WOMEN IN BLACK Les 2S de l`amour - E

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WOMEN IN BLACK Les 2S de l`amour - E
WOMEN IN BLACK
Les 2S de l’amour
Scénario de Stéphane ACKEL
© Stéphane ACKEL. Juin 2002. Tous droits réservés.
Sur écran noir
Voix-off d'un homme âgé
Je m'appelle Paul. Laissez-moi vous conter l'histoire d'une rencontre qui a marqué mon existence à tout
jamais. Elle remonte à l'été de mes 30 ans. Cet été là, tout a changé pour moi et pour mon meilleur ami,
Barnabé...
1. VILLAGE : ROND-POINT DU CENTRE. EXT/JOUR
a. Rond-point
(vue subjective)
Circulation calme de matinée dominicale.
Une JEUNE FILLE A BICYCLETTE, la robe légère, le cheveu long, fin et châtain, prend le rond-point.
On suit son déplacement latéral pour d’un sursaut, l’abandonner et revenir dans l’axe.
De la rue qui nous fait face, un cabriolet arrive au loin.
Il s’engage à son tour sur le rond-point. En ressort à l’avant-plan pour venir s’arrêter sur une
zone de stationnement.
La capote s’abaisse en même temps que les vitres et découvre les deux passagères du bolide en manteau
de cuir noir.
SABRINA, la conductrice porte un chapeau qui cache sa chevelure brune rattrapée en un chignon.
SAMANTHA, la passagère porte un foulard qui cache sa chevelure blonde comme les blés et des lunettes
de soleil qui cache ses yeux d’un bleu incandescent (translucide).
Avec une grâce aidée par le filmage au ralenti, elle se débarrasse des deux accessoires.
Cliché de la chevelure parfaitement coiffée qui se déploie, que la fille balance de droite à gauche pour
qu’elle reprenne son volume dans l’air ambiant (réf. pub shampoing).
Ceci fait, la blonde s’adresse à l’avant-plan hors champ sans que l’on entende un son sortant de sa bouche
(tech : on ne prend pas la réplique)
b. au pied de l’église
Quelques spécimens des jeunes du cru sur leurs deux-roues : un vélo (bicross), une mob(ylette), un
scoot…er.
Devant eux : deux personnages.
L’un est BARNABE, black campagnard au look rustique (chemise à carreaux et large salopette en toile de
jean).
L’autre blanc à sa gauche, c’est PAUL, moins couleur locale que son ami. Il porte un modeste tee-shirt
blanc et un jean démodé.
Tous deux sont à l’image des ados dans leur dos : bouche bée.
a.(suite) zone de stationnement
(vue subjective au ralenti comme dans un rêve)
SAMANTHA descend du véhicule et s’étire dans une position très pin-up.
Tandis que SABRINA ôte son chapeau et pince les lèvres devant le rétroviseur central.
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b. au pied de l’église
Les visages de PAUL et BARNABE affichent une seule expression : l’incrédulité.
Sur un [chant d’Aleluïa], on passe de leurs visages au sommet de l’église qui les surplombe sur un fond
de ciel bleu.
2.1 VILLAGE : A L’OMBRE DES ARBRES. EXT/JOUR
Le feuillage vert. Plus bas, 2 CHEVAUX paisibles dans un champ ont passé leur tête par-dessus la
barrière en fil de fer barbelé.
Plus loin sur leur gauche, les 2S sont assises à une table de jardin, style terrasse métallique. Si chacune a
sa conso, leur tenue est encore une fois assortie : veste de cuir noir ouverte sur tee-shirt court et moulant
noir, pour le bas, pantalon de cuir noir et moulant.
L'objectif de la caméra zoome avant et arrière puis avant pour finalement trouver la justesse du cadre et
du point.
SAMANTHA boit une gorgée du verre (entrechoc des glaçons) et entame en s'adressant à la caméra-oeil
de l'Interviewer-Mystère (I.M).
SAMANTHA
Franchement on comprend pas ! Sabrina ?
SABRINA, prise à témoin, cesse de remuer le bâtonnet en plastique dans son verre.
SABRINA
Ah ça !
Elle jette le bâtonnet sur la table et s'apprête à enchaîner :
SABRINA
C'est touj...
SAMANTHA
C'est toujours comme ça. Chaque fois c'est pareil.
SABRINA
Toujours la même chose. Et encore...
SAMANTHA
et encore...
SABRINA
et encore.
3a. VILLAGE : RESTAURANT / Façade. EXT/JOUR
Les 2S sont accueillies par le RESTAURATEUR, un homme âgé encore vert. Scène de retrouvailles :
entre deux embrassades, on se prend dans les bras. Ils entrent.
A proximité de l’entrée, contre le mur blanc de chaux : PAUL et BARNABE dégoûtés.
PAUL
Elles se tapent le père Antoine !
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BARNABE grimace quand [Love thème ‘Barnabé’] quelque chose le décrispe hors-champ. Sa tête suit le
déplacement de la gauche vers la droite.
3b. VILLAGE : RESTAURANT / En face. EXT/JOUR
La JEUNE FILLE A BICYCLETTE pédale jusqu’à la descente où elle se laisse porter.
3a. VILLAGE : RESTAURANT / Façade. EXT/JOUR
BARNABE est aux anges. PAUL le regarde amicalement.
PAUL
Aah…
(il pose la main sur l’épaule de BARNABE)
Barnabé. Quand vas-tu enfin te décider à l’aborder…
BARNABE
Elle est si belle et moi…
PAUL
Et toi quoi ?
BARNABE se retourne vers PAUL, ouvre la bouche mais se bloque, les yeux ronds.
PAUL poursuit avec dans son dos : SAMANTHA.
PAUL
Toi au contraire, tu as ce quelque chose que les autres n’ont pas.
Et parce que tu es mon ami, je vais te le dire : tu as le black power, mon pote.
SAMANTHA étouffe un éclat de rire. SABRINA ressort du restaurant. SAM l’invite à la discrétion et à
rester près d’elle.
PAUL
Tu as ça ancré en toi et tu ne le sais même pas. A bientôt 30 piges, il serait temps que tu t’en rendes
compte. Tu sais je serais pas toujours là à tes côtés pour te prendre par la main.
Alors la prochaine fois que tu l’aperçois, tu prends ton courage à deux mains et tu la siffles,
comme ça, entre tes doigts.
Il siffle. Son sifflement est repris en stéréo dans son dos. PAUL sursaute et découvre les 2S qui lui font
face. Elles ne s’embarrassent pas.
SAMANTHA
(en tendant la main à PAUL)
Samantha, Samy, Sam !
PAUL sert la main, toujours sous l’effet de surprise.
PAUL
Paul.
SABRINA tend la main et se présente à son tour.
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SABRINA
Sabrina, Saby, Sab !
PAUL est ko debout.
PAUL
Paul.
SABRINA
(sourire éclatant à l’image de sa voisine)
Ca on avait compris. Mais ton copain…
Un blanc dans la conversation. PAUL est comme hypnotisé par les deux belles. BARNABE bouche
cousue est au bord du malaise, son visage tremblant de partout. SAMANTHA met fin au calvaire.
SAMANTHA
Barnabé, c’est ça ?
Elle tend une main qui reste ‘sans client’. A côté d’elle, SABRINA baisse la tête sur BARNABE et
progressivement les traits de son visage prennent une expression stupéfaite au son d’un liquide tombant
sur le sol. Elle est imitée en cela par SAM qui abaisse progressivement sa main tendue et fixe le sol au
même endroit.
BARNABE, les yeux fermés très fort dans une intense souffrance contenue, pousse des petits
gémissements qui se transforme en une longue plainte haletante les yeux et la bouche rouverts.
Il roule des yeux vers son entrejambe auréolée et plus bas, le long d’une jambe jusqu’à la flaque au sol.
PAUL sort enfin de sa torpeur et découvre le drame.
PAUL
Oh c’est pas vrai ! Excusez mon ami. Il est un peu…
SAMANTHA
(regard amusé)
Impressionné ? C’est pas la première fois.
SABRINA
(toujours ‘scotchée’ au sol)
A ce point-là, si…
PAUL
(gêné)
Eh eh. Vous savez, c’est qu’il est pas habitué.
Par ici on voit pas passer beaucoup de filles comme vous.
SABRINA
(qui fixe à présent BARNABE)
Ca on veut bien croire.
SAM lui donne un coup de coude.
SAMANTHA
Ce que notre nouvel ami veut dire c’est qu’il nous trouve un certain charme.
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PAUL
(tout sourire)
La classe !
Une flatulence se fait entendre sur sa gauche. PAUL est estomaqué et jette un regard noir à BARNABE
toujours aussi mal en point.
Les 2S sont la bouche bée, incrédules sur ce qu’elles viennent d’entendre.
PAUL, un degré de plus dans la gêne, attrape BARNABE sous son bras et l’entraîne hors du regard des
filles.
2.2 VILLAGE : A L’OMBRE DES ARBRES. EXT/JOUR
SAMANTHA
Ecoutez, vous allez pas dire le contraire. Quand même, avouez que.
C’est à chaque fois le même numéro…
SABRINA
Le même cirque.
SAMANTHA
Et à la longue je vous jure que c’est usant.
SABRINA
Ah ouais, Sam. Tu l’as dit. Usant.
SAMANTHA
Et pourtant est-ce qu’on a l’air usées ? Sab ?
SABRINA
Samantha ?
Les 2S partent en chœur d’un éclat de rire mondain.
SAB + SAM
Ah ah ah
3c. VILLAGE : RESTAURANT / Côté droit. EXT/JOUR
PAUL plaque contre le mur BARNABE, qui se protège le visage d’une volée de bois vert.
PAUL
Putain Barny ! Qu’est-ce qui t’a pris de faire ça !? T’as vu les plaques. 75 !
Ces filles arrivent de la capitale. C’est notre chance !!!
Et toi tu trouves rien de mieux que de lâcher un renard !
BARNABE
(pleurnichard au débit rapide)
Barny s’excuse Paul, Barny l’a pas fait exprès, Barny a pas voulu, Barny s’excuse, Paul.
PAUL, décontenancé, relâche la pression.
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PAUL
Ouais bon ben c’est pas la peine de te mettre dans cet état. C’est pas grave. Allez, laisse-moi arranger le
coup à ma façon. Toi t’as plus qu’à rentrer te changer, hein ! On va faire comme ça.
BARNABE se ragaillardit et essuie ses joues humides.
BARNABE
D’accord Paul. Merci Paul, merci.
Il veut serrer PAUL dans ses bras, qui l’arrête.
PAUL
Ohla Barny, on va éviter le contact si tu n’y vois pas d’inconvénient.
BARNABE
(gêné)
Oui, pardon.
PAUL
Voilà qui est prudent. Allez, file maintenant.
BARNABE part, la démarche mal assurée, presque en canard, sous le regard attendri de PAUL.
PAUL
(soupir)
Aah Barny, mon ami qui sent l’pipi. Et c’est pas du pipeau !
Sur quoi, il s’en retourne.
3a. VILLAGE : RESTAURANT / Façade. EXT/JOUR
PAUL réapparaît au coin, revient à l’emplacement qui était le sien avant son départ précipité avec
Barnabé.
Il s’aperçoit au dernier moment que les belles ne sont plus là. Il affiche une mine dépitée bien vite ravivée
quand il découvre SAB (au volant) et SAMANTHA assises dans la décapotable, lunettes de soleil sur le
nez. Il les rejoint, se poste à niveau du véhicule et a le silence un peu gauche, le soleil dans les yeux qui le
fait grimacer.
PAUL
Vous partiez ?
SAMANTHA
On t’attendait.
SAMANTHA descend du véhicule et s’écarte, la main sur la portière.
SAMANTHA
Allez monte.
PAUL ne se fait pas prier et s’installe à l’intérieur.
PAUL
Et on va où ?
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SAMANTHA reprend sa place. PAUL se retrouve pris en sandwich entre les deux beautés. Comme un
coq en pâte, il repose sa question à l’une à l’autre.
PAUL
Et sinon on va où ?
SABRINA met le contact et pose la main sur le levier de vitesse entre les jambes de PAUL.
PAUL
Ohla, vous allez vite en besogne, Mam’zelle. Je ne suis pas homme facile, savez.
Les 2 « Mam’zlles » se regardent.
SAM + SAB
Nous non plus.
Le bolide part…
PAUL (off)
Ah ben ça tombe bien alors. Comme ça on est 3.
…et passe sur la route.
SABRINA
(voix poussée)
Et avant de songer à nous plaire très cher…
SAMANTHA
(voix poussée)
…il faudrait peut-être envisager an other look.
PAUL
(dans la trace du véhicule)
Ane ovaire quoi !?
[Début de la chanson originale inspirée du morceau ‘Pretty Woman’ de Roy Orbison]
4. VILLE : SALON DE COIFFURE. INT/JOUR
PAUL est assis dans un fauteuil de coiffeur, le VISAGISTE à ses côtés. On entraperçoit le reflet de son
client dans le miroir. L’artisan fait pivoter le siège à 180° et en vrai, le résultat est saisissant en terme de
changement : du fils d’ouvrier au play-boy de magazine.
Les 2S en sont les témoins privilégiés. Assises l’une à côté de l’autre, leurs visages plein de surprise se
rejoignent au point de se toucher. Passé l’effet de surprise, elles sourient à pleines dents, pouces en l’air.
5. VILLE : SALON DE BEAUTE. INT/JOUR
Un pouce se fait limer l’ongle. C’est celui de PAUL, confortablement installé dans un fauteuil. La
MANUCURE, belle femme d’une quarantaine d’années, lui adresse un sourire et souffle doucement sur
le doigt, objet de son travail. PAUL répond à son sourire. Cet échange provoque la tape de SABRINA sur
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son épaule, suivi du rapprochement de son visage au sien, l’index négatif. SAMANTHA applique un
bandeau noir sur les yeux de PAUL.
6. VILLE : CABINE A U.V. INT/SOIR
Des lunettes anti-U.V sur les yeux de PAUL allongé sur la table spéciale. Il se redresse, s’assoit au bord,
se laisse glisser vers le sol.
7. VILLE : JACUZZI. INT/SOIR
PAUL, qui porte des lunettes de soleil, rentre dans l’eau, entre les 2S.
L’une d’elle prend un verre de whisky-glaçons sur le rebord et l’offre à PAUL, aux anges.
5. VILLE : SALON DE BEAUTE. INT/JOUR
PAUL, les yeux bandés de noir, remue la tête dans le rythme du jacuzzi. On lui ôte son bandeau
(SABRINA) et la reprise avec la réalité se fait face à un TRAV qui lui fait les yeux doux en lieu et place
de la jolie manucure.
8. VILLE : RUE COMMERCANTE. EXT/JOUR
PAUL et les 2S sortent successivement de 4 magasins de vêtements.
a. Magasin n°1 :
Une chemise noire à manches courtes a remplacé le tee-shirt blanc de PAUL, un sac dans chaque main.
Les 2S indique le trottoir d’en face. SAM traverse devant une voiture, la paume de la main à la verticale.
SAB lui emboîte le pas en prenant PAUL par le bras.
b. Magasin n°2 :
Un pantalon noir, coupe mode, s’est substitué au jean tâché de cambouis de PAUL. Il porte 3 nouveaux
sacs. Ce qui porte le total à 5.
c. Magasin n°3 :
Une veste en cuir noir est venue s’ajouter à la panoplie ainsi qu’un 6ème sac.
d. Magasin n°4 :
Au clou les sous-marques de baskets blanches usées ! Remplacées par des baskets de marque, neuves et…
noires.
Au total, 6 sacs et à présent une boîte à chaussures qui déclare l’encombrement de PAUL-porteur.
Bataillant avec tout son barda, il aperçoit quelque chose en face qui le rend pensif.
9. VILLE : SALON DE BEAUTE / Devanture. EXT/JOUR
Sur la vitre, le magasin annonce des séances d’U.V.
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6. VILLE : CABINE A U.V. INT/SOIR
On retrouve PAUL derrière ses petites lunettes de protection aux rayons, allongé sur la table, baignant
dans une lumière blanche solaire artificielle. Elle s’intensifie jusqu’à envahir tout l’écran.
10a. VILLAGE : DEVANT CHEZ PAUL. EXT/NUIT
(vue subjective)
Une lumière blanche zébrée occupe tout l’écran. On découvre finalement qu’il s’agit d’un des 2 phares
avant de la décapotable, qui s’arrête sous une pluie battante. Le phare éteint, vers le sol, une flaque en
ébullition sous la pluie forte.
7. VILLE : JACUZZI. INT/SOIR
Sur l’eau du bain à remous, puis sur le visage de PAUL bien entouré, lunettes de soleil, verre de whisky à
la main et sourire carnassier. Sous chaque bras, une S dénudée. Un coup de klaxon se fait entendre, qui
interpelle déjà PAUL.
8. VILLE : RUE COMMERCANTE. EXT/JOUR
d. Magasin n°4 :
Aux coups de klaxon insistants, PAUL revient à la réalité pour découvrir SAB et SAMANTHA déjà dans
la décapotable. Toutes deux occupent le siège passager et c’est SAB qui fait tout ce boucan, pendant que
SAM fait tinter les clés de voiture en l’air.
PAUL, « Moi ? » dans la gestuelle, rejoint la décapotable, se débarrasse des affaires à l’arrière des sièges
et s’empare du trousseau de clés. Une fois installé derrière le volant, la mine ravie, il met le moteur en
marche.
PAUL
En route !
S’ensuivent les soubresauts de la voiture [la chanson en fait autant].
Le moteur cale [la chanson aussi].
Sans se départir, malgré l’air inquiet des 2S, PAUL remet le moteur en route [la chanson dans le même
temps].
Cette fois-ci l’automobile sort de son emplacement (en créneau le long du trottoir) et part.
10a. VILLAGE : DEVANT CHEZ PAUL. EXT/NUIT
(vue subjective)
La chanson meurt sous la pluie torrentielle qui s’abat sur le cabriolet, capote relevée. Il s’arrête. Les
phares s’éteignent. En descend PAUL, les bras chargés de paquets, les divers achats de sa journée de
shopping.
10b. VILLAGE : CHEZ PAUL / Grange. EXT/NUIT
BARNABE observe la scène, allongé à l’étage, dans la paille. Son image est brouillée par l’eau
dégoulinante qui fait écran. Derrière le rideau de pluie, on distingue qu’il s’essuie les joues entre deux
sanglots.
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2.3 VILLAGE : A L’OMBRE DES ARBRES. EXT/JOUR
SABRINA
Non, sérieusement, ce que Sam essaie de vous dire, et bien c’est que les mecs
sont vraiment tous les mêmes. Y-en a pas un pour rattraper l’autre.
SAMANTHA
Par contre pour nous attraper, alors là !
SABRINA
Et les femmes valent pas mieux, vous savez. Au lieu de nous considérer comme des rivales,
elle ferait bien de surveiller leurs satanés maris…
SAMANTHA
Ohla oui. Si on les écoutait ceux-là. On passerait plus de temps au lit qu’à faire sa vie.
SABRINA
Si on considère qu’une vie n’est faite que de nuits !
SAMANTHA
Et d’après-midi aussi. Tu oublies l’Italie.
SABRINA
Eeeh comment oublier.
Les 2S se lancent dans un joyeux a capella de la chanson de Toto Cutogno ‘L’Italiano’.
SAB + SAM
(enjouées)
Lasciatemi cantare
con la chitarra in mano
lasciatemi cantare
una canzone piano piano
Laaa…
11. VILLAGE : LE LONG D’UN MURET. EXT/JOUR
BARNABE
(braillard)
Ouiiin-in-in-in…
BARNABE fait les 100 pas le long d’un mur en vieilles pierres. Il braille sa peine de tout son corps, le
pas de plus en plus lourd sur chacun de ses allers-retours. Bref, il en fait des tonnes à l’instar d’un
mauvais tragédien (oh rage oh désespoir).
BARNABE
Pourquoi t’as fait ça-a-aaah…
Pou-our-quoi-aaah…
PAUL + les 2S (off)
Barnabé !
Interpellé, l’intéressé prend la fuite.
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12a. VILLAGE : CHATEAU / Tour. EXT/JOUR
BARNABE, ‘point noir’ au sommet de la tour, hurle à la mort.
12b. VILLAGE : CHATEAU / Contrebas. EXT/JOUR
PAUL, les 2S, arrivent en bout de course. PAUL est le plus épuisé des 3.
PAUL
(les mains sur les rotules)
Oh putain ! Il nous rejoue le château de sa mère.
(il se redresse)
Barny ! Descends de là ! Tu vas te faire du mal !
BARNABE (off)
Non !
PAUL est surpris par le ton catégorique.
12a. VILLAGE : CHATEAU / Tour. EXT/JOUR
BARNABE s’est orienté vers le trio du bas.
BARNABE
Naaah-on !!! Traîtrrr…iiizzz. Traîtrrr…iiizzz.
12b. VILLAGE : CHATEAU / Contrebas. EXT/JOUR
[Barnabé en off : « Traîtrrr…iiizzz »]
PAUL, air vindicatif, mains sur les hanches, est entouré des 2S, légèrement en retrait derrière lui. Le trio
nez en l’air regarde dans la même direction.
SAMANTHA
(à Sab, parlant de Barny)
Qu’est-ce qu’il dit ?
SAM restant les yeux rivés sur le sommet de la tour :
SABRINA
Je sais pas. Tétris.
SAMANTHA
(revient sur Barny)
C’est triste.
12c. VILLAGE : CHATEAU / Propriété privée. EXT/JOUR
BARNABE, ‘point noir’ au sommet de la tour, crie de rage.
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BARNABE
Aaah… !
Il disparaît de l’endroit. Mais on suit son déplacement grâce au cri qu’il tient sur la longueur : de la tour
descendant à la cour masquée par de la verdure traversant, pour réapparaître empruntant le haut portail
grand ouvert
Arrivent à son avance, PAUL collé de près par les 2S. BARNABE fonce droit entre eux sans les calculer.
Soudain il s’arrête, son attention captée par une chose en mouvement latéral, au suivi de son regard.
[démarrage Love thème ‘Barnabé’]
12d. VILLAGE : CHATEAU / Propriété privée : en face. EXT/JOUR
La JEUNE FILLE A BICYCLETTE passe en tandem avec un mec (le RIVAL DE BARNABE). [Sad
thème ‘Barnabé’]
12c. VILLAGE : CHATEAU / Propriété privée. EXT/JOUR
BARNABE reste un instant en suspens, puis il recrie de plus belle.
[Fin du Sad thème ‘Barnabé’]
BARNABE
Aaah !!!…
(à nouveau tenu sur la longueur)
Il part à droite vers une grille ouverte. PAUL et les 2S sont dans sa foulée pour rejoindre BARNABE
dans un champ d’herbes hautes moucheté de fleurs jaunes. Au fond, un bel arbre à la branche tendue à
l’horizontale vers lequel BARNABE se dirige, sous le regard de ses 3 poursuivants arrêtés pour mieux le
regarder partir.
SABRINA
(cassante)
Et maintenant il nous rejoue quoi !?
SAMANTHA
(émerveillement d’enfant)
Charles Ingalls.
PAUL
Mais non, vous comprenez pas ! Il va se pendre ce con !
Ils partent ensemble à la poursuite du suicidaire.
PAUL + les 2S
Barny !
13. VILLAGE : CLAPIER. EXT/JOUR
PAUL, l’air soucieux, chemise mode, veste de cuir à la main, arrive sur le trottoir inondé de soleil. Il
stoppe face à un muret surplombé d’un grillage. La vue : une petite arrière-cour très étroite.
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Auréolé de sueur dans le dos, il assiste à la sortie de BARNABE du minuscule atelier à gauche au mur de
clapiers à droite. Là, BARNABE s’empare d’une POULE dans un casier. Il se retourne et s’aperçoit de la
présence de PAUL. Il se renfrogne et retourne à l’intérieur.
PAUL, les mains accrochées au grillage :
PAUL
Barnabé.
PAUL s’adosse au grillage, lève les yeux au ciel, soupire (rongé par le remords). En provenance de
l’atelier : un son sec de couperet tombant net sur du bois. PAUL se caresse la nuque, peu rassuré.
14. VILLAGE : RUE. EXT/JOUR (fin de journée)
BARNABE, pot à lait vide se balançant violemment dans sa main, marche sur le trottoir, le long
d’habitations rurales. La démarche toujours aussi rustre, il n’a pas décoléré.
15. VILLAGE : ETABLE. EXT/JOUR (fin de journée)
Suite du déplacement du BARNABE-colère dans un fracas de ferraille (le pot au lait hors de tout contrôle
qui décrit des arcs de cercle dans l’atmosphère).
Le voilà arrivé à destination qu’il tourne le coin entre deux maisons de type rural qui ont pignon sur rue.
On commence à entendre des meuglements paisibles de vaches paisibles. Il se dirige dans le fond, vers le
hangar à façade ouverte, pour bifurquer à gauche et disparaître derrière la maison. PAUL apparaît sur la
rue, dans l’axe de la voie sans-issue empruntée à l’instant par BARNABE.
Tandis qu’il a tout l’air d’attendre le retour de Barny, il adopte la gestuelle de l’être ‘poussé à’ vis-à-vis
de quelqu’un (quelques-uns ?) hors-champ.
Enfin convaincu de s’engager entre les deux maisons, il va pour. De derrière la maison de gauche,
survient le meuglement d’une vache martyrisée dont on meurtrit le pis. PAUL se ravise. Il fait demi-tour
sans demander son reste. Les 2S postées derrière une gouttière lui refusent la fuite de gestes appuyés de la
main. Plus très chaud, PAUL sent le courant d’air dans son dos : BARNABE qui déboule sans prévenir, si
ce n’est l’anse du pot au lait et son cliquetis caractéristique entendu au dernier moment.
Sans même accorder un regard à PAUL, BARNABE trace le bitume, semant de grosses doses de lait dans
sa marche effrénée.
PAUL, à la remorque de BARNY (suivent les 2S à quelques mètres), passe tant bien que mal entre les
gouttes. Dans le jeu de l’esquive :
PAUL
Bon, Barny.
BARNABE
(cassant)
Barnabé !
PAUL
Barnabé. Je vais pas tourner autour du pot, eh eh.
BARNABE lui adresse un regard bovin, du genre « C’est malin » et pas plus.
PAUL
(la main sur l’anse)
Je t’aide !
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BARNABE éloigne le pot d’un énergique moulinet (une belle quantité de lait s’échappe).
A l’arrêt (les 2S en retrait), il appuie son refus d’un regard noir. Il redémarre. Ils (elles) redémarrent.
PAUL revient à la charge.
PAUL
Mais si, allez !
Avant qu’il n’ait eu le temps de remettre la main sur l’anse, BARNABE a posé le pot au sol d’un coup
sec et se poste en face. C’est passé tellement près de son pied que PAUL ne peut pas ne pas laisser
échapper une série de mots non-sens :
PAUL
Yeah eh oh ohla oh !
Ses esprits repris, PAUL dévisage BARNABE :
PAUL
(prudent)
Tu m’écoutes, là ?
Silence.
PAUL
(confiant)
Bien…
(sans quitter Barnabé des yeux, il fait signe aux 2S de se rapprocher)
J’ai, nous avons, un truc important à te dire.
Les 2S les rejoignent. PAUL est le plus démonstratif du groupe, qui fait dans le geste ample, plein
d’envergure.
16a. VILLAGE : VIDEO-CLUB. EXT/JOUR (crépuscule)
La façade du vidéo-club du village. L’endroit est désert.
16b. VILLAGE : VIDEO-CLUB : comptoir-accueil. INT/JOUR
BARNABE, le visage sombre, est accoudé au comptoir d’accueil du magasin, entouré de ses deux angesgardiens : les 2S.
16c. VILLAGE : VIDEO-CLUB : rayon. INT/JOUR
PAUL se déplace en regardant scrupuleusement les tranches des k7 sur les étagères.
16b. VILLAGE : VIDEO-CLUB : comptoir-accueil. INT/JOUR
PAUL fond droit sur BARNABE et lui abat VHS sur VHS dans les mains.
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PAUL
Alors voilà le programme. Tu commences cool avec les classiques (un ‘Sidney Poitier’, ‘Car Wash’,
‘Shaft’), tu intensifies (‘New Jack City’, ‘Boyz’n’Hood’, ‘Menace II Society’) et t’hésites pas,
t’enchaînes avec les maîtres : Eddie (‘Un Fauteuil pour 2’, ’48 heures’, ‘Le Flic de Beverly Hills’, ‘Un
Prince à New-York’), le grand Sam (‘Pulp Fiction’), Wesley… aah Wesley (‘Jungle Fever’, ‘Pour une
Nuit’, ‘Blade’) etc (‘Bad Boys’), etc (‘Rush Hour’), etc (‘Ghost Dog’).
Et surtout, surtout, tu te gardes le meilleur pour la fin : Denzel… WASHINGTON !…
Il pose une pile de k7 sur celle déjà imposante entre les mains de BARNABE. Au sommet figure donc :
‘Malcom X’.
BARNABE affiche moins d’enthousiasme que son mentor.
17. VILLAGE : MAISON DE BARNABE. EXT/JOUR (crépuscule)
Devant la maison d’apparence modeste, BARNABE se sépare du trio constitué de PAUL et des 2S pour
se diriger vers la porte d’entrée au sommet d’un court escalier. Quand il l’atteint :
PAUL
Eh, man !
BARNABE se retourne sans joie dans l’encadrement de la porte.
PAUL
Tu oublies pas quelque chose ?
Il présente le lot de VHS reliées entre elles par un nœud. BARNABE s’apprête à descendre sans entrain la
volée de marches.
PAUL
Bouge pas !
Il va à la rencontre et remet le pack à un BARNABE dont on devine l’embarras mais qui dodeline du
chef, plein de morgue,
juste avant de rentrer (il reste face à PAUL) et de refermer la porte sur lui.
PAUL, dont on sent qu’il voulait rajouter une parole, n’a plus que la porte à qui parler.
Il arme sa main pour frapper mais se ravise. Alors qu’il s’en détourne, la porte s’ouvre.
BARNABE
Eh mec, tu oublies pas quelque chose ?
PAUL, qui a déjà rejoint les 2S, se retourne à ces mots et au sourire d’agréable surprise succède bien vite
une expression des plus interdites.
BARNABE part de la porte d’entrée et efface la distance qui les sépare. Face à face :
BARNABE
(intense)
Je t’ai dit que j’allais jeter un œil sur tes putains de films. Fais-moi confiance que je vais le faire !
Un regard soutenu entre les deux hommes qui tombent dans les bras l’un de l’autre.
PAUL
Bonne chance !
16
BARNABE
On dit « Merde ! », mec. On dit « Merde ! ».
Fin de l’accolade virile. Entre eux deux, l’émotion est à son comble. Tout comme SAMANTHA, la
discrète, qui verse quelques larmes le mouchoir à la main.
SAMANTHA
(voix étranglée par l’émotion)
C’est beau.
L’épaule de SABRINA-yeux rouges pour la consoler.
BARNABE ne quitte pas des yeux son ami PAUL, tandis qu’il recule à pas lourds.
PAUL
Merde !
BARNABE répond du signe ‘Motus et bouche cousue’ sur ses lèvres.
Il se retourne, efface l’escalier avec une facilité déconcertante. Une fois dans l’encadrement, la main sur
la porte, accorde un dernier regard plein d’amitié à PAUL, qui le lui rend bien. Puis BARNABE disparaît
à l’intérieur.
PAUL stagne une poignée de secondes sur la porte refermée à quelques mètres au devant de lui. Il s’en
retourne, entouré des 2S qui le prennent par l’épaule.
La formation à 3 s’éloigne de la maison.
ECRAN NOIR :
VOIX DE PAUL âgé
Voilà l’histoire s’arrête là.
18. VILLAGE : PONT + PROMENADE. EXT/JOUR
PAUL âgé (off)
Le lendemain je partais pour Paris avec mes nouvelles amies.
On suit la décapotable qui file sur le pont métallique, PAUL au volant, les 2S, passagères.
PAUL âgé (off)
Barny, lui, avait tenu sa promesse et vu les films que j’avais pris soin de sélectionner pour lui
avant mon départ qui devait s’avérer définitif.
BARNABE est allongé dans l’herbe. Il porte une chemise blanche aux manches retroussées qui n’est pas
sans rappeler celle portée par Paul après son relookage.
[Démarrage Love thème ‘Barnabé]
A ses côtés, la JEUNE FILLE A BICYCLETTE est allongée sur une veste en cuir. Elle se laisse
embrasser tendrement.
[FONDU AU NOIR]
SUR ECRAN NOIR :
17
VOIX DE PAUL âgé
Je ne suis jamais revenu dans le village de mon enfance. Mais Barny et moi nous sommes revu quelques
années plus tard. Et puis souvent au cours des ans qui ont suivi, les hasards de la vie nous ont réuni. Et je
peux vous jurer qu’à chacune de nos retrouvailles, nous ne manquions pas d’évoquer ce merveilleux été
qui changea nos vies de façon irrémédiable. Ce merveilleux été duquel nous ne pouvions dissocier les
deux créatures célestes que le Bon Dieu dans sa bonne grâce avait porté jusqu’au village et par la même,
jusqu’à nous. Elle s’appelait Samantha et Sabrina. Nous les avions affectueusement surnommé les 2S de
l’amour. Mais pour Paul et Barnabé, et c’est comme cela que nous aimons (à) nous en rappeler, elles
étaient…
[Apparition du titre en fondu d’ouverture]
VOIX DE PAUL âgé ! jeune
…les WOMEN IN BLACK.
[Démarrage Musique du Générique de Fin]
Elle est en retrait pour :
Ouverture en fondu sur la reprise dans son intégralité de la
SEQUENCE 2. VILLAGE : A L’OMBRE DES ARBRES. EXT/JOUR.
Les WIB assises à la table de jardin interprètent a capella la suite de la chanson de Toto Cutogno :
‘L’Italiano’.
Lasciatemi cantare
con la chitarra in mano
lasciatemi cantare
sono un italiano…
Buongiorno Italia gli spaghetti al dente
e un partigiano come Presidente
con l'autoradio sempre nella mano destra
e un canarino sopra la finestra
Buongiorno Italia con i tuoi artisti
con troppa America sui manifesti
con le canzoni con amore
con il cuore
con piu' donne sempre meno suore
Buongiorno Italia
buongiorno Maria
con gli occhi pieni di malinconia
buongiorno Dio
lo sai che ci sono anch'io
Refrain :
Lasciatemi cantare
con la chitarra in mano
lasciatemi cantare
una canzone piano piano
Lasciatemi cantare
perche' ne sono fiero
sono un italiano
un italiano vero
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Buongiorno Italia che non si spaventa
e con la crema da barba alla menta
con un vestito gessato sul blu
e la moviola la domenica in TV
Buongiorno Italia col caffe' ristretto
le calze nuove nel primo cassetto
con la bandiera in tintoria
e una 600 giu' di carrozzeria
Buongiorno Italia
buongiorno Maria
con gli occhi pieni di malinconia
buongiorno Dio
lo sai che ci sono anch'io
(Refrain)
La la la la la la la la...
(Refrain)
[FONDU AU NOIR]
GENERIQUE DE FIN.
Dédicace sur écran noir avant défilement du générique de fin :
« Au souvenir »
Le générique de fin défile sur la chanson originale de Toto Cutogno*.
*téléchargeable sur le site : http://www.halyava.ru/cutugno/index_e.html
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