Des galets blancs venus de la mer

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Des galets blancs venus de la mer
REPORTAGES
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A Cayeux-sur-Mer, au Nord-Ouest de la France,
la société Silmer s’est rendue célèbre grâce à
son procédé quasi centenaire de production
de granulats blancs par calcination.
France
Des galets blancs
venus de la mer
A Cayeux-sur-Mer, dans le Nord-Ouest de
la France, Silmer produit depuis 1928 des
granulats extra blancs issus de la calcination
des galets de mer. Des produits à haute valeur
ajoutée exportés dans le monde entier.
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L
a Normandie, région française verdoyante
au Nord-Ouest du pays, se caractérise par
ses plages de galets et ses falaises blanches.
Ces dernières, composées de craie et de silex, vont
donner en s’éboulant les galets. Petit à petit, les blocs
de silex issus de l’affaissement s’érodent et s’entrechoquent sous l’énergie des vagues et des marées,
et, au fil des années, ils finissent par prendre une
forme arrondie. Ces galets de mer, composés à 99 %
de silice (SIO2), sont ramassés par la société Silmer,
qui les transforme par calcination en silice cristobalite très blanche. Cette cristobalite, produit haut
de gamme (environ 20 000 t sont produites par an),
est utilisée, après concassage, dans diverses applications : résines de sols, produits anti-dérapants,
mortiers de parements, béton ultra blanc ou encore
comme charge. « Nous ne sommes pas des carriers,
notre production reste artisanale, explique Brigitte
Pages, responsable technico-commerciale de
Silmer. Nous exploitons deux sites à proximité de
l’usine. Un en bord de mer pour lequel nous avons une
autorisation pour ramasser 30 000 t de galets par an.
Et un second site, en recul dans les terres, et à ciel
ouvert, où nous récupérons 80 000 t de galets de
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carrière chaque année. Nous n’avons une autorisation
que pour prendre les galets en surface, nous n’avons
pas le droit de creuser. Sur ce dernier tonnage, 30 000 t
repartent sur notre site en bord de mer, puisque nous
avons l’obligation de restituer chaque élément prélevé
en bord de mer. » Les galets ramassés sur la plage
sont calcinés à 1 600 ° C pour produire la cristobalite
extra blanche et ceux prélevés en carrière sont,
quant à eux, chauffés à 900 ° C pour la production
de granulats destinés à la réalisation de bétons
désactivés par exemple. Ces produits sont anti-dérapants, rétro-réfléchissants et non gélifs. « Les galets
de carrière présentent une légère couche d’oxydation
en surface. Moins de 0,5 % de la masse totale, indique
Brigitte Pages. Mais cette couche fait que l’on n’arrive
pas à obtenir de la cristobalite. Nous avons des
produits blancs, mais pas extra blancs. Nous en
Les galets sont transportés
par camion depuis le bord
de mer jusqu’à l’usine.
Il y a quelques années,
cette dernière a bénéficié
d’une rénovation d’environ
10 M€, l’environnement
marin étant nocif pour
les équipements.
fabriquons environ 50 000 t/an pour des applications
routières ou béton. »
La 3e gamme de silice calcinée produite par Silmer
est un granulat rose, le Granurose. Il est issu de la
calcination à 900 ° C de silex oxydés achetés par l’entreprise sur un autre site. « Les galets oxydés sont
roses en surface et blancs à l’intérieur. Une fois
calcinés et concassés, on obtient un mélange
rose/blanc », reprend Brigitte Pages.
Du blanc au rose
Les galets pour la
production de cristobalite
sont ramassés à la pelle,
puis criblés pour ne
retenir que la fraction
supérieure à 40 mm.
Silmer produit quelque 5 000 t/an de Granurose qui
peuvent être utilisées pour la réalisation de béton
désactivé ou comme sables. Au total, ce sont plus
d’une quarantaine de références qui sont au catalogue, avec des granulométries allant de quelques
microns à environ 20 mm selon les produits.
La transformation de ces galets en granulats à haute
valeur ajoutée se fait dans des fours quasi centenaires,
selon un savoir-faire unique, et sans catalyseur
chimique. « L’origine de la société, fondée en 1928, est
la production de silice calcinée à partir de galets de
mer, très purs en silice. Ils étaient ramassés sur le
domaine public maritime », raconte Bertrand Sannac,
directeur de l’usine de Cayeux-sur-Mer. Chauffée à
1 600 ° C, la silice amorphe composant les galets se
transforme en silice cristalline, en présentant une
perte de densité. Le galet affiche une densité réelle
de 2,65 et de 2,24 lorsqu’il est cuit. « La cristobalite
est composée de plus de 99 % de SIO2 , mais son état
physique est différent de celui d’un galet », précise
Bertrand Sannac. Outre sa blancheur exceptionnelle, la cristobalite présente des propriétés intéresn°908/juin/août 2012
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Silmer possède
8 fours.
La production
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est assurée par
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un automate.
En sortie de four, les paniers servent à freiner la
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chute des galets calcinés et contribuent à la bonne
vitesse de rotation. Les espaces sont déterminants
santes : une dureté importante de 7 Mohs, une
inertie chimique vis-à-vis des acides (excepté l’acide
fluorhydrique), un coefficient de dilatation nul entre
300 ° C et 1 000 ° C, une porosité pratiquement
inexistante et une gélivité nulle.
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Le tri des galets oxydés est encore assuré manuellement.
pour une calcination réussie.
Le réglage des ouvrants
pour l’alimentation
du four en oxygène
est toujours assuré
manuellement.
Un savoir-faire empirique
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A gauche, les galets et
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à droite, la cristobalite.
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Les galets sont acheminés par camion depuis la
carrière, située à 1 km à vol d’oiseau de l’usine. Une
fois sur le site de production, les galets sont rincés
afin d’éliminer toutes les traces de sable. Ils sont, soit
déchargés directement dans les trémies, soit stockés
sur site. Les galets issus du ramassage, d’une granulométrie supérieure à 40 mm, sont envoyés sur une
table de tri manuel afin de supprimer ceux qui sont
recouverts d’une couche oxydation. « Cette activité
pourrait être mécanisée, mais nous avons conservé
une personne pour le faire. Nous
avons la volonté de préserver
l’emploi », fait valoir Brigitte Pages.
Après triage, ces galets partent en
calcination à 1 600° C. « Quelques
galets peuvent échapper au tri,
cela donne quelques points de
couleur au produit final. C’est
ce qui fait la spécificité de nos
granulats. »
En parallèle, une seconde trémie achemine les galets
de carrière, d’une granulométrie de 20/40 mm,
directement dans un des fours à 900 ° C.
Silmer possède 8 fours verticaux. Quatre sont
constamment affectés à la basse température et 2 à
la haute température. Les 2 derniers peuvent être
“convertis” à la demande. « L’intérêt de ce système est
que nous pouvons nous adapter aux demandes,
précise Brigitte Pages. Nous fonctionnons avec des
stocks réduits. Aussi, il faut anticiper la production. »
D’origine et revêtues à l’intérieur d’un briquetage
spécifique, les tours fonctionnent selon le principe
des fours à chaux, avec une alimentation par le haut
et une réception de la matière par le bas. La flamme
de combustion est située au milieu de la tour. Elle
est répartie dans le four grâce à un système de ventilateurs. « Tout est empirique dans cette production et
ce savoir-faire a été développé au fil des ans,
conclut Brigitte Pages.
Si on change un paramètre, la calcination ne
se fait plus de la même
manière. Et ce sont nos
équipes qui réalisent la
maintenance. »
Corinne Bailly
www.acpresse.fr

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