Enième résurrection de la Citadelle

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Enième résurrection de la Citadelle
Enième résurrection
de la Citadelle
La presse, tant parlée qu’écrite, s’est fait volontiers l’écho du projet de
Xavier Luc Duval de revaloriser la Citadelle de Port-Louis, aussi connue comme le Fort
Adélaïde.
Nous aurions aimé rejoindre les rangs des thuriféraires de tous poils
s’extasiant devant le côté « challenging » d’un tel projet. Nous ne le ferons pas pour la
bonne raison que tous les Mauriciens ne sont pas amnésiques comme semblent être ceux
donnant l’impression d’approuver ce projet duvalien.
Xavier Duval doit savoir qu’il n’est pas le premier à vouloir réanimer cette
forteresse endormie. D’autres, et non des moindres puisque parmi figure son défunt père,
s’y sont employés avant lui avec des résultats plus proches du zéro que d’autre chose. Ne
nous plaignons pas car cet intérêt fugace et passager pour ce bâtiment historique a
considérablement amélioré son entretien général.
En deux mots, nous pouvons
aujourd’hui, moyennant quelques autorisations, le visiter de fond en comble et même les
réservoirs souterrains sans risquer rencontrer de nouveaux Pic-Pac, Leroi, Lefou ni même
le fantôme de ces trois meurtriers de deux jeunes enfants de la Plaine Verte voisine.
Il paraît étrange qu’aucun des nouveaux conseillers ni des journaux invités à
rendre compte de la visite ministérielle et duvalienne à la Citadelle n’ait apparemment
jugé bon d’attirer l’attention du nouveau ministre sur les précédents échecs d’y installer
une activité industrielle, commerciale ou touristique durable.
Il y a moins d’une
décennie, pourtant, pour ne pas remonter aux calendes grecques, il fut question de
transformer le Fort Adélaïde en un point de vente de nos produits artisanaux, pourtant
disponibles le long de la Chaussée ou de la rue Desforges. Xavier Duval a-t-il vu au Fort
Adélaïde pléthore de magasins de souvenirs de l’île Maurice et de produits artisanaux
même fabriqués à Madagascar, en Afrique ou en Chine, pourtant promis en long et en
large dans le cadre de ce projet proposé par l’un ou l’autre de ses prédécesseurs ? A-t-il
vu pléthore de touristes se pressant devant les comptoirs, étalages et éventaires ? Si non,
a-t-il demandé à ceux qui l’escortaient ou à ceux qui le recevaient le pourquoi de cette
absence ? La presse s’est-elle enquise de la réponse à donner à ces questions. Voilà
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autant de réponses et de précisions qui n’auraient pas manqué d’intéresser les lecteurs,
auditeurs et téléspectateurs de nos médias.
Nos journalistes seraient-ils également
atteints de l’amnésie frappant tant de nos politiciens et leur donnant si souvent
l’impression de vouloir réinventer la roue ? La moindre des choses qu’on puisse exiger
de nouveaux promoteurs d’un projet ayant si souvent capoté dans le passé, c’est qu’ils
prouvent à l’opinion publique qu’ils peuvent réussir là où les autres ont échoué et qu’on
peut compter sur eux pour ne pas retomber dans les erreurs de leurs prédécesseurs. Dans
ce cas, l’étude de fiabilité doit s’accompagner d’une analyse critique et exhaustive des
raisons des précédents échecs et de ce qu’on propose pour les éviter à coup sûr.
Après l’horreur du crime crapuleux d’octobre 1951, un voile de honte et
d’infamie, doublé d’un épais silence, s’abattit sur la Citadelle. L’endroit devint encore
plus sinistre et effrayant. Le Fort Adélaïde sortit de sa torpeur en novembre 1979 quand
la CEFEL de François Adam y organisa une exposition commerciale, intitulée « Maurice
Expo ». Il fut alors prévu de vendre, à la fin de l’événement tous les matériaux ayant
servi à la tenue de l’exposition, les autorités d’alors ayant refusé une offre d’acheter ce
matériel pour qu’il puisse être utilisé par de nouveaux occupants des lieux. C’était sans
compter avec le cyclone « Claudette » du 25 décembre de cette année qui transforma ce
matériel en une pelote géante où câbles électriques et téléphonique s’entremêlaient avec
les planchettes et les autres rondins. On s’aperçût alors que les vents tourbillonnant à
l’intérieur de la forteresse sont supérieurs aux plus fortes rafales enregistrées autour.
Il y eut ensuite plusieurs spectacles de la qualité d’un « Homme parmi les
autres », « Chantons la liberté », « Il était une fois… mille et une fées » (spectacle
organisé de ses 150 ans de jeunesse), « Starmania », spectacles suivis de concerts, de
même envergure, animés par des chanteurs étrangers. La France aida grandement à doter
notre Citadelle des équipements pouvant assurer sa sonorisation et son éclairage. Le fait
demeure, que tout promoteur voulant organiser quelque chose d’événementiel à la
Citadelle, a le plus souvent besoin de tout reprendre à zéro ou presque pour s’assurer de
ce qui peut être utilisé et de ce qui doit être remplacé. L’expérience est là pour le prouver
qu’il faut une tête d’affiche à hors de prix pour que la Citadelle fasse le plein.
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La partie n’est pas gagnée pour autant car il ne suffit pas de remettre à neuf
le Fort Adélaïade pour qu’il puisse accueillir des clients en nombre suffisant pour assurer
la rentabilité d’un quelconque projet. La Citadelle est particulièrement inaccessible à tout
piéton ou encore à tout occupant d’un « Katchiak Charly ». Les risques sont grands dans
le dernier cas que ce véhicule, souvent lourdement chargé, tombe en panne en pleine
rampe. Déjà, en pleine journée, ce risque est grand. Que dire alors d’une montée en
nocturne, quand les véhicules se suivent à la queue et que ceux qui vous précèdent font
du sur-place et que l’eau dans le radiateur se met à bouillonner. N’importe quel policier
vous dira qu’une affluence monstre le soir à la Citadelle, la seule pouvant espérer
rentabiliser une organisation événementielle quelconque, est un cauchemar tant pour les
chauffeurs que pour les autres passagers des véhicules garés au sommet de la Petite
Montagne et pour les policiers de service. Veut-on répéter ce cauchemar tous les jours ou
tous les soirs ?
Les comptes rendus de la visite ministérielle de Xavier Duval ne parlent pas
tant de spectacle que d’une sorte d’évocation historique avec panneaux et costumes
d’époque, portés par les employés du projet de transformation de Fort Adélaïde en centre
d’attraction touristique, en une sorte de « Dodoland » évoquant l’histoire de Maurice.
Nous ne demandons pas mieux qu’un tel projet aboutisse. Nous réclamons toutefois des
garanties en termes de viabilité et de rentabilité économique. Nous ne pouvons qu’aider
les promoteurs de cet énième projet de résurrection de la Citadelle de Port-Louis en leur
exigeant une préparation minutieuse et chiffrée du coût de leur initiative et de la solidité
de leurs espoirs de la rentabiliser.
En agissant de la sorte, ils peuvent s’éviter
l’humiliation d’un énième échec concernant ce monument historique.
L’utilisation
permanente de ce dernier ne peut être rentabilisée que par une activité ludique et
touristique, incitant le débours de sommes substantielles avec un coût minimal en termes
d’infrastructures et de personnel. Seule une activité concernant une poignée de clients
seulement mais pleins aux as peut assurer la rentabilité à long terme d’un site aussi
excentré et aussi inaccessible que la Citadelle. Valeur du jour, seul un casino, doublé de
restaurants, de bar, de salles de jeux, de billard, de concert, tous financés en grande partie
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par le roulement financier de joueurs invétérés, peut répondre à cette définition
comptable.
Signalons pour terminer à Xavier Duval et à ses nouveaux conseillers que
parallèlement à l’inaccessible Citadelle, il y a d’autres bâtiments historiques, situés dans
le centre de Port-Louis ou presque, qui sont pratiquement inoccupés et qui peuvent de
façon beaucoup plus sûre et plus rentable remplir la fonction touristique et ludique qu’ils
voudraient confier au Fort Adélaïde.
Citons, à leur intention : le Grenier, la gare
Victoria, les anciennes prisons de Port-Louis. D’autres peuvent remplir ce rôle pour peu
qu’on les débarrasse de leurs présents locataires qui peuvent aisément s’installer ailleurs :
les casernes des sapeurs pompiers de Port-Louis, les employés de la DWC, les tuyaux
percés de la CWA entassés dans les anciennes casernes françaises de la rue Decaen, à
proximité de la Gare Victoria. Il suffirait d’un peu d’imagination et de bon sens.
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