w - n (i +1) - International Mathematical Union

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w - n (i +1) - International Mathematical Union
QUELQUES THÉORÈMES D'UNICITÉ 1
S. MANDELBROJT
Il y a quelques années nous avons démontré une inégalité portant sur les
coefficients d'une série "asymptotiquement" liée à une fonction holomorphe
dans une bande. L'application de cette inégalité aux problèmes du prolongement
analytique, à la théorie générale de la quasi-analyticité et aux problèmes gravitant autour de celui de Watson nous a permis, à l'époque, de trouver des résultats
d'un caractère essentiellement plus général que les résultats classiques. Quelquesuns de ces résultats ont été exposés devant PAmerican Mathematical Society [1].
Or cette même inégalité nous a permis depuis d'aborder des questions relevant
d'autres branches d'Analyse. Elles concernent en particulier l'approximation
polynomiale sur l'axe entier, différents problèmes des moments, la détermination
des noyaux itérés d'une équation intégrale du type de Carleman [2].
Les problèmes en question, ainsi d'ailleurs que le problème général de la
quasi-analyticité dont il a été question plus haut et auquel nous reviendrons
plus tard, portent tous un caractère d'unicité.
Commençons d'abord par énumerer quelques problèmes et résultats classiques.
1°. Le théorème de S. Bernstein: Soit {ßn} une suite positive croissante telle
que Ylßn1 = °°. X)ßn2 < °°, et posons
w - n (i +1)
Quelle que soit la fonction f(x), continue sur toute la droite, avec limi^«,
f(x) j F(x) = 0, à tout e > 0 correspond un polynôme P(x) tel que
\f(x) - P(x) | < eF(x)
( - o o < x < oo)"
2°. Soit {mn} une suite telle que le problème de Stieltjes—trouver une fonction
croissante V(t) (t ^ 0) telle que ft tnd\ï(t) = mn (n è 0)—admette une solution.
La condition ^m^1 2n = oo est suffisante pour que cette solution soit unique
("substantiellement unique"). Ce théorème est dû à Carleman.
3°. Un théorème semblable pour le problème des moments de Hamburger.
4°. Si {Mn} est une suite positi ve avec lim ilfn n = °° (le cas où lim inf M\ n < °°
sst trivial), une condition nécessaire et suffisante pour que de |/ ( n ) (#) | _ë Mn
(n è 0), / u ) ( 0 ) = 0 (n è 0) résulte quef(x) = 0 est que J^M°n/M°n+i = oo.
Ici {log Mn) est la régularisée convexe de la suite {log ilf n ). Ce théorème, sous
une forme un peu différente, est dû à Carleman. C'est le théorème classique
1
Cette communication était mentionnée sur le programme imprimé sous le titre
Théorèmes d'unicité de la théorie des fonctions.
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de la quasi-analyticité. Une première condition suffisante, générale, a été donnée
par Denjoy.
Nous généraliserons ces problèmes et résultats. Mais nous désirons tout
d'abord envisager sous un nouvel aspect les questions traitées dans 1° et 4°.
Si / Ç L sur (—oo, oo) (on écrira || / || = /u«, | f(x) \ dx, on suppose donc
11/11 < oo) on désignera par ir(f) le sous-ensemble de L sur (—°o, co) dont
les éléments <p jouissent de la propriété suivante: à tout e > 0 correspondent un
entier N et des constantes ai, a2, • • - , aN , £i , & , • • • , £N tels que
N
\\<p(x) -
i
E
^
+ fO II < *•
Soit maintenant / une fonction indéfiniment derivable sur (—«>, °o), telle
que / (w) 6 L (n è 0). On désignera par œ(f) le sous-ensemble de L (sur (— oo, oo ))
dont les éléments <p jouissent de la propriété suivante: à tout e > 0 correspondent
un entier N et des constantes 6i, b2, • • • , bN tels que
Il *(*) - Z. bnf\x) || < ..
1
Si {Mn} est une suite positive, on désignera par L{Mn} l'ensemble de toutes les
fonctions indéfiniment dérivables sur (— °o, oo) pour lesquelles \\ fn) \\ è Mn
(n ^ 0).
On voit facilement que si fn) Ç L (n _è 0) on a l'inclusion œ(f) C ir(f). On a
donc aussi co(f') C w(f). Mais, en général, la relation ir(f) C OJ(/') n'a pas heu.
On peut néanmoins démontrer le théorème suivant :
5°. Une condition nécessaire et suffisante pour que Von ait pour chaque fonction
f de L{Mn} la relation
«(/') - T<f)
est que la classe L{Mn} soit quasi-analytique, c'est-à-dire, que l'une des deux conditions suivantes soit satisfaite: a) hm inf Mn n < °°, b) lim M\ n — oo, avec
^
Mcn
Mcn+i
Ainsi, donc, si <p est, dans la topologie de L, un point-limite des combinaisons
linéaires des translatées de / ' , <p est aussi un point-limite des combinaisons
linéaires des dérivées fn) (n è 2).
Désignons par 0 la transformée de Fourier de <p et par G la transformée de
Fourier de /. La fonction iuG(u) est alors la transformée de Fourier de / ' . Il
résulte du Taubérien général de Wiener, très légèrment généralisé, que si G ne
s'annule pas et si 0(0) = 0, <p est un point-limite des translatées de /'. Si donc
lim Mnln = °o avec ï ^ / A T i + i = oo, et s i / G L{Mn},'û résulte de 5° qu'à tout
e > 0 correspondent un entier N et des constantes ci, c2, • • • , cN tels que
(1)
'
Max *(«) - Ë incnunG(u)
(n)
Z) Cnf
<
€.
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Cette inégalité fournit, on le voit immédiatement, un théorème d'un caractère
plus général que le théorème 1°, car, d'une part, en posant F(u) = 1/G(u) (la
fonction / de 1° devient ici (j>(u)F(u)) on voit qu'on demande beaucoup moins de
la régularité de F et, d'autre part, on obtient ici une inégalité (entre le second
et le troisième membre de (1)) qui est plus précise que l'inégalité correspondante
(entre le premier et le troisième membre de (1)) dans 1°.
Dans ce qui suit nous généralisons les problèmes donnés dans 1°, 2°, 3°, 4°, 5°.
Soit {\n} une suite positive croissante. La manière dont les X„ sont distribués
sera caractérisée par les fonctions suivantes :
TO
= El,
£>(\) = iV(X)/X,
D*(X) = borne sup D(x),
X„<X
a>£X
v(D) = borne sup / (D(x) — D) dx.
x>o Jo
On posera D* = lim sup D(\) = lim D*(X). Il sera aussi utile d'introduire les
fonctions et quantités moyennes, à savoir:
D(X) = X"1 / D(x)dx,
D*(X) = borne sup D(x),
JO
x^\
D* = lim sup Ö(X) = lim D*(X).
Nous supposerons que D < oo. Soit p(o) une fonction croissante tendant vers
+ oo. et soit a une constante, a > S*. S'il existe une fonction continue noncroissante h(u) avec lim h(u) ^ D*, et une fonction non-décroissante C(u)
telles que (pour o- grand)
2v[h(i0] - p(o-) < -C(a),
f
C(a) exp -
±f
du/(a - /i(w))l do- =
on dira que la condition d'unicité U(X n , p(a), a) est satisfaite.
La condition d'unicité U(X n , p(o), a) est satisfaite si, par exemple, il existe
ime constante positive y telle que :
j
p(<r) exp
- - j
du I (a - D*(yp(u)) \do-=
oo,
a > D*.
La condition U(Xn ,p(o-), a) est encore satisfaite si dans les relations précédentes
D* est remplacé par 5 * (c'est-à-dire, si l'expression D*(yp(u)) est remplacée
par l'expression D*(yp(u)) et si a > D* est remplacé par a > D*).
On peut démontrer les théorèmes suivante [2].
I. Soit {pn} une suite d'entiers positifs croissants, et désignons par {\n} la suite
i'entiers positifs croissants complémentaires â la suite {vn} par rapport à la suite
ie tous les entiers positifs. Soit F(x) une fonction positive, continue, croissante,
oaire, p(a) = log F(ea) étant une fonction convexe de a. Supposons que la condition
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S. MANDELBROJT
U(X„ , p(<r), 1/2) soit satisfaite. Soitf(x) une fonction continue sur la droite entièref
telle que
I«I-N F(x)
Quel que soit e > 0, il existe un polynôme de la forme
P(x) = a0 + a_a;Xl + • • • + anxXn
tel que
\f(x) -P(x)\
<eF(x)
(—oo < x < oo)
Primitivement les hypothèses de notre théorème contenaient aussi une condition de dérivabilité de F. Cette hypothèse supplémentaire a pu être supprimée
grâce aux remarques de MM. Horvath et Agmon.
Il résulte immédiatement de ce théorème que si F(x) est une fonction continue,,
positive, paire, log F(x) étant une fonction convexe de log x (x > 0), et si
(a)
]
- Ê ^ i - dx = oo,
alors, quelle que soit/(a;), continue sur la droite entière, avec limisi^ f(x)/F(x)
= 0, à tout € > 0 correspond un polynôme P(x) = a0 + aix + • • • +
anxn tel que
J/(aO-P(*)| <eF(x).
On voit, en effet, que la condition U(n, log F(eff), 1/2) est alors satisfaite.
Or la fonction F(x) figurant dans 1° satisfait certainement aux conditions
qu'on vient de préciser (log F(x) est une fonction convexe de log x, F(x) étant
le module-maximum d'une fonction entière, la condition (a) résulte de la divergence de E ß~n1)- Ainsi donc le théorème I est plus général que le théorème 1°,
même lorsqu'on n'envisage que le cas particulier Xn = n (n è 1). Remarquons
d'ailleurs que, dans ses travaux, S. Bernstein a bien pressenti que la forme
particulièrequ'iladonnéeàsafonctionF(_c) (F(x) = U ( l + x2ß^2) était superflue.
IL Soit {vn} une suite d'entiers positifs croissants, et soit [\n] la suite complémentaire à la suite {vn\ par rapport à la suite de tous les entiers positifs. Soit {mn}
une suite réelle. Supposons qu'il existe une fonction non-décroissante V = V(t)
(t è 0), 7(0) = 0, telle que
f dV = m0,
v'o
[ fndV
= mn
JQ
Si, en posant
p(<r) = borne sup (vqcr — log mQ)
la condition U(Xn , p(o~), 1) est satisfaite, cette fonction V est unique.
(n ^ 1).
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III. Les Vu , Xn , mn étant définis comme dans le premier alinéa de II, supposons
qu'il existe une fonction non-décroissante V = V(t) (—00 < t < °°), F ( — °°) ^
lim<____oo V(t) = 0, telle que
f dV = m0,
f fn dV = mn
(n è 1).
Posons Mn = mn si vn est pair, et Mn = 00 si vn est impair, et posons
p(o) = borne sup (vqor — log Mq).
e^l
Si la condition U(Xn , p(o), 1/2) est satisfaite, cette fonction V est unique.
En posant dans chacun des théorèmes II, III, vn = n (n ^ 1) on obtient
les théorèmes connus de Carleman sur l'unicité des problèmes de Stieltjes et de
Hamburger. Notons que des problèmes semblables au problème II ont déjà été
traités par Boas et W. H. Fuchs. Leurs résultats, différents du nôtre (même lorsque
les Vn sont entiers), portent sur des vn positifs, non nécessairement entiers. Le
résultat de Fuchs (pour plus de bibliographie voir [2]) contient également le
théorème de Carleman.
IV. Soit f(x) une fonction indéfiniment derivable sur la demi-droite x ^ 0, et
supposons que \f (x) \ _ë Mn (n ^ 0, Mn < 00). Définissons les suites {vn} et
{Xn) comme dans IL Sif(0) = /("n)(0) = 0 (n è 1), et si, en posant
p(a) = borne sup (na — log Mn),
n^l
la condition U(Xn , p(a), 1/2) est satisfaite, la fonction f(x) est identiquement nulleCe théorème contient comme cas particulier la partie du théorème 4° qui
fournit une condition suffisante de la quasi-analyticité.
Voici enfin un théorème généralisant le résultat 5° (du moins la partie de ce
théorème qui fournit une condition suffisante pour que 7r(f0 C œ(f'))V. Les suites {vn) et {X„} étant définies comme dans II, supposons que f(x)
appartienne sur la droite entière à L{Mn}, et soit p(o) la fonction définie dans
IV. Si <p G 7r(/') et si la condition U(Xn , p(o), 1/2) est satisfaite, à tout e > 0
correspondent un entier N et des constantes bi ,b2, • • • ,bN tels que
¥> - Ì > » / < " ' )
<6.
1
Tous les résultats cités peuvent être obtenus à partir du théorème suivant [4] :
VI. Soit F(s) une fonction holomorphe et bornée dans un domaine A défini
par a > cr0, | £ | < irg(a), où g(a) est une fonction continue, croissante, bornée
(a > (To). Soit dans A:
| F(s) | ^ M.
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Soit {Xn} une suite positive croissante, avec D* < lim g(<r). Soit {dn} une suite
telle que, pour n donné,
m
borne inf borne sup | F(s) - J2 dké~x"3 | _5 e~p(x\
où p(x) est une fonction croissante tendant vers + oo. Supposons qu'il existe une
fonction continue non-croissante h(a) avec hm h(a) ^ D* et une fonction nondécroissante C(<r) telles que
2v[h(a)] - pn(cr) < -C(cr),
J
C(or) exp
- - J
du/(g(u) - h(u)) \da^
oo.
Dans ces conditions il existe une constante A > 0 et une constante réele u, toutes
les deux ne dépendant que de {\n} et A, telles que
AAnMeKu
\dn\û
où
A„ = Xntn^nn | X
X2
n
— Xm |
Ce théorème n'est d'ailleurs qu'un cas particulier d'un théorème beaucoup
plus général démontré dans un Mémoire publié en 1946 dans les Ann. École
Norm. [4].
Dans son étude sur les équations intégrales de la forme
<p(x) - X /
K(x, y)<p(ij) dy = f(x),
Ja
où [a, b] est un intervalle fini, Carleman considère les noyaux reéls, symétriques
K (x, y) ayant les propriétés suivantes:
1. L'expression
K\x) = [ K\x, y) dy
Ja
a un sens et est finie, et
lim [
[K(x, y) - K(x', y)]2 dy = 0
x'=x Ja
pour toutes les valeurs de x exceptées celles d'un ensemble dénombrable
£i > & , • • • , fn , • • • au plus, cette suite admettant un nombre fini de points
limites.
2. Il existe au plus un nombre fini de valeurs f. qu'on désignera par r\i, rj2, • • • ,
rjm telles que, quel que soit 8 > 0, en désignant par Is le complément des intervalles
[rji — ô, r\i + ô] (i = 1, • • • , m) par rapport à [a, b], l'expression
[ K2(x)dx
existe et est finie.
QUELQUES THÉORÈMES D'UNICITÉ
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3. Le noyau | K(x, y) | admet des noyaux itérés de tout ordre n ^ 2, K{n)(x,
[éfinis pour x ^ £_, y = & , et tels que pour x ^ &
[K{n)(x,y)]2dy<
/
y),
oo.
Jn noyau ayant les propriétés 1, 2, 3 sera appelé noyau C. Il est évident
[il'un noyau G admet des noyaux itérés de tout ordre n ^ 2, que nous désignerons
>ar Kin)(x, y) (ces noyaux sont définis pour x ^ fc , y ^ £t). Un point (rc, 2/) du
arré A: a ^ îC g b, a g ^ ^ 6 est dit régulier s'il n'appartient à aucune droite
> = & } y = & ni k aucune droite limite de telles droites.
En nous basant encore sur le théorème VI et sur une inégalité de Carleman
Lous démontrons le théorème suivant:
VIL Soit K(x, y) un noyau C défini dans le carré A: a ^ x ^ b, a ^ y g. b.
ìoit (xQ, 2/0) un point régulier de A. Soit {vn} (vi = 2) une suite d'entiers positifs
roissants contenant tous les entiers positifs pairs, et soit {Xn} la suite complémentaire
\ la suite {vn) par rapport à tous les entiers n è 2. Supposons que
K(^(xQ,yo)
=0
( n à 1).
ii, en posant
p(a) = borne sup [2n<r - | log (K'^fa
, x0)K^v(y0,
y0))L
n^l
2 condition U(Xn , p(o~), 1/2) est satisfaite, on a
K(p)(x0,y0)
= 0
(P^2).
BIBLIOGRAPHIE
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Amer. Math. Soc. t. 54 (1948) pp. 239-248.
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.
, Un théorème de fermeture, C. R. Acad. Sci. Paris, t. 231 (1950) pp. 16-18.
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, Sur une inégalité fondamentale, Ann. École Norm. (3) t. 43 (1946) pp. 352-378.
COLLèGE DE FRANCE,
PARIS, FRANCE.
RICE INSTITUTE,
HOUSTON, TEXAS, U. S. A.