le gynécologue mis en examen pour viols exerce

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le gynécologue mis en examen pour viols exerce
LE GYNÉCOLOGUE MIS EN EXAMEN POUR VIOLS
EXERCE TOUJOURS À L'HÔPITAL D'ALÈS
position de fragilité (malade ou en demande d'aide) et quand il s'agit d'agression
sexuelle. On le constate encore par les nombreux témoignages n'ayant pas donné lieu à
des plaintes qui émergent sur des réseaux sociaux et les personnes autour de nous
parlant de ce praticien avec crainte et dégoût. Sans grande surprise, ni la justice pénale,
Janvier 2015
ni la direction de l'hôpital, ni l'ordre des médecins ne se
De fil en aiguille, on se retrouve à plusieurs, des
donnent la peine d'intervenir. Pire, ceux-ci s'empressent, de
femmes surtout, à discuter du gynécologue alésien, le
Quelques dates dans l'affaire Cohen
manière indécente, de soutenir ce gynécologue plutôt que
Docteur Cohen, mis en examen pour « agressions sexuelles »
2009 : Plaintes auprès du Conseil de l’ordre des médecins,
de considérer le risque pour les femmes d'être agressées ou
réponses concises et pas de signalement auprès du parquet.
et « viols aggravés » dans le cadre de sa fonction. Certaines
maltraitées par lui. On apprend maintenant qu'à Alès, des
Fin janvier 2014 : Plaintes au pénal pour des faits datant de
d’entre nous ayant eu affaire à lui témoignent du malaise
patientes demandent à d'autres soignant-es de les
1990 à 2013 (le docteur exerce à Alès depuis 1985).
qu’elles ont ressenti à son égard lors des consultations
accompagner en consultation pour ne pas se retrouver
17 février 2014 : Les plaignantes ont créé une page facebook
(absence d’écoute, obligation à subir une échographie par
afin de recueillir des témoignages d’autres victimes
seules avec le docteur Cohen. Que d'autres s'organisent,
voie vaginale, attitude méprisante et agressive, etc.). Il est
présumées.
malgré les difficultés, pour ne surtout pas accoucher ou être
absolument certain qu'aucune d'entre nous n'accepterait de
28 février 2014 : Dépôt de plainte par le Docteur Cohen pour
examinées à Alès, de peur de « tomber » sur lui, préférant
se retrouver à nouveau entre ses mains. Pour d'autres
dénonciation calomnieuse contre les plaignantes.
faire des kilomètres pour aller à Ganges ou à Nîmes.
Mai 2014 : Procès des plaignantes pour dénonciation
femmes qui ne l'ont pas rencontré, savoir cela suffit à
POUR CES RAISONS , NOUS APPELONS AU BOYCOTT DE CE
calomnieuse. Suite à ce procès, la page facebook d'appel à
s'insurger contre la décision judiciaire du 6 août 2014 et celle
GYNÉCOLOGUE.
témoins a dû être retirée.
de ses employeurs lui permettant de reprendre l’exercice de
10 juillet 2014 : Garde à vue de 48h pour le docteur Cohen,
Nous refusons la manipulation qui consiste à faire croire
sa profession, après un mois d’interdiction d'exercer.
remise en liberté et mise en examen pour viols aggravés et
que nous n’avons pas d’autre choix que de s’en remettre
agressions sexuelles avec une série d’interdictions dont
aux mains d’un soignant violent pour obtenir une
Cette décision de la cour d’appel de Nîmes inflige
l’interdiction d’exercer.
échographie, un avortement, un soin pour une mycose
6 août 2014 : Décision de la cour d’appel de Nîmes qui
une humiliation de plus à toutes celles qui ont témoigné
vaginale, parce qu’il est compétent, parce qu’il n’y aurait
assouplit le contrôle judiciaire et lève l’interdiction d’exercer.
avoir été victimes d’abus de pouvoir et d’abus sexuel de la
soit disant pas assez d’autres soignants disponibles. A ce
part du docteur au sein de son cabinet. Elle met également
sujet, nous souhaitons informer ou rappeler que les sagesen danger celles qui n’ont jamais entendu parler des
femmes peuvent assurer les suivis gynécologiques courants et les suivis de grossesse
agissements de ce dernier et qui y sont exposées. Alors même que les abus auraient été
dans de bonnes conditions et souvent avec plus de considération pour les individues
perpétrés dans le huis clos de ses cabinets, sur des patientes qui pour leur santé ont
(plus de temps, approche physiologique et non pathologique, consultation à domicile,
besoin de lui et des « compétences » que son statut professionnel lui confère, la
etc.). En outre, il existe d’autres gynécologues sur Alès, y compris à l'hôpital public, et
défense prétend qu’une interdiction d’exercer est disproportionnée. Et les juges lui
d’autres praticiens sont en mesure de faire des échographies, notamment à la clinique
donnent raison. Dans le cadre d’une instruction pour viols et agressions sexuelles, il est
Bonnefon.
irresponsable que le docteur ne soit pas mis hors d’état de nuire. Il s’agit pour nous
Cette affaire n’est pas la première et ne sera certainement pas la dernière au vu
surtout de dénoncer le mépris pour les personnes plaignantes et en général pour ce
de la quantité de personnes hauts placées qui valident par leur silence et leur passivité
type de plaintes.
des comportements maltraitants alors qu’ils leur ont été signalés depuis plusieurs
Rappelons que dans ce type de situations, le nombre de plaintes est très faible par
années. Le conseil de l’ordre des médecins qui était informé depuis 2009 n’a eu aucune
rapport au nombre d'expériences violentes vécues. Le fait de parler des agressions
réaction et a ainsi renvoyé les personnes plaignantes à leur peur et à leur impuissance à
qu'on a subi, a fortiori de les dénoncer publiquement, se révèle d'autant plus difficile
quand l'agresseur est dans une position sociale élevée, quand on se retrouve dans une
faire cesser ces actes (comme dans l’affaire ô combien similaire du Dr Hazout finalement
jugée en février 2014).
Plus puissant que l'ordre des médecins, le corporatisme et le soutien des
personnes de la même classe sociale construisent une forteresse autour d'un homme
puissant et le rendent inattaquable. L’hôpital et les autres praticiens ont eu vent de
comportements inquiétants depuis longtemps, en témoignent des paroles glanées dans
la presse ou ailleurs. Cette personne est donc soutenue par ses pairs et encouragée par
tout un système à continuer à violer et humilier des femmes.
Face aux plaintes, le Dr Cohen n'a pas tardé à réagir : celles qui ont osé
témoigner de leur histoire à la presse et l'assigner en justice pour ces actes, ont déjà dû
subir une comparution pour diffamation en mai dernier, alors que le gynécologue n'a
lui-même pas été jugé. Grâce à son pouvoir au sein des institutions influentes de la
société, il suffit au docteur Cohen d'un procès de contre-attaque pour retourner les
accusations qui pèsent sur lui. La manœuvre est simple pour un grand homme :
discréditer ses victimes, sauver sa réputation et dissuader d'autres personnes de porter
plainte contre lui ou de s'exprimer publiquement sur cette affaire.
Il est nécessaire de ne pas simplement focaliser sur cet événement en
particulier et d’attendre une gestion par la justice d’état de ces cas soit-disant
exceptionnels, mais évidemment de s’interroger sur la façon dont un système entier
produit ses agresseurs et ses agressées. Parce que ce sont effectivement les femmes
qui sont le plus souvent agressées, et pour cause : on ne nous apprend pas à protéger
notre corps, à refuser une proximité qui nous dérange ; on nous apprend le manque de
confiance en nous-mêmes, une croyance en l'expertise médicale qui pourtant nous
dépossède de notre propre ressenti. Dans ce contexte, difficile d'établir une frontière
nette entre un acte médical explicité et contractualisé en début de consultation
gynécologique, et un geste qui se fait sans explications, sans consentement, sans
considération pour la personne et pour ses limites. Difficile de supporter la froide
mécanique de la machinerie médicale qui contraint les corps à des protocoles
indiscutables. Et d'autant plus difficile de s'opposer à une parole ou à un acte édicté par
un médecin, puisqu'en venant consulter, les femmes nourrissent l'espoir de trouver des
résolutions aux problèmes gynécologiques qu'elles rencontrent.
Il faut s'interroger d'ailleurs sur l'ignorance et la passivité dans laquelle les
patientes sont maintenues dans leur rapport à leur corps et à la médecine. Elles ne
peuvent pas réagir au pouvoir d’un médecin, tout-puissant dans sa position d’expert, de
sauveur parfois, d’homme maîtrisant la situation. On entend des témoignages de
femmes qui se demandent s’il est normal qu’un gynécologue vous demande de vous
déshabiller entièrement pour vous peser, s’il est normal qu’il vous claque sur les fesses
ou vous pose des questions gênantes sur vos pratiques sexuelles, qu’il vous touche le
clitoris, qu’il vous fasse mal en vous enfonçant les spéculums ou autres engins d’examen
gynécologique, qu’il vous fasse la morale ou qu’il dénigre de manière agressive vos choix
de vie.
Ce gynécologue n’est pas le seul à agir de manière maltraitante. Qui d’entre
nous n’a pas régulièrement passé un moment douloureux dans une salle de
consultation et sans recevoir aucune explication ou réponse à des questions qui sont
pourtant l’objet de la consultation ?
Dans une société qui laisse aux mains des médecins, des chimistes et des législateurs la
question de la santé génitale, de la contraception, de l’avortement et de la maternité, il
n’est aucun impératif plus urgent pour les femmes que de se tenir en alerte vis-à-vis de
la position dominante des médecins. Nous pensons que certaines questions peuvent
nous y aider :
Est-ce que ce serait plus confortable d’être accompagnée par un ou une ami-e lors
des consultations médicales ?
Et si je changeais de médecin quand je ne me sens pas à l’aise ou pas respectée ?
Ne devrais-je pas m’interroger sur la réelle nécessité des examens proposés et
m’informer auprès d’autres personnes, soignantes ou non, sur les diagnostics qui
sont prononcés sur mon corps ?
Comment je reconnais que mes limites sont transgressées et quelle place je donne
pour les faire respecter ?
Est-ce que je peux me faire confiance et reconnaître ma capacité à choisir ce que je
veux pour ma vie et ma santé ?
Et si j’en parlais autour de moi pour être moins seule dans cette galère ?
C’est parce que nous souhaitons justement en parler davantage à plusieurs que nous
proposons de créer des espaces de partage de nos expériences pour sortir de
l’isolement qui nous fait accepter des conditions détestables de consultations
gynécologiques. C'est parce que nous ne voulons plus qu'on décide à notre place de ce
qui est acceptable qu'on se lance dans une dynamique et qu'on souhaite se regrouper
autour de différentes actions.
On a créé une adresse : [email protected].
Envoyez-y vos témoignages et vos adresses si vous souhaitez participer à cette
dynamique.
APPEL À RASSEMBLEMENT DEVANT L’HÔPITAL D'ALÈS
LE JEUDI 7 MAI À PARTIR DE 11 H