port-au-Prince, 4 mai et mars 2007.
152
La foule a attaqué le directeur au mois de février mais
c’est son garde du corps, qui s’était battu avec un des
agresseurs, qui a été arrêté par un juge local. Le directeur ne
s’est pas plaint à la police. Certains observateurs voient dans
ce conflit un affrontement entre les groupes politiques
locaux, Bale Wouze et le Ramicos, pour le contrôle du port.
Les autorités douanières démentent, car elles voient plutôt de
la frustration sociale dans le comportement des
commissionnaires. Entretien de Crisis Group avec des
douaniers locaux, Saint Marc, 3 et 7 mars et 3 mai 2007,
personnel de la MINUSTAH, Gonaïves, 2 mars.
153
Correspondance électronique de Crisis Group,
MINUSTAH, personnel des affaires civiles, 22 mai 2007.
Consolider la stabilité en Haïti
Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007
auprès des affréteurs de payer les taxes officielles.154 Il
est convaincu qu’en faisant respecter la loi, les recettes
peuvent encore augmenter.155 Auparavant, les hommes
d’affaires payaient moins pour des biens qui arrivaient
par les douanes contrôlées par Lavalas à Ouanaminthe et
à Dajabon.156 L’augmentation des taxes fait craindre le
directeur d’être victime des représailles d’hommes
d’affaires puissants et des habitants qui vivent de ces
échanges. Il a reçu des menaces et les commerçants de
Ouanaminthe et Dajabon ont annoncé une grève pour le
25 avril. Le gouvernement a pris fait et cause pour Voltaire,
qui est maintenant protégé par la police douanière, l’unité
anti-fraude gouvernementale formée et assistée par la
France, et l’UNPOL.157
Toutes les sommes perçues par les douanes sont transférées
vers un compte de trésorerie central. Ensuite, la répartition
par le ministère de l’Intérieur vers les maires et les budgets
municipaux est effectuée indépendamment de la perception
au niveau local. Les autorités de Ouanaminthe estiment
néanmoins que leur municipalité devrait recevoir
davantage de fonds, compte tenu des recettes que les taxes
génèrent dans la ville. Le système n’a pas mis en place
de mesures incitatives pour les douaniers afin d’augmenter
leur efficacité. En effet, au mois d’avril, les locaux
affirmèrent que ce régime douanier plus strict affectait la
ville, qui a besoin des profits des négociants; certains
restaurants et magasins auraient mis la clef sous la porte.158
Page 19
des recettes devrait en partie financer le centre de
rapatriement, qui sera construit à cet endroit pour aider
les Haïtiens qui rentrent de République Dominicaine,
parfois même sans vêtements.159 Les relations demeurent
tendues sur la frontière dominicaine. À Anse-à-Pitre par
exemple, le 4 juillet 2007, le vol présumé d’une moto
par un Haïtien a provoqué des affrontements entre
environ 200 Haïtiens et Dominicains armés.160
2.
Dépenses
Le 31 mai 2007, le budget de l’État était en excédent
d’1,5 milliard de gourdes (soit 39 millions de dollars).
Alors que jusqu’en 2004, chaque ministère disposait de
plusieurs comptes bancaires, un seul est aujourd’hui
disponible, à la demande des bailleurs de fonds. La
Commission nationale pour les marchés publics
(CNMP), 161 agence publique sous surveillance de
l’exécutif et du législatif, a été mise en place conformément
au CCI et avec le soutien de la BID afin d’assurer la
transparence des dépenses publiques. Chaque institution
publique doit mettre en place une cellule de passation de
marchés publics en contact avec CNMP. Le nouveau
système est assez développé en matière de contrôle de la
corruption, mais a besoin de plus de flexibilité pour
répondre aux demandes accrues d’investissement public
et permettre un accès plus rapide aux services publics de
base dans tout le pays.
À Belladère, la Fondation panaméricaine de développement
(PADF) a reçu une subvention de 2.5 millions de dollars
pour renforcer la présence de l’État et les douanes aux
frontières en construisant et équipant un complexe pour
la PNH, le ministère de l’Intérieur, le bureau des douanes
et celui des affaires sociales. À l’heure actuelle, les
bâtiments des douanes se trouvent à 6 km du poste de
frontière, qui subit un manque-à-gagner estimé à 11
millions de gourdes (soit environ 300 000 dollars) de
recettes par mois. Ce projet, validé en principe, est
également financé par l’ambassade canadienne et les
ministères de l’Intérieur et des Finances. L’augmentation
154
Entretien de Crisis Group avec le personnel des douanes,
Ouanaminthe, 26 avril 2007. Voltaire, lorsqu’il se trouvait au
même poste, fut attaqué par les résidents pour les mêmes
réformes en 1998-1999.
155
De 2004-2005 à 2005-2006, la perception des taxes
douanières à Ouanaminthe était déjà passée de trois à 24
millions de gourdes (soit de 88 000 à 708 000 de dollars).
Entretien de Crisis Group avec le personnel des affaires
civiles de la MINUSTAH, Port-au-Prince, 1er février 2007.
156
Entretien Crisis Group, MINUSTAH, Fort Liberté, 25
avril 2007.
157
« Le bureau des douanes de Ouanaminthe menacé », Le
Nouvelliste, 22 juin 2007.
158
Entretien de Crisis Group avec des résidents,
Ouanaminthe, 25-27 avril 2007.
159
Entretien de Crisis Group avec John Currelly, directeur de
la PADF, 1er juin 2007.
160
Elizabeth Eames Roebling, « Haiti-Dominican Republic:
A Fragile Coexistence », IPS news, 12 juillet 2007,
consultable sur www.ipsnews.net/news.asp?idnews=38515.
161
Le site internet de la commission, www.cnmp.gouv.ht, est
en construction et la base de données des appels d’offres est
pour l’instant inaccessible.
Consolider la stabilité en Haïti
Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007
VI. CONSTRUIRE LES INSTITUTIONS
LOCALES
Selon la Banque mondiale, parmi les 8,7 millions de
citoyens haïtiens, plus de 60 pour cent vivent dans les
communautés rurales. Près de 64 pour cent de sa
population urbaine, soit 2,2 millions d’Haïtiens, vivent à
Port-au-Prince.162 Il demeure essentiel de consolider la
sécurité dans la capitale mais une stabilité et un
développement durables ne se feront pas sans initiatives
de développement massives dans tout le pays, sous la
coordination des autorités locales légitimes. 163 Le
système politique local est complexe et difficilement
gérable, avec ses cinq niveaux politiques/administratifs
et de multiples autorités législatives et exécutives. Cela
complique la gouvernance locale dans un pays fragile,
dont les institutions sont faibles, dont la population est
parmi les moins éduquées, et qui se classe au premier
rang des pays les plus pauvres de l’hémisphère.
A.
LA CONSTITUTION DE 1987 ET LA
GOUVERNANCE LOCALE
La Constitution confère aux départements et aux
communes une autonomie administrative, mais en
pratique, cette autonomie n’existe pas : les ressources
sont trop modestes. Plusieurs lois régulent la gouvernance
locale mais elles n’ont pas été appliquées.
La commune, qui délimite le territoire de la municipalité,
est constituée de sections communales,164 dont chacune
est dirigée par un conseil (Conseil d'administration de la
section communale, CASEC) composé de trois membres
élus pour quatre ans. Chaque CASEC est responsable
devant une assemblée élue (Assemblée de section
communale, ASEC). Un membre de chaque ASEC est
désigné pour faire partie de l’assemblée municipale,
dont chaque section a son représentant et qui assiste le
conseil municipal, un organe de gestion composé de trois
administrateurs élus. Dans les grandes villes, les délégués
des villes, qui participent également à l’assemblée
municipale, sont élus directement par les quartiers.
162
Voir http://siteresources.worldbank.org/DATASTATIST
ISTICS/Resources/table3_10.pdf. Le conseil électoral
provisoire d’Haïti, estime, quant à lui, la population à 8,2
millions d’habitants. Voir www.cep-ht.org.
163
François l’Ecuyer, « Apaisement et optimisme en Haïti »,
Alterpresse, 10 mai 2006.
164
Le terme « sections communales » a remplacé celui de
« sections rurales » utilisé sous les régimes des Duvalier.
Elles étaient dirigées par de puissants chefs de section
jusqu’aux années 1980.
Page 20
Le département (il en existe dix) est la plus grande entité
territoriale, composée de plusieurs arrondissements et
communes. 165 Les assemblées départementales sont
composées de membres venant de chaque assemblée
municipale. Chaque assemblée départementale sélectionne
trois membres potentiels pour le conseil électoral
permanent (CEP). Enfin, les neufs membres de cet
organe sont nommés conjointement par l’exécutif,
l’assemblée nationale et la Cour de cassation. L’assemblée
départementale élit trois membres au conseil
départemental. Chaque conseil départemental élit l’un de
ses membres au conseil interdépartemental, institution
nationale chargée d’assister le pouvoir exécutif dans
l’élaboration des politiques de décentralisation et la
détermination de ressources budgétaires locales.166
Parallèlement aux entités locales autonomes, le
gouvernement central est censé rester présent dans tout
le pays par le biais de directions administratives
départementales désignées par chaque ministère. Dans
chaque chef-lieu de département, l’exécutif est représenté
par un délégué qui supervise et coordonne les activités
des directeurs départementaux rattachés aux ministères.167
Les vice-délégués remplissent le même rôle au niveau
de l’arrondissement. Cette configuration,168 démocratique
en théorie, n’est pas applicable dans un pays si pauvre.
Chaque élection coûte en effet des millions de dollars.169
Haïti ne peut se permettre et les bailleurs de fonds ne
financeront pas indéfiniment un système aussi complexe
qui exige l’organisation d’élections en permanence.
165
Les dix départements sont Grande-Anse, Sud, Nippes,
Sud-Est, Ouest, Centre, Artibonite, Nord, Nord-Ouest, et
Nord-Est. L’arrondissement, composé de plusieurs
communes, est l’entité intermédiaire entre la commune et le
département mais son fonctionnement n’est pas défini par la
Constitution, Article 75.
166
Articles 217 et 87.2 de la Constitution de 1987. Le conseil
interdépartemental, en pratique, n’a jamais existé. Un vicedélégué a admis qu’il connaissait l’acronyme mais qu’il en
avait oublié la signification. Entretiens de Crisis Group,
Gonaïves, 7 mars 2007.
167
Constitution, Articles 85-86 ; et « Décret sur les délégués
et les vice-délégués, 17 May 1990 », Le Moniteur, 31 mai
1990.
168
Voir annexe C.
169
Le coût des élections de février 2006, pour les donateurs,
a été estimé à presque 59 millions de dollars. « Haiti –
Election: The bill, Parts of a UNDP document, Submitted to
AlterPresse on 2 February 2006 », 4 février 2006. Le coût
des seuls bulletins lors des élections du 3 décembre 2006 est
estimé à 3,75 millions de dollars par la conférence des partis
politiques, qui prévoit que le coût des élections sénatoriales
de 2007 et 2009 s’élèvera à respectivement 5,3 et 7 millions
de dollars ; ces estimations n’incluent pas les frais de sécurité
et de logistique. « Réflexions autour de la méthodologie
d’organisations des élections en Haïti », 31 mai 2007,
rapport de la conférence.
Consolider la stabilité en Haïti
Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007
B.
LA GOUVERNANCE LOCALE EN ACTION
Le cadre juridique de la gouvernance locale et du
développement ne reflète pour ainsi dire pas les pratiques
courantes et la réalité.170
1.
Les nouvelles structures locales et les
élections à venir
Le 29 mars 2007, la reprise des élections du mois de
décembre dans 25 localités s’est déroulée dans le calme,
grâce aux importantes mesures de sécurité prises par la
MINUSTAH et la PNH, mais la participation a été
faible.171 Avec l’organisation de ces élections, les Haïtiens
ont une occasion historique de revitaliser la gouvernance
locale, mais jusqu’ici, seule une partie du système a été
mise en place. Le CEP actuel n’a pas encore publié les
noms des ASEC et des délégués de ville vainqueurs au
journal officiel. Des élections indirectes doivent être
organisées dans le mois qui suit leur publication. À
terme, elles permettront la nomination par la base des
membres du conseil électoral permanent (CEP) et des
juges.172 Au cours de l’année 2007, des élections devraient
également renouveler un tiers des membres du Sénat. Le
gouvernement doit décider formellement si l’actuel
conseil électoral provisoire devrait organiser ces
élections indirectes ou sénatoriales.
Les nouveaux conseils municipaux, les ASEC et CASEC
ont été progressivement mis en place mais les municipalités
n’ont en général guère d’autres ressources que les
subventions du ministère de l’Intérieur.173 Les représentants
nouvellement élus demandent des salaires, un budget
exploitable, et un équipement de base et doivent fournir
des services répondant aux besoins de leurs
circonscriptions. 174 Sans prise de décision rapide, la
nomination du conseil électoral permanent pour un
mandat de neuf ans, les élections sénatoriales de 2007 et
la nomination des juges seront reportées.
2.
Crisis Group a mené des entretiens au ministère de
l’Intérieur ainsi qu’aux Gonaïves (notamment à Gros
Morne), aux Cayes (notamment à Aquin) et à Ouanaminthe ;
la plupart des exemples ci-dessous concernent ces villes.
171
Elles concernaient l’élection d’un membre de
l’Assemblée nationale, dix maires, 29 assemblées de section
communale (ASEC), 27 conseils d’administration de section
communale (CASEC) et 26 délégués des villes. « La
MINUSTAH prête pour les élections du 29 avril »,
www.minustah.org, 27 avril 2007.
172
Article 110 du décret électoral du 3 février 2005.
173
« Installation des nouveaux maires dans plusieurs
communes d’Haïti », www.minustah.org, 30 mars 2007. Une
étude de 2002 estimait les ressources à deux gourdes (soit
0,5 dollars) par habitant par an et indiquait que onze
municipalités recevaient 90 pour cent de l’ensemble des
recettes municipales. « Vers une politique nationale de
décentralisation : synthèse des propositions de la CNRA »,
Bureau du Premier ministre, Unité d’appui à la réforme
administrative, Programme des Nations unies pour le
développement Projet HAI/00/003 – Gouvernance et
Décentralisation, octobre 2002, p. 46, consultable sur
http://haiticci.undg.org.
La sécurité sans police municipale
L’amélioration de la sécurité à Port-au-Prince se reflète
partout dans le pays. Le trafic de drogue et l’application
locale de la loi reviennent maintenant sur le devant de la
scène politique et la violence des gangs de Cité Soleil
domine moins la liste des priorités. En janvier, le président
Préval a déclaré la drogue ennemi numéro un. Au sommet
régional sur les drogues, la sécurité et la coopération, qui
s’est tenu à Saint-Domingue le 16 mars 2007,175 il a réitéré
sa détermination à lutter contre le problème à l’échelle
régionale, tout en critiquant les États-Unis pour leur
manque de soutien sur le projet de contrôle des bateaux
hors-bord et des vols provenant du Venezuela et de
Colombie qui utilisent des pistes d’atterrissage haïtiennes
clandestines ou qui larguent leurs cargaisons de cocaïne
en mer. La fréquence des saisies de marijuana et de
cocaïne par la PNH a montré l’ampleur du problème, mais
aussi la participation d’officiers de la PNH corrompus au
sein des réseaux de trafiquants.176 Le président dominicain,
Leonel Fernandez, avait lui aussi critiqué amèrement le
manque de soutien de la part des États-Unis.
Pour Washington, la récente recrudescence des vols en
partance du Venezuela est due au relâchement des
174
170
Page 21
L’OIM a équipé plusieurs cabinets municipaux et a
parfois accompagné la réhabilitation de bâtiments. La plupart
des nouveaux CASEC et ASEC ont besoin d’être
sérieusement formés sur leurs droits et devoirs ainsi que sur
la division des tâches entre les délégations, bureaux des
maires, CASEC, ASEC, la PNH, les ministères, députés et
sénateurs. Entretiens de Crisis Group avec l’équipe
municipale, Gonaïves, 4 mai 2007. « Final Evaluation of the
Haiti Transition Initiative », Management Systems
International, USAID, octobre 2006.
175
Y ont assisté le président Leonel Fernandez de la
République Dominicaine, le président Préval, le président
Álvaro Uribe de la Colombie et le Premier ministre Patrick
Manning de Trinité-et-Tobago ainsi que les représentants de
sept autres États, les Nations unies, l’UE, la BID, la Banque
mondiale, CARICOM et Crisis Group.
176
Le 31 mai 2007, une voiture avec plaques officielles a été
saisie avec 420 kg (soit une valeur de huit millions de
dollars) de cocaïne à Léogâne ; cinq des dix suspects arrêtés
étaient des policiers de la PNH. Radio Kiskeya, « La PNH
saisit à Léogâne d’autres armes et un téléphone satellitaire
appartenant aux présumés narcotrafiquants », 6 juin 2007,
consultable sur http://radiokiskeya.com/spip.php?article e37
50&var_ recherche =Drogues%20leogane.
Consolider la stabilité en Haïti
Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007
politiques vénézuéliennes de lutte contre la drogue.177
Une fois que la police et les douanes ont fini leur service,
à 18 heures, de petits avions peuvent atterrir à l’aéroport
international de Port-au-Prince, larguer leur cargaison,
se ravitailler en carburant, et redécoller.178 Les paquets
peuvent être récupérés et emmenés en dehors du périmètre
de l’aéroport sans passer par un poste de contrôle. Sur la
côte sud et dans la Grande Anse, les pistes d’atterrissage
(dont certaines sont clandestines), les routes en ligne
droite, les plages et anses cachées sont empruntées. Au
mois de février, une piste d’atterrissage en béton longue de
plus de plusieurs centaines de mètres et épaisse de douze
centimètres a été découverte dans la brousse près
d’Aquin. 179 Les trafiquants de drogue autour de PortSalut, des Cayes et d’Aquin sont connus des services de
police, certains d’entre eux ont même été arrêtés mais
deux îles, l’Ile à Vache et l’Ile de la Grosse Caye voient
les trafiquants travailler à leur aise, la police n’ayant pas
de patrouilleurs à disposition.180 L’UNPOL et la PNH
ont demandé la fourniture de tels bateaux aux donateurs
mais ces derniers se montrent peu réactifs.181 Le Canada,
cependant, semble aujourd’hui enclin à soutenir la mise
en place d’un contingent de gardes côtes, par le biais de
l’UNPOL, aux Cayes.
Deux hélicoptères de la Drug Enforcement Administration
(DEA) américaine basés en République Dominicaine
ont été utilisés pour conduire une opération pilote à
laquelle participaient une unité de la PNH ayant subi
une probation et la MINUSTAH, qui était presque en
mesure d’arrêter les vols impliqués dans le trafic de
drogue. Ils se sont néanmoins repliés au bout de six
177
« Le trafic de drogues se fait par voie d’aéroports
officiels, selon les autorités américaines », Haiti Press
Network, 9 mai 2007, consultable sur www.haitipressnetwor
k.com/news.cfm?articleID=8849. Le Venezuela rejette ces
critiques mais reconnait que son territoire est de plus en plus
emprunté par les trafiquants. Entretien de Crisis Group,
Sommet régional sur les drogues, la sécurité et la
coopération, Saint-Domingue, 16 mars 2007.
178
Entretien de Crisis Group avec un diplomate, Port-auPrince, 24 juin 2007.
179
Selon un agent de l’UNPOL, 70 pour cent des Cayes
vivent de l’argent du trafic de drogue. Au mois de mai, un
homme de 83 ans a été arrêté en possession de plusieurs
kilogrammes de marijuana. Entretien de Crisis Group avec
un membre du personnel de la MINUSTAH, Les Cayes, 18
mai 2007.
180
Les sources de la police rapportent que des trafiquants de
drogue jamaïcains et haïtiens particulièrement armés sont
basés sur les côtes sud des deux îles face à la Colombie.
Entretiens de Crisis Group avec le personnel de la
MINUSTAH et de la PNH, Les Cayes, 28 mars 2007.
181
Deux zodiacs ont été offerts mais le commandement local
de l’UNPOL les a considérés inutilisables. Entretiens de
Crisis Group avec le personnel de la MINUSTAH, Port-auPrince et Les Cayes, 28 mars, 17 mai, et 21 mai 2007.
Page 22
semaines, et Washington doit encore déterminer si le risque
que le trafic entrave l’investissement international dans
la stabilisation d’Haïti justifie une mission de contrôle à
long-terme.
Dans certaines zones rurales, où la PNH et la MINUSTAH
n’opèrent pas, l’ordre public est assuré par le CASEC ou
des personnes qui agissent avec l’accord informel du maire
pour faire usage de la force si nécessaire.182 Cette pratique
extra-judiciaire peut parfois maintenir la paix dans des
lieux particulièrement isolés du poste de la PNH le plus
proche mais les tensions peuvent rapidement être
exacerbées à cause de conflits fonciers, familiaux ou
politiques incontrôlés.183 À Aquin par exemple, où le
maire et le délégué local étaient escortés de gardes du
corps, les problèmes se sont aggravés au mois de mai,
lorsque le maire tenta de retirer au délégué sa protection
armée. La frontière entre politique et violence demeure
mince et la PNH n’est pas encore en mesure de jouer un
rôle neutre dans le pays. De nombreux maires maintiennent
la pression pour obtenir la mise en place d’une police
municipale, 184 à laquelle le président Préval s’oppose
formellement. Le 14 mai, il a d’ailleurs réaffirmé la
responsabilité du maintien de l’ordre exclusive de la
PNH.185 Les observateurs mettent l’accent sur les dangers
d’une force de police supplémentaire en plus de la PNH
et se demandent qui assurerait son financement et sa
supervision.186
Cela ne pourra fonctionner qu’avec une réforme en
profondeur de la PNH et l’élimination de ses éléments
corrompus et criminels. Le processus de probation,
avalisé par le Conseil de sécurité et Préval, fut long à
démarrer. Il a commencé par les instances dirigeantes de
la PNH et la mise en place d’enquêteurs spéciaux venus
de la police des Nations unies et de la PNH début 2007.187
Environ 160 officiers de police ont subi la probation à
Jérémie et dix-neuf ont été transférés. On ne sait pas
182
Entretiens de Crisis Group avec le personnel de l’UNPOL
et des experts locaux des droits humains, Les Cayes, 18 mai
2007.
183
Entretien de Crisis Group, Les Cayes, 4 mai 2007.
184
La municipalité de Cavaillon voulait organiser un forum
sur la police municipale avec le soutien de la MINUSTAH,
qui n’a pas accepté. Entretien de Crisis Group avec le
personnel de la MINUSTAH, Les Cayes, 17 mai 2007.
185
Radio Kiskeya, 14 mai 2007.
186
Correspondance de Crisis Group avec des experts
juridiques internationaux, Washington et New York, 5 juillet
2007.
187
Le processus de probation faisait partie de la réforme de
la police validé par Luc Eucher, secrétaire d’État à la sécurité
publique, et Mario Andresol, directeur général de la PNH,
malgré un léger retard au début, avant la clarification de
certaines étapes. Entretien de Crisis Group avec le personnel
de la MINUSTAH, 15 février 2007.
Consolider la stabilité en Haïti
Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007
encore combien d’entre eux seront révoqués, poursuivis
ou réintégrés, sans armes, dans la communauté. Le
processus de probation est en cours aux Cayes.
3.
Des délégations et des ministères sans
pouvoir
dans celui de la Planification et de la Coopération externe,
qui est supposé réunir mensuellement toutes les agences
gouvernementales et les ONG dans des rencontres vouées
à l’échange d’informations sur des questions locales et
des programmes de développement.
4.
Les administrations locales ne sont pas en mesure de
remplir leur mission. Le ministère de l’Intérieur dispose
d’un budget inapproprié d’environ 503 millions de
gourdes (soit un peu plus de 13.2 millions de dollars)
pour financer les salaires et subventions de tous les
délégués et municipalités du pays.188 Les nominations
des délégués sont particulièrement politisées et la plupart
des élus attendent toujours leur nouveau mandat de la
part du gouvernement élu en 2006.189 Le président Préval
a annoncé le 14 mai 2007 seulement qu’ils seraient
déterminés dans l’année.190 Les délégués et vice-délégués
jouent le rôle de tampon entre la population et le
gouvernement et sont la cible des plaintes et du
mécontentement populaire, mais ceux qui tentent de
faire entendre leurs griefs à Port-au-Prince ont souvent
l’impression que personne ne s’en préoccupe. Euxmêmes ne peuvent pas respecter la loi, qui leur demande
de se déplacer à chaque fois que cela est nécessaire et le
plus souvent possible dans leur département.191
Chaque ministère est censé être représenté dans les
grandes villes afin de mettre en œuvre les politiques
nationales via des plans de développement municipaux
et départementaux. Mais en 2006, les financements et la
mise en œuvre des politiques se sont trouvés limités,
non seulement à cause de ressources insuffisantes
mais aussi de l’inexpérience et de l’inefficacité qui
caractérisent la gestion des ministères,192 y compris
Page 23
L’aide extérieure et la gouvernance locale
La majeure partie des ressources à disposition des
structures gouvernementales pour assurer services de base,
emplois et développement proviennent de bailleurs de
fonds. La manière dont elles sont utilisées est fondamentale
pour le maintien local de la stabilité et de la paix.
Le bureau d’initiatives de transition de USAID (OTI) a
financé l’initiative pour la transition en Haïti (HTI) dans
plusieurs villes, et sa mise en œuvre a été confiée à
l’OIM pour la période 2004-2006. Son objectif était de
revitaliser la gouvernance locale en encourageant la
consultation entre les communautés et les institutions
étatiques afin de déterminer les besoins en infrastructures
à court terme.193 L’OIM, soutenue par des fonds d’USAID
supplémentaires, continue son action par le biais du
PREPEP (Programme de revitalisation et de promotion
de l’entente et de la paix), dans les mêmes zones.194
Des initiatives de long terme ont vu le jour dans les
grandes villes depuis le début de l’année 2007. La
première d’entre elles, KATA, est un programme d’un
montant de 80 millions de dollars financé par USAID et
mis en œuvre par CHF. Il exige un changement culturel
en profondeur dans les pratiques de gouvernance locale.
En rassemblant l’ensemble des parties prenantes à la
même table et en s’en tenant aux règles, ce projet tente
de les forcer à prendre des décisions transparentes et à
rompre avec l’avidité et la corruption qui ont toujours
188
Le budget initial pour 2006-2007, de presque 382.4
millions de gourdes (soit près de 10 millions de dollars), a
été revu à la hausse dans le « budget révisé » de mai 2007.
Entretien de Crisis Group avec le personnel du ministère de
l’Intérieur, Port-au-Prince, 29 mai 2007.
189
La situation politique instable a nui à la continuité de
l’administration. Aux Gonaïves par exemple, sept différents
délégués ont été nommés en sept ans. Entretien de Crisis
Group avec un membre de délégation, Gonaïves, 14 février
2007.
190
MINUSTAH News, 14 mai 2007.
191
« Décret sur les délégués et vice-délégués », op. cit. Aux
Cayes, le véhicule que la délégation utilise appartient au
Sénat ; le délégué doit louer une chaloupe locale pour se
rendre sur l’île voisine qui se trouve aussi dans sa
circonscription. Pour certains observateurs internationaux, le
poste de vice-délégué devrait être intégré dans la fonction du
maire. Entretien de Crisis Group, Les Cayes, 17 mai 2007.
192
Le président Préval l’a reconnu lors de sa conférence de
presse du 13 mai. Ronald Colbert, « Haïti : des points forts et
des difficultés pendant une année de présidence »,
Alterpresse, 13 mai 2007.
193
Les programmes de l’OTI ont en général une visée à
court terme et sont mis en place dans des pays dont la
stabilité ne permet pas une aide au développement de grande
échelle et sur le long terme. L’HTI a été mise à exécution par
les bureaux de terrain à Port-au-Prince, Cap Haïtien, aux
Cayes, Petit Goâve, Saint Marc et aux Gonaïves. « Final
Evaluation », op. cit., p. 2. Près de 12 millions de dollars
avaient été dépensés dans 546 projets au mois de juillet
2006. « Actual projects [were] less important than their
impact on building community cohesion, increasing
community capacity, building links between citizens and
their government and demonstrating that positive change is
possible ». Ibid, p. 3.
194
Le PREPEP est actif à Port-au-Prince, Saint Marc,
Gonaïves, Petit Goâve, et Cap Haïtien. « Rapport externe du
PREPEP », du 1er au 31 mars 2007.
Consolider la stabilité en Haïti
Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007
laissé les plus pauvres sur le côté.195 L’objectif est de
permettre aux communautés de prendre leurs
responsabilités, pour le meilleur et pour le pire, en
utilisant les ressources que le programme leur confie.
Pour y parvenir, il faudra assurer une communication
transparente via les médias locaux, un contrôle financier
rigoureux ainsi qu’une évaluation interne et un solide
soutien politique de la part de la mission de USAID, du
ministère de l’Intérieur et des autorités locales.
C.
CRÉER UNE ADMINISTRATION LOCALE
ET LE DÉBAT SUR LA
DÉCENTRALISATION
Les structures récemment mises en place devraient être
soutenues et accompagnées à court terme mais le système
n’est pas viable et a besoin d’être réformé au cours du
mandat de Préval. De cette manière, il sera possible de
jeter les fondements de politiques de développement
local efficaces.
1.
Créer les administrations locales
Dans de nombreuses régions, les organes du gouvernement
ont rassemblé le personnel dans les mêmes bâtiments
administratifs.196 Dans le département du Sud, la BID
apporte son soutien à la construction d’un bâtiment
administratif qui accueillera tous les organes
départementaux, à l’exception de la délégation.197 Certains
bâtiments municipaux et des délégations ont été réhabilités
par la MINUSTAH grâce à ses projets à impact rapide et
ses équipes des affaires civiles. 198 Après les élections
locales, la MINUSTAH a alloué le reste de son budget
impact rapide aux délégations et municipalités. Des «kits
de démarrage», qui contiennent notamment des fournitures
basiques de bureau, vont être distribués dans tout le pays.
Page 24
de la perception des taxes et des dépenses publiques. Le
ministère de l’Intérieur a animé plusieurs sessions de
formation pour les maires sur des questions juridiques,
budgétaires, fiscales et de gestion.199 Le président Préval
a rencontré des centaines de maires et d’autres élus
locaux lors de leur dernière session de formation à Portau-Prince, à la mi-juin. 200 La DGI a commencé à
travailler en collaboration avec des municipalités de
Port-au-Prince (dont Cité Soleil) et avec les départements
pour organiser des formations et forums sur la fiscalité
locale. 201 En règle générale, les participants ont fait
preuve d’enthousiasme, bien que certains se soient
montrés sceptiques quant à la capacité des ménages les
plus pauvres de s’acquitter des impôts locaux. 202
2.
Le débat sur la décentralisation
Le 13 mai, le président Préval a annoncé le renforcement
des autorités locales au cours de l’année 2007 mais le
processus devra être poursuivi pendant toute la durée de
son mandat, qui prend fin en 2011. Le gouvernement de
transition avait voté un paquet de réformes sur la
décentralisation mais le gouvernement actuel considère
qu’il est irréaliste.203 Il comprenait la création de conseils
consultatifs de développement aux niveaux de la section
communale, de la municipalité et du département. 204
Cela semble artificiel et redondant dans la mesure où la
tâche principale de tout organe local devrait être d’élaborer
des plans de développement. De la même manière, prendre
de longues dispositions concernant les procédures et les
organes chargés de gérer les conflits entre les organes
locaux semble bien loin des réalités haïtiennes. La loi
sur les sections communales prévoit le versement d’un
salaire mensuel aux membres des CASEC et d’une
indemnisation à ceux qui participent aux réunions des
ASEC. Toutes ces dépenses sont censées être couvertes
La prochaine étape est celle de la durabilité des
structures locales du pouvoir, en améliorant l’efficacité
195
KATA signifie « Konbit Ak Tet Ansanm » (travailler
ensemble). Entretiens de Crisis Group avec le personnel de
CHF et des représentants de l’administration locale,
Gonaïves, 3-5 mai 2007.
196
C’est le cas aux Cayes et à Gros Morne, où Crisis Group
a visité ces bâtiments. Cette méthode est également
envisagée par la commission interministérielle chargée des
questions transfrontalières dans la ville frontalière d’Anse à
Pitre. « Anse à Pitre dans l’attente d’un complexe
administratif », Le Nouvelliste, 8 juin 2007.
197
Entretien de Crisis Group avec des membres du personnel
de la délégation, Les Cayes, 29 mars 2007. Voir également
www.iadb.org.
198
Informations provenant de la base de données des projets
à impact rapide (QIP) partagée par la MINUSTAH, 24 mai
2007.
199
Entretien de Crisis Group avec le personnel du ministère
de l’Intérieur, Port-au-Prince, 29 mai 2007.
200
Entretien de Crisis Group avec le président Préval,
Washington, 20 juin 2007.
201
Ces forums ont eu lieu à Chantal, Cavaillon (Sud) et Saint
Marc.
202
La question a été posée au forum de Chantal, le 10 mai
2007. Entretien de Crisis Group avec le personnel de la
MINUSTAH, Les Cayes, 17 mai 2007.
203
Un employé du ministère de l’Intérieur qualifia les lois de
« folles » en raison de leur complexité. Entretien de Crisis
Group, Port-au-Prince, 29 mai 2007.
204
Projet de décret décrivant le cadre de la décentralisation,
1er février 2006, Articles 27, 58, 59 et 138. Ces conseils
seraient financés par un nouveau « fonds de soutien à la
gouvernance locale ».
Consolider la stabilité en Haïti
Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007
par le budget de la section communale, qui, dans de
nombreux cas, n’existe pas.205
Les délégués et vice-délégués doivent être rapidement
confirmés ou leurs remplaçants nommés au plus vite, ce
qui permettra de mettre fin à l’incertitude générale.206 De
même, le personnel du ministère de l’Intérieur devrait être
élargi pour pouvoir mener à bien les réformes et superviser
et accompagner les autorités locales de manière plus
efficace.207 Les maires, délégués et vice-délégués doivent
être mieux formés et s’engager davantage pour animer
un débat national sur la gouvernance locale. Une meilleure
gestion du pouvoir local et une utilisation adéquate du
Fonds de gestion et de développement des collectivités
territoriales sont indispensables mais ne suffiront pas.208
Le gouvernement a formé une soixantaine de contrôleurs
financiers territoriaux pour fournir une assistance en
matière de gestion des finances publiques. Ils seront
essentiels dans le processus de modernisation de
l’administration publique locale et devraient être déployés
au plus vite.209 Les bailleurs de fonds sont prêts à redoubler
leurs efforts mais attendent toujours une vision
politique plus claire de la part du gouvernement.210
Page 25
La gouvernance locale doit être simplifiée, et cela
nécessitera probablement des amendements à la
Constitution. Le rôle des ASEC et CASEC, qui n’ont
pas de véritables fonctions administratives, 211 devrait
être révisé et les deux organes pourraient éventuellement
fusionner pour former des conseils municipaux plus
importants. 212
L’inconvénient du système des
ASEC/CASEC est son coût électoral, pour le moment
couvert par les bailleurs de fonds. Les fonctionnaires
locaux ont besoin d’être formés, assistés dans la gestion
de leur carrière et supervisés, et de connaître leurs
obligations en termes juridiques mais aussi pratiques.213
Le ministère de l’Intérieur a présenté des projets de loi
sur la commune et les sections communales devant le
Parlement.214 Les limites territoriales doivent être redéfinies
en toute logique pour mettre fin aux débats autour des
contradictions juridiques et aux déséquilibres dans la
représentation politique. 215 Les municipalités recevant
davantage de ressources, des tensions accrues autour de
leur contrôle financier et politique vont apparaître. Il faudra
les résoudre avec précaution et en toute transparence.216
205
Les ASEC et CASEC ont trouvé comment générer des
ressources : en percevant une taxe, par exemple, sur la
déclaration des naissances ou d’autres activités qui sont
normalement du ressort des autorités municipales. Entretien
de Crisis Group avec le personnel administratif local, Gros
Morne, 4 mai 2007.
206
Entretiens de Crisis Group, Gonaïves, 4 mai 2007 et Les
Cayes, 29 mars 2007.
207
Le ministère emploie environ 760 personnes. La police
n’est pas de son ressort mais il est responsable, avec
l’assistance du ministère de la Justice, de l’application des
lois et d’autres mesures relatives à la sécurité publique.
« Decree on the interior ministry, 17 May 1990 », Le
Moniteur, 31 mai 1990. Il est chargé de coordonner les
activités des autorités locales, soutenir les structures
administratives locales et leur politique budgétaire, contrôler
et coordonner les délégations et enfin participer à la
préparation des budgets départementaux et des
arrondissements. Ibid, section V.
208
Le ministère des Finances et de l’Intérieur et le conseil
interdépartemental qui n’a toujours pas vu le jour doivent
tous les trois approuver les décisions relatives au Fonds de
gestion et de développement des collectivités territoriales
(FGDCT). Certains observateurs affirment que cela a
systématiquement débouché sur la malhonnêteté des deux
ministères. Entretien de Crisis Group avec un expert haïtien
de la gouvernance locale, 28 février 2007.
209
Entretien de Crisis Group avec le personnel du ministère
de l’Intérieur, Port-au-Prince, 29 mai 2007.
210
Entretien de Crisis Group avec des membres de la
délégation de la Commission européenne, Port-au-Prince, 14
mars 2007.
211
Véronique Dorner, op. cit., p. 6.
Entretien de Crisis Group avec le personnel du ministère
de l’Intérieur, Port-au-Prince, 29 mai 2007.
213
La proposition, insérée dans un projet de décret en 2006,
de créer un institut de formation mérite d’être soutenue,
même si d’autres éléments de ce projet semblent irréalistes
compte tenu des ressources publiques à disposition. Projet de
décret sur « la gestion des employés dans le service public
local et ses organes publics », 1er février 2006. Il prévoit la
création de plusieurs organes, notamment un conseil
d’administration locale (art. 10) composé de représentants du
conseil interdépartemental, du ministère de l’Intérieur et
d’organisations professionnelles/de syndicats locaux de
fonctionnaires ; un institut national pour l’administration
locale (art. 16) ; et quatre centres régionaux de gestion des
ressources humaines (art. 28).
214
Entretien de Crisis Group, avec le personnel du
ministère de l’Intérieur, Port-au-Prince, 29 mai 2007.
215
« Vers une politique nationale de décentralisation », op.
cit.
216
Certaines situations locales sont peut-être déjà sources de
conflits, comme à Cabaret et l’Arcahaie. Les limites territoriales
de la municipalité de Delmas (Port-au-Prince) ne sont pas
clairement définies. Une fonctionnaire a déclaré à Crisis Group
qu’elle avait reçu deux relevés d’imposition des municipalités
de Bourdon et Delmas, et elle n’est certainement pas un cas
isolé. Entretien de Crisis Group, Port-au-Prince, 29 mai 2007.
212
Consolider la stabilité en Haïti
Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007
VII. CONCLUSION
Haïti a besoin de consolider la fragile stabilité acquise à
Port-au-Prince contre les gangs au début de l’année. La
MINUSTAH est un facteur essentiel du contexte
sécuritaire. Cependant la seule voie possible consiste à
renforcer les structures de l’État, à lancer des programmes
d’envergure définis avec les communautés et à s’attaquer
aux sources de conflit qui subsistent dans la société.
Les bailleurs de fonds ont généreusement soutenu la
réforme de la police qui jouit désormais d’un soutien
politique fort mais cette force demeure petite, faible, mal
formée et le processus d’épuration des éléments corrompus
est seulement en cours. Les progrès macro-économiques
devraient induire plus d’investissement public et de
dépenses orientées vers le développement visant à
distribuer des services de base à travers tout le pays. La
création d’une administration publique transparente et
qui rend des comptes nécessite une attention constante
pour la gouvernance économique, la perception des taxes
et des dépenses publiques à long terme orientées vers le
social, l’État de droit et les infrastructures. De profondes
réformes sont nécessaires pour moderniser le Parlement et
professionnaliser la vie politique. Les autorités du Parlement
et les électeurs doivent imposer une nouvelle discipline.
Cité Soleil est plus qu’un ballon d’essai symbolique
pour la transition et la reconstruction post-conflit. La
perception du contexte politique et économique dépendra
en partie d’une coopération stratégique et de long terme
entre le gouvernement et les bailleurs de fonds sur le
redressement. Si les victimes de la violence des bidonvilles
constatent que de nouvelles infrastructures, des services
et des emplois leur sont proposés équitablement, elles
deviendront probablement des acteurs du changement.
Page 26
Maintenant que les gangs politisés et criminels sont pour
la plupart sous contrôle, l’autorité légitime de l’État doit
s’étendre aux autres zones urbaines et rurales, y compris
les ports et les passages frontaliers.
Consolider la stabilité dépend aussi de la perception
donnée par le gouvernement qu’il est en train de limiter
l’impunité et de renforcer l’État de droit en réformant les
prisons et la justice. Le degré de soutien financier devrait
à terme être lié aux progrès accomplis dans la mise en
œuvre de ces réformes. En plus du vote des trois lois
principales sur la réforme de la justice, une inspection
judiciaire plus forte est nécessaire pour discipliner les
magistrats, contrôler la qualité et les résultats du travail
des tribunaux et de la Commission de détention. L’examen,
l’instruction et le jugement non-partisans et indépendants
des assassinats politiques les plus notoires de l’histoire
récente du pays sont nécessaires.
Les criantes inégalités socio-économiques continueront
d’alimenter naturellement la violence si plus d’emplois
ne sont pas créés et si ceux qui en ont la capacité ne
reçoivent pas de formation professionnelle. La stabilité
politique et économique, pour limiter l’exode rural de la
majorité de la population vivant encore en dehors de la
capitale, passera inévitablement par le développement
décentralisé. Les projets participatifs de développement
soutenus par les ministères centraux plus forts sont les
meilleurs outils pour élaborer une gouvernance locale
démocratique et amener les services de base à la portée
des plus pauvres. Des amendements constitutionnels
devront ensuite être envisagés pour rationaliser une
gouvernance locale trop complexe exigeant un système
électoral peu viable et trop coûteux.
Port-au-Prince/Bruxelles, 18 juillet 2007
Consolider la stabilité en Haïti
Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007
Page 27
ANNEXE A
CARTE D’HAÏTI
74o
CUBA
73o
72o
ÎLE DE
LA TORTUE
Palmiste
20o
HAITI
International boundary
Departmental boundary
National capital
Departmental seat
Town, village
Main road
Secondary road
Airport
0
0
10
5
20
10
30
15
20
ATLANTIC
Canal de la Tortue
Pointe
Jean-Rabel
Port-de-Paix
Cap Saint-Nicolas
Cap-à-Foux
40 km
25 mi
Le Borgne
Monte
Criste
Baie de
Cap-Haïtien
Mancenille
Plaine
Quartier
FortLimbé
Caracol
du
Nord
Morin
Bombardopolis
Liberté
Baie de Henne
Acul
Pilate
Phaëton
Gros-Morne
Limonade
du Nord
Anse-Rouge
Trou-du-Nord
Baie
Plaisance
N O R D Milot
Terre-Neuve
de Grande
Ferrier
Dajabón
Sainte
Henne Pointe
Grande Rivière du Nord
Suzanne Ouanaminthe
Dondon
Marmelade
Perches
NORD - EST
Bahon
Gonaïves Ennery
Vallières
Baie de
Saint- Ranquitte
ARTIBONITE
la Tortue
Mont-Organisé
Raphaël
Pointe de la Grande-Pierre
Saint Michel
Pignon
La Victoire
de l'Attalaye
Baie de
Golfe de la Gonâve
Grand-Pierre
Cerca Carvajal
Grande-Saline
Dessalines
Môle St.-Nicolas
Bassin-Bleu
NORD - OUEST
Port-Margot
Petite-Rivièrede-l'Artibonite
Maïssade
Saint-Marc
HAITI
Verrettes
19o
Canal de
Saint-Marc
Pointe de
Montrouis
ÎLE DE
LA GONÂVE
Thomassique
C E N T R E Thomonde
La Chapelle
Magasin
Mirebalais
Arcahaie
Duvalierville
Pointe-à-Raquette
Cerca-la-Source
Hinche
Belladère
Lascahobas
Baptiste
Savenette
Lac de
Péligre
Saut-d'Eau
Cornillon
Pointe
Jérémie ÎLES CAYÉMITES
Fantasque
Trou
Thomazeau
PRESQU'ÎLE
PORTÉt a
Canal de
Bonbon
n
DES BARADÈRES
Croix des
AUMoron
la Gonâve
Dame-Marie
Roseaux
Bouquets
Gressier PRINCE
Corail
Petit Trou de Nippes
Chambellan
re
Pestel
Ganthier
Carrefour
Source Chaude
Pétion-Ville Fond Parisien
Anse-à-Veau
Baradères
Léogâne
Jimani
Anse d'Hainault G R A N D E - A N S E
N I P P E S Petite Rivières
Kenscoff
Miragoâne
de
Nippes
Petit-Goâve
Grand-Goâve
Les Irois
O U E S T Fonds-Verrettes
L'Asile
Trouin
Maniche
La Cahouane
Camp-Perrin
Tiburon
Cavaillon St. Louis Aquin
Les Anglais
La
Vallée
S
U
D - E S T BelleCayesdu Sud
Vieux Bourg
de Jacmel
Chardonnières
SUD
Jacmel
Anse Thiotte
Marigot
d'Aquin
Jacmel
Côteaux Chantal
Port-à-Piment
Bainet
Côtes-de-fer
Baie de
The boundaries and names
Les Cayes
Grand-Gosier
Jacmel
Torbeck
shown on this map do not
Roch-à-Bateau
Banane
St.-Jean
imply official endorsement
Cap Raymond
or acceptance by the United
du Sud
C
A
R
I
B
B
E
A
N
S
E
A
Port-Salut
Nations.
Abricots
g
Sa
um
ât
74o
Map No. 3855 Rev. 3
June 2004
UNITED NATIONS
ÎLE À VACHE
73o
72o
Anse-à-Pitres
19o
DOMINICAN REPUBLIC
Pointe
Ouest
18o
20o
St. Louis de Nord
Anse-à-Foleur
Jean-Rabel
OCEAN
18o
Department of Peacekeeping Operations
Cartographic Section
Consolider la stabilité en Haïti
Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007
ANNEXE B
ABRÉVIATIONS
ASEC
Assemblée de section communale
Alyans
Alliance démocratique
BID
Banque interaméricaine de développement
CARICOM
Communauté des Caraïbes
CASEC
Conseil d’administration de section communale
CAMEP
Centrale autonome métropolitaine d’eau potable
CHF
Cooperative Housing Foundation
CICR
Comité international de la Croix-Rouge
CIMO
Compagnie d’intervention et de maintien de l’ordre
COGESEPSOL Comité de gestion du système d’eau potable à Cité Soleil
DGI
Direction générale des impôts
FAD’H
Forces armées d’Haïti
FGDCT
Fonds de gestion et de développement des collectivités territoriales
FRN
Front pour la reconstruction nationale
Fusion
Fusion des sociaux-démocrates haïtiens
GFCD
Grand front centre droit
GREH
Grand rassemblement pour l’évolution d’Haïti
HTG
Gourde haïtienne
HTI
Haïti Transition Initiative
IJDH
Institut pour la justice et la démocratie en Haïti
ISPOS
Institute for Advanced Social and Political Studies
JPDN
Justice pour la paix et le développement national
KATA
Konbit Ak Tet Ansanm (Travailler ensemble)
KID
Konfederasyon Inite Demokratik (Confédération de l’unité démocratique)
Konba
Konbit pou Bati Ayiti (Travailler pour construire Haïti)
LAAA
Latibonit Ann Aksyon (L’Artibonite en action)
Lespwa
L’espoir, parti du président Préval
MINUSTAH
Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti
MIRN
Mouvement indépendant pour la réconciliation Nationale
MOCHRENA
Mouvement chrétien pour bâtir une nouvelle Haïti
MODEREH
Mouvement démocratique et rénovateur d’Haïti
MPH
Mobilisation pour le progrès d’Haïti
Page 28
Consolider la stabilité en Haïti
Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007
MRN
Mouvement pour la reconstruction nationale
NDI
National Democratic Institute
OCHA
Office de coordination des affaires humanitaires des Nations unies
OIM
Organisation internationale pour les migrations
OPL
Organisation du peuple en lutte
OTI
Office of Transition Initiatives
PADF
Fondation panaméricaine de développement
PLH
Parti libéral haïtien
PNDPH
Parti national démocratique progressiste d’Haïti
PNH
Police nationale d’Haïti
PONT
Pou Nou Tout (Pour nous tous)
PPRH
Parti populaire du renouveau Haïtien
RDNP
Rassemblement des démocrates nationaux progressistes
RNDDH
Réseau national de défense des droits humains
RSSG
Représentant spécial du secrétaire général des Nations unies
Tet Ansanm
Tous Ensemble
Union
Union nationale chrétienne pour la reconstruction d’Haïti
USAID
United States Agency for International Development
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Consolider la stabilité en Haïti
Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007
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ANNEXE C
LES POUVOIRS CENTRAUX ET LOCAUX EN HAÏTI
EXÉCUTIF
LÉGISLATIF
JUDICIAIRE
ORGANES
AUTONOMES
Niveau nat i onal
Sénat, Chambre
des députés
Central
Président
Haute cour de
justice
Cour de
Cassation
Bureau du Premier ministre
Conseil électoral
permanent
Ministères
Secrétariats d’État
Agences publiques
autonomes
Niveau in t erdépartemental
Conseil interdépartemental
Département
Régional
Délégué
Conseil
Départemental
Assemblée
départementale
Cour d’appel
Tribunal civil
Directeurs départementaux
des ministères
Arrondissement
Vice-délégué
Mun i c i palité/Commune
Conseil/cartel municipal
Assemblée municipale
Justice de paix
Sections communales urbaines et rurales
Délégué de ville
CASEC (Conseil
d’administration de section
communale)
ASEC (Assemblée de
section communale)
Consolider la stabilité en Haïti
Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007
Page 31
ANNEXE D
LES VICTIMES DE KIDNAPPING 2006-2007
KIDNAPPING VICTIMS
150
140
130
120
110
100
Victims (2006)
90
Victims (2007)
80
70
60
50
42
40
29
30
27
20
20
9
10
0
Jan
Fe
Source : MINUSTAH
Ma
Ap
Ma
Jun
Jul
Au
Se
Oct
No
De

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