entre sucres et édulcorants

Transcription

entre sucres et édulcorants
mise au point
Entre sucres et édulcorants
Comment faut-il “sucrer” les aliments ?
Martine Champ*
Introduction
S
tricto sensu, un édulcorant
est une « substance qui
donne une saveur douce ».
Le saccharose (notre “sucre” de
table) (Fig. 1), les sirops de glucose
ou de fructose, le miel, l’aspartame (Fig. 1), la saccharine ou le
xylitol sont donc quelques-uns
des ingrédients disponibles pour
les consommateurs et les industriels pour édulcorer les aliments. Le mot “édulcorant” est
cependant le plus souvent utilisé pour désigner des ingrédients
destinés à conférer un goût sucré à un aliment ou un médicament sans apporter de calories.
Nous réserverons donc ce terme
aux édulcorants “intenses” (i.e.
aspartame, acésulfame K ou
stévia) et aux édulcorants “de
charge” (principalement les polyols dont le xylitol ou le malti*CRNH, UMR PhAN INRA-Université, Nantes
Diabète & Obésité • Juin 2011 • vol. 6 • numéro 50
© Francesco Dibartolo - 123rf.com
Si tous les ingrédients disponibles
sur le marché sont supposés ne
pas présenter de danger pour le
consommateur, le sucre et autres
sucres et l’aspartame sont régulièrement montrés du doigt… Quels
sont les avantages et inconvénients
respectifs de ces composés ? Sontils susceptibles de nuire à la santé
des consommateurs lorsqu’ils sont
consommés “raisonnablement” ou
en excès ?
tol) dont le pouvoir sucrant est
proche de celui du saccharose.
La perception
du goût sucré
Le goût sucré semble être apprécié par tous les nouveaunés alors que l’attirance pour
d’autres goûts ne vient que plus
tardivement. Ils préfèrent généralement les solutions qui sont
plus sucrées que le lait maternel
qui contient du lactose comme
principal glucide (1, 2). Beaucoup d’entre nous conservent
une préférence pour les goûts
sucrés tandis que d’autres seront
plus attirés par les goûts salés
et/ou amers. La perception du
goût sucré réside dans les bourgeons du goût, présents sur la
langue. Ce n’est qu’en 2001 que
les mécanismes biomoléculaires de la perception du goût
sucré ont été élucidés. Les protéines réceptrices responsables
de la génération des signaux qui
sont au final interprétés comme
“goût sucré” sont membres de la
famille des T1R. La protéine TlR3
constitue un complexe avec la
protéine TlR2 pour former un
récepteur couplé à la protéine-G
qui est le récepteur du goût sucré chez les mammifères (3).
Les sucres et autres
édulcorants de
nature glucidique
Le glucose
Le glucose est le principal représentant des oses. Il est synonyme de dextrose lorsqu’il s’agit
du D-glucose. Il est directement
assimilable par l’organisme dont
c’est un carburant essentiel, notamment pour le cerveau. Son
237
mise au point
pouvoir sucrant est inférieur à
celui du saccharose (Tab. 1). Il est
utilisé dans les industries agroalimentaires en tant qu’agent
de charge (sous forme cristalline monohydratée ou de sirop
concentré).
Le fructose
Le fructose est un ose du groupe
des cétoses que l’on trouve en
abondance dans les fruits ou le
miel. Son pouvoir sucrant est
supérieur à celui du saccharose
(Tab. 1). Il a été beaucoup préconisé
dans les régimes des diabétiques.
Le saccharose
Le sucre inverti
Le sucre inverti est un mélange
équimolaire de glucose et de
fructose obtenu par hydrolyse
du saccharose par l’invertase
ou en milieu acide (i.e. acide citrique ou phosphorique). Il est
utilisé par les cuisiniers professionnels pour son pouvoir édulcorant élevé, parce qu’il ne dessèche pas et permet de réduire
le temps de cuisson. En outre, il
stabilise glaces et sorbets.
Les sirops de fructose
Les sirops de fructose (ou HFCS
en Anglais, pour high-fructose
corn syrup) ou isoglucoses sont
de plus en plus utilisés par les industries agro-alimentaires. Il s’agit
d’un ingrédient liquide et stable
en milieu acide (contrairement au
saccharose) composé de fructose
et de glucose. Il est dérivé de l’amidon de maïs par hydrolyse puis
238
Figure 1 - Formule chimique du saccharose (en haut) et de l’aspartame (en bas).
Y a-t-il des addictions au sucre
et/ou au goût sucré ?
L’addiction au sucre est
l’objet d’un débat entre
spécialistes. Selon
M. Fantino (4), il n’y a pas
de preuve de dépendance
physique au sucre ou au
goût sucré. En revanche,
il reconnaît que, dans
certains cas, « un attrait
excessif pour des produits
sucrés puisse se rapprocher d’une dépendance, mais dépendance de
nature psychique, à la rigueur sociale » (4).
Il a été montré de façon répétitive par des approches neurophysiologiques que la consommation de solutions sucrées active fortement une
voie nerveuse spécifique du méso-diencéphale, la voie dopaminergique
mésolimbique, dont l’implication dans les processus de renforcement
sensoriel est bien établie, de même que l’activation de ce circuit en cas
d’addiction aux substances stupéfiantes classiques. Cependant cette
possibilité d’induire une addiction au sucre chez l’animal a été contestée
par d’autres chercheurs qui n’ont pu confirmer la mise en jeu obligatoire
du circuit dopaminergique central dans les processus de renforcement
sensoriel et d’addiction (4).
Jusqu’à ce jour, aucune étude chez l’homme n’a permis de mettre en
évidence de tels mécanismes chez l’homme. En conséquence, il n’y a
à ce jour, aucune preuve tangible d’une addiction au goût sucré chez
l’Homme.
© biffspandex - iStockphoto
Le saccharose est le sucre de référence ; c’est le “sucre de table”.
C’est un diholoside formé de
fructose et de glucose liés en
b(2 1)a. Il est naturellement présent dans la betterave sucrière ou
la canne à sucre mais également
dans les fruits et des légumes.
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Entre sucres et édulcorants
isomérisations enzymatiques. Le
HFCS-42 et le HFCS-55 contiennent respectivement 42 et 55 % de
fructose et donc le complément
à 100 de glucose. Ces sirops sont
particulièrement utilisés dans les
boissons sucrées (i.e. type cola)
mais aussi les crèmes et desserts
glacés, confitures ou pâtisseries.
Les sirops de glucose
Les sirops de glucose sont également issus de l’hydrolyse de
l’amidon. Ils possèdent un dextrose-équivalent* supérieur à 20.
Comme les sirops de fructose, ils
sont de plus en plus utilisés par
les industries agro-alimentaires.
Leurs applications sont dans les
domaines de la confiserie (à caractère élastique en particulier)
mais aussi toutes celles citées
pour les sirops de fructose.
Les édulcorants
intenses 
Les édulcorants intenses ont
des compositions très variables
puisque certains sont des sucres
(sucralose) tandis que d’autres
sont des dipeptides (aspartame)
ou des protéines (thaumatine).
Le miel
Le miel contient 49 % de fructose, 43 % de glucose, de l’eau
(environ 18 %) et de nombreux
autres composés. Le pouvoir
sucrant de ces sucres et sources
de sucres est indiqué dans le
tableau 1.
L’aspartame
L’aspartame (E 951) est un dipeptide (ester méthylique de
l’aspartyl-phénylalanine) dont
le pouvoir sucrant est d’environ 200 fois celui du saccharose
(Tab. 2). Il est utilisé pour édulcorer
Tableau 1 - Liste des sucres, édulcorants intenses, de charge autorisés en Europe (directive européenne
94/35/CE) et leur pouvoir sucrant (par rapport au saccharose (=1)).
NomCodePouvoir sucrant*DJA (mg.kg-1) ¤Doses max d’emploi
Sucres et sources de sucres (excluant les sucres alcools)
Glucose
0,6-0,8**
Fructose
1,2-1,8**
Saccharose
1
Lactose
0,16
Maltose
0,3-0,5
Sirop de fructose (HFCS-55)
1
Sirop de glucose
0,75, environ
Sucre inverti
1,15, environ
Miel
1-1,35
Edulcorants de charge
Sorbitol (et sirop de)
E 420
0,6
Quantum satis***
Mannitol
E 421
0,5
Quantum satis***
Maltitol (et sirop de)
E 965
0,9
Quantum satis***
Lactitol E 966
0,4
Quantum satis***
Xylitol E 967
1,0
Quantum satis***
Edulcorants intenses
Acésulfame K
E 950
200
15
350 mg.kg-1
Aspartame E 951
180-250
40
1 000 mg.kg-1
Cyclamate E 952
26-40
7
250 mg.kg-1
Isomalt E 953
Quantum satis***
Saccharine E 954
300-675
5
100 mg.kg-1
Sucralose
E 955
600
15
Alitame E 956
2000
1
Thaumatine E 957
2 000-3 000
50 mg.kg-1
Néohespéridine DC
E 959
50 mg.kg-1
Néotame E 961
7 000-13 000 2
Sel d’aspartame-acésulfame
E 962
250
Extraits de quillaia E 999
Rébaudioside (Reb A) (Stévia)
250-300
*Exprimé par rapport au pouvoir sucrant du saccharose ou sucre de table (=1) ; **le pouvoir sucrant relatif au saccharose diffère en fonction de la présentation (sous
forme de sirop ou cristallisée) ; *** aucune quantité maximale n’est spécifiée ; les substances doivent être employées en ne dépassant pas la quantité nécessaire pour
obtenir l’effet désiré ; cf directive 94/35/CE pour plus de détails ; ¤ : voir lexique en fin d’article.
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mise au point
des boissons, des aliments et des
médicaments. Il fait régulièrement l’objet de polémiques mais
son autorisation est maintenue
aux Etats-Unis comme en Europe (dont la France).
Il est moins stable que beaucoup d’autres édulcorants. Il se
décompose rapidement aux pH
s’éloignant de pH 4,3 (pH de
stabilité maximale) et à haute
température. En Europe, l’aspartame est autorisé dans les
boissons alco­olisées et non alco­
olisées, les desserts et produits
similaires, les confiseries à des
doses variant de 0,5 à 1 g.kg-1 ou l-1.
L’étiquetage de l’aspartame doit
comporter la mention suivante :
« contient une source de phényla­
l­a­nine ».
L’acésulfame K
L’acésulfame K (E 950) a un pouvoir sucrant 100 à 200 fois plus
élevé que le saccharose. Il est très
souvent associé à l’aspartame. Il
possède une légère amertume
en arrière-goût. Il est stable à la
chaleur en milieu acide et basique modéré. Il est utilisé dans
les sodas (type cola), dans des
aliments industriels cuits mais
aussi dans des dentifrices et produits pharmaceutiques. Comme
celle de l’aspartame, son innocuité est fréquemment remise
en cause (5). En 2003, la directive
2003/115/CE a autorisé un nouvel édulcorant intense dérivé de
l’aspartame et de l’acésulfame :
le sel d’aspartame-acésulfame.
La saccharine
La saccharine (E 954) ou sulfinide benzoïque est le plus ancien des édulcorants intenses
à avoir été utilisé en Europe.
Son pouvoir sucrant est 300 à
400 fois plus élevé que celui du
saccharose mais il a un arrièregoût métallique ou amer déplaisant, spécialement à haute
concentration. Sa valeur calorique est nulle et il est stable à
la chaleur. Il est disponible sous
forme de sels (Na, Ca ou K) car la
saccharine est peu hydrosoluble.
La saccharine fait régulièrement
l’objet d’inquiétude concernant
son innocuité. Cependant, la
nature et le résultat des études
disponibles ont conduit les instances réglementaires (FDA,
2001) à maintenir l’autorisation
de la saccharine.
La thaumatine
La thaumatine (E 957) désigne
une famille de protéines (22 kDa
soit 207 acides aminés pour les
thaumatines I et II) au goût sucré présente dans le fruit du katemfe (Thaumatococcus danielli
(Benth)), arbre originaire de la
forêt tropicale africaine. C’est
l’édulcorant naturel qui possède
le pouvoir sucrant le plus élevé
(Tab. 2). La molécule est très stable
à la chaleur en milieu acide mais
ne l’est pas en milieu alcalin.
La thaumatine est utilisée
comme exhausteur de goût
dans les chewing-gums (max
Tableau 2 - Quelques exemples de présentation des édulcorants intenses.
PrésentationPoids (g)
ValeurPouvoir sucrant CompositionMarque
calorique (kcal)
d’une dose
Comprimés
0,05
0,16
Morceau sucre
Lactose
Casino
(5 g)
Aspartame (14 %)
Acésulfame K (14 %)
CMC
L-Leucine
Sticks
1
3,6
2 pc sucre
Dextrose (0,9 g)
Casino
(6 g)
Aspartame (1,74 %)
Acésulfame K (1,16 %)
Edulcorant
0,5
0,3
1 pc sucre
Maltodextrines
Casino
de table - (1 càc)
(4 g)
Aspartame (1,3 %)
en poudre
Acésulfame K (1,36 %)
Sticks
1
0
1 pc sucre
Erythritol Stévia
(4 g)
Rébaudioside A (1,35 %)
Cellulose
Edulcorant
0,5
1,88
1 pc sucre
Maltodextrines (97 %) Stévia
de table -
(4 g)
Rébaudioside A (1,35 %)
Morceaux
2,6
10,4
1 m. sucre
Saccharose Béghin-Say
(5,2 g)
Aspartame
Acésulfame K
m : morceau ; pc : petite cuillère ; càc : cuillère à café
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Diabète & Obésité • Juin 2011 • vol. 6 • numéro 50
Entre sucres et édulcorants
10 mg/kg) et dans les desserts
laitiers et non laitiers (max
10 mg/kg) et comme édulcorant
dans les boissons aromatisées
sans alcool à base d’eau (max
0,5 mg/l).
Le sucralose
Le sucralose (E 955) est un diholoside synthétisé par chloration
sélective (3 groupements chlore
par molécule) du saccharose. Il a
un pouvoir sucrant 500 à 600 fois
plus élevé que le saccharose. Il
est stable à la chaleur et dans
une large gamme de pH et sa
valeur énergétique est considérée comme nulle. Il a fait l’objet
de nombreuses études sur des
modèles animaux (> 100) avant
d’être autorisé en 1998 par la
FDA. L’EFSA a récemment proposé des allégations concernant
les bénéfices du sucralose pour
la santé des dents (EFSA, 2011).
Cependant la démonstration
d’une absorption de près d’un
quart du sucralose par l’organisme et donc la présence de
chlore lié de manière covalente
avec des carbones de la molécule contribue au fait que cet
édulcorant a des détracteurs qui
mettent encore en doute la totale innocuité du produit.
La stévia rebaudiana
La Stevia rebaudiana appartient
à la famille des astéracées (Asteracae). Elle est une des espèces
de stévia les moins amères. Ses
feuilles, appelées “Ka’a He’e”
(“herbe sucrée”) en Guarani,
langue indigène du Paraguay et
de certaines régions du Brésil,
sont utilisées comme édulcorant
depuis des centaines d’années
dans ces pays.
Le rébaudioside (Reb A) est extrait de la plante stévia. Il est mélangé à d’autres ingrédients pour
lui donner un aspect proche de
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L’affaire aspartame
Le dossier « Aspartame » a fait l’objet d’une importante médiatisation
suite à sa réévaluation récente par l’ANSES et l’EFSA. En effet, si l’édulcorant a été autorisé par l’AFSSA et l’EFSA en 2002, les publications de
Soffritti et al. et Halldorsson et al. (6, 7) en 2010 ont conduit à une nouvelle expertise. L’EFSA et l’ANSES ont récemment publié un avis (EFSA,
2011 ; ANSES, 2011) (8, 9). Les conclusions de l’EFSA (2011) ont été les
suivantes :
1. s ur la base de l’information disponible dans la publication de Soffritti et
al. (6), les résultats ne peuvent être interprétés (problème de design de
l’étude et d’exploitation statistique) et le modèle animal (souris Swiss
avec tumeurs induites par des composés non génotoxiques) est considéré comme non approprié ;
2. l’étude de Halldorsson et al. (7) qui a exploré le lien entre des naissances prématurées et la consommation d’édulcorants artificiels ne
permet pas de conclure sur une relation causale entre les 2 paramètres. D’autres études sont nécessaires pour confirmer ou infirmer la
relation de cause à effet.
En conséquence, l’EFSA estime qu’il n’y a pas de données suffisantes
pour remettre en cause les conclusions de l’avis précédent qui autorisait l’aspartame et d’autres édulcorants dans l’Union Européenne.
celui du sucre et est commercialisé sous le nom de PureVia™. Il
s’agit en fait d’un diholoside, le
rébaudioside A extrait de feuilles
du Stevia rebaudiana Bertoni,
plante originaire du Paraguay et
du Brésil. Le rebaudioside A possède un pouvoir sucrant 300 fois
plus fort que celui du saccharose. Il lui est parfois reproché
d’avoir un goût de réglisse.
On retrouve cet édulcorant dans
des préparations vendues sur
Internet avec des allégations
mensongères (et interdites…)
« action minceur » en mélange
avec de l’inuline et des fructooligosaccharides (des fibres alimentaires prébiotiques).
Le néotame
Le néotame est un dipeptide
de structure chimique similaire
à l’aspartame. Il possède un
groupe
(3,3-diméthylebutyle)
supplémentaire sur la fonction
amine primaire de l’acide aspar-
tique qui le rend plus stable que
l’aspartame. Il est cependant
toujours sensible à la chaleur et
s’hydrolyse (lentement) en milieux aqueux. Il est 30 à 60 fois
plus sucrant que l’aspartame
(Tab. 2). Il est utilisé comme édulcorant et exhausteur de goût
dans une large gamme d’aliments.
sécurité alimentaire
Les édulcorants intenses disponibles sur le marché français ont
fait l’objet d’une évaluation par
l’AFSSA (aujourd’hui ANSES)
et généralement l’EFSA. Ces
édulcorants ont fait l’objet de
tests toxicologiques et une dose
journalière admissible (DJA) a
été calculée sur la base des essais sur animaux. Cependant
régulièrement de nouveaux travaux scientifiques conduisent
les autorités réglementaires à
réévaluer les dossiers pour tenir compte des nouvelles don241
mise au point
nées, lorsque celles-ci mettent
en évidence un risque pour les
consommateurs (Encadré).
Les édulcorants
de charge 
Les édulcorants de charge les
plus utilisés sont les polyols qui
sont généralement dérivés de
sucres (sorbitol, xylitol, maltitol…). Ils sont, pour la plupart,
présents en petite quantité dans
les végétaux. C’est, par exemple
le cas du sorbitol, présent dans
les pruneaux ou les cerises, ou
du mannitol, présent dans les
champignons. Pour cette raison, ils sont considérés comme
sûrs et ne présentent pas de DJA.
Leur pouvoir sucrant est généralement (à l’exception du xylitol ;
PS = 1) moins élevé que celui
du saccharose (Tab. 2) mais leur
contenu calorique est inférieur à
celui du sucre de table (à l’exception du glycérol : 4,4 kcal/g).
L’étiquetage d’édulcorants de
table contenant des polyols doit
comporter la mention « une
consommation excessive peut
avoir des effets laxatifs ».
Le principal intérêt des polyols
pour l’industrie agro-alimentaire
réside en leur utilisation en tant
qu’édulcorant de charge à faible
valeur énergétique. Certains
d’entre eux (xylitol) possèdent
une chaleur de dissolution négative, produisant une sensation de
froid recherchée dans certaines
applications, comme en confiseries. La plupart des polyols sont
peu absorbés dans l’intestin grêle
et influencent donc peu la glycémie post-prandiale.
Plusieurs des polyols (i.e. xylitol
et isomaltulose) sont peu ou pas
cariogènes pouvant contribuer
à améliorer l’hygiène buccodentaire chez une partie de la
population. Ils sont utilisés no242
Tableau 3 - Comparaison des propriétés des sucres et des polyols.
IngrédientIG*
Glucose
100 (85-111)
Fructose
19 (12-25)
Saccharose
68 (58-65)
Lactose
46
Miel
55 (32-87)
Sirop de maltitol
52
Hydrolysat d’amidon hydrogéné 39
Maltitol
36
Xylitol
13
Isomalt
9
Sorbitol
9
Lactitol
6
Mannitol
0
Erythritol
0
kcal/g
4
3
4
4
2,8
3
2,8
2,7
2,5
2,1
2,5
2
1,5
0,2
*IG : Index glycémique
tamment dans des confiseries et
chewing-gums.
Des glucides pour
servir d’excipient aux
édulcorants intenses
Les édulcorants intenses vendus
comme substituts du saccharose
le sont sous plusieurs formes :
comprimés, morceaux, sticks
ou édulcorants de table vendus
en bocaux (Tab. 2). Les édulcorants intenses sont ainsi plus ou
moins dilués avec des excipients
de nature glucidique. En conséquence, leur apport énergétique
n’est pas nul mais généralement
inférieur à 10 % de celui de la
quantité de saccharose apportant le même pouvoir sucrant.
Il faut cependant souligner
que ces produits peuvent être
consommés en grande quantité par les patients diabétiques.
En effet, ils pensent généralement ne consommer que des
­édulcorants intenses mais ingèrent également des excipients
plus hyperglycémiants et hyper­
insulinémiants que le saccharose (i.e. dextrose (qui n’est autre
que le D-glucose) ou maltodextrines).
Réponses glycémique
et insulinique aux
édulcorants et
valeurs énergétiques
Les édulcorants intenses ne participent pas à la réponse glycémique car ils ne sont pas de nature glucidique ou pas absorbés
dans l’intestin grêle. Les polyols
ont un index glycémique (IG)
variant entre 0 et 52 (contre 100
pour le glucose) (Tab. 3). Enfin,
les principaux sucres ont un IG
variant de 19, pour le fructose,
à 100 en passant par 68 pour
le saccharose (Tab. 3). Cet IG est
directement lié à la réponse
insulinique qui évolue, généralement, de façon similaire à
la réponse glycémique. Ainsi le
saccharose mais surtout le fructose n’élèvent que modestement
l’insulinémie post-prandiale par
rapport à beaucoup d’aliments
amylacés tels que le pain, la plupart des biscuits ou des plats de
pomme de terre.
L’apport énergétique des différents sucres est compris entre
3 et 4 kcal/g tandis que celui
des polyols est, pour la plupart,
compris entre 2 et 3 kcal/g. Seul
l’érythritol a une valeur calorique
Diabète & Obésité • Juin 2011 • vol. 6 • numéro 50
Entre sucres et édulcorants
presque nulle (Tab. 2). Enfin les
édulcorants intenses ont une valeur énergétique nulle mais l’excipient qui leur est associé a une
valeur non nulle qui peut aller
jusqu’à 4 kcal/g (cas des maltodextrines) ; leur pouvoir édulcorant étant très supérieur à celui
du saccharose, ils sont cependant
généralement consommés en
beaucoup plus faibles quantités.
Avantages et
inconvénients
des édulcorants
glucidiques et des
édulcorants
intenses
sécurité alimentaire
Les édulcorants intenses disponibles sur le marché français ont
fait l’objet d’une évaluation par
l’AFSSA (puis l’ANSES) et généralement l’EFSA. Pour être autorisés par les instances réglementaires, ces édulcorants ont fait
l’objet de tests toxicologiques ;
une DJA a ainsi été calculée sur
la base des essais sur animaux.
Cependant régulièrement de
nouveaux travaux scientifiques
conduisent les autorités réglementaires à réévaluer les dossiers pour tenir compte des nouvelles données, lorsque celles-ci
mettent en évidence un risque
pour les consommateurs. Aucun
des édulcorants intenses mis sur
le marché depuis l’existence de
l’AFSSA et de l’EFSA n’a été, à ce
jour, retiré du marché à la suite
des nouvelles données publiées
(cf. paragraphe sur les édulcorants intenses, pages 241 et 242).
Réaction cérébrale
L’étude de Smeets et al. (10) sur
5 volontaires sains a confirmé que
l’hypothalamus, zone du cerveau
impliqué dans le contrôle de la
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prise alimentaire ne réagit pas du
tout à l’aspartame ni à une solution de maltodextrines (qui n’est
pas sucrée mais qui induit une
sécrétion d’insuline proche de
celle du glucose) alors qu’il réagit
au sucre.
Effet positif sur le poids ?
Une méta-analyse publiée en
2006 (11) dans une revue confidentielle,
malheureusement,
préconisé pour les diabétiques est
maintenant déconseillé aux diabétiques de type 2 surtout quand
ils ont déjà une hypertriglycéridémie car celle-ci est accentuée par
cet ose. Les hommes semblent
plus sensibles à des consommations importantes de fructose que
les femmes pré-ménopausées. En
effet, ces dernières semblent être
protégées de cette hypertriglycéridémie induite par le fructose en
Les édulcorants intenses ont une valeur
énergétique nulle mais l’excipient qui leur est
associé a une valeur non nulle qui peut aller
jusqu’à 4 kcal/g.
conclut à un effet positif de
la consommation d’édulcorants
intenses sur l’évolution pondérale avec une perte de poids
d’environ 200 g par semaine et
une réduction des apports caloriques quotidiens de l’ordre de
10 % (par rapport aux consommateurs de saccharose).
saccharose et fructose
Le débat sur les recommandations concernant le saccharose
chez la population générale et les
patients diabétiques ou obèses
ce n’est probablement pas terminés car des travaux apparemment
contradictoires ne cessent d’être
publiés. Ainsi, il était admis que les
sujets de poids normal réduisent
leur apport énergétique lorsqu’on
leur donne du saccharose (12). En
revanche, le fait que la compensation existe également chez les
sujets en surpoids est à l’encontre
des idées reçues (13).
Enfin des études récentes confortent l’hypothèse d’une non-association de la consommation
de sucres ou de saccharose et le
statut pondéral de populations diverses (14). Le fructose, longtemps
raison d’une plus faible stimulation de la lipogenèse de novo et
d’une plus faible diminution de
l’oxydation des lipides induites
par le fructose (15).
Quels édulcorants
pour les diabétiques
et pour les sujets en
surpoids ou obèses ?
Supprimer le sucre ?
Les médecins prenant en charge
les patients diabétiques et/ou
obèses leur recommandent généralement de modérer voire
de supprimer de leur alimentation le sucre et tous les aliments
contenant des sucres ajoutés.
Certains d’entre eux décommandent également les fruits
frais car ils contiennent aussi des
sucres.
Quels sucres ?
Les sucres ont une valeur énergétique voisine de 4 kcal/g mais
ils sont plus ou moins hyperglycémiants et hyperinsulinémiants malgré le fait qu’ils soient
tous rapidement absorbés. Le
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mise au point
fructose est peu hyperinsulinémiant et donc souvent recommandé aux diabétiques mais il
a tendance à augmenter la triglycéridémie chez des patients
souvent déjà hyperlipémiques.
Le saccharose est logiquement
intermédiaire entre le glucose et
le fructose et est donc moins hyperinsulinémiant que beaucoup
d’aliments amylacés.
Quelle place
pour les édulcorants ?
Les édulcorants intenses offrent
la possibilité de sucrer les aliments avec un apport modeste
(mais rarement nul) en énergie. Leur sécurité alimentaire
est jusqu’à présent garantie par
les autorités sanitaires mais les
nombreuses alertes concernant
certains d’entre eux inciteraient
à un comportement de prudence et ainsi à ne pas abuser
de ces composés, varier le type
d’édulcorants intenses voire à
alterner avec de petites quantités de saccharose, occasionnellement. La plus sage des attitudes serait très probablement
de prendre l’habitude de ne pas
sucrer son café ou son yaourt et
de limiter la consommation de
tous les aliments “sucrés” qu’ils
soient édulcorés avec des édulcorants intenses ou avec des
édulcorants glucidiques du type
saccharose ou sirops de glucose.
Conclusion
Si les édulcorants intenses sont
moins caloriques que les sucres,
ils comportent toujours un excipient qui est glucidique et calorique. Cependant les quantités
qui sont consommées sont, en
théorie, très inférieures à celles
de sucres. De même certains
de ces édulcorants intenses,
toujours à cause de l’excipient,
peuvent contribuer, s’ils sont
consommés en grande quantité, à la glycémie et à générer
une sécrétion d’insuline.
Les sucres ont une valeur énergétique proche de 4 kcal/g ; ils sont
rapidement absorbés mais plus
ou moins hyperinsulinémiants ;
ainsi le fructose contribue peu
à la glycémie post-prandiale et
le saccharose est intermédiaire
entre le glucose et le fructose.
Si le fructose représentait en
apparence un sucre intéressant
pour les patients diabétiques,
son effet hypertriglycéridémiant
amène à le déconseiller pour
l’ensemble des patients atteints
de diabète de type 2 ainsi qu’aux
sujets en surpoids ou obèses
déjà à risque pour les maladies
cardiovasculaires. Le débat sur
la sécurité alimentaire des édulcorants intenses n’est peut-être
pas encore clos. Le principe de
précaution conduirait donc à
préférer les édulcorants intenses
aux sucres sans exclure totale-
ment ces derniers (quand on ne
peut se passer de “sucré”) mais à
diversifier les apports et surtout à
ne pas les consommer en excès.n
Mots-clés :
Sucre, Glucose, Fructose, Edulcorant
Lexique :
Dose journalière admissible (DJA) : Elle représente la quantité d’une substance qu’un
individu adulte (60 kg) peut théoriquement
ingérer quotidiennement, sans risque pour
la santé. Elle est habituellement exprimée en
mg de substance par kg de poids corporel.
Le calcul de la DJA pour l’homme est basé
sur le seuil maximum de consommation
au-delà duquel les premiers effets toxiques
sont observables. Ce seuil est aussi appelé
dose sans effet (DSE) (ou NOAEL en anglais).
La DSE est déterminée par les expérimentations animales ou bien humaines. On
obtient alors la DJA en divisant par un
facteur 100 à 1000 la DSE afin de prendre en
compte les variations quand on extrapole
de l’animal à l’homme. Ce coefficient de
sécurité varie suivant la classification de la
substance active, par exemple il est de 100
pour les composés non cancérigènes.
Dextrose-équivalent (DE) : le DE reflète
le degré d’hydrolyse d’un polymère de
glucose (dextrose). Celui-ci est le résultat
d’une hydrolyse totale de l’amidon. Plus le
DE est élevé, plus l’hydrolyse est poussée, et
donc plus la proportion en sucres simples (à
chaîne courte) composant le sirop de glucose (ou la maltodextrine) est élevée. Un DE
de zéro représenterait l’amidon lui-même,
un DE de 100 représenterait du dextrose
pur, soit un amidon totalement transformé.
Index glycémique (IG)  : aire sous la
courbe de réponse glycémique à l’aliment
(quantité apportant 50 g d’équivalents glucose) X 100/aire sous la courbe de réponse
glycémique à 50 g de glucose.
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