RPC CHARVIN ANTICOMMUNISME
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RPC CHARVIN ANTICOMMUNISME
v Robert Charvin ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ L’anticommunisme, d’hier à aujourd’hui ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ Rencontre de la Pensée Critique du 25 février 2016 Cela vaut-il la peine, aujourd'hui, de traiter un tel sujet ? Ne faut-il pas laisser la peur du rouge aux bêtes à cornes, comme on disait en 1968 ? Robert Charvin veut-il régler des comptes avec ces années au cours desquelles il a vécu l'anticommunisme « comme un juif vit l'antisémitisme ou un arable le racisme » ? Ou bien veut-il opposer sa réponse à l'anticommunisme qui, c'est vrai, reste vivace ? En témoigne, par exemple, la parution en cours de l'Histoire du communisme de Thierry Wolton (tome 1 : Les bourreaux ; tome 2 : Les victimes ; tome 3 [à paraître] : Les complices). En témoigne aussi l'intervention persistante, sur les grands médias, des "spécialistes" du communisme : Jean-Luc Domenach pour la Chine, Pierre Rigoulot pour la Corée du Nord. Qui n'a pas déjà vu ce défilé, sur la place centrale de Pyongyang, de troupes armées jusqu'aux dents ? Tout récemment, France culture a diffusé une émission sur Le coup de Prague. Les médias continuent de parler de la Russie comme si elle était encore soviétique (ce qui suggère que l'hostilité à l'égard de la Russie n'est pas nécessairement liée au régime que ce pays pratique), mais restent très discrets sur la situation de pays post-communistes comme la Pologne ou l'Ukraine ou la Lettonie ou la Hongrie, dont certains - membres de l'Union européenne - ne respectent pas leurs engagements vis-à-vis de celle-ci, mais avec lesquels on est "indulgent". La Hongrie, qui pratique un système très proche du fascisme mussolinien, est tolérée, alors que ne l'est pas Cuba ou la Chine. Deux poids, deux mesures, c'est une vieille pratique de toutes les forces politiques à l'égard de ceux qu'elles n'apprécient pas. Les trois raisons fondamentales de traiter ce sujet sont les suivantes : 1) La France connaît actuellement une évolution vers un autoritarisme préoccupant, condamné par les Nations Unies, le Conseil de l'Europe et Amnesty International, qui s'inquiètent de la mise en place progressive, homéopathique, depuis un certain nombre d'années, notamment depuis dix ans, d'un régime autoritaire qui laisse "bavarder" mais qui ne pratique aucune tolérance à l'égard de ceux qui le contestent, notamment sur le terrain social. Quelques jours après Charlie, on mettait des humoristes à la porte de certaines chaînes de télévision sans que cela fasse contradiction pour l'opinion publique, et encore moins pour les médias concernés. Comme chaque fois que l'autoritarisme revient en force, on a trouvé un bouc émissaire : DAESH et les terroristes. Que ferait-on sans eux ? Un régime sans ennemi se porte mal... En Union soviétique, c'était toujours la CIA qui était la clé des problèmes... Aux Etats-Unis, les agents du KGB... Ces derniers seraient même encore présents à Nice, à Caucade précisément, si l'on en croit la Une (bien involontairement opportuniste) de Nice matin de ce 25 février 2016, puisqu'ils se seraient mis en tête d'étatiser le cimetière orthodoxe !... 2) L'anticommunisme en France est une politique traditionnelle depuis très très longtemps. Il appartient à notre réalité politique et à l'exclusion d'une certaine proportion limitée - de français de ce qu'on pourrait appeler "l'espace des positions politiques raisonnables et acceptables". On est anticommuniste parce qu'on ne peut pas être communiste ! Il faut se débarrasser de cette hypothèque qui pèse sur la démocratie libérale... sur la bonne République française... sur la Patrie des droits de l'homme... Éliminons cette anomalie, cette pathologie... Cet élément culturel pèse dans tous les partis politiques français, particulièrement dans le Parti socialiste. Robert Charvin évoque ici Léon Blum (qui, en 1937, décrète la pause sociale et refuse de participer à la guerre d'Espagne), Adrien Tixier (qui, ministre de l'intérieur, commence, dès 1944, à poser les jalons de la dislocation du tripartisme de l'époque pour l'exclusion du Parti communiste) et Jules Moch (qui, ministre de l'intérieur, fait tirer sur les ouvriers). À Nice même, du temps du "médecinisme" en particulier, l'anticommunisme était « la dignité du voyou » : il fallait qu'il y ait une dimension un peu politique, un peu idéologique, à leur engagement. L'anticommunisme procurait une couverture de respectabilité aux petits trafics et aux spéculations foncières et immobilières des notables niçois qui, par ailleurs, étaient charmants... Mais tous les escrocs sont charmants, sans cela ils ne pourraient pas escroquer... 3) Il faut enfin se demander : qu'est-ce qu'une démocratie libérale ? Sommes-nous en démocratie ? Si une démocratie libérale c'est "pas de liberté pour les adversaires de la démocratie libérale", cela rappelle tout à fait ce que disaient les soviétiques ou les PC de l'Est : "Pas de liberté pour les ennemis du socialisme". Quelle différence ?... En 1966, on a massacré entre 500.000 et 1.000.000 d'indonésiens au motif qu'ils étaient supposés être communistes. Qui, aujourd'hui, se souvient de ce massacre ? Robert Charvin le dit tout net : il ne croit pas à l'idée de démocratie. Dans l'état des choses actuel, elle n'existe nulle part. C'est quelque chose qui reste à venir, une conquête encore à faire. La différence entre les dictatures et les démocraties actuelles est de degrés et non de nature. S'intéresser à l'anticommunisme est une manière d'essayer d'évaluer ce qu'est réellement cette démocratie libérale, ce qu'il en est de son contenu réel. La démocratie n'est pas simplement la liberté de bavarder ; on peut le faire sous les régimes autoritaires ; il y a toujours moyen de bavarder. Ce n'est pas quelque chose que l'on peut interdire. Peut-être, d'ailleurs, que l'intelligence spécifique des démocraties libérales est d'avoir compris cela : laisser bavarder, cela ne coûte pas cher. C'est quelque chose que l'on n'a pas encore saisi dans les pays du Sud : on frappe, on cogne, on enferme ceux qui bavardent trop. Cela tient d'abord au fait que, l'élite politique étant très restreinte, éliminer une personnalité est efficace parce qu'il ne sera pas aisé de la remplacer. Une telle pratique, chez nous, serait vaine, et même contre-productive. En attestent les manifestations d'ampleur qui se forment chaque fois qu'il y a des victimes lors de défilés ou d'affrontements avec les forces de l'ordre. <> Rober Charvin veut commencer par un constat trivial : à toutes les époques , dans tous les pays du monde, il y a eu conflit entre dominants et dominés, entre puissants et plus faibles, entre riches et pauvres. C'est là un constat majeur. Si on le refuse, on est conduit à ne voir dans l'histoire qu'un chaos événementiel, une confusion totale. Ce n'est pas Marx qui a inventé la lutte des classes, c'est bien au contraire la lutte des classes qui a inventé Marx. La lutte des classes, on la trouve du temps de Spartacus avec son armée d'esclaves contre les patriciens romains ; on la trouve, avant la Révolution française, avec les multiples révoltes paysannes contre la noblesse ; et on la trouve, aux XIXè et XXè siècles, avec le capitalisme et les révolutions industrielles. Mais cette banalité est considérée, aujourd'hui, presque comme une obscénité. Lutte des classes ? Obscène ! Pas convenable ! C'est pourtant une réalité que l'on voit resurgir à toute occasion, que ce soit dans le vocabulaire des journalistes, des chroniqueurs ou celui des auteurs des livres d'histoire. Il n'y a qu'à voir cette histoire de la chemise du DRH d'Air France ! Licencier du menu fretin, des petites gens, bof... Mais arracher la chemise d'un cadre supérieur ! De même, est-il normal que dans le contexte actuel de chômage massif les syndicalistes de Goodyear qui défendaient leurs emplois aient été condamnés à de la prison ferme ? 1) L'anticommunisme a largement précédé 1920. Bien avant la naissance du PCF, les anti-partageux, les anti-communards, existaient. En 1803, le livret ouvrier - carnet de notes allant de patron en patron - est organisé. Chaque ouvrier doit avoir le sien. À défaut : six mois de prison. Formidable outil pour éliminer les fortes têtes du circuit du travail ! En 1831, la grève des canuts fait entre 3 et 6.000 morts. En 1848, 4 à 5.000 morts. Tout cela dans le cadre d'une démocratie parlementaire en place depuis la Monarchie de Juillet. Démocratie libérale et répression ouvrière allaient de pair. 1871 : 30.000 morts, 40.000 internés dans les prisons plus les déportés. Le Figaro du 3 juillet 1871 : « Versailles mène une croisade de la civilisation contre la barbarie. » Voilà le vrai clivage : les croisés contre les barbares. Pas sûr que Le Figaro (auquel Robert Charvin nous dit ne pas être abonné !...) ait beaucoup évolué depuis cette époque... L’anticommunisme c'est aussi Adolphe Thiers qui dit : « Après la Commune, la question sociale est réglée. » Peut-on être sûr qu'on n'entendrait plus une telle formule aujourd'hui ?... À côté des versaillais, on trouve des courants progressistes, mais qui ne comprennent rien à cette révolution ouvrière. Rares sont ceux, en effet, qui, comme le colonel Rossel, un moment responsable de l'armée de la Commune, se placent du côté des ouvriers. Il sera condamné à mort. À ses juges, qui ne comprennent pas qui ils ont en face d'eux, qui lui demandent comment il a pu participer à cette "révolution de canailles" et s'il recommencerait si cela se reproduisait, il répond : « Je ne sais pas si je recommencerais la révolution avec les Communards, mais je sais qu'avec vous je n'ai plus rien à dire. » Parmi ces éléments "progressisto-bourgeois" on compte aussi Georges Sand, qui a fait avancer un certain nombre d'idées sur le féminisme. Pendant la Commune elle se trouve en province, mais elle s'inquiète pour son appartement à Paris. Faubert, avec qui elle correspond, lui écrit : « Avec la Commune, on revient au pur Moyen-Âge. » On voit ainsi s'exprimer dans cette "aile gauche" des milieux libéraux une hostilité sociale fondamentale. « C'est pourquoi, ajoute plaisamment Robert Charvin, je ne suis pas non plus abonné à l'Obs... » Lorsque s'est produite la Révolution bolchévique en 1917, avant même que les goulags voient le jour, et avant même que les bolcheviques n'aient commis d'erreurs ou de crimes fondamentaux, une hostilité absolue à l'égard de cette révolution s'est immédiatement manifestée. L'Illustration (Paris match de l'époque) écrivait ainsi : « La canaille du ruisseau a pris le pouvoir. » Aujourd'hui, on parle de racaille... L'ambassadeur des Etats-Unis en Russie dit de ce gouvernement bolchevique qu'il est « dégoûtant » Churchill parle alors du gouvernement russe comme d'une « bande sortie du bas-fond des villes. » Très vite, il y aura l'intervention armée française (de Gaulle, encore jeune officier, en est). L'armée allemande, réconciliée avec ses adversaires d'hier, est de la partie ; les britanniques, les japonais et les tchécoslovaques aussi. Bilan : 1,5 M de morts, venant s'ajouter aux 2 M du conflit avec l'Allemagne jusqu'en 1917. Immédiatement après, est mis en place par les occidentaux le cordon sanitaire, précurseur du rideau de fer inventé, lui, par les soviétiques. À toute époque, le peuple est impopulaire. Il ne sent pas bon, on n'en fait pas partie. On est au-dessus de lui ; au-dessus de ça... La racaille, la canaille, cela n'est pas nous... Ce sont les autres... Les communeux, les partageux, les démunis... La pauvreté ce n'est pas attractif... La richesse, oui... Combien de gens s'esbaudissent devant les yachts du quai des milliardaires... ou devant les rayons des grands magasins, qui sont devenus, bien plus que les librairies, les lieux culturels par excellence de notre société... On y voit tout ce qu'on ne peut pas s'acheter... Formidable propagande pour le système... Faut-il s'étonner, dans ce contexte, qu'une bonne partie des dominés soit convaincue que la domination est un fait naturel, ordinaire, normal, légitime ? Je suis un pauvre type, c'est normal que je sois dominé. Combien de chômeurs pensent que c'est de leur faute s'ils sont au chômage ? Ils n'ont pas une vision de long terme, mais de court terme ; ils ne savent pas que quelques décennies en arrière il y avait beaucoup moins de chômage. Ils pensent qu'il y a toujours eu du chômage et que les faibles ne travaillent pas, ne veulent pas travailler. Certains, certes, veulent bien travailler, mais ils ne sont pas compétents, pas à la hauteur. Bref, le chômage c'est normal. Il y a énormément de dominés qui, au cours de l'histoire, ont accepté leur sort. Songeons que l'Ancien Régime a duré plus de 1000 ans... Et l'esclavage plusieurs millénaires... Il a bien fallu qu'un grand nombre de ces esclaves et de ces serfs accepte son sort... Il y avait Dieu... Les princes étaient souvent de nature divine... Dieu est relayé aujourd'hui par la télévision. La télévision nous dit tout et tout ce qui se dit à la télévision est vrai : vu à la télévision... La prévalence du court-termisme et du regard court nous désarme intellectuellement vis-à-vis des réalités sociales. Robert Charvin prend un dernier exemple éclairant. Naguère, dans les études de droit, les cours comportaient systématiquement une section historique. Un cours sur le droit fiscal, par exemple, commençait par l'étude de l'évolution historique du droit fiscal. Désormais, au contraire, on entre directement dans le vif du sujet : on étudie le système fiscal d'aujourd'hui qui, ne pouvant plus être comparé à autre chose, apparaît dès lors comme naturel. Le système actuel est évident ; il ne peut pas en exister d'autre ; le système d'aujourd'hui représente l'ordre naturel des choses. 2) L'anticommunisme ce n'est pas, fondamentalement, l'antisoviétisme. Critiquer un système politique étatique, quel qu'il soit, est tout à fait légitime et fondé dans la mesure où aucun État ne réalise ce qu'il envisage ; aucun système politique ne réussit ses entreprises ; on a toujours affaire à des expérimentations, des tentatives, et la crise de ces États peut être considérée comme un état quasi-naturel. La crise elle-même, d'ailleurs, est un état naturel. Or, le malheur pour les communistes d'opposition est d'avoir soigneusement confondu antisoviétisme et anticommunisme. L'Union soviétique est une expérience d'un parti communiste dans des conditions nationales particulières, inscrite dans une histoire longue. Rapporter le goulag au communisme est donc une escroquerie. Curieusement, on a plus d'indulgence pour Cuba... Est-ce à cause du soleil ? Il est de fait qu'au temps de la guerre froide on ne voyait d'images de l'Union soviétique que de la saison d'hiver, et jamais de la saison d'été, même quand ces images étaient diffusées en plein été... Cuba c'est différent : il y a la musique, les filles, les vacances, les Clubs Méditerranée de l'époque... Pour le Vietnam, c'est le grand silence ; il faut dire qu'on les a massacrés pendant cinquante ans... Mais l'Union soviétique et les pays de l'Est c'est l'hiver permanent, avec des institutions et des systèmes qui échouent dans toutes leurs entreprises. Ces représentations ont été associées à la CGT, au PCF, au PCI, etc. Autant d'organisations qui ratent tout et qui ont toujours tort. La CGT a toujours tort, quelque soit le problème soulevé. Le MEDEF a presque toujours raison. La CFDT c'est plus complexe : on n'aime pas les syndicats qui sont des courroies de transmission des partis, mais... ça dépend des partis. Dans aucun pays du monde la droite se trouve "priée" d'assumer les opérations de guerre des Etats-Unis. Jamais la droite française ne s'est considérée responsable des bombardements du Vietnam, de l'Afghanistan ou de Bagdad. Mais quand les chars soviétiques sont entrés dans Budapest en 1956, c'étaient les communistes français (et des autres pays) qui étaient responsables. C'est ainsi qu'à Nice, à cette époque, Le Patriote a été attaqué physiquement. Même chose, à Paris, à l'Humanité, avec des morts. La droite responsable de rien, si ce n'est de ce qui se passe dans l'hexagone ; le Parti communiste responsable de tout ce qui se passe à l'échelle de la planète. Malgré Guantanamo, les Etats-Unis restent le pays du Blue jean, du coca cola, du Mac Do, de l'informatique. 3) Il y a des raisons de ne pas être communiste. Le PCF a fait beaucoup d'erreurs, s'est trompé souvent, comme tous les partis politiques. Sur un point, toutefois, -et décisif, -il n'a jamais perdu le cap : la lutte des classes. En gros, sa devise pourrait être : la raison du plus faible est toujours la meilleure. L'inverse de ce qui se dit en règle générale. Sur ce terrain là les erreurs sont plus limitées, et c'est déjà pas mal. 3.1) La longue complaisance avec la politique soviétique est une première raison de ne pas vouloir être communiste. Une sorte d'indulgence, comme celle que manifeste la droite à l'égard des Etats-Unis. Indulgence à l'égard de quelque chose qui - croyait-on - avait réussi. Le retard lourd a été pris en 1968 lors de l'invasion de Prague, lorsque tout était encore possible avec un nouveau type de socialisme qui allait s'instaurer en Tchécoslovaquie. La direction du PCF a condamné cette agression, mais la base du parti n'était pas favorable à cette condamnation. Elle ne pouvait pas croire que l'Armée Rouge, qui avait sauvé la vie à tant de personnes pendant la Seconde Guerre Mondiale, avait pu faire cela. 3.2) Le retard pris sur la question de la promotion de la femme. L'évolution a été longue et pénible. Alors que nous soutenions le Planning Familial à la Libération, le PCF fut en retrait sur l'IVG, c'est-à-dire sur un élément important de libération de la femme, de son autonomie, de son indépendance, de sa liberté. D'une manière générale, le PCF a eu du mal à admettre rapidement toutes les étapes que devait franchir la femme pour atteindre l'égalité. 3.3) Le retard en matière écologique. Dans les années 70, le PCF avait créé, à l'initiative du député maralpin Virgile Barel, une commission de l'environnement, mais l'activité de cette dernière n'a pas suscité d'intérêt véritable et n'a pas eu d'impact sur l'activité du parti. Le vert aurait pu être rouge, mais il n'en a rien été, et nous payons aujourd'hui ce grave retard. 3.4) La politique dans le domaine de l'art, de l'esthétique. Le grand peintre des années 50 était... Fougeron. Puis Fernand Léger. Plus par leurs thèmes de recherche que par leurs qualités picturales. Quel drame lorsque Picasso a fait un portrait de Staline qui ne reflétait pas les photographies ! Le PCF a eu du mal à penser que l'art est aussi une révolution permanente, une création continue, et que vouloir l'instrumentaliser pour en faire simplement une arme de combat ou une arme "au service de" c'est déjà aliéner la qualité de l'art. Le monde des artistes a souffert de cette situation, qui l'a détourné du PCF. Picasso - c'est à noter - a résisté à tout cela. « Je vais au parti comme on va à la fontaine », disait-il. 3.5) Difficulté aussi - mais nullement spécifique au PCF - à intégrer les travaux des sciences sociales, qu'il s'agisse de l'économie, de la psychologie, de la psychanalyse ou de la philosophie. Comme si le parti, -dans l'incapacité où il se trouvait de déterminer si les chercheurs voulaient l'aider vraiment ou, au contraire, le faire aller dans le décor, -préférait laisser tomber. 3.6) Enfin, peut-être, le PCF, a été "trop français", trop occidental ; comme tous les autres partis, sans doute ; moins que les autres, il est vrai. Il a eu beaucoup de mal à comprendre les expériences politiques progressistes dans d'autres civilisations lointaines ou proches : coréennes, algériennes, vietnamiennes, chinoises... On a pu avoir le sentiment que l'exotisme politique était une sorte de trahison, une espèce de malfaçon. 4) Les acteurs de l'anticommunisme. Ils sont nombreux. 4.1) Il faut rappeler, par exemple, et tout complotisme mis à part, que dès 1944 les EtatsUnis ont financé toute une série d'opérations anticommunistes en Italie, en France et ailleurs. Le syndicat FO a ainsi été financé par les syndicats américains pour détacher une partie des syndicalistes de la CGT. On peut convenir aujourd'hui que c'est de l'histoire ancienne, mais le fait historique est là. De même, les américains finançaient dans presque tous les pays occidentaux des groupes de combat dormants, assistés par les services spéciaux nationaux, prêts à lutter avec les armes contre une éventuelle action communiste. Ils n'ont pas eu l'occasion de sortir de leur boîte ; la légende de l'insurrection communiste est restée une légende. 4.2) Les milieux d'affaires. Il faut citer ici, en particulier, ce pilier du CNPF puis du MEDEF que constitue le syndicat de la métallurgie : Union des Industries Métallurgiques et Minières devenue il y a quelques années Union des Industries et des Métiers de la Métallurgie (UIMM dans les deux cas). Cette organisation, qui consacrait des fonds particuliers à des actions anticommunistes, a été condamnée en justice pour cela il y a quelques années (mais qui le sait ?). 4.3) Les droites extrêmes. Pendant longtemps, l'anticommunisme a été leur raison d'être. C'est particulièrement évident dans les Facultés de droit, qui sont des fabriques de militants d'extrême-droite. Nice est très spécialisée dans ces mouvements : elle a été la capitale de la Révolution nationale pendant le régime de Vichy. Joseph Darnand, responsable des milices, était transporteur à Riquier. Il n'a pas encore son avenue, mais ça va peut-être venir... 4.4) L'Église catholique. On ne peut pas ne pas citer son action dans l'ouest et l'est de la France très catholiques. Les sermons stigmatisant les rouges la veille et le jour des élections sont légions. Jean-Paul II a été un des Papes contemporains les plus actifs dans l'anticommunisme. À cet égard, le Pape François, qui pose des problèmes nouveaux, peut apparaître comme gênant aux catholiques... Il faut dire que c'est le premier Pape venant du Sud. L'Église catholique, par ailleurs, a fabriqué des anti marxistes de haut niveau, tels les Pères jésuites Calvez ou Bigot. 4.5) Les "ex". Quand on quitte un engagement aussi radical que l'engagement communiste il faut se faire pardonner. Robert Charvin cite Annie Besse, épouse d'un membre du bureau politique du PCF, devenue Annie Kriegel, et qui a passé la suite de son existence, et qui continue, à cracher sur ses premières amours. Autres "ex" renommés : Alexandre Adler (qui fut directeur du Courrier international), Jean Ellenstein (qui fut envoyé spécial du Figaro en Amérique). 4.6) La social-démocratie. Robert Charvin rappelle que le Parti socialiste est né de son échec à empêcher la constitution du Parti communiste lui-même en 1920 au congrès de Tours. À Nice, Thérèse Roméo, qui incarnait la social-démocratie niçoise, était aussi supplétive de Jean Médecin. Max Gallo, dont le père, émigré italien, était communiste, a lui aussi connu un parcours extraordinaire : socialiste, sarkozyste, académicien... Si l'on pense à la IIIè République, à la IVè et au début de la Vè, en permanence le Parti socialiste a joué un rôle de contre-feu à l'influence communiste. Dès 1944, le ministre de l'intérieur Adrien Tixier mobilise sa police et les Renseignements généraux contre le Parti communiste, réintégrant, dans la foulée, les vichystes dans la police. Une déclaration de Léon Blum, en 1947, au moment des grèves, est significative : « La classe ouvrière est dirigée par des fous et des criminels [entendre : les communistes] » Voici ce que disait celui qui avait été pendant un an le grand champion du Front populaire. Dans les années 50, on verra, par exemple, l'épuration de la Police des éléments cégétistes. C'est le cas à Nice. Des profs de droit sont exclus parce qu'ils appartiennent à l'Association Internationale des Juristes Démocrates (AIJD). L'affaire des pigeons est montée contre Jacques Duclos. Sur les neuf morts de Charonne, huit étaient membres du PCF. Plus près de nous, Mitterrand se rend aux Etats-Unis la veille de son élection pour signifier qu'il ne fallait pas s'inquiéter de la participation des communistes au Programme commun et au gouvernement : il était là pour arranger les choses, c'est-à-dire mettre les communistes sur la touche le plus vite possible et faire prévaloir l'ordre socialiste. 5) Les thèmes de l'anticommunisme. Durant la IVè République, on dénonçait la menace bolchévique, "l'homme au couteau entre les dents". À noter - soyons précis - qu'à l'époque on dénonçait la "menace judéo-bolchévique" ; les juifs et les communistes c'était la même chose. Juifs et communistes ont été associés aussi sous Vichy, mais les résultats de la guerre ont fait que le discours a dû évoluer, et les communistes sont devenus des agents de l'Union soviétique, de Moscou, de Varsovie, du KGB. Lu sur un mur de la vallée de la Roya, par exemple : « Charvin assassin ! À Varsovie ! » Avec Kroutchev est apparue l'idée de la convergence : à quoi bon faire la révolution, disait-on, puisque les deux systèmes - occidental et soviétique - évoluent dans le même sens et vont se rencontrer. François Furet a développé cette thèse [Raymond Aron aussi - DA]. Et puis est venue, avec Hannah Arendt notamment, et aussi François Furet, la thèse mêlant nazisme et communisme dans le même totalitarisme. La thèse est toujours active [et elle anime le programme d'histoire du lycée depuis 1995 - DA]. Aujourd'hui, en France, les choses sont plus subtiles encore. Première subtilité : le silence. Quoi que nous fassions, on n'en dit rien. Arme fabuleuse, le silence ! Formidable censure ! Une manifestation de 3.000 personnes dont personne ne parle n'a pas existé. 50 personnes avec des caméras de télévision, toute la France le sait. Suprême subtilité : on parlera des informations qui gênent à 0:30... Autre grand trait des informations des grands médias : le rejet de tout ce qui concerne le social. Il n'y a pas de dominants et de dominés, de riches et de pauvres ; tout cela est du populisme ; lequel est aussi bien de droite que de gauche ; qu'est-ce que le populisme ? On ne le sait pas trop, mais... c'est le populisme ; c'est la démagogie ; alors qu'il faut être réaliste, gouverner. <> Conclusion. L'esprit anticommuniste a précédé le communisme de très loin. Il survit aujourd'hui à l'antisoviétisme, contre la Russie actuelle, et cela en dépit de l'affaiblissement du Parti communiste. Les luttes sociales font l'objet d'une critique systématique : inutile de se battre, tout va bien dans le meilleur des mondes possibles. Que les chômeurs et les salariés actifs soient solidaires les uns des autres ! Les pauvres doivent être solidaires entre eux. « C'est peut-être ça l'autogestion », fait remarquer Robert Charvin. L'autogestion des pauvres pour survivre. Mais faire autre chose que s'organiser pour survivre, non ! Ceux-là sont des sauvages et des barbares ! Il ne faut pas les laisser faire et lutter pour la civilisation. Robert Charvin cite pour terminer la lettre à Jean Ferrat qu'a écrite Philippe Torreton en avril 2012, pendant la campagne de la Présidentielle [nous la reproduisons intégralement] : « Jean, J’aimerais te laisser tranquille, au repos dans cette terre choisie. J’aurais aimé que ta voix chaude ne serve maintenant qu’à faire éclore les jeunes pousses plus tôt au printemps, la preuve, j’étais à Entraigues il n’y a pas si longtemps et je n’ai pas souhaité faire le pèlerinage. Le repos c’est sacré ! Pardon te t’emmerder, mais l’heure est grave, Jean. Je ne sais pas si là où tu es tu ne reçois que Le Figaro comme dans les hôtels qui ne connaissent pas le débat d’idées, je ne sais pas si tu vois tout de là-haut, ou si tu n’as que les titres d’une presse vendue aux argentiers proche du pouvoir pour te tenir au parfum, mais l’heure est grave ! Jean, écoute-moi, écoute-nous, écoute cette France que tu as si bien chantée, écoutelà craquer, écoute la gémir, cette France qui travaille dur et rentre crevée le soir, celle qui paye et répare sans cesse les erreurs des puissants par son sang et ses petites économies, celle qui meurt au travail, qui s’abîme les poumons, celle qui se blesse, qui subit les méthodes de management, celle qui s’immole devant ses collègues de bureau, celle qui se shoote aux psychotropes, celle à qui on demande sans cesse de faire des efforts alors que ses nerfs sont déjà élimés comme une maigre ficelle, celle qui se fait virer à coups de charters, celle que l’on traque comme d’autres en d’autres temps que tu as chantés, celle qu’on fait circuler à coups de circulaires, celle de ces étudiants affamés ou prostitués, celle de ceux-là qui savent déjà que le meilleur n’est pas pour eux, celle à qui on demande plusieurs fois par jour ses papiers, celle de ces vieux pauvres alors que leur corps témoignent encore du labeur, celle de ces réfugiés dans leur propre pays qui vivent dehors et à qui l’on demande par grand froid de ne pas sortir de chez eux, de cette France qui a mal aux dents, qui se réinvente le scorbut et la rougeole, cette France de bigleux trop pauvres pour changer de lunettes, cette France qui pleure quand le ticket de métro augmente, celle qui par manque de superflu arrête l’essentiel... Jean, rechante quelque chose je t’en prie, toi, qui en voulais à d’Ormesson de déclarer, déjà dans Le Figaro, qu’un air de liberté flottait sur Saïgon, entends-tu dans cette campagne mugir ce sinistre Guéant qui ose déclarer que toutes les civilisations ne se valent pas ? Qui pourrait le chanter maintenant ? Pas le rock français qui s’est vendu à la Première dame de France. Écris-nous quelque chose à la gloire de Serge Letchimy qui a osé dire devant le peuple français à quelle famille de pensée appartenait Guéant et tous ceux qui le soutiennent ! Jean, l’Huma ne se vend plus aux bouches de métro, c’est Bolloré qui a remporté le marché avec ses gratuits. Maintenant, pour avoir l’info juste, on fait comme les poilus de 14/18 qui ne croyaient plus la propagande, il faut remonter aux sources soi-même, il nous faut fouiller dans les blogs... Tu l’aurais chanté même chez Drucker cette presse insipide, ces journalistes fantoches qui se font mandater par l’Élysée pour avoir l’honneur de poser des questions préparées au Président, tu leur aurais trouvé des rimes sévères et grivoises avec vendu... Jean, l’argent est sale, toujours, tu le sais, il est taché entre autres du sang de ces ingénieurs français. La justice avance péniblement grâce au courage de quelques uns, et l’on ose donner des leçons de civilisation au monde... Jean, l’Allemagne n’est plus qu’à un euro de l’heure du STO, et le chômeur est visé, insulté, soupçonné. La Hongrie retourne en arrière ses voiles noires gonflées par l’haleine fétide des renvois populistes de cette droite "décomplexée". Jean, la montagne saigne, son or blanc dégouline en torrents de boue, l’homme meurt de sa fiente carbonée et irradiée, le poulet n’est plus aux hormones mais aux antibiotiques et nourri au maïs transgénique. Et les écologistes n’en finissent tellement pas de ne pas savoir faire de la politique. Le paysan est mort et ce n’est pas les numéros de cirque du Salon de l’Agriculture qui vont nous prouver le contraire. Les cowboys aussi faisaient tourner les derniers indiens dans les cirques. Le paysan est un employé de maison chargé de refaire les jardins de l’industrie agroalimentaire. On lui dit de couper, il coupe ; on lui dit de tuer son cheptel, il le tue ; on lui dit de s’endetter, il s’endette ; on lui dit de pulvériser, il pulvérise ; on lui dit de voter à droite, il vote à droite... Finies les jacqueries ! Jean, la Commune n’en finit pas de se faire massacrer chaque jour qui passe. Quand chanterons-nous "le Temps des Cerises" ? Elle voulait le peuple instruit, ici et maintenant on le veut soumis, corvéable, vilipendé quand il perd son emploi, bafoué quand il veut prendre sa retraite, carencé quand il tombe malade... Ici on massacre l’École laïque, on lui préfère le curé, on cherche l’excellence comme on chercherait des pépites de hasards, on traque la délinquance dès la petite enfance mais on se moque du savoir et de la culture partagés... Jean, je te quitte, pardon de t’avoir dérangé, mais mon pays se perd et comme toi j’aime cette France, je l’aime ruisselante de rage et de fatigue, j’aime sa voix rauque de trop de luttes, je l’aime intransigeante, exigeante, je l’aime quand elle prend la rue ou les armes, quand elle se rend compte de son exploitation, quand elle sent la vérité comme on sent la sueur, quand elle passe les Pyrénées pour soutenir son frère ibérique, quand elle donne d’elle même pour le plus pauvre qu’elle, quand elle s’appelle en 54 par temps d’hiver, ou en 40 à l’approche de l’été. Je l’aime quand elle devient universelle, quand elle bouge avant tout le monde sans savoir si les autres suivront, quand elle ne se compare qu’à elle même et puise sa morale et ses valeurs dans le sacrifice de ses morts... Jean, je voudrais tellement t’annoncer de bonnes nouvelles au mois de mai...Je t’embrasse. » Philippe Torreton P.S. : il y a un copain chanteur du Président de la République qui reprend du service dans la grande entreprise de racolage en tout genre et qui chante à ta manière une chanson en ton honneur. N’écoute pas, c’est à gerber. Daniel Amédro (d’après un enregistrement audio)