Analyse du film - Ciné
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Analyse du film - Ciné
, - 4 . 5 / 6 0 , 7 1 8 2 9 ! " : # $ ; % 3 < = > Mardi 13 janvier 1998 & ' ( ) ! * + Jeudi 15 janvier soit après-demain Le Ciné-Club participera à une soirée d’hommage au commandant Cousteau en organisant à 20 heures 30 la projection du Monde du silence. Film français de J-Y Cousteau et Louis Malle. 1956. Palme d’or à Cannes. Oscar du meilleur documentaire en 1957. L’entrée est gratuite, alors n’hésitez pas. Film américain en noir et blanc. 1941. 127 min. Scénario Photographie Musique Production John Lee Mahin, d’après Robert Louis Stevenson. Joseph Ruttenberg. Frank Waxman. Victor Fleming / MGM. Interprétation Spencer Tracy Ingrid Bergman Lana Turner Donald Crisp Ian Hunter Le malheureux et terrifiant héros de The strange case of Dr Jekyll and Mister Hyde, longue nouvelle de Robert Louis Stevenson écrite en 1885, est depuis longtemps rentré dans l'imaginaire collectif, détaché de l'oeuvre d'origine ; il a désormais sa place dans le panthéon des mythes de l'épouvante aux côtés du comte Dracula de Bram Stoker ou du Victor Frankenstein de Mary Shelley. Son histoire a connu un succès fulgurant, dépassé les bornes de la littérature, et inspiré une multitude de films plus ou moins fidèles au texte initial, parfois délirants comme le Dr Jerry et Mr Love de Jerry Lewis, repris récemment par Eddy Murphy dans Le Professeur Foldingue, ou des plus noirs, comme le dernier en date, de Stephen Frears, Mary Reilly. La version de 1941 réalisée par Victor Fleming est considérée comme l'une des deux références, avec celle de Rouben Mamoulian (1932) dont elle est d'ailleurs le remake. Si cette dernière emporte souvent la préférence par la virtuosité de la mise en scène, celle de 1941 la dépasse grâce à une interprétation haut de gamme de stars d'Hollywood réunies autour de Victor Fleming, forte personnalité et grand directeur d'acteurs. Il reprend à Mamoulian l'idée, absente du texte de Stevenson, des deux femmes qui renforcent la théma- Dr Henry Jekyll / Mr Hyde. Ivy Peterson. Beatrix .Emery Sir Charles Emery. Dr. John Lanyon. tique de la dualité, Beatrix la pure fiancée de Jekyll et Ivy, la fille de mauvaise vie, victime de l'ignoble Hyde. Le choix des actrices pour les deux rôles fit couler beaucoup d'encre : c'est en effet Lana Turner, célèbre pour sa poitrine généreuse, ses pulls moulants et ses shorts affolants qui joue la très-comme-il-faut Beatrix alors que la facile et sexy Ivy est interprétée par Ingrid Bergman, identifiée à une sainte depuis son rôle de Jeanne d'Arc, à tel point que son coup de foudre pour Rossellini, son divorce et le scandale qui suivit brisèrent sa carrière hollywoodienne. C'est d'ailleurs cette dernière, d'abord naturellement envisagée pour jouer Beatrix, qui se battit comme une enragée pour emporter ce rôle à contre-emploi, allant jusqu'à faire un essai devant Fleming pour le convaincre. On la comprend, car Beatrix demeure un second rôle quantitativement et qualitativement, même si Lana Turner s'en sort très bien, prouvant qu'elle est aussi une bonne actrice. Mardi prochain Suite du cycle sur le Double : Faux semblants (Dead Ringers), de David Cronenberg. Avec Jeremy Irons. Film américain. Couleurs. 1988. 115 min. Les frères Mantle sont jumeaux et gynécologues. Leur ressemblance est frappante au point qu’ils échangent leurs conquêtes féminines. C’est-à-dire que le plus sûr des deux confie à l’autre les femmes dont il s’est lassé - à leur insu, bien entendu. Un jour pourtant, le plus timide tombe amoureux d’une actrice. Le partage pose quelques problèmes. Un double rôle pour Jeremy Irons. Les mystères de la communication entre jumeaux. Un film trouble et techniquement Fleming nous offre donc un grand duo Spencer Tracy-Ingrid Bergman, dans une mise en scène sobre, voire académique pour certains, mais pas effacée, faite pour mettre en relief le talent de ses acteur. La reconstitution de l'époque victorienne est extrêmement soignée, qu'il s'agisse des cossus salons bourgeois où brille le Dr Jekyll, ou des bas-fonds de Soho où Mr Hyde vient semer le désordre. Cet arrière-plan social est d'autant plus important que Fleming, toujours à la suite de Mamoulian, a choisi de privilégier parmi les nombreux fils d'interprétation que propose le texte (la maladie, l'éthique scientifique, la question philosophique du bien et du mal, l'hybris de l'homme cherchant à égaler Dieu, revendiqué par Stevenson comme sujet principal) le thème des pulsions sexuelles de Jekyll que la société le force à refréner. La double composition de Spencer Tracy est à cet égard remarquable en tout point. Il campe un Jekyll sûr de lui, de son intelligence, et même de son génie, mais aussi de son charme ; c'est un homme à la libido manifestement débordante, qui ne peut s'empêcher de bécoter sa fiancée en public et qui est bien proche de céder à la drague forcenée de la charmante Ivy. Le conformisme victorien est incarné dans ces scènes d'abord par le père de Beatrix, et secondairement par son ami Lanyon, qui ont l'art d'importuner Jekyll à chaque fois qu'il est en train d'embrasser l'une ou l'autre, jeu de scène à la fois comique et révélateur. En effet, les frustrations sexuelles du docteur influent directement sur l'intrigue centrale : il décide de redevenir Hyde après le refus du père de Beatrix d'avancer la date du mariage, et alors que son domestique lui conseille d'aller se changer les idées dans une revue légère. Hyde apparaît dès lors comme l'inévitable produit du refoulement des désirs par les carcans moraux de la bourgeoisie victorienne. Tout est d'ailleurs déjà dit dans le brillant prologue de l'église, où le respectable Dr Jekyll envoie se faire soigner le fou qui vient d'interrompre un sermon clamant la supériorité du Bien sur le Mal, en hurlant de rire et en chantant la gloire de Belzebuth : il préfigure évidemment Mr Hyde, et lance dans son délire des avertissements prophétiques à Jekyll, visiblement troublé par l'incident. Le sermon, le lieu, la situation, et l'attention portée, à la fin de la scène, sur le mécontentement de Sir Charles devant les gamineries de Jekyll et Beatrix annoncent les grandes lignes du film. Mais on attend bien sûr avant tout les scènes de métamorphose. Les dernières sont décevantes, rendues par une succession en surimpression de plans du visage se modifiant légèrement à chacun d'entre eux. Les deux premières, beaucoup plus originales, permettent à Fleming, sans nous montrer rien de l'aspect extérieur du docteur, de donner libre cours à sa fantaisie en nous dévoilant ses hallucinations. Ces visions délirantes confirment la place majeure de la sexualité. Les images de nénuphars émergeant ou de volcan en éruption figurent l'ascension de Hyde, des sinistres tréfonds de l'âme (évoqués par Jekyll lors d'un dîner mondain) vers la conscience ; la dualité de l'âme est symbolisée par deux chevaux, un blanc, un noir, fouettés par un Jekyll rageur (étonnant souvenir de Platon, qui compare l'âme à semblable attelage dans le Phèdre) ; mais les deux jeunes femmes, surtout, sont omniprésentes, représentées dans des poses lascives. Mieux, elles se substituent, épaules nues, aux chevaux : les fantasmes sadiques du bon docteur Jekyll sont mis à nu, suggestion très osée pour l'époque et pour la très guindée MGM. Elle est d'ailleurs ac- centuée par les secondes visions, encore plus kitsch, jumelles cette fois de celles du Capitaine Haddock assoiffé dans le Crabe aux Pinces d'Or : Beatrix et Ivy apparaissent sous la forme de bouteilles débouchées avec brutalité. Malgré l'angoisse diffuse, le comique de ces scènes est indéniable, et certainement pas involontaire. En effet, ce mélange de ridicule et d'inquiétant est aussi présent chez Mr Hyde, dans la démarche simiesque et le comportement bouffon (cf la bagarre qu'il déclenche dans le cabaret où travaille Ivy) que lui donne Tracy, Jekyll à peine modifié : les cheveux plus longs, plus noirs et en bataille, les traits du visage plus accusés, les sourcils très fournis, en somme une sorte d'homme préhistorique très proche de nous, affublé d'un ricanement permanent qui évoque irrésistiblement le Joker, ennemi juré de Batman, avec qui Hyde, en véritable méchant de BD, partage cette jubilation à faire le mal. Tracy réussit à ne pas couper les liens entre les deux personnages, et fait de Hyde non seulement ce que repousse la bourgeoisie, mais surtout ce qu'elle cache. La brutalité de Hyde pour Ivy, les insultes qu'il lui adresse (boniche) sont propres aux préjugés de classe que peut avoir Jekyll. Plus globalement, Hyde, plutôt réjouissant au début, devient de plus en plus inquiétant à mesure que Jekyll perd le contrôle, jusqu'à devenir un véritable démon bondissant dans la brume londonienne. L'atmosphère générale du film évolue vers la même noirceur, servie par une superbe photographie qui joue à merveille dans les dernières scènes des ombres et lumières de la nuit de Londres. Mais si Hyde fait peur, c'est en grande partie grâce à Ingrid Bergman. Elle nous communique sa terreur pour Hyde par ses regards apeurés, ses attitudes craintives devant son bourreau, ses maladroites et vaines tentatives de paraître sûre d'elle et de masquer son cauchemar. Plus qu'une victime chargée de rendre Hyde répugnant, Ivy est le pivot de toute l'intrigue : du point de vue dramatique, elle est le seul point de contact entre les deux visages de Jekyll, et semble se douter un moment de l'incroyable vérité ; elle représente également, par sa situation, son accent vulgaire et ses expressions populaires un espace social normalement interdit au grand bourgeois qu'est le docteur Jekyll. Enfin, sa sensualité en fait la clé même de l'oeuvre. Apprentie prostituée à la fois naïve et très consciente de ses charmes et de leurs effets sur Jekyll, elle ne se rend pas compte qu'en attisant les désirs de ce dernier par ses sourires enjôleurs et ses oeillades sans ambiguïté, elle ne fait qu'exciter le monstre en lui et précipiter sa propre perte. Le film suit la trajectoire d'Ivy autant que celle de Jekyll/Hyde, dans la mesure où l'intrigue se noue peu après la rencontre fortuite entre les deux personnages, et que le héros ne survivra guère à l'héroïne. Porté par le talent de Spencer Tracy et Ingrid Bergman, Fleming parvient à inscrire dans son film deux esthétiques divergentes : la représentation minutieuse et appliquée de la société victorienne et de ses interdits prédomine, plus savoureuse encore quand l'on songe au puritanisme ambiant à Hollywood ; surgit parfois d'autre part, amené autant par Ivy que par Mr Hyde, un grain de folie qui nous plonge soudain dans un monde de bande dessinée (pour adultes), un monde "de sexe et de violence", typique de la liberté de ton que se permettait Fleming. Renaud Pasquier. D’autres versions... La longue nouvelle de Stevenson a connu de très nombreuses adaptations à l’écran. Entre autres, pour l’époque du muet, - celle de John S. Robertson (1920) - celle de Louis Mayer (1920) - Murnau (1920) : Der Januskopf. et pour le parlant, - Rouben Mamoulian (1932), dont le scénario -très libre par rapport à l’ouvrage original- est repris par Fleming. Certainement la plus réussie. - Renoir, (1959) Le Testament du Docteur Cordelier. - Terence Fischer (1960) The Two Faces of Dr Jekyll. - version humoristique de Jerry Lewis : Dr Jerry & Mr Love (The Nutty Professor, 1963) et sa reprise par Eddy Murphy (Professeur Foldingue, 1996) A noter qu’il existe une adaptation théâtrale de 1887 de T.R. Sullivan, dont se sont inspirés Mamoulian et