consolider la stabilité en haïti
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CONSOLIDER LA STABILITÉ EN HAÏTI Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21 – 18 juillet 2007 TABLE DES MATIÈRES SYNTHÈSE ET RECOMMANDATIONS I. II. INTRODUCTION .......................................................................................................... 1 SÉCURITÉ ...................................................................................................................... 2 A. B. AMÉLIORATIONS ...................................................................................................................2 UNE FRAGILITÉ PERSISTANTE ................................................................................................4 III. CONSOLIDER LA STABILITÉ À PORT-AU-PRINCE : CITÉ SOLEIL ............. 6 A. B. C. D. LES ENSEIGNEMENTS DE L’AIDE EXTÉRIEURE ........................................................................6 LES DÉFIS DE LA COORDINATION ET DE LA CRÉATION D’EMPLOI ............................................8 LES DÉFIS LOCAUX DE LA SÉCURITÉ ET DE LA JUSTICE ...........................................................9 LA GESTION MUNICIPALE ....................................................................................................10 IV. GOUVERNANCE ET VIE POLITIQUE .................................................................. 12 A. B. C. D. V. LA SCÈNE POLITIQUE NATIONALE ........................................................................................12 LE PARLEMENT ...................................................................................................................13 UNE JUSTICE POLITISÉE .......................................................................................................14 POLITIQUE ET TENSIONS LOCALES : GONAÏVES ....................................................................15 AUGMENTER LES RECETTES ET LES DÉPENSES PUBLIQUES .................. 16 A. B. LA GOUVERNANCE ÉCONOMIQUE ........................................................................................16 LES RECETTES PUBLIQUES ...................................................................................................17 1. Perception ................................................................................................................17 2. Dépenses ..................................................................................................................19 VI. CONSTRUIRE LES INSTITUTIONS LOCALES ................................................... 20 A. B. C. LA CONSTITUTION DE 1987 ET LA GOUVERNANCE LOCALE .................................................20 LA GOUVERNANCE LOCALE EN ACTION ...............................................................................21 1. Les nouvelles structures locales et les élections à venir ..........................................21 2. La sécurité sans police municipale ..........................................................................21 3. Des délégations et des ministères sans pouvoir .......................................................23 4. L’aide extérieure et la gouvernance locale ..............................................................23 CRÉER UNE ADMINISTRATION LOCALE ET LE DÉBAT SUR LA DÉCENTRALISATION ................24 1. Créer les administrations locales .............................................................................24 2. Le débat sur la décentralisation..................................................................................24 VII. CONCLUSION ............................................................................................................. 26 ANNEXES A. CARTE D’HAÏTI...................................................................................................................27 B. ABRÉVIATIONS ...................................................................................................................28 C. LES POUVOIRS CENTRAUX ET LOCAUX EN HAÏTI .................................................................30 D. LES VICTIMES DE KIDNAPPING 2006-2007 ..........................................................................31 Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21 18 juillet 2007 CONSOLIDER LA STABILITÉ EN HAÏTI SYNTHÈSE ET RECOMMANDATIONS La sécurité et la stabilité d’Haïti demeurent fragiles. Le président René Préval a mis en place des politiques de réforme des secteurs de la sécurité, de la police, de la justice et des prisons mais leur mise en œuvre est lente, difficile et incertaine à cause de la faiblesse de l’État et des décennies sinon des siècles d’abandon institutionnel. Son premier et véritable succès consiste à avoir démantelé les gangs les plus durs de Port-au-Prince. Mais pour qu’il soit durable, il s’agit d’instituer une Police nationale d’Haïti (PNH) en confiance avec la population, et ce sous l’œil vigilant de la mission de maintien de la paix des Nations unies (MINUSTAH). De plus, un climat favorable au développement des infrastructures et de l’économie doit être assuré dans les quartiers pauvres de la capitale, et des processus similaires de redressement et de reconstruction doivent être étendus à tout le pays. L’assistance transitoire et post-conflit commence tout juste à arriver dans la capitale, dont les communes ne ressentent toujours pas le début d’une ère nouvelle. La coordination entre les bailleurs de fonds et le gouvernement n’est pas encore efficace : à Cité Soleil, où les gangs avaient imposé leur loi, un temps précieux a été perdu dans d’interminables négociations censées déterminer où et quand la PNH devrait établir une présence permanente. La majorité des membres de gang les plus recherchés ont été arrêtés ou tués mais certains ont déjà monnayé leur sortie de prison ou sont remplacés par des lieutenants plus jeunes et tout aussi violents. D’autres encore se cachent. Plus d’une dizaine de règlements de compte, notamment des lynchages, se sont produits à Cité Soleil depuis janvier 2007. Le processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) et d’autres programmes de réduction de la violence communautaire sont trop lents. Il est urgent que les initiatives de consolidation de la paix apportent revenus, services de base et espoir à ces communautés. Afin de consolider la stabilité, Haïti doit également mettre fin à l’impunité et aux manipulations politiques du secteur de la justice et assurer à la fois des procédures légales efficaces et la responsabilité face à la loi. Parmi les actions à court terme, il faut mettre en place une chambre criminelle spécialisée pour traiter certains crimes graves, mener des enquêtes indépendantes, engager des poursuites et commencer les procès de suspects impliqués dans les assassinats et meurtres politiques les plus sensibles de la dernière décennie. Toutes ces étapes ne seront franchies qu’avec le franc soutien du président et du Premier ministre Jacques Edouard Alexis. Il est également essentiel que le Parlement vote rapidement les lois sur la réforme de la justice. Les futurs financements pour des améliorations à long terme devraient résulter d’un accord entre les bailleurs de fonds et du gouvernement sur les indicateurs des changements à entreprendre en matière de pratiques juridiques et l’échéance de leur mise en œuvre. Les structures étatiques sont toujours extrêmement faibles, en particulier à tous les niveaux locaux, dont le nombre et la complexité aggravent l’inefficacité de la gouvernance. La décentralisation est importante et devrait être poursuivie mais un consensus national en matière de changements, y compris sur des amendements constitutionnels si nécessaire, est tout aussi fondamental. Il faut qu’Haïti dispose d’un système de gouvernance locale rationnel à la hauteur de ses moyens sans devoir dépendre de subventions extérieures massives. La perception des recettes, les caisses de l’État et la croissance économique s’améliorent, et l’inflation et les taux de change sont maîtrisés, mais le citoyen lambda n’a ressenti aucune amélioration de ses conditions de vie. Les recettes douanières restent endessous de leur niveau potentiel à cause de la corruption et de la contrebande. De même, le manque de capacités administratives limite les possibilités Consolider la stabilité en Haïti Crisis Group Latin America/Caribbean Report N°21, 18 juillet 2007 pour les 140 municipalités d’imposer et de percevoir des droits et taxes locaux, et par là-même les empêche de répondre aux besoins locaux. Cette lacune est d’autant plus visible dans les communautés rurales quasiment laissées à l’abandon et les villes de province où vivent 60 pour cent de la population. Les ministères et institutions publiques doivent accélérer les dépenses et investissements publics et activer une rénovation massive des infrastructures. Beaucoup de créations d’emplois et de projets d’investissement ont été prévus mais n’ont pas pris forme. Ceux qui réussissent sont susceptibles de provoquer un changement culturel et d’apporter de nouvelles pratiques de gouvernance locale mais restent des efforts isolés et doivent encore s’étendre à tout le pays. Le président Préval a récemment affirmé que l’éradication de la corruption à tous les niveaux du gouvernement était sa priorité. Mais, comme pour beaucoup d’autres initiatives capables d’empêcher le pays de glisser à nouveau dans un chaos trop familier alors que l’attention internationale se détourne inexorablement, bien peu a encore été fait. ministre et S’opposer à toute tentative de création d’une deuxième force de sécurité nationale en plus de la Police nationale d’Haïti (PNH). 2. Nommer des responsables respectés au niveau local aux postes de délégués départementaux et de vice-délégués ou confirmer ceux qui sont déjà en poste pour mettre fin à l’incertitude au niveau local. 3. Renforcer le ministère de l’Intérieur en lui attribuant davantage de personnel mieux formé pour qu’il puisse : 4. (a) appuyer et superviser les responsables municipaux et locaux ; et (b) déterminer et appuyer les meilleures pratiques des projets de développement local et de gouvernance pour les reproduire à l’échelle nationale. Coordonner plusieurs conférences nationales sur la gouvernance locale et intégrer les recommandations dans un nouveau cadre légal de réformes globales impliquant, si cela s’avère nécessaire, des changements constitutionnels de manière à : simplifier l’administration publique en réduisant le nombre de structures locales et de niveaux administratifs ainsi que le coût des élections en fusionnant conseils et assemblées de manière appropriée; (b) redessiner les limites territoriales pour assurer l’égalité dans la représentation politique ; (c) donner la possibilité aux municipalités, délégations et vice-délégations de jouer un rôle plus actif dans le développement local, tout en prenant en compte le besoin de donner un rôle consultatif aux Assemblées des sections communales (ASEC), aux Conseils d'administration des sections communales (CASEC), et aux assemblées et conseils départementaux, et (d) renforcer les capacités de taxation locale et accélérer la redistribution des revenus. Mettre plus rapidement en place le plan du gouvernement pour Cité Soleil, l’élargir pour y inclure la maintenance, l’administration municipale et la sécurité des citoyens, et rendre plus claire la chaîne de commandement pour la coordination de la task force à Cité Soleil. 6. Renforcer la coordination entre la commission nationale pour le désarmement, la démobilisation et la réintégration (CNDDR), les bailleurs de fonds et les organisations non gouvernementales (ONG) de manière à définir des critères permettant d’assurer le respect des exigences du processus de désarmement et des normes de réinsertion ainsi que des critères de prévention de la violence des gangs. 7. Enjoindre le ministère de la Justice de lancer un examen indépendant des besoins en matière de réouverture ou de réactivation des affaires criminelles impliquant des assassinats pour lesquels il existe une suspicion d’influence politique abusive. 8. Créer, à l’aide de mesures administratives appropriées, une chambre criminelle spécialisée chargée de l’instruction des affaires impliquant trafic de drogue, enlèvements, terrorisme, corruption, blanchiment d’argent, trafic d’êtres humains et crime organisé. au 1. (a) 5. RECOMMANDATIONS Au président, au Premier gouvernement d’Haïti: Page ii Aux parlementaires et partis politiques : 9. Professionnaliser les travaux de la branche législative en améliorant la discipline au sein des partis, respecter le règlement intérieur du Consolider la stabilité en Haïti Crisis Group Latin America/Caribbean Report N°21, 18 juillet 2007 Page iii cadre d’affaires concernant des crimes graves; et Parlement et mettre en œuvre le plan de réforme du Parlement qui a été adopté. 10. À la communauté internationale, dont les États-Unis, le Canada, l’UE, les institutions financières internationales et aux autres importants bailleurs de fonds : 11. Fournir une aide financière et technique au plan du gouvernement pour Cité Soleil. 13. Soutenir, à la suite d’une phase de dialogue national, la stratégie gouvernementale de simplification et de renforcement de la gouvernance locale. Offrir une assistance technique au ministère de la Justice pour renforcer l’administration juridique et collaborer avec le gouvernement pour déterminer des critères applicables à la réforme de la justice, tels que : (a) un fonctionnement plus efficace de la commission de détention ; (b) l’adoption des trois avant-projets de loi sur la réforme du statut des magistrats, le conseil de la magistrature et l’école de la magistrature ; (c) l’examen immédiat par une commission de contrôle judiciaire redynamisée pour décider de sanctions appropriées à l’encontre des juges et avocats corrompus et d’autres personnes accusées de mauvaise conduite dans le le progrès tangible du processus d’épuration (vetting) de la police. 15. Continuer à faire pression pour une modernisation plus rapide de l’administration des douanes et pour un meilleur contrôle par l’État dans les ports. 16. Soutenir les programmes du gouvernement de lutte contre la drogue, notamment en : Intégrer Haïti à l’agenda de la Commission de consolidation de la paix des Nations unies le plus vite possible et allouer 50 millions de dollars du Fonds pour la consolidation de la paix aux agences des Nations unies qui sont en mesure de faciliter le renforcement des capacités de la gouvernance à tous les niveaux, apporter une assistance à la planification à grande échelle et encourager des investissements plus rapides dans des infrastructures durables et l’amélioration des services de base dans les zones sensibles. 12. 14. (d) Prendre rapidement des décisions sur le paquet législatif concernant la réforme de la justice. (a) soutenant les unités de la PNH ayant déjà subi l’examen du vetting; (b) pourvoir en personnel les bureaux de lutte contre la drogue des États-Unis en Haïti; (c) intensifier la coordination régionale en matière de renseignement, de surveillance et de contrôle, notamment avec le stationnement permanent de deux hélicoptères de la Drug Enforcement Agency des États-Unis pour appuyer l’action de la PNH et de la MINUSTAH contre l’usage clandestin des pistes d’atterrissage et des largages en mer ; et (d) apporter à la MINUSTAH et la PNH les capacités nécessaires à la création d’une base maritime sur la côte méridionale depuis laquelle elles pourront conduire régulièrement des patrouilles et des opérations de surveillance et de contrôle. À la MINUSTAH et aux agences des Nations unies : 17. Améliorer la coordination avec la CNDDR et mettre en place un programme de réintégration du personnel de police révoqué. 18. Lancer une importante formation en police de proximité ainsi que des projets relatifs à la sûreté des communautés là où l’épuration de la PNH a été réalisée avec succès. Port-au-Prince/Bruxelles, 18 juillet 2007 Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21 18 juillet 2007 CONSOLIDER LA STABILITÉ EN HAÏTI I. INTRODUCTION Haïti a une occasion historique de se construire un futur démocratique et d’établir les conditions propices à son développement. Le président René Préval a le soutien de l’international et en interne pour mettre en œuvre une série de réformes ambitieuses et de long terme. La Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haiti (MINUSTAH), 1 avec la Police nationale d’Haiti (PNH), a délogé le noyau dur des réseaux politisés et criminels de Port-au-Prince qui menaçaient la stabilité depuis neuf mois. Cependant l’État demeure faible et a besoin d’un soutien militaire, policier, politique, financier et technique continu. Comme Préval l’a reconnu en mai 2007, la paix doit être maintenue non seulement dans la capitale mais aussi dans tout le pays. La seconde voie du renouveau 2 consiste à mieux organiser, former et financer les autorités locales, ce qui requiert non seulement plus de ressources mais aussi des partenariats plus efficaces entre les ministères, les autorités locales, les organisations communautaires et le secteur privé. Port-au-Prince reste le défi sécuritaire majeur, même si la capacité de nuisance des gangs par la violence politique, les kidnappings, le blocage des ports et la pression sur le secteur privé a été éradiquée. Le gouvernement et la MINUSTAH vont devoir garder un contrôle étroit des zones instables dans les années qui viennent pour rassurer une population toujours nerveuse. Renforcer les structures de l’État est essentiel pour un développement durable. La gouvernance économique du ministère des Finances et de la Banque centrale doit être suivie en permanence et ajustée aux standards internationaux. Les déclarations de Préval donnant la priorité à la lutte contre la corruption en sont pour l’instant à un début encourageant. Transformer l’essai implique une réforme profonde de la justice appuyée par des bailleurs de fonds conscients de cette priorité. Pour cela le président a aussi besoin d’un Parlement plus mature et responsable, d’une classe politique plus transparente, d’une société civile active et d’un secteur privé engagé. Les ressources et l’aide ne manquent pas : les bailleurs de fonds sont prêts à contribuer à des initiatives concrètes décidées localement. Dans de nombreux cas, un nouveau cadre légal est nécessaire, dans d’autres, le personnel compétent est inexistant. 2 1 Le 15 février 2007, le Conseil de sécurité a prolongé le mandat de la MINUSTAH jusqu’au 15 octobre 2007. Philippe R. Girard, Paradise Lost: Haiti’s Tumultuous Journey from Pearl of the Caribbean to Third World Hotspot (New York, 2005). Consolider la stabilité en Haïti Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007 II. SÉCURITÉ Depuis la série d’enlèvements de décembre 2006, de nombreux chefs de gangs ont été arrêtés ou tués. Depuis le mois de janvier, plus de 750 personnes suspectées de faire partie d’un gang ont été emprisonnées et de nombreuses minutions saisies. Le personnel humanitaire et de développement travaille plus ou moins en sécurité pendant la journée. Mais la situation demeure fragile. A. AMÉLIORATIONS L’insécurité générale et les enlèvements ont connu une recrudescence en novembre et décembre 2006.3 La vague de terreur qui s’en est suivie à Port-au-Prince a touché l’ensemble de la société.4 À la mi-novembre, l’enlèvement, la torture et le meurtre de la jeune étudiante Farah Dessources ainsi que le meurtre d’un petit garçon de 6 ans alors que des rançons avaient été versées, suivis en décembre d’une série d’enlèvements d’enfants, choquèrent profondément la population.5 Le gouvernement fit pression pour une réponse rapide de la MINUSTAH mais il fallut attendre les élections du 3 décembre et la rotation de ses troupes au milieu du mois6 3 Selon la MINUSTAH, le nombre d’enlèvements a diminué en septembre et en octobre 2006, pour ensuite passer de 31 à 96 en novembre, et a atteint en décembre son niveau le plus élevé de l’année, 129. Les Haïtens pensent que les chiffres réels sont plus élevés dans la mesure où de nombreux enlèvements ne sont pas signalés, par peur des représailles et par manque de confiance en la PNH. Jean-Michel Caroit, «Le chaos règne en Haïti», 2 janvier 2007, http://www.caraib Esfm.com/index.php?id=2463. 4 Les hauts fonctionnaires de l’État et internationaux n’ont pas été épargnés. Fred Joseph, ex-ministre des Finances sous le gouvernement de Préval, a été enlevé le 30 novembre 2006. Le 10 novembre, deux soldats jordaniens ont été tués près de Cité Soleil dans l’attaque de leur véhicule. «Haiti gunmen kill 2 Jordanian U.N. soldiers», Reuters, 11 novembre 2006. http://www.haiti-info.com/spip.php?article 3461. 5 Vingt-neuf enlèvements d’écoliers ont été rapportés en trois jours au cours de la deuxième semaine de décembre à Portau-Prince. « L’UNICEF et la MINUSTAH ensemble contre le kidnapping d’enfants », www.minustah.org, 22 décembre 2006. Martissant fit l’expérience d’une escalade de la violence des gangs avec une dizaine de personnes tuées en trois jours en décembre et l’assassinat d’un policier local, Jean-André Noël, qui avait été impliqué dans plusieurs enlèvements. 6 Entretien de Crisis Group avec un membre du personnel de la police des Nations unies de la MINUSTAH (UNPOL), Port-au-Prince, 24 février 2007. Table ronde du Center for Page 2 pour qu’elle soit prête à réagir. La première d’une série d’importantes opérations conjointes avec la PNH, le 22 décembre, a dégénéré en fusillade avec le gang de Belony7 à Bois Neuf et Drouillard, faisant au moins neuf victimes.8 Le major-général brésilien Carlos Alberto Dos Santos, qui a pris la tête de la MINUSTAH le 11 janvier,9 a adopté un plan systématique, en s’emparant en premier lieu des bâtiments stratégiques près de Cité Soleil et en ciblant les plus grands chefs de gangs, tout en comptant sur les activités du renseignement pour causer le moins de victimes possible.10 Les postes de contrôle ont été maintenus sur les routes à l’intérieur et à l’extérieur de Cité Soleil, et les troupes sont restées sur place afin de créer un espace sécurisé pour permettre à la PNH de revenir de manière permanente et au gouvernement et aux agences de développement de travailler librement.11 Le 24 janvier, la MINUSTAH occupa un bâtiment stratégique de quatre étages, la «Maison Bleue», à l’entrée du secteur de Boston.12 Le 9 février, l’«Opération Jauru Sud Americana»13 cibla Boston et la base Jamaica d’Evens.14 Strategic & International Studies (CSIS) avec l’Ambassadeur Mulet, 27 janvier 2007. 7 Communiqué de presse N° 299 de la MINUSTAH, 22 décembre 2006. L’orthographe des noms des membres de gangs varie. Les rapports précédents de Crisis Group utilisaient « Bellony » et « Evans ». Le présent rapport emploie « Belony » et « Evens » qui sont aujourd’hui plus fréquents dans les médias. 8 « Monthly Forecast: Haiti », rapport du Conseil de sécurité, février 2007, http://www.securitycouncil report.org/ site/c.glK WLe MTIsG/ b.2461273/k.472/February_2007br Haiti.htm. 9 Il remplaça un autre brésilien, le général de brigade José Elito Carvalho Siqueira. 10 Trente-deux gangs opèrent dans les 34 quartiers de Cité Soleil. Leurs membres s’affilient selon les circonstances aux trois gangs principaux, dont les chefs identifiés sont Evens Jeune à Boston, Belony à Bois Neuf et Amaral Duclona à Belekou. Pour en savoir plus sur les gangs de Cité Soleil, voir le Briefing Amérique Latine/Caraïbes N°12, Haïti : sécurité et réintégration de l’État, 30 octobre 2006. 11 La PNH n’occupe plus ses trois commissariats de Cité Soleil depuis février 2004. 12 L’opération s’est déroulée près du principal château d’eau, source d’eau potable de nombreux résidents, et le fruit d’un projet du Comité international de la Croix-Rouge, de la Centrale autonome métropolitaine d’eau potable (CAMEP), de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) et de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Une partie du bâtiment était endommagée et des troupes y ont été postées, ce qui en faisait une cible potentielle. Elles ont quitté les lieux après en avoir été informées, les dommages ont été réparés et le château d’eau fonctionne de nouveau. 13 Du nom du bataillon du capitaine brésilien de la force. Les 700 soldats venaient de Bolivie, du Brésil, du Chili, du Paraguay, du Pérou, d’Uruguay et de Jordanie. Le gang Consolider la stabilité en Haïti Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007 Entre plusieurs manœuvres importantes, la MINUSTAH est restée à Cité Soleil et a augmenté le nombre de ses patrouilles, dont certaines ont été effectuées avec la PNH.15 Le gang Evens délogé et la présence permanente de la MINUSTAH établie à Boston, l’« Opération Nazca » fut lancée le 20 février à Belekou.16 La PNH arrêta dix-sept suspects et une nouvelle base de la MINUSTAH fut installée. Une opération de recherche au fief du chef de gang Amaral ne permit cependant pas d’arrêter ce dernier. L’opération conduite le 28 février, qui visait de nouveau le quartier général de Belony à Bois Neuf, permit d’arrêter sept personnes sans coups de feu mais pas d’arrêter le chef du gang.17 Quatre semaines après l’opération qui le ciblait, Evens fut arrêté sur dénonciation de résidents, le 13 mars, près des Cayes.18 Belony s’enfuit à Saint-Michel de l’Attalaye dans le département de l’Artibonite mais les locaux, craignant qu’il amène la violence avec lui, alertèrent la police qui l’arrêta le 21 avril. Les médias, en particulier les 200 radios et télévisions nationales d’Haïti, relayèrent largement les opérations anti-gang,19 et la coopération de la population, qui a permis ces arrestations, est un signe positif de progrès.20 d’Evens avait creusé un fossé autour de la base. L’armée utilisa des pelleteuses, du sable et des ingénieurs pour le remplir. 14 Entretien de Crisis Group avec le général Dos Santos, commandant de la MINUSTAH, 9 février 2007. 15 Une patrouille de routine a arrêté Ti Bazil à Cité Soleil. «Haïti : arrestation de l'un des chefs de gang de Cité Soleil», consultable sur http://www.un.org/apps/newsFr/ storyF.asp? NewsID=13683&Cr=Ha%EFti&Cr1=MINUSTAH. 16 Sept cents soldats originaires des mêmes États d’Amérique Latine que pour l’opération précédente ainsi que de Jordanie et du Népal y ont participé, en collaboration avec les gardes-côte, l’appui aérien du Chili, les hélicoptères de surveillance et des Unités de police constituée (Formed police units, FPU). 17 « UN peacekeepers complete first phase of anti-gang crackdown in capital », www.minustah.org, 2 mars 2007. 18 Certains pensent que son gang est lié au trafic de drogue à Port-au-Prince. 19 L’efficacité de la radio n’a pas échappé à la MINUSTAH. Elle diffuse sur son site internet deux heures de programme par jour et espère pouvoir diffuser bientôt au niveau national. Entretien de Crisis Group avec David Wimhurst, chef du bureau de la communication et de l’information de la MINUSTAH, Port-au-Prince, 12 juin 2007. 20 La MINUSTAH demanda via la radio, la télévision et l’affichage urbain à ce que toute information soit divulguée à travers une ligne téléphonique gratuite et confidentielle baptisée « Je Wè Bouch Pale » (ce que je vois, je le dis), mise en service en juin 2005. Communiqué de presse 133 de la MINUSTAH, 9 juin 2005, consultable sur http://www.un.org/ Page 3 Comme l’avait promis le Premier ministre Jacques Édouard Alexis, les opérations de Cité Soleil se poursuivirent à Martissant, théâtre d’une guerre de territoire des gangs rivaux et de zones instables. La PNH et la MINUSTAH patrouillent maintenant régulièrement à Martissant. 21 Les opérations ont pu dissoudre certains gangs et ont permis aux résidents de Cité Soleil, de Martissant et d’autres bidonvilles de ressentir un minimum de stabilité et de reprendre une activité normale. Tous les gangs n’ont pas été délogés, certains sont simplement moins actifs et ont dissimulé leurs armes.22 Cependant, l’insécurité n’est plus omniprésente dans la capitale et la déstabilisation d’autres régions, où certains membres de gangs avaient trouvé refuge, n’a pas été aussi forte que ce que l’on craignait.23 Plusieurs organisations, dont l’Institut pour la justice et la démocratie en Haïti (IJDH) déclarèrent que de nombreuses victimes des opérations étaient des habitants innocents pris au piège des tirs à l’aveuglette de la MINUSTAH.24 Les médecins de Médecins sans frontières-Belgique (MSF-Belgique) notèrent une augmentation des victimes par balle à l’hôpital local, sans toutefois interpréter les french/peace/peace/cu_mission/minustah/pr133.pdf. 21 « Après Cité Soleil, offensive de la PNH et de la MINUSTAH contre les gangs de Bolosse et Martissant », Radio Kiskeya, 15 mai 2007, consultable sur http://www. .radiokiskeya.com/spip.php?/spip.php?article3670 ; « Le système de patrouille conjointe Minustah-PNH est un atout pour les autorités », Radio Métropole, 27 avril 2007. 22 Entretiens de Crisis Group avec des résidents locaux et des volontaires non-gouvernementaux, 13 juin 2007. 23 Des habitants d’autres régions ont demandé l’organisation d’autres opérations anti-gangs dans leur ville, comme Ouanaminthe. Entretiens de Crisis Group avec la MINUSTAH, l’UNPOL et un religieux local, Ouanaminthe, 25, 26, et 27 avril 2007. 24 Les médias haïtiens ont rapporté quatre décès de civils dans le raid de Boston, mais les représentants des Nations unies n’ont pas pu les confirmer. Miami Herald, 19 février 2007. L’IJDH affirma qu’un hélicoptère de la MINUSTAH avait tiré sans discernement sur des habitations de Cité Soleil. « Half-hour for Haiti: Followup On MINUSTAH Raid in Cité Soleil », IJDH, 10 janvier 2006, consultable sur www.ijdh.org/articles/article _halfhourforhaiti_1-10-07.html. Le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies (SRSG), Edmund Mulet, démentit ces allégations dans une lettre ouverte à l’IJDH, indiquant que l’hélicoptère n’avait effectué qu’une mission de surveillance. Ibid. Le porte-parole de la MINUSTAH affirma que les balles qui avaient touché les habitations avaient été tirées par les gangs sur l’hélicoptère. « Haiti: UN peacekeepers complete first phase of anti-gang crackdown in capital », service d’information des Nations unies, 2 mars 2007, consultable sur www.minustah.org/blogs/119/Haiti-UN-peacekeeperscomplete-first-phase-of-anti-gang-crackdown-incapital.html. Consolider la stabilité en Haïti Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007 statistiques. Il est donc difficile d’imputer la responsabilité directe de ces victimes aux opérations de l’ONU pendant lesquelles les casques bleus ont dû faire face à d’importantes fusillades de la part de gangs très bien armés.25 B. UNE FRAGILITÉ PERSISTANTE L’amélioration de la situation sécuritaire n’a pas pour autant résolu les problèmes de pauvreté, de violence urbaine ou de désarmement, dont le processus n’avance pas. Après les principaux gangs urbains, la PNH et la MINUSTAH se focalisent sur le crime organisé et les trafics. Il est essentiel que l’assainissement interne de la PNH soit achevé. Un second corps armé n’est pas nécessaire, et la réactivation de l’armée représenterait un risque de retour à la guerre civile ou à son utilisation par certains groupes à des fins anti-démocratiques. Avant que la police ne devienne une institution de confiance, certains éléments de l’élite pourraient très bien financer des criminels, en partie au moins pour créer leur propre zone de stabilité. La déclaration de Belony selon laquelle il recevait 5 000 dollars par semaine de la part des milieux d’affaires a renforcé les demandes d’enquête sur le rôle du secteur privé dans le soutien des gangs,26 ce qui pourrait déclencher d’imprévisibles réactions chez des personnes puissantes craignant d’être dénoncées. De nombreuses victimes de la violence sont traumatisées, ont besoin d’aide et que justice soit faite.27 En l’absence de justice formelle, certains ont préféré se faire justice eux-mêmes. Les lynchages de membres de gangs ainsi que le nombre de kidnappeurs et de criminels présumés identifiés par la population locale ont augmenté dans tout le pays au mois d’avril.28 À Cité Soleil, le personnel 25 Les statistiques de MSF-Belgique sur l’hôpital de SainteCatherine, à Cité Soleil, recensent 200 victimes par balle en décembre 2006, contre 80 un an auparavant. Les chiffres du mois de décembre 2005 sont utilisés à titre de comparaison parce que des pics de violence ont généralement lieu à cette période de l’année. 26 Radio Vision 2000, monitorée par la MINUSTAH, 25 avril 2007. 27 « Voix d’Haiti : impact de la violence armée », campagne pour la réduction de la violence, http://www.campagnecontre violence.org/. Cette campagne a été lancée en mars 2006 par quinze organisations sociales de soutien aux activités des communautés. Elle élabore des programmes de recherche et de sensibilisation et de formation auprès de groupes ciblés sur la transformation pacifique des conflits violents dans les zones sensibles et plaide, aux niveaux national et international, pour le contrôle de la circulation des armes et la réduction des conflits. 28 Le 23 avril 2007, des habitants de Miragoâne ont jeté des pierres, poignardé et battu à mort cinq voleurs présumés. La police et la MINUSTAH ont arrêté sept des agresseurs, dont Page 4 de l’hôpital de Sainte-Catherine a confirmé une réduction de la violence par arme à feu mais a rapporté vingt victimes au couteau et à la machette par semaine.29 Les élus locaux parlent de «violence silencieuse»,30 de règlements de compte personnels.31 Un habitant mobilisa un groupe d’au moins 100 personnes armées de machettes pour lyncher d’autres personnes suspectées d’implication avec les gangs. L’opération fut stoppée par la MINUSTAH et la PNH. Suite à l’arrestation de chefs de gangs, certains membres se sont vengés d’informateurs présumés. Les enquêtes autour de l’assassinat le 19 janvier du journaliste radio Jean-Rémy Badio à Martissant sont en cours.32 Le chef d’un gang de Cité Soleil et complice d’Evens, Johnny Pierre Louis, alias Ti Bazil, qui avait été arrêté le 18 février par une patrouille de la MINUSTAH pour le meurtre de membres des familles de deux participants au programme de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR), a été relâché. Il aurait pour cela versé des pots-de-vin à un juge.33 Le programme de DDR lui-même reste controversé et le pays conséquemment armé. Les approches traditionnelles de la MINUSTAH comme de la commission nationale de DDR (CNDDR), ont échoué,34 et d’autres propositions de deux policiers, Augustin Myrtil de la Compagnie d’intervention et de maintien de l’ordre (CIMO) et Hanz Maitre, du poste de Miragoâne. Tous faisaient partie d’un gang armé. Le chef de police Marc-André Cadostin indique que les habitants se sont plaints de bandits entrés chez eux pour voler. Une camionette leur a servi à transporter les biens volés, dont un pistolet 9 mm, qui sont maintenant entre les mains de la police. Haiti Support Group news briefs, consultable sur http://haiti support.gn.apc.org/fea_news _main.html. 29 Entretien de Crisis Group avec un responsable municipal, Cité Soleil, 4 juin 2007. 30 Entretien de Crisis Group avec un responsable politique, Cité Soleil, 21 mai 2007. 31 Entretiens de Crisis Group avec un responsable local de Cité Soleil et un employé de l’hôpital, Cité Soleil, 21 mai 2007. 32 Selon SOS Journalistes, l’association dont il faisait partie, il a été assassiné par des membres de gangs de Martissant, Lame Ti Manchet et Baz Pilate, qu’il avait récemment photographiés. « Amnesty International condamne le meurtre d’un journaliste », communiqué de presse, 25 janvier 2007, consultable sur http://ara.amnesty.org/library/ Index/FRAAMR360012007?open&of=FRA-HTI. 33 Discours du SRSG Edmund Mulet, diffusé par Radio Métropole, 30 mai 2007. Ti Bazil serait rentré à Cité Soleil et se serait vengé en commettant d’autres assassinats. Entretiens de Crisis Group, Port-au-Prince, 28 mai et 20 juin 2007. 34 Les chefs de gang ont rarement déposé les armes, et quand ils le font c’est souvent dans le but de négocier leur liberté. En février 2007, après le renforcement des pressions de la MINUTAH, Amaral a offert de déposer les armes mais les autorités ont considéré qu’il était trop tard. En mars, après la Consolider la stabilité en Haïti Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007 réduction de la violence communautaire, mises en évidence dès 2005, n’ont toujours pas véritablement démarré.35 La coordination entre les bailleurs de fonds et la CNDDR souffre d’une inflexibilité mutuelle.36 Il est prévu qu’environ 150 personnes entrent dans le centre de réinsertion de la CNDDR de Santo mais les organisations internationales chargées d’accompagner le processus ont des doutes sur les critères de sélection.37 L’interruption des activités criminelles des gangs pourrait inciter leurs chefs à chercher d’autres sources de revenu. Si d’autres possibilités économiques et sociales ne sont pas offertes, de nouvelles structures criminelles pourraient apparaître. D’anciens membres de gangs, pour la plupart de jeunes hommes qui ont rejoint ces groupes comme seule source financière, n’ont pas de motivation politique. Nombre d’entre eux ne croient pas au travail pour gagner un salaire et ne cherchent que la charité ou de rapides retours financiers en l’échange de peu d’investissement.38 Ils n’ont aucun grief politique particulier, ce qui les rend vulnérables à la manipulation. Le sort des officiers de police qui ont été révoqués de la PNH reste une question sans réponse. Dans le département de la Grande Anse, des officiers malhonnêtes soupçonnés de participer à des activités criminelles, ont été transférés.39 On ne sait pas encore comment les anciens policiers qui ne sont pas poursuivis en justice seront réintégrés dans la société sans être tentés de rejoindre des groupes criminels. La CNDDR a évoqué la mise en place de programmes spéciaux mais rien ne s’est encore concrétisé. saisie du quartier général de Bois Neuf, il rendit plusieurs dizaines d’armes et des munitions à la CNDDR. 35 Le personnel de la MINUSTAH a vite compris qu’une approche classique de la DDR n’était pas appropriée. Après l’échec de cette approche pendant la période de transition, les Nations unies ont dû attendre la résolution 1702 du Conseil de sécurité (15 août 2006) pour que les services du siège des Nations unies et la cinquième commission de l’Assemblée générale s’accordent sur un glissement explicite vers un programme de réduction de la violence communautaire. En 2007, la section DDR avait 56 postes pour un budget d’environ 3,6 millions de dollars. Entretien de Crisis Group avec le personnel de DDR, MINUSTAH, Port-au-Prince, 12 juin 2007. Environ 80 postes internationaux et 1,5 million de dollars de budget avaient d’abord été prévus pour le DDR. 36 Entretiens de Crisis Group avec le personnel du PNUD, de la CNDDR et d’un groupe de réflexion basé aux États-Unis, Port-au-Prince, 4 juin, 14 mai et 5 juin 2007. 37 Entretiens de Crisis Group avec des diplomates, Port-auPrince, 5 et 19 juin 2007. 38 Entretien de Crisis Group avec un responsable local de Cité Soleil, 6 juin 2007. 39 Entretiens et correspondance de Crisis Group avec le personnel de la MINUSTAH, avril-juin 2007. Page 5 Depuis 2004, la PNH et la MINUSTAH concentrent la plupart de leurs efforts sur les gangs urbains, les groupes armés et les groupes d’auto-défense dans la capitale et d’autres grands bidonvilles urbains. En dehors de Portau-Prince, les anciens soldats qui n’ont pas constitué de structures larges et organisées ont fait l’objet de moins d’attention. Les groupes armés sont néanmoins récemment réapparus comme des facteurs déstabilisateurs, en particulier après le discours de Préval sur la corruption. Les instigateurs de la résistance anti-Aristide en 2004,40 les évadés de prison, les zenglendos (bandits), les policiers malhonnêtes et autres groupes de type mafieux peuvent maintenant opérer plus facilement. Certains à Gonaïves ont été mis hors jeu mais d’autres pourraient redevenir une source de troubles. Guy Philippe,41 qui avait adopté un profil bas aux Cayes, a fait une déclaration en faveur de Ti Will42 après son arrestation et révélé le nom de personnalités du secteur privé qui auraient financé sa rébellion anti-Aristide.43 D’autres griefs sont liés à la fierté nationale et à l’«occupation» de la MINUSTAH. 44 La police des Nations unies (UNPOL), par le biais d’opérations communes de renseignement avec la PNH, a tenté de réduire le nombre de personnes arrêtées sans motif, probablement aussi bien pour apaiser la colère de la population que pour une question de respect des droits humains.45 40 Également appelés « combattants pour la liberté » par leurs partisans. 41 Ancien chef de la police, il s’est enfui en République Dominicaine en 2000 après avoir été accusé de fomenter un coup d’État. Après avoir été l’un des chefs du mouvement armé de 2004 qui renversa le président Aristide, il fut candidat malheureux aux présidentielles de 2006. 42 Wilfort Ferdinand, alias Ti Will, est un ancien membre de l’Armée cannibale et du Front de résistance Artibonite/Gonaïves anti-Aristide de Gonaïves. Le mouvement armé de 2004 le porta à la tête de la « police départementale ». Inculpé pour meurtre et suspecté d’avoir commis d’autres crimes, il est cependant resté en liberté aux Gonaïves jusqu’à son arrestation en mai 2007. 43 Radio Signal FM, information collectée par le service de monitorage des radios locales de la MINUSTAH, 29 mai 2007. 44 Plusieurs chansons populaires du carnaval de 2007, espace d’expression politique pour les Haïtiens, parlaient de la MINUSTAH, souvent perçue comme une force d’occupation. Les habitants font des plaisanteries et jeux de mots sarcastiques avec son acronyme. L’histoire récente a rendu les Haïtiens sensibles à l’occupation militaire. Mary A. Renda, Taking Haiti: Military Occupation and the Culture of U.S. Imperialism, 1915-1940 (Chapel Hill: University of North Carolina Press, 2001). 45 Le terme « aremaj » désigne les rafles des criminels suspectés. Chaque mois, les chiffres des arrestations sont communiqués lors de conférences de presse ; lorsqu’ils sont élevés, ils sont présentés comme une évolution positive de la Consolider la stabilité en Haïti Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007 III. CONSOLIDER LA STABILITÉ À PORT-AU-PRINCE : CITÉ SOLEIL Il est urgent pour la capitale de consolider la relative stabilité à laquelle elle est parvenue, en renforçant la présence de l’État et en coordonnant le soutien international. L’installation d’autorités locales à Cité Soleil représente l’occasion d’améliorer la gouvernance locale et la sécurité. Si elle se révèle un succès, elle pourrait devenir un modèle pour les autres grands bidonvilles. Avant le départ de l’ex-président Aristide, Cité Soleil a compté jusqu’à 500 000 habitants ; elle en compte probablement encore 200 000 à 250 000 aujourd’hui.46 Le maintien de sa stabilité est essentiel à la vie économique nationale, compte tenu de sa position stratégique, elle se trouve sur la partie nord-ouest de la Route nationale 1, la route principale partant vers le nord de Port-au-Prince, près des parcs industriels de Sonapi et Shodecosa et sur la route de l’aéroport. Elle constitue également un pôle maritime, avec ses deux petits ports ainsi que le terminal de Varreux appartenant au secteur privé sur son territoire et le port national à proximité. L’injection de 20 millions de dollars promise par les États-Unis pour cette seule lutte contre le crime. Selon la PNH, près de 1400 suspects ont été arrêtés au mois de mai, contre à peine plus de 1000 en février. Les deux dernières semaines de juin ont vu plus de 910 personnes être arrêtées. Déclaration de Frantz Lerebours, porte-parole de la PNH, Radio Métropole, monitorée par la MINUSTAH, 28 juin 2007. 46 Ce sont souvent des migrants économiques internes arrivés à Port-au-Prince sans argent ni contact, dont beaucoup ont débarqué au petit port de Waff Jérémie. Certains résidents de La Saline ont été déplacés à Cité Soleil dans les années quatre-vingt après un grave incendie. Entretien de Crisis Group avec Jorel Joachim, directeur, Radio Boukman, Portau-Prince, 14 juin 2007. Il est difficile d’obtenir des données démographiques précises. Les estimations locales, gouvernementales et internationales, avant la dernière vague de violence, variaient de 200 000 à 500 000 habitants. Il est assez évident que les résidents ont commencé à fuir en 2004, et bien que certains décident de revenir, près des trois quarts des habitations sont vides. Aucune étude sur les déplacements internes n’a été menée. MSF-Belgique publiera une étude de mortalité au mois de juillet et un recensement devrait avoir lieu cet été pour les besoins des services fiscaux. Entretiens de Crisis Group avec des responsables locaux, des résidents, des représentants de gouvernement, des membres de la MINUSTAH, des organismes donateurs et des organisations internationales, février-juin 2007. Page 6 commune de la capitale, d’une superficie d’environ 21m²,47 en dit long sur son importance. A. LES ENSEIGNEMENTS DE L’AIDE EXTÉRIEURE En conséquence du niveau atteint par la violence à la fin 2006, très peu d’organisations non gouvernementales (ONG) sont physiquement présentes à Cité Soleil.48 Si 13 à 19 millions de dollars ont été injectés dans quelques 170 projets au cours de l’année fiscale 2006,49 « presque aucun… de ces projets n’a eu d’effet durable sur la vie quotidienne des habitants ».50 Dans cette situation, toute initiative visant des résultats au-delà de l’aide humanitaire de base est devenue particulièrement difficile à réaliser. Les organisations qui n’ont pas quitté les lieux au plus fort de la vague de violence ont dû composer avec les gangs afin de pouvoir travailler en sécurité.51 La plupart 47 « Cité Soleil » peut désigner le cœur de « Cité Soleil », d’une superficie de 5 km², mais aussi la commune d’environ 20 km². 48 Quelques organisations ont affirmé être les seules à avoir travaillé à Cité Soleil l’année dernière, ce qui s’est révélé être une méthode efficace de collecte de fonds. Entretiens de Crisis Group avec des ONG de Cité Soleil, février-juin 2007. En réalité, un certain nombre d’organisations reconnues internationalement ont été présentes de manière quasicontinue : le CICR, MSF-Belgique, Médecins du Monde Canada (MDM), l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), la Fondation panaméricaine de développement (PADF), Yéle Haiti, AVSI, Food for the Poor, Hands Together et le National Democratic Institute (NDI). À leurs côtés travaillaient d’autres organisations plus petites et moins médiatisées : VIDWA (Haiti Rights Vision, qui n’a pas de permanence à Cité Soleil mais qui travaille avec des agents), QIFD (Quisqueya International Organisation for Freedom & Development), L’Athlétique d’Haiti, et the Daughters of Charity et Sisters of Mercy, qui mènent conjointement un programme alimentaire, dirigent un centre de formation pour les mères ainsi que deux écoles, et organisent des cours d’éducation sanitaire. 49 Les données budgétaires ne concernent que les projets rapportés au bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA). Entretiens de Crisis Group avec Judith Dunne, responsable des affaires humanitaires/développement, bureau du vice-RSSG, Portau-Prince, 30 mai 2007, et avec un représentant du gouvernement local, Port-au-Prince, 12 juin 2007. 50 Entretien de Crisis Group avec un représentant du gouvernement local, Port-au-Prince, 12 juin 2007. 51 Hands Together est l’un des groupes qui a travaillé avec les gangs en tant que « chefs de la communauté » ; la diaspora critiqua Wyclef Jean, fondateur de Yéle Haïti, pour avoir été photographié aux côtés de deux chefs de gang de Cité Soleil. Il répliqua qu’il était nécessaire d’entendre toutes Consolider la stabilité en Haïti Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007 Page 7 du temps, cela consistait simplement à les informer de leurs activités, mais lorsque les projets nécessitaient leur collaboration, les gangs s’en sont trouvés consolidés. La population a souvent cru qu’elle avait accès à des produits alimentaires et à d’autres biens et services grâce aux gangs. En un sens, la décision de rester et de travailler sur place a permis l’accès aux services de santé de base et à l’alimentation de ceux qui en avaient besoin, même lorsque la violence était à son comble. Mais d’un autre côté, les gangs ont extorqué de l’argent, allant parfois jusqu’à ponctionner des revenus sur l’utilisation des fontaines communautaires.52 Les ONG qui sont restées peuvent maintenant partager leur expérience et aider les nouvelles organisations ainsi que celles qui reviennent. Certaines reconnaissent volontiers que certains projets avec des partenaires locaux ont échoué : l’argent a disparu, le matériel a été volé et les projets n’ont pas abouti ou bien n’ont pas bénéficié d’un système de maintenance et sont aujourd’hui en déshérence.53 d’esprit communautaire à Cité Soleil que n’importe où ailleurs.58 Certains pensent que l’absence de perspectives de revenus et le lancement de projets pour la plupart à court terme ne peuvent qu’engendrer le développement d’une culture de la dépendance à l’aide et l’émergence de conflits violents et récurrents à cause de la concurrence entre gangs pour la participation à un projet.59 L’échec a peut-être également été provoqué par une présence physique et une surveillance insuffisantes de la part des chefs de projet, en raison des violences. Les programmes couronnés de succès, en effet, ont été le plus souvent lancés par des organisations qui avaient maintenu une présence permanente dans le bidonville, même pendant l’insécurité: le projet de fontaines d’eau potable monté avec le CICR, le COGESPOL et la CAMEP ; la clinique et le centre de formation pour femmes des Daughters of Charity ; le projet de Hands Together et l’action de l’hôpital de Sainte-Catherine, officiellement conduits par l’État mais soutenus par MSFBelgique. Si ces résultats sont aussi mitigés, c’est en partie parce que les organisations n’ont pas véritablement su rechercher les ressources locales, ni trouver les collaborateurs légitimes pour travailler avec elles. En revanche, les projets du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui a conservé une neutralité lui permettant de continuer à fonctionner, furent exemplaires en ce qu’ils ont été à l’écoute des résidents et impliqué la communauté. Pour évacuer les blessés, on a employé des conducteurs de taptap54 plutôt que d’utiliser de coûteuses ambulances. Le personnel et les volontaires locaux ont mis leurs projets à exécution avec le soutien du CICR, qui les a également formés. La CAMEP55 et le COGESEPSOL56 ont aussi été soutenus comme partenaires ayant déjà collaboré à des projets communautaires de distribution d’eau. Bien que les principales opérations militaires aient pris fin au mois de février, les règles de sécurité onusiennes empêchaient les agences des Nations unies d’entrer dans Cité Soleil sans escorte jusqu’à fin avril. Pendant cette période, certains casques bleus, en particulier les Brésiliens, ont souhaité entreprendre des projets humanitaires, que ce soit pour soulager une situation sociale catastrophique ou pour gagner la confiance de la population. On distingue parmi les interventions d’urgence un centre de santé temporaire mis en place dans l’ancien fief d’Evens, Jamaica, et plusieurs projets de construction et de nettoyage autour des postes militaires importants.60 Des moyens financiers furent dégagés grâce au mécanisme de «projets à impact rapide» et aux fonds des bataillons de la MINUSTAH. Mais pour les résidents, les soldats et ingénieurs militaires s’emparaient des emplois dans une zone frappée par quasiment 95 pour cent de chômage. Le nettoyage des décharges à l’aide de gros engins plutôt qu’en employant la main d’œuvre locale fut également critiqué. 61 Le Avec plus de 100 organisations locales à Cité Soleil, entretenant souvent des relations avec les gangs, et beaucoup d’autres à l’extérieur affirmant travailler pour ses résidents, la sélection d’un partenaire local responsable nécessite une recherche intensive. 57 Il existe moins les parties. « Lettre de Wyclef Jean à la diaspora haïtienne inquiète », 9 mars 2006, consultable sur www.potomitan.info /ayiti/wyclef.php. 52 Commentaire d’un consultant auprès des Nations unies à Crisis Group, 1er juillet 2007. 53 Entretiens de Crisis Group avec des volontaires des ONG et des résidents de Cité Soleil, Port-au-Prince, février-mai 2007. 54 Camionnette transformée en minibus vivement décoré et qui sert de transport public dans les zones urbaines. 55 Centrale autonome métropolitaine d’eau potable. 56 Comité de gestion du système d’eau potable à Cité Soleil. 57 Entretiens de Crisis Group avec Gabriel Frédéric, coordinateur du Civic Forum Exchange, de NDI, Port-au- Prince, 28 mai 2007, et Delva Mario, directeur général, mairie de Cité Soleil, Cité Soleil, 18 juin 2007. 58 Entretiens de Crisis Group avec des employés d’organisations internationales, avril et mai 2007. 59 Entretien de Crisis Group avec un employé d’une organisation internationale, Port-au-Prince, 11 avril 2007. Sur les affrontements entre gangs pour l’obtention d’une part des fonds alloués à un projet, entretien de Crisis Group avec un employé de la CAMEP, 29 mai 2007. 60 La MINUSTAH a cessé ses visites médicales lorsque les agences humanitaires affirmèrent que ce n’était pas une activité appropriée pour les médecins de l’armée. Des échanges de tirs entre les troupes et les gangs avaient endommagé des bâtiments. 61 Entretien de Crisis Group avec un membre du personnel humanitaire de la MINUSTAH, Port-au-Prince, 30 mai 2007. Consolider la stabilité en Haïti Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007 personnel civil de la MINUSTAH décida donc d’établir de nouveaux critères applicables à de tels travaux afin d’éviter le mécontentement populaire.62 B. LES DÉFIS DE LA COORDINATION ET DE LA CRÉATION D’EMPLOI Le gouvernement, les organisations internationales et la MINUSTAH ont reconnu la nécessité d’améliorer la coordination des projets lancés indépendamment les uns des autres à Cité Soleil et dans d’autres bidonvilles instables. Le gouvernement, à la demande du président, mit en place un plan de développement urbain pour Cité Soleil, dont l’un des objectifs était de permettre au secteur public de reprendre les responsabilités qui avaient été assumées par les ONG. Ce plan devait devenir le modèle d’opérations similaires dans d’autres bidonvilles. 63 Concentrées sur les infrastructures, ces interventions n’ont toujours pas pris en compte les questions de maintenance ni les besoins plus généraux des responsables de la commune. De son côté, le représentant spécial du secrétaire général (RSSG) des Nations unies décida, fin août 2006, qu’une task force internationale réunirait les principales parties prenantes opérant dans les zones difficiles. Les trois ou quatre premières rencontres mirent cependant en évidence les différences entre les organisations participantes. Les ONG critiquaient la bureaucratie des Nations unies, la MINUSTAH ne comprenait pas pourquoi les ONG n’envoyaient jamais les mêmes représentants aux rencontres, et aucun mandat n’avait été défini. Au même moment, le vice-RSSG rencontrait le directeur du Bureau de coordination pour les affaires humanitaires (OCHA) et le gouvernement sur l’harmonisation des approches nationales et internationales. Le 27 février 2007, lors de la première réunion conjointe de la task force internationale et des partenaires impliqués dans le plan du gouvernement, il fut décidé que les deux groupes travailleraient en parallèle, mais en coordination permanente. Le gouvernement proposa la formation de quatre sous-groupes sur les thèmes suivants : éducation, santé, infrastructures et sécurité/justice. Bien que la MINUSTAH et d’autres internationaux critiquent toujours la tendance du gouvernement à envoyer du 62 « Peace and Reconciliation in Haiti’s Red Zones: Roles and Responsibility of the Military Component of MINUSTAH in Support of Immediate Post-Operations Relief Activities », code de conduite, avril 2007. 63 Entretien de Crisis Group avec Leslie Voltaire, conseiller en infrastructures et urbanisme, Port-au-Prince, 30 mai 2007 ; « Programme d’interventions urgentes à Cité Soleil, plan d’opération », bureau du Premier ministre, ministère de la Planification et de la Coopération externe, CNDDR, février 2007. Page 8 personnel peu expérimenté et sans autorité décisionnelle, chaque sous-groupe a développé un programme et les projets ont été compilés par un coordinateur dans un seul document commun.64 Si l’ensemble de ce plan met en valeur les besoins financiers et organisationnels auxquels les donateurs devront répondre, il s’agira d’un passage modeste mais d’importance du système de financement par projets à un système d’appui budgétaires aux gouvernements locaux et aux ministères. Les agences humanitaires commencent à quitter la zone ;65 la priorité doit donc être donnée à planification conjointe, de manière à assurer la transition de l’aide extérieure vers l’appropriation par la population des initiatives, par le biais du renforcement des capacités locales. Une nouvelle initiative bilatérale américaine pour Cité Soleil, dans le même temps, montre que même avec une large consultation, il y a toujours un risque de confusion. Le département d’État a annoncé le 1er février un programme post-crise de 20 millions de dollars, «Pwoje Soley Klere» (projet du soleil qui éclaire), qui combine aide au développement et soutien sécuritaire. Le 25 avril, l’ambassadeur signait publiquement un protocole avec le Premier ministre et le maire de Cité Soleil. Une équipe d’évaluation du département d’État, après des consultations, estima les besoins financiers à allouer à Cité Soleil à 5 millions de dollars pour les services de sécurité, y compris les équipements et les locaux pour trois postes de police permanents et la formation intensive de leurs effectifs de la PNH, et à 6,2 millions de dollars pour la Cooperative Housing Foundation (CHF) ainsi que pour l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), via des programmes existants de création d’emplois et d’infrastructures urbaines impliquant les communautés.66 Les attentes des communautés, qui espèrent en ressentir les fruits immédiatement, sont toutefois irréalistes. Enrayer définitivement la violence ne passera que par des propositions d’emplois aux jeunes qui leur sont plus intéressantes que l’argent des gangs. Cité Soleil, les parcs industriels et les usines de ses faubourgs ont besoin 64 Le « Plan de réponse intégrée : Cité Soleil, task force nationale et task force internationale » a été finalisé en juillet 2007. 65 MSF-Belgique a par exemple annoncé son retrait de l’hôpital Sainte-Catherine. Entretien de Crisis Group avec un professionnel de santé de Cité Soleil, Port-au-Prince, 12 juin 2007. 66 Les fonds provenaient du mécanisme spécial de transfert « 1207 », en référence à la section du National Defence Authorisation Act for Fiscal Year 2006 (Public Law 109163; 119 Stat. 3458) autorisant le transfert de sommes pouvant aller jusqu’à 100 millions de dollars au département d’État pour la stabilisation post-conflit dans le monde. Entretiens de Crisis Group avec un représentant du département d’État, Washington, février-mars 2007. Consolider la stabilité en Haïti Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007 d’investissements. De nombreux projets se sont concentrés sur l’instruction et la formation mais conçus dans un environnement instable, ils n’ont pas pu être montés à long terme ou de manière durable. Les statistiques de l’éducation montrent néanmoins qu’il existe une main d’œuvre potentielle large et capable.67 Les jeunes gens de Cité Soleil affirment qu’ils ne décrochent pas les emplois correspondant à leurs qualifications à cause de la mauvaise réputation de la commune.68 Le grand public devrait être informé de ces statistiques et des projets scolaires qui ont été une réussite pendant la période de violence l’image de Cité Soleil s’en trouverait valorisée.69 Les efforts des écoles doivent être complétés par des formations professionnelles directement liées aux perspectives de travail. Les projets tels que celui de la CNDDR qui offre des bourses à des jeunes de Cité Soleil pour étudier et être formés en dehors de leur environnement immédiat sont également importants. Les formations initiées par CHF à Port-au-Prince donneront peut-être une nouvelle chance aux jeunes urbains exposés à la violence. La loi HOPE (Haitian Hemispheric Opportunity through Partnership Encouragement) 70 votée aux États-Unis pourrait créer un nouveau dynamisme économique en permettant au secteur privé du textile de donner un coup de fouet à la production et donc à l’emploi. Les fabricants de vêtements, qui exportent 90 pour cent de leurs produits aux États-Unis,71 s’attendent à voir leurs affaires fructifier. Les réductions des droits de douane ont pris effet en juin mais certains avaient déjà anticipé et augmenté leurs effectifs auparavant.72 Si Cité Soleil et d’autres quartiers 67 Les notes obtenues aux examens, les résultats des projets scolaires de NDI dans tout le pays et les données de REV (ONG spécialisée dans l’éducation qui forme les enseignants de Cité Soleil) montrent tous que les élèves de Cité Soleil sont parmi les meilleurs en Haïti. 68 Entretiens de Crisis Group avec des volontaires haïtiens de la Croix-Rouge, 8 mars 2007, et avec des femmes victimes de violences, Port-au-Prince, 3 avril 2007. 69 Entretien de Crisis Group avec Alix Fils-Aimé, président de la CNDDR, Port-au-Prince, 14 mai 2007. 70 La loi, votée en décembre 2006, permet l’entrée sans droits de douane sur le marché des États-Unis de vêtements fabriqués en Haïti, même si le matériau textile ne provient pas des États-Unis. Les procédures nécessaires, notamment la publication des règlementations, furent accomplies le 22 juin 2007. « Statuts et règlements », Federal Register, vol. 72, no. 120, p. 34,369. 71 Après un pic d’activité au milieu des années quatre-vingt, lorsqu’il employait 100 000 personnes, le secteur en emploie aujourd’hui moins de 20 000. « Help for Haiti. A time for trade, not troops », The Washington Post, éditorial, 27 novembre 2006, et http://haiti.quixote.org /node/114. 72 Entretien de Crisis Group avec un industriel du textile, Port-au-Prince, 24 mars 2007. Page 9 pauvres et violents en profiteront, il est encore trop tôt pour le dire.73 De nouveaux investissements sont déjà visibles: le nombre d’emplois au parc industriel de Sonapi est passé de 7000 en 2005 à 12 000 en juin 2007.74 Les prix de l’immobilier particulièrement bas à Cité Soleil devraient également attirer les investisseurs désireux de s’installer près des zones industrielles.75 Les convaincre nécessite cependant un partenariat solide entre le gouvernement local et le gouvernement central. Les efforts de la CNDDR pour inviter les entreprises de téléphonie mobile et les banques à étendre leurs services à Cité Soleil sont encourageants. Les conséquences psychologiques de la violence sont un problème grave et particulier qui doit être traité parallèlement aux autres efforts de redressement. L’AVSI, qui travaille avec d’anciens membres de gangs, a mis en lumière ce traumatisme et tente d’apporter un soutien psycho-social à tous les moments du processus de réinsertion.76 C. LES DÉFIS LOCAUX DE LA SÉCURITÉ ET DE LA JUSTICE Bien que la MINUSTAH affirme qu’elle a «rétabli la sécurité pour tous les résidents de Cité Soleil», beaucoup reste à faire, en particulier pour les femmes, qui sont bien souvent la cible de criminels.77 Un sentiment de sécurité règne pendant la journée, quand les patrouilles de la PNH et les troupes de la MINUSTAH circulent dans les rues. Mais dès 18h, ce sentiment se dissipe et les ONG s’inquiètent de l’augmentation des viols, 73 La plupart des emplois du secteur formels de l’assemblage, notamment le textile, rapportent plus et dans de meilleures conditions que les emplois du secteur informel, bien qu’ils ne nécessitent pas de compétences particulières et qu’ils ne soient pas protégés par les syndicats. La question qui se pose aujourd’hui est : quel effort sera fait pour trouver des travailleurs venant des bidonvilles pour les emplois ? 74 Entretien de Crisis Group avec Mikelson Toussaint Fils, administrateur, parc industriel de Sonapi, 20 juin 2007. 75 Les trois quarts environ des habitations seraient vides depuis que les résidents ont fui les violences. Entretiens de Crisis Group avec Maryse Kedar, présidente, Yéle Haiti, 13 mai 2007, et avec un résident, Port-au-Prince, 13 juin 2007. 76 Entretien de Crisis Group avec Anne Sosin, directrice, VIDWA, Port-au-Prince, 12 juin 2007. VIDWA aide les personnes victimes de viol depuis plus de deux ans. Entretien de Crisis Group avec le personnel de l’AVSI, Port-au-Prince, 11 juin 2007. 77 « Fin de la première phase des opérations de sécurité engagées par les casques bleus et la police haïtienne contre les gangs armés à Cité Soleil », www.minustah.org, 1er mai 2007. Selon Oxfam, 90 pour cent des victimes de violences sont des femmes, voir http://www.oxfam.org.uk/what_we_ do/where_we_work/haiti/violence_against_women.htm. Consolider la stabilité en Haïti Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007 notamment de jeunes filles, depuis la fin des plus grandes opérations.78 Plus la PNH attendra pour installer une présence permanente à Cité Soleil, plus il lui sera difficile d’établir des relations de confiance et elle finira par perdre cette occasion. Les fonds « 1207 » des États-Unis cités plus haut seront déboursés pour payer les trois commissariats et concrétiser cette présence permanente de la PNH. L’un devrait se trouver sur la route 9, qui mène hors de Cité Soleil, entre Bois Neuf et Drouillard. Le commissariat central, qui sera le plus grand, devrait être installé dans un marché couvert, « Marché Boulos », utilisé comme poste avancé par la MINUSTAH, bien que des problèmes de coordination aient émergé à ce sujet.79 Le troisième devrait se trouver à Waff Jérémie.80 Pour régler le problème des violences commises par la police, toujours inquiétant, les États-Unis prévoient de former plusieurs centaines d’officiers de la PNH en police de proximité. Des initiatives pilotes devront être lancées avec les officiers ayant subi une probation, par exemple en les faisant participer à des activités sportives et communautaires, afin de trouver le meilleur moyen de réconcilier les résidents avec les forces de l’ordre. Une partie des 20 millions de dollars alloués par Washington devrait servir à reconstruire et équiper un bureau des affaires communautaires et civiles et à soutenir une présence judiciaire permanente à Cité Soleil. Cette configuration, de même que la formation de représentants de la justice et des chefs de communautés, a été élaborée conformément au plan gouvernemental avec l’aide du ministère de la Justice. Avec la présence de la police, le tribunal local est censé permettre l’application de la loi 78 VIDWA a remarqué une inquiétante hausse des victimes de viols en avril, le mois suivant l’arrestation d’Evens, à 85 actes (dont 50 à Cité Soleil) contre un total moyen de 45 pour les chiffres précédents. Entretien de Crisis Group avec Anne Sosin, directrice, VIDWA, 12 juin 2007. 79 Le Marché Boulos porte tout simplement le nom de son propriétaire, Réginald Boulos, homme d’affaires puissant qui avait géré le Centre de développement de santé. Les troupes des Nations unies ont renommé ce marché « poste avancé 16 ». En juin 2007, les documents des droits de propriété devaient encore être clarifiés. Entretiens de Crisis Group avec des diplomates, Port-au-Prince, 18 juin 2007. Les priorités des agences des États-Unis et de la PNH étaient différentes. Certains voulaient en faire un commissariat. La PNH avait prévu de bâtir un grand quartier général sur l’ancienne piste d’atterrissage militaire près de Cité Soleil avec les fonds des États-Unis. D’autres encore souhaitaient que le Marché Boulos reste un marché couvert. Il fut finalement décidé d’en faire le commissariat principal de la PNH. Entretiens de Crisis Group avec le personnel de l’UNPOL, Port-au-Prince, 10 juin 2007. 80 Entretien de Crisis Group avec Mario Andresol, directeur général de la PNH, Port-au-Prince, 24 mai 2007. Page 10 de l’État et apporter des services de proximité aux habitants. La menace la plus importante cependant, est l’évasion de membres de gangs sur le chemin du tribunal ou au pénitencier national.81 À l’extérieur, la sécurité a été renforcée au pénitencier national, et une protection spéciale avait été mise en place lorsque Belony et Evens furent présentés devant le juge.82 De plus, si les représailles contre les témoins ne cessent pas, les victimes n’oseront plus porter plainte ou reviendront sur leurs accusations.83 D. LA GESTION MUNICIPALE Le 3 décembre 2006, un groupe indépendant, «Pel et Picwa», qui n’a jamais été activement soutenu par un gang ou un parti politique majeur mais qui bénéficierait d’un important appui du secteur privé, remporta les élections locales de Cité Soleil à une courte majorité et avec une participation très basse. 84 L’absence de tout lien avec des partis ou gangs locaux rendait peut-être ce choix le moins discutable aux yeux des électeurs en faveur de la paix.85 Toujours est-il que Wilson Louis, le nouveau maire jeune et relativement inexpérimenté, ainsi que son équipe, subissent maintenant de lourdes pressions.86 Les citoyens souhaitent que le vide laissé par la défaite, au moins temporaire, des gangs, soit comblé par des services publics et surtout par des emplois. Le gouvernement central espère utiliser l’expérience de développement de Cité Soleil comme modèle. La MINUSTAH, quant à elle, a besoin du soutien des 81 Voir Briefing Amérique latine/Caraïbes N°15 de Crisis Group, Haïti : réforme des prisons et État de droit, 4 mai 2007. 82 « Première comparution en justice de l’ex-chef de gang Bélony Pierre », Radio Kiskeya, 22 mai 2007, http://www.ra diokiskeya.com/spip.php?article3692. 83 Cinq victimes de kidnapping par Evens Jeune ont identifié ce dernier (dont au moins deux sont prêts à porter plainte contre lui) avant qu’il soit interrogé par le juge d’instruction, un mois après son arrestation. Radio Kiskeya, 11 avril 2007, http://radiokiskeya.com/spip.php?article3530. 84 En français « pelle et pioche », l’emblème du groupe, qui symbolise la reconstruction de Cité Soleil. Fondé en 1998, il avait déjà participé sans succès aux élections en 2000, quand Cité Soleil faisait partie de la commune de Delmas. Entretien de Crisis Group avec Ernst Saintil, chef de campagne, Portau-Prince, 4 juin 2007. Evens avait soutenu le parti Union, comme en témoignaient les inscriptions « Vote Union » sur le mur de son fief Jamaica. Observation de Crisis Group, 2 mars 2007. La participation a été de 10 pour cent, et Pel et Picwa obtint 5 365 voix, à peine plus de 25 pour cent des votes, selon les chiffres du conseil électoral temporaire. 85 Entretiens de Crisis Group, avec des représentants de la MINUSTAH et d’autres sources, mai et juin 2007. 86 Louis avait 27 ans lors de son investiture ; Benoit Gustave et Jean-Robert Charles sont maires adjoints, et Ernst Saintil était le directeur de campagne. Consolider la stabilité en Haïti Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007 résidents et d’un maire efficace pour assurer la stabilité et permettre à la PNH de devenir la force de sécurité légitime dans la zone. La sécurité est un sujet délicat dans une commune où la violence a été si fréquente. Un petit scandale a éclaté en février : avant son investiture, Louis fut arrêté après un contrôle de routine pour détention d’armes sans licence dans sa voiture. En l’absence d’une présence régulière de la police dans la zone, le personnel de sécurité de la mairie effectue parfois des patrouilles et arrête des suspects.87 Dans un environnement où il n’est pas inhabituel de voir des foules d’au moins 100 jeunes hommes exiger du travail, la présence d’une force de la PNH bien formée et supervisée est indispensable et urgente. Les habitants, le gouvernement central et les gouvernements internationaux ont salué Louis et son initiative de rapatriement de la mairie depuis Sarthe88 vers le cœur de Cité Soleil. Son équipe semble zélée mais elle manque de d’aptitudes à administrer. Elle s’est plaint de ne pas avoir été consultée ni même prévenue du plan gouvernemental de réhabilitation de Cité Soleil. Certains représentants sont déconcertés et irrités par la liste de projets de la task force et les financements qu’ils ne peuvent vérifier.89 Pel et Picwa a monté son propre programme, qui consistait en l’organisation de quatre forums sur quatre jours lors desquels les habitants pouvaient soumettre leurs projets et définir leurs besoins. La municipalité reçoit un soutien logistique de la part du gouvernement, entre autres.90 En mai, Louis fut invité à participer à un programme aux États-Unis, avec cinq autres maires de Port-au-Prince.91 Son équipe a également participé à une session de formations au palais présidentiel, du 21 au 25 mai, et devrait recevoir un soutien financier supplémentaire pour l’aide à la gestion budgétaire. 92 L’aide des bailleurs de fonds inclut la réparation du bureau du maire par le bataillon brésilien de la MINUSTAH, la fourniture de sept ordinateurs pour ce bureau par l’OIM et des formations par le NDI.93 La section des affaires civiles de la MINUSTAH a mis à disposition de l’équipe l’un de ses employés haïtiens pour apporter une aide technique deux ou trois jours par semaine. Les ressources financières sont limitées. Le maire et son équipe sont quotidiennement sous pression pour distribuer des fonds et des emplois et doivent paraître généreux, tout en évitant de devenir la cible privilégiée des résidents les plus désespérés. 94 Le personnel du gouvernement municipal est passé de 112 à 150 employés, dépassant son budget mensuel de 900 000 gourdes haïtiennes (soit 25000 dollars). L’OIM et CHF, qui utilisent les financements «1207» des États-Unis, font passer leur recrutement d’employés par le bureau du maire pour l’aider à montrer qu’il est sensible aux attentes de la population. 95 La nouvelle équipe considère que grâce à sa connaissance du terrain, elle est mieux placée que les internationaux pour choisir les personnes à employer.96 C’est certainement le cas, même si certains emplois sont confiés à des parents ou des connaissances. Il faudra quoi qu’il en soit mettre en place et appliquer des normes de recrutement et de promotion dans le secteur public, et ce au niveau national. Cité Soleil a acquis le statut de commune de plein droit le 13 mai 2002 mais sans limites territoriales déterminées. Un décret du 2 février 2006 place les grandes entreprises situées dans les alentours de Cité Soleil sous la juridiction de la commune de Delmas, à laquelle elles doivent payer des impôts. 97 Par ce manque à gagner, Cité 92 87 Entretien de Crisis Group avec un membre de l’équipe municipale, Cité Soleil, 20 juin 2007. 88 Il existe toujours une annexe à Sarthe, au nord de Cité Soleil. Elle gère les permis de construction, la collecte des déchets, les avis de décès et le prélèvement des impôts. Entretien de Crisis Group avec Delva Mario, directeur général, mairie de Cité Soleil, 18 juin 2007. 89 Entretiens de Crisis Group avec des représentants de la mairie, février-juin 2007. Un représentant a présenté à Crisis Group une liste de projets mis en place par la task force internationale et indiqué qu’il n’en saisissait pas le contenu. 90 Entretien de Crisis Group avec le personnel de la MINUSTAH, Port-au-Prince, 8 juin 2007. 91 « Visite aux États-Unis des six maires de la région métropolitaine », Le Nouvelliste, 15 mai 2007. Louis et le maire de Pétion Ville n’ont cependant pas pu faire le voyage à cause d’un problème de passeports. Entretien de Crisis Group, Cité Soleil, 18 juin 2007. Page 11 Radio Vision 2000 et Radio Métropole, Monitorage des radios locales de la MINUSTAH, 19 juin 2007. 93 Entretien de Crisis Group avec Gabriel Frédéric, NDI, Port-au-Prince, 28 mai 2007. 94 Entretiens de Crisis Group avec le personnel chargé des affaires civiles de la MINUSTAH, Port-au-Prince, 16 juin 2007, et avec un membre de l’équipe municipale, Cité Soleil, 20 juin 2007. La CAMEP en a fait l’expérience en travaillant avec le COGESEPSOL, un groupe local qui a perçu des taxes sur les réseaux de distribution d’eau de Cité Soleil. Avec une situation sécuritaire qui se détériorait et les commerces qui quittaient les lieux, moins d’argent circulait, faisant des bureaux de la CAMEP la cible des résidents désespérés. Entretien de Crisis Group avec un représentant de la CAMEP, Port-au-Prince, 29 mai 2007. 95 Entretien de Crisis Group avec le personnel de la MINUSTAH, Port-au-Prince, 28 mai 2007. 96 Entretien de Crisis Group avec Delva Mario, directeur général, mairie de Cité Soleil, 20 juin 2007. 97 Telles que l’Aciérie d’Haïti, le parc industriel Sonapi et certaines du parc industriel Shodecosa. Entretien de Crisis Group avec le personnel de la mairie, Cité Soleil, 20 juin 2007. Consolider la stabilité en Haïti Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007 Soleil entre ainsi dans la seconde catégorie de municipalités, puisqu’elle dépend des aides du ministère de l’Intérieur et des projets des bailleurs de fonds.98 Sa capacité à générer ses propres ressources est gênée par l’absence d’une liste actualisée des contribuables. Un recensement sera bientôt effectué mais la commune restera profondément dépendante de l’aide extérieure, à moins de modifier ses limites territoriales.99 Page 12 IV. GOUVERNANCE ET VIE POLITIQUE A. LA SCÈNE POLITIQUE NATIONALE La politique nationale est stable depuis les élections présidentielles de 2006. Le parti Lespwa (espoir) du président Préval a formé une alliance avec les deux autres principaux groupes parlementaires, Fusion et Alyans, et à une moindre échelle avec Lavalas.100 La plupart des forces politiques ont accepté les nouvelles règles du jeu et sont prêtes à coopérer avec Préval et le Premier ministre Alexis. En dépit de tensions et de quelques rivalités, le gouvernement a évité la déstabilisation, en contrecarrant, par exemple, les tentatives d’imposer la démission d’Alexis et du ministre de la Justice. Le 31 mai, une conférence nationale des partis a été organisée avec le soutien de l’ISPOS (Institute for Advanced Social and Political Studies) pour débattre d’un projet de loi sur la création, le fonctionnement et le financement des partis.101 Elle confirma l’intérêt qu’ils portaient au dialogue, mais en dépit d’une forte participation et de débats bien structurés, elle n’a pas abouti à un texte commun. 102 Une résolution proposée par Lavalas en faveur du retour de l’ex-président Aristide fut rejetée. Peut-être 10 pour cent des leaders politiques de Lavalas, l’ancien mouvement d’Aristide, cherchent encore activement à déstabiliser le système actuel et refusent de le reconnaître. Les partisans de Lavalas ont récemment réclamé la remise en liberté des prisonniers politiques 100 98 Les communes sont classées en fonction de leur capacité à lever des impôts et à être autonome. Delmas et Port-auPrince font partie de la première catégorie. 99 Certains, au sein de l’équipe municipale, estiment à deux millions de gourdes (soit 55 000 dollars) par an le produit maximal potentiel de la collecte des impôts municipaux. Entretien de Crisis Group, mairie de Cité Soleil, 4 juin 2007. Au Sénat, Lespwa a onze sièges (douze initialement mais un sénateur de Lespwa du département de l’Artibonite est décédé en janvier 2007) ; Fusion (Fusion des sociaux démocrates haïtiens) et OPL en ont quatre ; et Alyans (Alliance démocratique) et Fanmi Lavalas, LAAA, PONT et Union en ont deux. À la Chambre des députés Lespwa a 23 sièges ; Fusion dix-sept ; Alyans onze ; OPL dix ; Fanmi Lavalas et Union six ; LAAA, MPH et RDNP quatre ; MOCHRENA et Konba trois ; FRN deux ; et JPDN, MIRN, MODEREH, MRN, PLH et Tet Ansanm un. Pour l’explication des abréviations, voir en annexe B. 101 Douze partis y ont participé, mais pas Lespwa : Fusion, GFCD, MOCHRENA, PPRH, GREH, KID, Fanmi Lavalas, OPL, PNDPH, MRN, RDNP et Tet Ansanm. Voir www.ispos.org. Pour en savoir plus sur les partis, voir les briefings Amérique Laine/Caraïbes N°9, Élections en Haïti : l’opportunité d’un report, 25 novembre 2005 et N°10, Haïti après les élections : défis pour les 100 premiers jours de Préval, 11 mai 2006. 102 Fusion est le seul parti qui cherche à transférer la responsabilité des questions relatives aux partis du ministère de la Justice au Conseil électoral permanent. Crisis Group a assisté à la conférence. Consolider la stabilité en Haïti Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007 présumés, une participation accrue dans le gouvernement d’Alexis et la réintégration des fonctionnaires limogés après le départ d’Aristide.103 Les internationaux et Préval ont soutenu Alexis contre les menaces du Parlement encouragées par Lavalas et certains partis opportunistes.104 Lavalas a menacé de provoquer des émeutes («Opération Bagdad 2 ») si l’on ne donne pas suite à ses revendications mais ces provocations ont peu de crédibilité, car le mouvement est divisé et affaibli.105 Le retour du personnage charismatique qu’est Aristide, cependant, toujours important pour une part inconnue mais probablement en baisse de citoyens pauvres qui n’ont pas bénéficié des récents progrès macro-économiques. Le 7 février, Lavalas a organisé une manifestation dans la capitale à laquelle ont participé de 5 000 à 6 000 personnes.106 B. LE PARLEMENT Le Parlement a jusqu’ici été maladroit, dispendieux et improductif. Depuis l’ouverture de la législature, en janvier 2007, il n’a voté que six lois.107 Le Sénat, composé de 30 membres, emploie 620 personnes, dont 350 font partie du personnel ou sont des administrateurs, et le reste sont des chauffeurs ou des gardes du corps. Les dépenses annuelles sont supérieures à 471 millions de gourdes (soit 12,4 millions de dollars) pour le Sénat et 587 millions (soit 15,4 millions de dollars) pour la Chambre des députés, composée de 99 membres. Les parlementaires ont reçu 15 000 dollars chacun pour acheter une voiture et perçoivent 30 000 gourdes par mois pour couvrir les frais administratifs de leur circonscription. 108 Certains Page 13 ont voyagé à l’étranger.109 La presse a rapporté que des sénateurs avaient reçu des pots-de-vin pour bloquer des mesures de liquidation de la SOCABANK, un établissement proche des cercles pro-Aristide, qui a été placée sous la surveillance de la Banque nationale d’Haïti.110 Les médias ont sévèrement critiqué l’absentéisme et l’incompétence des parlementaires.111 Les pratiques du Parlement sont le reflet du manque d’expérience et de l’absence de leadership fort. Les sessions souffrent souvent d’indiscipline, d’absentéisme ou de retards dus au manque de quorum. Il est rare de respecter des calendriers de travail hebdomadaires et les législateurs préfèrent des arrangements informels et non-transparents à des décisions formelles. De 30 à 40 pour cent des réunions de comité se tiennent à huis clos, une procédure que la loi réserve pourtant aux circonstances exceptionnelles.112 La réforme du Parlement même, par conséquent, devrait être une priorité. Le Parlement français soutient un projet de nouveau règlement intérieur et a financé des visites de formation à Paris. Le centre parlementaire canadien, de son côté, évalue encore les besoins. Un plan officiellement approuvé par le ministre chargé des relations avec le Parlement et par les présidents des deux chambres a défini des orientations clef de travail mais se concentre davantage sur les infrastructures que sur le renforcement des capacités et les aptitudes professionnelles, qui devraient pourtant être prioritaires.113 Une récente visite d’assistance du Congrès des États-Unis pourrait aboutir à une aide rapide en termes de besoins physiques.114 103 « Haiti: Bring to trial or release all political prisoners », communiqué de presse d’Amnesty International, 1er août 2006. 104 Le Parlement peut prendre un vote de censure contre un ministre ou le gouvernement tout entier une fois par an sur une question particulière. Constitution, Article 129.1-129.6. 105 Table ronde du CSIS Haïti avec l’Ambassadeur Edmund Mulet, 27 janvier 2007 ; entretien de Crisis Group, avril 2007 ; « Les OP lavalas annoncent la reprise de l’opération Bagdad », Radio Métropole, 27 octobre 2006. 106 Le site internet pro-Lavalas Haïti Action affirma que la participation s’élevait à « plus de 100 000 personnes », http://www.haitiaction.net/News/HIP/2_9_7/2_9_7.html. Crisis Group, qui observa la manifestation, a estimé la participation à environ 5 000 personnes. Une source de la MINUSTAH l’a estimée à 6 000. Associated Press rapporta que des « centaines de personnes ont manifesté dans la capitale haïtienne pour le retour d’Aristide », 8 février 2007, www.minustah.org. 107 Deux concernaient les emprunts de l’État, et quatre des conventions internationales. Entretien de Crisis Group, MINUSTAH, Port-au-Prince, 29 mai 2007. 108 Tous les députés n’ont cependant pas de voiture ou de bureau en dehors de Port-au-Prince. 109 Vingt-huit voyages officiels à l’étranger auraient été organisés entre janvier et mai 2007. « Le sentiment du devoir mal accompli », Le Nouvelliste, 15 mai 2007. 110 « Affaire BRH/SOCABANK : encore des révélations », Le Matin, 5 février 2007. 111 « Des députés font l’école buissonnière », Le Nouvelliste, 11 April 2007. 112 Entretien de Crisis Group avec des experts parlementaires internationaux, Port-au-Prince, 29 mai 2007. 113 Signé en octobre 2006, un plan de 50 millions de dollars prévoit d’allouer 30 millions de dollars aux infrastructures et seulement 10 millions au renforcement des capacités, à la formation et au développement des aptitudes professionnelles. « Programme de développement stratégique du parlement haïtien 2006-2010 », octobre 2006. 114 Le comité d’appropriations de la Chambre des représentants des États-Unis exprime son soutien dans son House Report 110-197 – State, Foreign Operations, and Related Programs, Appropriations Bill, 2008, consultable sur http://thomas.loc.gov/cgibin/cpquery/R?cp110:FLD010:@1( hr197). Consolider la stabilité en Haïti Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007 C. UNE JUSTICE POLITISÉE La manipulation des tribunaux par les politiciens haïtiens est une tradition. Depuis le milieu des années quatrevingt dix plusieurs affaires criminelles liées à la politique ont été rejetées, n’ont abouti à aucun verdict ou ont été manifestement obstruées.115 Le président Préval a déclaré qu’il n’existait plus d’obstacle politique aux poursuites judiciaires pour l’assassinat du présentateur de radio Jean Dominique116 et a annoncé la création d’une commission d’investigation sur les meurtres d’autres journalistes. Le 13 juin il a organisé une conférence nationale pour débattre des conclusions de la commission qu’il avait créée en mars. Cette commission devrait être le moteur du changement dans le secteur de la justice, notamment sur le vote par le Parlement des trois lois de réforme, le renforcement de l’inspection judiciaire, l’examen et l’amélioration des résultats des juges, de la commission de détention et le bouclement de l’épuration de la police. L’intervention de Préval indique son souhait de mettre fin à l’impunité mais le système judiciaire est toujours très faible et manque d’éléments efficaces pour engager des poursuites dans des affaires sensibles. La création d’une chambre criminelle spéciale, déjà évoquée par Crisis Group, serait un important pas en avant. Elle devrait avoir compétence pour les cas touchant au trafic de drogues, aux kidnappings, au terrorisme, à la corruption, au blanchiment d’argent, aux trafics humains et au crime organisé et devrait être composée d’une équipe de Page 14 magistrats enquêteurs, de commissaires du gouvernement et de policiers.117 Le ministère de la justice devrait nommer et équiper convenablement un groupe de juges qualifiés pour examiner la possibilité de relancer les instructions d’une série d’affaires symboliques non abouties qui ont trait aux pages les plus sombres de l’histoire récente. La demande par Fritzner Fils-Aimé, le juge d’instruction en charge depuis 2006 de l’affaire Jean Dominique et JeanClaude Louissaint118, réclamant au ministère de la Justice et à la PNH plus de moyens et de protection pour relancer son enquête, devrait être considérée sans délai.119 Le 5 décembre 2003, en prélude à une autre affaire bien connue, des organisations populaires armées soutenues par la PNH ont attaqué une manifestation contre le gouvernement organisée par les étudiants à partir de la faculté de sciences humaines. Le recteur, Jean-Marie Paquiot, qui avait offert sa médiation eut les deux jambes cassées. L’université fut saccagée et plusieurs dizaines d’étudiants blessés. Onze suspects, tous membres de Lavalas ou sympathisants furent cités dans une instruction menée superficiellement. L’une d’entre eux, Annette “So-Ann” Auguste, une chanteuse populaire et organisatrice de manifestations du parti Lavalas, fut arrêtée par les marines américains en 2004 en rapport avec les événements du 5 décembre bien qu’il n’y eût pas de preuve de son implication. Son cas fut suivi entre autres par Amnesty International. Elle fut relâchée le 15 août 2006 après 826 jours de détention. Une instruction fragile conduisit à la décision d’acquitter des suspects beaucoup plus controversés.120 Des victimes étudiantes ont à nouveau 115 Michèle Montas Dominique, « Billet à Jacques Roche. Toi aussi confronté à la sauvagerie », Alterpresse, 21 juillet 2005. Le meurtre du ministre de la Justice d’Aristide, Guy Malary, le 14 octobre 1993, sous le régime militaire de facto n’a jamais été poursuivi correctement malgré les nombreuses recommandations de la Commission interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH). « Haiti: Failed Justice or the Rule of Law? Challenges for Haiti and the International Community », Organisation des États Américains, Commission interaméricaine des Droits de l’Homme, 26 octobre 2005, p. 77. Pour des détails sur l’affaire de Raboteau, voir le rapport Amérique latine/Caraïbes N°13 de Crisis Group, Spoiling Security in Haiti, 31 mai 2005 ; « Failed Justice or the Rule of Law? », op. cit. ; et « Situation des droits de l'homme en Haïti », Commission des droits de l’Homme, E/CN.4/2006/115, 26 janvier 2006. 116 « Jean Dominique : un devoir de justice », 3 avril 2007, www.minustah.org. Dominique, un agronome de formation, a consacré sa vie au journalisme, à la liberté d’expression et à la démocratie en Haïti. Il a commencé à la radio sous la dictature de François Duvalier et s’est exilé à plusieurs reprises avec sa femme, Michèle Montas, actuellement porte-parole du secrétaire général des Nations unies. Assassiné le 3 avril 2000, il est devenu un symbole mondial de la liberté de la presse. 117 Voir Crisis Group, briefing Amérique latine/Caraïbes N°14, Haïti : réforme de la justice et crise de la sécurité, 31 janvier 2007. 118 Louissaint, le gardien de la radio, a été tué en même temps que Dominique. 119 L’un des premiers juges d’instruction a présenté ses conclusions en mars 2003 sans mentionner l’implication d’aucun commanditaire. Les organisations de défense des droits humains l’ont critiqué et la veuve de Dominique a fait appel. La cour d’appel a relâché trois suspects et a ordonné le renvoi de trois autres en jugement tout en renvoyant le dossier au tribunal pour poursuivre l’instruction. Le 29 juin 2004 la Cour de cassation a confirmé cette décision. Les trois suspects qui devaient être jugés furent emprisonnés mais se sont évadés en février 2005 et sont toujours en liberté. Reporters Sans Frontières, « Who Killed Jean Dominique? An investigation in Haiti 19-25 March 2001 », 2001 et « 3 avril 2000 – 3 avril 2007 : sept ans d’impunité depuis l’assassinat de Jean Dominique », 3 avril 2007, consultables sur www.rsf.org. 120 Les faits ont été filmés par le réalisateur Arnold Antonin dans « GNB Kont Atila Ou une autre Haïti est possible », 2004, un documentaire sur le mouvement anti-Aristide. « Note de presse de la Fondation Connaissance et Liberté- Consolider la stabilité en Haïti Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007 porté plainte en 2006 mais cela n’a pas conduit à une nouvelle enquête.121 Les suspects de l’enlèvement, de la torture et du meurtre du poète et journaliste Jacques Roche en juillet 2005 attendent toujours d’être jugés, ont été relâchés ou se sont évadés. L’enquête de police et les arrestations avaient débuté rondement mais le processus a dérapé avec l’inculpation du père Gérard Jean-Juste, un leader Lavalas controversé et candidat potentiel à la présidence.122 Son emprisonnement a servi les intérêts de la campagne des anti-Lavalas. Il fut soutenu par des partisans de Lavalas en Haïti et aux États-Unis et par des groupes indépendants de défense de droits humains comme Amnesty International, qui le considéraient comme un prisonnier de conscience. Bien que très malade il ne pas fut relâché avant d’être sûr qu’il ne serait pas candidat. La suite de l’enquête sur le meurtre de Jacques Roche ne produisit aucun résultat. Selon les pro-Lavalas et des organisations proches de ce mouvement, 116 personnes sont emprisonnées illégalement pour des raisons politiques. 123 Certaines d’entre elles sont suspectées ou inculpées pour implication dans une troisième affaire controversée : les violences politiques de La Scierie en février 2004.124 La libération Fokal à l’occasion des événements du 5 décembre 2003 », Alterpresse, 9 décembre 2003. www.haitiaction.net. « Annette Auguste, prisonnière politique, enfin libérée après vingt-six mois de détention », Amnesty International, 5 septembre 2006. 121 Entretien de Crisis Group avec un leader étudiant du mouvement anti-Aristide, 29 juin 2007. 122 Entretien de Crisis Group avec Thierry Fagart, chef de la section des droits de l’Homme de la MINUSTAH, Port-auPrince, 31 mai 2007. Entretien de Crisis Group avec l’avocat du père Jean-Juste, Mario Joseph, qui avait fait appel contre cette décision, Port-au-Prince, 31 mai 2007. Pour plus de détails sur cette affaire, voir http://www.ijdh.org/articles/ article_jean_juste.htm. 123 L’expert indépendant de l’ONU Louis Joinet avait prévenu que de telles affaires mal traitées risquaient d’être manipulées politiquement et que des détenus enfermés pour des affaires mal suivies deviendraient des « prisonniers politiques ». « Situation des droits de l’Homme en Haïti », E/CN.4/2005/123, 24 janvier 2005. Amnesty International estime à une centaine le nombre de prisonniers politiques en Haïti. 124 La Scierie est un village près de Saint Marc, à 100 km au nord de Port-au-Prince. En février 2004 les partisans (Bale Wouze) et les opposants (Ramicos) d’Aristide s’y sont affrontés pendant plusieurs semaines. Une attaque des Bale Wouze et de la police le 11 février se solda par de nombreuses victimes. Des enquêtes contradictoires furent menées et aucune conclusion claire ne fut établie sur la responsabilité et sur l’affiliation politique des victimes même après la décision de la cour d’appel des Gonaïves du 19 avril 2007. Les estimations du nombre de morts oscillent entre Page 15 de l’un de ces prisonniers le 26 Avril 2007 en vertu de l’habeas corpus, l’ancien député Amanus Mayette, a suscité les critiques des anti-Lavalas. D. POLITIQUE ET TENSIONS LOCALES : GONAÏVES Le meurtre du porte-parole régional de Lavalas et ancien journaliste de Haiti Progrès Johnson Edouard le 12 avril 2007, suivis de l’assassinat d’Alix Joseph, directeur administratif de la radio locale «Provincial» aux Gonaïves,125 ont montré que la violence continue à être utilisée pour des règlements de compte politiques. Gonaïves a souvent connu de violents affrontements entre les gangs pour le contrôle de son port.126 À Raboteau, d’anciens militants anti-Aristide emmenés par le chef de gang «Ti Will» et des groupes pro-Lavalas ont pratiqué vols, intimidations et meurtres.127 Certains chefs de gangs ont été arrêtés et relâchés plusieurs fois grâce à des connexions avec la PNH ou des magistrats. Ce climat d’impunité a créé un profond ressentiment au sein de la population. La nouvelle équipe municipale Lavalas, dirigée par Stephen (Topa) Moïse, a tenté d’apaiser les tensions, par exemple en subventionnant des groupes musicaux pendant la période du carnaval, mais la peur ne s’est pas dissipée et Moïse s’était entouré d’une protection rapprochée au mois de mai.128 neuf et 50. Entretiens de Crisis Group, Port-au-Prince, maijuin 2007. 125 Radio Vision 2000, Radio Métropole, Radio Kiskeya, et Radio Ibo, service de monitorage des radios locales de la MINUSTAH, 16 avril 2007. 126 Le port fonctionne à peine mais on pense qu’il facilite le trafic illégal. Les résidents et observateurs neutres interrogés par Crisis Group disent que la concurrence pour le contrôle politique de la ville entre le Premier ministre Alexis et le sénateur Youri Latortue, tous deux originaires des Gonaïves, pourrait être un autre moteur de tensions. Entretiens de Crisis Group, Port-au-Prince et Gonaïves, mars-juin 2007. 127 Le gang de Saint-Juste Adéclat a été en concurrence avec Ti Will. Billy Augustin est un autre suspect notoire aux Gonaïves. Il a été arrêté, accusé de crimes et remis en liberté à plusieurs reprises, en février 2007 pour la dernière fois. Sa menace d’exécuter trois policiers d’élite (UDMO) eut un effet déstabilisateur au sein des forces de police des Gonaïves. « Ti Will » (Wilfort Ferdinand), membre important du Front de résistance Artibonite/Gonaïves de 2004, fut accusé d’avoir tué une fillette de six ans en 2004. Le frère du sénateur Youri Latortue, Jacob, est l’avocat d’Augustin et de Ti Will. Correspondance de Crisis Group, avec le personnel de la MINUSTAH, 15 mars 2007. 128 Topa Moïse est le frère du président par intérim de la Cour suprême, Georges Moïse (ministre de l’Intérieur dans le gouvernement de transition de Latortue). Ancien maire des Gonaïves, sa maison a été pillée en 2004. Il a créé une association locale à but non lucratif qui distribue des produits Consolider la stabilité en Haïti Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007 Les décès du président de la cour d’appel, Hugues SaintPierre, qui était en charge de l’affaire de La Scierie,129 et de Joseph ont porté la crise à son paroxysme. Le 7 mai, lors des funérailles de Saint-Pierre, des jeunes et des gangs locaux ont jeté des pierres sur la délégation du Premier ministre, la forçant à repartir prématurément. Alexis a ensuite demandé à la MINUSTAH de l’aider à régler le problème de l’insécurité dans sa ville natale. Il fut convenu que la MINUSTAH se concentrerait sur des suspects contre lesquels un mandat de justice avait déjà été émis.130 Le directeur départemental adjoint de la PNH fut remplacé et Ti Will arrêté le 26 mai. Les résidents ont alors commencé à coopérer avec la MINUSTAH et la police.131 Saint-Juste Adéclat, autre chef de gang notoire, fut assassiné le 20 juin dans des circonstances inexpliquées par des individus non identifiés. 132 La MINUSTAH semble déterminée à mettre fin à l’impunité dans la ville. La prochaine étape essentielle sera de réaffirmer le contrôle physique et administratif du port par l’État. alimentaires aux pauvres et qui a probablement favorisé son retour sur le devant de la scène politique. Dans les zones urbaines les plus pauvres, les gangs sont souvent liés aux évènements de musique traditionnelle rara. Pendant le carnaval, les groupes chantent pour les leaders politiques. Dans le style ochan, on rend hommage au chef local ou au maire. Gage Averill, « Dechoukaj en musique, La chute de la dictature haïtienne », Critique internationale, n°7, April 2000. Entretiens de Crisis Group aux Gonaïves, 7 mars 2007. 129 À propos de la controverse sur l’affaire de La Scierie, voir plus haut. 130 Une quinzaine d’individus ont été arrêtés lors de la première vague d’interpellations. Un autre rapport indiquait qu’un juge des Gonaïves avait émis 32 mandats d’arrêts pour des personnes à Raboteau. Entretiens de Crisis Group avec la MINUSTAH, Gonaïves, 7 mars 2007 et Port-au-Prince, 13 mai 2007. 131 Ti Will a été transféré le même jour à Port-au-Prince. Son interpellation a été suivie d’importants échanges de tirs entre la MINUSTAH et les membres de gangs à Gonaïves. MINUSTAH, service de monitorage de la radio locale, 28 mai 2007 et entretien de Crisis Group avec le personnel de la MINUSTAH, 17 juin 2007. 132 Radio Vision 2000, 20 juin 2007. V. Page 16 AUGMENTER LES RECETTES ET LES DÉPENSES PUBLIQUES Le contrôle des ports et des frontières a un lien direct avec la stabilité fiscale. Selon la Banque mondiale et le FMI, le gouvernement de transition a réussi à améliorer la situation macro-économique et à mettre en place un cadre légal pour un secteur public plus efficace. La croissance du PIB est passée de 1,8 à 2,5 pour cent pendant l’année fiscale 2006. 133 Préval a souligné les progrès accomplis par son administration dans la réduction de l’inflation.134 Faire durer ces succès ne sera possible que si les services de base sont assurés avec transparence et efficacité. Ceci exige d’augmenter les recettes qui, à court terme, dépendent de l’élimination de l’évasion fiscale et de pratiques de gouvernance plus efficaces. A. LA GOUVERNANCE ÉCONOMIQUE Depuis 2004, les institutions financières ont aidé Haïti, par le biais du Cadre de coopération intérimaire (CCI),135 à lancer une réforme visant à s’attaquer aux principales faiblesses de la gouvernance économique. Un prêt de 25 millions de dollars de la Banque interaméricaine de développement (BID) pour la réforme fiscale et un programme de gouvernance contient des conditions relatives à quatre domaines clef : la passation de marchés publics, le processus budgétaire, le contrôle financier et le recouvrement des recettes.136 Pour recevoir la première tranche, le gouvernement a dû réduire la part des dépenses non assignées dans le budget et le nombre des comptes bancaires courants utilisés sans critères précis ; mettre en place des cellules de passation de marchés publics dans chaque ministère ; créer une structure de lutte anti-corruption et préparer les codes douanier et 133 Rapport de la Banque mondiale, report N° 38235-HT, 12 décembre 2006, p. 7. L’année fiscale se termine le 30 septembre en Haïti. 134 MINUSTAH, service de monitorage des radios locales, 14 mai 2007. D’après Préval, l’inflation est tombée de 46 pour cent en 2004 à 8,5 pour cent en 2007. Pour la première fois depuis 1999, Haïti a cessé d’avoir recours à la Banque centrale pour financer son déficit public, ibid. 135 Le Cadre de coopération intérimaire est un programme de redressement économique, social et politique soutenu par les bailleurs de fonds. C’est une stratégie intérimaire de développement adoptée après le départ d’Aristide en 2004 qui a été prolongée d’un an en attendant que le gouvernement et les donateurs travaillent sur un concept de réduction de la pauvreté. 136 « Proposal for a loan for a fiscal reform and governance program », Banque interaméricaine de développement, 7 juin 2005. Consolider la stabilité en Haïti Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007 fiscal. Tout ceci a été fait ainsi que l’audit des principales entreprises publiques. Les codes douanier et fiscal attendent d’être approuvés par le Parlement. Le gouvernement va poursuivre avec un document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) à finaliser en 2007 et censé coordonner les réformes sociales, économiques, politiques, du secteur de la sécurité et de la justice.137 Le 14 mai Préval s’est engagé a remplir les conditions de la BID pour une seconde tranche de 10 millions de dollars, en annonçant que le gouvernement allait donner la priorité à des mesures anti-corruption au cours de sa deuxième année au pouvoir et soumettre un projet de loi sur la publication du patrimoine des fonctionnaires.138 La BID a aussi fourni une assistance technique pour soutenir la réforme et la modernisation des douanes et la Direction générale des impôts (DGI), toutes deux sous la supervision du ministère de l’Économie et des Finances.139 Ce ministère a désormais informatisé son système de gestion des dépenses publiques.140 La DGI a monté une base de données des contribuables et la Banque centrale prévoit de généraliser les transferts bancaires électroniques à l’ensemble du pays. Ces résultats devraient faciliter davantage le passage de l’aide extérieure par le budget national. Les citoyens ne voient ou ne comprennent pas encore les avantages d’une inflation plus basse et du potentiel d’investissement créé par de bonnes performances macroéconomiques. Pour cause, l’insertion de l’aide extérieure dans le budget national reste à accomplir. En sachant que le milliard de dollars engagé pour cette aide en 2004 correspondait à 22 pour cent des ressources disponibles pour une période de quatre ans, inclure l’aide extérieure dans la comptabilité nationale devrait renforcer l’appropriation par le gouvernement des investissements de développement et ainsi contribuer à améliorer son image. B. LES RECETTES PUBLIQUES Le soutien international à la discipline budgétaire et la capacité limitée du gouvernement à planifier, à financer 137 Un DSRP intérimaire a été finalisé en septembre 2006. MINUSTAH, service de monitorage des radios locales, 14 mai 2007. La version finale de la loi devrait aussi imposer aux juges et commissaires du gouvernement des contrôles équivalents à ceux de la probation de la police. 139 L’un de ces programmes appelés « initiatives de renforcement institutionnel » a soutenu la création d’une unité anti-corruption. 140 « Technologie : l’administration publique haïtienne a pris le train sans une vision stratégique globale », Réseau de développement durable d’Haïti (RDDH), 30 mars 2007,www.rddh.org.ht/index.php?option=com_content&task =view&id=289&Itemid=99999999. 138 Page 17 et à mettre en œuvre des projets ont conduit à une réduction brutale des dépenses publiques depuis 2004. À la fin du premier trimestre de l’année fiscale 2007, seulement 5 pour cent du budget consacré aux investissements de l’État avait été dépensé. 141 Sans augmentation des investissements publics dans tous les secteurs, la frustration sociale risque encore d’être exacerbée. Le secteur privé doit être consulté au sujet des augmentations de perception des impôts et des taxes douanières mais il doit être prêt à payer sa juste part, et ce d’autant plus depuis que le gouvernement commence à lui faire bénéficier d’un certain nombre de mesures incitatives, notamment commerciales. 1. Perception La perception des taxes représente seulement 8 à 10 pour cent du PIB, et au cours des vingt dernières années, elle a plafonné à un niveau beaucoup plus bas que dans les autres pays des Caraïbes où la moyenne atteint 20 pour cent. Avec son entrée dans la Communauté des Caraïbes (CARICOM), Haïti a besoin d’ajuster le contrôle et le cadre de régulation de ses douanes aux standards internationaux. Les recettes douanières représentent 70 pour cent des revenus de l’État. Les autres formes de recettes n’ont pas été intégralement collectées par manque de mécanisme budgétaire central efficace.142 Depuis 2004, le gouvernement tente d’augmenter significativement les revenus internes et d’améliorer l’efficacité des douanes. Certains changements de la législation fiscale soutenus par la BID devraient améliorer la clarté, la rapidité et l’accessibilité des procédures. Les perceptions douanières représente 31 pour cent de la valeur des importations à Port-au-Prince mais seulement 6 pour cent ailleurs dans le pays, et on pense que 5 milliards de gourdes (soit 130 millions de dollars) supplémentaires pourraient être levés si le taux légal était appliqué et les sommes collectées. 143 141 Entretien de Crisis Group, 16 février 2007. , « Proposal for a loan for a fiscal reform and governance program », Banque interaméricaine de développement, 7 juin 2005, p. 9, n. 3 :. « Par exemple les contraventions perçues par la police, les actes de naissance, de baptême et de décès, les frais d’inscription à l’école et l’université, les paiements perçus par le ministère des Travaux publics pour l’analyse des sols et diverses taxes et frais perçus par le corps judiciaire, etc. ». En 2002-2003, jusqu’à 58 pour cent des dépenses publiques étaient réalisées via des « comptes discrétionnaires ». Cette pratique a quasiment cessé sous la pression des bailleurs de fonds. Ibid, p. 10. 143 Entretien de Crisis Group avec le personnel des affaires civiles de la MINUSTAH, Port-au-Prince, 1er février 2007. Ce chiffre est nettement plus bas que les estimations de Crisis Group pour 2006. Certains économistes haïtiens les trouvent élevés, car ils correspondent à une improbable 142 Consolider la stabilité en Haïti Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007 L’administration générale des douanes (AGD) a demandé à ses directeurs d’augmenter les recettes, et les représentants des douanes ont commencé à utiliser le Code d’évaluation du GATT 144 pour évaluer les importations, traditionnellement sous-évaluées pour satisfaire les commissionnaires informels qui travaillent pour les importateurs finaux. 145 Les taux en vigueur restent les mêmes mais les résultats hors de la capitale s’améliorent. 146 Cependant, les bailleurs de fonds considèrent que l’administration des douanes a mis du temps à formuler une stratégie concrète de réforme nationale et un plan de modernisation digne du soutien financier dont elle bénéficie. 147 Selon l’AGD, l’informatisation des douanes devrait être achevée en juillet 2007, la gestion du contrôle des risques sera développée, les infrastructures réhabilitées et le personnel formé. Les capacités des bureaux régionaux doivent être renforcées en vue de la lutte contre la contrebande. Le contrôle par l’État du port de Port-au-Prince, qui représente presque 90 pour cent des recettes douanières, est indispensable.148 Mais depuis que le port est sous l’emprise de groupes pro-Lavalas, notamment d’éléments venant de syndicats entachés de manipulations politiques, et du crime organisé, le contrôle n’est toujours pas sécurisé. Tout en éliminant ces éléments nuisibles et les pratiques illégales, le gouvernement devra conclure un partenariat avec le secteur privé pour mettre le fonctionnement du port en conformité avec les normes internationales et le droit du travail et qui permette une perception transparente des taxes.149 augmentation des importations d’une valeur d’1,3 milliard de dollars. Quoi qu’il en soit, 100 millions de dollars auraient déjà un impact considérable sur le budget. Entretien de Crisis Group avec un économiste haïtien, 28 juin 2007. 144 Pour en savoir plus sur le code d’évaluation du GATT voir www.itsfts.co.uk/ITSChinese/section_01/s01_intro_c_gvc.htm. 145 Seuls deux commissionnaires sont officiellement enregistrés à Saint Marc. Les autres (plus de 100, selon les douaniers locaux) travaillent sans autorisation officielle. Entretiens de Crisis Group avec des douaniers locaux, Saint Marc, 3 mars 2007. 146 Entretien de Crisis Group avec un expert international, Port-au-Prince, 24 avril 2007. 147 Au Cap Haïtien, par exemple, 48 douaniers contrôlent seulement neuf bateaux par mois. Entretien de Crisis Group avec un expert international en douanes, Port-au-Prince, 1er février 2007. 148 Entretien de Crisis Group avec Jean-Jacques Valentin, directeur général des douanes, Port-au-Prince, 23 mai 2007. « Perceptions douanières ventilées par bureau de douane par zone d’enregistrement et par ordre d’importance », direction des statistiques, administration générale des douanes, avril 2007. 149 Entretien de Crisis Group avec un responsable haïtien, 19 juin 2007. Page 18 Dans le port de Saint Marc, où les recettes douanières s’élèvent à 30 millions de gourdes par mois (soit 800000 dollars), les tensions se sont ravivées après la modification des procédures de perception.150 Profitant de la brève interruption de l’activité des patrouilles de la MINUSTAH,151 les commissionnaires non officiels, qui refusaient de renoncer à leurs prérogatives, ont menacé et agressé le directeur local des douanes en février 2007, révélant le besoin flagrant d’une protection accrue par la PNH. 152 Le calme est revenu en mai mais selon les douaniers, les résidents sont toujours en colère. Le directeur a maintenant deux gardes du corps, et la PNH stationne de manière permanente sur le quai pour contrôler l’accès aux bureaux. La situation restera tendue jusqu’à ce que le statut des commissionnaires soit clarifié par un processus d’enregistrement durable et transparent auquel participent les autorités portuaires et douanières. En même temps, les locaux des douanes doivent être sécurisés pour pouvoir fonctionner normalement. L’administration des douanes a 70 agents de sécurité à disposition mais ils manquent toujours d’une véritable formation. La MINUSTAH a apporté son soutien par le biais d’un projet à impact rapide mais sa mise en œuvre est ralentie par les pesanteurs bureaucratiques.153 Au cours du premier mois de l’entrée en fonction du nouveau directeur des douanes, Jean-Claude Voltaire, le 20 mars 2007, les recettes douanières de Ouanaminthe, ville frontière du nord de l’île et l’un des quatre points officiels de migration vers la République Dominicaine, sont passées de 2,5 à treize millions de gourdes (soit de 74 000 à 383 000 dollars). C’est le résultat de l’exigence 150 Les recettes douanières continuent à augmenter à Saint Marc, avec 21 millions de gourdes (soit 550 000 dollars) collectés en avril et 32 millions de (soit 840 000 dollars) en mars. Entretien de Crisis Group avec des douaniers locaux, Saint Marc, 3 mai 2007. 151 Jusqu’à janvier 2007, l’unité pakistanaise de police constituée basée aux Gonaïves patrouillait à Saint Marc mais elle dut cesser cette mission à cause de mauvaises conditions de circulation. Le soutien de la PNH au centre-ville des Gonaïves fut finalement confié au bataillon argentin des Gonaïves. Entretiens de Crisis Group avec le personnel de la MINUSTAH, Gonaïves, Port-au-Prince, 4 mai et mars 2007. 152 La foule a attaqué le directeur au mois de février mais c’est son garde du corps, qui s’était battu avec un des agresseurs, qui a été arrêté par un juge local. Le directeur ne s’est pas plaint à la police. Certains observateurs voient dans ce conflit un affrontement entre les groupes politiques locaux, Bale Wouze et le Ramicos, pour le contrôle du port. Les autorités douanières démentent, car elles voient plutôt de la frustration sociale dans le comportement des commissionnaires. Entretien de Crisis Group avec des douaniers locaux, Saint Marc, 3 et 7 mars et 3 mai 2007, personnel de la MINUSTAH, Gonaïves, 2 mars. 153 Correspondance électronique de Crisis Group, MINUSTAH, personnel des affaires civiles, 22 mai 2007. Consolider la stabilité en Haïti Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007 auprès des affréteurs de payer les taxes officielles.154 Il est convaincu qu’en faisant respecter la loi, les recettes peuvent encore augmenter.155 Auparavant, les hommes d’affaires payaient moins pour des biens qui arrivaient par les douanes contrôlées par Lavalas à Ouanaminthe et à Dajabon.156 L’augmentation des taxes fait craindre le directeur d’être victime des représailles d’hommes d’affaires puissants et des habitants qui vivent de ces échanges. Il a reçu des menaces et les commerçants de Ouanaminthe et Dajabon ont annoncé une grève pour le 25 avril. Le gouvernement a pris fait et cause pour Voltaire, qui est maintenant protégé par la police douanière, l’unité anti-fraude gouvernementale formée et assistée par la France, et l’UNPOL.157 Toutes les sommes perçues par les douanes sont transférées vers un compte de trésorerie central. Ensuite, la répartition par le ministère de l’Intérieur vers les maires et les budgets municipaux est effectuée indépendamment de la perception au niveau local. Les autorités de Ouanaminthe estiment néanmoins que leur municipalité devrait recevoir davantage de fonds, compte tenu des recettes que les taxes génèrent dans la ville. Le système n’a pas mis en place de mesures incitatives pour les douaniers afin d’augmenter leur efficacité. En effet, au mois d’avril, les locaux affirmèrent que ce régime douanier plus strict affectait la ville, qui a besoin des profits des négociants; certains restaurants et magasins auraient mis la clef sous la porte.158 Page 19 des recettes devrait en partie financer le centre de rapatriement, qui sera construit à cet endroit pour aider les Haïtiens qui rentrent de République Dominicaine, parfois même sans vêtements.159 Les relations demeurent tendues sur la frontière dominicaine. À Anse-à-Pitre par exemple, le 4 juillet 2007, le vol présumé d’une moto par un Haïtien a provoqué des affrontements entre environ 200 Haïtiens et Dominicains armés.160 2. Dépenses Le 31 mai 2007, le budget de l’État était en excédent d’1,5 milliard de gourdes (soit 39 millions de dollars). Alors que jusqu’en 2004, chaque ministère disposait de plusieurs comptes bancaires, un seul est aujourd’hui disponible, à la demande des bailleurs de fonds. La Commission nationale pour les marchés publics (CNMP), 161 agence publique sous surveillance de l’exécutif et du législatif, a été mise en place conformément au CCI et avec le soutien de la BID afin d’assurer la transparence des dépenses publiques. Chaque institution publique doit mettre en place une cellule de passation de marchés publics en contact avec CNMP. Le nouveau système est assez développé en matière de contrôle de la corruption, mais a besoin de plus de flexibilité pour répondre aux demandes accrues d’investissement public et permettre un accès plus rapide aux services publics de base dans tout le pays. À Belladère, la Fondation panaméricaine de développement (PADF) a reçu une subvention de 2.5 millions de dollars pour renforcer la présence de l’État et les douanes aux frontières en construisant et équipant un complexe pour la PNH, le ministère de l’Intérieur, le bureau des douanes et celui des affaires sociales. À l’heure actuelle, les bâtiments des douanes se trouvent à 6 km du poste de frontière, qui subit un manque-à-gagner estimé à 11 millions de gourdes (soit environ 300 000 dollars) de recettes par mois. Ce projet, validé en principe, est également financé par l’ambassade canadienne et les ministères de l’Intérieur et des Finances. L’augmentation 154 Entretien de Crisis Group avec le personnel des douanes, Ouanaminthe, 26 avril 2007. Voltaire, lorsqu’il se trouvait au même poste, fut attaqué par les résidents pour les mêmes réformes en 1998-1999. 155 De 2004-2005 à 2005-2006, la perception des taxes douanières à Ouanaminthe était déjà passée de trois à 24 millions de gourdes (soit de 88 000 à 708 000 de dollars). Entretien de Crisis Group avec le personnel des affaires civiles de la MINUSTAH, Port-au-Prince, 1er février 2007. 156 Entretien Crisis Group, MINUSTAH, Fort Liberté, 25 avril 2007. 157 « Le bureau des douanes de Ouanaminthe menacé », Le Nouvelliste, 22 juin 2007. 158 Entretien de Crisis Group avec des résidents, Ouanaminthe, 25-27 avril 2007. 159 Entretien de Crisis Group avec John Currelly, directeur de la PADF, 1er juin 2007. 160 Elizabeth Eames Roebling, « Haiti-Dominican Republic: A Fragile Coexistence », IPS news, 12 juillet 2007, consultable sur www.ipsnews.net/news.asp?idnews=38515. 161 Le site internet de la commission, www.cnmp.gouv.ht, est en construction et la base de données des appels d’offres est pour l’instant inaccessible. Consolider la stabilité en Haïti Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007 VI. CONSTRUIRE LES INSTITUTIONS LOCALES Selon la Banque mondiale, parmi les 8,7 millions de citoyens haïtiens, plus de 60 pour cent vivent dans les communautés rurales. Près de 64 pour cent de sa population urbaine, soit 2,2 millions d’Haïtiens, vivent à Port-au-Prince.162 Il demeure essentiel de consolider la sécurité dans la capitale mais une stabilité et un développement durables ne se feront pas sans initiatives de développement massives dans tout le pays, sous la coordination des autorités locales légitimes. 163 Le système politique local est complexe et difficilement gérable, avec ses cinq niveaux politiques/administratifs et de multiples autorités législatives et exécutives. Cela complique la gouvernance locale dans un pays fragile, dont les institutions sont faibles, dont la population est parmi les moins éduquées, et qui se classe au premier rang des pays les plus pauvres de l’hémisphère. A. LA CONSTITUTION DE 1987 ET LA GOUVERNANCE LOCALE La Constitution confère aux départements et aux communes une autonomie administrative, mais en pratique, cette autonomie n’existe pas : les ressources sont trop modestes. Plusieurs lois régulent la gouvernance locale mais elles n’ont pas été appliquées. La commune, qui délimite le territoire de la municipalité, est constituée de sections communales,164 dont chacune est dirigée par un conseil (Conseil d'administration de la section communale, CASEC) composé de trois membres élus pour quatre ans. Chaque CASEC est responsable devant une assemblée élue (Assemblée de section communale, ASEC). Un membre de chaque ASEC est désigné pour faire partie de l’assemblée municipale, dont chaque section a son représentant et qui assiste le conseil municipal, un organe de gestion composé de trois administrateurs élus. Dans les grandes villes, les délégués des villes, qui participent également à l’assemblée municipale, sont élus directement par les quartiers. 162 Voir http://siteresources.worldbank.org/DATASTATIST ISTICS/Resources/table3_10.pdf. Le conseil électoral provisoire d’Haïti, estime, quant à lui, la population à 8,2 millions d’habitants. Voir www.cep-ht.org. 163 François l’Ecuyer, « Apaisement et optimisme en Haïti », Alterpresse, 10 mai 2006. 164 Le terme « sections communales » a remplacé celui de « sections rurales » utilisé sous les régimes des Duvalier. Elles étaient dirigées par de puissants chefs de section jusqu’aux années 1980. Page 20 Le département (il en existe dix) est la plus grande entité territoriale, composée de plusieurs arrondissements et communes. 165 Les assemblées départementales sont composées de membres venant de chaque assemblée municipale. Chaque assemblée départementale sélectionne trois membres potentiels pour le conseil électoral permanent (CEP). Enfin, les neufs membres de cet organe sont nommés conjointement par l’exécutif, l’assemblée nationale et la Cour de cassation. L’assemblée départementale élit trois membres au conseil départemental. Chaque conseil départemental élit l’un de ses membres au conseil interdépartemental, institution nationale chargée d’assister le pouvoir exécutif dans l’élaboration des politiques de décentralisation et la détermination de ressources budgétaires locales.166 Parallèlement aux entités locales autonomes, le gouvernement central est censé rester présent dans tout le pays par le biais de directions administratives départementales désignées par chaque ministère. Dans chaque chef-lieu de département, l’exécutif est représenté par un délégué qui supervise et coordonne les activités des directeurs départementaux rattachés aux ministères.167 Les vice-délégués remplissent le même rôle au niveau de l’arrondissement. Cette configuration,168 démocratique en théorie, n’est pas applicable dans un pays si pauvre. Chaque élection coûte en effet des millions de dollars.169 Haïti ne peut se permettre et les bailleurs de fonds ne financeront pas indéfiniment un système aussi complexe qui exige l’organisation d’élections en permanence. 165 Les dix départements sont Grande-Anse, Sud, Nippes, Sud-Est, Ouest, Centre, Artibonite, Nord, Nord-Ouest, et Nord-Est. L’arrondissement, composé de plusieurs communes, est l’entité intermédiaire entre la commune et le département mais son fonctionnement n’est pas défini par la Constitution, Article 75. 166 Articles 217 et 87.2 de la Constitution de 1987. Le conseil interdépartemental, en pratique, n’a jamais existé. Un vicedélégué a admis qu’il connaissait l’acronyme mais qu’il en avait oublié la signification. Entretiens de Crisis Group, Gonaïves, 7 mars 2007. 167 Constitution, Articles 85-86 ; et « Décret sur les délégués et les vice-délégués, 17 May 1990 », Le Moniteur, 31 mai 1990. 168 Voir annexe C. 169 Le coût des élections de février 2006, pour les donateurs, a été estimé à presque 59 millions de dollars. « Haiti – Election: The bill, Parts of a UNDP document, Submitted to AlterPresse on 2 February 2006 », 4 février 2006. Le coût des seuls bulletins lors des élections du 3 décembre 2006 est estimé à 3,75 millions de dollars par la conférence des partis politiques, qui prévoit que le coût des élections sénatoriales de 2007 et 2009 s’élèvera à respectivement 5,3 et 7 millions de dollars ; ces estimations n’incluent pas les frais de sécurité et de logistique. « Réflexions autour de la méthodologie d’organisations des élections en Haïti », 31 mai 2007, rapport de la conférence. Consolider la stabilité en Haïti Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007 B. LA GOUVERNANCE LOCALE EN ACTION Le cadre juridique de la gouvernance locale et du développement ne reflète pour ainsi dire pas les pratiques courantes et la réalité.170 1. Les nouvelles structures locales et les élections à venir Le 29 mars 2007, la reprise des élections du mois de décembre dans 25 localités s’est déroulée dans le calme, grâce aux importantes mesures de sécurité prises par la MINUSTAH et la PNH, mais la participation a été faible.171 Avec l’organisation de ces élections, les Haïtiens ont une occasion historique de revitaliser la gouvernance locale, mais jusqu’ici, seule une partie du système a été mise en place. Le CEP actuel n’a pas encore publié les noms des ASEC et des délégués de ville vainqueurs au journal officiel. Des élections indirectes doivent être organisées dans le mois qui suit leur publication. À terme, elles permettront la nomination par la base des membres du conseil électoral permanent (CEP) et des juges.172 Au cours de l’année 2007, des élections devraient également renouveler un tiers des membres du Sénat. Le gouvernement doit décider formellement si l’actuel conseil électoral provisoire devrait organiser ces élections indirectes ou sénatoriales. Les nouveaux conseils municipaux, les ASEC et CASEC ont été progressivement mis en place mais les municipalités n’ont en général guère d’autres ressources que les subventions du ministère de l’Intérieur.173 Les représentants nouvellement élus demandent des salaires, un budget exploitable, et un équipement de base et doivent fournir des services répondant aux besoins de leurs circonscriptions. 174 Sans prise de décision rapide, la nomination du conseil électoral permanent pour un mandat de neuf ans, les élections sénatoriales de 2007 et la nomination des juges seront reportées. 2. Crisis Group a mené des entretiens au ministère de l’Intérieur ainsi qu’aux Gonaïves (notamment à Gros Morne), aux Cayes (notamment à Aquin) et à Ouanaminthe ; la plupart des exemples ci-dessous concernent ces villes. 171 Elles concernaient l’élection d’un membre de l’Assemblée nationale, dix maires, 29 assemblées de section communale (ASEC), 27 conseils d’administration de section communale (CASEC) et 26 délégués des villes. « La MINUSTAH prête pour les élections du 29 avril », www.minustah.org, 27 avril 2007. 172 Article 110 du décret électoral du 3 février 2005. 173 « Installation des nouveaux maires dans plusieurs communes d’Haïti », www.minustah.org, 30 mars 2007. Une étude de 2002 estimait les ressources à deux gourdes (soit 0,5 dollars) par habitant par an et indiquait que onze municipalités recevaient 90 pour cent de l’ensemble des recettes municipales. « Vers une politique nationale de décentralisation : synthèse des propositions de la CNRA », Bureau du Premier ministre, Unité d’appui à la réforme administrative, Programme des Nations unies pour le développement Projet HAI/00/003 – Gouvernance et Décentralisation, octobre 2002, p. 46, consultable sur http://haiticci.undg.org. La sécurité sans police municipale L’amélioration de la sécurité à Port-au-Prince se reflète partout dans le pays. Le trafic de drogue et l’application locale de la loi reviennent maintenant sur le devant de la scène politique et la violence des gangs de Cité Soleil domine moins la liste des priorités. En janvier, le président Préval a déclaré la drogue ennemi numéro un. Au sommet régional sur les drogues, la sécurité et la coopération, qui s’est tenu à Saint-Domingue le 16 mars 2007,175 il a réitéré sa détermination à lutter contre le problème à l’échelle régionale, tout en critiquant les États-Unis pour leur manque de soutien sur le projet de contrôle des bateaux hors-bord et des vols provenant du Venezuela et de Colombie qui utilisent des pistes d’atterrissage haïtiennes clandestines ou qui larguent leurs cargaisons de cocaïne en mer. La fréquence des saisies de marijuana et de cocaïne par la PNH a montré l’ampleur du problème, mais aussi la participation d’officiers de la PNH corrompus au sein des réseaux de trafiquants.176 Le président dominicain, Leonel Fernandez, avait lui aussi critiqué amèrement le manque de soutien de la part des États-Unis. Pour Washington, la récente recrudescence des vols en partance du Venezuela est due au relâchement des 174 170 Page 21 L’OIM a équipé plusieurs cabinets municipaux et a parfois accompagné la réhabilitation de bâtiments. La plupart des nouveaux CASEC et ASEC ont besoin d’être sérieusement formés sur leurs droits et devoirs ainsi que sur la division des tâches entre les délégations, bureaux des maires, CASEC, ASEC, la PNH, les ministères, députés et sénateurs. Entretiens de Crisis Group avec l’équipe municipale, Gonaïves, 4 mai 2007. « Final Evaluation of the Haiti Transition Initiative », Management Systems International, USAID, octobre 2006. 175 Y ont assisté le président Leonel Fernandez de la République Dominicaine, le président Préval, le président Álvaro Uribe de la Colombie et le Premier ministre Patrick Manning de Trinité-et-Tobago ainsi que les représentants de sept autres États, les Nations unies, l’UE, la BID, la Banque mondiale, CARICOM et Crisis Group. 176 Le 31 mai 2007, une voiture avec plaques officielles a été saisie avec 420 kg (soit une valeur de huit millions de dollars) de cocaïne à Léogâne ; cinq des dix suspects arrêtés étaient des policiers de la PNH. Radio Kiskeya, « La PNH saisit à Léogâne d’autres armes et un téléphone satellitaire appartenant aux présumés narcotrafiquants », 6 juin 2007, consultable sur http://radiokiskeya.com/spip.php?article e37 50&var_ recherche =Drogues%20leogane. Consolider la stabilité en Haïti Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007 politiques vénézuéliennes de lutte contre la drogue.177 Une fois que la police et les douanes ont fini leur service, à 18 heures, de petits avions peuvent atterrir à l’aéroport international de Port-au-Prince, larguer leur cargaison, se ravitailler en carburant, et redécoller.178 Les paquets peuvent être récupérés et emmenés en dehors du périmètre de l’aéroport sans passer par un poste de contrôle. Sur la côte sud et dans la Grande Anse, les pistes d’atterrissage (dont certaines sont clandestines), les routes en ligne droite, les plages et anses cachées sont empruntées. Au mois de février, une piste d’atterrissage en béton longue de plus de plusieurs centaines de mètres et épaisse de douze centimètres a été découverte dans la brousse près d’Aquin. 179 Les trafiquants de drogue autour de PortSalut, des Cayes et d’Aquin sont connus des services de police, certains d’entre eux ont même été arrêtés mais deux îles, l’Ile à Vache et l’Ile de la Grosse Caye voient les trafiquants travailler à leur aise, la police n’ayant pas de patrouilleurs à disposition.180 L’UNPOL et la PNH ont demandé la fourniture de tels bateaux aux donateurs mais ces derniers se montrent peu réactifs.181 Le Canada, cependant, semble aujourd’hui enclin à soutenir la mise en place d’un contingent de gardes côtes, par le biais de l’UNPOL, aux Cayes. Deux hélicoptères de la Drug Enforcement Administration (DEA) américaine basés en République Dominicaine ont été utilisés pour conduire une opération pilote à laquelle participaient une unité de la PNH ayant subi une probation et la MINUSTAH, qui était presque en mesure d’arrêter les vols impliqués dans le trafic de drogue. Ils se sont néanmoins repliés au bout de six 177 « Le trafic de drogues se fait par voie d’aéroports officiels, selon les autorités américaines », Haiti Press Network, 9 mai 2007, consultable sur www.haitipressnetwor k.com/news.cfm?articleID=8849. Le Venezuela rejette ces critiques mais reconnait que son territoire est de plus en plus emprunté par les trafiquants. Entretien de Crisis Group, Sommet régional sur les drogues, la sécurité et la coopération, Saint-Domingue, 16 mars 2007. 178 Entretien de Crisis Group avec un diplomate, Port-auPrince, 24 juin 2007. 179 Selon un agent de l’UNPOL, 70 pour cent des Cayes vivent de l’argent du trafic de drogue. Au mois de mai, un homme de 83 ans a été arrêté en possession de plusieurs kilogrammes de marijuana. Entretien de Crisis Group avec un membre du personnel de la MINUSTAH, Les Cayes, 18 mai 2007. 180 Les sources de la police rapportent que des trafiquants de drogue jamaïcains et haïtiens particulièrement armés sont basés sur les côtes sud des deux îles face à la Colombie. Entretiens de Crisis Group avec le personnel de la MINUSTAH et de la PNH, Les Cayes, 28 mars 2007. 181 Deux zodiacs ont été offerts mais le commandement local de l’UNPOL les a considérés inutilisables. Entretiens de Crisis Group avec le personnel de la MINUSTAH, Port-auPrince et Les Cayes, 28 mars, 17 mai, et 21 mai 2007. Page 22 semaines, et Washington doit encore déterminer si le risque que le trafic entrave l’investissement international dans la stabilisation d’Haïti justifie une mission de contrôle à long-terme. Dans certaines zones rurales, où la PNH et la MINUSTAH n’opèrent pas, l’ordre public est assuré par le CASEC ou des personnes qui agissent avec l’accord informel du maire pour faire usage de la force si nécessaire.182 Cette pratique extra-judiciaire peut parfois maintenir la paix dans des lieux particulièrement isolés du poste de la PNH le plus proche mais les tensions peuvent rapidement être exacerbées à cause de conflits fonciers, familiaux ou politiques incontrôlés.183 À Aquin par exemple, où le maire et le délégué local étaient escortés de gardes du corps, les problèmes se sont aggravés au mois de mai, lorsque le maire tenta de retirer au délégué sa protection armée. La frontière entre politique et violence demeure mince et la PNH n’est pas encore en mesure de jouer un rôle neutre dans le pays. De nombreux maires maintiennent la pression pour obtenir la mise en place d’une police municipale, 184 à laquelle le président Préval s’oppose formellement. Le 14 mai, il a d’ailleurs réaffirmé la responsabilité du maintien de l’ordre exclusive de la PNH.185 Les observateurs mettent l’accent sur les dangers d’une force de police supplémentaire en plus de la PNH et se demandent qui assurerait son financement et sa supervision.186 Cela ne pourra fonctionner qu’avec une réforme en profondeur de la PNH et l’élimination de ses éléments corrompus et criminels. Le processus de probation, avalisé par le Conseil de sécurité et Préval, fut long à démarrer. Il a commencé par les instances dirigeantes de la PNH et la mise en place d’enquêteurs spéciaux venus de la police des Nations unies et de la PNH début 2007.187 Environ 160 officiers de police ont subi la probation à Jérémie et dix-neuf ont été transférés. On ne sait pas 182 Entretiens de Crisis Group avec le personnel de l’UNPOL et des experts locaux des droits humains, Les Cayes, 18 mai 2007. 183 Entretien de Crisis Group, Les Cayes, 4 mai 2007. 184 La municipalité de Cavaillon voulait organiser un forum sur la police municipale avec le soutien de la MINUSTAH, qui n’a pas accepté. Entretien de Crisis Group avec le personnel de la MINUSTAH, Les Cayes, 17 mai 2007. 185 Radio Kiskeya, 14 mai 2007. 186 Correspondance de Crisis Group avec des experts juridiques internationaux, Washington et New York, 5 juillet 2007. 187 Le processus de probation faisait partie de la réforme de la police validé par Luc Eucher, secrétaire d’État à la sécurité publique, et Mario Andresol, directeur général de la PNH, malgré un léger retard au début, avant la clarification de certaines étapes. Entretien de Crisis Group avec le personnel de la MINUSTAH, 15 février 2007. Consolider la stabilité en Haïti Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007 encore combien d’entre eux seront révoqués, poursuivis ou réintégrés, sans armes, dans la communauté. Le processus de probation est en cours aux Cayes. 3. Des délégations et des ministères sans pouvoir dans celui de la Planification et de la Coopération externe, qui est supposé réunir mensuellement toutes les agences gouvernementales et les ONG dans des rencontres vouées à l’échange d’informations sur des questions locales et des programmes de développement. 4. Les administrations locales ne sont pas en mesure de remplir leur mission. Le ministère de l’Intérieur dispose d’un budget inapproprié d’environ 503 millions de gourdes (soit un peu plus de 13.2 millions de dollars) pour financer les salaires et subventions de tous les délégués et municipalités du pays.188 Les nominations des délégués sont particulièrement politisées et la plupart des élus attendent toujours leur nouveau mandat de la part du gouvernement élu en 2006.189 Le président Préval a annoncé le 14 mai 2007 seulement qu’ils seraient déterminés dans l’année.190 Les délégués et vice-délégués jouent le rôle de tampon entre la population et le gouvernement et sont la cible des plaintes et du mécontentement populaire, mais ceux qui tentent de faire entendre leurs griefs à Port-au-Prince ont souvent l’impression que personne ne s’en préoccupe. Euxmêmes ne peuvent pas respecter la loi, qui leur demande de se déplacer à chaque fois que cela est nécessaire et le plus souvent possible dans leur département.191 Chaque ministère est censé être représenté dans les grandes villes afin de mettre en œuvre les politiques nationales via des plans de développement municipaux et départementaux. Mais en 2006, les financements et la mise en œuvre des politiques se sont trouvés limités, non seulement à cause de ressources insuffisantes mais aussi de l’inexpérience et de l’inefficacité qui caractérisent la gestion des ministères,192 y compris Page 23 L’aide extérieure et la gouvernance locale La majeure partie des ressources à disposition des structures gouvernementales pour assurer services de base, emplois et développement proviennent de bailleurs de fonds. La manière dont elles sont utilisées est fondamentale pour le maintien local de la stabilité et de la paix. Le bureau d’initiatives de transition de USAID (OTI) a financé l’initiative pour la transition en Haïti (HTI) dans plusieurs villes, et sa mise en œuvre a été confiée à l’OIM pour la période 2004-2006. Son objectif était de revitaliser la gouvernance locale en encourageant la consultation entre les communautés et les institutions étatiques afin de déterminer les besoins en infrastructures à court terme.193 L’OIM, soutenue par des fonds d’USAID supplémentaires, continue son action par le biais du PREPEP (Programme de revitalisation et de promotion de l’entente et de la paix), dans les mêmes zones.194 Des initiatives de long terme ont vu le jour dans les grandes villes depuis le début de l’année 2007. La première d’entre elles, KATA, est un programme d’un montant de 80 millions de dollars financé par USAID et mis en œuvre par CHF. Il exige un changement culturel en profondeur dans les pratiques de gouvernance locale. En rassemblant l’ensemble des parties prenantes à la même table et en s’en tenant aux règles, ce projet tente de les forcer à prendre des décisions transparentes et à rompre avec l’avidité et la corruption qui ont toujours 188 Le budget initial pour 2006-2007, de presque 382.4 millions de gourdes (soit près de 10 millions de dollars), a été revu à la hausse dans le « budget révisé » de mai 2007. Entretien de Crisis Group avec le personnel du ministère de l’Intérieur, Port-au-Prince, 29 mai 2007. 189 La situation politique instable a nui à la continuité de l’administration. Aux Gonaïves par exemple, sept différents délégués ont été nommés en sept ans. Entretien de Crisis Group avec un membre de délégation, Gonaïves, 14 février 2007. 190 MINUSTAH News, 14 mai 2007. 191 « Décret sur les délégués et vice-délégués », op. cit. Aux Cayes, le véhicule que la délégation utilise appartient au Sénat ; le délégué doit louer une chaloupe locale pour se rendre sur l’île voisine qui se trouve aussi dans sa circonscription. Pour certains observateurs internationaux, le poste de vice-délégué devrait être intégré dans la fonction du maire. Entretien de Crisis Group, Les Cayes, 17 mai 2007. 192 Le président Préval l’a reconnu lors de sa conférence de presse du 13 mai. Ronald Colbert, « Haïti : des points forts et des difficultés pendant une année de présidence », Alterpresse, 13 mai 2007. 193 Les programmes de l’OTI ont en général une visée à court terme et sont mis en place dans des pays dont la stabilité ne permet pas une aide au développement de grande échelle et sur le long terme. L’HTI a été mise à exécution par les bureaux de terrain à Port-au-Prince, Cap Haïtien, aux Cayes, Petit Goâve, Saint Marc et aux Gonaïves. « Final Evaluation », op. cit., p. 2. Près de 12 millions de dollars avaient été dépensés dans 546 projets au mois de juillet 2006. « Actual projects [were] less important than their impact on building community cohesion, increasing community capacity, building links between citizens and their government and demonstrating that positive change is possible ». Ibid, p. 3. 194 Le PREPEP est actif à Port-au-Prince, Saint Marc, Gonaïves, Petit Goâve, et Cap Haïtien. « Rapport externe du PREPEP », du 1er au 31 mars 2007. Consolider la stabilité en Haïti Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007 laissé les plus pauvres sur le côté.195 L’objectif est de permettre aux communautés de prendre leurs responsabilités, pour le meilleur et pour le pire, en utilisant les ressources que le programme leur confie. Pour y parvenir, il faudra assurer une communication transparente via les médias locaux, un contrôle financier rigoureux ainsi qu’une évaluation interne et un solide soutien politique de la part de la mission de USAID, du ministère de l’Intérieur et des autorités locales. C. CRÉER UNE ADMINISTRATION LOCALE ET LE DÉBAT SUR LA DÉCENTRALISATION Les structures récemment mises en place devraient être soutenues et accompagnées à court terme mais le système n’est pas viable et a besoin d’être réformé au cours du mandat de Préval. De cette manière, il sera possible de jeter les fondements de politiques de développement local efficaces. 1. Créer les administrations locales Dans de nombreuses régions, les organes du gouvernement ont rassemblé le personnel dans les mêmes bâtiments administratifs.196 Dans le département du Sud, la BID apporte son soutien à la construction d’un bâtiment administratif qui accueillera tous les organes départementaux, à l’exception de la délégation.197 Certains bâtiments municipaux et des délégations ont été réhabilités par la MINUSTAH grâce à ses projets à impact rapide et ses équipes des affaires civiles. 198 Après les élections locales, la MINUSTAH a alloué le reste de son budget impact rapide aux délégations et municipalités. Des «kits de démarrage», qui contiennent notamment des fournitures basiques de bureau, vont être distribués dans tout le pays. Page 24 de la perception des taxes et des dépenses publiques. Le ministère de l’Intérieur a animé plusieurs sessions de formation pour les maires sur des questions juridiques, budgétaires, fiscales et de gestion.199 Le président Préval a rencontré des centaines de maires et d’autres élus locaux lors de leur dernière session de formation à Portau-Prince, à la mi-juin. 200 La DGI a commencé à travailler en collaboration avec des municipalités de Port-au-Prince (dont Cité Soleil) et avec les départements pour organiser des formations et forums sur la fiscalité locale. 201 En règle générale, les participants ont fait preuve d’enthousiasme, bien que certains se soient montrés sceptiques quant à la capacité des ménages les plus pauvres de s’acquitter des impôts locaux. 202 2. Le débat sur la décentralisation Le 13 mai, le président Préval a annoncé le renforcement des autorités locales au cours de l’année 2007 mais le processus devra être poursuivi pendant toute la durée de son mandat, qui prend fin en 2011. Le gouvernement de transition avait voté un paquet de réformes sur la décentralisation mais le gouvernement actuel considère qu’il est irréaliste.203 Il comprenait la création de conseils consultatifs de développement aux niveaux de la section communale, de la municipalité et du département. 204 Cela semble artificiel et redondant dans la mesure où la tâche principale de tout organe local devrait être d’élaborer des plans de développement. De la même manière, prendre de longues dispositions concernant les procédures et les organes chargés de gérer les conflits entre les organes locaux semble bien loin des réalités haïtiennes. La loi sur les sections communales prévoit le versement d’un salaire mensuel aux membres des CASEC et d’une indemnisation à ceux qui participent aux réunions des ASEC. Toutes ces dépenses sont censées être couvertes La prochaine étape est celle de la durabilité des structures locales du pouvoir, en améliorant l’efficacité 195 KATA signifie « Konbit Ak Tet Ansanm » (travailler ensemble). Entretiens de Crisis Group avec le personnel de CHF et des représentants de l’administration locale, Gonaïves, 3-5 mai 2007. 196 C’est le cas aux Cayes et à Gros Morne, où Crisis Group a visité ces bâtiments. Cette méthode est également envisagée par la commission interministérielle chargée des questions transfrontalières dans la ville frontalière d’Anse à Pitre. « Anse à Pitre dans l’attente d’un complexe administratif », Le Nouvelliste, 8 juin 2007. 197 Entretien de Crisis Group avec des membres du personnel de la délégation, Les Cayes, 29 mars 2007. Voir également www.iadb.org. 198 Informations provenant de la base de données des projets à impact rapide (QIP) partagée par la MINUSTAH, 24 mai 2007. 199 Entretien de Crisis Group avec le personnel du ministère de l’Intérieur, Port-au-Prince, 29 mai 2007. 200 Entretien de Crisis Group avec le président Préval, Washington, 20 juin 2007. 201 Ces forums ont eu lieu à Chantal, Cavaillon (Sud) et Saint Marc. 202 La question a été posée au forum de Chantal, le 10 mai 2007. Entretien de Crisis Group avec le personnel de la MINUSTAH, Les Cayes, 17 mai 2007. 203 Un employé du ministère de l’Intérieur qualifia les lois de « folles » en raison de leur complexité. Entretien de Crisis Group, Port-au-Prince, 29 mai 2007. 204 Projet de décret décrivant le cadre de la décentralisation, 1er février 2006, Articles 27, 58, 59 et 138. Ces conseils seraient financés par un nouveau « fonds de soutien à la gouvernance locale ». Consolider la stabilité en Haïti Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007 par le budget de la section communale, qui, dans de nombreux cas, n’existe pas.205 Les délégués et vice-délégués doivent être rapidement confirmés ou leurs remplaçants nommés au plus vite, ce qui permettra de mettre fin à l’incertitude générale.206 De même, le personnel du ministère de l’Intérieur devrait être élargi pour pouvoir mener à bien les réformes et superviser et accompagner les autorités locales de manière plus efficace.207 Les maires, délégués et vice-délégués doivent être mieux formés et s’engager davantage pour animer un débat national sur la gouvernance locale. Une meilleure gestion du pouvoir local et une utilisation adéquate du Fonds de gestion et de développement des collectivités territoriales sont indispensables mais ne suffiront pas.208 Le gouvernement a formé une soixantaine de contrôleurs financiers territoriaux pour fournir une assistance en matière de gestion des finances publiques. Ils seront essentiels dans le processus de modernisation de l’administration publique locale et devraient être déployés au plus vite.209 Les bailleurs de fonds sont prêts à redoubler leurs efforts mais attendent toujours une vision politique plus claire de la part du gouvernement.210 Page 25 La gouvernance locale doit être simplifiée, et cela nécessitera probablement des amendements à la Constitution. Le rôle des ASEC et CASEC, qui n’ont pas de véritables fonctions administratives, 211 devrait être révisé et les deux organes pourraient éventuellement fusionner pour former des conseils municipaux plus importants. 212 L’inconvénient du système des ASEC/CASEC est son coût électoral, pour le moment couvert par les bailleurs de fonds. Les fonctionnaires locaux ont besoin d’être formés, assistés dans la gestion de leur carrière et supervisés, et de connaître leurs obligations en termes juridiques mais aussi pratiques.213 Le ministère de l’Intérieur a présenté des projets de loi sur la commune et les sections communales devant le Parlement.214 Les limites territoriales doivent être redéfinies en toute logique pour mettre fin aux débats autour des contradictions juridiques et aux déséquilibres dans la représentation politique. 215 Les municipalités recevant davantage de ressources, des tensions accrues autour de leur contrôle financier et politique vont apparaître. Il faudra les résoudre avec précaution et en toute transparence.216 205 Les ASEC et CASEC ont trouvé comment générer des ressources : en percevant une taxe, par exemple, sur la déclaration des naissances ou d’autres activités qui sont normalement du ressort des autorités municipales. Entretien de Crisis Group avec le personnel administratif local, Gros Morne, 4 mai 2007. 206 Entretiens de Crisis Group, Gonaïves, 4 mai 2007 et Les Cayes, 29 mars 2007. 207 Le ministère emploie environ 760 personnes. La police n’est pas de son ressort mais il est responsable, avec l’assistance du ministère de la Justice, de l’application des lois et d’autres mesures relatives à la sécurité publique. « Decree on the interior ministry, 17 May 1990 », Le Moniteur, 31 mai 1990. Il est chargé de coordonner les activités des autorités locales, soutenir les structures administratives locales et leur politique budgétaire, contrôler et coordonner les délégations et enfin participer à la préparation des budgets départementaux et des arrondissements. Ibid, section V. 208 Le ministère des Finances et de l’Intérieur et le conseil interdépartemental qui n’a toujours pas vu le jour doivent tous les trois approuver les décisions relatives au Fonds de gestion et de développement des collectivités territoriales (FGDCT). Certains observateurs affirment que cela a systématiquement débouché sur la malhonnêteté des deux ministères. Entretien de Crisis Group avec un expert haïtien de la gouvernance locale, 28 février 2007. 209 Entretien de Crisis Group avec le personnel du ministère de l’Intérieur, Port-au-Prince, 29 mai 2007. 210 Entretien de Crisis Group avec des membres de la délégation de la Commission européenne, Port-au-Prince, 14 mars 2007. 211 Véronique Dorner, op. cit., p. 6. Entretien de Crisis Group avec le personnel du ministère de l’Intérieur, Port-au-Prince, 29 mai 2007. 213 La proposition, insérée dans un projet de décret en 2006, de créer un institut de formation mérite d’être soutenue, même si d’autres éléments de ce projet semblent irréalistes compte tenu des ressources publiques à disposition. Projet de décret sur « la gestion des employés dans le service public local et ses organes publics », 1er février 2006. Il prévoit la création de plusieurs organes, notamment un conseil d’administration locale (art. 10) composé de représentants du conseil interdépartemental, du ministère de l’Intérieur et d’organisations professionnelles/de syndicats locaux de fonctionnaires ; un institut national pour l’administration locale (art. 16) ; et quatre centres régionaux de gestion des ressources humaines (art. 28). 214 Entretien de Crisis Group, avec le personnel du ministère de l’Intérieur, Port-au-Prince, 29 mai 2007. 215 « Vers une politique nationale de décentralisation », op. cit. 216 Certaines situations locales sont peut-être déjà sources de conflits, comme à Cabaret et l’Arcahaie. Les limites territoriales de la municipalité de Delmas (Port-au-Prince) ne sont pas clairement définies. Une fonctionnaire a déclaré à Crisis Group qu’elle avait reçu deux relevés d’imposition des municipalités de Bourdon et Delmas, et elle n’est certainement pas un cas isolé. Entretien de Crisis Group, Port-au-Prince, 29 mai 2007. 212 Consolider la stabilité en Haïti Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007 VII. CONCLUSION Haïti a besoin de consolider la fragile stabilité acquise à Port-au-Prince contre les gangs au début de l’année. La MINUSTAH est un facteur essentiel du contexte sécuritaire. Cependant la seule voie possible consiste à renforcer les structures de l’État, à lancer des programmes d’envergure définis avec les communautés et à s’attaquer aux sources de conflit qui subsistent dans la société. Les bailleurs de fonds ont généreusement soutenu la réforme de la police qui jouit désormais d’un soutien politique fort mais cette force demeure petite, faible, mal formée et le processus d’épuration des éléments corrompus est seulement en cours. Les progrès macro-économiques devraient induire plus d’investissement public et de dépenses orientées vers le développement visant à distribuer des services de base à travers tout le pays. La création d’une administration publique transparente et qui rend des comptes nécessite une attention constante pour la gouvernance économique, la perception des taxes et des dépenses publiques à long terme orientées vers le social, l’État de droit et les infrastructures. De profondes réformes sont nécessaires pour moderniser le Parlement et professionnaliser la vie politique. Les autorités du Parlement et les électeurs doivent imposer une nouvelle discipline. Cité Soleil est plus qu’un ballon d’essai symbolique pour la transition et la reconstruction post-conflit. La perception du contexte politique et économique dépendra en partie d’une coopération stratégique et de long terme entre le gouvernement et les bailleurs de fonds sur le redressement. Si les victimes de la violence des bidonvilles constatent que de nouvelles infrastructures, des services et des emplois leur sont proposés équitablement, elles deviendront probablement des acteurs du changement. Page 26 Maintenant que les gangs politisés et criminels sont pour la plupart sous contrôle, l’autorité légitime de l’État doit s’étendre aux autres zones urbaines et rurales, y compris les ports et les passages frontaliers. Consolider la stabilité dépend aussi de la perception donnée par le gouvernement qu’il est en train de limiter l’impunité et de renforcer l’État de droit en réformant les prisons et la justice. Le degré de soutien financier devrait à terme être lié aux progrès accomplis dans la mise en œuvre de ces réformes. En plus du vote des trois lois principales sur la réforme de la justice, une inspection judiciaire plus forte est nécessaire pour discipliner les magistrats, contrôler la qualité et les résultats du travail des tribunaux et de la Commission de détention. L’examen, l’instruction et le jugement non-partisans et indépendants des assassinats politiques les plus notoires de l’histoire récente du pays sont nécessaires. Les criantes inégalités socio-économiques continueront d’alimenter naturellement la violence si plus d’emplois ne sont pas créés et si ceux qui en ont la capacité ne reçoivent pas de formation professionnelle. La stabilité politique et économique, pour limiter l’exode rural de la majorité de la population vivant encore en dehors de la capitale, passera inévitablement par le développement décentralisé. Les projets participatifs de développement soutenus par les ministères centraux plus forts sont les meilleurs outils pour élaborer une gouvernance locale démocratique et amener les services de base à la portée des plus pauvres. Des amendements constitutionnels devront ensuite être envisagés pour rationaliser une gouvernance locale trop complexe exigeant un système électoral peu viable et trop coûteux. Port-au-Prince/Bruxelles, 18 juillet 2007 Consolider la stabilité en Haïti Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007 Page 27 ANNEXE A CARTE D’HAÏTI 74o CUBA 73o 72o ÎLE DE LA TORTUE Palmiste 20o HAITI International boundary Departmental boundary National capital Departmental seat Town, village Main road Secondary road Airport 0 0 10 5 20 10 30 15 20 ATLANTIC Canal de la Tortue Pointe Jean-Rabel Port-de-Paix Cap Saint-Nicolas Cap-à-Foux 40 km 25 mi Le Borgne Monte Criste Baie de Cap-Haïtien Mancenille Plaine Quartier FortLimbé Caracol du Nord Morin Bombardopolis Liberté Baie de Henne Acul Pilate Phaëton Gros-Morne Limonade du Nord Anse-Rouge Trou-du-Nord Baie Plaisance N O R D Milot Terre-Neuve de Grande Ferrier Dajabón Sainte Henne Pointe Grande Rivière du Nord Suzanne Ouanaminthe Dondon Marmelade Perches NORD - EST Bahon Gonaïves Ennery Vallières Baie de Saint- Ranquitte ARTIBONITE la Tortue Mont-Organisé Raphaël Pointe de la Grande-Pierre Saint Michel Pignon La Victoire de l'Attalaye Baie de Golfe de la Gonâve Grand-Pierre Cerca Carvajal Grande-Saline Dessalines Môle St.-Nicolas Bassin-Bleu NORD - OUEST Port-Margot Petite-Rivièrede-l'Artibonite Maïssade Saint-Marc HAITI Verrettes 19o Canal de Saint-Marc Pointe de Montrouis ÎLE DE LA GONÂVE Thomassique C E N T R E Thomonde La Chapelle Magasin Mirebalais Arcahaie Duvalierville Pointe-à-Raquette Cerca-la-Source Hinche Belladère Lascahobas Baptiste Savenette Lac de Péligre Saut-d'Eau Cornillon Pointe Jérémie ÎLES CAYÉMITES Fantasque Trou Thomazeau PRESQU'ÎLE PORTÉt a Canal de Bonbon n DES BARADÈRES Croix des AUMoron la Gonâve Dame-Marie Roseaux Bouquets Gressier PRINCE Corail Petit Trou de Nippes Chambellan re Pestel Ganthier Carrefour Source Chaude Pétion-Ville Fond Parisien Anse-à-Veau Baradères Léogâne Jimani Anse d'Hainault G R A N D E - A N S E N I P P E S Petite Rivières Kenscoff Miragoâne de Nippes Petit-Goâve Grand-Goâve Les Irois O U E S T Fonds-Verrettes L'Asile Trouin Maniche La Cahouane Camp-Perrin Tiburon Cavaillon St. Louis Aquin Les Anglais La Vallée S U D - E S T BelleCayesdu Sud Vieux Bourg de Jacmel Chardonnières SUD Jacmel Anse Thiotte Marigot d'Aquin Jacmel Côteaux Chantal Port-à-Piment Bainet Côtes-de-fer Baie de The boundaries and names Les Cayes Grand-Gosier Jacmel Torbeck shown on this map do not Roch-à-Bateau Banane St.-Jean imply official endorsement Cap Raymond or acceptance by the United du Sud C A R I B B E A N S E A Port-Salut Nations. Abricots g Sa um ât 74o Map No. 3855 Rev. 3 June 2004 UNITED NATIONS ÎLE À VACHE 73o 72o Anse-à-Pitres 19o DOMINICAN REPUBLIC Pointe Ouest 18o 20o St. Louis de Nord Anse-à-Foleur Jean-Rabel OCEAN 18o Department of Peacekeeping Operations Cartographic Section Consolider la stabilité en Haïti Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007 ANNEXE B ABRÉVIATIONS ASEC Assemblée de section communale Alyans Alliance démocratique BID Banque interaméricaine de développement CARICOM Communauté des Caraïbes CASEC Conseil d’administration de section communale CAMEP Centrale autonome métropolitaine d’eau potable CHF Cooperative Housing Foundation CICR Comité international de la Croix-Rouge CIMO Compagnie d’intervention et de maintien de l’ordre COGESEPSOL Comité de gestion du système d’eau potable à Cité Soleil DGI Direction générale des impôts FAD’H Forces armées d’Haïti FGDCT Fonds de gestion et de développement des collectivités territoriales FRN Front pour la reconstruction nationale Fusion Fusion des sociaux-démocrates haïtiens GFCD Grand front centre droit GREH Grand rassemblement pour l’évolution d’Haïti HTG Gourde haïtienne HTI Haïti Transition Initiative IJDH Institut pour la justice et la démocratie en Haïti ISPOS Institute for Advanced Social and Political Studies JPDN Justice pour la paix et le développement national KATA Konbit Ak Tet Ansanm (Travailler ensemble) KID Konfederasyon Inite Demokratik (Confédération de l’unité démocratique) Konba Konbit pou Bati Ayiti (Travailler pour construire Haïti) LAAA Latibonit Ann Aksyon (L’Artibonite en action) Lespwa L’espoir, parti du président Préval MINUSTAH Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti MIRN Mouvement indépendant pour la réconciliation Nationale MOCHRENA Mouvement chrétien pour bâtir une nouvelle Haïti MODEREH Mouvement démocratique et rénovateur d’Haïti MPH Mobilisation pour le progrès d’Haïti Page 28 Consolider la stabilité en Haïti Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007 MRN Mouvement pour la reconstruction nationale NDI National Democratic Institute OCHA Office de coordination des affaires humanitaires des Nations unies OIM Organisation internationale pour les migrations OPL Organisation du peuple en lutte OTI Office of Transition Initiatives PADF Fondation panaméricaine de développement PLH Parti libéral haïtien PNDPH Parti national démocratique progressiste d’Haïti PNH Police nationale d’Haïti PONT Pou Nou Tout (Pour nous tous) PPRH Parti populaire du renouveau Haïtien RDNP Rassemblement des démocrates nationaux progressistes RNDDH Réseau national de défense des droits humains RSSG Représentant spécial du secrétaire général des Nations unies Tet Ansanm Tous Ensemble Union Union nationale chrétienne pour la reconstruction d’Haïti USAID United States Agency for International Development Page 29 Consolider la stabilité en Haïti Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007 Page 30 ANNEXE C LES POUVOIRS CENTRAUX ET LOCAUX EN HAÏTI EXÉCUTIF LÉGISLATIF JUDICIAIRE ORGANES AUTONOMES Niveau nat i onal Sénat, Chambre des députés Central Président Haute cour de justice Cour de Cassation Bureau du Premier ministre Conseil électoral permanent Ministères Secrétariats d’État Agences publiques autonomes Niveau in t erdépartemental Conseil interdépartemental Département Régional Délégué Conseil Départemental Assemblée départementale Cour d’appel Tribunal civil Directeurs départementaux des ministères Arrondissement Vice-délégué Mun i c i palité/Commune Conseil/cartel municipal Assemblée municipale Justice de paix Sections communales urbaines et rurales Délégué de ville CASEC (Conseil d’administration de section communale) ASEC (Assemblée de section communale) Consolider la stabilité en Haïti Crisis Group Rapport Amérique latine/Caraïbes N°21, 18 juillet 2007 Page 31 ANNEXE D LES VICTIMES DE KIDNAPPING 2006-2007 KIDNAPPING VICTIMS 150 140 130 120 110 100 Victims (2006) 90 Victims (2007) 80 70 60 50 42 40 29 30 27 20 20 9 10 0 Jan Fe Source : MINUSTAH Ma Ap Ma Jun Jul Au Se Oct No De