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LES PROCESSUS D’INTEGRATION REGIONALE DANS LA CARAÏBE ET LES RELATIONS AVEC L’EUROPE Maison de l’Amérique latine, lundi 22 octobre 2012 Colloque IDA/UE­ALC TABLE RONDE : Les effets de la relation historique el culturelle avec l’Europe sur le processus d’intégration régionale dans les caraïbes. La Caraïbe n’est pas un sous­ensemble homogène de l’Amérique latine. Elle est constituée d’une mosaïque de nations, de petits Etats insulaires ­ si l’on fait le choix d’une définition stricte de la sous­région1 ­ qui rassemble des pays ou territoires hétérogènes que séparent, plus qu’elles 1
L’imprécision au moment de définir et de parler de ce sous­région du continent latino­américain est énorme. Elle peut « strictus sensus » se circonscrire aux îles de la Caraïbe, ou faire appel à tous les Etats baignés par la mer de la Caraïbe. Dans cette perspective on parle de la caraïbe insulaire ou de la grande caraïbe qu’inclus : le Mexique, Le Venezuela et la Colombie et certains pays de l’Amérique centrale. Si l’on aborde la définition à partir des pays ou territoire qui font partie des structures d’intégration sous régionale, ou ayant un statut institutionnel que les lies à d’autres pays en dehors de la zone géographique caraïbe, les choses sont beaucoup plus compliquées. Ainsi, on a d’une part, le CARICOM, l’Association des Etats de la Caraïbe, le SICA et d’autre part, le Puerto Rico, les Antilles Hollandaises (qui changent de statut), les territoires français caribéens d’outremer . Au sein des organisations internationales telle que l’UNESCO on aborde ce partie de la Région, respectant le statut juridique des territoires, à partir de la notion de petits Etats insulaires et de petits Etats ce que permet réunir dans une ensemble les îles de la caraïbe et les pays de l’Amérique centrale. En vue de construire une réflexion sur le sous­région il pourrait être porteur privilégier pour l’analyse les Etats et/ou territoires insulaires de la caraïbe et les petits Etats située au nord de la Région ce qui permettre intégrer, dans certains dimension de l’analyses ou problématiques régionales, les pays proches de l’Amérique Centrale. ne les rapprochent, les eaux de la Mer caraïbe. Son passé colonial et son histoire sont très diversifiés et les puissances colonisatrices – Espagne, France, Grande­Bretagne et Pays­Bas – ont laissé de profondes empreintes dans les modes de vie, la culture, les structures économiques, ainsi que dans les fonctionnements institutionnels. Sans parler de l’héritage linguistique. A ces éléments, qui nous renvoient à Fernand Braudel et à sa notion de la longue durée dans l’histoire, il faut ajouter l’emprise, depuis plus d’un siècle, de la nouvelle puissance néocoloniale : les Etats­Unis. Par ailleurs, la Caraïbe est affectée, sans en être une véritable actrice, par les changements intervenus dans la géopolitique mondiale, en particulier par la montée en puissance de l’Asie. Pour des raisons de masse critique, elle ne constitue pas un enjeu économique prioritaire pour les Etats­Unis et l’Europe. Il n’en va pas de même pour l’Amérique latine continentale dont les immenses ressources naturelles (minerais, hydrocarbures, eau, biodiversité) attisent les convoitises non seulement nord­américaines et européennes, mais aussi, et de plus en plus, chinoises. Dans ces conditions, et même s’il existe une Communauté caribéenne (le CARICOM), l’idée d’intégration est une idée neuve. Quelle intégration d’ailleurs ? Intégration de la Caraïbe tout court ? Intégration au grand ensemble latino­américain ? Intégration au marché mondial ? Aucune de ces trois options n’est évidemment pas, pour partie, exclusive des deux autres. Mais l’orientation politique prise par la plupart des gouvernements de la sous­région ces dernières années a été de favoriser le grand ensemble que José Marti appelait « Notre Amérique » et que certains aujourd’hui appellent la Grande Patrie latino­américaine. Ce qui exclut dans les deux cas le Canada et les Etats­Unis. A cet égard, deux événements peuvent être considérés comme fondateurs : ­ en novembre 2005, à Mar del Plata, lors du Sommet des Amériques, l’enterrement définitif du projet de Zone de libre­échange des Amériques, l’ALCA, porté par Washington ; ­ en décembre 2011, à Caracas, la création officielle de la Communauté d’Etats latino­américains et caraïbes (CELAC) qui regroupe la totalité des 33 Etats de l’Hémisphère et de la Caraïbe (dont Cuba), mais sans les Etats­Unis et le Canada. Ce qui induira mécaniquement un affaiblissement, voire un dépérissement de l’Organisation des Etats américains (l’OEA) dont, il faut le rappeler, le siège est à Washington. Dans cette démarche d’intégration, et si on la compare à l’Amérique centrale et du Sud, la Caraïbe part avec certains handicaps de fait que je vais rappeler sommairement. La colonisation espagnole a légué une forte unité linguistique et culturelle à l’Amérique située au sud du Rio Grande. Même s’il y a de petites exceptions ­ la Guyane française, la Guyana et Belize anglophones et le Surinam néerlandophone ­ et une grosse exception : le Brésil (mais on reste entre langues ibériques…). En soubassement de cette unité, il existe un imaginaire en partie commun, une geste des Libertadors transfrontières avec Bolivar et dans son sillage. La volonté d'intégration continentale est la traduction contemporaine du rêve bolivarien d'il y a 200 ans. En revanche, la Caraïbe a été d'emblée balkanisée par quatre puissances coloniales : l'Espagne, la France, la Grande Bretagne et les Pays­Bas. Il n'existe pas de geste d'un Libertador pan­caraïbe. Seulement des histoires parallèles de soulèvements des peuples premiers et de mouvements de libération (Haïti et RD contre Haïti). Le legs de ces colonisations très diverses a été le maintien de rapports culturels et politiques privilégiés avec les anciennes métropoles, et l'ignorance des voisins immédiats ne parlant pas la même langue. Une exception peut­être : les rapports entre Cuba et Porto Rico que la poétesse Lola Rodriguez de Tio avait ainsi évoqués à la fin du XIXème siècle : " Cuba y Puerto Rico son de un pajaro las dos alas". Même la résistance à l'impérialisme américain, autre dénominateur commun des mouvements populaires des Amériques centrale et du Sud n'a concerné que les hispanophones de la Caraïbe (Cuba, RD, Porto Rico). Autre legs négatif de l'histoire coloniale, la fragmentation des statuts politiques : Etats indépendants ; DOM et territoires français ; "Etat libre associé" aux Etats­Unis (Porto Rico) ; territoires d'outre­mer britanniques (Iles Vierges) ; Royaume du Commonwealth (Bahamas) ; Iles Vierges américaines ; Etat au sein des Pays­Bas (Curaçao), etc. Ainsi, autant l'intégration du continent est un prolongement de son histoire, autant l'intégration de la Caraïbe est à contre­courant de son histoire. D'où sa difficulté. Certains diront : mais il y a la CARICOM ! Il faut relativiser le poids réel de cette institution, même si elle comprend 14 Etats membres, 6 Etats membres associés et 7 membres observateurs. Elle a en effet ses limites objectives car les économies de la zone ne sont pas complémentaires. Elles sont même concurrentes en matière d’offre touristique. Par ailleurs, elles sont largement dépendantes des Etats­Unis pour l’envoi des remesas. Il manque encore une dimension politique et culturelle pour donner du sens à ce projet d’intégration caraïbe. Un simple marché commun ne fera pas rêver grand monde, sauf à l’OMC, au FMI, à la Banque mondiale et à la Commission européenne. Parmi les institutions à géométrie variable de l’Hémisphère, deux ont joué un rôle catalyseur pour montrer qu’il existe des formes d’intégration autres que par le seul marché. Je veux parler de l’ALBA et de PetroCaribe. L’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique, l’ALBA, créée en décembre 2004, comprend 11 membres ou membres invités, dont 6 de la Caraïbe : Antigua­et­Barbuda, Cuba, Haïti, Saint­Vincent­et­les­
Grenadines, La Dominique, Sainte Lucie. Elle fonctionne sur des bases rompant avec les mécanismes libéraux classiques, en particulier en mettant en avant la complémentarité et l’asymétrie en lieu et place de la concurrence. Quant à PetroCaribe, fondée en juin 2005, elle regroupe 16 Etats de la Caraïbe auxquels le Venezuela fournit du pétrole à prix réduit (jusqu’à 50 %), le solde faisant l’objet d’un prêt à très long terme avec un intérêt annuel de 1 %. Ces deux institutions régionales vont à contre­courant de l’évolution des politiques de l’Union européenne envers les pays ACP de la zone caraïbe, comme des autres. Avec les Accords de partenariat économique (APE), il s'agit de l’abandon des préférences commerciales consenties autrefois par l’Europe communautaire, et donc d'une intégration pure et simple au marché mondial selon les normes de l'OMC. Ce qui n’est pas la meilleure manière de faire vibrer la corde européenne auprès des opinions… L'impulsion pour l'intégration caraïbe, dont on a vu les difficultés, s'inscrit dans un mouvement général d'intégration latino­américaine totale ou partielle (comme l’ALBA) dans une logique d'autonomisation par rapport aux Etats­Unis. L’UNASUR (qui réunit tous les Etats d’Amérique du Sud) et tout dernièrement la CELAC, en sont des exemples significatifs. On peut dire – et le paradoxe n’est qu’apparent ­ que plus il y aura d’intégration latino­américaine et plus il y aura d’intégration caraïbe. Pour conclure, je voudrais signaler deux configurations dans lesquelles mon pays, la République Dominicaine, est impliqué et qui vont modestement dans le sens de cette intégration. D’abord, en 2013 l’Année de la République Dominicaine en Guadeloupe. Mais aussi et surtout, la "coopération renforcée" (pour employer le vocabulaire de l'Union européenne) entre la RD et Haïti. Cette coopération a été le fruit d'une vague de solidarité spontanée après le séisme et n'a obéi à aucune consigne extérieure. C'est une amorce de sous­intégration régionale que la France et l'UE devraient davantage soutenir. 

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