Le tourisme solidaire et équitable, nouvelle forme de

Transcription

Le tourisme solidaire et équitable, nouvelle forme de
Mémoire écrit par: Sandrine Flower
Dirigé par: Driss Boumeggouti
Master 1 Tourisme et Développement
Le tourisme solidaire et
équitable, nouvelle forme de
consommation responsable?
Analyse du comportement de consommateur et
comparaison avec le commerce équitable
Université Toulouse-Le Mirail
Centre d’Etudes du Tourisme, de l’Hôtellerie et des
Industries de l’Alimentation
Site de Foix
Juin 2010
Le CÉTIA de l’Université de Toulouse II –
Le Mirail n’entend donner aucune
approbation, ni improbation dans les projets
tutorés et mémoires de recherche. Ces
opinions doivent être considérées comme
propres à leur auteur(e).
Mémoire écrit par: Sandrine Flower
Dirigé par: Driss Boumeggouti
Master 1 Tourisme et Développement
Le tourisme solidaire et
équitable, nouvelle forme de
consommation responsable?
Analyse du comportement de consommateur et
comparaison avec le commerce équitable
Université Toulouse-Le Mirail
Centre d’Etudes du Tourisme, de l’Hôtellerie et des
Industries de l’Alimentation
Site de Foix
Juin 2010
Remerciements
Je tiens à remercier mon maître de mémoire, Monsieur Driss Boumeggouti, pour ses précieux
conseils qu’il m’a prodigués tout au long de cette année.
Je remercie aussi l’ensemble des enseignants du CETIA de Foix, qui ont toujours été disponibles pour
répondre à mes questions, et plus particulièrement Monsieur Pierre-Paul Pichon et Monsieur Bruno
Claverie.
Enfin, je remercie mon entourage qui a su me soutenir tout au long de ce travail
Sommaire
REMERCIEMENTS
4
SOMMAIRE
5
INTRODUCTION GENERALE
7
PARTIE I : LE DEVELOPPEMENT D’UNE FORME ALTERNATIVE DE TOURISME
9
CHAPITRE 1 : UNE CONSTRUCTION A L’ENCONTRE DU TOURISME DE MASSE
11
1. LE BILAN DU TOURISME DE MASSE
11
2. LA NAISSANCE DU TOURISME SOLIDAIRE
17
3. LE TOURISME SOLIDAIRE ET EQUITABLE : UN ENJEU SOCIOLOGIQUE
18
CHAPITRE 2 : UNE ECONOMIE PLUS EQUITABLE
20
1. L’ENJEU ECONOMIQUE: LE DEVELOPPEMENT LOCAL
20
2. UN SYSTEME PARTICIPATIF
22
3. UN SYSTEME D’ACTEURS PARTICULIER
23
CHAPITRE 3 : LES LIMITES D’UN TEL SYSTEME
32
1. DES MICROPROJETS DANS UNE ECONOMIE TOUJOURS MONDIALISEE
32
2. LES PROBLEMES DE LA RENCONTRE
35
3. DES PORTEES ENVIRONNEMENTALES DIFFICILES
36
4. UN MARCHE DE NICHE ET UNE GRANDE CONCURRENCE ENTRE LES GENRES
37
5. LA PROBLEMATIQUE DU TOURISTE EN TANT QUE CONSOMMATEUR
40
PARTIE II : LE TOURISME SOLIDAIRE ET EQUITABLE COMME CONSOMMATION RESPONSABLE
43
CHAPITRE 1 : UNE NOUVELLE FORME DE CONSOMMATION : LA CONSOMMATION RESPONSABLE 45
1. LA CONSTRUCTION DE LA CONSOMMATION RESPONSABLE
45
2. LES DIFFERENTS MODELES DE CONSOMMATION RESPONSABLE : DIFFERENTES FORMES DE PROTESTATION
48
3. UN EXEMPLE DE CONSOMMATION RESPONSABLE : LE COMMERCE EQUITABLE
49
CHAPITRE 2 : DES CONSOMMATEURS RESPONSABLES ET ENGAGES
58
1. UNE ANALYSE DESCRIPTIVE DES CONSOMMATEURS
58
2. L’ANALYSE MARKETING DE LA CONSOMMATION RESPONSABLE
61
3. LE COMPORTEMENT DU CONSOMMATEUR RESPONSABLE
65
CHAPITRE 3 : LE TOURISME EQUITABLE ET SOLIDAIRE COMME CONSOMMATION RESPONSABLE 72
1. APPLICATION THEORIQUE : LE COMPORTEMENT DE CONSOMMATEUR DU TOURISTE SOLIDAIRE
72
2. PISTES D’ACTIONS : LIER LE TOURISME SOLIDAIRE ET EQUITABLE AU COMMERCE EQUITABLE
76
CONCLUSION GENERALE
85
ANNEXES
87
BIBLIOGRAPHIE
101
TABLE DES MATIERES
104
Introduction Générale
« Comment ont été éduqués les regards pour que le lointain soit devenu plus séduisant que le proche,
l’ancien plus passionnant que le contemporain ? » André Rauch
Découvrir le monde a toujours été considéré comme une activité enrichissante pour un individu. Se
retrouver au contact de populations et de coutumes différentes permet de prendre du recul sur soi
et sur sa propre société. Il était donc logique que chacun puisse profiter des ces expériences
formatrices. Le tourisme s’est fondé sur cette envie de découverte. L’évolution de la société, des
habitudes et des lois a permis à de plus en plus de personnes de partir en voyage. Seulement ce
tourisme de masse n’a, semble-t-il, plus respecté ces valeurs d’échanges et d’apprentissage. Il est
accusé d’avoir détruit les ressources naturelles, économiques et culturelles des pays les plus
défavorisés. Des millions de touristes ont en effet été envoyés dans des pays sans avoir aucun
contact avec ses habitants. Des villages-vacances ont été construits comme de véritables enclaves, ne
faisant profiter que du paysage au détriment des populations résidentes. Les touristes se sont plus
intéressés aux cultures mortes qu’à celles vivantes, tout proche d’eux. On reproche au tourisme
d’être devenu une véritable industrie où les profits ont pris une place plus importante que les
individus impliqués.
Des voix se sont élevées contre cette pratique abusive. Des personnes militantes ont décidé de
mettre en place des formes de tourisme qui concilient à la fois plaisir du touriste et considération des
populations locales, chez qui se déroulait cette activité économique. De plus, dans une logique
d’égalité, ces populations devaient bénéficier des retombées du tourisme. Le tourisme solidaire et
équitable a donc vu le jour dans l’optique d’aider et de soutenir les populations locales. Des
associations et quelques tour-opérateurs organisent des séjours avec les communautés d’accueil afin
qu’elles puissent contrôler et maîtriser l’activité touristique. Des chartes sont signées et chacun doit
tenir ses engagements. Les bénéfices récoltés doivent, par exemple, revenir au village dans son
ensemble, à travers un fonds de développement, et non pas à quelques individus.
Bien que les intentions des acteurs du tourisme solidaire et équitable soient honnêtes, on remarque
cependant que le concept a ses limites. Tout au long de l’avancement de ce travail, certaines failles
sont apparues. Le tourisme solidaire semble se développer en marge de l’activité touristique et pour
des connaisseurs alors qu’il pourrait se développer au sein du tourisme et attirer de nouveaux
touristes. Les démarches marketing dans ce domaine sont rares, ce qui est dû en particulier à une
méfiance envers les professionnels du marketing. Or, d’autres activités économiques alternatives se
7
développent à grande échelle en prenant appui sur une certaine stratégie commerciale, comme le
commerce équitable. Il y aurait dans notre société actuelle une envie grandissante de consommer
d’une meilleure façon. Les consommateurs prennent peu à peu conscience de la responsabilité qu’ils
possèdent lorsqu’ils effectuent leurs achats. En tant que consommateurs, ils possèdent des droits
mais aussi des devoirs. Le fait de consommer engendre des conséquences qu’ils peuvent rendre
positives. Ce sont par exemple les produits biologiques. Autrefois marginaux, ces produits sont
maintenant présents dans les supermarchés et séduisent de nombreux clients.
Ce mémoire ne vise pas à l’exhaustivité en matière de marketing. Il se base sur le constat que le
tourisme solidaire et équitable ne doit pas être une activité si marginale mais un moyen sur le long
terme de faire changer le domaine du tourisme en général. Il a pour objectif de montrer une autre
perspective du tourisme solidaire et équitable, en analysant s’il est possible de l’intégrer à ce qu’on
appelle la consommation responsable. Il s’appuie sur une réflexion personnelle qui s’est construite
au fur et à mesure des lectures et des discussions informelles.
Dans une première partie, nous étudierons le tourisme solidaire et équitable afin de mieux
comprendre sa mise en place et son fonctionnement. Il possède certaines particularités qu’il
convient d’étudier. Nous aboutirons à ses limites qui vont nous permettre de compléter cette
analyse du tourisme solidaire.
Dans une deuxième partie, nous nous intéresserons à la consommation responsable et aux concepts
qu’elle implique. Nous verrons aussi l’étude du comportement du consommateur, et plus
particulièrement l’importance des motivations dans la prise de décision, afin de comprendre le
consommateur responsable. Enfin, nous tenterons de lier le tourisme solidaire et équitable à ces
notions pour mettre en avant les possibilités de développement de la filière.
8
PARTIE I :
LE DEVELOPPEMENT D’UNE FORME
ALTERNATIVE DE TOURISME
9
INTRODUCTION
Cette première partie va tenter de décrire le tourisme solidaire et équitable afin de mieux maîtriser
ce concept. Il possède certaines particularités autour desquelles se positionnent de nombreux
enjeux. A partir de cette analyse, certaines limites vont apparaître. Le tourisme solidaire et équitable
engendre lui aussi certaines difficultés qu’il convient d’énoncer. Ce n’est pas pour autant qu’il doit
être remis en cause. Il s’agit simplement de montrer ses forces et ses faiblesses afin d’avoir une
image complète de son fonctionnement.
10
Chapitre 1 : Une
construction
à
l’encontre
du
tourisme de masse
1. Le bilan du tourisme de masse
Nous pouvons définir le tourisme comme étant un ensemble de « pratiques associées à un contexte
d’éloignement temporaire du lieu de résidence pour des raisons de détente et / ou des motifs à
caractère socioculturel »1. Cette définition décrit le tourisme comme pratique culturelle mais elle ne
prend pas en compte son caractère économique. Or, Pierre Cuvelier ajoute que le tourisme est
devenu un fait de consommation : « En s’articulant à l’économie, c’est la nature même de
l’expérience touristique qui s’est transformée ». Le tourisme de masse a alors amené de nombreux
problèmes.
1.1. Problèmes économiques
1.1.1. Point de vue macroéconomique
Le tourisme de masse participe à une économie mondialisée contrôlée par des règles de libre
échange et de libre concurrence. Ce sont les grandes multinationales qui possèdent la quasi-totalité
du marché du tourisme. Le magasine Alternatives Economiques2 montre quelles sont les opérations
économiques qui avantagent ces grands multinationales en ce qui concerne le tourisme.
Depuis les pays du Nord, elles créent des voyages en s’imposant dans les pays du Sud. Toutes les
étapes d’un voyage sont contrôlées par ces mêmes entreprises : elles créent le voyage dans un touroperator, elles le vendent dans une de leurs agences, les touristes vont s’adresser à une de leurs
agences réceptives et vont même dormir dans un de leurs hôtels. Grâce à ce système, une baisse des
coûts est possible en compensant la baisse de recette unitaire par une augmentation de la
fréquentation. Elles sont capables de proposer des voyages à prix réduits car, avec les systèmes de
réservation informatisés, elles maitrisent tout le processus de commercialisation. Ce sont ce qu’on
appelle les voyages « tout compris » ou « package ». Les pays d’accueil ne perçoivent donc que très
peu de bénéfices issus du tourisme.
De nombreuses importations sont réalisés par les gouvernements des pays du Sud afin de s’équiper
et de s’adapter aux besoins en confort des touristes. Cela entraîne une fuite des devises et des
1
2
CUVELIER, Pascal. Anciennes et nouvelles formes de tourisme. L’Harmattan, 1998
« Le tourisme autrement », Alternatives Economiques, hors-série n°33, mars 2008
11
revenus qui repartent vers les pays les plus riches. Certains pays n’hésitent pas, sous la pression des
pays industrialisés, et à cause des espoirs de richesse que provoque le tourisme, à vendre à très bas
prix des terrains pour construire des hôtels pour attirer de nouveaux complexes hôteliers. Très
souvent accompagné d’un déplacement forcé des populations, ce phénomène montre la mainmise
de ces quelques entreprises (européennes ou nord américaines) sur ce marché.
On peut aussi dénoncer le faible retour du revenu touristique dans le pays d’accueil. Le marché étant
détenu par des entreprises étrangères, et malgré le fait que cette activité se déroule sur un autre sol,
les bénéfices sont récoltés par les pays du Nord. Par exemple, il a été démontré que 80% des revenus
du tourisme aux Caraïbes repartaient dans les pays les plus riches3, via ces entreprises
multinationales. En Thaïlande, seuls 30% des bénéfices restent dans le pays4. Comme peu des
activités sont détenues par des entreprises nationales, cet argent ne bénéficie pas à la société locale,
qui aurait pu le récolter au moyen d’impôts et de redistribution par exemple. L’économie locale
n’étant pas dynamisée, le pays d’accueil ne parvient pas à créer et à aménager des structures pour
les populations résidentes.
La plupart de ces pays du Sud sont en effet dépendants de l’activité touristique. Les gouvernements
ont cru qu’en ouvrant leur pays au tourisme, ce dernier allait leur rapporter assez de bénéfices pour
développer leur pays. Il y a deux conséquences à cela. Afin de consacrer la plupart des
investissements au développement de l’activité touristique, ces gouvernements ont abandonné les
autres activités économiques et notamment l’agriculture. Ces pays deviennent alors aussi
dépendants du point de vue alimentaire. Cependant, on observe une instabilité internationale des
flux et des recettes touristiques. A cause des différentes crises sanitaires (SRAS, grippe A), de
catastrophes écologiques et climatiques (séisme au Chili en février 2010) et de conflits militaires (le
Mali, récemment), l’activité touristique peut être très fortement ralentie. Les touristes évitent ces
zones et l’offre touristique mondiale est assez diversifiée pour qu’ils choisissent facilement une autre
destination. Ensuite, il ne faut pas non plus négliger l’importance du rôle des média. En effet, JeanPierre Lamic explique que les médias ont une force de conviction qui peut bouleverser les
destinations touristiques5. On peut prendre comme exemple la guerre du Golf en 1991. A force de
relayer des images et des informations violentes et négatives, les touristes se souviennent longtemps
des dangers qu’ils peuvent rencontrer dans différentes régions du monde. Les agences de voyages
annulent ces séjours et c’est toute l’économie du pays d’accueil qui est bouleversée. De nombreux
3
« Le tourisme autrement », Alternatives Economiques, hors-série n°33, mars 2008
DUTERME, Bertrand in Expansion du tourisme : gagnants et perdants – point de vue du Sud. Alternatives Sud,
2006
5
LAMIC, Jean-Pierre. Tourisme durable : utopie ou réalité ?. Paris : L’Harmattan, 2008
4
12
emplois, bien que de nature précaire, sont menacés. Les investissements ne sont plus rentabilisés. Ce
tourisme de masse engendre donc un dérèglement total de l’économie du pays réceptif.
1.1.2. Point de vue microéconomique
Dans le tourisme de masse, un voyage est rarement proposé à sa juste valeur. Grâce à la faible
rémunération des salariés sur place, à une théorie de coûts minimum et à l’effet de quantité, les prix
de ces vacances sont très inférieurs à ce qu’ils devraient être. Les touristes achètent donc des
produits de mauvaise qualité, ce qui entraîne une détérioration de l’image touristique d’un pays.
Si les voyages dans les pays du Sud sont vendus à bas prix, cela vient principalement du coût faible de
la main d’œuvre par rapport à celui des pays du Nord. L’activité touristique attire de nombreuses
personnes désirant posséder plus de revenus que par l’agriculture. On observe alors un phénomène
d’exode rural, car l’activité touristique se situe dans les villes, et une hausse du chômage. Il n’y a pas
assez de travail pour tous et il arrive qu’il y ait des conflits entre les locaux et les migrants autour de
ces emplois6. Ce genre de travail ne demande aucune qualification et attire une population pauvre.
Les salariés ne bénéficient d’aucune protection sociale. On remarque aussi que la valeur de l’argent
est bouleversée. Il existe de forts contrastes entre un salaire et un pourboire. Certaines entreprises
n’hésitent pas à faire croire à ces salariés peu qualifiés qu’ils vont s’enrichir facilement grâce aux
pourboires des touristes, et baissent leurs salaires en conséquent. Ces nouveaux emplois engendrent
des mutations sociales car ils sont considérés comme plus prestigieux que l’activité agricole.
L’arrivée des touristes sur un territoire implique très souvent une hausse des prix des biens et
services de consommation courante et les locaux peuvent aussi avoir des difficultés à trouver des
denrées qui se font rares pour eux car réservées aux touristes. Ainsi, Jean-Pierre Lamic prend
l’exemple du taxi. Si un touriste est prêt à payer 30% plus cher un taxi que son prix normal, alors le
chauffeur va prendre en priorité ces touristes fortunés et délaisser les clientèles locales.
1.2. Problèmes environnementaux
1.2.1. De nombreux moyens de transports
L’expansion du tourisme est bien sûr liée à l’augmentation des moyens de communication. Les
progrès accomplis dans ce domaine ont permis de raccourcir les durées de voyages, et de diminuer
ainsi les distances : chaque partie du monde devient plus accessible. L’avion est le mode de transport
le plus polluant. Les touristes sont responsables de 25 à 30% de la pollution aérienne7. Avec la
6
7
ibidem
« Le tourisme autrement », Alternatives Economiques, op.cit.
13
dérèglementation des années 1980 et la baisse des prix, et plus récemment avec le développement
des courts-séjours et l’augmentation de compagnies « low-cost », les touristes sont de plus en plus
incités à prendre ce mode de transport : il permet d’aller loin même pour un weekend. Le voyage
aérien devient tout à fait banal. Tous les jours, de nouveaux vols s’ouvrent8.
La voiture permet un déplacement libre et personnel. Mais que ce soit dans les pays du Nord ou les
pays du Sud, Jean-Pierre Lamic remarque que « la voiture ne participe pas au développement du
territoire »9. En d’autres termes, alors que la voiture reste le moyen de transport privilégié des
touristes, elle n’engendre que des répercussions environnementales sans participer à l’économie
locale. Dans les pays du Sud, la route est un moyen de désenclaver les villages. Mais, les
investissements sont énormes et les conséquences souvent inattendues. Par exemple, une route va
augmenter le trafic routier, créer des accidents, sans pour autant que cela bénéficie au village.
1.2.2. Une utilisation des ressources excessive
Un des conflits majeurs dans le tourisme est l’utilisation des ressources, notamment l’eau. Bertrand
Duterme10 montre qu’un des problèmes du tourisme de masse se situe dans le partage totalement
déséquilibré des ressources. En clair, elles sont avant tout utilisées pour les touristes. Dans des pays
où l’eau est rare, on n’hésite pas à construire des complexes de golf, comme au Maroc par exemple.
De plus, les ressources sont privatisées de manière plus ou moins légale que et les terres
confisquées. Dans certains pays, comme c’est le cas à Tozeur, les habitants doivent maintenant payer
un accès à l’eau qui était avant gratuit. Les Massaï ont été dépossédés de leurs terres sous prétexte
qu’ils ne respectaient pas la nature et que les réserves devaient être mises en place.
1.2.3. Une dégradation de l’espace
Alors que les petits agriculteurs vont devoir supporter des restrictions d’eau, les complexes hôteliers
remplissent leurs piscines. De même, des espaces naturels sont détruits pour construire les aéroports
nécessaires à la venue des touristes. Le tourisme est par exemple responsable de la disparition des ¾
des dunes de sable de la Méditerranée11. Dora Valayer explique qu’en Inde, dans la province du
Kerala, 250 familles ont été « expulsées » pour faire place à des hôtels. C’est en effet de manière
détournée que les habitants doivent quitter leur lieu de vie. L’inflation du foncier rend l’achat de
terres impossible pour les pêcheurs, qui préfèrent partir. Les hôtels qui s’installent ne respectent pas
la loi littorale en vigueur. A terme, l’érosion de la côte est inévitable. A Goa, des terres agricoles ont
8
Flux RSS Tourmagazine
LAMIC, Jean-Pierre. Tourisme durable : utopie ou réalité ?. op.cit.
10
DUTERME, Bertrand in Expansion du tourisme : gagnants et perdants – point de vue du Sud, op. cit.
11
« Le tourisme autrement », Alternatives Economiques, op.cit.
9
14
été remplacées par des terrains de golf. En plus de ce déplacement de population, les terres sont
polluées12. Mais quand les touristes ne sont plus satisfaits de cette destination trop « usée », ils
partent et laissent derrière eux de nombreux dégâts.
1.3. Problèmes sociaux et culturels
Une des motivations premières du tourisme est la découverte et la rencontre avec l’Autre.
Historiquement, les touristes viennent découvrir une nouvelle culture et une nouvelle manière de
vivre. La rencontre dans le tourisme est inéluctable. Mais elle n’engendre pas que des conséquences
positives.
1.3.1. Le voyage comme trophée
Conditionné par les aprioris véhiculés par les agences de voyages et la publicité, le touriste vient
avant tout s’assurer de la véracité de ses idées, comme le montre Emmanuel de Kadt13 : le touriste
cherche la confirmation de ses préjugés. Pour prouver ce qu’il dit et exhiber ses découvertes aux
autres, il prend de nombreuses photos. Le touriste veut en quelque sorte rentabiliser son voyage,
d’où l’achat de souvenirs. Le film documentaire de Michael O’Rourke14 est tout à fait parlant. Dans la
première séquence, un touriste se fait prendre en photo à côté de la pierre où les cannibales
exécutaient leurs victimes, après l’avoir touchée, comme pour vérifier son existence. Tout au long du
film, nous pouvons même voir que le réalisateur montre les touristes avec des appareils photos de
plus en plus gros et encombrants, ce qui les rend ridicules. Le touriste se plait à énumérer tous ses
voyages au journaliste. Comme Franck Michel le met en avant dans son livre Voyage au bout de la
route, le touriste « fait » une destination. Ce genre de voyage est souvent rapide et superficiel. Le
touriste ne se souvient que ce dont il veut se souvenir, il ne part pas dans l’esprit de découverte
pure. Dans Cannibal Tours, le touriste semble conscient des impacts du tourisme, en général.
Cependant, il ne se remet pas lui, individu touriste, en question.
1.3.2. Une incompréhension entre les deux cultures
Lors d’un voyage, ce sont deux individus de cultures différentes qui se rencontrent. De nombreux
contrastes culturels apparaissent. Dans le film de Michael O’Rourke, qui se déroule en Océanie, on
voit les femmes en maillots de bain se baignant dans la rivière avec les crocodiles. En plus d’exposer
une relative nudité à des étrangers, elles semblent inconscientes du danger auquel elles s’exposent.
Au lieu de s’adapter au mode de vie local, elles agissent selon leurs habitudes sans se poser de
12
VALAYER, Dora. Pour une révolution du tourisme. Le Monde Diplomatique, juillet 1997
KADT, Emmanuel de. Tourisme, passeport pour le développement ?. Paris : Editions Economica, 1980
14
O’ROURKE Denis, Cannibal Tours (film), Institut des études de Papouasie Nouvelle-Guinée (Sydney), Channel
Four (Londres), 1988
13
15
questions. La scène paraît assez grotesque. De même, l’indigène ne comprend pourquoi les touristes
viennent précisément chez eux et pourquoi ils veulent vérifier qu’ « ils sont comme [leurs]
ancêtres». Il faut dire que, dans le tourisme de masse, rien n’est fait pour amener les touristes et les
locaux à se rencontrer. Avec les villages de vacances, sortes d’enclaves, les touristes n’ont aucun
contact avec la population, si ce n’est un bref échange marchand. Il y a en effet un contraste entre ce
que le touriste peut rechercher, c'est-à-dire un certain contact avec les autochtones, et la réalité et le
fait que ce contact soit un échange marchand. Isabel Babou et Phillippe Callot prennent l’exemple
d’un touriste qui voudrait goûter à la cuisine locale mais qui loge dans un hôtel international. Ils
parlent alors d’un phénomène de « ghettoïsation des touristes »15.
1.3.3. La domination du touriste sur les autochtones
Il arrive que le tourisme ne soit en fait qu’une nouvelle forme de domination du Nord sur le Sud,
prenant le relai de la colonisation. Le touriste s’assure de son opulence sur le local, notamment avec
la différence de pouvoir d’achat16. C’est le touriste qui contrôle l’échange marchand. Dans son film
documentaire, Mickael O’Rourke montre les comportements de touristes allemands lors d’achats de
souvenirs à des indigènes. Alors qu’ils sont clairement beaucoup plus riches que les locaux, ils
n’hésitent pas à demander des deuxième ou troisième prix, c'est-à-dire de faire du marchandage. Le
guide s’empresse d’ailleurs de les pousser vers cette méthode d’achat. Une touriste déclare : « Ils n’y
comprennent rien à l’argent ! »17. Cependant, quand le réalisateur interroge les indigènes, ils disent
ne pas comprendre pourquoi les touristes marchandent de cette façon. Ils sont en colère mais ne
peuvent rien faire car ils dépendent de cet argent. Un autre touriste propose des cigarettes en
échange d’une réduction sur une statuette. En plus de faire perdre de l’argent à l’autochtone, il
répand les (mauvaises) habitudes de consommation du Nord.
Cette domination n’est pas que financière mais aussi culturelle. Les touristes ne font aucun effort
pour s’adapter au mode de vie local : ils remercient en anglais (qui n’est ni leur langue, ni celle des
indigènes). Certains touristes avouent qu’ils sont capables d’aider les locaux en apportant « certaines
valeurs et croyances ». Ils ne se remettent en cause en aucun cas. Un touriste dit au réalisateur :
« Les experts nous assurent qu’ils sont heureux ». De même, on dit au touriste que la période de
domination allemande était une période favorable pour tous. Le point de vue du Nord prime sur la
réalité vécue par les locaux.
15
BABOU I., CALLOT P., Les dilemmes du tourisme. Paris : Edition Vuibert, 2007
LAMIC, Jean-Pierre. Tourisme durable : utopie ou réalité ?. op. cit.
17
O’ROURKE Denis, Cannibal Tours, op. cit.
16
16
2. La naissance du tourisme solidaire
Alors que le tourisme de masse s’accroît très rapidement dans les années 1970, le tourisme solidaire
se développe en parallèle pour proposer des façons de voyager différentes. En Casamance, au
Sénégal, des habitants ont eu l’idée de créer des chambres pour touristes dans des cases de leur
propre village. Les habitants se sont regroupés en une coopérative qui gère les chambres et les
bénéfices récoltés. On qualifiait ce genre de tourisme d’ « intégré » car les touristes étaient
« intégrés » dans la vie du village. Ces initiatives se sont développées dans le monde rural. Le
tourisme solidaire est donc traditionnellement lié au tourisme rural.
Dans la région des Chiapas, au Mexique, la population a mis en place un tourisme maîtrisé dans le
but de conserver leurs traditions et leur identité face à la montée de la mondialisation. Le tourisme
de masse a en effet tendance à placer l’humain au second plan, après le patrimoine matériel.
L’attrait est souvent plus important envers les populations mortes qu’envers les populations
actuelles. Jean-Pierre Lamic montre ainsi que la Thaïlande n’hésite pas à « parquer » une minorité
d’individus chinois pour montrer les « origines » du pays18. L’exemple est aussi flagrant en Egypte, où
les pyramides sont plus considérées que les habitants. Emmanuel de Kadt rapporte qu’en 1969, neuf
touristes sur 10 choisissaient leur lieu de vacances en fonction de l’environnement de la station, et
non pas en fonction du pays en tant que lieu culturel et des habitants19.
Aujourd’hui, avec l’augmentation du nombre de déplacements et de touristes, il semble nécessaire
d’élaborer une nouvelle manière de voyager. Jean Viard parle à juste titre de droit au voyage et
ajoute que ne pas prendre en compte le déplacement ludique, c’est ne pas accorder de temps libre,
pourtant indispensable dans la vie d’un individu20. Seulement, le tourisme est créateur de nuisances
plus ou moins importantes. Le tourisme solidaire et équitable tente donc de concilier la notion de
vacances avec le respect des populations visitées. Boris Martin dit que « le tourisme solidaire n’est
pas un voyage mais un moyen meilleur de faire du tourisme »21. L’UNESCO a désigné le tourisme
comme étant « véhicule de la paix ». C’est ce qu’essaye de faire le tourisme solidaire et équitable.
Le tourisme solidaire et équitable se situe actuellement dans le courant du tourisme durable. En
insistant sur les territoires et les populations d’accueil, il tente de prendre en compte plusieurs
18
LAMIC, Jean-Pierre. Tourisme durable : utopie ou réalité ?. op. cit.
KADT, Emmanuel de. Tourisme, passeport pour le développement ?., op. cit.
20
VIARD, Jean. Conférence à l’Université Toulouse – Le Miral, 2009
21
MARTIN, Boris (coord.) Voyager autrement : vers un tourisme responsable et solidaire. Paris : Edition Charles
Léopold Mayer, 2004
19
17
éléments afin de développer des projets viables sur le long terme. L’idée principale, comme le
rappelle Dora Valayer, est de répondre aux besoins des locaux avant ceux des touristes.
Le tourisme solidaire et équitable pourrait aussi appartenir à un autre mouvement qui se
développement actuellement : celui du « slow tourism ». Le principe de cette manière de voyager est
de prendre le temps nécessaire à la découverte et à la compréhension de la culture visitée.
De manière générale, on remarque que le tourisme solidaire et équitable se construit en parallèle du
tourisme de masse pour proposer de nouvelles façons de voyager qui s’inscrivent dans des projets à
long terme. En 2003, lors du forum international du tourisme solidaire à Marseille, une
étude réalisée par le réseau Archimède et Iris a montré que seuls 30% des projets ont plus de trois
ans. La construction de cette forme de tourisme n’est donc pas encore achevée et doit toujours faire
ses preuves dans le long terme.
3. Le tourisme solidaire et équitable : un enjeu sociologique
3.1. La rencontre entre le voyageur et son hôte
3.1.1. Une expérience humaine véritable
Le tourisme solidaire vise à replacer la rencontre entre touristes et hôtes au cœur du voyage. Dans
Les dilemmes du tourisme, on peut lire : « la recherche de relations avec les communautés d’accueil
est sans doute la part la plus noble du tourisme »22. Grâce au développement des moyens de
communication, un individu a aujourd’hui le choix d’avoir ou non des contacts avec les autres. Le
tourisme solidaire propose la découverte d’une autre culture et d’un autre mode de vie. Bien loin de
la superficialité que peut proposer le tourisme de masse, on observe chez les touristes solidaires une
véritable volonté de découvrir la sphère privée des hôtes. Cette intrusion dans le local est décrite
comme une « rupture dans la nature même du tourisme » par Paula Bialski23. Elle ajoute même que
ces nouveaux touristes sont à la recherche d’une « expérience interpersonnelle ». Ils veulent être
touchés et se sentir concernés.
3.1.2. Une formation à la rencontre
On observe aussi une tendance à prôner la « réalité objective » contre le rêve. En d’autres termes, le
tourisme solidaire met en avant l’authenticité du contact humain. Il doit lutter contre les stéréotypes
22
BABOU I., CALLOT P., Les dilemmes du tourisme, op. cit.
BIALSKi, Paula. Intimate tourism : enquête dans un réseau d’hospitalité. Traduction de Clotilde Maudoumier
et Marie Thomasson, édition Solilang, 2009
23
18
que les deux individus en présence peuvent avoir l’un de l’autre. L’un des piliers du voyage solidaire
est l’obligation de transparence. Le touriste doit être informé clairement des réalités locales.
Cependant, tous les acteurs s’accordent à dire que le contraste de mode de vie peut paraître
choquant pour des touristes du Nord. La sensibilisation et la formation du voyageur est essentielle
dans un voyage solidaire. Le but étant de créer un échange culturel et personnel, la rencontre doit
être équilibrée. Selon Jean-Pierre Lamic24, le programme doit laisser du temps à la rencontre,
notamment grâce à des échanges près de la vie quotidienne des locaux. Il souligne l’importance du
guide accompagnateur pour garantir et optimiser ces rencontres.
3.2. Le respect des identités de chacun
Le tourisme solidaire et équitable doit avoir des conséquences positives tant chez les touristes que
chez les populations visitées. Il est en effet un moyen de lutte contre la standardisation des modes
de vie. Afin de proposer aux touristes un panorama complet de leurs coutumes, les habitants doivent
redécouvrir leur propre culture. Jean-Pierre Lamic démontre que le tourisme solidaire comporte de
nombreux intérêts pour le quotidien de ses populations et qu’il est un épanouissement pour tous.
Tout en respectant la culture de l’autre, le tourisme solidaire doit amener à une remise en cause de
soi. Grâce à une rencontre harmonieuse, les clichés disparaissent. C’est en se confrontant à l’autre de
manière objective que chacun va pouvoir définir sa propre culture et celle de son hôte.
24
LAMIC, Jean-Pierre. Tourisme durable : utopie ou réalité ?, op. cit.
19
Chapitre 2 : Une économie plus équitable
Selon une étude de marché organisée par le ministère des Affaires Etrangères et l’Unat en 2005, il
semblerait que sur 10 millions de touristes internationaux français, 700 000 se disent intéressés par
le tourisme solidaire. Cela peut sembler anodin mais si ces 700 000 personnes partaient réellement
de manière solidaire, les bénéfices engendrés seraient conséquents et pourraient bénéficier à
beaucoup de personnes.
1. L’enjeu économique: le développement local
1.1. Le développement communautaire
Le tourisme solidaire pourrait se définir comme étant un ensemble d’actions de solidarité concrètes,
qui sont à la fois des projets touristiques et de véritables projets de développement local. Un des
principes est en effet de dire que cette nouvelle activité doit bénéficier avant tout au développement
économique de la communauté villageoise. Ce ne sont pas des aides individuelles mais une nouvelle
source de revenus qui doit servir à la communauté et soutenir des projets vitaux. Nous pouvons
prendre l’exemple du village de Keur Samba Yacine, au Sénégal. Le tourisme solidaire sert là-bas à
assurer la pérennité du centre de santé, construit récemment. On remarque alors que le tourisme n’a
pas été mis en place par quelques personnes dans le but de s’enrichir personnellement mais a bien
été choisi par l’ensemble de la communauté. Les bénéfices sont reversés à l’ensemble du village et
sont gérés par les habitants qui choisissent leurs investissements.
Pour se faire, on peut distinguer deux systèmes dans le tourisme solidaire et équitable. A partir d’une
réflexion de Gildas Bourgoin, nous pouvons parler de deux schémas montrant les différents rôles du
touriste dans l’économie locale25.
Les touristes achètent un voyage par le biais d’une association. Elle va alors reverser entre trois et
15% des bénéfices qu’elle réalise sur ce voyage à une structure locale. Cette dernière peut concevoir
et matérialiser des projets pour la population. Cette forme de tourisme se rapproche de la notion
d’humanitaire avec le don à la population locale.
25
BOURGOIN, Gildas. De quelle manière le tourisme solidaire et équitable peut-il devenir un levier de
développement ? L’exemple de l’association Aina à Madagascar. Mémoire : Tourisme et Développement :
Toulouse 2 : 2006
20
De plus, le touriste peut aussi choisir de s’impliquer plus personnellement dans la vie locale en
séjournant chez l’habitant et en consommant des produits locaux. Les dépenses qu’il effectue
constituent directement le chiffre d’affaire des entreprises locales. Ce genre de tourisme permet la
suppression d’intermédiaires qui diminuent les bénéfices reversés à la communauté. Cependant, il
est difficile de savoir si cet argent sera équitablement réparti et servira à la communauté entière.
Très souvent, le tourisme solidaire et équitable combine ces deux formes de participation à
l’économie locale. En théorie, cela permet en effet de créer des projets essentiels à la vie et au
développement d’un village, mais aussi de dynamiser l’économie en augmentant le pouvoir d’achat
individuel des membres de la communauté. Le schéma ci-dessous montre la répartition du prix d’un
voyage solidaire. Le financement d’un projet de développement et les dépenses locales sont
différenciés. Mais les deux composantes sont nécessaires dans un voyage équitable.
Source : Alternatives Economiques
1.2. Une économie d’appoint
Un des problèmes du tourisme de masse est qu’il représente pour certaines régions la seule source
de revenus. A l’inverse, le tourisme solidaire a été mis en place dans un autre esprit : il constitue un
revenu supplémentaire. Il se pratique quand l’activité agricole est au ralenti (en hiver par exemple). Il
est parfois nécessaire, comme nous l’avons vu, pour soutenir des projets vitaux pour la communauté.
Cependant, il reste une activité économique instable et ne doit pas constituer la source de revenus
principale. De même, c’est pour cette raison que les bénéfices sont reversés vers des domaines
économiques plus stables26. De manière générale, le tourisme solidaire ne doit pas bouleverser
l’économie locale.
26
DOQUET, A., LE MENESTREL, S. (coord.). Autrepart : Tourisme culturel, réseaux et recompositions sociales. La
Tour d’Aigues : Editions de l’Aube, 2006
21
Le tourisme solidaire et équitable peut générer des revenus de différentes sortes27. On peut compter
les revenus directs que sont les salaires perçus par les employés de l’accueil et de l’hébergement. On
trouve aussi les revenus induits : ce sont les achats solidaires effectués par les touristes. Enfin, il y a le
revenu solidaire, c'est-à-dire la participation solidaire à un projet de développement. Suivant les
destinations, ces revenus peuvent varier. Si certains villages décident de créer une coopérative par
exemple, et que c’est le village en tant que tel qui reçoit, alors les revenus directs sont directement
versés dans la caisse communautaire.
Le tourisme solidaire et équitable est mis en place pour soutenir les autres branches de l’activité
économique d’un village. Sylvie Blangy prend l’exemple de la revitalisation d’un oasis en
Mauritanie28. Le tourisme y a été développé de manière réfléchie. On n’y a pas construit de
nouveaux hôtels, qui auraient à la fois dégradé l’environnement et déstabilisé l’économie locale,
mais des emplois ont été créé dans les auberges existantes. C’est une manière de consolider ces
établissements. Ensuite, le tourisme a permis de relancer l’artisanat et de conserver le mode de vie
nomade. Comme nous l’avons vu précédemment, le tourisme solidaire permet de maintenir les
traditions identitaires culturelles mais aussi économiques. Enfin, grâce au redéploiement de ces
activités, l’exode rural s’atténue.
2. Un système participatif
2.1. Depuis sa conception…
Un partenariat entre les associations du Nord, les prestataires et communautés locaux est
nécessaire. Franck Michel montre quelles sont les conditions pour que le projet ait des effets
positifs29. Les membres de la communauté doivent concevoir, décider et bénéficier du tourisme. Ils
doivent aussi contrôler l’impact et l’évolution de l’activité grâce à des objectifs préalablement établis.
Tout est négocié afin de ne rien imposer, surtout aux communautés d’accueil. On remarque alors
que le développement touristique doit être démocratisé. Le droit à l’information et à la transparence
est l’un des principes du tourisme solidaire et équitable. En clair, les voyages ne sont pas conçus
entièrement au Nord mais demandent une concertation entre les acteurs à chaque étape du projet.
Un voyage solidaire implique un partage de connaissances et de pratiques entre Nord et Sud. Le
tourisme équitable peut être décrit comme « un ensemble d’activités et de services proposés par des
opérateurs à des voyageurs responsables et élaborés par des communautés d’accueil »30. Ces
27
ibidem
BLANGY Sylvie, Le guide des destinations indigènes – Tourisme équitable, Montpellier : Indigène édition, 2006
29
« Tourisme et éthique », Editions ESPACES Tourisme et Loisirs, Collection Revue Espaces n°171, mai 2000
30
Site Internet de Croq’Nature, http://www.croqnature.com/tourismeequitable.htm, 24/04/10
28
22
opérateurs ne sont pas, pour l’instant, des agences de voyages comme les autres. Ce sont des
associations. J.L. Gantheil, de Croq’Nature, affirme que « le statut d’association est une garantie car
il implique la participation au Conseil d’Administration de personnes qui n’ont aucun intérêt financier
dans les prises de décisions ». Ainsi, le tourisme solidaire engage des acteurs responsables.
2.2. Jusqu’aux bénéfices
Dans le tourisme solidaire et équitable, tout le village se partage les tâches car il doit bénéficier à
toute la communauté. C’est souvent le village qui reçoit. Les locaux sont formés à l’accueil et à la
tenue de visites guidées. Les compétences de chacun sont utilisées au mieux. Les hommes peuvent
construire les logements des touristes et les femmes peuvent montrer aux touristes des méthodes
artisanales traditionnelles. Stéphanie Vialfont explique que ces projets sont des microprojets afin de
limiter la perte d’argent dans les intermédiaires31. Ces villages travaillent très souvent avec une
association locale qui elle-même travaille avec une association européenne ou américaine.
Dans Les dilemmes du tourisme, on peut lire qu’avant tout, le tourisme solidaire est « une solidarité
entre le touriste et les populations d’accueil »32. Le touriste participe à un fonds d’entraide. Ce n’est
cependant pas une action ponctuelle. Le projet de développement s’inscrit dans la durée. Mais très
souvent aussi, les touristes gardent le contact avec leurs hôtes. C’est donc de façon naturelle que la
participation a lieu.
3. Un système d’acteurs particulier
3.1. L’Organisme Mondiale du Tourisme : un acteur peu impliqué
L’Organisation Mondiale du Tourisme supervise l’activité touristique. Selon elle, le tourisme est
essentiel dans la lutte contre la pauvreté : il peut réduire les inégalités entre les peuples. Dans cette
logique, et suite aux différents sommets mondiaux sur les problèmes du tourisme33, elle a mis en
place le Code Mondial d’Ethique du Tourisme. Débuté à Istanbul en 1997, ce travail a demandé deux
ans et de nombreuses consultations.
Il vise à une meilleure répartition des rôles et des bénéfices de l’activité, ainsi qu’au respect de tous
les acteurs. Il est composé de dix articles (annexe 1). Citons par exemple l’article 5 : « les populations
locales sont associées aux activités touristiques et participent équitablement aux bénéfices
31
VIALFONT, Stéphanie. Tourisme équitable : à la découverte de l’Autre… et de soi. Bernex-Genève : Jouvence
éditions, 2006
32
BABOU I., CALLOT P., Les dilemmes du tourisme, op. cit.
33
Sommet de la Terre à Rio en 1992, conférence du tourisme durable à Lanzarote en 1995
23
économiques, sociaux et culturels qu’elles génèrent, et spécialement aux créations d’emplois directs
et indirects qui en résultent ». On remarque que ce code soutient l’idée d’un tourisme plus juste,
c’est-à-dire plus solidaire et équitable. De plus, l’article 1 spécifie « le rôle contributif du tourisme à la
compréhension et au respect mutuels entre hommes et sociétés ». Pour l’OMT, le tourisme permet
une meilleure entente entre les hommes.
Une étude a été faite en 2005 pour connaître la véritable exécution du Code Mondial d’Ethique du
Tourisme34. Une centaine de membres (sur 145) a répondu. On apprend que les trois quarts des pays
se sont servis de ce Code comme base pour leurs propres textes législatifs nationaux. 35 pays ont fait
l’effort de le traduire dans leur langue. 83% des membres en ont fait la promotion et l’ont
communiqué aux acteurs du tourisme. On observe cependant qu’un tiers des pays n’ont pas
participé à l’élaboration et à la mise en valeur de ce Code, et que le secteur privé n’a que très
faiblement contribué à sa création (17 membres sur 300).
De nombreuses critiques se font entendre sur la mise en place de ce code. Son défaut le plus
important est très certainement son aspect volontaire. Il n’engage en effet à aucun recours légal. Un
comité mondial d’éthique du tourisme a été créé dans le but de régler les conflits à l’amiable, et de
soutenir la nécessité de dialogue entre les acteurs touristiques. De plus, les communautés locales
n’ont pas accès à ce code, qui ne fait pas de référence spécifique à leurs droits et valeurs. Ce code
met en effet en avant la vision libérale qui est celle de l’OMT concernant le tourisme. Selon l’OMT, le
tourisme durable est compatible avec la libéralisation. Mais comme le souligne O. Albert35, le code
est trop orienté sur les intérêts de l’industrie touristique et renforce les droits des voyageurs.
Lorsque l’on compare ce texte à celui de Lanzarote, on voit bien que la notion de développement
durable disparaît. S’il tente de mettre en avant le tourisme responsable, cela occasionne des
contradictions à l’intérieur même du texte. On peut se demander si les valeurs humaines et solidaires
qu’il prône sont compatibles avec une économie libérale.
Enfin, Dora Valayer souligne le paradoxe qui existe entre les discours de l’OMT et ses exigences. Elle
dit vouloir réduire la pauvreté grâce au tourisme mais exige de nombreux aménagements dans les
pays d’accueil qui accumulent alors des dettes36.
34
HIGGINS-DESBIOLLES, Freya. Analyse du Code Mondial d’Ethique du Tourisme, Université de South Australia
MARTIN, Boris (coord.) Voyager autrement, op. cit.
36
VALAYER, Dora. Pour une révolution du tourisme, op. cit.
35
24
3.2. Les associations au cœur du système
3.2.1. L’ATES
L’Association pour le Tourisme Equitable et Solidaire a été créé en 2006. Elle regroupe des
associations qui créent et vendent des voyages solidaires et équitables. C’est à partir d’une réflexion
avancée par l’UNAT (Union Nationale des Associations de Tourisme) que ces acteurs du tourisme
équitable se sont regroupés. Dans l’ouvrage coordonné par Alain Laurent, Sandrine Bot explique qu’il
était nécessaire de construire un système d’évaluation pour atteindre trois objectifs37 :
1. « Nous reconnaître entre nous » : les associations avaient besoin de se construire une
identité commune sous laquelle ils pouvaient se regrouper.
2. « Etre reconnus par l’extérieur » : ce regroupement permet d’accorder plus de crédibilité à
l’association.
3. « Les plus de la nouvelle grille » : la grille d’analyse, qui permet à une association de tourisme
de rentrer dans ce groupement, évoque l’idée de progrès. Cette grille ne sanctionne pas les
nouveaux arrivants mais souligne les manques et les disfonctionnements auxquels il faut
remédier.
Toutes les associations d’ATES partagent les mêmes volontés. Julien Buot, coordinateur d’ATES,
déclare que « l’objectif d’ATES, c’est d’utiliser le tourisme comme levier de développement »38. Le
but est donc d’aider des régions qui en ont besoin à utiliser au mieux les bénéfices de l’activité
touristique.
Cette association représente une marque essentielle pour gagner la confiance des touristes. Elle
garantit le bien-fondé des petites associations. Elles n’ont en effet par forcément les moyens pour se
promouvoir. Il est aussi difficile pour elles de se positionner sur un marché du tourisme très
concurrentiel. Dans le livre de Stéphanie Vialfont, Patrick Wasserman, de l’association Rencontres au
bout du monde, explique qu’ « une association de voyageurs, c’est comme une agence de voyages
qui appartiendrait à ses voyageurs. Ce qui change tout ! »39. L’ATES permet de mettre en avant cette
différence et d’en faire un atout. Permettre une meilleure visibilité, c’est rendre confiant le touriste.
37
BOT, Sandrine. Construction et mise en place du système d’évaluation de l’ATES. In Tourisme responsable,
clé d’entrée du développement territorial durable : guide pour la réflexion, Laurent A. (coord.)
38
La Gazette officielle du tourisme, N°1969, 27/08/2008
39
VIALFONT, Stéphanie. Tourisme équitable, op. cit.
25
Cependant, ce système d’évaluation comporte des lacunes, dont l’ATES est elle-même consciente40.
Cette marque n’est pas certifiée. Une certification se définit comme étant « un processus extérieur
de vérification du respect d’un cahier des charges »41. ATES juge que le coût de la certification est
trop élevé par rapport au besoin. Elle ne leur paraît pas indispensable dans la mesure où
l’information qu’ils donnent est claire et juste. Ils mettent en avant le fait que cette évaluation est
« un processus collectif participatif et approfondi ». En d’autres termes, le contrôle extérieur n’est
pas essentiel car le débat qu’ils alimentent entre eux permet une certaine maîtrise du processus. Si
l’on peut avoir confiance dans la volonté des associations, cette grille d’évaluation ne s’étend pas à
leurs partenaires du Sud, ce qu’ATES avoue regretter. Eux-mêmes peuvent difficilement contrôler
toutes les actions des prestataires du Sud, qui, après plusieurs années de tourisme intensif,
pourraient encore avoir des pratiques peu valorisantes, comme ne pas rémunérer les salariés
correctement. Au total, seules 50% des destinations sont contrôlées.
Au-delà des problèmes matériels d’évaluation, il faut tout de même souligner que ce regroupement
d’associations de tourisme équitable et solidaire est innovateur. Céline Cravatte fait une profonde
réflexion sur la création d’ATES et démontre « comment *cette association+ crée les frontières d’un
nouveau territoire marchand, professionnel et militant au croisement de la solidarité internationale
et de la consommation touristique »42. L’objectif d’ATES, à travers sa démarche et son discours
militant, est de participer et de soutenir le développement des régions défavorisées grâce au
tourisme. Il leur tenter de concilier les finalités humanistes et les finalités économiques.
Récemment, une réflexion est en cours sur un possible rapprochement entre les associations d’ATES
et des agences de voyages. Selon Pierre Vidal, vice-président d’ATES, « les acteurs du tourisme
équitable ont le savoir-faire, les TO et les agences classiques maîtrisent le faire-savoir»43. En effet, les
agences de voyages classiques possèdent des compétences et des moyens importants en ce qui
concerne la communication. C’est souvent ce qui fait défaut chez les associations. Utiliser de
nouvelles manières de communiquer permettrait une plus grande diffusion de l’information et de
sensibiliser des « non-initiés ». De plus, Céline Trublin rappelle à juste titre que ces organisations de
tourisme alternatif sont récentes et qu’il faut laisser du temps à la profession pour s’organiser44. Les
possibilités d’évolution ne sont pas fixées à l’avance.
40
BOT, Sandrine. Construction et mise en place du système d’évaluation de l’ATES, op. cit.
« Le tourisme autrement », Alternatives Economiques, op. cit.
42
CRAVATTE, Céline in Autrepart, op. cit.
43
Le SNAV tend la main à l’association ATES. L’écho touristique. 14/05/2009
44
MARTIN, Boris (coord.) Voyager autrement, op. cit.
41
26
3.2.2. Les autres associations
Il existe d’autres associations qui soutiennent le tourisme solidaire et équitable.

Une des premières créées fut « Tourism for Development » en 1998. C’est une association de
loi 1901. « Tourism for Development » soutient des ONG qui travaillent sur des projets locaux : « Il
s’agit *pour TFD+ d’encourager dans les pays pauvres, des initiatives porteuses de développement »45.
Cette association propose à des entreprises de verser un certain pourcentage de leurs bénéfices pour
financer des projets de développement. Les entreprises, en échange, font partie du label TFD. De
grands groupes de tourisme sont inscrits au label TFD : Nouvelles Frontières, Opodo… TFD met en
avant le fait que leur travail ne consiste pas à recueillir des dons mais bien à trouver des partenaires
financiers.
En choisissant une agence de voyages partenaire de TFD, le touriste contribue au soutien d’une telle
initiative. Il peut aussi s’engager en tant que voyageur responsable en respectant les principes
présentés par « Tourism for Development ».
Cependant, l’association peut montrer certains paradoxes. Elle développe des projets en parallèle
des voyages organisés. Ils n’ont pas de rapport avec les voyages des touristes. Le slogan de
l’association est d’ailleurs : « changer leur vie sans changer vos vacances »46. Au vue des
démonstrations précédentes, on peut se demander si, en soutenant des entreprises du tourisme de
masse, l’association ne créé pas des inégalités qu’il lui faudra ensuite combler.

« Tourism Concern » est une association britannique créée en 1988 dans le but de montrer
les effets néfastes du tourisme sur les populations47. Elle a la particularité de travailler sur plusieurs
fronts différents mais complémentaires. Elle aide les « voix opprimées » à se faire entendre : elle
offre une aide organisationnelle et logistique aux destinations touristiques qui ne peuvent pas avoir
accès aux médias. En informant et en faisant pression sur les autorités, elle veut influencer les
opinions pour les faire changer en matière de tourisme. Enfin, elle soutient des voyages solidaires et
équitables en travaillant avec l’association internationale du commerce équitable sur la mise en place
d’un label « tourisme équitable ».
On observe donc que de nombreuses associations existent et possèdent chacune des compétences
et des objectifs différents.
45
Site internet Tourism for Development, www.tourismfordevelopment.com, 21/04/10
ibidem
47
Site internet Tourism Concern, www.tourismconcern.org.uk, 21/0410
46
27
3.3. Le partenariat au cœur du tourisme solidaire
3.3.1. Un échange de compétences
Selon le dictionnaire Larousse, un partenariat est un « système associant des partenaires sociaux ou
économiques, et qui vise à établir des relations d'étroite collaboration ». L’encyclopédie Wikipédia
ajoute la notion « d’objectifs communs » qui semble essentielle. Un partenariat est donc un
groupement de partenaires qui doivent travailler ensemble pour satisfaire des objectifs communs.
Il existe deux partenariats différents pour la naissance d’un projet de tourisme solidaire et
équitable48. Une ONG travaillant sur le développement local peut choisir le tourisme comme
meilleure réponse pour dynamiser le territoire. Mais les acteurs touristiques peuvent aussi décider
de participer au développement local. Pour chaque cas, la démarche de création est différente. Dans
la première possibilité, l’activité touristique doit être totalement mise en place. Il se peut donc que
cette ONG fasse appel à d’autres associations plus compétentes en matière de tourisme. Dans l’autre
cas, c’est en fait l’inverse qui se passe. Les acteurs, grâce à l’activité touristique déjà présente,
veulent en faire profiter tout le territoire. Ils sont compétents en matière de tourisme mais ont
besoin d’expertise en matière de développement local.
L’importance du partenariat est alors évidente. Afin que le tourisme participe au développement
local d’un territoire, il faut que des personnes compétentes dans ces deux domaines travaillent
ensemble. C’est peut-être ce qu’il manque à certains projets touristiques en général. Le partenariat
peut être perçu comme un frein au projet initial.
3.3.2. Un partenariat Nord-Sud
Comme nous l’avons vu précédemment, le tourisme solidaire et équitable est un système
participatif. Il implique donc des partenariats entre les différents acteurs. Afin de mener au mieux un
projet touristique sur un territoire, un échange de compétences est nécessaire. Bien que le tourisme
solidaire implique la participation active des prestataires et populations locaux, le projet doit être
pensé aussi par des partenaires du Nord. C’est pourquoi les associations européennes et américaines
travaillent en collaboration avec des associations sur place.
Le partenariat Nord-Sud est essentiel sur différents points. L’association du Nord peut d’abord
apporter une aide technique et financière. Ayant accès à des formations et des technologies
avancées, ces associations sont compétentes au niveau organisationnel. Elles possèdent l’expertise
48
BOURGOIN, Gildas. De quelle manière le tourisme solidaire et équitable peut-il devenir un levier de
développement ?, op. cit.
28
en matière de conduite de projets à petite ou grande ampleur. Elles possèdent une expérience qu’il
faut amener sur des projets qui peuvent être difficiles à mettre en place49.
Les associations du Nord font le lien entre les touristes et les communautés d’accueil. Mettre en
place un tel partenariat permet aux populations d’accueil un plus grand rayonnement de leur activité
et les associations du Nord garantissent une meilleure communication. Elles sensibilisent aussi les
touristes avant le départ. Une des caractéristiques du voyage solidaire et équitable est en effet de
préparer le touriste au voyage qu’il va accomplir afin qu’il s’intègre au mieux dans la vie locale. Les
associations du Nord savent quelles sont les perceptions du touriste envers les populations d’accueil
et savent aussi enseigner.
Enfin, les associations du Nord peuvent mettre en place plus facilement des outils d’observation et
assurer un suivi de ces projets. Grâce au lien qu’elles entretiennent avec les organisations
internationales, elles peuvent faire circuler les données et les informations. C’est évidemment avec
un travail en collaboration avec les associations du Sud qu’un suivi de qualité est possible.
3.3.3. Des engagements regroupés dans une charte
Afin de faire respecter les conditions du partenariat, des associations choisissent de créer une charte
de tourisme équitable. C’est par exemple le choix de l’association Tourisme et Développement
Solidaires (TDS) : chaque participant au projet possède des droits et des devoirs (TDS, le village
d’accueil et le touriste). Jean-Pierre Lamic résume les conditions d’une charte50. En ce qui concerne
les populations d’accueil, il doit être précisé qu’elles participent à l’élaboration du voyage et à la
gestion des fonds. Les bénéfices sociaux, culturels et financiers doivent être équitablement répartis.
En ce qui concerne l’association, elle se doit de montrer une information claire et de qualité. Elle
devrait aussi se faire contrôler par un organisme extérieur. Enfin, le touriste doit se conduire selon
les principes auxquels il s’est engagé.
Jean-Pierre Lamic met en garde contre la façon dont un voyagiste parle de meilleure répartition des
bénéfices. Parler de « faibles marges » n’indique en aucun cas un respect de l’équité. ATES met en
avant que ses marges sont de 30% mais la répartition des bénéfices n’est pas précisée. Au contraire,
souligner des marges trop basses devrait attirer l’attention sur le fait que les acteurs ne sont peutêtre pas rémunérés correctement.
49
50
Citons comme exemple l’association fuxéenne Via Brachy
LAMIC, Jean-Pierre. Tourisme durable : utopie ou réalité ?, op. cit.
29
3.3.4. Un schéma récapitulatif
Mondial
Touristes
Non-professionnels
OMT
PNUE
Professionnels
Associations
du Nord
Locaux
Local
Associations
du Sud
Source personnelle
Ce schéma regroupe les acteurs concernés par le tourisme solidaire et équitable. Ils sont placés selon
leur niveau de compétences professionnelles et leur rayonnement (local ou mondial). Ils
apparaissent assez épars, ce qui montre que chaque acteur possède des caractéristiques propres. En
d’autres termes, certains sont plus professionnels que d’autres ; certains agissent plus au niveau
mondial que local. Les intérêts sont alors différents.
En ce qui concerne les plus « professionnels », on trouve les organismes mondiaux et les associations
de tourisme. L’OMT recherche des intérêts plus globaux que les associations. Elle est par conséquent
plus détachée qu’eux en ce qui concerne le tourisme solidaire. Elle vise à une réussite mondiale de
l’économie touristique. Bien qu’elle tente de prendre en compte les intérêts locaux, on voit bien
qu’elle se trouve à leur opposé.
L’association du Nord est entre le niveau mondial et le niveau local. Il lui faut en effet arriver à
combiner les intérêts des communautés d’accueil touristiques et ses propres intérêts sur un marché
économique. On peut aussi la voir comme un intermédiaire entre le niveau local et l’OMT.
L’association du Sud travaille au niveau local mais possède les mêmes compétences qu’une
association du Nord. Elle a l’avantage de connaître le territoire et ses habitants, et est à même
d’organiser l’activité touristique. Au même niveau, on a en effet les prestataires locaux, avec qui ils
travaillent en collaboration. De nombreux auteurs, dont Jean-Pierre Lamic, insistent sur l’importance
du partenariat Sud-Sud, pas assez mis en avant. Pourtant, un tel partenariat paraît essentiel.
30
Les touristes en général n’appartiennent pas à la vie locale. Cependant, les touristes optant pour un
voyage solidaire et équitable recherchent la participation à la vie de la communauté. Ils s’investissent
personnellement dans ce voyage, sont formés et informés. Ils souhaitent en effet ne pas perturber le
mode de vie des hôtes, suivant les principes du tourisme solidaire, et partager une rencontre intense.
Ils ne sont pas passifs mais créent leur voyage.
Enfin, les particuliers locaux deviennent de plus en plus professionnels. En effet, pour la plupart des
destinations solidaires, c’est le village qui accueille. Chacun doit être un minimum formé à l’accueil.
Les tâches sont réparties selon les compétences et les disponibilités des personnes. Les associations
de tourisme qui soutiennent ces projets expliquent la nécessité pour les populations locales de se
former à l’accueil.
31
Chapitre 3 : Les limites d’un tel système
1. Des
microprojets
dans
une
économie
toujours
mondialisée
1.1. Un esprit militant
L’une des critiques de ce tourisme alternatif est le fait qu’il aille constamment à l’encontre du
tourisme de masse. Il devient tributaire de l’esprit du tourisme de masse : sans lui, il n’aurait pas lieu
d’être. Thierry Paquot, dans Voyager autrement, explique que « rompre avec [le tourisme de masse],
ce n’est pas le moraliser mais s’y opposer et à préconiser le voyage, le temps et l’espace qui va
avec ». En d’autres termes, le tourisme solidaire dépend d’un contexte qui est celui de l’opposition
constante. Ce tourisme ne milite pas pour un changement du tourisme mais se développe en marge
pour se différencier. Il ne règle donc pas vraiment les problèmes du tourisme de masse.
Certains auteurs remettent en cause cet esprit militant qui donne une mauvaise image du tourisme
de masse. Il ne faut pas oublier que les congés payés, essentiels au développement du tourisme, ont
été une lutte sociale importante. Les vacances sont un « droit pour tous ». Albert Bastenier montre,
dans le magazine Revue Nouvelle que le tourisme solidaire ne peut aller contre le tourisme de masse,
malgré les graves conséquences qu’on lui connaît51.
1.2. Les associations sont aussi des vendeurs
Récemment, des problèmes sont apparus chez certaines associations d’ATES. C’est le cas notamment
de Tourisme et Développement Solidaire, qui fait face à une lassitude et un mécontentement
grandissant chez leurs partenaires du Sud et chez les touristes. Céline Cravatte, dans la revue
Autrepart, montre qu’il existe un désaccord entre TDS et les villages d’accueil sur la notion de
développement. Dans l’esprit de TDS, le développement doit être collectif et amener à des projets
concrets. C’est d’ailleurs l’un des fondements du tourisme solidaire. Pour TDS, ce mode de pensée
peut être lié à l’idéologie même de l’association, au fait qu’il est plus facile de présenter des projets
réels aux touristes ou encore à une gestion plus facile des fonds. Mais au village de Doudou, au
Sénégal, les villageois remettent en cause les conditions de la charte, qui leur demande de ne pas
demander de l’argent aux touristes pour des projets personnels, principe sur lequel ils étaient
d’accord. Mais les artisans réalisent que le temps qu’ils passent avec les touristes devrait être
51
BASTENIER, Albert, Le tourisme, utopie contemporaine. La Revue Nouvelle, N° 1 – 2, janvier – février 2006
32
compensé par de l’argent. Les guides tendent à s’accaparer les touristes et les convainquent de
participer financièrement à des projets plus personnels. Les villageois disent en effet que, bien que
l’école ait été nécessaire, elle devient inutile si eux-mêmes n’ont pas assez d’argent pour y envoyer
leurs enfants. C’est donc un principe du tourisme solidaire qui est remis en cause.
Cependant, Céline Cravatte questionne aussi la légitimité de TDS à faire accepter une telle charte.
L’association est alors dans une situation délicate, décrite dans un numéro des Actes de le Recherche
en Sciences Sociales52. La conduite de TDS est paradoxale : une des conditions de la charte est que
l’association se doit d’informer correctement les voyageurs avant de partir. Or, elle tend à cacher le
malaise qui existe à Doudou car elle est dans la nécessité de continuer à vendre des voyages. Mais en
ne respectant pas ses propres principes, quel est son droit pour en imposer d’autres aux villages
d’accueil ? Dans cet article, les touristes montrent leur colère et leur déception. Malgré le fait d’avoir
choisi un mode de voyage différent qui semblait apporter des garanties, ils se sont retrouvés dans
une situation rappelant les problèmes du tourisme de masse.
Cet évènement n’a lieu pour l’instant que dans un seul village partenaire de TDS. Mais il met en avant
le décalage qui existe entre les points de vue du Nord et Sud et pose la question de la légitimité des
décisions.
1.3. Le micro-projet résout-il des micro-problèmes ?
Le tourisme solidaire et équitable se développe autour de micro-projets, qui sont par définition des
actions de terrain à l’échelle d’un village. L’avantage est qu’il cible des besoins précis et aide les
communautés dans leur vie quotidienne.
Cependant, comme Christine Gagnon le montre dans L’écotourisme : entre l’arbre et l’écorce53, la
rivalité entre les villages commence à apparaître, ce qui peut amener à des conflits. Nous pouvons
prendre l’exemple du travail de l’association Palabres Sans Frontières dans le village de Keur Samba
Yacine. Le tourisme solidaire a été mis en place pour soutenir financièrement le centre de santé. Le
village semble heureux de pouvoir à la fois recevoir des étrangers et de leur faire découvrir leur façon
de vivre, et d’être capable d’assurer l’activité du centre de santé. Ce projet est pour l’instant réussi.
Cette réussite fait donc des envieux : les villages voisins aimeraient eux aussi bénéficier des
retombées du tourisme. Toutefois, multiplier ce genre d’initiatives n’est pas si simple car les villages
pourraient se faire concurrence et annihiler ainsi les effets bénéfiques du tourisme. Ce serait aussi
52
CHABLOZ, Nadège. Le Malentendu. Nouvelles ( ?) frontières du tourisme. Actes de la recherche en sciences
sociales, n°170, décembre 2007
53
GAGNON C., GAGNON S. (coord.), L’écotourisme : entre l’arbre et l’écorce. Québec : Presses de l’Université
du Québec. 2007
33
donner trop d’importance à l’activité touristique, piège que les associations veulent éviter. Cette
situation montre le besoin d’une politique cohérente et plus globale pour qu’elle puisse bénéficier
aux plus de personnes possibles. Christine Gagnon dans L’écotourisme : entre l’arbre et l’écorce,
montre en effet qu’il existe une contradiction entre le principe d’équité véhiculé par les associations
de tourisme, et donc de faire participer le territoire en entier, et le fait de concentrer le tourisme sur
quelques points d’un pays.
Beaucoup de projets différents sont développés. L’association Via Brachy par exemple propose un
voyage-caravane, c'est-à-dire par étapes, pour aller aider des villages se trouvant au Maroc et au
Sénégal. Ils proposent à chacun de préparer un projet qui soit utile à la population locale. Les projets
peuvent aller de la construction d’un poêle à bois à un atelier de théâtre. Mais cette accumulation de
microprojets sans lien peut paraître improductive. Des actions ponctuelles peuvent alors être
considérées comme de l’assistanat54. Des projets peuvent ne pas réellement bénéficier à la
population. L’organisme « Trade for Development » remet en cause le besoin et l’intérêt des
populations locales à être formées aux métiers de service55. De ce point de vue, on peut en effet se
demander quelle va être l’utilité sur le long terme de ce genre de compétences.
Enfin, Jean-Pierre Lamic met en garde contre les dangers du tourisme solidaire et équitable, et sur le
fait que ce soient des microprojets56. Il montre que ces initiatives détournent la communication des
véritables problèmes plus globaux. Le problème avec le tourisme solidaire est qu’il met en lumière
des actes qui restent minoritaires. L’association « Tourism Concern » met en avant sur son Internet,
au même niveau que « Défendre le tourisme alternatif », des projets plus précis comme « aider la
communauté Chiapas à lutter contre les effets du tourisme de masse »57. Tous ces projets sont
louables, mais la communication qu’ils font peut induire le touriste en erreur et lui faire croire que
ses actions ont une portée locale et globale. Enfin, ce genre de communication ne serait mise en
place que pour justifier des choix économiques déjà pris.
54
ibidem
POOS Samuel. Le tourisme équitable et solidaire. Document de travail. Trade for Development Center, mars
2009
56
LAMIC, Jean-Pierre. Tourisme durable : utopie ou réalité ?, op. cit.
57
Site internet Tourism Concern, www.tourismconcern.org.uk, 21/0410
55
34
2. Les problèmes de la rencontre
« L’amitié pouvait-elle être considérée comme un vulgaire produit ? » Paula Bialski
2.1. Les populations locales plus vulnérables
Un des problèmes majeurs de cette rencontre entre personnes de différentes cultures, qui est au
cœur d’un voyage solidaire et équitable, est le fait que la demande d’authenticité peut dériver. Dans
Les dilemmes du tourisme, on trouve l’exemple du tourisme rural au Maroc58. Il est proposé aux
touristes de dormir chez l’habitant mais ce-dernier doit pour cela changer son matériel, à la fois pour
des raisons d’hygiène et d’image. Même dans le tourisme solidaire, la folklorisation est un danger
constant. Dora Valayer, présidente de Tranverses, précise à ce propos que le touriste ignore que les
conditions occidentales de consommation et d’hygiène sont « draconiennes » pour les pays d’accueil.
Franck Michel explique que les autochtones continuent de mettre en scène leur propre culture en
échange d’argent. Ils n’hésitent pas à chercher la compassion et la pitié59. Nous pouvons
effectivement le voir dans l’exemple du village d’accueil TDS. Les habitants tentent de convaincre les
touristes de faire des dons personnels afin de « mieux les aider ».
On s’aperçoit alors, selon Boris Martin dans Voyager Autrement60, que les associations qui veulent
aider les populations locales ne font qu’entretenir les préjugés, à la fois du côté des visiteurs comme
des visités. On peut reprocher aux voyageurs de trop se montrer et se mettre en avant. Avides de
découvertes, ils s’immiscent en effet dans la vie privée des locaux. Ces-derniers manquent de
distance par rapport aux manières de vivres des touristes. Boris Martin montre que les touristes du
Nord ont plus de facilités à supporter le choc culturel de la rencontre. Non qu’ils manquent de
compassion mais ils sont certainement habitués à savoir gérer des relations sociales complexes. Ils ne
dépendent pas d’elle. Toujours dans Voyager Autrement, André Barthélémy et Philippe Richard
écrivent que la rencontre peut avoir des conséquences graves sur celui qui est le moins préparé. Or,
on sait que les touristes du Nord, lors d’un voyage solidaire, doivent passer par une préparation au
voyage. Les touristes savent donc à quoi s’attendre lorsqu’ils arrivent au village alors que les locaux
doivent réagir rapidement. Ces derniers ne se protègent pas assez des effets de la rencontre à cause
du sentiment de fierté qu’ils ont de savoir que des étrangers veulent leur rendre visite. Cette fierté
entraîne une volonté de bien faire, parfois à l’extrême. C’est pourquoi les locaux sont souvent ceux
qui subissent les conséquences de la rencontre.
58
BABOU I., CALLOT P., Les dilemmes du tourisme, op. cit.
MICHEL, Franck. Hello Mister ! Quand les autochtones rencontrent les touristes en Indonésie. Ethnologie
Française, 2002/2, XXXII, pages 475 à 487. Presses Universitaires de France
60
MARTIN, Boris (coord.) Voyager autrement, op. cit.
59
35
2.2. La complexité du touriste
Le problème de la rencontre avec l’autre, comme l’explique Jean-Pierre Lamic, est qu’elle « renvoie
le touriste à sa condition de touriste », c'est-à-dire que le touriste reste celui qui vient chez les
autres. Bien que les associations et les touristes eux-mêmes soient à la recherche de véritables
rencontres afin de dépasser les relations marchandes que l’on connait, il est difficile d’aller au-delà.
On oublie souvent que les touristes considèrent souvent ce voyage comme unique, les locaux
reçoivent une fois par mois un groupe de touristes. On comprend qu’il est difficile pour eux de
toujours devoir s’investir complètement dans ce genre de relations.
Enfin, alors que le tourisme solidaire et équitable a pour vocation de réduire les inégalités entre le
visiteur et le visité, des contradictions apparaissent dans les motivations du touriste. Emmanuel de
Kadt montre que, pour satisfaire les touristes, « la région touristique doit posséder des avantages
naturels et un niveau de vie légèrement plus faible que la région d’où viennent les touristes »61. Les
touristes solidaires se situent dans cette tendance. Ils avouent même, dans un article des Actes de la
Recherche en Sciences Sociales62, qu’ils veulent que ces villages soient préservés de la modernité. Par
exemple, ils pensent qu’il ne faut pas qu’ils aient accès à la télévision, qui pourrait détruire leur
culture. Ainsi, en achetant un voyage solidaire, ils participent à un fonds de développement, mais ils
ne souhaitent pas que ces régions soient au même niveau de développement que le Nord. Ce
paradoxe s’explique par le fait que les touristes considèrent les villages d’accueil comme un « paradis
perdu ». Au contraire, les locaux comparent les pays d’origine des touristes comme une « terre
promise ». Il y a donc un malentendu certain entre les différents acteurs du tourisme solidaire. Dans
L’écotourisme de Serge Gagnon, on rencontre le terme de patrimonalisation inventée, dans le sens
où les associations n’hésitent pas à montrer aux touristes que le village regorge de traditions et de
coutumes qu’il faut absolument conserver. Il arrive que le tourisme solidaire soutienne le développe
local mais aille à l’encontre de la nouveauté.
3. Des portées environnementales difficiles
3.1. L’humain passe après l’environnement
En ce qui concerne le tourisme solidaire et équitable, plusieurs problèmes concernant
l’environnement se posent. Au nom du tourisme alternatif et de la protection de l’environnement,
des autochtones sont chassés de chez eux63. Dora Valayer prend aussi l’exemple des indigènes près
61
KADT, Emmanuel de. Tourisme, passeport pour le développement ?., op. cit.
CHABLOZ, Nadège. Le Malentendu. Nouvelles ( ?) frontières du tourisme. Op. cit.
63
GAGNON C., GAGNON S. (coord.), L’écotourisme : entre l’arbre et l’écorce. Op. cit.
62
36
du Macchu Picchu, qui se sont vus interdire l’accès à ce site emblématique car ils risquaient de le
dégrader. On remarque alors que le tourisme solidaire et équitable reste un marché prometteur pour
les pays. Ces derniers n’hésitent pas à montrer aux pays du Nord qu’ils ont compris ce que les
touristes recherchaient, c'est-à-dire le respect de la planète. Ils peuvent alors mettre en place des
projets en contradiction avec les principes mêmes du tourisme alternatif.
3.2. Une situation environnementale complexe
Le tourisme solidaire et équitable ne résout pas les problèmes environnementaux liés au tourisme.
Les visites sont toujours concentrées dans certains lieux64. Le tourisme solidaire, dont l’un des
principes est de ne rester que peu de temps sur le territoire d’accueil afin de ne pas perturber la vie
locale, propose des voyages courts et dépendants de l’aérien. La revue Alternatives Economiques
montre ce paradoxe qui fait que les touristes solidaires consomment autant, si ce n’est plus, de
ressources et de carburants. Un effet de seuil doit être calculé pour accueillir le nombre correct de
touristes, celui qui n’engendrera pas de conséquences négatives. Cependant, il doit être
constamment redéfini.
Enfin, selon Françoise Gendebien dans la Revue Nouvelle65, il est impossible et peu souhaitable de
transformer le tourisme de masse en tourisme responsable. La concentration des visites en certains
points est nécessaire car cela permet de mieux contrôler les actions et les besoins des touristes.
Ainsi, Françoise Gendebien dit qu’on ne peut pas envoyer les 30 millions de touristes qui fréquentent
Sharm El Sheikh dans la brousse environnante.
Une des limites du tourisme solidaire et équitable est donc de devoir se contenter de rester marginal
car il engendrerait beaucoup de déplacements.
4. Un marché de niche et une grande concurrence entre les
genres
Le tourisme solidaire et équitable est un marché en constante progression depuis ses débuts. L’ATES
a fait voyager 3000 voyageurs en 2005 et 6000 en 2008. L’Association pour un Tourisme
Responsable, qui regroupe des voyagistes assez importants, a vendu des voyages alternatifs à
100000 personnes. Cela ne constitue cependant qu’un pour cent du marché de voyages à l’étranger.
64
ibidem
GENDEBIEN, Françoise. Voyages responsables au Sud et ailleurs. La Revue Nouvelle, N° 1 – 2, janvier – février
2006
65
37
Si cela laisse une marge de progression considérable, le marché du tourisme solidaire et équitable ne
semble pas vraiment porteur.
4.1. Des idéologies différentes
Le tourisme solidaire et équitable possède une dimension militante car il vise à soutenir le
développement des populations d’accueil. Nous avons d’ailleurs remarqué que les principales
agences de voyages étaient en fait des associations. Certaines sont même des associations de
développement avant d’être des actrices du tourisme alternatif. Alors que ces associations sont
regroupées dans l’ATES, elles ont chacune leur point de vue sur le tourisme solidaire.
Selon Céline Cravatte66, chacune possède leur propre idéologie. L’association Croq’Nature est fondée
sur le pragmatisme et le travail avec les entrepreneurs. La Case d’Alidou mise sur l’émotion, tandis
que Tranverses possède une vision plutôt « tiers-mondiste » : ce qui est le plus important, c’est le
choix que fait la population d’accueil. Chaque association a sa propre histoire et a tissé des liens
différenciés avec la population. Les principes et valeurs sont aussi différents. Ainsi, TDS serait
« développementiste » dans la mesure où l’association souhaite avant tout responsabiliser la
population. Elle insiste sur l’importance de la gestion collective des revenus touristiques grâce à la
commission villageoise des terroirs. TDS mesure donc l’efficacité des actions, mais semble parfois
s’éloigner du tourisme car les activités touristiques ne sont pas mises en avant.
De plus, le tourisme militant ne semble pas viable sur le long terme. C’est ce que pensent André
Barthélémy et Philippe Richard dans Voyager autrement. Selon eux, la rencontre, qui est au cœur du
tourisme solidaire, est exigeante. Elle demande beaucoup d’efforts de part et d’autre. Des chartes
sont même mises en place pour décrire ce que doit faire chacun. De plus, ce n’est pas le seul but du
voyage. En effet, une critique adressée au tourisme solidaire et équitable serait d’oublier de faire du
tourisme. Dans certains cas, les activités proposées sont minces. Or elles font partie du voyage et des
vacances.
4.2. Des problèmes économiques sur le long terme
André Barthélémy et Philippe Richard font aussi allusion au fait que ces voyageurs ne sont que peu
rémunérateurs pour les associations. Alors que le nombre de voyageurs solidaires semble en
augmentation, on peut se demander ce qui adviendra de toutes si structures si cette mode, si elle en
est une, doit passer. Bien que le tourisme solidaire soit censé être une économie d’appoint comme
nous l’avons vu, il reste essentiel dans la vie d’un village. Si nous reprenons l’exemple du village de
66
CRAVATTE, Céline in Autrepart, op. cit.
38
Keur Samba Yacine au Sénégal, on remarque que, certes le tourisme n’est pas l’activité économique
principale, mais il fait vivre le centre de santé. S’il venait à disparaître, le village ne serait pas capable
de soutenir ce centre. L’organisation de la vie des villageois serait très perturbée.
De plus, le tourisme équitable est en lui-même un paradoxe et porte ses propres limites : le nombre
de touristes ne doit pas trop augmenter, au risque de perturber l’environnement économique et
social des pays visités. Le développement du tourisme solidaire et équitable ne semble pas passer
par l’augmentation des touristes car il irait à l’encontre de ses propres valeurs.
4.3. Un tourisme élitiste
Le tourisme solidaire et équitable a été développé pour faire face aux ravages du tourisme de masse.
Philippe Frémeaux et Naïri Nahapétian expliquent que « regretter l’essor du tourisme de masse, c’est
aussi céder à une nostalgie élitiste »67 . La clientèle de ce tourisme alternatif est en effet constituée
de personnes appartenant à des catégories sociales et professionnelles hautes. Un sondage montre
que les plus diplômés recherchent le contact avec les populations locales et le respect de
l’environnement. Au contraire, les CSP les moins élevées sont en attente de confort et d’animation
pour leurs vacances. Ces critères ne comptent peu dans la décision des personnes plus diplômées car
elles possèdent déjà un certain confort dans leur vie quotidienne. Au contraire, Boris Martin parle de
« dictature de la bonne conscience »68 : ils sont à la recherche de ce prix élevé et d’un niveau de
confort moindre, afin de se prouver qu’ils sont capables de le faire. Les agences qui proposent ce
genre de voyage font aussi face à un problème de rentabilité. Le segment de clientèle est étroit car le
nombre de touristes est nécessairement limité, donc c’est une clientèle haut de gamme qui est
visée69. Par nature aussi, le tourisme solidaire et équitable est donc un moyen de se distinguer, ce
que recherche la clientèle élitiste. Depuis longtemps déjà, l’élite sociale et culturelle possède le
mythe de la campagne. Les plus riches peuvent ainsi quitter la ville et s’offrir un repos dans un
environnement sain et calme. Le tourisme solidaire semble reproduire ce schéma. Seules les
personnes les plus aisées, parce qu’elles en ont les moyens mais aussi parce qu’elles souhaitent se
démarquer, partent en vacances solidaires. De plus, ce touriste est exigeant car le voyage est souvent
long et ne montre pas les aspects extraordinaires d’un paysage.
Cependant, l’association Trade for Development souligne que le prix élevé empêche certains
acheteurs potentiels de s’y intéresser. Il peut constituer une sorte de « barrière à l’entrée » et fait
douter certains consommateurs. L’ouvrage Les dilemmes du tourisme s’interroge sur cette question.
67
MARTIN, Boris (coord.) Voyager autrement, op. cit.
ibidem
69
GAGNON C., GAGNON S. (coord.), L’écotourisme : entre l’arbre et l’écorce. Op. cit.
68
39
Faire du tourisme un produit de luxe ne devrait pas se faire par les prix mais par une publicité
discrète selon eux. Or dans le cas du tourisme solidaire, on fait face aux deux approches. Non
seulement les prix sont élevés, mais la communication se fait par le bouche à oreilles. Le tourisme
solidaire constitue un réseau à part, réservé à une certaine élite.
5. La problématique du touriste en tant que consommateur
Tout au long de ce mémoire, nous avons parlé du tourisme solidaire et équitable comme étant une
activité économique pour venir en aide aux pays les plus défavorisés. Les projets bien étudiés et
développés sont certainement des vecteurs de développement pour les territoires d’accueil. A y
regarder de plus près, le tourisme solidaire est souvent étudié à ce niveau, à savoir est-il bénéfique
ou non aux populations, à l’environnement et à l’économie locale.
5.1. Un missionnaire plutôt qu’un touriste
On semble oublier que le tourisme se construit avec des destinations, et avec des touristes
demandeurs. Dans le cas du tourisme solidaire, les touristes (qu’on appelle voyageurs) seraient
plutôt assimiler à des « missionnaires ». Or, nous avons vu que le tourisme solidaire et équitable
n’est pas du tourisme humanitaire. Ce sont des séjours touristiques, des vacances, qui incluent un
lien particulier avec les hôtes. Dans L’écotourisme : entre l’arbre et l’écorce, on peut lire cette
critique. Le « plaisir touristique » est mis de côté au profit de la « mission », comme s’il était honteux
pour le touriste d’avouer qu’il aime voyager pour son plaisir. Le produit disparaît totalement derrière
le projet solidaire. Le touriste solidaire est conscient que l’activité à laquelle il s’adonne peut aboutir
à des conséquences néfastes. Il se sent obligé de compenser cela en « apportant ce qu’il croit être le
meilleur : le développement ». A partir de là, il y a deux remarques à faire. Tout d’abord, le concept
de développement est une vision occidentale. Comme nous l’avons vu, les opinions des occidentaux
et des autochtones divergent à ce sujet. Pourquoi effectivement imposer notre manière de « faire du
développement » ? Certains pourraient dire que nous autres occidentaux avons appris de nos erreurs
et nous voulons éviter que les pays en voie de développement ne les commettent à leur tour. Cela
peut paraitre respectable. En étant plus pessimiste, on pourrait dire que les occidentaux ne
souhaitent pas accepter la vision des pays plus « pauvres » qu’eux. Il n’empêche que le
développement est une question complexe qu’il ne faut pas considérer comme acquise. D’autre part,
si le tourisme solidaire dépend du « mal-être » du touriste, on pourrait se demander ce qu’il se
passera le jour où le touriste se sentira mieux. Miser tout le temps sur cette peur de mal faire chez le
touriste semble risquer, même si le contexte actuel de « culpabilisation » laisse penser que le
tourisme alternatif n’est pas près de s’effondrer.
40
5.2. Le rejet du marketing
La plupart du marché du tourisme solidaire est détenu par des associations. Possédant un esprit
militant fort, ils s’opposent vivement à la notion de « produit touristique » et au marketing en
général, accusé d’engendrer des besoins superficiels. Ils rejettent la publicité qui pervertirait les
valeurs éthiques de leur organisation. D’un autre côté, certains critiquent les associations qui
manqueraient de professionnalisme. Une partie des ces critiques est sûrement constituée d’aprioris,
d’un côté comme de l’autre. Cependant, pour se pérenniser le tourisme équitable a besoin des
techniques de marketing, et le tourisme traditionnel a tout intérêt à accepter ces nouvelles formes
de tourisme, qui représentent tout de même une demande concrète.
41
CONCLUSION
Cette première partie a donc souligné les particularités du tourisme solidaire et équitable par rapport
au tourisme de masse. Il est fondé sur des valeurs humanistes et militantes qui placent l’humain au
cœur du voyage. Mais cette partie montre aussi les limites du tourisme solidaire : il constitue un
marché de niche et ne prend pas en compte les désirs du touriste en tant que consommateur. C’est
cette réflexion qu’il faut approfondir par la suite. Il est intéressant de donner une nouvelle
perspective au tourisme solidaire et équitable afin de recentrer le touriste consommateur au centre
de ce système.
42
PARTIE II :
LE TOURISME SOLIDAIRE ET EQUITABLE
COMME CONSOMMATION RESPONSABLE
43
INTRODUCTION
L’objectif de ce mémoire est d’apporter une vision différente sur le tourisme solidaire, qui s’appuie
sur un concept avec lequel il n’a que très peu été mis en relation : la consommation responsable. La
consommation responsable est un domaine d’étude intéressant qui permet de prendre en compte
l’évolution de la société et les habitudes de consommation. Cette partie va présenter cette forme
alternative de consommation, en décrivant plus précisément le système du commerce équitable.
Cette présentation va nous permettre de poser les bases pour les hypothèses qui seront
développées. Nous tenterons de lier consommation responsable et tourisme solidaire au travers le
comportement de consommateur et au travers du commerce équitable.
44
Chapitre 1 : Une nouvelle forme de consommation :
la consommation responsable
1. La construction de la consommation responsable
1.1. Une démarche contre la sur-consommation
C’est à partir de la fin du XIXème siècle que la société change en ce qui concerne la consommation :
non seulement le nombre de biens augmente mais les évolutions sociétales (comme l’émancipation
progressive des femmes) influencent le rapport à la consommation. Les produits se diversifient et
l’acheteur exerce un choix lors de l’achat. Le consommateur devient petit à petit plus libre dans ses
actes et est à l’origine d’une certaine pression sur les entreprises. Ces dernières doivent s’accorder
sur les volontés de ces acteurs économiques, qui deviennent peu à peu des acteurs politiques dans la
mesure où ils ont le pouvoir de faire changer le comportement des entreprises70.
La notion de responsabilité dans l’acte de consommation est évoquée par Charles Gide en 1898 dans
Le règne du consommateur. Gide parle alors de « catéchisme du consommateur ». Il évoque les
principes que le consommateur doit suivre lors de ses achats :

S’informer sur les conditions de production des marchandises

S’assurer que le prix est juste, à la fois pour l’acheteur et le vendeur

Penser à la conséquence de cet achat pour la communauté
On remarque que dès le XIXème siècle, et avant l’ère de la consommation par tous, certains avaient
émis des principes pour contrôler cette consommation naissante. Les notions de transparence et de
prix juste commencent à apparaître. De plus, Gide met en avant le lien qui existe entre un achat
individuel et les conséquences sur une société donnée. A partir de ce courant vont apparaître de
nombreuses « ligues de consommateurs » qui vont tenter de sensibiliser les acheteurs sur leur
responsabilité citoyenne mais aussi de conseiller les entreprises sur leurs conditions de travail.
C’est cependant dans les années 70 que ce mouvement pour une meilleure consommation se
développe. La période économique prospère ainsi que le déclin qui a suivi ont amené les
70
OZCAGLAR TOULOUSE, Nil. Apport du concept d’identité à la compréhension du comportement du
consommateur responsable : une application à la consommation des produits issus du commerce équitable.
Thèse : Sciences de Gestion : Lille 2 : 2005
45
consommateurs à se poser des questions sur leur manière d’agir dans leur société. La consommation
devient un enjeu. Les pouvoirs publics mettent en place une certaine protection envers le
consommateur, comme avec la création de l’Institut National de la Consommation (1970). Des
revues apparaissent : 50 millions de consommateurs (aujourd’hui 60 millions), Que choisir ? etc. Les
droits du consommateur sont mis en avant. Mais ce n’est que récemment (fin du XXème siècle)
qu’on parle aussi des devoirs du consommateur à une plus grande échelle. Ils s’appliquent à la fois
envers la société (par exemple par rapport à la pollution) mais aussi envers d’autres individus qui
sont exploités par ce système de consommation.
En moins d’un siècle, le fait de consommer a donc pris une place primordiale dans la société
occidentale. On ressent progressivement la notion de responsabilité du consommateur qui participe
à un gigantesque système marchand. Plus qu’un questionnement sur une notion, ce sont aujourd’hui
de véritables actions qui se mettent en place pour transformer cet idéal en réalité.
1.2. De la consommation à la consommation responsable
1.2.1. Définitions de base
La consommation peut d’abord se définir comme étant un acte d’achat71. Mais elle comprend aussi
l’ensemble des interactions qui dépendent d’elle. On peut distinguer trois « périodes » : l’avant
achat, l’action d’achat et le post-achat. Ce sont toutes ces actions qui composent la consommation.
Ainsi, dans le dictionnaire du Larousse, on peut lire que consommer est défini comme le fait
d’« acheter un produit, une marchandise pour en faire usage ou non, ou y avoir recours, l'utiliser, en
faire usage »72. On lit aussi que consommer quelque chose, c’est le rendre petit à petit inutilisable.
On en déduit que consommer c’est d’abord faire un choix puis effectuer un geste et enfin utiliser cet
objet de manière partielle ou totale.
La responsabilité est l’ « obligation ou nécessité morale de répondre, de se porter garant de ses
actions ou de celles des autres »73. On peut lire aussi la notion de pouvoir décisionnaire : les décisions
que je prends ont des conséquences non seulement pour moi mais aussi sur les personnes qui
m’entourent. Là encore, on peut découper la responsabilité en trois phases : l’énonciation,
l’effectuation et la réparation74. A chaque niveau d’une action, ma responsabilité envers les autres
est engagée. Une personne responsable est libre dans ses choix et actes mais doit en assumer les
conséquences.
71
Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Consommation 25/05/10
Larousse : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/consommer 25/05/10
73
Larousse : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/responsabilit%C3%A9 25/05/10
74
Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Responsabilit%C3%A9 25/05/10
72
46
1.2.2. La consommation responsable
Par conséquent, un consommateur responsable est un individu qui « s’interroge sur les
conséquences de ses actes liés à la consommation, dans le temps (par exemple en prenant en
compte les impacts environnement aux sur les générations futures) et dans l’espace (par exemple en
s’interrogeant sur les impacts humains lorsqu’il s’agit de produits fabriqués dans le tiers-monde) »75.
Un consommateur responsable va donc juger ses propres achats en fonction de ses conséquences
sur la société. Il y a donc aussi une certaine notion de prévention car l’individu se pose des questions
avant tout acte d’achat. Nous pouvons aussi ajouter la définition de Webster qui définit un
consommateur responsable comme étant une personne qui « prend en compte les conséquences
publiques de sa consommation privée ou bien qui utilise son pouvoir d’achat pour réaliser un
changement social » (1974). On remarque le lien qui se créé entre un acte individuel et des
répercutions sur un ensemble. L’individu prend conscience qu’il ne peut plus agir de manière égoïste
car il fait partie d’un tout, et ses gestes ont des répercutions sur cet ensemble. De plus, il comprend
qu’il peut agir pour améliorer les conséquences de ces actes. Il peut donc à la fois limiter les effets
négatifs mais aussi créer des effets positifs.
Afin d’être efficace, la responsabilité doit intervenir en amont et à chaque étape de la
consommation. Je peux par exemple choisir des ampoules basse consommation, mais mon geste ne
sera pas considéré comme responsable si je laisse la lumière allumée inutilement. Le processus de
responsabilité doit être intégré à l’ensemble du processus d’achat. Cet achat n’est plus un simple
échange marchand entre un acheteur et un vendeur mais représente un véritable engagement de la
part du consommateur. Celui-ci doit analyser les meilleures options à prendre avant de procéder à
son achat. C’est donc un acte réfléchi.
On observe alors le passage du « consommateur passif » à celui d’« actif et responsable »76.
L’individu n’est plus simple consommateur mais redonne une dimension citoyenne à la
consommation dans la mesure où il agit pour la société. On parle de citoyenneté comme étant « le
fait d’être membre d’un *ensemble+77 ». Dans ce groupe, chacun a des droits et des devoirs. La
consommation responsable permet donc une prise de conscience des conséquences de chacun sur la
sphère publique. Consommer responsable, c’est choisir un mode de consommation alternatif pour
minimiser ou améliorer les impacts sur l’ensemble de la société.
75
OZCAGLAR TOULOUSE, Nil. Apport du concept d’identité à la compréhension du comportement du
consommateur responsable, op. cit.
76
MARCHAND, A., DE CONINCK, P., WALKER, S., La consommation responsable : perspectives nouvelles dans
les domaines de la conception de produits. Nouvelles pratiques sociales, Volume 18, numéro 1, Automne 2005,
pages 39 à 56
77
Wikipedia http://fr.wikipedia.org/wiki/Citoyenneté 25/05/10
47
La responsabilité joue sur plusieurs niveaux : il y a différents moyens d’être responsables. Chaque
individu développe sa propre stratégie de consommation pour arriver à des fins qu’il trouve
convenables.
2. Les différents modèles de consommation responsable :
différentes formes de protestation
2.1. Le boycott
Le boycott peut se définir comme étant le fait de « cesser volontairement toute relation avec un
pays, quelqu'un, une entreprise dans le but d'exercer sur eux une pression ou des représailles »78.
L’objectif d’un boycott est de dénoncer certaines pratiques ou certains produits, et de faire passer un
message fort aux autres consommateurs et aux entreprises. Le boycott est un moyen pour obtenir
des résultats précis, comme l’amélioration de conditions de production ou l’arrêt d’un produit nonconforme. C’est un moyen qui effraie les entreprises, pas tant dans la baisse des ventes mais dans les
conséquences sur leur image79. Le boycott est en effet le rejet public d’une entreprise ou d’une
marque.
C’est aussi un moyen de pression collectif et organisé. Un boycott dépend fortement du nombre de
participants. Il permet de se rendre compte du pouvoir des consommateurs : si je n’achète plus ce
produit, et que d’autres font de même, cela peut avoir un impact. Selon Nil Ozcaglar Toulouse, «
plus le comportement de l’entreprise est perçu comme mauvais et plus le boycott est jugé comme
l’action adéquate, plus nombreux sont les consommateurs qui y participent »80. Des exemples
montrent que cette méthode peut être tout à fait efficace, comme lors du boycott de la marque de
chaussures de sport « Nike », soupçonnée de faire travailler des enfants.
En ce qui concerne la consommation, il est plutôt négatif car il signifie l’arrêt des achats. C’est pour
cette raison qu’il apparaît comme une arme radicale et peut être difficile à mettre en place.
2.2. La simplicité volontaire
La simplicité volontaire est un « mode de vie consistant à réduire volontairement sa consommation
par la maîtrise des besoins »81. Elle prône le retour à l’essentiel et le rejet du superflu. Depuis les
78
Larousse http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/boycotter 25/05/10
http://www.toupie.org/Dictionnaire/Boycott.htm 25/05/10
80
OZCAGLAR TOULOUSE, Nil. Apport du concept d’identité à la compréhension du comportement du
consommateur responsable, op. cit.
81
http://fr.ekopedia.org/Simplicit%C3%A9_volontaire 25/05/10
79
48
épicuriens jusqu’à Ghandi, ses « pratiquants » mettent en avant les bienfaits d’une vie simple, qui ne
serait plus gérée par l’accès aux biens de consommation. La notion de meilleure qualité de vie est
récurrente. Les valeurs mises en avant sont la famille et l’écologie. C’est une façon d’être plus proche
des autres et de la nature. La qualité des produits est plus importante que la quantité.
Les technologies inventées par l’homme n’apporteraient pas le bonheur qu’elles promettent
pourtant. En effet, les envies créées par les entreprises et la publicité se renouvellent constamment
et le bonheur ne pourrait donc se trouver dans l’acquisition de ces biens éphémères. Selon les
« simplifieurs », la société axée sur le travail et l’argent entraîne un stress néfaste pour les citoyens,
et les pousse dans un cercle vicieux. La simplicité volontaire fait partie du courant de la décroissance,
qui rejette l’idée d’une croissance économique constante et bénéfique pour tous.
Contrairement au boycott, c’est un geste individuel qui ne vise pas à faire changer les autres mais
soi-même. C’est en cela une véritable
philosophie de l’autosuffisance. Elle met l’accent sur
l’échange, l’entraide et le « faire soi-même ». La simplicité volontaire est une conduite en marge des
systèmes de consommation habituels. C’est à la fois de l’anti-consommation et une manière de vivre
différente. Il y a plusieurs niveaux dans la simplicité volontaire et tous les adeptes n’optent pas pour
les mêmes modes de vie. Certains vont jusqu’à choisir la vie à la campagne pour se couper du stress
de la ville mais la simplicité volontaire peut s’exprimer à une moindre échelle, comme apprendre à se
passer de biens technologiques (télévision, ordinateur…).
3. Un exemple de consommation responsable : le commerce
équitable
Le commerce équitable s’appuie sur la déclaration universelle de des droits l’Homme de 1948 qui
affirme que « quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant,
ainsi qu’à sa famille, une existence conforme à la dignité humaine ». Il a donc comme objectif de
mettre en place un système économique et commercial plus juste.
3.1. La mise en place du système équitable
3.1.1. Historique
En 1964, lors d’une conférence des Nations Unies, est apparue la nécessité de créer un système qui
soutienne les producteurs des pays défavorisés. Le constat qui a été dressé est que les aides
humanitaires n’obtenaient pas de bons résultats : « trade not aid » était le mot d’ordre. Autrement
dit, les producteurs voulaient rester dans le système économique et vivre de leur travail au lieu de
49
dépendre des aides qui leur étaient octroyées. Les cultures agricoles des pays du Sud n’étaient que
très rarement transformées dans les pays. Dans son livre sur le commerce équitable, Jean-Pierre
Doussin explique que les pays du Nord ont mis en place une escalade tarifaire qui dissuade les pays
du Sud de vendre des produits finis car les tarifs des douanes augmentent quand un produit
transformé arrive sur le territoire82.
En parallèle de l’organisation institutionnelle, des magasins spécialisés se mettent en place dans les
années 1960. Ce sont les « Boutiques du Monde ». Elles garantissent des débouchés aux producteurs
des pays du Sud en vendant leurs produits dans ces boutiques à un prix plus élevé. En France, ces
boutiques sont connues maintenant sous le nom d’ « Artisans du Monde ». La création récente d’un
Secrétariat d’Etat à l’Economie Solidaire montre une certaine reconnaissance de ce système de vente
par les organisations institutionnelles. Ce mode de commerce alternatif connaît aujourd’hui une
véritable expansion.
3.1.2. Les acteurs
En France, le principal acteur du commerce équitable est la Plate Forme pour le Commerce
Equitable. Créée en 1997, elle est l’organe de coordination dans le domaine. Elle est composée d’une
quarantaine d’organisations telles que des grossistes ou des réseaux de distributions83. Elle vise à
soutenir les producteurs et à informer les consommateurs sur les pratiques du commerce équitable.
Elle est aussi un porte-parole auprès des institutions.
Au niveau international, le commerce équitable est représenté par la FINE. C’est un groupement
constitué de quatre grandes associations : « Fairtrade Labelling Organizations » (FLO), « International
Federation of Alternative Trade » (« World Fair Trade Organisation » maintenant), « Network of
European Worldshops » et « European Fair Trade Association ». Se regrouper signifie échanger plus
rapidement les informations mais aussi avoir plus d’importance et se faire reconnaitre plus
facilement. La particularité des associations du commerce équitable est le fait qu’elles soient
régionalisées afin de construire des actions cohérentes et coordonnées.
Certains acteurs sont très présents sur le marché du commerce équitable. On peut citer Max
Havelaar ou Artisans du Monde en France, Oxfam en Grande-Bretagne.
Le réseau Max Havelaar a été mis en place en 1988 pour répondre à l’appel d’urgence émis par les
producteurs de café maxicains, qui n’arrivaient plus à vendre leurs produits. Son rôle est de mettre
82
83
DOUSSIN, Jean-Pierre. Le commerce équitable. Paris : PUF - Que sais-je ?, 2009
http://www.commercequitable.org/lapfceetsesmembres.html 26/05/10
50
en relation les producteurs des pays du Sud et les vendeurs du Nord. Ses produits sont aujourd’hui
les premiers sur le marché, notamment grâce à leur présence dans les supermarchés.
Artisans du Monde est un réseau associatif et militant qui promeut le commerce équitable en France.
Il a été créé notamment grâce à l’impulsion de l’Abbé Pierre en 1974. Artisans du Monde possède
une société d’importation : « SolidarMonde » et est aujourd’hui actionnaire majoritaire.
« SolidarMonde » importe des produits du Sud qui sont vendus dans des boutiques spécialisées,
contrairement à Max Havelaar84.
Alors que ces deux acteurs français se concentrent sur la notion de commerce et de soutien à la
production, Oxfam revêt une certaine dimension humanitaire. C’est en effet une association d’aide
humanitaire qui travaille certes sur le commerce équitable mais aussi sur beaucoup d’autres projets.
En 1999, Oxfam France a lancé une campagne de pétition pour autoriser la vente de produits
éthiques.
Enfin, le commerce équitable construit une relation entre ces acteurs du Nord, et les producteurs du
Sud. Ces derniers, afin d’optimiser les moyens et les techniques de production, ont créé des
groupements de producteurs. Se regrouper permet d’assurer une production à plus grande échelle et
d’assurer des bénéfices à un grand nombre de personnes.
On remarque donc la diversité des acteurs dans le domaine du commerce équitable, chacun
apportant une dimension particulière.
3.1.3. Les principes
Selon FINE, le commerce équitable peut se définir comme étant un « partenariat commercial basé
sur le dialogue, la transparence et le respect, qui vise plus d’équité dans le commerce international ».
Les membres de la PFCE ont rédigé une charte qui s’appuie sur ces principes. Les membres sont liés
par ces engagements qui encadrent la pratique du commerce équitable. Elle est composée de six
points, présents dans Le commerce équitable de Jean-Pierre Doussin :
-
L’équité et la solidarité dans les relations commerciales : les producteurs doivent percevoir
une rémunération juste, qui prenne en compte les coûts de production et les besoins de la famille.
C’est ce qu’on appelle le minimum garanti. Dans une approche solidaire, le commerce équitable doit
aussi privilégier le développement économique des plus défavorisés.
84
http://www.artisansdumonde.org/qui-sommes-nous/fonctionnement/solidarmonde.html 26/05/10
51
-
L’autonomie des producteurs : ils sont tenus de refuser les abus qui existent dans des
transactions commerciales. Les producteurs ne doivent pas se faire exploiter par des grands groupes
commerciaux. Il faut qu’ils maintiennent une agriculture vivrière afin de ne pas dépendre de ces
groupes. Ils doivent donc travailler pour eux avant tout.
-
La dignité des acteurs : le commerce équitable permet de revaloriser le travail de ces
producteurs et employés des pays du Sud. Les travailleurs doivent retrouver confiance en leur travail
et en retirer une certaine fierté. Le commerce équitable possède une dimension sociale forte.
-
Le respect de l’environnement : afin de garantir la qualité des produits, les producteurs
doivent travailler en respectant l’environnement.
-
La transparence : l’échange d’informations doit être réciproque entre le Nord et le Sud. Le
consommateur doit aussi être informé correctement et les produits doivent suivre la règle de la
traçabilité.
-
L’engagement à faire évoluer le commerce international : la sensibilisation est une partie
importante du commerce équitable. Tant les particuliers que les groupes décideurs doivent être
informés sur les pratiques de ce commerce alternatif afin de faire évoluer le système de commerce
dans son ensemble.
L’objectif majeur du commerce équitable est donc le « renforcement des capacités des organisations
de producteurs, artisans ou de travailleurs afin qu’elles deviennent autonomes et maitresses de leurs
choix »85. Les entrepreneurs et salariés du Sud doivent être capables de commercer d’égal à égal
avec leurs partenaires du Nord.
3.2. Un système économique à part
3.2.1. Un système marchand respectueux
Romain le Velly, cité dans l’ouvrage de Jean-Pierre Doussin, affirme que le commerce équitable est
constitué d’ « échanges marchands contre et dans le marché ». En effet, le commerce équitable
prône des valeurs alternatives au commerce international mais il reste dans un système marchand.
Un échange marchand est basé sur l’offre et la demande. Selon la théorie d’Adam Smith, l’échange
marchand est positif car il permet à chacun de faire ce qu’il y a de mieux pour lui : un vendeur cède
ses produits pour gagner de l’argent et quelqu’un les achète par rapport à ses besoins. Il souligne
cependant le rôle négatif des intermédiaires qui entravent la relation directe producteur-acheteur.
Une partie des acteurs du commerce équitable ne remet donc pas en cause le libéralisme des
échanges, qui n’est pas, selon eux, créateur d’inégalités. Grâce au système du libre-échange, on
85
DOUSSIN, Jean-Pierre. Le commerce équitable, op. cit.
52
diminue l’intervention de l’Etat dans le domaine du commerce. Dans certains pays du Sud, les Etats
ne sont en effet pas capables de garantir aux producteurs et artisans des revenus corrects.
Le commerce équitable permet de plus de diminuer l’assistanat envers les plus pauvres, qui
retrouvent une certaine dignité. Mais ce système évite aussi les relations « dominant/dominé » car il
met en scène des personnes qui travaillent d’un côté comme de l’autre. En effet, la notion de respect
est essentielle dans le commerce équitable.
Cependant, le commerce équitable ne se situe pas totalement dans le système marchand global.
C’est une économie viable qui met en avant un modèle de transparence face au modèle de
Concurrence Pure et Parfaite, qui dans la pratique ne réunit pas toutes ses conditions. Il est vu
comme un système gagnant pour tous : le consommateur achète un produit dont il a besoin, et ce
produit possède une valeur économique et sociale qui va aider le producteur. L’égalité entre les deux
extrémités du marché est censée être assurée.
De plus, c’est un système militant où les discussions et les échanges sont la base des relations
commerciales. Le travail se fait dans la coopération afin de respecter l’autonomie de chacun. On
observe toutefois que les travailleurs les plus défavorisés, souvent des femmes ou des handicapés,
sont dépendants de cette organisation particulière.
3.2.2. La notion de prix juste
Une des composantes essentielles dans le commerce équitable est la notion de prix. Le prix des
produits équitables est en effet plus élevé que les produits normaux. Ce prix plus important garantit
une rémunération correcte des travailleurs. Il est fixé « conjointement par les organismes de
commerce équitable et les producteurs »86. Il doit permettre aux travailleurs de faire vivre leur
famille décemment et de continuer leur travail sur le long terme. Sur le site Internet de Max
Havelaar, on trouve un schéma qui décompose le prix d’un paquet de café afin de souligner la
différence qui revient au producteur.
86
http://www.lequitable.fr/lexique.html 26/05/10
53
Source : Max Havelaar
On remarque que les coûts de production et de distribution sont plus faibles dans le cas du système
Max Havelaar. On peut en déduire que la torréfaction du café se fait de manière plus traditionnelle
et donc moins chère. Mais on peut aussi se dire qu’il est normal que la part revenant à la distribution
soit plus faible car ces produits sont diffusés à petite échelle. Ce schéma montre aussi que la
redevance Max Havelaar n’est pas plus importante que la part des intermédiaires dans le système
classique. Dans le cas contraire, cela aurait fait mauvaise impression. Malgré tout cela, la part au
« petit » producteur semble deux fois plus importante que dans le système traditionnel.
Dans le commerce équitable, un des principes qui découle du respect envers tous les acteurs du
marché est de ne pas défendre ses intérêts s’ils viennent à nuire aux autres. On pourrait alors tomber
dans un système de don, dans la mesure où l’on diminue ses avantages pour en faire profiter les
autres. De plus, le prix payé par le consommateur comprend aussi « une prime de développement
pour des projets de développement local »87. Une partie de la somme est donc donnée de manière
volontaire et solidaire. Certaines critiques utilisent cet argument pour condamner le commerce
équitable. Il faut cependant dire que le commerce équitable utilise des méthodes commerciales nontraditionnelles où la communication et l’échange permettent de fixer un prix juste pour tous.
Le « juste prix » du commerce équitable est confronté de plus en plus au « prix bas » des rayons et
magasins discount, explique Jean-Pierre Doussin88. Les consommateurs recherchent de plus en plus
les prix les moins chers, quitte à ne pas être exigeants sur la qualité des produits. En mettant à
disposition des consommateurs des produits à faible prix, ils tombent dans un cercle vicieux qui
consiste à chercher le prix le plus bas dans une gamme de produits. Acheter un produit plus cher
87
OZCAGLAR TOULOUSE, Nil. Apport du concept d’identité à la compréhension du comportement du
consommateur responsable, op. cit.
88
DOUSSIN, Jean-Pierre. Le commerce équitable, op. cit.
54
revient à se faire avoir. Avec l’apparition des produits équitables, la gamme de prix s’agrandit et le
contraste est plus fort. Sensibiliser les consommateurs au commerce équitable, c’est d’abord leur
faire perdre cette volonté de rechercher le produit le moins cher à tout prix.
3.3. La consommation équitable
Le commerce équitable est construit sur la base d’un marketing-mix particulier mais aussi sur un
discours politique approprié.
3.3.1. Les produits équitables
En 2004, selon Les nouveaux utopistes de l’économie, le chiffre d’affaire des produits Max Havelaar
était de 400 millions d’euros contre 330 millions en 2003. Il aurait bénéficié à cinq millions de
personnes (Max Havelaar compte les travailleurs ainsi que leur famille). Pour la « European Fair
Trade Associatoin », plus de 800 000 producteurs ont bénéficié de l’augmentation des revenus.
Aujourd’hui, une vingtaines de produits sont vendus de manière équitable, principalement des
produits alimentaires. Le produit phare du commerce équitable est le café. Ce dernier est la
deuxième marchandise commercialisée au monde après les produits pétroliers. Les produits du
commerce équitable sont souvent issus de projets ancrés dans le territoire afin de garantir une
certaine durabilité. Ils sont liés à l’organisation du territoire et à son histoire. Les produits d’une
entreprise délocalisée du Nord ne peuvent être considérés comme équitables. La particularité de ce
commerce est le fait que les producteurs maitrisent tout à fait leurs méthodes de travail et
fabriquent des produits en accord avec leur environnement.
3.3.2. Des systèmes de distribution et une labellisation qui font débat
Le lieu de vente est une composante essentielle du marketing-mix. Il va en effet induire le
comportement d’achat d’un individu, qui sera plus ou moins prêt à acheter équitable.
Lors de la naissance du commerce équitable, les produits étaient venus dans des boutiques
spécialisées comme celles d’Artisans du Monde. Maintenant, certains réseaux ont privilégié la vente
dans les grandes et moyennes surfaces (GMS). C’est le cas de Max Havelaar dont le label permet aux
produits équitables de se trouver dans les rayons avec les autres produits et peut permettre ainsi aux
producteurs de vendre plus89. De plus, la présence de produits équitables dans les GMS montre la
volonté des acteurs de changer les règles du commerce « normal » : c’est un des principes évoqué
dans la charte de la PFCE. Ces produits alternatifs ont en effet droit à la même visibilité que les autres
89
FERRANDO J., GIAMPORCARO-SAUNIERE S. (coord.), Pour une « autre » consommation : sens et émergence
d’une consommation politique. Paris : L’Harmattan, 2005
55
produits et ils peuvent attirer de nouveaux consommateurs. A ce niveau, le commerce équitable
profite des méthodes de commerce traditionnel, afin théoriquement de mieux sensibiliser les
consommateurs.
Plusieurs critiques s’élèvent contre la vente de produits équitables dans les supermarchés.
Une des valeurs du commerce équitable est de rapprocher le producteur et le consommateur en
diminuant les intermédiaires. Chaque produit a une histoire. Acheter un produit équitable est à la
fois un acte économique mais aussi un acte symbolique. Les liens créés sont à la fois marchands et
sociaux. Paul Cary, dans l’ouvrage Pour une autre consommation, explique que la vente dans les
grandes surfaces ne permet pas la « (re)connaissance » du lieu de production. Les consommateurs ne
sont pas face à des vendeurs qui pourraient leur donner des informations. La sensibilisation est très
atténuée car les consommateurs n’ont que les renseignements contenus sur les paquets. De plus, les
boutiques spécialisées offrent des produits plus diversifiés et de nombreux objets d’artisanat. Ces
produits ont d’ailleurs une histoire plus « riche » que les produits alimentaires (les cultures comme le
café ayant souvent été apportées par les colons).
Pour se placer dans les supermarchés et se détacher des autres produits, les produits équitables sont
vendus sous un label, comme celui de Max Havelaar. Or, en plus de la critique sur la véracité des
valeurs de l’organisation (débat auquel nous ne prendrons pas part), on remarque tout de même que
ce label empêche dans une certaine mesure d’autres produits de se développer. Paul Cary a recueilli
les impressions d’un acteur du commerce équitable qui souhaite développer une gamme de
pantalons jeans. Ce dernier explique qu’il ne souhaite pas prendre de label afin de mieux souligner
les qualités du produit. Selon lui, il faut « se débarrasser de l’image du pauvre producteur lésé et du
consommateur compatissant ». Il faut laisser le choix au consommateur de faire la différence entre
les produits. Un label gâcherait donc la véritable nature du produit.
Le développement de la filière dans les GMS est donc très controversé car il possède à la fois des
avantages et des inconvénients.
3.3.3. Une consommation engagée auprès des autres
Le commerce équitable fait partie de la consommation engagée. En effet, il implique une relation
plus ou moins directe avec le producteur. A travers le produit, et surtout son packaging, le
consommateur effectue un geste engagé, c'est-à-dire qui a des conséquences directes. C’est pour
cette raison que l’histoire du produit est très développée et mise en avant. Il faut donner une
identité concrète aux producteurs pour créer un véritable sentiment d’utilité chez le consommateur.
56
C’est pour cette raison que de nombreux sites Internet ou revues sont consacrés à ces producteurs
du Sud. Contrairement aux produits biologiques qui bénéficient à l’environnement, concept plutôt
global, le commerce équitable vise des personnes réelles.
Pour devenir un symbole de la consommation engagée et responsable, le commerce équitable s’est
appuyé sur certains mouvements. Suivant les périodes, il s’est joint à de nouvelles protestations.
Aurélie Lachèze, dans Pour une autre consommation, explique ce qu’est la notion d’attelage en citant
Franck Cochoy. Selon lui, l’attelage « intervient lorsque les acteurs déterminés à réaliser un projet
personnel comprennent qu’ils pourront atteindre leur objectif encore plus vite en s’arrimant à la
progression conjointe d’autres acteurs engagés dans une entreprise voisine »90. Le commerce
équitable a su s’ « atteler » aux courants altermondialistes des années 1990, et tend aujourd’hui à
rejoindre l’idée du développement durable. De plus en plus de produits ne sont plus seulement
équitables mais aussi biologiques. Les producteurs et les associations qui les soutiennent ont compris
l’importance de suivre le courant pour avoir plus de crédibilité. Alors que l’écologie est une valeur
essentielle de la société contemporaine, passer outre aurait été une erreur tactique. Les
consommateurs peuvent maintenant acheter des produits « irréprochables ».
Enfin, Jean-Pierre Doussin fait remarquer que l’impact du commerce équitable est plutôt notable au
Nord. Les individus sont de plus en plus sensibilisés à cette cause. Cependant, les impacts sont plutôt
limités au Sud. Il n’existe pas d’engagement des consommateurs du Sud envers leurs producteurs.
90
LACHEZE, Aurélie in FERRANDO J., GIAMPORCARO-SAUNIERE S. (coord.), Pour une « autre » consommation,
op.cit.
57
Chapitre 2 : Des consommateurs responsables et
engagés
1. Une analyse descriptive des consommateurs
1.1. Des statistiques éclairants
1.1.1. Des produits mieux connus mais peu consommés
Les études faites sur le commerce alternatif et équitable montrent que les consommateurs sont de
plus en plus nombreux à connaître le produit. Selon une étude du Crédoc91, les intentions d’achat en
ce qui concerne la consommation engagée sont passées de 40% en 1992 à 51% en 1993. Un sondage
Ipsos montre la progression du commerce équitable : à la question « avez-vous déjà entendu parler
du commerce équitable ? », seuls 9% des français répondaient par l’affirmative en 2000 alors qu’ils
étaient 45% en 2003. Plus récemment, selon une étude de l’Observatoire Cetelem de 201092, 54%
des français disent avoir déjà consommé des produits équitables.
Si les produits issus de la consommation responsable sont mieux connus qu’il y a dix ou quinze ans,
les achats effectués restent occasionnels. Les individus s’engagent certainement dans la
consommation engagée et prennent en compte l’écologie dans leurs manières de vivre mais cela
reste à travers des gestes simples comme le tri des déchets. L’étude Cételem montre qu’au niveau
européen, les britanniques seraient 28% à consommer des produits responsables régulièrement alors
qu’ils ne sont que 9% en France. Une étude organisée par l’Union Européenne sur le commerce
équitable93 met en avant le fait que les Néerlandais sont près de 50% à consommer ces produits.
Si les français sont de plus en plus nombreux à être informés sur le commerce équitable et la
consommation engagée, cela reste une pratique à part comparé à d’autres pays, si l’on se réfère aux
études.
1.1.2. Le prix : un frein à l’intention d’achat
L’un des paradoxes qui entourent le commerce équitable, et qu’on pourrait étendre à l’ensemble des
produits alternatifs, est que le prix constitue un frein à l’achat alors qu’il fait partie des
91
JEUDY, Emmanuel. Le développement de la consommation citoyenne en Europe. CREDOC. 04/1998
Etude Observatoire Cetelem, BNP Paribas, Consommer en 2010 : pas moins mais mieux
93
Etude réalisée dans le cadre d’installations de quotas pour l’importation de bananes équitables
92
58
caractéristiques essentielles des produits. Ainsi, l’étude européenne que nous venons de citer
montre que le pourcentage d’intention diminue fortement lorsque le prix augmente.
Prix / Pourcentage
d’augmentation
Prix identique
+ 10%
+ 20%
+ 30%
Part des consommateurs qui
achètent les bananes équitables
74%
37%
11%
5%
Tableau réalisé à partir de l’étude européenne sur la consommation responsable
De même, si le prix du produit est supérieur de 0,19€ au prix d’un article normal, on trouve 35%
d’intentions d’achat alors que s’il augmente de 0,5€, il n’y a plus que 10% d’intentions d’achat. Un
prix plus élevé garantit normalement le fait que le produit soit conçu dans les normes (écologiques,
éthiques) qui lui sont propres, mais ces raisons ne semble pas assez convaincre les consommateurs.
Cependant, il est normal qu’un prix plus élevé soit à l’origine de tels comportements. Ce n’est pas
pour autant que cette tendance va continuer dans les années qui viennent. Le travail des
organisations au niveau de la sensibilisation et de la communication auprès des consommateurs peut
avoir des résultats positifs. Il faut en effet rappeler que les produits biologiques sont passés par la
même étape il y a quelques années. Or aujourd’hui ces produits sont certainement les premiers
produits responsables consommés en France. Selon l’étude de l’observatoire de Cétélem, si 9% des
français consomment équitable, ils sont 37% à consommer des produits biologiques.
1.2. Le(s) profil(s) du consommateur responsable
1.2.1. Où se situe le consommateur ?
De nombreuses études ont été réalisées pour tenter de cerner le profil-type du consommateur
engagé. Si l’on recoupe les informations, on remarque que les critères « sexe » et « statut
économique et social » seraient les plus pertinents.
Selon l’étude du Crédoc sur le commerce équitable, les personnes les plus intéressées seraient les
plus jeunes (25-35 ans) ou les plus âgés (plus de 55 ans), ayant un nombre d’années d’études
important et seraient principalement des femmes. Dans sa thèse, Nil Ozcaglar-Toulouse décrit le
consommateur comme étant une consommatrice, entre 25 et 59 ans, qui vivrait en ville et
appartenant à une catégorie socioprofessionnelle plutôt haute. Lors d’un séminaire94, elle parle
d’individus cadres ou de professions supérieures, ayant des revenus élevés et vivant à Paris. On
94
OZCAGLAR TOULOUSE, N., DIAZ PEDREGAL, V., PARODI, G. Le commerce équitable : un « juste commerce »
ou « juste un commerce » pour les consommateurs ?. Présentation PowerPoint. Séminaire Moisa, Montpellier,
11-12 janvier 2007
59
remarque clairement que l’âge ne peut être un indicateur mais que la position sociale d’un individu
doit être prise en compte. Le commerce équitable concerne donc des personnes des classes sociales
favorisées, dont le niveau de revenus est conséquent.
Nil Ozcaglar-Toulouse met aussi en avant le fait qu’il existe une certaine complémentarité entre les
produits biologiques et les produits équitables. Les personnes qui achètent des produits équitables
sont aussi consommatrices de produits « bio ». Le contraire n’est pas forcément nécessaire mais il
est certain qu’une personne qui achète des produits biologiques sera plus sensible aux produits
équitables qu’une personne « novice » dans les deux domaines. De plus, des personnes ayant déjà
acheté des produits équitables seront plus à même de continuer.
Enfin, il convient de souligner que les personnes ne pratiquant pas ce genre de consommation
déplorent le manque d’information. 42% des ouvriers avouent ne pas connaître le commerce
équitable alors qu’ils ne sont que 20% chez les professions supérieures95. Certaines catégories de la
population française, plutôt rurales, perçoivent le commerce de façon négative car ils doutent
fortement des effets positifs qu’il dégage.
Nous pouvons résumer ces différents types de consommateurs selon les profils établis par Nil
Ozcaglar-Toulouse:

Le consommateur « polycentrique » est éduqué et possède un statut social élevé. Il ressent
certaines responsabilités sociales. Ce sont des paramètres qui rentrent en compte lors de son
achat.

Le consommateur « ethnocentrique » est plus individuel. Pour consommer de façon
responsable, il doit pouvoir en retirer un bénéfice personnel. Il faut aussi que la cause du
produit lui soit familière et qu’il y attache une importance particulière.

Le consommateur « égocentrique » est plus prudent et se méfie de la consommation
responsable. Il a peur du greenwashing96 et ne veut pas se faire avoir.
La consommation responsable, et surtout le commerce équitable, serait une pratique réservée aux
personnes les plus favorisées économiquement et socialement.
1.2.2. Des intentions différentes
La consommation responsable regroupe plusieurs comportements d’achat. Certaines personnes vont
privilégier l’achat de produits particuliers. En 1993, l’étude Crédoc montrait que le critère « fabriqué
95
96
ibidem
Le « greenwashing » est l’utilisation excessive et à des fins commerciales des notions durables, équitables…
60
en France » était celui pour lequel les gens voulaient acheter un produit responsable. Il faut en effet
situer l’époque dans un contexte de crise et de forte délocalisation des entreprises. Aujourd’hui, on
ne peut passer à côté du mouvement écologique qui prend une grande ampleur. Les produits
biologiques sont devenus des achats réguliers. La forte communication, notamment à la télévision
(donc un mass média) en a fait des produits quotidiens.
Les études quantitatives ne donnent qu’un faible aperçu de la consommation responsable. Il faut des
analyses plus précises afin de comprendre en profondeur la raison qui pousse les individus à acheter
des produits alternatifs.
2. L’analyse marketing de la consommation responsable
2.1. Les concepts
2.1.1. Le comportement du consommateur
L’étude du comportement des consommateurs est essentielle pour comprendre leur réaction face à
un produit. L’encyclopédie Universalis définit le comportement de consommateurs comme étant
l’« ensemble des comportements qui se rapportent à l'acquisition de biens et services, pas seulement
l'acte d'achat en lui-même mais également les comportements qui précèdent l'acquisition, le choix
même, l'utilisation des biens et services achetés et l'abandon éventuel de ces produits »97. On peut
noter que c’est un processus complet, qui couvre plusieurs étapes dans l’acquisition d’un produit.
L’ouvrage dirigé par Michael Solomon décrit le comportement de consommateurs comme « l’étude
des processus qui entrent dans le choix, l’achat, l’utilisation ou l’abandon des produits, services,
idées ou expériences par des individus ou des groupes, pour la satisfaction de leurs besoins ou de
leurs désirs »98. Chaque étape doit donc être étudiée à part entière. C’est aussi un processus
permanent et continu car l’abandon d’un objet signifie l’acquisition d’un nouveau.
Pour comprendre le comportement du consommateur, il faut tenir compte de toutes les influences
que ce dernier peut recevoir. La consommation est aussi très liée au concept d’identité. Cette
identité donne notre rôle dans la société. C’est pourquoi on peut penser que la consommation revêt
un aspect social99 pour un individu. Etudier le comportement d’un consommateur, c’est donc étudier
l’image qu’il veut se donner dans la société.
97
http://www.universalis.fr/encyclopedie/consommation-comportement-du-consommateur/ 30/04/10
SOLOMON, Michael. Comportement du consommateur. TISSIER-DESBORDES E. et HEILBRUNN B. pour
l’édition française. Paris : Pearson Education, 2005
99
BREE, Joël. Le comportement du consommateur. Paris : Dunod, 2009
98
61
2.1.2. Le processus d’achat
Le consommateur traverse plusieurs étapes lors de l’acquisition d’un bien ou d’un service. Joël Brée,
dans son ouvrage Le comportement du consommateur, présente le processus d’achat théorique en
cinq étapes.
1- Reconnaitre un problème : le consommateur ressent un écart entre la situation dans laquelle
il se trouve actuellement et la situation dans laquelle il aimerait être.
2- Rechercher des informations : il va ensuite se renseigner sur les manières de réduire cet
écart. Cette étape est très importante car il peut avoir accès, volontairement ou non, à de
nombreuses informations. Il peut demander conseil ou consulter les publicités par exemple.
3- Comparer les choix : le consommateur va comparer les options qui s’offrent à lui selon ses
critères personnels. A la fin de cette étape, il aura retenu les produits qui correspondent à ce
que lui-même souhaite.
4- Faire un choix : Le consommateur effectue un choix selon les critères qu’il a choisis mais son
choix dépend aussi fortement du contexte et de l’environnement. Il peut en effet avoir
traversé toutes les étapes pour se rendre compte que l’achat n’est pas approprié (manque
de moyens, utilité limitée…). C’est aussi à ce moment qu’il va subir l’influence de parties
extérieures. Le consommateur doit donc prendre en compte différents critères avant
d’acheter un produit.
5- Analyser le post-achat : Il va comparer la situation dans laquelle il se trouvait par rapport à la
nouvelle et voir si le problème (cet écart) est résolu.
Etudier le processus d’achat d’un individu permet de déterminer quels sont ses décisions à chaque
étape et améliorer par conséquent les chances qu’a un produit d’être choisi. Mais pour cela, il faut
aussi comprendre qu’un achat peut se faire par plusieurs individus. Autrement dit, il peut arriver le
processus d’achat soit influencé et dirigé par plusieurs personnes. Joël Brée décrit cinq rôles que l’on
peut trouver dans le processus d’achat :

L’initiateur : il est à l’origine de la consommation. Il souhaite et demande un produit. Il a peu
de résistance face à la communication. Il peut être un enfant par exemple.

Les influenceurs : ils peuvent être proches (les amis) ou impersonnels comme les médias et la
publicité. Ils participent à la prise de décision.

Le décideur : c’est lui qui arrête le choix. Si l’enfant est l’initiateur, les décideurs peuvent être
les parents.

L’acheteur : il traduit les vœux du précédent sous forme d’argent.
62

L’utilisateur : il bénéficie du produit.
L’étude de ces rôles est importante. Dans la plupart des cas, c’est souvent la même personne qui les
endosse tous. Un comportement sera mieux ciblé si l’on trouve qui correspond à quoi. Par exemple,
il ne conviendrait pas de demander à des parents dans un supermarché si les céréales qu’ils achètent
pour leurs enfants sont bonnes car ce ne sont pas eux les utilisateurs.
2.2. La prise de décision
La prise de décision en ce qui concerne l’achat d’un produit dépend du processus de consommation.
Selon Darpy et Volle, il se traduit par l’indentification des besoins et des motivations, puis par l’action
d’achat et enfin par l’abandon du produit100. Ce qui nous intéresse ici, ce sont les rouages qui
amènent un individu à choisi un produit par d’autres. Nous analysons la partie qui se trouve en
amont de l’acte d’achat.
2.2.1. L’analyse des besoins et motivations
Un besoin est un manque ressenti par une personne. Selon Darpy et Volle, ils peuvent être innés
(comme la faim ou le sommeil) ou acquis, c'est-à-dire liés à la société dans laquelle nous vivons.
Michael Solomon parle lui de besoins utilitaires (de première nécessité), hédoniques (ceux
représentant un décalage entre l’état actuel et l’état idéal) et enfin imaginaires. De plus, certains
besoins peuvent être explicites et d’autres cachés. Un individu ne sait pas toujours ce qu’il veut
réellement. On retrouve souvent chez le consommateur un besoin avoué et rationnel et un résultat
idéalisé et irrationnel.
La motivation est ce qui pousse l’individu à réduire le besoin qu’il ressent. Elle se décompose en deux
étapes. Elle est à la fois une force : la prise en compte du manque fait pression sur le consommateur.
Elle est ensuite une direction car elle représente la manière dont le consommateur va pouvoir
réduire ce manque. Dans leur ouvrage, Darpy et Volle précise qu’il peut y avoir des motivations
positives, c'est-à-dire celles qui permettent d’atteindre un but, et des motivations négatives qui
visent à éviter une situation. Ainsi, nous pouvons prendre l’exemple d’une personne achetant un
parfum pour avoir une odeur agréable (motivation positive) et cacher celles moins agréables
(motivation négative). De plus, une décision d’achat peut venir de plusieurs sources de motivation101.
On peut donc analyser le fait de partir en vacances comme un besoin de se reposer et de se
retrouver en famille. Les vacances sont vues comme le moyen pour répondre à ces différents
besoins.
100
101
DARPY,D. et VOLLE, P., Comportement du consommateur. Paris : Dunod, 2007
SOLOMON, Michael. Comportement du consommateur. Op. cit.
63
Analyser ces besoins revient à comprendre les attentes des consommateurs. Il est nécessaire de
procéder à des observations précises pour répondre au mieux à ces attentes. La complexité du
comportement du consommateur oblige les professionnels du marketing à procéder à des méthodes
d’étude plus précises que les questionnaires en privilégiant par exemple les entretiens individuels.
2.2.2. La notion d’implication
Selon Solomon, l’implication est « l’importance accordée à un objet par une personne en fonction de
ses besoins, valeurs et intérêts propres »102. On remarque alors qu’un produit est lié à un individu par
différents éléments. Solomon met en avant quatre sortes d’implications : l’implication produit,
l’implication publicitaire, l’implication dans la situation d’achat et l’implication durable. Un individu
va donc se sentir lié à un produit à différentes étapes de l’acte d’achat. Joël Brée cite le point de vue
de Shérif qui décrit l’implication comme un « état de tension qui naît chez l’individu à partir du lien
entre ses valeurs fondamentales et une situation »103. Pour lui, c’est une réaction à une situation qui
dépend de nos valeurs propres. Enfin, selon Rotschild, c’est un « état non observable de
motivation ». Il découle en effet de variables personnelles qui ne sont pas forcément liées à un
produit particulier.
On peut dire que l’implication est l’intérêt porté par un individu à un objet et dépend de ses valeurs
propres. Si le comportement d’un consommateur est observable, on remarque qu’il possède
certaines attitudes qui sont plus difficiles à déterminer. Un individu est en effet soumis à différents
sentiments. Joël Brée définit le sentiment comme un « état appris et durable de prédisposition
(positive ou négative) envers un objet ». Un individu possède certaines croyances qui sont
compliquées à analyser. Son choix provient à la fois de décisions rationnelles et liées à une situation,
mais aussi de croyances persistantes qui peuvent sembler non-fondées.
L’étude du niveau d’implication permet de créer une publicité adaptée car plus ce niveau est élevé,
plus le consommateur est attentif aux informations qu’il peut trouver sur un produit.
2.2.3. L’analyse des critères
La prise de décision pour l’achat d’un produit dépend de l’analyse des critères d’un produit face à la
situation. C’est ce processus qu’explique Joël Brée dans Le comportement du consommateur. Un
individu liste les caractéristiques importantes qu’il recherche dans un produit. Si nous prenons
l’exemple des vacances, cela peut être la présence de la mer. Cependant, si toutes les destinations
qu’on lui propose sont situées près de la mer, ce critère devient inutile. Il aura alors d’autres critères
102
103
ibidem
BREE, Joël. Le comportement du consommateur. Op. cit.
64
comme la présence d’une piscine sur le lieu de location ou le fait qu’il soit situé près d’un parcours de
randonnée. Ces critères deviennent déterminants. Mais ceux qui vont réellement déterminer le choix
seront considérés comme les attributs saillants. Dans notre exemple, cela peut être une sécurité
renforcée dans la location par rapport aux enfants. Un choix de décision dépend donc de la
hiérarchisation des données, c'est-à-dire de l’ordre de priorité de ces critères.
Il y a aussi une forte corrélation entre les avantages recherchés par l’individu et les attributs
déterminants. Ce sont eux qui doivent être utilisés pour le choix d’un produit qui répondra à notre
besoin.
3. Le comportement du consommateur responsable
Le marketing a pour objectif d’identifier le comportement du consommateur pour proposer des
produits adaptés. Or nous voyons que le choix du consommateur dépend de multiples critères qui
peuvent être rationnels ou complètement subjectifs.
Dans le cas de la consommation responsable et engagée, cette tâche est encore plus difficile. Le
consommateur ne semble pas acheter un produit pour répondre à un simple besoin. Il ne recherche
pas seulement la « maximisation de l’écart entre bénéfices et coûts »104. D’autres variables doivent
être prises en compte.
3.1. Les actes de consommation responsable
3.1.1. Des stratégies différentes
Dans le cas de la consommation responsable, il existe plusieurs manières pour un individu de
consommer, qui sont en désaccord total avec les manières traditionnelles.
Nil Ozcaglar Toulouse présente le modèle de Hirschman qui montre trois stratégies de
comportements du consommateur.

La stratégie « Exit » (défection) : c’est le fait de ne plus procéder à l’achat afin de ne plus être
responsable des conséquences. Se faisant, l’individu montre sa volonté d’aller contre le
système qu’il trouve injuste ou dangereux. C’est le cas de la simplicité volontaire.

La stratégie « Loyalty » (fidélité) : le consommateur effectue ses achats de manière à
optimiser les conséquences positives et à diminuer celles qui seraient négatives. Ce sont par
exemple les achats de produits biologiques, de produits sans OGM etc. Le consommateur
104
OZCAGLAR TOULOUSE, Nil. Apport du concept d’identité à la compréhension du comportement du
consommateur responsable, op. cit.
65
tente ainsi d’améliorer le système de consommation en choisissant des produits alternatifs. Il
croit toujours en ce système.

La stratégie « Voice » (prise de parole) : au-delà de l’acte de consommation, l’individu va
tenter de faire changer le système par d’autres moyens. Il ne croit pas ou peu que rester
dans le système de consommation est un moyen efficace de le faire changer. Il préfère alors
les stratégies de communication comme les pétitions ou les boycotts.
L’autre modèle est celui de Marchand, Walker et De Coninck, publié en 2004105. Ils mettent en avant
quatre façon de se comporter.

Abstention et/ ou réduction : arrêter ou diminuer sa consommation

Attitude : prendre conscience que la consommation au-delà de ses propres besoins est
négative

Advertance : s’informer sur les produits avant d’effectuer un achat, et tenir compte de leurs
qualités écologiques ou solidaires

Alternative : privilégier une manière de consommer différente du système traditionnel
Ces deux théories mettent en avant des actions similaires, comme la nécessité de s’informer ou le
fait de refuser certains produits. De ce fait, étudier le comportement du consommateur responsable
peut apparaitre difficile. La plupart des études sont fondées sur le nombre de produits vendus, par
exemple. Or, elles ne prennent pas en compte le refus d’achat de ce produit. Le fait de boycotter un
produit n’apparaît pas dans les statistiques de consommation. Il faut pour cela savoir qu’un boycott
est en cours et constater la baisse des ventes.
En pratique, toutes ces stratégies se mélangent. Ainsi dans les boutiques Artisans du Monde, on
trouve à la fois de la documentation sur les boycotts en cours, ou des demandes de pétition, et des
produits alternatifs. Le comportement du consommateur dans ce domaine nécessite l’étude de
dimensions différentes de la consommation. Les motivations de individus s’expriment en effet dans
et hors de la consommation.
3.1.2. La consom’action
La particularité de la consommation engagée est d’être symbolique. Le terme de « consom’action »
souligne la dimension politique de cette forme particulière de consommation. En marketing, une
action est « l’ensemble des gestes spécifiques réalisés en fonction des connaissances et attitudes sur
105
MARCHAND, A., DE CONINCK, P., WALKER, S., La consommation responsable : perspectives nouvelles dans
les domaines de la conception de produits. Op. cit.
66
le sujet »106. Une action demande donc le savoir d’informations et porte ses propres particularités.
Les acteurs de la consommation responsable, et plus particulièrement du commerce équitable,
soulignent la relation qui existe entre consommation et participation à une cause. Ainsi, la
consommation engagée se définit par le fait de lier l’acte d’achat à une participation « politique »107.
C’est un acte politique dans la mesure où les consommateurs expriment leurs opinions, favorables ou
défavorables, envers des entreprises, ou plus globalement, envers le mode de consommation et de
développement actuel. Nous pouvons prendre l’exemple d’un paquet de café Malongo, du label Max
Havelaar. Sur l’emballage du produit, tout est fait pour faire éprouver de la sympathie, notamment
grâce au story-telling et à la présence de photos. Après avoir touché émotionnellement le
consommateur, on lui présente les modes d’actions pour soutenir ces personnes en difficulté, dont le
fait d’acheter ce café : « Acheter ce produit, c’est contribuer à l’amélioration des conditions de vie et
de travail des producteurs d’Amérique Centrale ». Le geste est associé à une conséquence positive
pour les autres. L’achat est un véritable moyen d’action pour le consommateur.
De plus, la consom’action se définit aussi par la volonté d’éduquer les consommateurs. On les
sensibilise aux causes et on leur montre des possibilités d’agir. Le consommateur n’est plus passif,
c'est-à-dire qu’il ne consomme plus sans avoir été informés sur les produits, mais devient actif. Il
possède les connaissances nécessaires pour juger si son achat est bénéfique à tous les acteurs de la
chaîne de consommation, ou non. Il pourra aussi en informer son entourage.
La consommation engagée est donc perçue comme une manière de résoudre les problèmes et un
moyen d’expression.
3.2. La complexité du comportement de consommateur responsable
3.2.1. La motivation militante : une motivation apparente
La consommation responsable semble donc partir d’une motivation militante. C’est une pratique de
consommation à part, qui se traduit par des actions « politiques ». C’est tout d’abord un acte pour
exprimer ses opinions. Acheter équitable, ou se fournir directement chez le producteur par exemple,
c’est montrer ses revendications contre le système économique actuel, qui est caractérisé par le
libéralisme et le capitalisme. Pour consommer responsable, ces personnes ressentent un certain
sentiment d’injustice et sont conscientes des inégalités provoquées par la consommation. Le
consommateur ne fait plus confiance envers les distributeurs (les grandes surfaces) et les
106
OZCAGLAR TOULOUSE, Nil. Apport du concept d’identité à la compréhension du comportement du
consommateur responsable, op. cit.
107
LACHEZE, Aurélie in FERRANDO J., GIAMPORCARO-SAUNIERE S. (coord.), Pour une « autre » consommation,
op.cit.
67
intermédiaires. Pour lui, ce sont les producteurs qui portent les vraies valeurs que sont la simplicité
et l’authenticité. Le consommateur responsable doute aussi de l’utilisation excessive du marketing et
tente de s’en défaire en possédant un esprit critique et en favorisant l’achat dans des lieux sans
tentations publicitaires, comme les marchés. Il souhaite alors trouver une alternative de
consommation pour en faire bénéficier la société. Consommer responsable, c’est en effet faire des
efforts personnels (car la consommation est un acte individuel) pour générer des conséquences
positives sur l’ensemble de la société. Cela diffère totalement du mode de consommation
traditionnel dans lequel « la logique de son intérêt personnel pousse l'individu à refuser tout effort
individuel108 ». La consommation responsable se traduit par une volonté de se détacher de
l’individualisme.
Il se développe par conséquent le modèle du consommateur-citoyen. L’individu n’est plus seulement
un consommateur, il est aussi citoyen car il agit pour la société entière. On peut dire en effet que son
acte d’achat provient d’une réelle envie de voir les choses changer à grande échelle. Comme au
moment du vote, il exprime son opinion par l’achat d’un produit alternatif, dans l’espoir qu’une
amélioration survienne. D’ailleurs, dans un contexte où l’intéressement pour la politique est
moindre, consommer responsable devient un moyen concret pour exprimer ses idées politiques.
Alors que les individus ne font plus réellement confiance aux personnalités politiques, tous bords
confondus, avoir un comportement responsable peut redonner espoir sur l’évolution de la société.
Cela permet en tout cas à l’individu d’être actif dans sa société.
3.2.2. Des attitudes différentes
Le consommateur possède un comportement complexe. D’un point de vue théorique, on sait que
« le degré d’influence des attitudes sur le comportement dépend de l’efficacité perçue du
consommateur ou encore de ses convictions de contrôle109. » Pour consommer responsable, le
consommateur doit pouvoir se rendre compte de l’utilité de son action, et être convaincu de son
bien-fondé. Ainsi, un individu peut ressentir le besoin de changer sa consommation car il comprend
qu’il participe à un système inéquitable. Mais pour effectuer l’acte, il doit être profondément
convaincu de cela. On observe souvent des décalages entre les intentions d’achat et la concrétisation
de ces intentions. Nous avons vu que l’achat était un acte personnel. Cette consommation engagée
dépend donc de la personnalité même de l’individu. Il se construit un cercle vertueux : plus il estime
qu’il est responsable des problèmes de la société, plus ses actions vont lui sembler légitimes et
108
Béatrice CANEL DEPITRE, Développement Durable et Comportement Citoyen du Consommateur,
http://www.escp-eap.net/conferences/marketing/pdf/canel.pdf Università Ca’ Foscari Venezia 24 Novembre
2000
109
Béatrice CANEL DEPITRE, Développement Durable et Comportement Citoyen du Consommateur, op.cit.
68
correspondre à son envie véritable. De même, il aura peut avoir une influence sur les membres de
son entourage. S’il reçoit des informations positives sur son comportement, c'est-à-dire s’il s’aperçoit
qu’il entraîne une évolution chez les autres, il sera encore plus motivé pour consommer de façon
responsable.
Cependant, on doit faire deux constats à partir de cette observation. Tout d’abord, comme le précise
Béatrice Canel, « l’absence de norme éthique entraîne des écarts de comportement citoyen
important entre consommateurs ». Deux consommateurs se proclamant responsables peuvent avoir
des comportements différents. Dans le domaine du tourisme, cela est assez flagrant. Il peut exister
une certaine opposition entre l’écotourisme et le tourisme solidaire. Alors que les uns privilégient la
nature, d’autres vont se tourner vers le soutien aux populations, et peuvent critiquer le choix des
autres. Il peut exister aussi des degrés de comportement. Si certains disent qu’ils partent en voyage
solidaire parce qu’ils versent un don à une association, d’autres vont critiquer le fait qu’ils n’aillent
pas au fond de l’action. D’autres, plutôt extrémistes, peuvent dire que le tourisme n’engendre que
des conséquences négatives et que le fait de partir en vacances est tout à fait irresponsable. On peut
aussi prendre l’exemple des énergies renouvelables : certains vont défendre l’éolien, alors que
d’autres vont en faire de grandes critiques. Toutes ces discordances sont liées au fait que la
consommation responsable n’est pas encore bien définie et qu’elle dépend des convictions de
chacun.
D’autre part, on remarque aussi que l’achat responsable est fortement lié à son efficacité. En
d’autres termes, une démotivation du consommateur est possible. S’il ne voit pas ses efforts
récompensés, il peut revenir à un comportement irréfléchi et individualiste. Cette démotivation peut
provenir des actualités de la société, ou des commentaires de son entourage. On peut citer tous les
discours divergents sur le réchauffement climatique et les énergies renouvelables. De plus en plus de
reportages sont faits sur les conséquences néfastes des installations d’énergies renouvelables, ou sur
les arnaques dont sont victimes certaines personnes (voir le reportage de l’émission « Envoyé
Spécial » du jeudi 29 avril 2010 intitulé « Energies vertes, l’envers du décor »). Les consommateurs
doivent bien sûr être informés des ces conditions de vente. Il n’empêche que cela peut faire douter
un consommateur responsable en devenir.
69
3.2.3. Sous la volonté militante, une motivation individuelle et hédoniste
Les motivations cachées
La motivation militante n’est pas la seule qui guide le comportement du consommateur responsable.
Si les individus croient fermement en leurs convictions politiques, il n’en reste pas moins qu’ils sont
motivés par d’autres choses.
Tout d’abord, la consommation responsable a des motivations hédonistes. Si l’on compare les
produits biologiques et équitables, on remarque que les individus sont prêts à payer plus cher pour
les produits « bio » car ils réalisent un geste pour l’environnement, mais aussi pour eux-mêmes110.
Ces produits ont une image de qualité très forte. Cet exemple met en évidence le fait que des raisons
plutôt individuelles poussent les consommateurs vers les produits alternatifs.
De même, consommer de façon responsable est un acte moral. Si une personne veut changer sa
manière de consommer, cela peut être à cause d’un sentiment de culpabilité. Nous avons vu que
pour devenir « militant », l’individu devait se sentir responsable. On peut alors dire qu’il souhaite
personnellement combattre ce sentiment de culpabilité. Il n’agit plus en fonction de la société mais
pour soulager sa conscience. La consommation responsable permet à certaines personnes de se
sentir mieux avec elles-mêmes. Cela peut être une motivation cachée, l’individu n’en a pas
forcément conscience. D’ailleurs, pour les personnes qui ne consomment pas de produits engagés
répondent que la consommation responsable « permet la déculpabilisation des plus riches »111. Nous
avons vu en effet que ce sont les personnes les plus aisées qui sont à même de consommer
responsable. Du point de vue des moins riches, on peut critiquer le fait que l’aisance financière
permette des achats sûrement motivés par la culpabilité mais clamés comme achats militants.
Les critiques de ces motivations
De plus, si la consommation responsable permet la déculpabilisation, alors elle devient sa propre
finalité. L’acte moral est accompli, et le consommateur pense avoir aussi accompli son acte militant.
Le risque est qu’il s’en tienne à cela, et ne recherche pas d’autres possibilités. Il est vrai que dans ce
cas, il n’y a pas une réelle remise en cause du système général, ce qui est pourtant une des
caractéristiques de la consommation responsable et équitable. Une des critiques de la
consommation alternative est le fait qu’elle n’existe que par des gestes symboliques et ponctuels.
Même s’ils sont animés par des motivations de changement et d’équité, certaines personnes mettent
en avant le fait que cela reste de la consommation. Bernard Conte dit par exemple que les pratiques
110
Etude Observatoire Cetelem, BNP Paribas, Consommer en 2010 : pas moins mais mieux. Op. cit.
OZCAGLAR TOULOUSE, N., DIAZ PEDREGAL, V., PARODI, G. Le commerce équitable : un « juste commerce »
ou « juste un commerce » pour les consommateurs ?. op. cit.
111
70
commerciales et les objectifs sont identiques à ceux du marché traditionnel112. L’acte militant que les
consommateurs mettent en avant ne serait pas si militant que cela car il ne partirait presque
toujours d’une motivation individuelle, qui serait en contradiction avec la notion consommation
citoyenne. Il ajoute que la promotion du commerce équitable « se joue sur le couple culpabilité et
flatterie ». Il est vrai que la notion de responsabilité est très liée à la culpabilité et que la qualification
de « responsable » ne peut que qualifier de manière positive le consommateur.
Une critique pertinente à faire est celle qui s’appuie sur le principe de John Rawls. Selon la théorie de
la justice, présentée par de la conférence à Montpellier113, l’achat responsable soulignerait les
disparités sociales. Selon John Rawls, les inégalités sont justes lorsqu’elles sont favorables aux
personnes les plus pauvres. C’est le fait de donner plus à quelqu’un parce qu’il en plus besoin qu’un
autre. Cependant, dans le commerce équitable, on peut dire qu’il y a une inégalité injuste. Il renforce
à la fois les disparités qui existent entre les différents consommateurs (ceux qui peuvent acheter des
produits équitables et ceux qui ne peuvent pas) mais aussi chez les producteurs. Il y a ceux qui sont
aidés grâce au système du commerce équitable, et il y ceux qui sont aussi pauvres mais qui n’en
bénéficient pas. La consommation responsable pourrait donc créer des injustices.
Par conséquent, le comportement du consommateur responsable est difficile à analyser car il dépend
de motivations contradictoires. Le fait de consommer responsable est très lié aux émotions du
consommateur et à sa propre personnalité. Il est aussi difficile de comprendre l’achat d’un produit
dans la mesure où les caractéristiques d’un produit ne sont plus les critères déterminants. Le
consommateur recherche dans le produit une véritable identité.
112
CONTE, Bernard. Dix bonnes raisons de douter du commerce équitable. Présentation PowerPoint. Séminaire
Moisa, Montpellier, 11 et 12 janvier 2007
113
OZCAGLAR TOULOUSE, N., DIAZ PEDREGAL, V., PARODI, G. Le commerce équitable : un « juste commerce »
ou « juste un commerce » pour les consommateurs ?. op. cit.
71
Chapitre 3 : Le tourisme équitable et solidaire
comme consommation responsable
Ce chapitre aborde les hypothèses énoncées, c'est-à-dire l’importance de la prise en compte du
comportement du consommateur dans l’analyse du tourisme solidaire et équitable, ainsi que la
recherche de pistes pour l’inclure dans la consommation responsable.
1. Application
théorique :
le
comportement
de
consommateur du touriste solidaire
Peu d’ouvrages sont consacrés à l’analyse du comportement du consommateur responsable en ce
qui concerne le tourisme. Cette section regroupe donc quelques sources existantes mais est surtout
issue d’une réflexion personnelle. Elle s’appuie sur des aspects théoriques mais souligne l’importance
de la mise en pratique des idées énoncées.
1.1. Des consommateurs identiques ou presque
1.1.1. Des profils comparables
Si l’on compare les consommateurs de produits équitables et les touristes solidaires, on remarque
qu’il existe certaines ressemblances. Ces touristes sont issus de catégories sociales hautes, vivent
dans des zones urbaines et sont déjà assez expérimentés en matière de tourisme114. Si les jeunes
ressentent un engagement politique très fort, il est difficile de dire qu’ils choisissent des voyages
solidaires. Ils se tournent volontiers vers le volontariat et l’humanitaire. Ils créent aussi leur propre
circuit de vacances et tentent d’inclure au maximum les rencontres avec la population. Les touristes
qui choisissent de partir avec une agence solidaire se situent plutôt dans une tranche d’âge entre 30
et 60 ans. Ils ont une expérience assez large du tourisme pour s’être rendus compte des dommages
qu’il pouvait causer à certains moments. De plus, selon Samuel Poos, les consommateurs de produits
équitables ont tendance à partir en voyage dans des pays pauvres115. On peut en effet déduire qu’ils
sont sensibilisés aux inégalités qui existent dans les pays, et qu’ils ont la motivation et les moyens
financiers pour s’y consacrer réellement.
114
115
Sensibilité des clientèles tourisme durable. Atout France. Note de synthèse, 08/2008
POOS Samuel. Le tourisme équitable et solidaire. Op. cit.
72
On peut donc dire que, dans un cas comme dans l’autre, l’équitable attire l’élite. Dans le cas du
tourisme, Marc Boyer montre qu’il a toujours évolué « suivant les fantaisies de l’élite »116. On peut
alors penser que le tourisme solidaire n’en est qu’à ses prémices.
1.1.2. Des motivations plus ou moins fortes
Nous avons vu que les motivations des consommateurs de produits équitables étaient à la fois
militantes et personnelles. Elles sont très liées à la cause à défendre. Ce tableau, issu d’un sondage
CSA effectué en 2004 (annexe 2), montre l’opinion des français sur la conception des produits, et
plus précisément sur les conditions dans lesquelles ils ont été créés. On constate plusieurs faits en ce
qui concerne le tourisme.
Source : Sondage CSA, « Les Français et la consommation éthique, équitable et solidaire », 2004
Tout d’abord, il n’apparaît pas dans les premiers produits qui seraient conçus dans de mauvaises
conditions. Seuls 68% des Français pensent qu’il est possible que le tourisme, mais aussi l’hôtellerie
et la restauration, ne respectent pas les règles minimales de protection des travailleurs. Le tourisme
n’est pas vu comme un produit si injuste lorsqu’on le compare aux vêtements. On peut préciser à ce
sujet que le fait que les vêtements arrivent en tête de ce classement vient de nombreux scandales
qui éclatent régulièrement sur la production de vêtements (depuis Nike et le travail des enfants,
116
BOYER, Marc. Histoire du tourisme de masse. Paris : PUF - Que sais-je ?, 1999
73
jusqu’aux jeans et la technique nocive du sablage). L’opinion reste alors assez partagée sur les
conditions des travailleurs dans le domaine du tourisme.
Il est intéressant de voir aussi que 4% des personnes interrogées ne se prononcent pas en ce qui
concerne le tourisme. Il est la deuxième production où les personnes ne se prononcent pas après les
appareils informatiques. Si l’on suppose que la réponse en ce qui concerne les appareils
informatiques dépende du fait que leurs conditions de fabrication sont peu connues, ou alors le sont
pour une petite partie de la population, on en déduit qu’il se passe la même chose pour le tourisme.
Il y a un manque évident d’information et de sensibilisation chez les consommateurs dans le domaine
de la conception de produits touristiques. Par conséquent, si les consommateurs ne sont pas au
courant des inégalités qu’on peut trouver dans le monde du tourisme, alors l’idée d’un tourisme
équitable et solidaire n’est pas essentielle pour eux. En d’autres termes, le tourisme n’est pas la
première cause de motivations chez les Français pour qu’ils consomment de manière équitable et
responsable.
1.2. Une prise de décision difficile
1.2.1. Une implication forte
Comme nous l’avons vu, le commerce équitable a la particularité de créer un lien direct entre le
consommateur et le producteur. Dans le tourisme solidaire, ce lien est particulièrement renforcé. Si
le consommateur du commerce équitable reste assez éloigné du producteur, géographiquement
mais aussi émotionnellement, le touriste solidaire créé un véritable contact humain. Samuel Poos
met en avant le fait que, dans le tourisme équitable, c’est le consommateur qui se déplace vers le
produit et non l’inverse. On remarque déjà le niveau d’implication que cela demande. D’une part, au
vu de ce qui a été dit précédemment, on voit bien que la conviction d’un touriste solidaire doit être
très forte pour effectuer cette action. Si les critiques du commerce équitable peuvent apparaître
légitimes dans le sens où le consommateur a bonne conscience mais se cache derrière l’achat
équitable, le touriste lui est intégré au processus et vit réellement le fait d’être solidaire. Il y a en
effet la simultanéité « production/consommation » qui apporte une particularité de plus au tourisme
équitable. Les hôtes préparent bien entendu l’arrivée du touriste, et proposent diverses activités,
mais c’est finalement le touriste et sa personnalité qui vont définir le niveau de solidarité du voyage.
Le tourisme équitable peut alors se définir comme étant une forme de consommation particulière du
commerce équitable qui achève concrètement ce que des biens équitables ne peuvent pas faire.
Le tourisme équitable est une aventure humaine qui demande une réelle conviction pour la cause. Il
n’implique pas seulement la notion de prix juste, par la participation financière à un fonds de
74
développement, mais une participation concrète à ce développement. Samuel Poos fait remarquer
que contrairement au commerce équitable, le consommateur qui choisit un voyage solidaire ne peut
le tester avant de partir. La notion de transparence est encore plus importante que dans le
commerce équitable car si un consommateur responsable peut choisir de ne plus acheter un produit,
le touriste est plongé dans la production et ne peut que subir les mensonges qu’on lui a faits. De plus,
les sommes financières engagées sont plus importantes que lors de l’achat d’un produit dans un
magasin. Les attentes sont aussi plus fortes. La déception n’en serait que plus sérieuse.
Par conséquent, le tourisme solidaire et équitable fait partie de la consommation responsable car il
possède les mêmes caractéristiques que le commerce équitable. Cependant, on remarque bien que
le degré d’engagement n’est pas le même. Le tourisme équitable et solidaire serait alors la forme
maximale du commerce équitable.
1.2.2. Des critères secondaires
Nous avons vu que la prise de décision résulte de l’analyse des critères : certains sont plus
déterminants que d’autres. Dans le cas du tourisme équitable, ces critères sont les caractéristiques
évoquées précédemment, à savoir la rémunération correcte de tous les acteurs, la participation au
développement, etc. Dans l’étude CSA, on remarque que 70% des consommateurs disent tenir
compte des critères éthiques lors de leurs achats. Cependant, ceux qui ne le font pas avouent qu’ils
ne prennent pas en compte ces critères car ils ne sont pas assez importants : ce ne sont pas des
critères déterminants dans leurs achats. Pour la majorité des consommateurs français, les critères
équitables et solidaires ne sont essentiels. Cette majorité pensent d’ailleurs que ce sont des outils
purement marketing.
En ce qui concerne les initiés, c’est l’inverse qui se produit. Des critères comme le confort et le prix
sont moins importants que les notions équitables et solidaires. Au contraire, ils deviennent même
déterminants lorsqu’ils sont négatifs. En d’autres termes, le confort est un critère déterminant
lorsqu’on garantit au touriste solidaire qu’il sera moindre. Il y a alors un décalage conséquent entre
l’analyse des critères par des consommateurs « normaux » et les consommateurs et touristes
responsables.
1.2.3. Un contraste entre les intentions d’achat et les véritables achats
Enfin, on peut remarquer aussi qu’il y a une nette différence entre les résultats de l’étude sur la
consommation équitable des Français avec les chiffres du commerce équitable. Certes, les domaines
d’études diffèrent légèrement. Mais on sait que les produits alimentaires restent les premiers
produits responsables consommés, que ce soit de manière équitable ou parce qu’ils sont biologiques.
75
Cette étude montre toutefois que ce sont les vêtements que l’on soupçonne d’être conçus dans de
mauvaises conditions pour les travailleurs. Les intentions d’achat que l’on recueille lors de sondages
ne se traduisent pas en réels achats dans le domaine de la consommation responsable. On peut citer
à ce propos les résultats d’une enquête d’Atout France qui montre que 61% des touristes disent
vouloir compenser leurs émissions de carbone lorsqu’ils partent en vacances, en faisant un don à une
association œuvrant pour l’environnement, mais seuls 3% l’on déjà fait. La prise de conscience des
pratiques inéquitables du tourisme de masse ne serait donc pas l’élément déterminant dans l’achat
de voyages solidaires. Un changement dans l’intention d’achat n’induirait pas une réelle pratique,
mais on peut penser qu’elle serait un premier pas : celui de l’information et de la sensibilisation.
Le changement des pratiques doit passer par le consommateur. Ils avouent eux-mêmes que ce sont
eux qui « sont aptes à encourager le développement de pratiques éthiques de la part des
entreprises ».
2. Pistes d’actions : lier le tourisme solidaire et équitable au
commerce équitable
2.1. Besoin d’une stratégie de marketing-mix
Source : http://www.marketing-etudiant.fr/memoires/i/implication-marketing-infantile/strategies.php
76
Un des constats que l’on peut faire sur le tourisme solidaire et équitable est qu’il manque de
perspectives marketing. Les produits équitables possèdent, eux, des stratégies marketing
développées, qui respectent les valeurs du produit. Ce tableau montre les conséquences sur le
marketing-mix des produits et services envers lesquels le consommateur possède une forte
implication. Les caractéristiques sont applicables au tourisme solidaire qui, nous l’avons vu, est un
produit à forte implication.
Des actions précises peuvent être mises en place pour développer la filière du tourisme solidaire, et
l’intégrer dans le mouvement plus large du commerce équitable et de la consommation responsable.
La création de réseaux et la mise en commun des moyens sont des exemples de relations qui
peuvent amener au développement de tout le système économique et commercial alternatif.
2.2. Produit
Constat
Un voyage solidaire se déroule la plupart du temps dans un village, dans une zone rurale. Les
activités proposées sont liées à la vie du village. Ce sont par exemple la découverte de l’artisanat
local ou la participation à la préparation des repas. Ce sont donc des activités simples, qui peuvent
paraître peu attractifs pour certains touristes. De plus, le confort est simpliste, et cela peut effrayer
les touristes. Il est évident que le tourisme solidaire accorde une place prépondérante aux échanges
entre le voyageur et ses hôtes. Mais certains voyages semblent un peu vides en ce qui concerne les
activités.
Plan d’action
Afin de donner une attractivité aux voyages équitables, la mise en place d’un produit complet est
nécessaire. Les voyages solidaires et équitables doivent être innovants, sans pour autant dénaturer
les vraies valeurs. Il faut alors exploiter les ressources et les moyens existants pour créer des activités
diverses et intéressantes. Elles doivent correspondre à la fois aux attentes des touristes mais être
décidées avant tout par les hôtes. Les partenaires du Nord pourraient bien sûr leur porter conseil.
Portées
Créer un produit touristique solidaire complet permettrait aux divers acteurs touristiques du Sud de
créer un partenariat étroit et durable. Le tourisme deviendrait une activité construite et organisée
totalement par ces acteurs. Le secteur se professionnaliserait et serait plus autonome.
77
Limites
Si des activités sont proposées dans plusieurs villages, un transport régulier devra être mis en place.
En plus de la pollution occasionnée, le transport représente un coût important pour une région
rurale défavorisée. De plus, ce transport ne doit pas être réservé qu’aux touristes mais à toute la
population. Il y aurait donc un risque d’exode rural.
2.3. Communication
Constat
D’une manière générale, le tourisme solidaire et équitable souffre d’un manque de communication.
Les études montrent bien que, malgré une hausse de connaissance du terme, les individus ne
peuvent caractériser correctement le tourisme solidaire. Seules les personnes les plus cultivées
savent à quoi correspond cette forme de tourisme. Aucune communication n’est mise en place à
grande échelle, de part un manque de moyens certains et une certaine réticence des associations.
Cependant, avec l’arrivée progressive des entreprises privées sur le marché (comme Nouvelles
Frontières qui souhaite obtenir la certification du réseau Agir pour un Tourisme Responsable), et la
multiplication de plusieurs formes alternatives de tourisme (écotourisme, tourisme durable…), le
tourisme solidaire et équitable doit pouvoir mettre ses atouts en avant.
Plan d’action
Il y a la nécessité de définir clairement le concept de tourisme solidaire et équitable, et d’adapter le
message à la communication. Comme le tourisme solidaire et équitable est soutenu par la PFCE, ce
partenariat doit être renforcé. Le tourisme équitable doit être mis en avant dans la communication
de la PFCE. Nous avons vu que le packaging des produits équitables étaient très importants. Il est vrai
que les produits touristiques sont plus complexes et ne possèdent pas de vitrine. Mais on pourrait
tout à fait imaginer la présentation succincte du tourisme équitable sur les paquets de produits
équitables. Une allusion pourrait être faite à une association de tourisme locale. Une description
complète, ainsi qu’un lien dirigeant le consommateur vers les contacts et les réservations seraient
disponibles sur le site Internet de la PFCE.
Portées
La communication commune à tous les produits équitables apporterait une meilleure visibilité au
domaine du tourisme. Elle toucherait les clients dans leurs lieux habituels de consommation, que ce
soient les grandes surfaces ou les magasins spécialisés. Les consommateurs feraient aussi plus
facilement le lien entre les différents produits équitables.
78
Limites
Une telle communication consisterait avant tout à de la sensibilisation. Il n’est pas sûr qu’elle puisse
changer les habitudes de consommation des touristes en général.
2.4. Consommateurs
Constat
Les personnes qui partent en voyages solidaires sont des initiés. Elles savent analyser les offres et
choisissent des structures de confiance. Il existe aussi des personnes qui sont en demande
d’informations sur le tourisme équitable. De plus, le commerce équitable connaît aujourd’hui une
véritable reconnaissance. Il faudrait donc lier tous ces concepts équitables aux yeux des
consommateurs.
Plan d’action
Pour pouvoir convaincre les consommateurs, il faut étudier leurs comportements afin de vérifier si
les intentions d’achats se confirmeraient. Si beaucoup d’individus se disent intéressés par le tourisme
équitable parce qu’il possède les mêmes objectifs que le commerce équitable, ce sont deux pratiques
différentes qui demandent un degré d’implication particulier. Cette étude est cependant nécessaire
pour connaître le potentiel du tourisme solidaire et équitable chez de nouveaux consommateurs.
L’étude devrait mettre à jour les comportements du consommateur en ce qui concerne la
consommation responsable.
Portées
Le tourisme solidaire et équitable serait perçu comme le prolongement du commerce équitable et de
nouveaux consommateurs pourraient être intéressés. Ces consommateurs potentiels ne doivent pas
être négligés. Les intégrer dans le domaine du tourisme solidaire permettrait aussi un
renouvellement de l’offre. De plus, les consommateurs vont faire le lien entre le tourisme équitable
et la consommation responsable.
Limites
Les touristes qui partent habituellement en voyage équitable ne sont que peu sensibles au prix.
Comme c’est un produit à forte implication, un prix élevé n’est pas décourageant pour ce type de
clients. La recherche de nouveaux consommateurs doit prendre en compte le rapport différent qu’ils
entretiennent avec le prix par rapport aux touristes « confirmés ». Une approche différente doit être
mise en place pour convaincre les touristes potentiels.
79
2.5. Entreprises privées
Constat
Le marché du tourisme solidaire est principalement détenu par les associations et membres d’ATES.
Il est plutôt discret et subit un manque de communication à grande échelle. Certaines agences de
voyages et tour-opérateurs souhaitent mettre en place des voyages solidaires. En effet, dans notre
société actuelle, pour assurer leur pérennité, les entreprises doivent réfléchir sur de nouvelles
valeurs comme l’éthique et le développement durable. D’un point de vue de l’image, une entreprise
à tout intérêt à se ranger dans la tendance pour pouvoir convaincre ses consommateurs. Les produits
responsables connaissent aussi une forte demande. Il faut ajouter que la plupart des séjours à
l’étranger sont vendus dans des agences de voyages. En d’autres termes, ce sont les entreprises
privées qui possèdent la notoriété et les moyens pour faire du tourisme équitable à plus grande
échelle.
Plan d’action
Il y a clairement la nécessité d’ouvrir le marché du tourisme solidaire à des initiatives privées. Pour
éviter les dérives marketing et le « greenwashing », il faut établir des principes et des définitions
précises. Chaque agence se doit de présenter une définition claire au touriste potentiel, ainsi que les
projets mis en place par ces voyages. Dans l’idéal, un cadre juridique devrait être mis en place pour
délimiter le concept de tourisme solidaire pour les entreprises privées. La question est en effet de
savoir s’il le tourisme solidaire et équitable « privé » est le même que celui proposé par les
associations de voyages.
Portées
Le développement de la filière doit passer par le secteur privé. L’influence que le marché privé
possède permet une meilleure sensibilisation chez les entreprises. En d’autres termes, si quelques
agences de voyages commencent à développer ce genre de voyages, d’autres suivront. Le tourisme
solidaire et équitable se trouverait directement au cœur de l’activité touristique, il ne serait plus à
part. Il sera alors plus efficace car il pourrait permettre une réelle prise de conscience, à la fois dans
les entreprises, et au niveau des consommateurs.
Limites
Les entreprises privées prennent un certain risque à mettre en place des voyages équitables. Il
impose beaucoup de contraintes, économiques et humaines, et peut ne pas marcher. Vérifier le
fonctionnement et l’organisation des partenaires réceptifs est une tâche conséquente. Or, si le
voyage proposé ne correspond pas à la charte et à la définition présentées par l’agence au touriste,
80
celui-ci peut se sentir trahi et cela engendrerait des conséquences néfastes en terme de notoriété
pour l’entreprise. De plus, la concurrence avec les associations peut être difficile. Les touristes
solidaires font plus facilement confiance à des associations, considérées comme « bienveillantes » et
dénigrent les entreprises privées. L’image de l’entreprise doit être clairement acceptée
conjointement à la mise en place des voyages solidaires et équitables.
2.6. Réseau et distribution
Constat
Les associations se sont regroupées sous l’Association de Tourisme Equitable et Solidaire. Elles
possèdent un site Internet commun qui permet de regrouper les voyages proposés et de créer une
image commune. Elles présentent clairement les objectifs et les projets de développement qu’elles
soutiennent. Les entreprises privées n’ont pas de réseau en ce qui concerne le tourisme équitable. Il
est donc difficile pour elles de faire une communication sérieuse. De plus, il est aussi difficile de
parvenir à contacter des prestataires locaux de tourisme solidaire, qui ne possèdent pas forcément
de moyens de communication importants (pas de site Internet etc…).
Plan d’action
Pour assurer la pérennité du tourisme solidaire et équitable, il semble intéressant de construire des
réseaux de contacts, sinon des réseaux de commercialisation pour permettre à tous de travailler
dans la même optique. Une dynamique de réseau semble être une exigence au regard de la diversité
des acteurs.
Ainsi, il paraît évident de mettre en place un annuaire touristique de prestataires de tourisme
solidaire et équitable. Les acteurs devraient se rassembler pour mettre au point des principes
directeurs pour qu’ils puissent se reconnaître, et choisir de partager les contacts et les initiatives.
Afin de garantir l’équité et le fonctionnement de ce réseau, un conseil pourra être élu, avec une
présidence tournante. Il ne possèderait pas un pouvoir décisionnel mais serait le représentant en
charge pour animer le réseau. Chaque catégorie d’acteurs choisirait son référent. Ainsi ce conseil
s’occuperait de la diffusion de l’information et de la mobilisation de tous les acteurs et se
concerteraient régulièrement pour débattre des problèmes rencontrés et des projets à mener en
commun.
En ce qui concerne la distribution, un partenariat pourrait être mis en place entre les magasins
spécialisés dans la vente de produits responsables et les voyagistes solidaires. Les voyagistes d’ATES
par exemple n’ont pas de vitrine à proprement parler. Ils possèdent un siège social, et donc un seul
81
point de vente. Ce partenariat serait l’occasion d’étendre géographiquement la zone de vente. Les
magasins spécialisés sont aussi un lieu important pour la sensibilisation aux produits responsables.
Une communication importante doit prendre place ici.
Portées
Ce réseau mettrait en relation plusieurs acteurs à plusieurs échelles. Il permettrait aux communautés
d’accueil, ou aux prestataires locaux, d’avoir une relation étroite et égale avec les partenaires du
Nord. Ils pourraient ainsi maitriser complètement leur activité touristique car ils pourront choisir
avec qui travailler et ne pas dépendre des associations du Nord. Ils pourraient de plus se reconnaître
entre « acteurs du Sud » et mettre au point des voyages entre eux. Cela dynamiserait aussi leur
tourisme national. Un tel réseau permettrait aux « acteurs du Nord » de mutualiser les moyens pour
la communication et la distribution de voyages. Bien qu’ayant des modes d’organisation différents,
Max Havelaar et Artisans du Monde font tous les deux partie de la PFCE. Cela donne une garantie au
consommateur, et permet une communication commune.
Limites
La mise en place d’un tel réseau dépend de la volonté de tous les acteurs de se réunir. L’idée de se
réseau est assez complète et implique donc certaines concessions. Il n’existe peut-être pas
aujourd’hui une confiance suffisante envers les autres pour mettre au point des réunions.
2.7. Labellisation et certification
Constat
Il n’existe pas aujourd’hui de labellisation ou de certification en ce qui concerne le tourisme solidaire
et équitable. Il existe plusieurs labels dans le commerce équitable, mais aussi dans le tourisme
responsable (ATR). Il n’y a donc aucun cadre qui permet de justifier et légitimer la pratique du
tourisme solidaire.
Plan d’action
La nécessité de labellisation est fortement liée à la mise en réseau des acteurs. Il faut mettre en place
des règles qui regroupent tous les acteurs du domaine. Agir pour un Tourisme Responsable a mis au
point quatre engagements, et une certification contrôlée par l’organisme Afnor.
Portées
La labellisation permettrait d’intégrer des acteurs d’horizons différents mais qui possèdent les
mêmes objectifs. Elle semble essentielle pour faire accepter la présence d’entreprises privées sur le
82
marché. Elle évite en effet les utilisations marketing douteuses. Elle pourrait aussi mettre à égalité
tous les acteurs, et mettre en avant des petites structures.
Limites
Les membres d’ATES ont repoussé l’idée de labellisation et de certification à cause des coûts trop
élevés que cela implique. De plus, il semble difficile de pouvoir contrôler les pratiques des
partenaires des pays du Sud. Ces limites peuvent tout de même être dépassées. Cependant, une des
limites de la labellisation serait de laisser de côté ceux qui tentent de faire du tourisme solidaire mais
qui ne remplissent pas tous les critères. Etablir une grille suppose de faire des choix dans les critères.
Or si certains acteurs du tourisme solidaire ne possèdent que certains critères de cette certification,
mais qu’ils en possèdent d’autres, ils ne seront pas acceptés. Cette labellisation suppose de faire
rentrer les acteurs dans des cases, alors qu’il existe aujourd’hui différentes manières de faire un
tourisme plus responsable.
83
CONCLUSION
Cette partie a montré une approche plutôt marketing du tourisme solidaire et équitable. Elle a tenté
de montrer les ressemblances qui existent entre tourisme solidaire et consommation responsable
afin de comprendre les réelles motivations du touriste solidaire, ainsi que des pistes pour son
développement futur.
Ces idées théoriques nécessitent une application sur le terrain afin de déterminer les motivations et
les critères du voyageur solidaire. Malgré lui, il est soumis à des besoins et accepter ces besoins
permettrait d’asseoir le tourisme solidaire et équitable comme une véritable gamme touristique.
84
Conclusion Générale
Le travail de ce mémoire a été d’analyser le tourisme solidaire et équitable afin d’en comprendre le
mode organisationnel, mais aussi ses limites.
Le tourisme solidaire est un moyen pour les populations de mieux maîtriser l’activité touristique.
Basé sur le principe de la concertation et de l’équité, il permet aux communautés d’accueil d’avoir
des relations plus équitables avec les partenaires du Nord. Le développement touristique organisé
autour d’un village dans son ensemble
limite les disparités de revenus entre les habitants.
Cependant, le tourisme solidaire possède lui aussi certaines limites que nous avons mis en avant.
Il se base sur un esprit militant qui se met en marge du système touristique global. Il se développe
dans le monde associatif principalement afin de garantir un tourisme plus juste. Les pays du Sud
restent dépendants des pays du Nord car ce sont ces derniers qui maitrisent la communication et la
recherche de touristes. Certaines associations du Nord font face à un dilemme puisque les villages
d’accueil semblent vouloir apporter des changements au contrat qui les lie. Il semblerait donc que le
milieu associatif entraîne certaines contraintes.
Nous avons pu voir aussi que ce tourisme alternatif était centré sur le développement local et ne
prenait pas en considération les attentes du touriste. En d’autres termes, le touriste n’est pas
considéré comme tel. Il doit lui aussi ne plus être dans le système touristique traditionnel. Il ne part
pas en vacances mais fait un voyage dans le but d’aider les autres. Le tourisme solidaire et équitable
rejette ainsi l’idée de loisir futile.
L’enjeu du tourisme solidaire se situe alors dans le fait qu’il soit réservé à un public élitiste qui pour
se rassurer de ses bonnes actions rejettent l’activité touristique traditionnelle. Le tourisme solidaire
et équitable ne fonctionne que lorsqu’il se place en totale opposition au tourisme de masse.
Cependant, il reste de façon une pratique marginale et se restreint lui-même dans son expansion. Il
est censé être un outil de développement pour les territoires mais ne profite pas à tous. C’est toute
la complexité du tourisme solidaire et équitable.
Ce mémoire a montré une nouvelle perspective : celle d’inclure cette forme alternative de tourisme
dans le marché touristique plus traditionnel. C’est un pari risqué car des dérives peuvent apparaître.
Nous avons analysé cette perspective à travers deux hypothèses principales.
Tout d’abord, le touriste solidaire, en achetant un voyage équitable, reste dans un système
marchand. Ce dernier est d’ailleurs essentiel pour les communautés d’accueil. Nous avons vu qu’il
85
existe un système de consommation plus juste qui est celui de la consommation responsable. Il se
développe clairement une tendance qui pousse les consommateurs à acheter des produits qui vont
avoir un effet positif sur la société. Ils prennent conscience que leurs actions peuvent faire évoluer
les conditions de production afin qu’elles respectent les hommes et l’environnement. Etudier le
comportement de ces consommateurs permettrait de voir l’importance de l’ouverture de ce marché
de niche à des consommateurs potentiels. Le tourisme solidaire et équitable n’est pas connu de tous
alors qu’il est possible que des personnes non-initiées s’y intéressent. Une étude approfondie du
processus d’achat et des motivations du consommateur responsable est essentielle pur confirmer si
cette tendance est viable sur le long terme ou si ce phénomène est juste une mode.
Ensuite, lier le tourisme équitable à la consommation responsable est une manière de faire évoluer
l’offre, sans pour autant perdre les valeurs essentielles de cette forme de tourisme. Développer le
tourisme solidaire et équitable par le biais de la consommation responsable permettrait de
construire une offre solide qui garantisse des bénéfices pour plus de personnes. Le nombre de
touristes ne doit pas augmenter dans les communautés d’accueil déjà existantes, au risque de voir
l’environnement naturel, économique et social se dégrader, mais de nouvelles destinations peuvent
voir le jour. Ce marché de niche qui s’étend est en effet un facteur qui encourage les entreprises à
investir dans des formes de tourisme plus responsables.
Le tourisme solidaire et équitable semble la meilleure façon pour apporter un développement
équilibré sur les territoires. Idéalement, il doit se généraliser pour faire évoluer les manières de faire
du tourisme. Afin d’approfondir cette réflexion, un travail doit être fait à la fois sur les motivations
des consommateurs et aussi sur le développement marketing du tourisme solidaire et équitable. Ce
mémoire va être complété par un stage de trois mois sur la création de destinations solidaires dans
une agence de voyages classique. Ce stage permettra ainsi d’apporter une nouvelle perspective à ce
mémoire et de confirmer ou d’infirmer si le développement du tourisme solidaire et équitable peut
passer par le secteur privé.
86
Annexes
Annexe 1 : Le Code Mondial d’Ethique du Tourisme, Organisation Mondiale du Tourisme
Annexe 2 : Sondage CSA, « Les Français et la consommation éthique, équitable et solidaire », 2004
87
CODE MONDIAL
D'ÉTHIQUE DU TOURISME
NATIONS UNIES
PRÉAMBULE
Résolution adoptée par
l’Assemblée générale des
Nations Unies, le 21 décembre 2001
A/RES/56/212.
Code mondial d’éthique du tourisme,
L’Assemblée générale,
Réaffirmant le paragraphe 5 de sa résolution 36/41 du 19 novembre 1981,
par lequel elle a décidé que l’Organisation mondiale du tourisme pourrait
participer, à titre permanent, aux travaux de l’Assemblée générale dans les
domaines qui l’intéressent,
Rappelant aussi la Déclaration de Manille sur le tourisme mondial, du 10
octobre 1980, adoptée sous les auspices de l’Organisation modiale du tourisme1, la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement 2
et le programme Action 213 adopté lors de la Conférence des Nations Unies
sur l’environnement et le développement le 14 juin 1992, ainsi que
la Déclaration d’Amman sur la paix par le tourisme4,
Considérant que la Commission du développement durable, à sa septième
session, tenue en avril 1999, a manifesté son intérêt pour le Code mondial
d’éthique du tourisme et invité l’Organisation mondiale du tourisme à envisager d’associer les grands groupes, selon que de besoin, à la formulation,
à la mise en oeuvre et au suivi du Code mondial d’éthique du tourisme5,
Rappelant en outre sa résolution 53/200 du 15 décembre 1998, sur la proclamation de 2002 en tant qu’Année internationale de l’écotourisme, par
laquelle elle a, entre autres, réaffirmé la résolution 1998/40 du Conseil économique et social, en date du 30 juillet 1998, constatant l’importance attachée à l’écotourisme par l’Organisation mondiale du tourisme, en particulier à la proclamation de 2002 Année internationale de l’écotourisme, pour
ce qui est de favoriser la compréhension entre tous les peuples, de faire
mieux connaître le riche héritage des différentes civilisations et de
faire davantage apprécier la valeur intrinsèque des différentes cultures
contri- buant ainsi à renforcer la paix mondiale,
Reconnaissant la dimension importante et le rôle du tourisme comme instrument positif propre à atténuer la pauvreté et à améliorer la qualité de
vie de tous les peuples, sa contribution potentielle au développement socioéconomique en particulier dans les pays en développement, et sa fonction
naissante de force vitale pour la promotion de la compréhension, de la paix
et de la prospérité internationales,
1. Prend note avec intérêt du Code mondial d’éthique du tourisme adopté
à la treizième session de l’Assemblée générale de l’Organisation mondiale
du tourisme, énonçant les principes qui devraient régir le développement
du tourisme et servir de cadre de référence pour les différents acteurs du
secteur touristique, dans le but de réduire au minimum les retombées négatives du tourisme sur l’environnement et sur le patrimoine culturel tout en
étendant au maximum les avantages qu’il peut procurer en favorisant
le développement durable et l’atténuation de la pauvreté ainsi que la
com- préhension entre les nations ;
2. Met l’accent sur la nécessité de promouvoir un tourisme responsable et
écologiquement viable qui puisse être bénéfique pour tous les secteurs de
la société ;
3. Invite les gouvernements et d’autres acteurs du secteur touristique
à envisager d’incorporer, selon qu’il convient, le contenu du Code
mondial d’éthique du tourisme dans les lois, règlements et usages
déontologiques pertinents et, à cet égard, prend acte avec satisfaction des
efforts accomplis et des mesures déjà prises par certains États ;
4. Encourage l’Organisation mondiale du tourisme à favoriser un suivi efficace de la mise en oeuvre du Code mondial d’éthique du tourisme, avec la
participation des acteurs intéressés du secteur touristique.
5. Prie le Secrétaire général de suivre les faits nouveaux relatifs à l’application
de la présente
résolution sur la base des rapports
de
l’Organisation mondiale du tourisme, et de lui faire rapport à ce sujet lors
de sa cinquan- te-neuvième session.
1
1.
2
A/36/236, annexe, appendice
Rapport de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement, Rio de
Janeiro, 3-14 juin 1992 (publication des Nations Unies, numéro de vente : F.93.I.8 et
rectificatifs), vol. I : Résolutions adoptées par la Conférence, résolution 1, annexe I.
3 Ibid., annexe II.
4 Voir A/55/640.
5
Voir Documents officiels du Conseil économique et social, 1999, Supplément No 9
(E/1999/29).
Nous, Membres de l'Organisation
mondiale du tourisme (OMT), représentants de l’industrie touristique
mondiale, délégués des États, territoires, entreprises, institutions et
organismes réunis en Assemblée
générale à Santiago du Chili ce 1er
octobre 1999,
Réaffirmant les objectifs énoncés
dans l’article 3 des Statuts de l’Organisation mondiale du tourisme, et
conscients du rôle « décisif et central »
reconnu à cette Organisation par
l’Assemblée générale des Nations
Unies, dans la promotion et le développement du tourisme, en vue de
contribuer à l'expansion économique, à la compréhension internationale, à la paix, à la prospérité
ainsi qu'au respect universel et à l'observation des droits de l'homme et
des libertés fondamentales, sans distinction de race, de sexe, de langue
ou de religion,
Profondément convaincus que, par
les contacts directs, spontanés et non
médiatisés qu’il permet entre des
hommes et des femmes relevant de
cultures et de modes de vie différents,
le tourisme représente une force vive
au service de la paix ainsi qu’un facteur d'amitié et de compréhension
entre les peuples du monde,
S’inscrivant dans une logique tendant
à concilier durablement protection de
l’environnement, développement
économique et lutte contre la pauvreté, telle que formulée par les Nations
Unies en 1992 lors du « Sommet de la
Terre » de Rio de Janeiro, et exprimée
dans le Programme d’action 21, adopté à cette occasion,
Prenant en compte la croissance
rapide et continue, aussi bien passée
que prévisible, de l’activité touristique, que celle-ci résulte de motifs de
loisirs, d’affaires, de culture, de religion ou de santé, et ses effets puissants, tant positifs que négatifs, sur
l’environnement, l’économie et la
société des pays tant d’origine que
d’accueil, sur les communautés locales et les populations autochtones,
comme sur les relations et échanges
internationaux,
Ayant pour but de promouvoir un
tourisme responsable et durable,
accessible à tous dans le cadre du
droit appartenant à toute personne d'utiliser son temps libre à
des fins de loisirs ou de voyages, et
dans le respect des choix de société
de tous les peuples,
Mais
également
persuadés
que
l’industrie
touristique
mondiale, dans son ensemble, a
beaucoup à gagner à se mouvoir
dans
un
en- vironnement
favorisant l’économie de marché,
l’entreprise privée et la liberté du
commerce,
lui
permet- tant
d’optimiser ses effets bénéfi- ques
en termes de création d’activi- té et
d’emplois,
Intimement convaincus qu’au prix
du respect d’un certain nombre de
principes, et de l’observance d’un
certain nombre de règles, un tourisme responsable et durable n’est
nullement incompatible avec une
libéralisation accrue des conditions
qui président au commerce des services et sous l’égide desquelles opèrent les entreprises de ce secteur, et
qu’il est possible, dans ce domaine,
de concilier économie et écologie,
environnement et développement,
ouverture aux échanges internationaux et protection des identités sociales et culturelles,
Considérant, dans une telle démarche, que tous les acteurs du
développement touristique –administrations nationales, régionales et locales, entreprises, associations professionnelles, travailleurs du secteur, organisations non
gouvernementales et organismes
de toute nature de l’industrie touristique– mais aussi les communautés d’accueil, les organes de presse
et les touristes eux-mêmes, exercent des responsabilités différenciées mais interdépendantes dans
la valorisation individuelle et sociétale du tourisme, et que la formulation des droits et devoirs de chacun contribuera à la réalisation de
cet objectif,
Soucieux, comme l’Organisation
mondiale du tourisme s’y emploie
elle-même depuis sa résolution
364(XII) adoptée lors de son
Assemblée générale de 1997
(Istanbul), de promouvoir un véritable partenariat entre les acteurs
publics et privés du développement
touristique, et souhaitant voir un
partenariat et une coopération de
même nature s’étendre, de manière ouverte et équilibrée, aux relations entre pays émetteurs et
récepteurs et leurs industries touristiques respectives,
Nous plaçant dans le prolongement des Déclarations de Manille
de 1980 sur le tourisme mondial et
de 1997 sur l'impact du tourisme
sur la société, ainsi que de la Charte
du tourisme et du Code du touriste
adoptés à Sofia en 1985 sous l’égide de l’OMT,
Mais estimant que ces instruments
doivent être complétés par un
ensemble de principes interdépendants dans leur interprétation et
leur application, sur lesquels les
acteurs du développement touristique devraient régler leur conduite
à l’aube du XXIe siècle,
Utilisant, aux fins du présent instrument, les définitions et classifications applicables aux voyages,
et spécialement les notions de
« visiteur », de « touriste » et de
« tourisme », telles qu’adoptées
par la Conférence internationale
d’Ottawa, tenue du 24 au 28 juin
1991, et approuvées, en 1993, par
la Commission de statistique des
Nations Unies lors de sa vingt-septième session,
Nous référant notamment aux
instruments suivants :
• Déclaration universelle des droits de
l'homme du 10 décembre 1948 ;
•
•
Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels du
16 décembre 1966 ;
Pacte international relatif aux droits
civils et politiques du 16 décembre
1966 ;
• Convention sur le transport aérien de
Varsovie du 12 octobre 1929 ;
•
Convention internationale de l’aviation civile de Chicago, du 7 décembre
1944 ainsi que les Conventions de
Tokyo, La Haye et Montréal, prises en
relation avec celle-ci ;
•
Convention sur les facilités douanières
pour le tourisme du 4 juillet 1954 et
Protocole associé ;
•
Convention concernant la protection
du patrimoine mondial culturel et naturel du 23 novembre 1972 ;
•
Déclaration de Manille sur le tourisme
mondial du 10 octobre 1980 ;
• Résolution de la VIème Assemblée
générale de l’OMT (Sofia) adoptant la
Charte du tourisme et le Code du touriste du 26 septembre 1985 ;
•
Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 ;
• Résolution de la IXème Assemblée
générale de l’OMT (Buenos Aires) portant notamment sur la facilitation des
voyages ainsi que sur la sécurité et la
protection des touristes du 4 octobre
1991 ;
•
Déclaration de Rio de Janeiro sur l'environnement et le développement du
13 juin 1992 ;
• Accord général sur le Commerce et des
Services du 15 avril 1994 ;
• Convention sur la biodiversité du 6
janvier 1995 ;
• Résolution de la XIème Assemblée
générale de l'OMT (Le Caire) sur la
prévention du tourisme sexuel organisé du 22 octobre 1995 ;
•
Déclaration de Stockholm contre l’exploitation sexuelle d’enfants à des
fins commerciales du 28 août 1996 ;
•
Déclaration de Manille sur l'impact du
tourisme sur la société, du 22 mai 1997 ;
• Conventions et recommandations
adoptées par l’Organisation internationale du travail en matière de conventions collectives, de prohibition
du travail forcé et du travail des
enfants, de défense des droits des
peuples autochtones, d’égalité de
traitement et de non discrimination
dans le travail ;
affirmons le droit au tourisme et à
la liberté
des déplacements
touris- tiques,
marquons notre volonté de promouvoir un ordre touristique mondial, équitable, responsable et durable, au bénéfice partagé de tous
les secteurs de la société, dans un
contexte d’économie internationale ouverte et libéralisée, et
proclamons solennellement à ces
fins les principes du Code mondial
d'éthique du tourisme.
Article 1
Contribution du tourisme à la compréhension
et
au
respect
mutuels entre hommes et sociétés
1. La compréhension et la promotion des valeurs éthiques communes à l’humanité, dans un esprit de
tolérance et de respect de la diversité des croyances religieuses, philosophiques et morales, sont à la
fois le fondement et la conséquence d’un tourisme responsable ; les
acteurs du développement touristique et les touristes eux-mêmes se
doivent de porter attention aux
traditions ou pratiques sociales et
culturelles de tous les peuples, y
compris celles des minorités et des
populations autochtones, et de
reconnaître leur richesse.
2. Les activités touristiques doivent
être conduites en harmonie avec
les spécificités et traditions des
régions et pays d’accueil, et dans
l’observation de leurs lois, us et
coutumes.
3. Les communautés d’accueil,
d’une part, et les acteurs professionnels locaux, d’autre part, doivent apprendre à connaître et à
respecter les touristes qui les visitent, et à s’informer sur leurs
modes de vie, leurs goûts et leurs
attentes ; l’éducation et la formation qui sont délivrées aux professionnels contribuent à un
accueil hospitalier.
4. Les autorités publiques ont pour
mission d’assurer la protection des
touristes et visiteurs, et de leurs
biens ; elles doivent porter une
attention spéciale à la sécurité des
touristes étrangers, en raison de la
vulnérabilité particulière qui peut
être la leur ; elles facilitent la mise
en place de moyens d’information,
de prévention, de protection, d’assurance et d’assistance spécifiques,
correspondants à leurs besoins ; les
attentats, agressions, enlèvements
ou menaces visant les touristes ou
les travailleurs de l’industrie touristique, de même que les destructions volontaires d’installations
touristiques ou d'éléments du
patrimoine culturel ou naturel, doivent être sévèrement condamnés
et réprimés conformément à leurs
législations nationales respectives.
5. Les touristes et visiteurs doivent
se garder, à l’occasion de leurs
déplacements, de tout acte criminel ou considéré comme délictueux
au regard des lois du pays visité, et
de tout comportement ressenti
comme choquant ou blessant par
les populations locales, ou encore
susceptible de porter atteinte à
l’environnement local ; ils s’abstiennent de tout trafic de drogue,
d’armes, d’antiquités, d’espèces
protégées, ainsi que de produits et
substances dangereux ou prohibés
par les réglementations nationales.
6. Les touristes et visiteurs ont la
responsabilité de chercher à s’informer, avant même leur départ,
sur les caractéristiques des pays
qu’ils s’apprêtent à visiter ; ils doivent avoir conscience des risques
en matière de santé et de sécurité
inhérents à tout déplacement hors
de leur environnement habituel, et
se comporter de manière à minimiser ces risques.
2. Les activités touristiques doivent
respecter l’égalité des hommes et
des femmes ; elles doivent tendre à
promouvoir les droits de l’homme
et, spécialement, les droits particuliers des groupes les plus vulnérables, notamment les enfants, les
personnes âgées ou handicapées, les
minorités ethniques et les peuples
autochtones.
3. L'exploitation des êtres humains
sous toutes ses formes, notamment
sexuelle, et spécialement lorsqu’elle
s’applique aux enfants, porte atteinte aux objectifs fondamentaux du
tourisme et constitue la négation de
celui-ci ; à ce titre, conformément au
droit international, elle doit être
rigoureusement combattue avec la
coopération de tous les États concernés
et
sanctionnée
sans
concession par
les législations
nationales tant des pays visités
que de ceux des auteurs de ces
actes, quand
bien même ces
derniers sont accomplis à l’étranger.
4. Les déplacements pour des motifs
de religion, de santé, d’éducation et
d’échanges culturels ou linguistiques
constituent des formes particulièrement intéressantes de tourisme, qui
méritent d’être encouragées.
5. L’introduction dans les programmes d’éducation d’un enseignement
sur la valeur des échanges touristiques, leurs bénéfices économiques,
sociaux et culturels, mais aussi leurs
risques, doit être encouragée.
Article 2
Le tourisme, vecteur d’épanouissement individuel et collectif
1. Le tourisme, activité le plus souvent associée au repos, à la détente, au sport, à l’accès à la culture et
à la nature, doit être conçu et pratiqué comme un moyen privilégié
de l’épanouissement individuel et
collectif ; pratiqué avec l’ouverture
d’esprit nécessaire, il constitue un
facteur irremplaçable d’auto-éducation personnelle, de tolérance
mutuelle et d’apprentissage des
différences légitimes entre peuples
et cultures, et de leur diversité.
Article 3
Le tourisme, facteur de
développement durable
1. Il est du devoir de l'ensemble des
acteurs du développement touristique de sauvegarder l'environnement et les ressources naturels,
dans la perspective d'une croissance
économique saine, continue et
durable, propre à satisfaire équitablement les besoins et les aspirations des générations présentes et
futures.
2. L’ensemble des modes de développement touristique permettant
d’économiser les ressources naturelles rares et précieuses, notamment
l’eau et l’énergie, ainsi que d'éviter
dans toute la mesure du possible la
production de déchets devront être
privilégiés et encouragés par les
autorités
publiques nationales,
régionales et locales.
3. L’étalement dans le temps et
dans l’espace des flux de touristes
et de visiteurs, spécialement celui
résultant des congés payés et des
vacances scolaires un meilleur équilibre de la fréquentation doivent
être recherchés de manière à réduire la pression de l’activité touristique sur l’environnement, et à
accroître son impact bénéfique sur
l'industrie touristique et l’économie locale.
4. Les infrastructures doivent être
conçues et les activités touristiques
programmées de sorte que soit
protégé le patrimoine naturel
constitué par les écosystèmes et la
biodiversité, et que soient préservées les espèces menacées de la
faune et de la flore sauvages ; les
acteurs du développement touristique, et notamment les professionnels, doivent consentir à ce que
des limitations ou contraintes
soient imposées à leurs activités
lorsque celles-ci s’exercent dans des
espaces particulièrement sensibles :
régions désertiques, polaires ou de
haute montagne, zones côtières,
forêts tropicales ou zones humides,
propices à la création de parcs
naturels ou de réserves protégées.
5. Le tourisme de nature et l’écotourisme sont reconnus comme des
formes particulièrement enrichissante et valorisante de tourisme dès
lors qu’ils s’inscrivent dans le respect du patrimoine naturel, et des
populations locales et répondent à
la capacité d’accueil des sites.
Article 4
Article 5
Le tourisme, utilisateur du patrimoine culturel de l’humanité et
contribuant à son enrichissement
Le tourisme, activité bénéfique
pour les pays et communautés
d’accueil
1. Les ressources touristiques appartiennent au patrimoine commun de
l'humanité ; les communautés sur les
territoires desquelles elles se situent
ont vis-à-vis d’elles des droits et des
obligations particuliers.
1. Les
populations
locales
sont
associées
aux
activités
touristiques
et
participent
équitablement
aux bénéfices
économiques, sociaux et culturels
qu’elles
génèrent,
et
spécialement aux créations d’emplois
directes et indirectes qui en résultent.
2. Les politiques et activités touristiques sont menées dans le respect
du patrimoine artistique, archéologique et culturel, qu'elles doivent
protéger et transmettre aux générations futures ; un soin particulier
est accordé à la préservation et à la
mise en valeur des monuments,
sanctuaires et musées, de même
que des sites historiques ou archéologiques, qui doivent être largement ouverts à la fréquentation
touristique ; doit être encouragé
l’accès du public aux biens et
monuments culturels privés, dans
le respect des droits de leurs propriétaires, de même qu’aux édifices
religieux, sans préjudice des nécessités du culte.
3. Les ressources tirées de la fréquentation des sites et monuments
culturels ont vocation, au moins
partiellement, à être utilisées pour
l’entretien, la sauvegarde, la valorisation et l’enrichissement de ce
patrimoine.
4. L’activité touristique doit être
conçue de manière à permettre la
survie et l’épanouissement des productions culturelles et artisanales
traditionnelles ainsi que du folklore, et non à provoquer leur standardisation et leur appauvrissement.
2. Les politiques touristiques doivent être conduites de telle sorte
qu’elles contribuent à l'amélioration des niveaux de vie des populations des régions visitées et répondent à leurs besoins ; la conception
urbanistique et architecturale et le
mode d’exploitation des stations et
hébergements doivent viser à leur
meilleure intégration possible dans
le tissu économique et social local ;
à compétence égale, l’emploi de la
main d’œuvre locale doit être
recherché en priorité.
3. Une attention particulière doit
être portée aux problèmes spécifiques des zones côtières et territoires insulaires, ainsi que des régions
rurales ou de montagne fragiles,
pour lesquels le tourisme représente souvent l’une des rares opportunités de développement face au
déclin des activités économiques
traditionnelles.
4. Les professionnels du tourisme,
notamment les investisseurs, doivent, dans le cadre des réglementations
établies par les autorités
publiques, procéder aux études
d’impact de leurs projets de développement, sur l’environnement et
les milieux naturels ; ils doivent
également délivrer, avec la plus
grande transparence et l’objectivité requise, les informations quant à
leur programmes futurs, et leurs
retombées prévisibles, et faciliter
un dialogue sur leur contenu avec
les populations intéressées.
Article 6
Obligations des acteurs du
développement touristique
1. Les acteurs professionnels du
tourisme ont l’obligation de fournir aux touristes une information
objective et sincère sur les lieux de
destination, et sur les conditions de
voyage, d'accueil et de séjour ; ils
assurent la parfaite transparence
des clauses des contrats proposés à
leurs clients, tant en ce qui concerne la nature, le prix et la qualité
des prestations qu'ils s'engagent à
fournir que les contreparties financières qui leur incombent en cas de
rupture unilatérale de leur part,
desdits contrats.
2. Les professionnels du tourisme,
pour autant que cela dépend
d’eux, se préoccupent, en coopération avec les autorités publiques,
de la sécurité, de la prévention des
accidents, de la protection sanitaire
et de l’hygiène alimentaire de ceux
qui font appel à leurs services ; ils
veillent à l’existence de systèmes
d’assurance et d’assistance adaptés ;
ils acceptent l'obligation de rendre
des comptes, selon des modalités
prévues par les réglementations
nationales, et, le cas échéant, de
verser une indemnisation équitable
en cas de non respect de leurs obligations contractuelles.
3. Les professionnels du tourisme,
pour autant que cela dépend
d’eux, contribuent au plein épanouissement culturel et spirituel
des touristes et permettent l’exercice, pendant les déplacements, de
leur culte religieux.
4. Les autorités publiques des États
d’origine et des pays d’accueil, en
liaison avec les professionnels intéressés et leurs associations, veillent
à la mise en place des mécanismes
nécessaires au rapatriement des
touristes en cas de défaillance des
entreprises ayant organisé leurs
voyages.
5. Les gouvernements ont le droit
–et le devoir– spécialement en cas
de crise, d’informer leurs ressortissants des conditions difficiles, voire
des dangers, qu’ils peuvent rencontrer à l’occasion de leurs déplacements à l’étranger ; il leur incombe
cependant de délivrer de telles
informations sans porter atteinte
de manière injustifiée ou exagérée
à l’industrie touristique des pays
d’accueil et aux intérêts de leurs
propres opérateurs ; le contenu
d’éventuelles mises en garde devra
donc être préalablement discuté
avec les autorités des pays d’accueil
et les professionnels intéressés ; les
recommandations formulées seront
strictement proportionnées à la
gravité des situations rencontrées
et limitées aux zones géographiques
où l’insécurité est avérée ; elles
devront être allégées ou annulées
dès que le retour à la normale le
permettra.
6. La presse, notamment la presse
touristique spécialisée, et les autres
médias, y compris les moyens
modernes de communication électronique, doivent délivrer une
information honnête et équilibrée
sur les événements et situations
susceptibles d’influer sur la fréquentation touristique ; ils ont également pour mission d’apporter
des indications précises et fiables
aux consommateurs de services
touristiques ; les nouvelles technologies de la communication et du
commerce électronique doivent
également être développées et utilisées à cette fin ; de même que la
presse et les médias, elles ne doivent en aucune manière favoriser
le tourisme sexuel.
Article 7
Droit au tourisme
1. La possibilité d’accéder, directement et personnellement, à la
découverte des richesses de la
planète constitue un droit également ouvert à tous les habitants du
monde ; la participation toujours
plus étendue au tourisme national
et international doit être considérée comme l’une des meilleures
expressions possible de la croissance continue du temps libre, et
ne pas se voir opposée d’obstacles.
2. Le droit au tourisme pour tous
doit être regardé comme le corollaire de celui au repos et aux loisirs, et notamment du droit à une
limitation raisonnable de la durée
du travail et à des congés payés
périodiques, garanti par l'article 24
de la Déclaration universelle des
droits de l'homme et l'article 7.d du
Pacte international relatif aux
droits économiques, sociaux et culturels.
3. Le tourisme social, et notamment le tourisme associatif, qui
permet l'accès du plus grand nombre aux loisirs, aux voyages et aux
vacances, doit être développé avec
l'appui des autorités publiques.
4. Le tourisme des familles, des jeunes et des étudiants, des personnes
âgées et des handicapés doit être
encouragé et facilité.
Article 8
Liberté
déplacements
touristiques
des
1. Les touristes et visiteurs bénéficient, dans le respect du droit
international et des législations
nationales, de la liberté de circuler
à l’intérieur de leur pays comme
d'un État à un autre, conformément à l’article 13 de la Déclaration
universelle des droits de l’homme ;
ils doivent pouvoir accéder aux
zones de transit et de séjour ainsi
qu’aux sites touristiques et culturels sans formalité exagérée ni discrimination.
2. Les touristes et visiteurs se voient
reconnaître la faculté d'utiliser
tous les moyens de communication
disponibles, intérieurs ou extérieurs ; ils doivent bénéficier d’un
prompt et facile accès aux services
administratifs, judiciaires et de
santé locaux ; ils peuvent librement
contacter les autorités consulaires
du pays dont ils sont ressortissants
conformément aux conventions
diplomatiques en vigueur.
3. Les touristes et visiteurs bénéficient des mêmes droits que les
citoyens du pays visité quant à la
confidentialité des données et
informations personnelles les
concernant, notamment lorsque
celles-ci sont stockées sous forme
électronique.
4. Les procédures administratives
de passage des frontières, qu’elles
relèvent des États ou résultent
d’accords internationaux, telles
que les visas, ou les formalités sanitaires et douanières, doivent être
adaptées de manière à faciliter la
liberté des voyages et l’accès du
plus grand nombre au tourisme
international ; les accords entre
groupes de pays visant à harmoniser et simplifier ces procédures doivent être encouragés ; les impôts
et charges spécifiques pénalisant
l’industrie touristique et portant
atteinte à sa compétitivité doivent
être progressivement éliminés ou
corrigés.
5. Les voyageurs doivent pouvoir
disposer, autant que la situation
économique des pays dont ils sont
originaires le permet, des allocations de devises convertibles nécessaires à leurs déplacements.
Article 9
Droits
des
travailleurs
et des entrepreneurs de
l’industrie touristique
1. Les droits fondamentaux des
travailleurs salariés et indépendants de l’industrie touristique et
des activités connexes, doivent
être assurés sous le contrôle des
administrations tant de leurs États
d'origine que de celles des pays
d'accueil, avec un soin particulier
compte tenu des contraintes spécifiques liées notamment à la saisonnalité de leur activité, à la dimension globale de leur industrie et à
la flexibilité qu’impose souvent la
nature de leur travail.
2. Les travailleurs salariés et indépendants de l’industrie touristique et des activités connexes ont
le droit et le devoir d'acquérir une
formation adaptée, initiale et continue ; une protection sociale adéquate leur est assurée ; la précarité
de l'emploi doit être limitée dans
toute la mesure du possible ; un
statut particulier, notamment pour
ce qui concerne leur protection
sociale, doit être proposé aux travailleurs saisonniers du secteur.
3. Toute personne physique et
morale, dès lors qu’elle fait preuve
des dispositions et qualifications
nécessaires, doit se voir reconnaître le droit de développer une activité professionnelle dans le domaine du tourisme, dans le cadre des
législations nationales en vigueur ;
les entrepreneurs et les investisseurs –spécialement dans le domaine des petites et moyennes entreprises– doivent se voir reconnaître
un libre accès au secteur touristique avec un minimum de restrictions légales ou administratives.
4. Les échanges d’expériences
offertes aux cadres et travailleurs,
salariés ou non, de pays différents,
contribuent à l’épanouissement de
l’industrie touristique mondiale ; ils
doivent être facilités autant que
possible, dans le respect des législations nationales et conventions
internationales applicables.
5. Facteur irremplaçable de solidarité dans le développement et
de dynamisme dans les échanges
internationaux, les entreprises
multinationales de l’industrie touristique ne doivent pas abuser des
situations de positions dominantes
qu’elles détiennent parfois ; elles
doivent éviter de devenir le vecteur de modèles culturels et
sociaux artificiellement imposés
aux communautés d’accueil ; en
échange de la liberté d’investir et
d’opérer commercialement qui
doit leur être pleinement reconnue, elles doivent s’impliquer dans
le développement local en évitant
par le rapatriement excessif de
leurs bénéfices ou par leurs importations induites, de réduire la contribution qu’elles apportent aux
économies où elles sont implantées.
6. Le partenariat et l’établissement
de relations équilibrées entre
entreprises des pays générateurs et
récepteurs concourent au développement durable du tourisme et à
une répartition équitable des
bénéfices de sa croissance.
Article 10
Mise en œuvre des principes
du Code mondial d’éthique
du tourisme
1. Les acteurs publics et privés du
développement touristique coopèrent dans la mise en œuvre
des présents principes et se doivent d'exercer un contrôle de leur
application effective.
2. Les acteurs du développement
touristique reconnaissent le rôle
des institutions internationales,
au premier
rang desquelles
l’Organisation mondiale du tourisme, et des organisations non
gouvernementales compétentes
en matière de promotion et de
développement du tourisme, de
protection des droits de l'homme,
d'environnement ou de santé,
dans le respect des principes
généraux du droit international.
3. Les mêmes acteurs manifestent
l’intention de soumettre, à fin de
conciliation, les litiges relatifs à
l'application ou à l'interprétation
du Code mondial d'éthique du
tourisme à un organisme tiers
impartial dénommé : Comité
mondial d’éthique du tourisme.
94
L’Organisation mondiale du tourisme est la
seule organisation intergouvernementale
faisant office de tribune au niveau mondial
en ce qui concerne les politiques de tourisme
et les questions s’y rattachant. Ses Membres
comptent 144 pays et territoires et plus de
350 Membres affiliés appartenant aux
secteurs public et privé. L’OMT a pour mission
de promouvoir et de développer le tourisme
en tant qu’important instrument de paix et
de compréhension internationales ,
favorisant le développement économique
et le commerce international.
www.world-tourism.org
95
Sommaire
Actualité
Accueil | Contact
Paris, le 29 novembre 2004
Pour plus d'informations:
Les Français et la consommation éthique,
équitable et solidaire
- Sondage exclusif CSA / LA COORDINATION DES
ASSOCIATIONS DE CONSOMMATEURS -
Jean-Daniel Lévy
Directeur du Département
Politique-Opinion de CSA
Fiche Technique :
E-mail : [email protected]
CSA
22, rue du 4 Septembre
BP 6571 - 75065 Paris Cedex 2
Sondage exclusif CSA / LA COORDINATION DES ASSOCIATIONS DE
CONSOMMATEURS réalisé par téléphone les 17 et 18 novembre 2004.
Echantillon national représentatif de 1005 personnes âgées de 18 ans et
plus, constitué d'après la méthode des quotas (sexe, âge, profession du chef
de ménage), après stratification par région et catégorie d'agglomération.
Tél. 01 44 94 59 10 / 11
Fax. 01 44 94 34 00
96
I - LA NOTORIÉTÉ DES PRODUITS ET COMPORTEMENTS D'ACHAT
QUESTION : Lorsque vous achetez un produit de consommation courante tenez vous compte des
conditions d'élaboration du produit du point de vue du respect de l'environnement et des
conditions de travail (sécurité de l'emploi, respect des droits des travailleurs…) ?
Souvent / De temps en temps
- Souvent
- De temps en temps
Rarement / Jamais
- Rarement
- Jamais
- Ne se prononcent pas
TOTAL
Ensemble des
Français
%
71
42
29
29
15
14
100
QUESTION : Pour quelles raisons ne tenez- vous pas davantage compte de ces critères ?
- J'ai d'autres critères de choix plus
importants (prix, qualité, habitudes)
- Je n'ai pas assez d'informations
- Ne se prononcent pas
TOTAL
Ensemble des
Français
%
51
43
6
100
QUESTION : D'après ce que vous savez, existe-t-il des produits de consommation courante
favorisant l'emploi de personnes en difficulté et/ou marginalisées ?
- Oui
- Non
- Ne se prononcent pas
TOTAL
Ensemble des
Français
%
57
39
4
100
QUESTION : D'après ce que vous savez, existe-t-il une offre de produits de consommation
97
courante permettant de mieux rémunérer les producteurs des pays du Sud ?
- Oui
- Non
- Ne se prononcent pas
TOTAL
Ensemble des
Français
%
49
42
9
100
II - PERCEPTIONS ET JUGEMENT DES PRODUITS ÉQUITABLES ET SOLIDAIRES
QUESTION : On appelle « produits équitables » des produits qui visent à améliorer la
rémunération des producteurs des pays du Sud et donc leurs conditions de vie. Quand sur un
produit l'étiquette fait référence à une démarche équitable, pour vous est-ce avant tout de la
part de l'entreprise qui fabrique ce produit… ?
- Une démarche marketing
- Un engagement correspondant à une philosophie
- Ne se prononcent pas
TOTAL
Ensemble des
Français
%
51
47
2
100
98
QUESTION : Selon vous, que faudrait-il pour développer les ventes de produits équitables en
France ?
(Réponses données à l'aide d'une liste)
- Un meilleur rapport qualité / prix
- Une information plus importante sur ces produits
- Un cadre réglementaire permettant d'être certain que le
produit correspond vraiment aux règles du commerce
équitable
- Une meilleure signalisation en magasin
- Un accroissement du nombre de points de vente de ces
produits
- Un plus grand choix de produits
- Rien de tout cela (réponse spontanée)
- Ne se prononcent pas
TOTAL
Ensemble des
Français
%
43
36
27
27
13
11
1
(1)
(1) Total supérieur à 100, les interviewés ayant pu donner deux réponses.
QUESTION : Pour chacun des produits et services suivants, dites-moi si vous pensez qu'il est
possible qu'il soit conçu ou produit dans des conditions ne respectant pas les règles minimales de
protection des travailleurs… ?
%
- Les vêtements
- Les jouets
- Les autres produits alimentaires
- Les fruits et légumes
- Le mobilier, la décoration
- L'électroménager
- Le tourisme (comme les voyages à
l'étranger…)
- Les services (comme l'hôtellerie, la
restauration,…)
- Les produits de l'artisanat
- Les produits domestiques
- Les appareils informatiques
- Les produits issus de la pêche
100
100
100
100
100
100
100
Ensemble des Français
Possible
Pas
Ne se
possible
prononcent
pas
80
19
1
76
23
1
73
25
2
72
27
1
71
27
2
70
28
2
68
28
4
100
68
29
3
100
100
100
100
68
67
64
62
30
30
30
35
2
3
6
3
99
QUESTION : Parmi les acteurs suivants, lesquels vous semblent les plus aptes à encourager le
développement de pratiques éthiques de la part des entreprises ?
(Réponses données à l'aide d'une liste)
- Les consommateurs
- Les associations de consommateurs
- Les salariés
- Les syndicats
- Les médias
- Les dirigeants des entreprises
- L'Union Européenne
- L'ONU
- Les Etats
- L'OMC (Organisation Mondiale du Commerce)
- Les actionnaires
- Aucun de ces acteurs (réponse spontanée)
- Ne se prononcent pas
TOTAL
Ensemble des
Français
%
42
39
27
23
19
19
15
13
13
9
9
2
2
(1)
(1) Total supérieur à 100, les interviewés ayant pu donner trois réponses.
QUESTION : Seriez-vous favorable à l'existence d'un logo officiel qui distinguerait les entreprises
allant au-delà des obligations réglementaires sur le plan social et environnemental ?
Favorable
- Favorable, j'en tiendrai certainement compte dans
le choix de mes achats
- Favorable, mais je ne suis pas certain d'en tenir
compte dans le choix de mes achats
Défavorable
- Défavorable, car les prix risquent d'augmenter
- Défavorable, car mes achats sont avant tout
déterminés par la qualité du produit
- Défavorable, car le traitement des salariés, le
respect de l'environnement ne devrait pas être un
enjeu de compétition commerciale
- Ne se prononcent pas
TOTAL
Ensemble des
Français
%
75
54
21
24
7
3
14
1
100
100
Bibliographie
Ouvrages
ALLEMAND, Sylvain (coord.). Les nouveaux utopistes de l’économie : consommer, fabriquer…
différemment. Paris : Editions Autrement, 2005.
BABOU I., CALLOT P., Les dilemmes du tourisme. Paris : Edition Vuibert, 2007.
BIALSKi, Paula. Intimate tourism : enquête dans un réseau d’hospitalité. Traduction de Clotilde
Maudoumier et Marie Thomasson, Limoges : Edition Solilang, 2009.
BLANGY, Sylvie. Le guide des destinations indigènes – Tourisme équitable. Montpellier : Indigène
édition, 2006.
BOYER, Marc. Histoire du tourisme de masse. Paris : PUF - Que sais-je ?, 1999.
BREE, Joël. Le comportement du consommateur. Paris : Dunod, 2009.
CUVELIER, Pascal. Anciennes et nouvelles formes de tourisme. Paris : L’Harmattan, 1998.
DARPY,D. et VOLLE, P., Comportement du consommateur. Paris : Dunod, 2007.
DOUSSIN, Jean-Pierre. Le commerce équitable. Paris : PUF - Que sais-je ?, 2009.
FERRANDO J., GIAMPORCARO-SAUNIERE S. (coord.), Pour une « autre » consommation : sens et
émergence d’une consommation politique. Paris : L’Harmattan, 2005.
GAGNON C., GAGNON S. (coord.), L’écotourisme : entre l’arbre et l’écorce. Québec : Presses de
l’Université du Québec, 2007.
KADT, Emmanuel de. Tourisme, passeport pour le développement ?. Paris : Editions Economica, 1980
LAMIC, Jean-Pierre. Tourisme durable : utopie ou réalité ?. Pairs : L’Harmattan, 2008.
MARTIN, Boris (coord.) Voyager autrement : vers un tourisme responsable et solidaire. Paris : Edition
Charles Léopold Mayer, 2004.
SOLOMON, Michael. Comportement du consommateur. TISSIER-DESBORDES E. et HEILBRUNN B. pour
l’édition française. Paris : Pearson Education, 2005.
VIALFONT, Stéphanie. Tourisme équitable : à la découverte de l’Autre… et de soi. Bernex-Genève :
Jouvence éditions, 2008.
Ouvrages Universitaires
BOURGOIN, Gildas. De quelle manière le tourisme solidaire et équitable peut-il devenir un levier de
développement ? L’exemple de l’association Aina à Madagascar. Mémoire : Tourisme et
Développement : Toulouse 2 : 2006
101
CHASSINIOL, Estelle. L’interculturalité, le rapport visiteurs/visités : comment développer le tourisme
sans pour autant bouleverser les identités et cultures locales ?.
Mémoire : Tourisme et
Développement : Toulouse 2 : 2008
OZCAGLAR TOULOUSE, Nil. Apport du concept d’identité à la compréhension du comportement du
consommateur responsable : une application à la consommation des produits issus du commerce
équitable. Thèse : Sciences de Gestion : Lille 2 : 2005
Revues
« Tourisme et éthique », Editions ESPACES Tourisme et Loisirs, Collection Revue Espaces n°171, mai
2000.
« Le tourisme autrement », Alternatives Economiques, hors-série n°33, mars 2008.
La Gazette officielle du tourisme, N°1969, 27/08/2008.
Articles
BASTENIER, Albert. Le tourisme, utopie contemporaine. La Revue Nouvelle, N° 1 – 2, janvier – février
2006.
BOT, Sandrine. Construction et mise en place du système d’évaluation de l’ATES. In Tourisme
responsable, clé d’entrée du développement territorial durable : guide pour la réflexion, Laurent A.
(coord.).
CHABLOZ, Nadège. Le Malentendu. Nouvelles ( ?) frontières du tourisme. Actes de la recherche en
sciences sociales, n°170, décembre 2007.
CRAVATTE, Céline in DOQUET, A., LE MENESTREL, S. (coord.). Autrepart : Tourisme culturel, réseaux
et recompositions sociales. La Tour d’Aigues : Editions de l’Aube, n° 40, 2006.
DUTERME, Bertrand in Expansion du tourisme : gagnants et perdants – point de vue du Sud.
Alternatives Sud. Editions Syllepse, 2006.
GENDEBIEN, Françoise. Voyages responsables au Sud et ailleurs. La Revue Nouvelle, N° 1 – 2, janvier
– février 2006.
MICHEL, Franck. Hello Mister ! Quand les autochtones rencontrent les touristes en Indonésie.
Ethnologie Française, 2002/2, XXXII, pages 475 à 487. Presses Universitaires de France.
RAUCH, André. Le tourisme ou la construction de l’étrangeté. Ethnologie Française, 2002/2, XXXII,
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VALAYER, Dora. Pour une révolution du tourisme. Le Monde Diplomatique, juillet 1997.
Le SNAV tend la main à l’association ATES. L’écho touristique. 14/05/2009.
102
Sites Internet
http://www.croqnature.com/tourismeequitable.htm, 24/04/10
http://www.universalis.fr/encyclopedie/consommation-comportement-du-consommateur, 30/04/10
Flux RSS quotidiens Tourmagazine, www.tourmagazine.fr
Documents électroniques
CANEL DEPITRE, Béatrice. Développement Durable et Comportement Citoyen du Consommateur,
Università Ca’ Foscari Venezia 24 Novembre 2000
http://www.escp-eap.net/conferences/marketing/pdf/canel.pdf.
JEUDY, Emmanuel. Le développement de la consommation citoyenne en Europe. CREDOC. 04/1998.
MARCHAND, A., DE CONINCK, P., WALKER, S., La consommation responsable : perspectives nouvelles
dans les domaines de la conception de produits. Nouvelles pratiques sociales, Volume 18, numéro 1,
Automne 2005, pages 39 à 56.
Sources diverses
CONTE, Bernard. Dix bonnes raisons de douter du commerce équitable. Présentation PowerPoint.
Séminaire Moisa, Montpellier, 11 et 12 janvier 2007.
HIGGINS-DESBIOLLES, Freya. Analyse du Code Mondial d’Ethique du Tourisme, Université de South
Australia.
O’ROURKE Denis, Cannibal Tours (film), Institut des études de Papouasie Nouvelle-Guinée (Sydney),
Channel Four (Londres), 1988.
OZCAGLAR TOULOUSE, N., DIAZ PEDREGAL, V., PARODI, G. Le commerce équitable : un « juste
commerce » ou « juste un commerce » pour les consommateurs ?. Présentation PowerPoint.
Séminaire Moisa, Montpellier, 11 et 12 janvier 2007.
POOS Samuel. Le tourisme équitable et solidaire. Document de travail. Trade for Development
Center, mars 2009.
VIARD, Jean. Conférence à l’Université Toulouse – Le Mirail, 2009.
Sensibilité des clientèles tourisme durable. Atout France. Note de synthèse, 08/2008.
Etude Observatoire Cetelem, BNP Paribas, Consommer en 2010 : pas moins mais mieux.
Le tourisme solidaire vu par les voyageurs français : notoriétés, images et perspectives. Enquête de
l’UNAT, 2002.
103
Table des matières
REMERCIEMENTS
4
SOMMAIRE
5
INTRODUCTION GENERALE
7
PARTIE I : LE DEVELOPPEMENT D’UNE FORME ALTERNATIVE DE TOURISME
9
CHAPITRE 1 : UNE CONSTRUCTION A L’ENCONTRE DU TOURISME DE MASSE
11
1. LE BILAN DU TOURISME DE MASSE
11
1.1. PROBLEMES ECONOMIQUES
11
1.1.1. Point de vue macroéconomique
11
1.1.2. Point de vue microéconomique
13
1.2. PROBLEMES ENVIRONNEMENTAUX
13
1.2.1. De nombreux moyens de transports
13
1.2.2. Une utilisation des ressources excessive
14
1.2.3. Une dégradation de l’espace
14
1.3. PROBLEMES SOCIAUX ET CULTURELS
15
1.3.1. Le voyage comme trophée
15
1.3.2. Une incompréhension entre les deux cultures
15
1.3.3. La domination du touriste sur les autochtones
16
2. LA NAISSANCE DU TOURISME SOLIDAIRE
17
3. LE TOURISME SOLIDAIRE ET EQUITABLE : UN ENJEU SOCIOLOGIQUE
18
3.1. LA RENCONTRE ENTRE LE VOYAGEUR ET SON HOTE
18
3.1.1. Une expérience humaine véritable
18
3.1.2. Une formation à la rencontre
18
3.2. LE RESPECT DES IDENTITES DE CHACUN
19
CHAPITRE 2 : UNE ECONOMIE PLUS EQUITABLE
20
1. L’ENJEU ECONOMIQUE: LE DEVELOPPEMENT LOCAL
20
104
1.1. LE DEVELOPPEMENT COMMUNAUTAIRE
20
1.2. UNE ECONOMIE D’APPOINT
21
2. UN SYSTEME PARTICIPATIF
22
2.1. DEPUIS SA CONCEPTION…
22
2.2. JUSQU’AUX BENEFICES
23
3. UN SYSTEME D’ACTEURS PARTICULIER
23
3.1. L’ORGANISME MONDIALE DU TOURISME : UN ACTEUR PEU IMPLIQUE
23
3.2. LES ASSOCIATIONS AU CŒUR DU SYSTEME
25
3.2.1. L’ATES
25
3.2.2. Les autres associations
27
3.3. LE PARTENARIAT AU CŒUR DU TOURISME SOLIDAIRE
28
3.3.1. Un échange de compétences
28
3.3.2. Un partenariat Nord-Sud
28
3.3.3. Des engagements regroupés dans une charte
29
3.3.4. Un schéma récapitulatif
30
CHAPITRE 3 : LES LIMITES D’UN TEL SYSTEME
32
1. DES MICROPROJETS DANS UNE ECONOMIE TOUJOURS MONDIALISEE
32
1.1. UN ESPRIT MILITANT
32
1.2. LES ASSOCIATIONS SONT AUSSI DES VENDEURS
32
1.3. LE MICRO-PROJET RESOUT-IL DES MICRO-PROBLEMES ?
33
2. LES PROBLEMES DE LA RENCONTRE
35
2.1. LES POPULATIONS LOCALES PLUS VULNERABLES
35
2.2. LA COMPLEXITE DU TOURISTE
36
3. DES PORTEES ENVIRONNEMENTALES DIFFICILES
36
3.1. L’HUMAIN PASSE APRES L’ENVIRONNEMENT
36
3.2. UNE SITUATION ENVIRONNEMENTALE COMPLEXE
37
4. UN MARCHE DE NICHE ET UNE GRANDE CONCURRENCE ENTRE LES GENRES
37
4.1. DES IDEOLOGIES DIFFERENTES
38
4.2. DES PROBLEMES ECONOMIQUES SUR LE LONG TERME
38
4.3. UN TOURISME ELITISTE
39
5. LA PROBLEMATIQUE DU TOURISTE EN TANT QUE CONSOMMATEUR
40
5.1. UN MISSIONNAIRE PLUTOT QU’UN TOURISTE
40
5.2. LE REJET DU MARKETING
41
105
PARTIE II : LE TOURISME SOLIDAIRE ET EQUITABLE COMME CONSOMMATION RESPONSABLE
43
CHAPITRE 1 : UNE NOUVELLE FORME DE CONSOMMATION : LA CONSOMMATION RESPONSABLE 45
1. LA CONSTRUCTION DE LA CONSOMMATION RESPONSABLE
45
1.1. UNE DEMARCHE CONTRE LA SUR-CONSOMMATION
45
1.2. DE LA CONSOMMATION A LA CONSOMMATION RESPONSABLE
46
1.2.1. Définitions de base
46
1.2.2. La consommation responsable
47
2. LES DIFFERENTS MODELES DE CONSOMMATION RESPONSABLE : DIFFERENTES FORMES DE PROTESTATION
48
2.1. LE BOYCOTT
48
2.2. LA SIMPLICITE VOLONTAIRE
48
3. UN EXEMPLE DE CONSOMMATION RESPONSABLE : LE COMMERCE EQUITABLE
49
3.1. LA MISE EN PLACE DU SYSTEME EQUITABLE
49
3.1.1. Historique
49
3.1.2. Les acteurs
50
3.1.3. Les principes
51
3.2. UN SYSTEME ECONOMIQUE A PART
52
3.2.1. Un système marchand respectueux
52
3.2.2. La notion de prix juste
53
3.3. LA CONSOMMATION EQUITABLE
55
3.3.1. Les produits équitables
55
3.3.2. Des systèmes de distribution et une labellisation qui font débat
55
3.3.3. Une consommation engagée auprès des autres
56
CHAPITRE 2 : DES CONSOMMATEURS RESPONSABLES ET ENGAGES
58
1. UNE ANALYSE DESCRIPTIVE DES CONSOMMATEURS
58
1.1. DES STATISTIQUES ECLAIRANTS
58
1.1.1. Des produits mieux connus mais peu consommés
58
1.1.2. Le prix : un frein à l’intention d’achat
58
1.2. LE(S) PROFIL(S) DU CONSOMMATEUR RESPONSABLE
59
1.2.1. Où se situe le consommateur ?
59
1.2.2. Des intentions différentes
60
2. L’ANALYSE MARKETING DE LA CONSOMMATION RESPONSABLE
61
106
2.1. LES CONCEPTS
61
2.1.1. Le comportement du consommateur
61
2.1.2. Le processus d’achat
62
2.2. LA PRISE DE DECISION
63
2.2.1. L’analyse des besoins et motivations
63
2.2.2. La notion d’implication
64
2.2.3. L’analyse des critères
64
3. LE COMPORTEMENT DU CONSOMMATEUR RESPONSABLE
65
3.1. LES ACTES DE CONSOMMATION RESPONSABLE
65
3.1.1. Des stratégies différentes
65
3.1.2. La consom’action
66
3.2. LA COMPLEXITE DU COMPORTEMENT DE CONSOMMATEUR RESPONSABLE
67
3.2.1. La motivation militante : une motivation apparente
67
3.2.2. Des attitudes différentes
68
3.2.3. Sous la volonté militante, une motivation individuelle et hédoniste
70
Les motivations cachées
70
Les critiques de ces motivations
70
CHAPITRE 3 : LE TOURISME EQUITABLE ET SOLIDAIRE COMME CONSOMMATION RESPONSABLE 72
1. APPLICATION THEORIQUE : LE COMPORTEMENT DE CONSOMMATEUR DU TOURISTE SOLIDAIRE
72
1.1. DES CONSOMMATEURS IDENTIQUES OU PRESQUE
72
1.1.1. Des profils comparables
72
1.1.2. Des motivations plus ou moins fortes
73
1.2. UNE PRISE DE DECISION DIFFICILE
74
1.2.1. Une implication forte
74
1.2.2. Des critères secondaires
75
1.2.3. Un contraste entre les intentions d’achat et les véritables achats
75
2. PISTES D’ACTIONS : LIER LE TOURISME SOLIDAIRE ET EQUITABLE AU COMMERCE EQUITABLE
76
2.1. BESOIN D’UNE STRATEGIE DE MARKETING-MIX
76
2.2. PRODUIT
77
Constat
77
Plan d’action
77
Portées
77
Limites
78
107
2.3. COMMUNICATION
78
Constat
78
Plan d’action
78
Portées
78
Limites
79
2.4. CONSOMMATEURS
79
Constat
79
Plan d’action
79
Portées
79
Limites
79
2.5. ENTREPRISES PRIVEES
80
Constat
80
Plan d’action
80
Portées
80
Limites
80
2.6. RESEAU ET DISTRIBUTION
81
Constat
81
Plan d’action
81
Portées
82
Limites
82
2.7. LABELLISATION ET CERTIFICATION
82
Constat
82
Plan d’action
82
Portées
82
Limites
83
CONCLUSION GENERALE
85
ANNEXES
87
BIBLIOGRAPHIE
101
TABLE DES MATIERES
104
108
LE TOURISME SOLIDAIRE ET EQUITABLE, NOUVELLE FORME DE CONSOMMATION
RESPONSABLE ?
Analyse du comportement de consommateur et comparaison avec le commerce équitable
Le tourisme de masse engendre de nombreux dommages sur les pays du Sud tant au niveau environnemental
que social. De nouvelles formes de tourisme ont alors vu le jour afin de diminuer ces effets pervers. Parmi eux,
le tourisme solidaire et équitable tente de faire profiter au territoire des conséquences positives de cette
activité. Il se traduit par une rencontre authentique entre le voyageur et son hôte, et par la participation à un
fonds de développement communautaire local. Cependant, le tourisme solidaire comporte des limites. Il est
notamment dépendant d’un esprit militant qui place la notion de développement au cœur du projet et ne
semble pas prendre en compte le touriste et ses besoins. La notion de marketing n’a que rarement été
abordée dans le domaine du tourisme équitable. Par conséquent, l’objectif de ce mémoire est de montrer que
le tourisme solidaire et équitable peut se développer par d’autres moyens, sans pour autant perdre ses valeurs.
Ainsi, la première hypothèse de travail se base sur la consommation responsable et l’étude du comportement
de consommateur, dont les motivations sont particulières dans ce domaine, pour permettre de comprendre
celles du touriste solidaire. La deuxième hypothèse se penche sur le rapprochement entre le tourisme
équitable et le commerce équitable comme moyen de développement de la filière.
Mots-clés : Tourisme solidaire, commerce équitable, comportements du consommateur, consommation
responsable
FAIR TOURISM, A NEW FORM OF RESPONSIBLE CONSUMPTION?
Analysis of consumer behavior and comparison with fair trade
Mass tourism causes a lot of damage in Southern countries, as far as the environment and the social issues are
concerned. New forms of tourism have been created so as to reduce these negative effects. Fair tourism is one
of them and the countries concerned should benefit from the positive consequences of this activity. It is
characterized by a genuine relationship between the traveler and his host and by a financial participation to a
local project. However, fair tourism also shows its limits. It particularly depends on the activist's belief that
development is the main issue of the project but it does not seem to take into account tourists and their needs.
The marketing perspective has rarely been seen in the field of fair tourism. The aim of my thesis is to show how
fair tourism can be developed using other tools, without having any impact on its values.
The first hypothesis analyses the characteristics of responsible consumption and consumer behavior, which
shows some particularities, to understand the tourist’s behavior. The second hypothesis relies on the link
between fair tourism and fair trade as a means to develop the activity.
Key words: Fair tourism, fair trade, consumer behavior, responsible consumption