la constellation de l`Hydre
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la constellation de l`Hydre
Randonnées printanières La constellation de l’Hydre C’est par une nuit de printemps que mon regard a été attiré, sous la constellation du Cancer, par un étrange astérisme. En consultant une carte du ciel, je me suis rendu compte qu’il s’agissait de la partie supérieure de la constellation de l’Hydre. Il est vrai que les amateurs que nous sommes, trop accaparés par la traque des galaxies des constellations voisines du Lion et de la Vierge, n’explorons pas souvent cette région. C’est donc une fois encore à une balade hors des sentiers battus que je vous convie aujourd’hui. Et si l’Hydre n’est pas une constellation très spectaculaire, elle est associée à de très jolies histoires qui épateront vos amis ; et comme elle s’étend sur près d’un tiers du ciel, il serait dommage de l’ignorer ! 1. Origine mythologique La constellation de l’Hydre est liée à deux mythes différents, dont le plus connu est sans aucun doute celui de l’Hydre de Lerne, cette créature hideuse, objet du deuxième des Douze Travaux d’Héraclès. Représentation mythologique de la constellation de l’Hydre. Notez la présence des constellations du Corbeau (Corvus) et de la Coupe (Crater). 27 Héraclès est le fils de Zeus et d’Alcmène, la dernière conquête mortelle du maître des dieux. Héra, la jalouse épouse de Zeus, nourrit une haine profonde envers Héraclès, et ce depuis sa naissance. Selon certaines sources, le nom même d’« Héraclès » signifierait « à la gloire d’Héra » ou « le don glorieux d’Héra » : la Pythie aurait conseillé de nommer ainsi ce fils illégitime de Zeus afin de tenter d’apaiser la colère de la déesse, qui n’aura de cesse de lui rendre la vie impossible. Un jour, Héra rend fou le demi-dieu, qui perd tout contrôle, et tue les fils que lui avait donnés la fille du roi de Thèbes, Mégara. Lorsque Héraclès retrouve ses sens, il est incapable de trouver le repos. L’oracle de Delphes lui conseille de se rendre chez le roi Eurysthée et d’accomplir les épreuves que celui-ci lui imposera : c’est l’origine des célèbres Douze Travaux d’Héraclès. Parmi ceux-ci, le deuxième consiste à tuer un monstre qui vit dans les marais de Lerne, dans le Péloponnèse : l’Hydre, qui possède un corps de chien et plusieurs têtes de serpent, dont une seule est immortelle. Cet animal fantastique a de qui tenir ! Sa mère Échidna est une créature terrible, dont le corps est à moitié celui d’une femme et à moitié celui d’un serpent vorace. Quant à son père Typhon, c’est l’un des êtres les plus effrayants de la mythologie grecque, qui a fait trembler Zeus lui-même ; il possède cent têtes de dragons, et on lui doit les Héraclès combat l’Hydre de Lerne, aidé par son neveu plus violentes tempêtes, qu’il provoque Iolaos (vase grec). du fin fond du Tartare… L’Hydre de Lerne n’est d’ailleurs pas le seul fruit de l’union de Typhon et Échidna : parmi ses sympathiques frères et sœurs, on trouve entre autres les terrifiants Chimère et Cerbère, ou encore le Lion de Némée. La lutte d’Héraclès contre l’Hydre est acharnée : chaque fois que le héros coupe une tête de l’animal, celle-ci repousse immédiatement. Le combat est d’autant plus inégal qu’Héra envoie un crabe géant pour faire diversion. Pour arriver à bout de ces deux monstres, le héros doit faire appel à son neveu Iolaos, à qui il demande de cautériser les cous qu’il vient de trancher afin d’empêcher la repousse de nouvelles têtes. Héraclès finit par couper la tête immortelle, et l’enterre sous un rocher ; quant au crabe géant, il l’écrase d’un coup de talon. Pour remercier le crabe de ses efforts, Héra le place dans le ciel : c’est l’origine de la constellation du Cancer, qui se trouve juste au-dessus de celle de l’Hydre. Héraclès récupère le venin de l’Hydre de Lerne, dans lequel il trempe ses flèches pour les rendre encore plus dangereuses. Une de ces flèches donnera involontairement la mort au sage centaure Chiron, qui sera lui aussi placé sur la voûte céleste pour devenir la constellation du Sagittaire. 28 Selon certaines sources, c’est aussi le venin de l’Hydre qui causera, bien plus tard, la mort d’Héraclès lui-même. En effet, le centaure Nessos, blessé mortellement par une flèche d’Héraclès, donne au moment de mourir à Déjanire, l’épouse du vaillant guerrier, une fiole contenant un philtre qui doit lui assurer la fidélité de son mari. En réalité, la fiole contient un poison composé du sang du centaure, de sa semence, et probablement du venin de l’Hydre de Lerne. Déjanire imprègne de cette substance le manteau du héros, et lorsque celui-ci revêt sa tunique, son corps se décompose ; Héraclès meurt dans d’atroces souffrances. C’est la fin tragique du plus célèbre héros de la mythologie gréco-romaine, auquel la constellation d’Hercule rend hommage. Le second mythe est intéressant, car il permet de comprendre la « géopolitique » de la région du ciel qui nous concerne. Selon celui-ci, le dieu Apollon envoie le corbeau, son serviteur, remplir une coupe d’eau pure pour offrir un sacrifice à Zeus. En chemin, l’oiseau aperçoit un figuier chargé de fruits presque mûrs… Il décide d’attendre quelques jours, perché sur une branche, que les fruits deviennent comestibles. Ce n’est qu’après avoir dévoré toutes les figues qu’il se décide à rapporter la coupe remplie d’eau à Apollon. Comme son retard risque de déclencher la colère du dieu, il a tôt fait de trouver une bonne excuse : il capture à l’aide de ses griffes un serpent d’eau – l’Hydre –, qu’il rapporte, avec la coupe, à Apollon, à qui il explique que c’est cet animal qui lui a fait perdre tant de temps. Apollon, devinant la supercherie, punit le corbeau en le plaçant dans le ciel, à côté du serpent d’eau (qui donnera la constellation de l’Hydre) et de la coupe (d’où l’origine de la constellation homonyme), mais de telle sorte que l’oiseau ne puisse jamais se désaltérer de l’eau fraîche de la coupe. Voilà pourquoi les corbeaux et autres corneilles croassent : leurs gosiers sont secs, et ne peuvent jamais être désaltérés ! Cette histoire explique donc pourquoi les constellations de l’Hydre, du Corbeau et de la Coupe sont voisines… 2. Description de la constellation L’Hydre est la plus longue et la plus large constellation du ciel : elle s’étend sur près de 100°, et occupe une surface de 1 303 degrés carrés ! Elle est si grande qu’elle commence à l’Est des constellations d’hiver, et se termine à l’Ouest des constellations d’été ; elle s’étire sur pratiquement quatre constellations du Zodiaque : la tête de l’Hydre se trouve sous le Cancer, son corps passe en-dessous du Lion et de la Vierge, et l’extrémité de sa queue vient chatouiller la Balance… Il faut donc prévoir plusieurs nuits pour l’observer dans sa totalité ! La partie de la constellation de l’Hydre qui attire d’abord le regard est la tête : c’est un astérisme composé des étoiles δ, ζ, η et σ, qui occupe le champ de jumelles grossissant de 7 à 10 fois. L’étoile Alphard, « la solitaire », représente le cœur de l’animal ; elle est aussi l’étoile la plus brillante de la constellation (α Hydræ). Son nom provient du fait qu’aucune autre étoile brillante ne se trouve dans son voisinage. C’est un astre de deuxième magnitude, de couleur rouge-orange. 29 Les étoiles qui soulignent les méandres du corps de l’Hydre sont peu lumineuses : leurs magnitudes oscillent entre quatre et cinq ; rien de très spectaculaire, donc, mais leur repérage constitue un bon moyen de tester la qualité de votre site et votre acuité visuelle… Cette longue constellation se termine par l’étoile 58 Hydræ. Par sa taille, et bien qu’elle soit située en dehors de la Voie Lactée, la constellation de l’Hydre renferme un très grand nombre d’objets variés, qu’il m’est malheureusement impossible de citer tous ici. 3. Quelques étoiles remarquables Dans le numéro 34 de Galactée, je vous ai parlé de la constellation du Lièvre, et de l’étonnante « étoile cramoisie de Hind », étoile variable dont la couleur rouge sang est due à une atmosphère riche en carbone qui absorbe fortement la lumière bleue. L’Hydre renferme également un astre de ce type, l’un des plus brillants même, l’étoile U Hydræ, dont la magnitude passe de 4,7 à 6,2 en 450 jours. Sa couleur est déjà facilement reconnaissable dans de petites jumelles. Deux systèmes d’étoiles doubles valent également le détour, N Hydræ et 54 Hydræ, mais leur déclinaison très négative rend leur observation pratiquement impossible à nos latitudes. 4. Les galaxies M83 et NGC3621 Parmi les très nombreuses galaxies de la constellation de l’Hydre, deux sont tout à fait remarquables. La première est NGC5236, plus connue sous le nom de Messier 83. Elle a été découverte au Cap de Bonne Espérance par l’abbé Nicolas-Louis de Lacaille en 1752, et 30 Messier l’a ajoutée à son catalogue en 1781. Elle fait partie de l’amas de galaxies du Centaure. Située à 22 millions d’années-lumière de la Terre, elle brille comme 36 milliards de soleils, et s’étend sur 100 000 années-lumière ; vue de notre planète, elle a une magnitude de 7,6, ce qui n’est pas mal du tout pour une galaxie ! M83 est une galaxie spirale barrée, qui offre un spectacle de M83 photographiée par David Malin (Anglo-Australian premier choix à l’amateur qui Observatory). l’observe avec un télescope de 8 à 10 pouces : deux bras spiraux se détachent d’un cœur circulaire brillant, le tout baignant dans un halo diffus de 14’ de diamètre. Les observateurs les plus avertis peuvent même observer la courbure des deux bras et discerner des objets entre ceux-ci et le cœur : étoiles en avant-plan de notre propre Galaxie ou nébuleuses appartenant réellement à M83 ! Malheureusement, la latitude élevée de notre pays ne facilite pas l’observation de M83, qui est située plus bas encore que la Galaxie du Sombrero, qui se trouve à la limite entre les constellations de la Vierge et du Corbeau ; son repérage ne peut se faire que dans des conditions optimales : horizon Sud parfaitement dégagé et ciel d’une grande transparence. Il n’est donc pas étonnant qu’elle ait été découverte de la pointe Sud de l’Afrique ! L’autre galaxie « haut de gamme » observable dans l’Hydre n’est pas reprise dans le catalogue de Messier ; il s’agit de NGC3621, de magnitude 8,9. La galaxie NGC3621 photographiée par le VLT. 5. L’amas ouvert M48 L’observation de l’amas ouvert M48 est nettement plus facile de nos contrées que celle des deux galaxies dont nous venons de parler : M48 peut grimper dans le ciel à la même hauteur que l’étoile Alphard. Il se situe à égale distance de la tête de l’Hydre et de l’étoile 31 Procyon de la constellation du Petit Chien1. En réalité, l’amas identifié aujourd’hui à M48, qui porte le numéro NGC2548 dans le New General Catalogue, avait été localisé par Messier à quatre degrés de là, à un endroit du ciel où on ne trouve trace d’aucun objet particulier… L’amas M48 est une cible de choix pour des jumelles à fort grossissement (vivement les Nocturnes du printemps… !). Situé à 1 500 années-lumière de la Terre, il brille comme 1 000 soleils ; son diamètre réel est de 24 annéeslumière. Observé avec un petit instrument, il L’amas ouvert M48. révèle une cinquantaine d’étoiles concentrées dans une région de 50’ de diamètre. À l’oculaire d’un télescope de 8 à 10 pouces grossissant une cinquantaine de fois, c’est un amas très riche et brillant, composé de 65 étoiles, dont les plus étincelantes semblent former des chaînes. Certains observateurs prétendent que la grande différence d’éclat entre les étoiles de l’amas donne une étrange sensation de « profondeur » : les étoiles les plus brillantes semblent être à l’avant-plan par rapport aux étoiles les plus faibles. 6. L’amas globulaire M68 L’Hydre est vraiment une constellation riche en objets variés, puisqu’on y trouve également un amas globulaire – encore un Messier, M68, observé par Pierre Méchain et Messier en 1780. De magnitude 7,7, il est distant de 31 000 années-lumière. Dans un télescope de 8 à 10 pouces, il se présente comme un cœur brillant baignant dans un halo de 10’ de diamètre dont la périphérie est résolue en étoiles. 7. Le Fantôme de Jupiter L’amas globulaire M68. Une des « stars » de la constellation de l’Hydre est NGC3242, une belle nébuleuse planétaire, connue sous le nom de « Fantôme de Jupiter », qui atteint une magnitude de 7,8. Observée à l’aide d’un petit instrument (une dizaine de centimètres de diamètre), la nébuleuse se présente sous la forme d’un disque bleuté dont le diamètre est comparable à celui de Jupiter (ce qui explique sa dénomination). L’utilisation d’un instrument plus puissant montre que les 1 Voir « Les constellations du Grand Chien et du Petit Chien », Galactée n°38, décembre 2003. 32 bords du disque sont irréguliers, et que la nébuleuse possède deux extensions vers l’Est et l’Ouest ; l’étoile centrale est visible. Vue au travers d’un télescope de plus de 300 mm de diamètre, NGC3242 ressemble à un œil. Quant aux images prises par le télescope spatial Hubble, elle sont époustouflantes ! Bonne balade ! Francesco Lo Bue (UMH) Le « Fantôme de Jupiter », nébuleuse planétaire photographiée par le télescope spatial Hubble. 33