Rue de la Patience
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EPSM_Journal_Mai_2016.qxp_E 18/10/2016 10:43 Page1 JOURNAL D E L’ É TA B L I S S E M E N T PUBLIC DE Édition Spéciale :les concours de nouvel et de poésies S A N T É M E N TA L E DE LA VALLÉE D E L’ A R V E Rue de la Patience Octobre 2016 902.054 SOMMAIRE ÉDITO Voilà enfin la publication des textes que vous étiez nombreux à attendre. Le concours de nouvelles et de poésies initié en début d’année par l’établissement avait pour thème « les mains » et s’adressait à tous les agents et patients de l’établissement, adultes et enfants. Le 23 juin dernier, le jury s’est réuni pour partager impressions et avis sur les textes reçus. Très vite, l’évidence s’est imposée qu’il serait bien difficile de juger les nouvelles ou les poésies les unes par rapport aux autres, tant les thèmes abordés et styles utilisés s’avéraient variés et riches. Compte tenu du nombre total de textes proposés, l’idée d’une publication exhaustive a rapidement fait l’unanimité. Vous trouverez donc dans les pages à suivre l’intégralité des œuvres qui nous sont parvenues, présentées dans l’ordre chronologique de leur réception. Pour ne pas biaiser votre lecture, nous nous bornerons à citer les qualités et caractéristiques mises en avant par le jury pour chacune des œuvres (sans rapport avec l’ordre de présentation) : - propos tragique puis message d’espoir ; un malheur surmonté peut-être facteur d’événements positifs - structure et rythme ; balancement et musicalité - qualité littéraire, de forme ; dialogues travaillés, chute inattendue - qualité d’écriture ; hommage au plaisir, au désir - rythme ; richesse de l’écriture ; humour - texte fort, plein d’émotion ; construction intéressante - évocation de la main dans toutes ses dimensions ; inventaire d’actions quotidiennes qui rappelle l’importance de la main dans notre vie - dégage de la bienveillance et de la tendresse ; de l’humour - beaucoup de travail fourni, construction poétique, fond représentatif d’un grand humanisme Cette première édition du concours de nouvelles et de poésies à l’EPSM a été l’occasion de découvrir des talents et personnalités. Une seconde édition est donc envisagée pour 2017. N’hésitez pas à faire parvenir au service communication vos idées de thème ou suggestions pour permettre une participation accrue. Un grand merci aux participants et aux membres du jury. À présent, que chacun se fasse son opinion… Des mains explosives Mes mains P.2 .................................... P.2 ......................................................... L’absolue nécessité d’une mémoire Une nouvelle vie P.4 .............................................. Une main tendue Ma main P.4 ............................................. Main mise sur la pensée Tes mains P.3 ........ P.5 ............................. P.6 ............................................................ P.7 .............................................................. Bonne lecture à tous ! Bruno Pagliano, Directeur adjoint COMPOSITION DU JURY : • Elodie PELLETIER – Directrice adjointe chargée des ressources humaines et des affaires médicales – Présidente du jury • Dr Marion IRLES – USIP • Estelle TISSU – IDE Voirons • Charlotte LOURS – Orthophoniste CMPI et CATTPI de Sallanches • Colette PERREY – Représentante des familles UNAFAM Deux mains PARTICIPATION : 9 textes ont été reçus dont : • 6 textes venant de patients adultes • 2 textes venant d’agents • 1 texte anonyme P.8 ........................................................ EPSM_Journal_Mai_2016.qxp_E 18/10/2016 10:43 Page2 Des mains explosives & Mes mains Des mains explosives Jacques paraissait être un homme normal : la trentaine, les cheveux d’un noir ébène faisant ressortir son regard sombre impeccablement coiffés et toujours à avoir l’air sérieux. Cependant, un seul tic le dérangeait car il le faisait passer pour un fou : la manie de toujours cacher ses mains. Jamais il ne les laissait errer, comme nous tous, sur les objets. Jamais il ne maniait les choses traînantes… il les enfonçait dans ses poches, les dissimulait sous ses aisselles en croisant les bras… Tant et si bien qu’il décida un jour d’aller voir un guérisseur afin de lui faire part de cette maladie qui lui rongeait l’âme, à tel point qu’il en eût vraiment l’impression d’être un fou. - « asseyez-vous monsieur. lui dit poliment le guérisseur. Qu’est-ce qui vous amène par cette belle matinée de printemps ? » - « voilà monsieur, c’est que, dès que j’aurai commencé à parler, vous allez me prendre pour un fou. » Commença Jacques. - « Cela dépend de ce que vous allez me dire. » - « eh bien, poursuivit Jacques, j’ignore pourquoi, mais voilà maintenant deux ans que je possède un tic étrange : il faut toujours que mes mains soient dissimulées, comme si elles allaient perdre leur contrôle à chaque exposition. a chaque fois que j’essaie de les exposer, elles se bloquent. si bien que les gens pensent que je suis fou de toujours vouloir les dissimuler ! » le guérisseur réfléchit un moment, puis déclara : - « inquiétant en effet. Cela peut effectivement signifier une atteinte au cerveau. mais montrez-moi donc cet effet que possède l’exposition de vos mains en public. » Jacques s’exécuta et à l’instant où il arriva enfin à exposer ses mains, un flash éblouissant apparut durant quelques secondes, puis le cabinet du guérisseur se retrouva en cendres, les corps des deux hommes ayant disparu. Bien sûr, de maintes recherches furent menées afin d’expliquer les raisons de cette explosion ainsi que la disparition des corps des deux hommes, en vain. Mes Mains elles sont maladroites, mon entourage dit que j’ai deux mains gauches. Quand je n’arrive pas à faire quelque chose de mes mains, mon fils de 9 ans me console en disant : « Papa, ce n’est pas de ta faute, tu as deux mains gauches ». Cette expression « avoir deux mains gauches » me fait sourire car elle est très juste, je suis incapable de bricoler, de faire un travail manuel et même monter les jouets de mes enfants, c’est un calvaire. Pourtant j’aime mes mains. elles sont bien soignées, elles m’aident à discuter, à exprimer mes sentiments, à saluer, à aider et à prier. Bref, elles sont gauches, utiles et importantes. Guillaume Guestin, patient CMP La Roche-sur-Foron 2 JOURNAL D E L ’É TA B L I S S E M E N T Octobre 2016 PUBLIC DE S A N T É M E N TA L E Bruno Tsioko Mbevo, adjoint administratif, services économiques DE LA VA L L É E D E L’ A R V E EPSM_Journal_Mai_2016.qxp_E 18/10/2016 10:43 Page3 L’absolue nécessité d’une mémoire Bercé de flots, pour l’heur, dans l’oubli de Noé Sous l’aurore enflammée à l’étal de l’Eden Surgissant à l’encontre une main prend la sienne Etre adoré, enfin, dans un cri envolé, Il fut. Brandi, glorieux, élevé à la vie, Rendant grâce à ce geste en douce syntonie, Alliance d’un amour, d’un art de symphonie, Douces mains, à présent, un sourire à l’envie… Puis, là, bref, s’élevant, imperceptiblement, Le regard dans un doigt conquérant son papa, Blotti au fond des bras en l’émoi d’un repas, Sous les yeux attendris, au bonheur de maman… Notre enfant vit, sourit, ébloui, étirant Toute l’ampleur des mains aux désirs infinis, Tendant alors deux doigts vers un néant fini, Ouvrant son geste au vent entre ses doigts filant. La ramure projette à l’abri du berceau Sur l’enfant à présent attentif à ses mains La toile diaphane, un mystère divin Que déchire d’un cri… libre le jouvenceau… Toujours fier, sans souci, la main lissant la tombe… Rires, lamentations, les sens en équilibre Les deux mains s’opposent, l’une sans l’autre libre L’une espérant de l’autre à l’appui des images La fabrique d’un monde à mille mains l’ouvrage, Soulevant, rassemblant, piochant, taillant, limant Secret agencement, des arts aux sentiments Guidé au seul désir qu’arbore une peau lisse Transporté de désirs d’un destin qui se tisse Au-delà des sommets, de joie et de tristesse, Mains et mots réunis, l’orchestre d’une liesse… Puis vint encore un jour, un doigt ceint d’une alliance, Mains joints à l’éternel sans aucune allégeance, Ni à l’un, ni à l’autre au relent des hauts-bois Sinon à Dieu, l’Unique Essence de tout bois De toute Cause et Corps, la nature ici-bas Guidant de tous les doigts un enfant dans leurs pas, Puis d’autres à l’envi, une histoire annoncée Des secrets plein les mains, les gestes du passé… Car de ces vers écrits, épars, sans coup férir A cette main, cinq doigts, cinq enfants à chérir. Ainsi naquit un homme arraché du Jardin Tout en suçant son pouce en le moelleux d’un sein. Hervé Storck, patient Unité Brévent Puis vint un autre jour, puis un mois, des années… Des espoirs, des rêves, aussitôt surannés, Comme une longue marche au déclin d’une combe JOURNAL D E L ’É TA B L I S S E M E N T PUBLIC DE S A N T É M E N TA L E DE LA VA L L É E D E L’ A R V E Octobre 2016 3 EPSM_Journal_Mai_2016.qxp_E 18/10/2016 10:43 Page4 Une nouvelle vie & Une main tendue UNE NOUVELLE VIE Sylvain et Claire, un couple de fermiers Savoyards vivaient paisiblement. Un jour, un accident vint bouleverser leur vie. Alors qu’il était en train de labourer son champ, il perdit une main en réparant sa machine. Ce fut le début de la déchéance pour ce couple. Malgré le soutien de Claire, Sylvain sombra. Ne pouvant plus subvenir à leurs besoins, il perdit tout espoir. Durant toutes ces années Claire resta à ses côtés en espérant un miracle. Chose qui arriva quand on lui proposa une greffe de main artificielle. L’opération fut un succès et depuis des années Sylvain eut le sentiment de retrouver une nouvelle vie. Surprise, Claire se réveilla seule un matin, 2 jours, 3 jours, 4 jours, toujours rien. Le 5ème jour Claire signala sa disparition. Ce coup-ci c’est elle qui perdit foi. Son mari seraitil parti ?... Le 6ème jour, une sonnerie à la porte. Partagée entre l’angoisse d’une mauvaise nouvelle et d’un petit espoir elle l’ouvrit. Sylvain se tenait devant elle, une valise à sa main artificielle. Une seule phrase sortie de sa bouche : « Chérie on peut vendre la ferme, on est millionnaire ! » En effet, Sylvain avait eu besoin d’un moment de solitude. Il se retrouva par tout hasard dans un casino. Une chose qu’il n’aurait jamais faite avant. Mais ça, c’était avant sa nouvelle vie… Une main tendUe Un enfant et ses mains tendues deux mains d’adulte qui s’éloignent et se ferment. Ô vide, nuit et froid sordide. deux mains d’enfant qui se tendent et appellent deux mains étrangères qui s’ouvrent deux mains qui soutiennent et réchauffent. deux mains qui rassurent. Là-haut le merle chante le ciel est bleu. Ô souvenir de ces mains tendues ! Ô souvenir de vous tous, voisins, amis, inconnus de passage Vous tous soignants et vous mes enfants Vous qui êtes encore parmi nous et vous qui n’êtes plus depuis longtemps. Vous m’avez tendu des mains d’amour et ouvert les portes de la vie et de l’espoir. merci. marie-Françoise neboit-Guilhot, patiente Unité Brévent Atelier d’écriture patients Hôpital de Jour de Sallanches Sébastien Baelde, Pascal Dambra, Laure Garnier, Brian Scal, Annie Sanchis 4 JOURNAL D E L ’É TA B L I S S E M E N T Octobre 2016 PUBLIC DE S A N T É M E N TA L E DE LA VA L L É E D E L’ A R V E EPSM_Journal_Mai_2016.qxp_E 18/10/2016 10:43 Page5 Main mise sur la pensée De celles qui se serrent En guise de reconnaissance A celles qui s’annoncent Paumes en avant Comme vierges de tout affront… Par la plume ou l’épée La main fit de nous Les Maîtres du monde… Juste un pouce préhensible Et quatre doigts agiles, Qui firent de l’homme L’architecte de sa destinée. C’est par la main que se fait le lien Entre la réalité matérielle Et nos virtuelles pensées… Que l’on soit qualifié De manuel ou de cérébral, La pensée ne peut survivre sans ouvrage, Et que d onnerait une œuvre Sans pensée inspirée… Que l’on mette la main à la pâte, Ou que l’on s’en lave les mains, Les mains sont les témoins De l’âme qui les anime. Emmanuel Reymond, aide-soignant Unité Voirons JOURNAL D E L ’É TA B L I S S E M E N T PUBLIC DE S A N T É M E N TA L E DE LA VA L L É E D E L’ A R V E Octobre 2016 5 EPSM_Journal_Mai_2016.qxp_E 18/10/2016 10:43 Page6 Tes mains (Poésie) Tes mains sont une invitation aux fantasmes, Tant de fois elles m’ont menée à l’orgasme. A peine effleurent-elles mes seins Je ne réponds déjà plus de rien, Et leurs caresses le long de mon corps Ne font qu’accroître mon désir, encore et encore. Lorsqu’elles s’emparent fermement de mon fessier Je me sens comme envoûtée, Prête à m’abandonner totalement Pour vivre intensément ce moment. Tes mains glissent ainsi entre mes cuisses, Pour remonter jusqu’à mon clitoris Puis elles pénètrent mon anus, Qui s’apprête à recevoir ton phallus. Tes mains me suggèrent alors un jeu Que nous partageons à deux, D’une fessée tendrement infligée A une position allongée délicatement imposée, Elles deviennent un support de l’imaginaire Pour une excitation supplémentaire. Peu à peu je perds la maîtrise, Et dans cet instant de lâcher prise, Mon plaisir s’exprime librement Et enfin je jouis puissamment. Anonyme 6 JOURNAL D E L ’É TA B L I S S E M E N T Octobre 2016 PUBLIC DE S A N T É M E N TA L E DE LA VA L L É E D E L’ A R V E EPSM_Journal_Mai_2016.qxp_E 18/10/2016 10:43 Page7 Ma main (Poésie) Ma main ou écrire bien Ma main ou compter jusqu’au mois de juin, Ma main pour pétrir le pain, Ma main pour signer un autographe à chacun, Ma main ou écrire comme un écrivain, Ma main coiffe mes cheveux quand je les teints, Ma main ou le tam tam une musique de l’endroit d’où je viens, Ma main pour faire un câlin, Ma main sert à un bain, un jeu de coquin, Ma main ou se masser les seins, Ma main tendue vers les souverains, Ma main ou ne pas boire du vin, Ma main sereine qui éteint le réveil matin, Ma main tendue vers mes copains, Ma main sans laquelle je ne suis rien, Ma main dans un chemin clandestin, Ma main qui frotte mon corps dans la salle de bain, Ma main qui fait mon shampoing, Ma main qui court sur mon clavecin, Ma main qui fabrique des sacs à thym, Ma main qui compte les grains, Ma main qui lave la vaisselle le matin, Ma main qui me maintient, Ma main droite qui écrit bien, Ma main qui prépare un plat au cumin, Ma main que je vernis et entretiens, Ma main comme celle de la main de fatma contre le mauvais œil malin, Ma main qui m’habille et me maquille, cela m’entretient, Ta main qui me soigne et me fait du bien, Ma main qui tient un sabre de Sarasins, Ma main au fond d’un gant de satin, Ma main toujours tendue vers demain, Ma main soignée par un médecin, Ma main entière non comme Djamel Debouze, Sa main coupée par un train l’a laissé Bedouin, plein d’entrain, Ma main ou on peut lire les lignes de la main, Ma main au fond de mon sac à main. Lalia Kadri, patiente Unité Bionnassay JOURNAL D E L ’É TA B L I S S E M E N T PUBLIC DE S A N T É M E N TA L E DE LA VA L L É E D E L’ A R V E Octobre 2016 7 EPSM_Journal_Mai_2016.qxp_E 18/10/2016 10:43 Page8 Deux mains EPSM de La Vallée de l'Arve 530 rue de la Patience 74800 La Roche -sur-Foron www.ch-epsm74.org Responsable de la publication : Florence Quiviger, Directrice Relecture et validation : Bruno Pagliano, Directeur adjoint Coordination : Nathalie Vincent, Archives - Communication - Documentation Impression : Imprimerie Uberti-Jourdan 74130 Bonneville AIMER DES DEUX MAINS ET DÈS AUJOURD’HUI JUSQU’AU LENDEMAIN TRAVERSER LA NUIT ELLES PARLENT DES NOMBREUSES JOINTES OU DÉSUNIES BATTENT LA CADENCE DES MOUVEMENTS JOLIS DANSES PHYSIQUES OU ESTHÉTIQUES L’AMOUR N’A PAS DE PRIX C’EST BIEN PLUS QU’UNE ÉTHIQUE ELLES SAVENT DÉCRIRE L’AMI MES MAINS SONT ANOBLIES MODESTES ET GÉNÉREUSES ELLES CONNAISSENT LA VIE BELLE ET BIENHEUREUSE AU-DELÀ OU PAR ICI L’EXISTENCE « DONNE, DONNE, DONNE » LES CLÉS DES PARADIS TERRESTRES, QUE DIEU PARDONNE. MARILYNE GOMEZ, PATIENTE UNITÉ BRÉVENT