VEIL Simone (1927 - ) - CRISES
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VEIL Simone (1927 - ) - CRISES
1 VEIL Simone (1927 - ) 1) Le témoin : Simone VEIL est née Simone Jacob le 13 juillet 1927 à Nice. Elle est issue d’une famille bourgeoise juive mais laïque. Elle obtient le baccalauréat au lycée de filles à Nice à la veille de son arrestation. Son père André Jacob est architecte et ancien combattant et sa mère Yvonne Steinmetz a fait des études de chimie qu’elle a abandonné à la demande de son mari pour se consacrer à la vie familiale ; elle enseignait dans une école primaire au début de la guerre. Elle a deux sœurs et un frère : Madeleine surnommée Milou (1923 - ), Denise (1924 - ), Jean (1925 -). Principales étapes de la période de guerre : - Vie familiale à Nice touchée par les statuts des Juifs à partir de 1940 - Arrestation (30 mars 1944) avec sa mère, Milou et Jean et déportation à AuschwitzBirkenau par Drancy (début avril 1944) avec sa mère et Milou. - Marche de la mort fin janvier 1945 d’Auschwitz à Gleiwitz avec sa mère et Milou, continuation du transport en train au camp de concentration à Bergen-Belsen. - Simone Veil et sa sœur Milou y sont libérées le 15 avril 1945 et retournent en France le 23 mai 1945. Éléments biographiques concernant l’après-guerre : En 1946, elle épouse Antoine Veil : ils auront trois fils qui auront 12 enfants. Parcours professionnel et politique : études de droit et de sciences politiques, magistrat, plusieurs postes de ministre (1974-1979, 1993-1995), députée européenne (1979-1984), première présidente du Parlement européen (1979-1982), membre du Conseil constitutionnel (1998-2007). Distinctions et décorations : membre de l’Académie française, 2 Grand officier de la Légion d’honneur, présidente d’honneur de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, Chevalier de l’ordre national du mérite, « Docteur honoris causa » de 17 universités dans le monde entier, deux prix littéraires femme préférée des Français en 2010, plusieurs écoles portent son nom 2) Le témoignage : Titre: Une jeunesse au temps de la Shoah. Extraits d’Une vie, Éditions Robert Laffont, Paris 2010. Conditions de la publication : Une jeunesse au temps de la Shoah contient les quatre premiers chapitres de son autobiographie Une vie (Paris 2007, Stock) qu’elle avait enfin publiée en 2007 : c’est l’année de ses 80 ans et l’année de l’élection présidentielle. Elle décrit sa vie et y prononce son opinion politique en tant que personnage politique important. La réédition est une édition pédagogique pour les adolescents. C’est pour cela que le texte a été enrichi par des notes de la romancière française Isabelle Hausser qui explique entre autres des dates historiques. Qualification du témoignage : autobiographie, souvenirs, réflexions sur la guerre après la guerre mais écrite 60 ans après la guerre : fiabilité de la mémoire après tant d’années? Préface : préface courte par l’éditeur qui explique le parcours professionnel et politique de Simone Veil et pourquoi on voulait rééditer ces chapitres d’Une vie sur l’horreur de la guerre pour les jeunes. Dédicace : Simone Veil dédie ce livre aux membres de sa famille décédés pendant la guerre, à sa famille actuelle et à Maupassant à qui elle a emprunté le titre Une vie. Photos et plans : des photos personnelles de la vie familiale avant la guerre, des photos d’archives des camps, des plans d’Auschwitz et des plans géographiques de l’Allemagne et de la Pologne. Le style du livre : style surtout descriptif mais aussi parfois réflexif Destinataires : Une jeunesse au temps de la Shoah : destiné aux adolescents et Une vie : destiné à tous ceux qui s’intéressaient à la vie et à l’opinion politique d’une femme politique importante. 3 Le but de l’auteur : témoigner sur l’horreur de la guerre, pour qu’on ne l’oublie pas (« Rien ne peut ni doit être oublié » (p. 115) et de décrire sa vie mais on peut se demander pourquoi elle ne l’a pas rédigé avant 2007 car son histoire était déjà bien connue grâce à ses fonctions officielles. 3) L’analyse : Qui parle? Simone Veil raconte à la 1ère personne par les pronoms personnels «moi», «je» et «nous» quand elle parle de sa famille et plus tard aussi quand elle parle d’autres prisonniers. Elle parle « des Allemands », des SS et de la Gestapo mais « des nazis » juste à partir de la page 92. Quel est le choix de l’auteur du récit? Témoigner de son expérience personnelle avant et pendant la guerre quand elle était jeune pour le montrer à la jeunesse d’aujourd’hui. Face à la guerre : La déclaration de guerre est commentée par un « triste couronnement » (p. 40) de cet été 1939. Au début, les nouvelles de la guerre sont juste nommées mais pas commentées comme l’évocation de la Blitzkrieg (p. 41), probablement parce que cela se passait loin d’elle et parce que la vie de famille continuait à se dérouler à Nice avec même des vacances comme d’habitude (p. 43). Dans le camp de concentration, c’était plus important de survivre que d’essayer de suivre les nouvelles de la guerre mais ils entendaient quand même de la tentative d’attentat du 20 juillet 1944. Cela leur donnait de l’espoir parce qu’ils pensaient et espéraient qu’Hitler était mort (p. 86-87). En revanche, elle décrit le jour de la libération du camp de concentration de Bergen-Belsen par des troupes britanniques comme un des jours « les plus tristes de cette longue période » (p. 99) donc avec plus d’émotion parce que les Anglais ne la laissaient plus renter dans le camp où il y avait sa sœur. Elle devait donc vivre ce moment de la libération seule et ne savait pas si sa sœur vivait encore ou pas. Face aux lois antijuives : À partir d’octobre 1940, les statuts des Juifs ont été instaurés et le premier a frappé la famille Jacob «de stupeur» (p. 44). Le père devait donc renoncer à être architecte ce qui aggravait la situation financière de la famille (p. 45). Le deuxième était la déclaration d’être Juif qu’ils faisaient « sans trop vouloir nous interroger sur les implications » (p. 46). Cela montre bien que les gens ne voulaient pas voir les conséquences mais respectaient juste la loi. En revanche, elle-même s’est montrée « plus réticente » (p. 46) que sa famille. 4 Le départ des occupants italiens qui s’étaient montrés «plus libéraux » (p. 47) à l’égard des Juifs est décrit comme l’entrée « dans la tragédie » (p. 49) et la situation des Juifs français sous le régime de Vichy s’est tout de suite aggravée. Elle a « senti le danger (…) avant le reste de la famille » (p. 50) par le port obligatoire du « J » sur son passeport. En revanche, sa famille l’acceptait comme la déclaration d’être Juif « avec un mélange de résignation, de légalisme et (…) de fierté » (p. 50), mais ils ont mieux compris le danger quand les premières arrestations ont commencé (p. 50). Il ne fallait donc plus « assumer ce que nous étions » mais « se noyer dans la masse anonyme, devenir (…) invisibles » (p. 50). Mais elle ne précise pas ses sentiments vis-à-vis de ce danger. La famille avait donc apparemment compris le danger et prenait des mesures de sécurité grâce auxquelles elle se croyait « à l’abri » (p. 51). Elle assume qu’ils étaient « inconscients » (p. 51). Elle a commencé à vraiment comprendre quand elle a été renvoyée du lycée quelques mois avant de passer son bac parce que la directrice ne voulait pas avoir « une aussi lourde responsabilité » (p. 52). Simone Veil écrit que son attitude la surprenait mais qu’elle n’avait rien à dire (p. 52). Face à l’ennemi : Son premier contact avec des Allemands, c’est le moment de son arrestation quand ils découvrent que sa carte d’identité est fausse. Elle décrit cette situation et l’interrogatoire suivant par la Gestapo d’une façon neutre et n’y exprime aucun sentiment. Sa seule pensée était de prévenir sa famille (p. 54). Par des circonstances malheureuses, sa mère, Milou et Jean sont aussi arrêtés le même jour et ils se retrouvent tous à l’hôtel Excelsior. C’est là que Simone Veil a eu le sentiment « qu’une nasse se refermait » sur eux et que leurs « existences prenaient dès lors un tour dramatique » (p. 55). Il fallait donc être arrêté et se trouver dans une situation d’« incertitude » et d’« appréhension » face aux Allemands pour qu’elle comprenne le véritable danger de leur situation même si cela ne les a pas poussé dans l’angoisse selon elle. Au départ de Nice dans le train, ils avaient « un pincement au cœur, mais sans imaginer un seul instant ce qui nous attendait » (p. 56). Si on regarde ce qui se passait avec les Juifs déjà depuis des années, il est difficile de croire que les Juifs ne se doutaient de rien à cette époque là mais elle insiste sur le fait qu’ils ne savaient rien et ne se doutaient de rien, même pas dans le camp de Drancy (p. 58-61). Les SS qui assuraient la garde dans l’hôtel et aussi pendant le trajet dans le train, ne sont pas non plus décrits très négatifs mais qu’ils ne les traitaient même pas « avec mépris ou violence » (p.56). 5 « L’horreur du voyage » dans le train mène au « cauchemar » (p. 69) d’Auschwitz. Face au camp de concentration : Simone Veil parle de « l’angoisse qui régnait à Drancy » mais elle en parle en général et non pas que c’était elle qui était angoissée. C’était une angoisse d’incertitude parce qu’ils ne savaient pas où ils iraient, ni si la famille pourrait rester ensemble (p. 58). Elle décrit l’atmosphère à Auschwitz comme « effroyable » et qu’il y avait « la pestilence des corps brûlés, la fumée qui obscurcissait le ciel en permanence, la boue partout, l’humidité pénétrante des marais » (p. 79). Tout cela faisait l’horreur d’Auschwitz ce qui a disparu et c’est la raison pour laquelle, « on ne peut l’imaginer » (p. 80) cette « absolue misère » (p. 82) en le visitant aujourd’hui. Le rapport à la mort : Jusqu’au départ pour Drancy, Simone Veil n’évoque pas le thème de la mort. Elle l’évoque pour la première fois en parlant de la mort de son frère et de son père en Lituanie qu’elle a appris à son retour en France en 1945. Elle éprouve encore aujourd’hui une « épouvantable tristesse » parce qu’elle se sent responsable de la mort de Jean (p. 66). Pendant le trajet de Drancy à Auschwitz, « personne n’est mort » (p. 67) mais elle l’évoque comme une « nouvelle étape dans cette descente aux enfers » (p. 67). Elle regrette de ne pas avoir poussé des jeunes à s’enfuir pendant le trajet pour leur éviter cet enfer (p. 68). À Auschwitz, elle voyait « la cheminée des crématoires et la fumée s’en échappait » (p. 71 72). Mais les gens qui venaient d’arriver ne comprenaient pas parce que l’extermination était « si imaginable » et leur esprit était « incapable de l’admettre » (p. 72) même s’il y avait cette puanteur des corps brûlés. Par la suite, Simone Veil avoue que cette incertitude la rendait « de plus en plus anxieuse » (p. 72) et que le tatouage « irréversible » lui faisait comprendre clairement qu’il n’y avait « aucun espoir » (p.72). Pendant la marche de la mort d’Auschwitz à Gleiwitz, la mort était aussi omniprésente pendant tout le temps par le froid et surtout par l’épuisement. C’était un « véritable cauchemar des survivants » (p. 90) et beaucoup d’entres eux y mouraient « à cause du froid et de l’absence de nourriture » (p. 93) comme dans le train pour aller à Bergen-Belsen et aussi dans le camp lui-même où les conditions de vie étaient « épouvantables » (p. 95) à cause de l’épidémie de typhus dont beaucoup de prisonniers mouraient. « L’enlèvement des cadavres n’était plus assuré » (p. 95), donc la mort physique était partout. Il y avait même « des cas de cannibalisme » (p.95). À Bergen-Belsen, Simone Veil travaillait dans la cuisine de la SS ce qui les aidait à ne pas mourir de faim mais sa mère y est morte quand même, atteinte du typhus (p. 97). Le fait de ne pas pouvoir l’aider plus parce qu’il n’avait plus de médecins leur était « insoutenable » (p. 97) 6 et elle n’a pas accepté la mort de sa mère jusqu’à nos jours (p. 97). Milou attrapait aussi le typhus, donc Simone Veil avait tout le temps peur que sa sœur soit décédée quand elle reviendrait de la cuisine (p. 98). Facteurs de ténacité et de démoralisation : Ce qui l’aide à tenir à Nice, c’est sa famille et le fait d’aller à l’école. Donc c’est très dur pour elle quand elle est renvoyée du lycée. La première chose qui les affecte en hiver 1940, c’est le froid (p.43) et la faim qui reviennent comme facteurs démoralisants dans les camps de concentration. D’autres facteurs démoralisants à Auschwitz étaient la perte de toute son identité individuelle par le tatouage du numéro sur le bras. Ils étaient humiliés par les kapos quand ils devaient quitter leurs vêtements pour ensuite recevoir des habits pleins de poux. Leurs têtes étaient rasées ce qui « contribuait à les démoraliser » (p. 74) selon Simone Veil. Mais elle décrit tout cela d’une façon générale et descriptive et ne parle pas de sa tête. Ce qui l’aide à tenir et à survivre dans les camps, ce sont sa mère et sa sœur et des amies qu’elle se faisait (p. 77). Un autre facteur qui les aidait, c’était de très rares moments de bonheur comme la robe offerte par une autre prisonnière à Auschwitz (p. 83-84). Hanna BROCKMANN (Université Paul-Valéry Montpellier III)