Le tourisme solidaire et équitable, nouvelle forme de
Transcription
Le tourisme solidaire et équitable, nouvelle forme de
Mémoire écrit par: Sandrine Flower Dirigé par: Driss Boumeggouti Master 1 Tourisme et Développement Le tourisme solidaire et équitable, nouvelle forme de consommation responsable? Analyse du comportement de consommateur et comparaison avec le commerce équitable Université Toulouse-Le Mirail Centre d’Etudes du Tourisme, de l’Hôtellerie et des Industries de l’Alimentation Site de Foix Juin 2010 Le CÉTIA de l’Université de Toulouse II – Le Mirail n’entend donner aucune approbation, ni improbation dans les projets tutorés et mémoires de recherche. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur(e). Mémoire écrit par: Sandrine Flower Dirigé par: Driss Boumeggouti Master 1 Tourisme et Développement Le tourisme solidaire et équitable, nouvelle forme de consommation responsable? Analyse du comportement de consommateur et comparaison avec le commerce équitable Université Toulouse-Le Mirail Centre d’Etudes du Tourisme, de l’Hôtellerie et des Industries de l’Alimentation Site de Foix Juin 2010 Remerciements Je tiens à remercier mon maître de mémoire, Monsieur Driss Boumeggouti, pour ses précieux conseils qu’il m’a prodigués tout au long de cette année. Je remercie aussi l’ensemble des enseignants du CETIA de Foix, qui ont toujours été disponibles pour répondre à mes questions, et plus particulièrement Monsieur Pierre-Paul Pichon et Monsieur Bruno Claverie. Enfin, je remercie mon entourage qui a su me soutenir tout au long de ce travail Sommaire REMERCIEMENTS 4 SOMMAIRE 5 INTRODUCTION GENERALE 7 PARTIE I : LE DEVELOPPEMENT D’UNE FORME ALTERNATIVE DE TOURISME 9 CHAPITRE 1 : UNE CONSTRUCTION A L’ENCONTRE DU TOURISME DE MASSE 11 1. LE BILAN DU TOURISME DE MASSE 11 2. LA NAISSANCE DU TOURISME SOLIDAIRE 17 3. LE TOURISME SOLIDAIRE ET EQUITABLE : UN ENJEU SOCIOLOGIQUE 18 CHAPITRE 2 : UNE ECONOMIE PLUS EQUITABLE 20 1. L’ENJEU ECONOMIQUE: LE DEVELOPPEMENT LOCAL 20 2. UN SYSTEME PARTICIPATIF 22 3. UN SYSTEME D’ACTEURS PARTICULIER 23 CHAPITRE 3 : LES LIMITES D’UN TEL SYSTEME 32 1. DES MICROPROJETS DANS UNE ECONOMIE TOUJOURS MONDIALISEE 32 2. LES PROBLEMES DE LA RENCONTRE 35 3. DES PORTEES ENVIRONNEMENTALES DIFFICILES 36 4. UN MARCHE DE NICHE ET UNE GRANDE CONCURRENCE ENTRE LES GENRES 37 5. LA PROBLEMATIQUE DU TOURISTE EN TANT QUE CONSOMMATEUR 40 PARTIE II : LE TOURISME SOLIDAIRE ET EQUITABLE COMME CONSOMMATION RESPONSABLE 43 CHAPITRE 1 : UNE NOUVELLE FORME DE CONSOMMATION : LA CONSOMMATION RESPONSABLE 45 1. LA CONSTRUCTION DE LA CONSOMMATION RESPONSABLE 45 2. LES DIFFERENTS MODELES DE CONSOMMATION RESPONSABLE : DIFFERENTES FORMES DE PROTESTATION 48 3. UN EXEMPLE DE CONSOMMATION RESPONSABLE : LE COMMERCE EQUITABLE 49 CHAPITRE 2 : DES CONSOMMATEURS RESPONSABLES ET ENGAGES 58 1. UNE ANALYSE DESCRIPTIVE DES CONSOMMATEURS 58 2. L’ANALYSE MARKETING DE LA CONSOMMATION RESPONSABLE 61 3. LE COMPORTEMENT DU CONSOMMATEUR RESPONSABLE 65 CHAPITRE 3 : LE TOURISME EQUITABLE ET SOLIDAIRE COMME CONSOMMATION RESPONSABLE 72 1. APPLICATION THEORIQUE : LE COMPORTEMENT DE CONSOMMATEUR DU TOURISTE SOLIDAIRE 72 2. PISTES D’ACTIONS : LIER LE TOURISME SOLIDAIRE ET EQUITABLE AU COMMERCE EQUITABLE 76 CONCLUSION GENERALE 85 ANNEXES 87 BIBLIOGRAPHIE 101 TABLE DES MATIERES 104 Introduction Générale « Comment ont été éduqués les regards pour que le lointain soit devenu plus séduisant que le proche, l’ancien plus passionnant que le contemporain ? » André Rauch Découvrir le monde a toujours été considéré comme une activité enrichissante pour un individu. Se retrouver au contact de populations et de coutumes différentes permet de prendre du recul sur soi et sur sa propre société. Il était donc logique que chacun puisse profiter des ces expériences formatrices. Le tourisme s’est fondé sur cette envie de découverte. L’évolution de la société, des habitudes et des lois a permis à de plus en plus de personnes de partir en voyage. Seulement ce tourisme de masse n’a, semble-t-il, plus respecté ces valeurs d’échanges et d’apprentissage. Il est accusé d’avoir détruit les ressources naturelles, économiques et culturelles des pays les plus défavorisés. Des millions de touristes ont en effet été envoyés dans des pays sans avoir aucun contact avec ses habitants. Des villages-vacances ont été construits comme de véritables enclaves, ne faisant profiter que du paysage au détriment des populations résidentes. Les touristes se sont plus intéressés aux cultures mortes qu’à celles vivantes, tout proche d’eux. On reproche au tourisme d’être devenu une véritable industrie où les profits ont pris une place plus importante que les individus impliqués. Des voix se sont élevées contre cette pratique abusive. Des personnes militantes ont décidé de mettre en place des formes de tourisme qui concilient à la fois plaisir du touriste et considération des populations locales, chez qui se déroulait cette activité économique. De plus, dans une logique d’égalité, ces populations devaient bénéficier des retombées du tourisme. Le tourisme solidaire et équitable a donc vu le jour dans l’optique d’aider et de soutenir les populations locales. Des associations et quelques tour-opérateurs organisent des séjours avec les communautés d’accueil afin qu’elles puissent contrôler et maîtriser l’activité touristique. Des chartes sont signées et chacun doit tenir ses engagements. Les bénéfices récoltés doivent, par exemple, revenir au village dans son ensemble, à travers un fonds de développement, et non pas à quelques individus. Bien que les intentions des acteurs du tourisme solidaire et équitable soient honnêtes, on remarque cependant que le concept a ses limites. Tout au long de l’avancement de ce travail, certaines failles sont apparues. Le tourisme solidaire semble se développer en marge de l’activité touristique et pour des connaisseurs alors qu’il pourrait se développer au sein du tourisme et attirer de nouveaux touristes. Les démarches marketing dans ce domaine sont rares, ce qui est dû en particulier à une méfiance envers les professionnels du marketing. Or, d’autres activités économiques alternatives se 7 développent à grande échelle en prenant appui sur une certaine stratégie commerciale, comme le commerce équitable. Il y aurait dans notre société actuelle une envie grandissante de consommer d’une meilleure façon. Les consommateurs prennent peu à peu conscience de la responsabilité qu’ils possèdent lorsqu’ils effectuent leurs achats. En tant que consommateurs, ils possèdent des droits mais aussi des devoirs. Le fait de consommer engendre des conséquences qu’ils peuvent rendre positives. Ce sont par exemple les produits biologiques. Autrefois marginaux, ces produits sont maintenant présents dans les supermarchés et séduisent de nombreux clients. Ce mémoire ne vise pas à l’exhaustivité en matière de marketing. Il se base sur le constat que le tourisme solidaire et équitable ne doit pas être une activité si marginale mais un moyen sur le long terme de faire changer le domaine du tourisme en général. Il a pour objectif de montrer une autre perspective du tourisme solidaire et équitable, en analysant s’il est possible de l’intégrer à ce qu’on appelle la consommation responsable. Il s’appuie sur une réflexion personnelle qui s’est construite au fur et à mesure des lectures et des discussions informelles. Dans une première partie, nous étudierons le tourisme solidaire et équitable afin de mieux comprendre sa mise en place et son fonctionnement. Il possède certaines particularités qu’il convient d’étudier. Nous aboutirons à ses limites qui vont nous permettre de compléter cette analyse du tourisme solidaire. Dans une deuxième partie, nous nous intéresserons à la consommation responsable et aux concepts qu’elle implique. Nous verrons aussi l’étude du comportement du consommateur, et plus particulièrement l’importance des motivations dans la prise de décision, afin de comprendre le consommateur responsable. Enfin, nous tenterons de lier le tourisme solidaire et équitable à ces notions pour mettre en avant les possibilités de développement de la filière. 8 PARTIE I : LE DEVELOPPEMENT D’UNE FORME ALTERNATIVE DE TOURISME 9 INTRODUCTION Cette première partie va tenter de décrire le tourisme solidaire et équitable afin de mieux maîtriser ce concept. Il possède certaines particularités autour desquelles se positionnent de nombreux enjeux. A partir de cette analyse, certaines limites vont apparaître. Le tourisme solidaire et équitable engendre lui aussi certaines difficultés qu’il convient d’énoncer. Ce n’est pas pour autant qu’il doit être remis en cause. Il s’agit simplement de montrer ses forces et ses faiblesses afin d’avoir une image complète de son fonctionnement. 10 Chapitre 1 : Une construction à l’encontre du tourisme de masse 1. Le bilan du tourisme de masse Nous pouvons définir le tourisme comme étant un ensemble de « pratiques associées à un contexte d’éloignement temporaire du lieu de résidence pour des raisons de détente et / ou des motifs à caractère socioculturel »1. Cette définition décrit le tourisme comme pratique culturelle mais elle ne prend pas en compte son caractère économique. Or, Pierre Cuvelier ajoute que le tourisme est devenu un fait de consommation : « En s’articulant à l’économie, c’est la nature même de l’expérience touristique qui s’est transformée ». Le tourisme de masse a alors amené de nombreux problèmes. 1.1. Problèmes économiques 1.1.1. Point de vue macroéconomique Le tourisme de masse participe à une économie mondialisée contrôlée par des règles de libre échange et de libre concurrence. Ce sont les grandes multinationales qui possèdent la quasi-totalité du marché du tourisme. Le magasine Alternatives Economiques2 montre quelles sont les opérations économiques qui avantagent ces grands multinationales en ce qui concerne le tourisme. Depuis les pays du Nord, elles créent des voyages en s’imposant dans les pays du Sud. Toutes les étapes d’un voyage sont contrôlées par ces mêmes entreprises : elles créent le voyage dans un touroperator, elles le vendent dans une de leurs agences, les touristes vont s’adresser à une de leurs agences réceptives et vont même dormir dans un de leurs hôtels. Grâce à ce système, une baisse des coûts est possible en compensant la baisse de recette unitaire par une augmentation de la fréquentation. Elles sont capables de proposer des voyages à prix réduits car, avec les systèmes de réservation informatisés, elles maitrisent tout le processus de commercialisation. Ce sont ce qu’on appelle les voyages « tout compris » ou « package ». Les pays d’accueil ne perçoivent donc que très peu de bénéfices issus du tourisme. De nombreuses importations sont réalisés par les gouvernements des pays du Sud afin de s’équiper et de s’adapter aux besoins en confort des touristes. Cela entraîne une fuite des devises et des 1 2 CUVELIER, Pascal. Anciennes et nouvelles formes de tourisme. L’Harmattan, 1998 « Le tourisme autrement », Alternatives Economiques, hors-série n°33, mars 2008 11 revenus qui repartent vers les pays les plus riches. Certains pays n’hésitent pas, sous la pression des pays industrialisés, et à cause des espoirs de richesse que provoque le tourisme, à vendre à très bas prix des terrains pour construire des hôtels pour attirer de nouveaux complexes hôteliers. Très souvent accompagné d’un déplacement forcé des populations, ce phénomène montre la mainmise de ces quelques entreprises (européennes ou nord américaines) sur ce marché. On peut aussi dénoncer le faible retour du revenu touristique dans le pays d’accueil. Le marché étant détenu par des entreprises étrangères, et malgré le fait que cette activité se déroule sur un autre sol, les bénéfices sont récoltés par les pays du Nord. Par exemple, il a été démontré que 80% des revenus du tourisme aux Caraïbes repartaient dans les pays les plus riches3, via ces entreprises multinationales. En Thaïlande, seuls 30% des bénéfices restent dans le pays4. Comme peu des activités sont détenues par des entreprises nationales, cet argent ne bénéficie pas à la société locale, qui aurait pu le récolter au moyen d’impôts et de redistribution par exemple. L’économie locale n’étant pas dynamisée, le pays d’accueil ne parvient pas à créer et à aménager des structures pour les populations résidentes. La plupart de ces pays du Sud sont en effet dépendants de l’activité touristique. Les gouvernements ont cru qu’en ouvrant leur pays au tourisme, ce dernier allait leur rapporter assez de bénéfices pour développer leur pays. Il y a deux conséquences à cela. Afin de consacrer la plupart des investissements au développement de l’activité touristique, ces gouvernements ont abandonné les autres activités économiques et notamment l’agriculture. Ces pays deviennent alors aussi dépendants du point de vue alimentaire. Cependant, on observe une instabilité internationale des flux et des recettes touristiques. A cause des différentes crises sanitaires (SRAS, grippe A), de catastrophes écologiques et climatiques (séisme au Chili en février 2010) et de conflits militaires (le Mali, récemment), l’activité touristique peut être très fortement ralentie. Les touristes évitent ces zones et l’offre touristique mondiale est assez diversifiée pour qu’ils choisissent facilement une autre destination. Ensuite, il ne faut pas non plus négliger l’importance du rôle des média. En effet, JeanPierre Lamic explique que les médias ont une force de conviction qui peut bouleverser les destinations touristiques5. On peut prendre comme exemple la guerre du Golf en 1991. A force de relayer des images et des informations violentes et négatives, les touristes se souviennent longtemps des dangers qu’ils peuvent rencontrer dans différentes régions du monde. Les agences de voyages annulent ces séjours et c’est toute l’économie du pays d’accueil qui est bouleversée. De nombreux 3 « Le tourisme autrement », Alternatives Economiques, hors-série n°33, mars 2008 DUTERME, Bertrand in Expansion du tourisme : gagnants et perdants – point de vue du Sud. Alternatives Sud, 2006 5 LAMIC, Jean-Pierre. Tourisme durable : utopie ou réalité ?. Paris : L’Harmattan, 2008 4 12 emplois, bien que de nature précaire, sont menacés. Les investissements ne sont plus rentabilisés. Ce tourisme de masse engendre donc un dérèglement total de l’économie du pays réceptif. 1.1.2. Point de vue microéconomique Dans le tourisme de masse, un voyage est rarement proposé à sa juste valeur. Grâce à la faible rémunération des salariés sur place, à une théorie de coûts minimum et à l’effet de quantité, les prix de ces vacances sont très inférieurs à ce qu’ils devraient être. Les touristes achètent donc des produits de mauvaise qualité, ce qui entraîne une détérioration de l’image touristique d’un pays. Si les voyages dans les pays du Sud sont vendus à bas prix, cela vient principalement du coût faible de la main d’œuvre par rapport à celui des pays du Nord. L’activité touristique attire de nombreuses personnes désirant posséder plus de revenus que par l’agriculture. On observe alors un phénomène d’exode rural, car l’activité touristique se situe dans les villes, et une hausse du chômage. Il n’y a pas assez de travail pour tous et il arrive qu’il y ait des conflits entre les locaux et les migrants autour de ces emplois6. Ce genre de travail ne demande aucune qualification et attire une population pauvre. Les salariés ne bénéficient d’aucune protection sociale. On remarque aussi que la valeur de l’argent est bouleversée. Il existe de forts contrastes entre un salaire et un pourboire. Certaines entreprises n’hésitent pas à faire croire à ces salariés peu qualifiés qu’ils vont s’enrichir facilement grâce aux pourboires des touristes, et baissent leurs salaires en conséquent. Ces nouveaux emplois engendrent des mutations sociales car ils sont considérés comme plus prestigieux que l’activité agricole. L’arrivée des touristes sur un territoire implique très souvent une hausse des prix des biens et services de consommation courante et les locaux peuvent aussi avoir des difficultés à trouver des denrées qui se font rares pour eux car réservées aux touristes. Ainsi, Jean-Pierre Lamic prend l’exemple du taxi. Si un touriste est prêt à payer 30% plus cher un taxi que son prix normal, alors le chauffeur va prendre en priorité ces touristes fortunés et délaisser les clientèles locales. 1.2. Problèmes environnementaux 1.2.1. De nombreux moyens de transports L’expansion du tourisme est bien sûr liée à l’augmentation des moyens de communication. Les progrès accomplis dans ce domaine ont permis de raccourcir les durées de voyages, et de diminuer ainsi les distances : chaque partie du monde devient plus accessible. L’avion est le mode de transport le plus polluant. Les touristes sont responsables de 25 à 30% de la pollution aérienne7. Avec la 6 7 ibidem « Le tourisme autrement », Alternatives Economiques, op.cit. 13 dérèglementation des années 1980 et la baisse des prix, et plus récemment avec le développement des courts-séjours et l’augmentation de compagnies « low-cost », les touristes sont de plus en plus incités à prendre ce mode de transport : il permet d’aller loin même pour un weekend. Le voyage aérien devient tout à fait banal. Tous les jours, de nouveaux vols s’ouvrent8. La voiture permet un déplacement libre et personnel. Mais que ce soit dans les pays du Nord ou les pays du Sud, Jean-Pierre Lamic remarque que « la voiture ne participe pas au développement du territoire »9. En d’autres termes, alors que la voiture reste le moyen de transport privilégié des touristes, elle n’engendre que des répercussions environnementales sans participer à l’économie locale. Dans les pays du Sud, la route est un moyen de désenclaver les villages. Mais, les investissements sont énormes et les conséquences souvent inattendues. Par exemple, une route va augmenter le trafic routier, créer des accidents, sans pour autant que cela bénéficie au village. 1.2.2. Une utilisation des ressources excessive Un des conflits majeurs dans le tourisme est l’utilisation des ressources, notamment l’eau. Bertrand Duterme10 montre qu’un des problèmes du tourisme de masse se situe dans le partage totalement déséquilibré des ressources. En clair, elles sont avant tout utilisées pour les touristes. Dans des pays où l’eau est rare, on n’hésite pas à construire des complexes de golf, comme au Maroc par exemple. De plus, les ressources sont privatisées de manière plus ou moins légale que et les terres confisquées. Dans certains pays, comme c’est le cas à Tozeur, les habitants doivent maintenant payer un accès à l’eau qui était avant gratuit. Les Massaï ont été dépossédés de leurs terres sous prétexte qu’ils ne respectaient pas la nature et que les réserves devaient être mises en place. 1.2.3. Une dégradation de l’espace Alors que les petits agriculteurs vont devoir supporter des restrictions d’eau, les complexes hôteliers remplissent leurs piscines. De même, des espaces naturels sont détruits pour construire les aéroports nécessaires à la venue des touristes. Le tourisme est par exemple responsable de la disparition des ¾ des dunes de sable de la Méditerranée11. Dora Valayer explique qu’en Inde, dans la province du Kerala, 250 familles ont été « expulsées » pour faire place à des hôtels. C’est en effet de manière détournée que les habitants doivent quitter leur lieu de vie. L’inflation du foncier rend l’achat de terres impossible pour les pêcheurs, qui préfèrent partir. Les hôtels qui s’installent ne respectent pas la loi littorale en vigueur. A terme, l’érosion de la côte est inévitable. A Goa, des terres agricoles ont 8 Flux RSS Tourmagazine LAMIC, Jean-Pierre. Tourisme durable : utopie ou réalité ?. op.cit. 10 DUTERME, Bertrand in Expansion du tourisme : gagnants et perdants – point de vue du Sud, op. cit. 11 « Le tourisme autrement », Alternatives Economiques, op.cit. 9 14 été remplacées par des terrains de golf. En plus de ce déplacement de population, les terres sont polluées12. Mais quand les touristes ne sont plus satisfaits de cette destination trop « usée », ils partent et laissent derrière eux de nombreux dégâts. 1.3. Problèmes sociaux et culturels Une des motivations premières du tourisme est la découverte et la rencontre avec l’Autre. Historiquement, les touristes viennent découvrir une nouvelle culture et une nouvelle manière de vivre. La rencontre dans le tourisme est inéluctable. Mais elle n’engendre pas que des conséquences positives. 1.3.1. Le voyage comme trophée Conditionné par les aprioris véhiculés par les agences de voyages et la publicité, le touriste vient avant tout s’assurer de la véracité de ses idées, comme le montre Emmanuel de Kadt13 : le touriste cherche la confirmation de ses préjugés. Pour prouver ce qu’il dit et exhiber ses découvertes aux autres, il prend de nombreuses photos. Le touriste veut en quelque sorte rentabiliser son voyage, d’où l’achat de souvenirs. Le film documentaire de Michael O’Rourke14 est tout à fait parlant. Dans la première séquence, un touriste se fait prendre en photo à côté de la pierre où les cannibales exécutaient leurs victimes, après l’avoir touchée, comme pour vérifier son existence. Tout au long du film, nous pouvons même voir que le réalisateur montre les touristes avec des appareils photos de plus en plus gros et encombrants, ce qui les rend ridicules. Le touriste se plait à énumérer tous ses voyages au journaliste. Comme Franck Michel le met en avant dans son livre Voyage au bout de la route, le touriste « fait » une destination. Ce genre de voyage est souvent rapide et superficiel. Le touriste ne se souvient que ce dont il veut se souvenir, il ne part pas dans l’esprit de découverte pure. Dans Cannibal Tours, le touriste semble conscient des impacts du tourisme, en général. Cependant, il ne se remet pas lui, individu touriste, en question. 1.3.2. Une incompréhension entre les deux cultures Lors d’un voyage, ce sont deux individus de cultures différentes qui se rencontrent. De nombreux contrastes culturels apparaissent. Dans le film de Michael O’Rourke, qui se déroule en Océanie, on voit les femmes en maillots de bain se baignant dans la rivière avec les crocodiles. En plus d’exposer une relative nudité à des étrangers, elles semblent inconscientes du danger auquel elles s’exposent. Au lieu de s’adapter au mode de vie local, elles agissent selon leurs habitudes sans se poser de 12 VALAYER, Dora. Pour une révolution du tourisme. Le Monde Diplomatique, juillet 1997 KADT, Emmanuel de. Tourisme, passeport pour le développement ?. Paris : Editions Economica, 1980 14 O’ROURKE Denis, Cannibal Tours (film), Institut des études de Papouasie Nouvelle-Guinée (Sydney), Channel Four (Londres), 1988 13 15 questions. La scène paraît assez grotesque. De même, l’indigène ne comprend pourquoi les touristes viennent précisément chez eux et pourquoi ils veulent vérifier qu’ « ils sont comme [leurs] ancêtres». Il faut dire que, dans le tourisme de masse, rien n’est fait pour amener les touristes et les locaux à se rencontrer. Avec les villages de vacances, sortes d’enclaves, les touristes n’ont aucun contact avec la population, si ce n’est un bref échange marchand. Il y a en effet un contraste entre ce que le touriste peut rechercher, c'est-à-dire un certain contact avec les autochtones, et la réalité et le fait que ce contact soit un échange marchand. Isabel Babou et Phillippe Callot prennent l’exemple d’un touriste qui voudrait goûter à la cuisine locale mais qui loge dans un hôtel international. Ils parlent alors d’un phénomène de « ghettoïsation des touristes »15. 1.3.3. La domination du touriste sur les autochtones Il arrive que le tourisme ne soit en fait qu’une nouvelle forme de domination du Nord sur le Sud, prenant le relai de la colonisation. Le touriste s’assure de son opulence sur le local, notamment avec la différence de pouvoir d’achat16. C’est le touriste qui contrôle l’échange marchand. Dans son film documentaire, Mickael O’Rourke montre les comportements de touristes allemands lors d’achats de souvenirs à des indigènes. Alors qu’ils sont clairement beaucoup plus riches que les locaux, ils n’hésitent pas à demander des deuxième ou troisième prix, c'est-à-dire de faire du marchandage. Le guide s’empresse d’ailleurs de les pousser vers cette méthode d’achat. Une touriste déclare : « Ils n’y comprennent rien à l’argent ! »17. Cependant, quand le réalisateur interroge les indigènes, ils disent ne pas comprendre pourquoi les touristes marchandent de cette façon. Ils sont en colère mais ne peuvent rien faire car ils dépendent de cet argent. Un autre touriste propose des cigarettes en échange d’une réduction sur une statuette. En plus de faire perdre de l’argent à l’autochtone, il répand les (mauvaises) habitudes de consommation du Nord. Cette domination n’est pas que financière mais aussi culturelle. Les touristes ne font aucun effort pour s’adapter au mode de vie local : ils remercient en anglais (qui n’est ni leur langue, ni celle des indigènes). Certains touristes avouent qu’ils sont capables d’aider les locaux en apportant « certaines valeurs et croyances ». Ils ne se remettent en cause en aucun cas. Un touriste dit au réalisateur : « Les experts nous assurent qu’ils sont heureux ». De même, on dit au touriste que la période de domination allemande était une période favorable pour tous. Le point de vue du Nord prime sur la réalité vécue par les locaux. 15 BABOU I., CALLOT P., Les dilemmes du tourisme. Paris : Edition Vuibert, 2007 LAMIC, Jean-Pierre. Tourisme durable : utopie ou réalité ?. op. cit. 17 O’ROURKE Denis, Cannibal Tours, op. cit. 16 16 2. La naissance du tourisme solidaire Alors que le tourisme de masse s’accroît très rapidement dans les années 1970, le tourisme solidaire se développe en parallèle pour proposer des façons de voyager différentes. En Casamance, au Sénégal, des habitants ont eu l’idée de créer des chambres pour touristes dans des cases de leur propre village. Les habitants se sont regroupés en une coopérative qui gère les chambres et les bénéfices récoltés. On qualifiait ce genre de tourisme d’ « intégré » car les touristes étaient « intégrés » dans la vie du village. Ces initiatives se sont développées dans le monde rural. Le tourisme solidaire est donc traditionnellement lié au tourisme rural. Dans la région des Chiapas, au Mexique, la population a mis en place un tourisme maîtrisé dans le but de conserver leurs traditions et leur identité face à la montée de la mondialisation. Le tourisme de masse a en effet tendance à placer l’humain au second plan, après le patrimoine matériel. L’attrait est souvent plus important envers les populations mortes qu’envers les populations actuelles. Jean-Pierre Lamic montre ainsi que la Thaïlande n’hésite pas à « parquer » une minorité d’individus chinois pour montrer les « origines » du pays18. L’exemple est aussi flagrant en Egypte, où les pyramides sont plus considérées que les habitants. Emmanuel de Kadt rapporte qu’en 1969, neuf touristes sur 10 choisissaient leur lieu de vacances en fonction de l’environnement de la station, et non pas en fonction du pays en tant que lieu culturel et des habitants19. Aujourd’hui, avec l’augmentation du nombre de déplacements et de touristes, il semble nécessaire d’élaborer une nouvelle manière de voyager. Jean Viard parle à juste titre de droit au voyage et ajoute que ne pas prendre en compte le déplacement ludique, c’est ne pas accorder de temps libre, pourtant indispensable dans la vie d’un individu20. Seulement, le tourisme est créateur de nuisances plus ou moins importantes. Le tourisme solidaire et équitable tente donc de concilier la notion de vacances avec le respect des populations visitées. Boris Martin dit que « le tourisme solidaire n’est pas un voyage mais un moyen meilleur de faire du tourisme »21. L’UNESCO a désigné le tourisme comme étant « véhicule de la paix ». C’est ce qu’essaye de faire le tourisme solidaire et équitable. Le tourisme solidaire et équitable se situe actuellement dans le courant du tourisme durable. En insistant sur les territoires et les populations d’accueil, il tente de prendre en compte plusieurs 18 LAMIC, Jean-Pierre. Tourisme durable : utopie ou réalité ?. op. cit. KADT, Emmanuel de. Tourisme, passeport pour le développement ?., op. cit. 20 VIARD, Jean. Conférence à l’Université Toulouse – Le Miral, 2009 21 MARTIN, Boris (coord.) Voyager autrement : vers un tourisme responsable et solidaire. Paris : Edition Charles Léopold Mayer, 2004 19 17 éléments afin de développer des projets viables sur le long terme. L’idée principale, comme le rappelle Dora Valayer, est de répondre aux besoins des locaux avant ceux des touristes. Le tourisme solidaire et équitable pourrait aussi appartenir à un autre mouvement qui se développement actuellement : celui du « slow tourism ». Le principe de cette manière de voyager est de prendre le temps nécessaire à la découverte et à la compréhension de la culture visitée. De manière générale, on remarque que le tourisme solidaire et équitable se construit en parallèle du tourisme de masse pour proposer de nouvelles façons de voyager qui s’inscrivent dans des projets à long terme. En 2003, lors du forum international du tourisme solidaire à Marseille, une étude réalisée par le réseau Archimède et Iris a montré que seuls 30% des projets ont plus de trois ans. La construction de cette forme de tourisme n’est donc pas encore achevée et doit toujours faire ses preuves dans le long terme. 3. Le tourisme solidaire et équitable : un enjeu sociologique 3.1. La rencontre entre le voyageur et son hôte 3.1.1. Une expérience humaine véritable Le tourisme solidaire vise à replacer la rencontre entre touristes et hôtes au cœur du voyage. Dans Les dilemmes du tourisme, on peut lire : « la recherche de relations avec les communautés d’accueil est sans doute la part la plus noble du tourisme »22. Grâce au développement des moyens de communication, un individu a aujourd’hui le choix d’avoir ou non des contacts avec les autres. Le tourisme solidaire propose la découverte d’une autre culture et d’un autre mode de vie. Bien loin de la superficialité que peut proposer le tourisme de masse, on observe chez les touristes solidaires une véritable volonté de découvrir la sphère privée des hôtes. Cette intrusion dans le local est décrite comme une « rupture dans la nature même du tourisme » par Paula Bialski23. Elle ajoute même que ces nouveaux touristes sont à la recherche d’une « expérience interpersonnelle ». Ils veulent être touchés et se sentir concernés. 3.1.2. Une formation à la rencontre On observe aussi une tendance à prôner la « réalité objective » contre le rêve. En d’autres termes, le tourisme solidaire met en avant l’authenticité du contact humain. Il doit lutter contre les stéréotypes 22 BABOU I., CALLOT P., Les dilemmes du tourisme, op. cit. BIALSKi, Paula. Intimate tourism : enquête dans un réseau d’hospitalité. Traduction de Clotilde Maudoumier et Marie Thomasson, édition Solilang, 2009 23 18 que les deux individus en présence peuvent avoir l’un de l’autre. L’un des piliers du voyage solidaire est l’obligation de transparence. Le touriste doit être informé clairement des réalités locales. Cependant, tous les acteurs s’accordent à dire que le contraste de mode de vie peut paraître choquant pour des touristes du Nord. La sensibilisation et la formation du voyageur est essentielle dans un voyage solidaire. Le but étant de créer un échange culturel et personnel, la rencontre doit être équilibrée. Selon Jean-Pierre Lamic24, le programme doit laisser du temps à la rencontre, notamment grâce à des échanges près de la vie quotidienne des locaux. Il souligne l’importance du guide accompagnateur pour garantir et optimiser ces rencontres. 3.2. Le respect des identités de chacun Le tourisme solidaire et équitable doit avoir des conséquences positives tant chez les touristes que chez les populations visitées. Il est en effet un moyen de lutte contre la standardisation des modes de vie. Afin de proposer aux touristes un panorama complet de leurs coutumes, les habitants doivent redécouvrir leur propre culture. Jean-Pierre Lamic démontre que le tourisme solidaire comporte de nombreux intérêts pour le quotidien de ses populations et qu’il est un épanouissement pour tous. Tout en respectant la culture de l’autre, le tourisme solidaire doit amener à une remise en cause de soi. Grâce à une rencontre harmonieuse, les clichés disparaissent. C’est en se confrontant à l’autre de manière objective que chacun va pouvoir définir sa propre culture et celle de son hôte. 24 LAMIC, Jean-Pierre. Tourisme durable : utopie ou réalité ?, op. cit. 19 Chapitre 2 : Une économie plus équitable Selon une étude de marché organisée par le ministère des Affaires Etrangères et l’Unat en 2005, il semblerait que sur 10 millions de touristes internationaux français, 700 000 se disent intéressés par le tourisme solidaire. Cela peut sembler anodin mais si ces 700 000 personnes partaient réellement de manière solidaire, les bénéfices engendrés seraient conséquents et pourraient bénéficier à beaucoup de personnes. 1. L’enjeu économique: le développement local 1.1. Le développement communautaire Le tourisme solidaire pourrait se définir comme étant un ensemble d’actions de solidarité concrètes, qui sont à la fois des projets touristiques et de véritables projets de développement local. Un des principes est en effet de dire que cette nouvelle activité doit bénéficier avant tout au développement économique de la communauté villageoise. Ce ne sont pas des aides individuelles mais une nouvelle source de revenus qui doit servir à la communauté et soutenir des projets vitaux. Nous pouvons prendre l’exemple du village de Keur Samba Yacine, au Sénégal. Le tourisme solidaire sert là-bas à assurer la pérennité du centre de santé, construit récemment. On remarque alors que le tourisme n’a pas été mis en place par quelques personnes dans le but de s’enrichir personnellement mais a bien été choisi par l’ensemble de la communauté. Les bénéfices sont reversés à l’ensemble du village et sont gérés par les habitants qui choisissent leurs investissements. Pour se faire, on peut distinguer deux systèmes dans le tourisme solidaire et équitable. A partir d’une réflexion de Gildas Bourgoin, nous pouvons parler de deux schémas montrant les différents rôles du touriste dans l’économie locale25. Les touristes achètent un voyage par le biais d’une association. Elle va alors reverser entre trois et 15% des bénéfices qu’elle réalise sur ce voyage à une structure locale. Cette dernière peut concevoir et matérialiser des projets pour la population. Cette forme de tourisme se rapproche de la notion d’humanitaire avec le don à la population locale. 25 BOURGOIN, Gildas. De quelle manière le tourisme solidaire et équitable peut-il devenir un levier de développement ? L’exemple de l’association Aina à Madagascar. Mémoire : Tourisme et Développement : Toulouse 2 : 2006 20 De plus, le touriste peut aussi choisir de s’impliquer plus personnellement dans la vie locale en séjournant chez l’habitant et en consommant des produits locaux. Les dépenses qu’il effectue constituent directement le chiffre d’affaire des entreprises locales. Ce genre de tourisme permet la suppression d’intermédiaires qui diminuent les bénéfices reversés à la communauté. Cependant, il est difficile de savoir si cet argent sera équitablement réparti et servira à la communauté entière. Très souvent, le tourisme solidaire et équitable combine ces deux formes de participation à l’économie locale. En théorie, cela permet en effet de créer des projets essentiels à la vie et au développement d’un village, mais aussi de dynamiser l’économie en augmentant le pouvoir d’achat individuel des membres de la communauté. Le schéma ci-dessous montre la répartition du prix d’un voyage solidaire. Le financement d’un projet de développement et les dépenses locales sont différenciés. Mais les deux composantes sont nécessaires dans un voyage équitable. Source : Alternatives Economiques 1.2. Une économie d’appoint Un des problèmes du tourisme de masse est qu’il représente pour certaines régions la seule source de revenus. A l’inverse, le tourisme solidaire a été mis en place dans un autre esprit : il constitue un revenu supplémentaire. Il se pratique quand l’activité agricole est au ralenti (en hiver par exemple). Il est parfois nécessaire, comme nous l’avons vu, pour soutenir des projets vitaux pour la communauté. Cependant, il reste une activité économique instable et ne doit pas constituer la source de revenus principale. De même, c’est pour cette raison que les bénéfices sont reversés vers des domaines économiques plus stables26. De manière générale, le tourisme solidaire ne doit pas bouleverser l’économie locale. 26 DOQUET, A., LE MENESTREL, S. (coord.). Autrepart : Tourisme culturel, réseaux et recompositions sociales. La Tour d’Aigues : Editions de l’Aube, 2006 21 Le tourisme solidaire et équitable peut générer des revenus de différentes sortes27. On peut compter les revenus directs que sont les salaires perçus par les employés de l’accueil et de l’hébergement. On trouve aussi les revenus induits : ce sont les achats solidaires effectués par les touristes. Enfin, il y a le revenu solidaire, c'est-à-dire la participation solidaire à un projet de développement. Suivant les destinations, ces revenus peuvent varier. Si certains villages décident de créer une coopérative par exemple, et que c’est le village en tant que tel qui reçoit, alors les revenus directs sont directement versés dans la caisse communautaire. Le tourisme solidaire et équitable est mis en place pour soutenir les autres branches de l’activité économique d’un village. Sylvie Blangy prend l’exemple de la revitalisation d’un oasis en Mauritanie28. Le tourisme y a été développé de manière réfléchie. On n’y a pas construit de nouveaux hôtels, qui auraient à la fois dégradé l’environnement et déstabilisé l’économie locale, mais des emplois ont été créé dans les auberges existantes. C’est une manière de consolider ces établissements. Ensuite, le tourisme a permis de relancer l’artisanat et de conserver le mode de vie nomade. Comme nous l’avons vu précédemment, le tourisme solidaire permet de maintenir les traditions identitaires culturelles mais aussi économiques. Enfin, grâce au redéploiement de ces activités, l’exode rural s’atténue. 2. Un système participatif 2.1. Depuis sa conception… Un partenariat entre les associations du Nord, les prestataires et communautés locaux est nécessaire. Franck Michel montre quelles sont les conditions pour que le projet ait des effets positifs29. Les membres de la communauté doivent concevoir, décider et bénéficier du tourisme. Ils doivent aussi contrôler l’impact et l’évolution de l’activité grâce à des objectifs préalablement établis. Tout est négocié afin de ne rien imposer, surtout aux communautés d’accueil. On remarque alors que le développement touristique doit être démocratisé. Le droit à l’information et à la transparence est l’un des principes du tourisme solidaire et équitable. En clair, les voyages ne sont pas conçus entièrement au Nord mais demandent une concertation entre les acteurs à chaque étape du projet. Un voyage solidaire implique un partage de connaissances et de pratiques entre Nord et Sud. Le tourisme équitable peut être décrit comme « un ensemble d’activités et de services proposés par des opérateurs à des voyageurs responsables et élaborés par des communautés d’accueil »30. Ces 27 ibidem BLANGY Sylvie, Le guide des destinations indigènes – Tourisme équitable, Montpellier : Indigène édition, 2006 29 « Tourisme et éthique », Editions ESPACES Tourisme et Loisirs, Collection Revue Espaces n°171, mai 2000 30 Site Internet de Croq’Nature, http://www.croqnature.com/tourismeequitable.htm, 24/04/10 28 22 opérateurs ne sont pas, pour l’instant, des agences de voyages comme les autres. Ce sont des associations. J.L. Gantheil, de Croq’Nature, affirme que « le statut d’association est une garantie car il implique la participation au Conseil d’Administration de personnes qui n’ont aucun intérêt financier dans les prises de décisions ». Ainsi, le tourisme solidaire engage des acteurs responsables. 2.2. Jusqu’aux bénéfices Dans le tourisme solidaire et équitable, tout le village se partage les tâches car il doit bénéficier à toute la communauté. C’est souvent le village qui reçoit. Les locaux sont formés à l’accueil et à la tenue de visites guidées. Les compétences de chacun sont utilisées au mieux. Les hommes peuvent construire les logements des touristes et les femmes peuvent montrer aux touristes des méthodes artisanales traditionnelles. Stéphanie Vialfont explique que ces projets sont des microprojets afin de limiter la perte d’argent dans les intermédiaires31. Ces villages travaillent très souvent avec une association locale qui elle-même travaille avec une association européenne ou américaine. Dans Les dilemmes du tourisme, on peut lire qu’avant tout, le tourisme solidaire est « une solidarité entre le touriste et les populations d’accueil »32. Le touriste participe à un fonds d’entraide. Ce n’est cependant pas une action ponctuelle. Le projet de développement s’inscrit dans la durée. Mais très souvent aussi, les touristes gardent le contact avec leurs hôtes. C’est donc de façon naturelle que la participation a lieu. 3. Un système d’acteurs particulier 3.1. L’Organisme Mondiale du Tourisme : un acteur peu impliqué L’Organisation Mondiale du Tourisme supervise l’activité touristique. Selon elle, le tourisme est essentiel dans la lutte contre la pauvreté : il peut réduire les inégalités entre les peuples. Dans cette logique, et suite aux différents sommets mondiaux sur les problèmes du tourisme33, elle a mis en place le Code Mondial d’Ethique du Tourisme. Débuté à Istanbul en 1997, ce travail a demandé deux ans et de nombreuses consultations. Il vise à une meilleure répartition des rôles et des bénéfices de l’activité, ainsi qu’au respect de tous les acteurs. Il est composé de dix articles (annexe 1). Citons par exemple l’article 5 : « les populations locales sont associées aux activités touristiques et participent équitablement aux bénéfices 31 VIALFONT, Stéphanie. Tourisme équitable : à la découverte de l’Autre… et de soi. Bernex-Genève : Jouvence éditions, 2006 32 BABOU I., CALLOT P., Les dilemmes du tourisme, op. cit. 33 Sommet de la Terre à Rio en 1992, conférence du tourisme durable à Lanzarote en 1995 23 économiques, sociaux et culturels qu’elles génèrent, et spécialement aux créations d’emplois directs et indirects qui en résultent ». On remarque que ce code soutient l’idée d’un tourisme plus juste, c’est-à-dire plus solidaire et équitable. De plus, l’article 1 spécifie « le rôle contributif du tourisme à la compréhension et au respect mutuels entre hommes et sociétés ». Pour l’OMT, le tourisme permet une meilleure entente entre les hommes. Une étude a été faite en 2005 pour connaître la véritable exécution du Code Mondial d’Ethique du Tourisme34. Une centaine de membres (sur 145) a répondu. On apprend que les trois quarts des pays se sont servis de ce Code comme base pour leurs propres textes législatifs nationaux. 35 pays ont fait l’effort de le traduire dans leur langue. 83% des membres en ont fait la promotion et l’ont communiqué aux acteurs du tourisme. On observe cependant qu’un tiers des pays n’ont pas participé à l’élaboration et à la mise en valeur de ce Code, et que le secteur privé n’a que très faiblement contribué à sa création (17 membres sur 300). De nombreuses critiques se font entendre sur la mise en place de ce code. Son défaut le plus important est très certainement son aspect volontaire. Il n’engage en effet à aucun recours légal. Un comité mondial d’éthique du tourisme a été créé dans le but de régler les conflits à l’amiable, et de soutenir la nécessité de dialogue entre les acteurs touristiques. De plus, les communautés locales n’ont pas accès à ce code, qui ne fait pas de référence spécifique à leurs droits et valeurs. Ce code met en effet en avant la vision libérale qui est celle de l’OMT concernant le tourisme. Selon l’OMT, le tourisme durable est compatible avec la libéralisation. Mais comme le souligne O. Albert35, le code est trop orienté sur les intérêts de l’industrie touristique et renforce les droits des voyageurs. Lorsque l’on compare ce texte à celui de Lanzarote, on voit bien que la notion de développement durable disparaît. S’il tente de mettre en avant le tourisme responsable, cela occasionne des contradictions à l’intérieur même du texte. On peut se demander si les valeurs humaines et solidaires qu’il prône sont compatibles avec une économie libérale. Enfin, Dora Valayer souligne le paradoxe qui existe entre les discours de l’OMT et ses exigences. Elle dit vouloir réduire la pauvreté grâce au tourisme mais exige de nombreux aménagements dans les pays d’accueil qui accumulent alors des dettes36. 34 HIGGINS-DESBIOLLES, Freya. Analyse du Code Mondial d’Ethique du Tourisme, Université de South Australia MARTIN, Boris (coord.) Voyager autrement, op. cit. 36 VALAYER, Dora. Pour une révolution du tourisme, op. cit. 35 24 3.2. Les associations au cœur du système 3.2.1. L’ATES L’Association pour le Tourisme Equitable et Solidaire a été créé en 2006. Elle regroupe des associations qui créent et vendent des voyages solidaires et équitables. C’est à partir d’une réflexion avancée par l’UNAT (Union Nationale des Associations de Tourisme) que ces acteurs du tourisme équitable se sont regroupés. Dans l’ouvrage coordonné par Alain Laurent, Sandrine Bot explique qu’il était nécessaire de construire un système d’évaluation pour atteindre trois objectifs37 : 1. « Nous reconnaître entre nous » : les associations avaient besoin de se construire une identité commune sous laquelle ils pouvaient se regrouper. 2. « Etre reconnus par l’extérieur » : ce regroupement permet d’accorder plus de crédibilité à l’association. 3. « Les plus de la nouvelle grille » : la grille d’analyse, qui permet à une association de tourisme de rentrer dans ce groupement, évoque l’idée de progrès. Cette grille ne sanctionne pas les nouveaux arrivants mais souligne les manques et les disfonctionnements auxquels il faut remédier. Toutes les associations d’ATES partagent les mêmes volontés. Julien Buot, coordinateur d’ATES, déclare que « l’objectif d’ATES, c’est d’utiliser le tourisme comme levier de développement »38. Le but est donc d’aider des régions qui en ont besoin à utiliser au mieux les bénéfices de l’activité touristique. Cette association représente une marque essentielle pour gagner la confiance des touristes. Elle garantit le bien-fondé des petites associations. Elles n’ont en effet par forcément les moyens pour se promouvoir. Il est aussi difficile pour elles de se positionner sur un marché du tourisme très concurrentiel. Dans le livre de Stéphanie Vialfont, Patrick Wasserman, de l’association Rencontres au bout du monde, explique qu’ « une association de voyageurs, c’est comme une agence de voyages qui appartiendrait à ses voyageurs. Ce qui change tout ! »39. L’ATES permet de mettre en avant cette différence et d’en faire un atout. Permettre une meilleure visibilité, c’est rendre confiant le touriste. 37 BOT, Sandrine. Construction et mise en place du système d’évaluation de l’ATES. In Tourisme responsable, clé d’entrée du développement territorial durable : guide pour la réflexion, Laurent A. (coord.) 38 La Gazette officielle du tourisme, N°1969, 27/08/2008 39 VIALFONT, Stéphanie. Tourisme équitable, op. cit. 25 Cependant, ce système d’évaluation comporte des lacunes, dont l’ATES est elle-même consciente40. Cette marque n’est pas certifiée. Une certification se définit comme étant « un processus extérieur de vérification du respect d’un cahier des charges »41. ATES juge que le coût de la certification est trop élevé par rapport au besoin. Elle ne leur paraît pas indispensable dans la mesure où l’information qu’ils donnent est claire et juste. Ils mettent en avant le fait que cette évaluation est « un processus collectif participatif et approfondi ». En d’autres termes, le contrôle extérieur n’est pas essentiel car le débat qu’ils alimentent entre eux permet une certaine maîtrise du processus. Si l’on peut avoir confiance dans la volonté des associations, cette grille d’évaluation ne s’étend pas à leurs partenaires du Sud, ce qu’ATES avoue regretter. Eux-mêmes peuvent difficilement contrôler toutes les actions des prestataires du Sud, qui, après plusieurs années de tourisme intensif, pourraient encore avoir des pratiques peu valorisantes, comme ne pas rémunérer les salariés correctement. Au total, seules 50% des destinations sont contrôlées. Au-delà des problèmes matériels d’évaluation, il faut tout de même souligner que ce regroupement d’associations de tourisme équitable et solidaire est innovateur. Céline Cravatte fait une profonde réflexion sur la création d’ATES et démontre « comment *cette association+ crée les frontières d’un nouveau territoire marchand, professionnel et militant au croisement de la solidarité internationale et de la consommation touristique »42. L’objectif d’ATES, à travers sa démarche et son discours militant, est de participer et de soutenir le développement des régions défavorisées grâce au tourisme. Il leur tenter de concilier les finalités humanistes et les finalités économiques. Récemment, une réflexion est en cours sur un possible rapprochement entre les associations d’ATES et des agences de voyages. Selon Pierre Vidal, vice-président d’ATES, « les acteurs du tourisme équitable ont le savoir-faire, les TO et les agences classiques maîtrisent le faire-savoir»43. En effet, les agences de voyages classiques possèdent des compétences et des moyens importants en ce qui concerne la communication. C’est souvent ce qui fait défaut chez les associations. Utiliser de nouvelles manières de communiquer permettrait une plus grande diffusion de l’information et de sensibiliser des « non-initiés ». De plus, Céline Trublin rappelle à juste titre que ces organisations de tourisme alternatif sont récentes et qu’il faut laisser du temps à la profession pour s’organiser44. Les possibilités d’évolution ne sont pas fixées à l’avance. 40 BOT, Sandrine. Construction et mise en place du système d’évaluation de l’ATES, op. cit. « Le tourisme autrement », Alternatives Economiques, op. cit. 42 CRAVATTE, Céline in Autrepart, op. cit. 43 Le SNAV tend la main à l’association ATES. L’écho touristique. 14/05/2009 44 MARTIN, Boris (coord.) Voyager autrement, op. cit. 41 26 3.2.2. Les autres associations Il existe d’autres associations qui soutiennent le tourisme solidaire et équitable. Une des premières créées fut « Tourism for Development » en 1998. C’est une association de loi 1901. « Tourism for Development » soutient des ONG qui travaillent sur des projets locaux : « Il s’agit *pour TFD+ d’encourager dans les pays pauvres, des initiatives porteuses de développement »45. Cette association propose à des entreprises de verser un certain pourcentage de leurs bénéfices pour financer des projets de développement. Les entreprises, en échange, font partie du label TFD. De grands groupes de tourisme sont inscrits au label TFD : Nouvelles Frontières, Opodo… TFD met en avant le fait que leur travail ne consiste pas à recueillir des dons mais bien à trouver des partenaires financiers. En choisissant une agence de voyages partenaire de TFD, le touriste contribue au soutien d’une telle initiative. Il peut aussi s’engager en tant que voyageur responsable en respectant les principes présentés par « Tourism for Development ». Cependant, l’association peut montrer certains paradoxes. Elle développe des projets en parallèle des voyages organisés. Ils n’ont pas de rapport avec les voyages des touristes. Le slogan de l’association est d’ailleurs : « changer leur vie sans changer vos vacances »46. Au vue des démonstrations précédentes, on peut se demander si, en soutenant des entreprises du tourisme de masse, l’association ne créé pas des inégalités qu’il lui faudra ensuite combler. « Tourism Concern » est une association britannique créée en 1988 dans le but de montrer les effets néfastes du tourisme sur les populations47. Elle a la particularité de travailler sur plusieurs fronts différents mais complémentaires. Elle aide les « voix opprimées » à se faire entendre : elle offre une aide organisationnelle et logistique aux destinations touristiques qui ne peuvent pas avoir accès aux médias. En informant et en faisant pression sur les autorités, elle veut influencer les opinions pour les faire changer en matière de tourisme. Enfin, elle soutient des voyages solidaires et équitables en travaillant avec l’association internationale du commerce équitable sur la mise en place d’un label « tourisme équitable ». On observe donc que de nombreuses associations existent et possèdent chacune des compétences et des objectifs différents. 45 Site internet Tourism for Development, www.tourismfordevelopment.com, 21/04/10 ibidem 47 Site internet Tourism Concern, www.tourismconcern.org.uk, 21/0410 46 27 3.3. Le partenariat au cœur du tourisme solidaire 3.3.1. Un échange de compétences Selon le dictionnaire Larousse, un partenariat est un « système associant des partenaires sociaux ou économiques, et qui vise à établir des relations d'étroite collaboration ». L’encyclopédie Wikipédia ajoute la notion « d’objectifs communs » qui semble essentielle. Un partenariat est donc un groupement de partenaires qui doivent travailler ensemble pour satisfaire des objectifs communs. Il existe deux partenariats différents pour la naissance d’un projet de tourisme solidaire et équitable48. Une ONG travaillant sur le développement local peut choisir le tourisme comme meilleure réponse pour dynamiser le territoire. Mais les acteurs touristiques peuvent aussi décider de participer au développement local. Pour chaque cas, la démarche de création est différente. Dans la première possibilité, l’activité touristique doit être totalement mise en place. Il se peut donc que cette ONG fasse appel à d’autres associations plus compétentes en matière de tourisme. Dans l’autre cas, c’est en fait l’inverse qui se passe. Les acteurs, grâce à l’activité touristique déjà présente, veulent en faire profiter tout le territoire. Ils sont compétents en matière de tourisme mais ont besoin d’expertise en matière de développement local. L’importance du partenariat est alors évidente. Afin que le tourisme participe au développement local d’un territoire, il faut que des personnes compétentes dans ces deux domaines travaillent ensemble. C’est peut-être ce qu’il manque à certains projets touristiques en général. Le partenariat peut être perçu comme un frein au projet initial. 3.3.2. Un partenariat Nord-Sud Comme nous l’avons vu précédemment, le tourisme solidaire et équitable est un système participatif. Il implique donc des partenariats entre les différents acteurs. Afin de mener au mieux un projet touristique sur un territoire, un échange de compétences est nécessaire. Bien que le tourisme solidaire implique la participation active des prestataires et populations locaux, le projet doit être pensé aussi par des partenaires du Nord. C’est pourquoi les associations européennes et américaines travaillent en collaboration avec des associations sur place. Le partenariat Nord-Sud est essentiel sur différents points. L’association du Nord peut d’abord apporter une aide technique et financière. Ayant accès à des formations et des technologies avancées, ces associations sont compétentes au niveau organisationnel. Elles possèdent l’expertise 48 BOURGOIN, Gildas. De quelle manière le tourisme solidaire et équitable peut-il devenir un levier de développement ?, op. cit. 28 en matière de conduite de projets à petite ou grande ampleur. Elles possèdent une expérience qu’il faut amener sur des projets qui peuvent être difficiles à mettre en place49. Les associations du Nord font le lien entre les touristes et les communautés d’accueil. Mettre en place un tel partenariat permet aux populations d’accueil un plus grand rayonnement de leur activité et les associations du Nord garantissent une meilleure communication. Elles sensibilisent aussi les touristes avant le départ. Une des caractéristiques du voyage solidaire et équitable est en effet de préparer le touriste au voyage qu’il va accomplir afin qu’il s’intègre au mieux dans la vie locale. Les associations du Nord savent quelles sont les perceptions du touriste envers les populations d’accueil et savent aussi enseigner. Enfin, les associations du Nord peuvent mettre en place plus facilement des outils d’observation et assurer un suivi de ces projets. Grâce au lien qu’elles entretiennent avec les organisations internationales, elles peuvent faire circuler les données et les informations. C’est évidemment avec un travail en collaboration avec les associations du Sud qu’un suivi de qualité est possible. 3.3.3. Des engagements regroupés dans une charte Afin de faire respecter les conditions du partenariat, des associations choisissent de créer une charte de tourisme équitable. C’est par exemple le choix de l’association Tourisme et Développement Solidaires (TDS) : chaque participant au projet possède des droits et des devoirs (TDS, le village d’accueil et le touriste). Jean-Pierre Lamic résume les conditions d’une charte50. En ce qui concerne les populations d’accueil, il doit être précisé qu’elles participent à l’élaboration du voyage et à la gestion des fonds. Les bénéfices sociaux, culturels et financiers doivent être équitablement répartis. En ce qui concerne l’association, elle se doit de montrer une information claire et de qualité. Elle devrait aussi se faire contrôler par un organisme extérieur. Enfin, le touriste doit se conduire selon les principes auxquels il s’est engagé. Jean-Pierre Lamic met en garde contre la façon dont un voyagiste parle de meilleure répartition des bénéfices. Parler de « faibles marges » n’indique en aucun cas un respect de l’équité. ATES met en avant que ses marges sont de 30% mais la répartition des bénéfices n’est pas précisée. Au contraire, souligner des marges trop basses devrait attirer l’attention sur le fait que les acteurs ne sont peutêtre pas rémunérés correctement. 49 50 Citons comme exemple l’association fuxéenne Via Brachy LAMIC, Jean-Pierre. Tourisme durable : utopie ou réalité ?, op. cit. 29 3.3.4. Un schéma récapitulatif Mondial Touristes Non-professionnels OMT PNUE Professionnels Associations du Nord Locaux Local Associations du Sud Source personnelle Ce schéma regroupe les acteurs concernés par le tourisme solidaire et équitable. Ils sont placés selon leur niveau de compétences professionnelles et leur rayonnement (local ou mondial). Ils apparaissent assez épars, ce qui montre que chaque acteur possède des caractéristiques propres. En d’autres termes, certains sont plus professionnels que d’autres ; certains agissent plus au niveau mondial que local. Les intérêts sont alors différents. En ce qui concerne les plus « professionnels », on trouve les organismes mondiaux et les associations de tourisme. L’OMT recherche des intérêts plus globaux que les associations. Elle est par conséquent plus détachée qu’eux en ce qui concerne le tourisme solidaire. Elle vise à une réussite mondiale de l’économie touristique. Bien qu’elle tente de prendre en compte les intérêts locaux, on voit bien qu’elle se trouve à leur opposé. L’association du Nord est entre le niveau mondial et le niveau local. Il lui faut en effet arriver à combiner les intérêts des communautés d’accueil touristiques et ses propres intérêts sur un marché économique. On peut aussi la voir comme un intermédiaire entre le niveau local et l’OMT. L’association du Sud travaille au niveau local mais possède les mêmes compétences qu’une association du Nord. Elle a l’avantage de connaître le territoire et ses habitants, et est à même d’organiser l’activité touristique. Au même niveau, on a en effet les prestataires locaux, avec qui ils travaillent en collaboration. De nombreux auteurs, dont Jean-Pierre Lamic, insistent sur l’importance du partenariat Sud-Sud, pas assez mis en avant. Pourtant, un tel partenariat paraît essentiel. 30 Les touristes en général n’appartiennent pas à la vie locale. Cependant, les touristes optant pour un voyage solidaire et équitable recherchent la participation à la vie de la communauté. Ils s’investissent personnellement dans ce voyage, sont formés et informés. Ils souhaitent en effet ne pas perturber le mode de vie des hôtes, suivant les principes du tourisme solidaire, et partager une rencontre intense. Ils ne sont pas passifs mais créent leur voyage. Enfin, les particuliers locaux deviennent de plus en plus professionnels. En effet, pour la plupart des destinations solidaires, c’est le village qui accueille. Chacun doit être un minimum formé à l’accueil. Les tâches sont réparties selon les compétences et les disponibilités des personnes. Les associations de tourisme qui soutiennent ces projets expliquent la nécessité pour les populations locales de se former à l’accueil. 31 Chapitre 3 : Les limites d’un tel système 1. Des microprojets dans une économie toujours mondialisée 1.1. Un esprit militant L’une des critiques de ce tourisme alternatif est le fait qu’il aille constamment à l’encontre du tourisme de masse. Il devient tributaire de l’esprit du tourisme de masse : sans lui, il n’aurait pas lieu d’être. Thierry Paquot, dans Voyager autrement, explique que « rompre avec [le tourisme de masse], ce n’est pas le moraliser mais s’y opposer et à préconiser le voyage, le temps et l’espace qui va avec ». En d’autres termes, le tourisme solidaire dépend d’un contexte qui est celui de l’opposition constante. Ce tourisme ne milite pas pour un changement du tourisme mais se développe en marge pour se différencier. Il ne règle donc pas vraiment les problèmes du tourisme de masse. Certains auteurs remettent en cause cet esprit militant qui donne une mauvaise image du tourisme de masse. Il ne faut pas oublier que les congés payés, essentiels au développement du tourisme, ont été une lutte sociale importante. Les vacances sont un « droit pour tous ». Albert Bastenier montre, dans le magazine Revue Nouvelle que le tourisme solidaire ne peut aller contre le tourisme de masse, malgré les graves conséquences qu’on lui connaît51. 1.2. Les associations sont aussi des vendeurs Récemment, des problèmes sont apparus chez certaines associations d’ATES. C’est le cas notamment de Tourisme et Développement Solidaire, qui fait face à une lassitude et un mécontentement grandissant chez leurs partenaires du Sud et chez les touristes. Céline Cravatte, dans la revue Autrepart, montre qu’il existe un désaccord entre TDS et les villages d’accueil sur la notion de développement. Dans l’esprit de TDS, le développement doit être collectif et amener à des projets concrets. C’est d’ailleurs l’un des fondements du tourisme solidaire. Pour TDS, ce mode de pensée peut être lié à l’idéologie même de l’association, au fait qu’il est plus facile de présenter des projets réels aux touristes ou encore à une gestion plus facile des fonds. Mais au village de Doudou, au Sénégal, les villageois remettent en cause les conditions de la charte, qui leur demande de ne pas demander de l’argent aux touristes pour des projets personnels, principe sur lequel ils étaient d’accord. Mais les artisans réalisent que le temps qu’ils passent avec les touristes devrait être 51 BASTENIER, Albert, Le tourisme, utopie contemporaine. La Revue Nouvelle, N° 1 – 2, janvier – février 2006 32 compensé par de l’argent. Les guides tendent à s’accaparer les touristes et les convainquent de participer financièrement à des projets plus personnels. Les villageois disent en effet que, bien que l’école ait été nécessaire, elle devient inutile si eux-mêmes n’ont pas assez d’argent pour y envoyer leurs enfants. C’est donc un principe du tourisme solidaire qui est remis en cause. Cependant, Céline Cravatte questionne aussi la légitimité de TDS à faire accepter une telle charte. L’association est alors dans une situation délicate, décrite dans un numéro des Actes de le Recherche en Sciences Sociales52. La conduite de TDS est paradoxale : une des conditions de la charte est que l’association se doit d’informer correctement les voyageurs avant de partir. Or, elle tend à cacher le malaise qui existe à Doudou car elle est dans la nécessité de continuer à vendre des voyages. Mais en ne respectant pas ses propres principes, quel est son droit pour en imposer d’autres aux villages d’accueil ? Dans cet article, les touristes montrent leur colère et leur déception. Malgré le fait d’avoir choisi un mode de voyage différent qui semblait apporter des garanties, ils se sont retrouvés dans une situation rappelant les problèmes du tourisme de masse. Cet évènement n’a lieu pour l’instant que dans un seul village partenaire de TDS. Mais il met en avant le décalage qui existe entre les points de vue du Nord et Sud et pose la question de la légitimité des décisions. 1.3. Le micro-projet résout-il des micro-problèmes ? Le tourisme solidaire et équitable se développe autour de micro-projets, qui sont par définition des actions de terrain à l’échelle d’un village. L’avantage est qu’il cible des besoins précis et aide les communautés dans leur vie quotidienne. Cependant, comme Christine Gagnon le montre dans L’écotourisme : entre l’arbre et l’écorce53, la rivalité entre les villages commence à apparaître, ce qui peut amener à des conflits. Nous pouvons prendre l’exemple du travail de l’association Palabres Sans Frontières dans le village de Keur Samba Yacine. Le tourisme solidaire a été mis en place pour soutenir financièrement le centre de santé. Le village semble heureux de pouvoir à la fois recevoir des étrangers et de leur faire découvrir leur façon de vivre, et d’être capable d’assurer l’activité du centre de santé. Ce projet est pour l’instant réussi. Cette réussite fait donc des envieux : les villages voisins aimeraient eux aussi bénéficier des retombées du tourisme. Toutefois, multiplier ce genre d’initiatives n’est pas si simple car les villages pourraient se faire concurrence et annihiler ainsi les effets bénéfiques du tourisme. Ce serait aussi 52 CHABLOZ, Nadège. Le Malentendu. Nouvelles ( ?) frontières du tourisme. Actes de la recherche en sciences sociales, n°170, décembre 2007 53 GAGNON C., GAGNON S. (coord.), L’écotourisme : entre l’arbre et l’écorce. Québec : Presses de l’Université du Québec. 2007 33 donner trop d’importance à l’activité touristique, piège que les associations veulent éviter. Cette situation montre le besoin d’une politique cohérente et plus globale pour qu’elle puisse bénéficier aux plus de personnes possibles. Christine Gagnon dans L’écotourisme : entre l’arbre et l’écorce, montre en effet qu’il existe une contradiction entre le principe d’équité véhiculé par les associations de tourisme, et donc de faire participer le territoire en entier, et le fait de concentrer le tourisme sur quelques points d’un pays. Beaucoup de projets différents sont développés. L’association Via Brachy par exemple propose un voyage-caravane, c'est-à-dire par étapes, pour aller aider des villages se trouvant au Maroc et au Sénégal. Ils proposent à chacun de préparer un projet qui soit utile à la population locale. Les projets peuvent aller de la construction d’un poêle à bois à un atelier de théâtre. Mais cette accumulation de microprojets sans lien peut paraître improductive. Des actions ponctuelles peuvent alors être considérées comme de l’assistanat54. Des projets peuvent ne pas réellement bénéficier à la population. L’organisme « Trade for Development » remet en cause le besoin et l’intérêt des populations locales à être formées aux métiers de service55. De ce point de vue, on peut en effet se demander quelle va être l’utilité sur le long terme de ce genre de compétences. Enfin, Jean-Pierre Lamic met en garde contre les dangers du tourisme solidaire et équitable, et sur le fait que ce soient des microprojets56. Il montre que ces initiatives détournent la communication des véritables problèmes plus globaux. Le problème avec le tourisme solidaire est qu’il met en lumière des actes qui restent minoritaires. L’association « Tourism Concern » met en avant sur son Internet, au même niveau que « Défendre le tourisme alternatif », des projets plus précis comme « aider la communauté Chiapas à lutter contre les effets du tourisme de masse »57. Tous ces projets sont louables, mais la communication qu’ils font peut induire le touriste en erreur et lui faire croire que ses actions ont une portée locale et globale. Enfin, ce genre de communication ne serait mise en place que pour justifier des choix économiques déjà pris. 54 ibidem POOS Samuel. Le tourisme équitable et solidaire. Document de travail. Trade for Development Center, mars 2009 56 LAMIC, Jean-Pierre. Tourisme durable : utopie ou réalité ?, op. cit. 57 Site internet Tourism Concern, www.tourismconcern.org.uk, 21/0410 55 34 2. Les problèmes de la rencontre « L’amitié pouvait-elle être considérée comme un vulgaire produit ? » Paula Bialski 2.1. Les populations locales plus vulnérables Un des problèmes majeurs de cette rencontre entre personnes de différentes cultures, qui est au cœur d’un voyage solidaire et équitable, est le fait que la demande d’authenticité peut dériver. Dans Les dilemmes du tourisme, on trouve l’exemple du tourisme rural au Maroc58. Il est proposé aux touristes de dormir chez l’habitant mais ce-dernier doit pour cela changer son matériel, à la fois pour des raisons d’hygiène et d’image. Même dans le tourisme solidaire, la folklorisation est un danger constant. Dora Valayer, présidente de Tranverses, précise à ce propos que le touriste ignore que les conditions occidentales de consommation et d’hygiène sont « draconiennes » pour les pays d’accueil. Franck Michel explique que les autochtones continuent de mettre en scène leur propre culture en échange d’argent. Ils n’hésitent pas à chercher la compassion et la pitié59. Nous pouvons effectivement le voir dans l’exemple du village d’accueil TDS. Les habitants tentent de convaincre les touristes de faire des dons personnels afin de « mieux les aider ». On s’aperçoit alors, selon Boris Martin dans Voyager Autrement60, que les associations qui veulent aider les populations locales ne font qu’entretenir les préjugés, à la fois du côté des visiteurs comme des visités. On peut reprocher aux voyageurs de trop se montrer et se mettre en avant. Avides de découvertes, ils s’immiscent en effet dans la vie privée des locaux. Ces-derniers manquent de distance par rapport aux manières de vivres des touristes. Boris Martin montre que les touristes du Nord ont plus de facilités à supporter le choc culturel de la rencontre. Non qu’ils manquent de compassion mais ils sont certainement habitués à savoir gérer des relations sociales complexes. Ils ne dépendent pas d’elle. Toujours dans Voyager Autrement, André Barthélémy et Philippe Richard écrivent que la rencontre peut avoir des conséquences graves sur celui qui est le moins préparé. Or, on sait que les touristes du Nord, lors d’un voyage solidaire, doivent passer par une préparation au voyage. Les touristes savent donc à quoi s’attendre lorsqu’ils arrivent au village alors que les locaux doivent réagir rapidement. Ces derniers ne se protègent pas assez des effets de la rencontre à cause du sentiment de fierté qu’ils ont de savoir que des étrangers veulent leur rendre visite. Cette fierté entraîne une volonté de bien faire, parfois à l’extrême. C’est pourquoi les locaux sont souvent ceux qui subissent les conséquences de la rencontre. 58 BABOU I., CALLOT P., Les dilemmes du tourisme, op. cit. MICHEL, Franck. Hello Mister ! Quand les autochtones rencontrent les touristes en Indonésie. Ethnologie Française, 2002/2, XXXII, pages 475 à 487. Presses Universitaires de France 60 MARTIN, Boris (coord.) Voyager autrement, op. cit. 59 35 2.2. La complexité du touriste Le problème de la rencontre avec l’autre, comme l’explique Jean-Pierre Lamic, est qu’elle « renvoie le touriste à sa condition de touriste », c'est-à-dire que le touriste reste celui qui vient chez les autres. Bien que les associations et les touristes eux-mêmes soient à la recherche de véritables rencontres afin de dépasser les relations marchandes que l’on connait, il est difficile d’aller au-delà. On oublie souvent que les touristes considèrent souvent ce voyage comme unique, les locaux reçoivent une fois par mois un groupe de touristes. On comprend qu’il est difficile pour eux de toujours devoir s’investir complètement dans ce genre de relations. Enfin, alors que le tourisme solidaire et équitable a pour vocation de réduire les inégalités entre le visiteur et le visité, des contradictions apparaissent dans les motivations du touriste. Emmanuel de Kadt montre que, pour satisfaire les touristes, « la région touristique doit posséder des avantages naturels et un niveau de vie légèrement plus faible que la région d’où viennent les touristes »61. Les touristes solidaires se situent dans cette tendance. Ils avouent même, dans un article des Actes de la Recherche en Sciences Sociales62, qu’ils veulent que ces villages soient préservés de la modernité. Par exemple, ils pensent qu’il ne faut pas qu’ils aient accès à la télévision, qui pourrait détruire leur culture. Ainsi, en achetant un voyage solidaire, ils participent à un fonds de développement, mais ils ne souhaitent pas que ces régions soient au même niveau de développement que le Nord. Ce paradoxe s’explique par le fait que les touristes considèrent les villages d’accueil comme un « paradis perdu ». Au contraire, les locaux comparent les pays d’origine des touristes comme une « terre promise ». Il y a donc un malentendu certain entre les différents acteurs du tourisme solidaire. Dans L’écotourisme de Serge Gagnon, on rencontre le terme de patrimonalisation inventée, dans le sens où les associations n’hésitent pas à montrer aux touristes que le village regorge de traditions et de coutumes qu’il faut absolument conserver. Il arrive que le tourisme solidaire soutienne le développe local mais aille à l’encontre de la nouveauté. 3. Des portées environnementales difficiles 3.1. L’humain passe après l’environnement En ce qui concerne le tourisme solidaire et équitable, plusieurs problèmes concernant l’environnement se posent. Au nom du tourisme alternatif et de la protection de l’environnement, des autochtones sont chassés de chez eux63. Dora Valayer prend aussi l’exemple des indigènes près 61 KADT, Emmanuel de. Tourisme, passeport pour le développement ?., op. cit. CHABLOZ, Nadège. Le Malentendu. Nouvelles ( ?) frontières du tourisme. Op. cit. 63 GAGNON C., GAGNON S. (coord.), L’écotourisme : entre l’arbre et l’écorce. Op. cit. 62 36 du Macchu Picchu, qui se sont vus interdire l’accès à ce site emblématique car ils risquaient de le dégrader. On remarque alors que le tourisme solidaire et équitable reste un marché prometteur pour les pays. Ces derniers n’hésitent pas à montrer aux pays du Nord qu’ils ont compris ce que les touristes recherchaient, c'est-à-dire le respect de la planète. Ils peuvent alors mettre en place des projets en contradiction avec les principes mêmes du tourisme alternatif. 3.2. Une situation environnementale complexe Le tourisme solidaire et équitable ne résout pas les problèmes environnementaux liés au tourisme. Les visites sont toujours concentrées dans certains lieux64. Le tourisme solidaire, dont l’un des principes est de ne rester que peu de temps sur le territoire d’accueil afin de ne pas perturber la vie locale, propose des voyages courts et dépendants de l’aérien. La revue Alternatives Economiques montre ce paradoxe qui fait que les touristes solidaires consomment autant, si ce n’est plus, de ressources et de carburants. Un effet de seuil doit être calculé pour accueillir le nombre correct de touristes, celui qui n’engendrera pas de conséquences négatives. Cependant, il doit être constamment redéfini. Enfin, selon Françoise Gendebien dans la Revue Nouvelle65, il est impossible et peu souhaitable de transformer le tourisme de masse en tourisme responsable. La concentration des visites en certains points est nécessaire car cela permet de mieux contrôler les actions et les besoins des touristes. Ainsi, Françoise Gendebien dit qu’on ne peut pas envoyer les 30 millions de touristes qui fréquentent Sharm El Sheikh dans la brousse environnante. Une des limites du tourisme solidaire et équitable est donc de devoir se contenter de rester marginal car il engendrerait beaucoup de déplacements. 4. Un marché de niche et une grande concurrence entre les genres Le tourisme solidaire et équitable est un marché en constante progression depuis ses débuts. L’ATES a fait voyager 3000 voyageurs en 2005 et 6000 en 2008. L’Association pour un Tourisme Responsable, qui regroupe des voyagistes assez importants, a vendu des voyages alternatifs à 100000 personnes. Cela ne constitue cependant qu’un pour cent du marché de voyages à l’étranger. 64 ibidem GENDEBIEN, Françoise. Voyages responsables au Sud et ailleurs. La Revue Nouvelle, N° 1 – 2, janvier – février 2006 65 37 Si cela laisse une marge de progression considérable, le marché du tourisme solidaire et équitable ne semble pas vraiment porteur. 4.1. Des idéologies différentes Le tourisme solidaire et équitable possède une dimension militante car il vise à soutenir le développement des populations d’accueil. Nous avons d’ailleurs remarqué que les principales agences de voyages étaient en fait des associations. Certaines sont même des associations de développement avant d’être des actrices du tourisme alternatif. Alors que ces associations sont regroupées dans l’ATES, elles ont chacune leur point de vue sur le tourisme solidaire. Selon Céline Cravatte66, chacune possède leur propre idéologie. L’association Croq’Nature est fondée sur le pragmatisme et le travail avec les entrepreneurs. La Case d’Alidou mise sur l’émotion, tandis que Tranverses possède une vision plutôt « tiers-mondiste » : ce qui est le plus important, c’est le choix que fait la population d’accueil. Chaque association a sa propre histoire et a tissé des liens différenciés avec la population. Les principes et valeurs sont aussi différents. Ainsi, TDS serait « développementiste » dans la mesure où l’association souhaite avant tout responsabiliser la population. Elle insiste sur l’importance de la gestion collective des revenus touristiques grâce à la commission villageoise des terroirs. TDS mesure donc l’efficacité des actions, mais semble parfois s’éloigner du tourisme car les activités touristiques ne sont pas mises en avant. De plus, le tourisme militant ne semble pas viable sur le long terme. C’est ce que pensent André Barthélémy et Philippe Richard dans Voyager autrement. Selon eux, la rencontre, qui est au cœur du tourisme solidaire, est exigeante. Elle demande beaucoup d’efforts de part et d’autre. Des chartes sont même mises en place pour décrire ce que doit faire chacun. De plus, ce n’est pas le seul but du voyage. En effet, une critique adressée au tourisme solidaire et équitable serait d’oublier de faire du tourisme. Dans certains cas, les activités proposées sont minces. Or elles font partie du voyage et des vacances. 4.2. Des problèmes économiques sur le long terme André Barthélémy et Philippe Richard font aussi allusion au fait que ces voyageurs ne sont que peu rémunérateurs pour les associations. Alors que le nombre de voyageurs solidaires semble en augmentation, on peut se demander ce qui adviendra de toutes si structures si cette mode, si elle en est une, doit passer. Bien que le tourisme solidaire soit censé être une économie d’appoint comme nous l’avons vu, il reste essentiel dans la vie d’un village. Si nous reprenons l’exemple du village de 66 CRAVATTE, Céline in Autrepart, op. cit. 38 Keur Samba Yacine au Sénégal, on remarque que, certes le tourisme n’est pas l’activité économique principale, mais il fait vivre le centre de santé. S’il venait à disparaître, le village ne serait pas capable de soutenir ce centre. L’organisation de la vie des villageois serait très perturbée. De plus, le tourisme équitable est en lui-même un paradoxe et porte ses propres limites : le nombre de touristes ne doit pas trop augmenter, au risque de perturber l’environnement économique et social des pays visités. Le développement du tourisme solidaire et équitable ne semble pas passer par l’augmentation des touristes car il irait à l’encontre de ses propres valeurs. 4.3. Un tourisme élitiste Le tourisme solidaire et équitable a été développé pour faire face aux ravages du tourisme de masse. Philippe Frémeaux et Naïri Nahapétian expliquent que « regretter l’essor du tourisme de masse, c’est aussi céder à une nostalgie élitiste »67 . La clientèle de ce tourisme alternatif est en effet constituée de personnes appartenant à des catégories sociales et professionnelles hautes. Un sondage montre que les plus diplômés recherchent le contact avec les populations locales et le respect de l’environnement. Au contraire, les CSP les moins élevées sont en attente de confort et d’animation pour leurs vacances. Ces critères ne comptent peu dans la décision des personnes plus diplômées car elles possèdent déjà un certain confort dans leur vie quotidienne. Au contraire, Boris Martin parle de « dictature de la bonne conscience »68 : ils sont à la recherche de ce prix élevé et d’un niveau de confort moindre, afin de se prouver qu’ils sont capables de le faire. Les agences qui proposent ce genre de voyage font aussi face à un problème de rentabilité. Le segment de clientèle est étroit car le nombre de touristes est nécessairement limité, donc c’est une clientèle haut de gamme qui est visée69. Par nature aussi, le tourisme solidaire et équitable est donc un moyen de se distinguer, ce que recherche la clientèle élitiste. Depuis longtemps déjà, l’élite sociale et culturelle possède le mythe de la campagne. Les plus riches peuvent ainsi quitter la ville et s’offrir un repos dans un environnement sain et calme. Le tourisme solidaire semble reproduire ce schéma. Seules les personnes les plus aisées, parce qu’elles en ont les moyens mais aussi parce qu’elles souhaitent se démarquer, partent en vacances solidaires. De plus, ce touriste est exigeant car le voyage est souvent long et ne montre pas les aspects extraordinaires d’un paysage. Cependant, l’association Trade for Development souligne que le prix élevé empêche certains acheteurs potentiels de s’y intéresser. Il peut constituer une sorte de « barrière à l’entrée » et fait douter certains consommateurs. L’ouvrage Les dilemmes du tourisme s’interroge sur cette question. 67 MARTIN, Boris (coord.) Voyager autrement, op. cit. ibidem 69 GAGNON C., GAGNON S. (coord.), L’écotourisme : entre l’arbre et l’écorce. Op. cit. 68 39 Faire du tourisme un produit de luxe ne devrait pas se faire par les prix mais par une publicité discrète selon eux. Or dans le cas du tourisme solidaire, on fait face aux deux approches. Non seulement les prix sont élevés, mais la communication se fait par le bouche à oreilles. Le tourisme solidaire constitue un réseau à part, réservé à une certaine élite. 5. La problématique du touriste en tant que consommateur Tout au long de ce mémoire, nous avons parlé du tourisme solidaire et équitable comme étant une activité économique pour venir en aide aux pays les plus défavorisés. Les projets bien étudiés et développés sont certainement des vecteurs de développement pour les territoires d’accueil. A y regarder de plus près, le tourisme solidaire est souvent étudié à ce niveau, à savoir est-il bénéfique ou non aux populations, à l’environnement et à l’économie locale. 5.1. Un missionnaire plutôt qu’un touriste On semble oublier que le tourisme se construit avec des destinations, et avec des touristes demandeurs. Dans le cas du tourisme solidaire, les touristes (qu’on appelle voyageurs) seraient plutôt assimiler à des « missionnaires ». Or, nous avons vu que le tourisme solidaire et équitable n’est pas du tourisme humanitaire. Ce sont des séjours touristiques, des vacances, qui incluent un lien particulier avec les hôtes. Dans L’écotourisme : entre l’arbre et l’écorce, on peut lire cette critique. Le « plaisir touristique » est mis de côté au profit de la « mission », comme s’il était honteux pour le touriste d’avouer qu’il aime voyager pour son plaisir. Le produit disparaît totalement derrière le projet solidaire. Le touriste solidaire est conscient que l’activité à laquelle il s’adonne peut aboutir à des conséquences néfastes. Il se sent obligé de compenser cela en « apportant ce qu’il croit être le meilleur : le développement ». A partir de là, il y a deux remarques à faire. Tout d’abord, le concept de développement est une vision occidentale. Comme nous l’avons vu, les opinions des occidentaux et des autochtones divergent à ce sujet. Pourquoi effectivement imposer notre manière de « faire du développement » ? Certains pourraient dire que nous autres occidentaux avons appris de nos erreurs et nous voulons éviter que les pays en voie de développement ne les commettent à leur tour. Cela peut paraitre respectable. En étant plus pessimiste, on pourrait dire que les occidentaux ne souhaitent pas accepter la vision des pays plus « pauvres » qu’eux. Il n’empêche que le développement est une question complexe qu’il ne faut pas considérer comme acquise. D’autre part, si le tourisme solidaire dépend du « mal-être » du touriste, on pourrait se demander ce qu’il se passera le jour où le touriste se sentira mieux. Miser tout le temps sur cette peur de mal faire chez le touriste semble risquer, même si le contexte actuel de « culpabilisation » laisse penser que le tourisme alternatif n’est pas près de s’effondrer. 40 5.2. Le rejet du marketing La plupart du marché du tourisme solidaire est détenu par des associations. Possédant un esprit militant fort, ils s’opposent vivement à la notion de « produit touristique » et au marketing en général, accusé d’engendrer des besoins superficiels. Ils rejettent la publicité qui pervertirait les valeurs éthiques de leur organisation. D’un autre côté, certains critiquent les associations qui manqueraient de professionnalisme. Une partie des ces critiques est sûrement constituée d’aprioris, d’un côté comme de l’autre. Cependant, pour se pérenniser le tourisme équitable a besoin des techniques de marketing, et le tourisme traditionnel a tout intérêt à accepter ces nouvelles formes de tourisme, qui représentent tout de même une demande concrète. 41 CONCLUSION Cette première partie a donc souligné les particularités du tourisme solidaire et équitable par rapport au tourisme de masse. Il est fondé sur des valeurs humanistes et militantes qui placent l’humain au cœur du voyage. Mais cette partie montre aussi les limites du tourisme solidaire : il constitue un marché de niche et ne prend pas en compte les désirs du touriste en tant que consommateur. C’est cette réflexion qu’il faut approfondir par la suite. Il est intéressant de donner une nouvelle perspective au tourisme solidaire et équitable afin de recentrer le touriste consommateur au centre de ce système. 42 PARTIE II : LE TOURISME SOLIDAIRE ET EQUITABLE COMME CONSOMMATION RESPONSABLE 43 INTRODUCTION L’objectif de ce mémoire est d’apporter une vision différente sur le tourisme solidaire, qui s’appuie sur un concept avec lequel il n’a que très peu été mis en relation : la consommation responsable. La consommation responsable est un domaine d’étude intéressant qui permet de prendre en compte l’évolution de la société et les habitudes de consommation. Cette partie va présenter cette forme alternative de consommation, en décrivant plus précisément le système du commerce équitable. Cette présentation va nous permettre de poser les bases pour les hypothèses qui seront développées. Nous tenterons de lier consommation responsable et tourisme solidaire au travers le comportement de consommateur et au travers du commerce équitable. 44 Chapitre 1 : Une nouvelle forme de consommation : la consommation responsable 1. La construction de la consommation responsable 1.1. Une démarche contre la sur-consommation C’est à partir de la fin du XIXème siècle que la société change en ce qui concerne la consommation : non seulement le nombre de biens augmente mais les évolutions sociétales (comme l’émancipation progressive des femmes) influencent le rapport à la consommation. Les produits se diversifient et l’acheteur exerce un choix lors de l’achat. Le consommateur devient petit à petit plus libre dans ses actes et est à l’origine d’une certaine pression sur les entreprises. Ces dernières doivent s’accorder sur les volontés de ces acteurs économiques, qui deviennent peu à peu des acteurs politiques dans la mesure où ils ont le pouvoir de faire changer le comportement des entreprises70. La notion de responsabilité dans l’acte de consommation est évoquée par Charles Gide en 1898 dans Le règne du consommateur. Gide parle alors de « catéchisme du consommateur ». Il évoque les principes que le consommateur doit suivre lors de ses achats : S’informer sur les conditions de production des marchandises S’assurer que le prix est juste, à la fois pour l’acheteur et le vendeur Penser à la conséquence de cet achat pour la communauté On remarque que dès le XIXème siècle, et avant l’ère de la consommation par tous, certains avaient émis des principes pour contrôler cette consommation naissante. Les notions de transparence et de prix juste commencent à apparaître. De plus, Gide met en avant le lien qui existe entre un achat individuel et les conséquences sur une société donnée. A partir de ce courant vont apparaître de nombreuses « ligues de consommateurs » qui vont tenter de sensibiliser les acheteurs sur leur responsabilité citoyenne mais aussi de conseiller les entreprises sur leurs conditions de travail. C’est cependant dans les années 70 que ce mouvement pour une meilleure consommation se développe. La période économique prospère ainsi que le déclin qui a suivi ont amené les 70 OZCAGLAR TOULOUSE, Nil. Apport du concept d’identité à la compréhension du comportement du consommateur responsable : une application à la consommation des produits issus du commerce équitable. Thèse : Sciences de Gestion : Lille 2 : 2005 45 consommateurs à se poser des questions sur leur manière d’agir dans leur société. La consommation devient un enjeu. Les pouvoirs publics mettent en place une certaine protection envers le consommateur, comme avec la création de l’Institut National de la Consommation (1970). Des revues apparaissent : 50 millions de consommateurs (aujourd’hui 60 millions), Que choisir ? etc. Les droits du consommateur sont mis en avant. Mais ce n’est que récemment (fin du XXème siècle) qu’on parle aussi des devoirs du consommateur à une plus grande échelle. Ils s’appliquent à la fois envers la société (par exemple par rapport à la pollution) mais aussi envers d’autres individus qui sont exploités par ce système de consommation. En moins d’un siècle, le fait de consommer a donc pris une place primordiale dans la société occidentale. On ressent progressivement la notion de responsabilité du consommateur qui participe à un gigantesque système marchand. Plus qu’un questionnement sur une notion, ce sont aujourd’hui de véritables actions qui se mettent en place pour transformer cet idéal en réalité. 1.2. De la consommation à la consommation responsable 1.2.1. Définitions de base La consommation peut d’abord se définir comme étant un acte d’achat71. Mais elle comprend aussi l’ensemble des interactions qui dépendent d’elle. On peut distinguer trois « périodes » : l’avant achat, l’action d’achat et le post-achat. Ce sont toutes ces actions qui composent la consommation. Ainsi, dans le dictionnaire du Larousse, on peut lire que consommer est défini comme le fait d’« acheter un produit, une marchandise pour en faire usage ou non, ou y avoir recours, l'utiliser, en faire usage »72. On lit aussi que consommer quelque chose, c’est le rendre petit à petit inutilisable. On en déduit que consommer c’est d’abord faire un choix puis effectuer un geste et enfin utiliser cet objet de manière partielle ou totale. La responsabilité est l’ « obligation ou nécessité morale de répondre, de se porter garant de ses actions ou de celles des autres »73. On peut lire aussi la notion de pouvoir décisionnaire : les décisions que je prends ont des conséquences non seulement pour moi mais aussi sur les personnes qui m’entourent. Là encore, on peut découper la responsabilité en trois phases : l’énonciation, l’effectuation et la réparation74. A chaque niveau d’une action, ma responsabilité envers les autres est engagée. Une personne responsable est libre dans ses choix et actes mais doit en assumer les conséquences. 71 Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Consommation 25/05/10 Larousse : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/consommer 25/05/10 73 Larousse : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/responsabilit%C3%A9 25/05/10 74 Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Responsabilit%C3%A9 25/05/10 72 46 1.2.2. La consommation responsable Par conséquent, un consommateur responsable est un individu qui « s’interroge sur les conséquences de ses actes liés à la consommation, dans le temps (par exemple en prenant en compte les impacts environnement aux sur les générations futures) et dans l’espace (par exemple en s’interrogeant sur les impacts humains lorsqu’il s’agit de produits fabriqués dans le tiers-monde) »75. Un consommateur responsable va donc juger ses propres achats en fonction de ses conséquences sur la société. Il y a donc aussi une certaine notion de prévention car l’individu se pose des questions avant tout acte d’achat. Nous pouvons aussi ajouter la définition de Webster qui définit un consommateur responsable comme étant une personne qui « prend en compte les conséquences publiques de sa consommation privée ou bien qui utilise son pouvoir d’achat pour réaliser un changement social » (1974). On remarque le lien qui se créé entre un acte individuel et des répercutions sur un ensemble. L’individu prend conscience qu’il ne peut plus agir de manière égoïste car il fait partie d’un tout, et ses gestes ont des répercutions sur cet ensemble. De plus, il comprend qu’il peut agir pour améliorer les conséquences de ces actes. Il peut donc à la fois limiter les effets négatifs mais aussi créer des effets positifs. Afin d’être efficace, la responsabilité doit intervenir en amont et à chaque étape de la consommation. Je peux par exemple choisir des ampoules basse consommation, mais mon geste ne sera pas considéré comme responsable si je laisse la lumière allumée inutilement. Le processus de responsabilité doit être intégré à l’ensemble du processus d’achat. Cet achat n’est plus un simple échange marchand entre un acheteur et un vendeur mais représente un véritable engagement de la part du consommateur. Celui-ci doit analyser les meilleures options à prendre avant de procéder à son achat. C’est donc un acte réfléchi. On observe alors le passage du « consommateur passif » à celui d’« actif et responsable »76. L’individu n’est plus simple consommateur mais redonne une dimension citoyenne à la consommation dans la mesure où il agit pour la société. On parle de citoyenneté comme étant « le fait d’être membre d’un *ensemble+77 ». Dans ce groupe, chacun a des droits et des devoirs. La consommation responsable permet donc une prise de conscience des conséquences de chacun sur la sphère publique. Consommer responsable, c’est choisir un mode de consommation alternatif pour minimiser ou améliorer les impacts sur l’ensemble de la société. 75 OZCAGLAR TOULOUSE, Nil. Apport du concept d’identité à la compréhension du comportement du consommateur responsable, op. cit. 76 MARCHAND, A., DE CONINCK, P., WALKER, S., La consommation responsable : perspectives nouvelles dans les domaines de la conception de produits. Nouvelles pratiques sociales, Volume 18, numéro 1, Automne 2005, pages 39 à 56 77 Wikipedia http://fr.wikipedia.org/wiki/Citoyenneté 25/05/10 47 La responsabilité joue sur plusieurs niveaux : il y a différents moyens d’être responsables. Chaque individu développe sa propre stratégie de consommation pour arriver à des fins qu’il trouve convenables. 2. Les différents modèles de consommation responsable : différentes formes de protestation 2.1. Le boycott Le boycott peut se définir comme étant le fait de « cesser volontairement toute relation avec un pays, quelqu'un, une entreprise dans le but d'exercer sur eux une pression ou des représailles »78. L’objectif d’un boycott est de dénoncer certaines pratiques ou certains produits, et de faire passer un message fort aux autres consommateurs et aux entreprises. Le boycott est un moyen pour obtenir des résultats précis, comme l’amélioration de conditions de production ou l’arrêt d’un produit nonconforme. C’est un moyen qui effraie les entreprises, pas tant dans la baisse des ventes mais dans les conséquences sur leur image79. Le boycott est en effet le rejet public d’une entreprise ou d’une marque. C’est aussi un moyen de pression collectif et organisé. Un boycott dépend fortement du nombre de participants. Il permet de se rendre compte du pouvoir des consommateurs : si je n’achète plus ce produit, et que d’autres font de même, cela peut avoir un impact. Selon Nil Ozcaglar Toulouse, « plus le comportement de l’entreprise est perçu comme mauvais et plus le boycott est jugé comme l’action adéquate, plus nombreux sont les consommateurs qui y participent »80. Des exemples montrent que cette méthode peut être tout à fait efficace, comme lors du boycott de la marque de chaussures de sport « Nike », soupçonnée de faire travailler des enfants. En ce qui concerne la consommation, il est plutôt négatif car il signifie l’arrêt des achats. C’est pour cette raison qu’il apparaît comme une arme radicale et peut être difficile à mettre en place. 2.2. La simplicité volontaire La simplicité volontaire est un « mode de vie consistant à réduire volontairement sa consommation par la maîtrise des besoins »81. Elle prône le retour à l’essentiel et le rejet du superflu. Depuis les 78 Larousse http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/boycotter 25/05/10 http://www.toupie.org/Dictionnaire/Boycott.htm 25/05/10 80 OZCAGLAR TOULOUSE, Nil. Apport du concept d’identité à la compréhension du comportement du consommateur responsable, op. cit. 81 http://fr.ekopedia.org/Simplicit%C3%A9_volontaire 25/05/10 79 48 épicuriens jusqu’à Ghandi, ses « pratiquants » mettent en avant les bienfaits d’une vie simple, qui ne serait plus gérée par l’accès aux biens de consommation. La notion de meilleure qualité de vie est récurrente. Les valeurs mises en avant sont la famille et l’écologie. C’est une façon d’être plus proche des autres et de la nature. La qualité des produits est plus importante que la quantité. Les technologies inventées par l’homme n’apporteraient pas le bonheur qu’elles promettent pourtant. En effet, les envies créées par les entreprises et la publicité se renouvellent constamment et le bonheur ne pourrait donc se trouver dans l’acquisition de ces biens éphémères. Selon les « simplifieurs », la société axée sur le travail et l’argent entraîne un stress néfaste pour les citoyens, et les pousse dans un cercle vicieux. La simplicité volontaire fait partie du courant de la décroissance, qui rejette l’idée d’une croissance économique constante et bénéfique pour tous. Contrairement au boycott, c’est un geste individuel qui ne vise pas à faire changer les autres mais soi-même. C’est en cela une véritable philosophie de l’autosuffisance. Elle met l’accent sur l’échange, l’entraide et le « faire soi-même ». La simplicité volontaire est une conduite en marge des systèmes de consommation habituels. C’est à la fois de l’anti-consommation et une manière de vivre différente. Il y a plusieurs niveaux dans la simplicité volontaire et tous les adeptes n’optent pas pour les mêmes modes de vie. Certains vont jusqu’à choisir la vie à la campagne pour se couper du stress de la ville mais la simplicité volontaire peut s’exprimer à une moindre échelle, comme apprendre à se passer de biens technologiques (télévision, ordinateur…). 3. Un exemple de consommation responsable : le commerce équitable Le commerce équitable s’appuie sur la déclaration universelle de des droits l’Homme de 1948 qui affirme que « quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant, ainsi qu’à sa famille, une existence conforme à la dignité humaine ». Il a donc comme objectif de mettre en place un système économique et commercial plus juste. 3.1. La mise en place du système équitable 3.1.1. Historique En 1964, lors d’une conférence des Nations Unies, est apparue la nécessité de créer un système qui soutienne les producteurs des pays défavorisés. Le constat qui a été dressé est que les aides humanitaires n’obtenaient pas de bons résultats : « trade not aid » était le mot d’ordre. Autrement dit, les producteurs voulaient rester dans le système économique et vivre de leur travail au lieu de 49 dépendre des aides qui leur étaient octroyées. Les cultures agricoles des pays du Sud n’étaient que très rarement transformées dans les pays. Dans son livre sur le commerce équitable, Jean-Pierre Doussin explique que les pays du Nord ont mis en place une escalade tarifaire qui dissuade les pays du Sud de vendre des produits finis car les tarifs des douanes augmentent quand un produit transformé arrive sur le territoire82. En parallèle de l’organisation institutionnelle, des magasins spécialisés se mettent en place dans les années 1960. Ce sont les « Boutiques du Monde ». Elles garantissent des débouchés aux producteurs des pays du Sud en vendant leurs produits dans ces boutiques à un prix plus élevé. En France, ces boutiques sont connues maintenant sous le nom d’ « Artisans du Monde ». La création récente d’un Secrétariat d’Etat à l’Economie Solidaire montre une certaine reconnaissance de ce système de vente par les organisations institutionnelles. Ce mode de commerce alternatif connaît aujourd’hui une véritable expansion. 3.1.2. Les acteurs En France, le principal acteur du commerce équitable est la Plate Forme pour le Commerce Equitable. Créée en 1997, elle est l’organe de coordination dans le domaine. Elle est composée d’une quarantaine d’organisations telles que des grossistes ou des réseaux de distributions83. Elle vise à soutenir les producteurs et à informer les consommateurs sur les pratiques du commerce équitable. Elle est aussi un porte-parole auprès des institutions. Au niveau international, le commerce équitable est représenté par la FINE. C’est un groupement constitué de quatre grandes associations : « Fairtrade Labelling Organizations » (FLO), « International Federation of Alternative Trade » (« World Fair Trade Organisation » maintenant), « Network of European Worldshops » et « European Fair Trade Association ». Se regrouper signifie échanger plus rapidement les informations mais aussi avoir plus d’importance et se faire reconnaitre plus facilement. La particularité des associations du commerce équitable est le fait qu’elles soient régionalisées afin de construire des actions cohérentes et coordonnées. Certains acteurs sont très présents sur le marché du commerce équitable. On peut citer Max Havelaar ou Artisans du Monde en France, Oxfam en Grande-Bretagne. Le réseau Max Havelaar a été mis en place en 1988 pour répondre à l’appel d’urgence émis par les producteurs de café maxicains, qui n’arrivaient plus à vendre leurs produits. Son rôle est de mettre 82 83 DOUSSIN, Jean-Pierre. Le commerce équitable. Paris : PUF - Que sais-je ?, 2009 http://www.commercequitable.org/lapfceetsesmembres.html 26/05/10 50 en relation les producteurs des pays du Sud et les vendeurs du Nord. Ses produits sont aujourd’hui les premiers sur le marché, notamment grâce à leur présence dans les supermarchés. Artisans du Monde est un réseau associatif et militant qui promeut le commerce équitable en France. Il a été créé notamment grâce à l’impulsion de l’Abbé Pierre en 1974. Artisans du Monde possède une société d’importation : « SolidarMonde » et est aujourd’hui actionnaire majoritaire. « SolidarMonde » importe des produits du Sud qui sont vendus dans des boutiques spécialisées, contrairement à Max Havelaar84. Alors que ces deux acteurs français se concentrent sur la notion de commerce et de soutien à la production, Oxfam revêt une certaine dimension humanitaire. C’est en effet une association d’aide humanitaire qui travaille certes sur le commerce équitable mais aussi sur beaucoup d’autres projets. En 1999, Oxfam France a lancé une campagne de pétition pour autoriser la vente de produits éthiques. Enfin, le commerce équitable construit une relation entre ces acteurs du Nord, et les producteurs du Sud. Ces derniers, afin d’optimiser les moyens et les techniques de production, ont créé des groupements de producteurs. Se regrouper permet d’assurer une production à plus grande échelle et d’assurer des bénéfices à un grand nombre de personnes. On remarque donc la diversité des acteurs dans le domaine du commerce équitable, chacun apportant une dimension particulière. 3.1.3. Les principes Selon FINE, le commerce équitable peut se définir comme étant un « partenariat commercial basé sur le dialogue, la transparence et le respect, qui vise plus d’équité dans le commerce international ». Les membres de la PFCE ont rédigé une charte qui s’appuie sur ces principes. Les membres sont liés par ces engagements qui encadrent la pratique du commerce équitable. Elle est composée de six points, présents dans Le commerce équitable de Jean-Pierre Doussin : - L’équité et la solidarité dans les relations commerciales : les producteurs doivent percevoir une rémunération juste, qui prenne en compte les coûts de production et les besoins de la famille. C’est ce qu’on appelle le minimum garanti. Dans une approche solidaire, le commerce équitable doit aussi privilégier le développement économique des plus défavorisés. 84 http://www.artisansdumonde.org/qui-sommes-nous/fonctionnement/solidarmonde.html 26/05/10 51 - L’autonomie des producteurs : ils sont tenus de refuser les abus qui existent dans des transactions commerciales. Les producteurs ne doivent pas se faire exploiter par des grands groupes commerciaux. Il faut qu’ils maintiennent une agriculture vivrière afin de ne pas dépendre de ces groupes. Ils doivent donc travailler pour eux avant tout. - La dignité des acteurs : le commerce équitable permet de revaloriser le travail de ces producteurs et employés des pays du Sud. Les travailleurs doivent retrouver confiance en leur travail et en retirer une certaine fierté. Le commerce équitable possède une dimension sociale forte. - Le respect de l’environnement : afin de garantir la qualité des produits, les producteurs doivent travailler en respectant l’environnement. - La transparence : l’échange d’informations doit être réciproque entre le Nord et le Sud. Le consommateur doit aussi être informé correctement et les produits doivent suivre la règle de la traçabilité. - L’engagement à faire évoluer le commerce international : la sensibilisation est une partie importante du commerce équitable. Tant les particuliers que les groupes décideurs doivent être informés sur les pratiques de ce commerce alternatif afin de faire évoluer le système de commerce dans son ensemble. L’objectif majeur du commerce équitable est donc le « renforcement des capacités des organisations de producteurs, artisans ou de travailleurs afin qu’elles deviennent autonomes et maitresses de leurs choix »85. Les entrepreneurs et salariés du Sud doivent être capables de commercer d’égal à égal avec leurs partenaires du Nord. 3.2. Un système économique à part 3.2.1. Un système marchand respectueux Romain le Velly, cité dans l’ouvrage de Jean-Pierre Doussin, affirme que le commerce équitable est constitué d’ « échanges marchands contre et dans le marché ». En effet, le commerce équitable prône des valeurs alternatives au commerce international mais il reste dans un système marchand. Un échange marchand est basé sur l’offre et la demande. Selon la théorie d’Adam Smith, l’échange marchand est positif car il permet à chacun de faire ce qu’il y a de mieux pour lui : un vendeur cède ses produits pour gagner de l’argent et quelqu’un les achète par rapport à ses besoins. Il souligne cependant le rôle négatif des intermédiaires qui entravent la relation directe producteur-acheteur. Une partie des acteurs du commerce équitable ne remet donc pas en cause le libéralisme des échanges, qui n’est pas, selon eux, créateur d’inégalités. Grâce au système du libre-échange, on 85 DOUSSIN, Jean-Pierre. Le commerce équitable, op. cit. 52 diminue l’intervention de l’Etat dans le domaine du commerce. Dans certains pays du Sud, les Etats ne sont en effet pas capables de garantir aux producteurs et artisans des revenus corrects. Le commerce équitable permet de plus de diminuer l’assistanat envers les plus pauvres, qui retrouvent une certaine dignité. Mais ce système évite aussi les relations « dominant/dominé » car il met en scène des personnes qui travaillent d’un côté comme de l’autre. En effet, la notion de respect est essentielle dans le commerce équitable. Cependant, le commerce équitable ne se situe pas totalement dans le système marchand global. C’est une économie viable qui met en avant un modèle de transparence face au modèle de Concurrence Pure et Parfaite, qui dans la pratique ne réunit pas toutes ses conditions. Il est vu comme un système gagnant pour tous : le consommateur achète un produit dont il a besoin, et ce produit possède une valeur économique et sociale qui va aider le producteur. L’égalité entre les deux extrémités du marché est censée être assurée. De plus, c’est un système militant où les discussions et les échanges sont la base des relations commerciales. Le travail se fait dans la coopération afin de respecter l’autonomie de chacun. On observe toutefois que les travailleurs les plus défavorisés, souvent des femmes ou des handicapés, sont dépendants de cette organisation particulière. 3.2.2. La notion de prix juste Une des composantes essentielles dans le commerce équitable est la notion de prix. Le prix des produits équitables est en effet plus élevé que les produits normaux. Ce prix plus important garantit une rémunération correcte des travailleurs. Il est fixé « conjointement par les organismes de commerce équitable et les producteurs »86. Il doit permettre aux travailleurs de faire vivre leur famille décemment et de continuer leur travail sur le long terme. Sur le site Internet de Max Havelaar, on trouve un schéma qui décompose le prix d’un paquet de café afin de souligner la différence qui revient au producteur. 86 http://www.lequitable.fr/lexique.html 26/05/10 53 Source : Max Havelaar On remarque que les coûts de production et de distribution sont plus faibles dans le cas du système Max Havelaar. On peut en déduire que la torréfaction du café se fait de manière plus traditionnelle et donc moins chère. Mais on peut aussi se dire qu’il est normal que la part revenant à la distribution soit plus faible car ces produits sont diffusés à petite échelle. Ce schéma montre aussi que la redevance Max Havelaar n’est pas plus importante que la part des intermédiaires dans le système classique. Dans le cas contraire, cela aurait fait mauvaise impression. Malgré tout cela, la part au « petit » producteur semble deux fois plus importante que dans le système traditionnel. Dans le commerce équitable, un des principes qui découle du respect envers tous les acteurs du marché est de ne pas défendre ses intérêts s’ils viennent à nuire aux autres. On pourrait alors tomber dans un système de don, dans la mesure où l’on diminue ses avantages pour en faire profiter les autres. De plus, le prix payé par le consommateur comprend aussi « une prime de développement pour des projets de développement local »87. Une partie de la somme est donc donnée de manière volontaire et solidaire. Certaines critiques utilisent cet argument pour condamner le commerce équitable. Il faut cependant dire que le commerce équitable utilise des méthodes commerciales nontraditionnelles où la communication et l’échange permettent de fixer un prix juste pour tous. Le « juste prix » du commerce équitable est confronté de plus en plus au « prix bas » des rayons et magasins discount, explique Jean-Pierre Doussin88. Les consommateurs recherchent de plus en plus les prix les moins chers, quitte à ne pas être exigeants sur la qualité des produits. En mettant à disposition des consommateurs des produits à faible prix, ils tombent dans un cercle vicieux qui consiste à chercher le prix le plus bas dans une gamme de produits. Acheter un produit plus cher 87 OZCAGLAR TOULOUSE, Nil. Apport du concept d’identité à la compréhension du comportement du consommateur responsable, op. cit. 88 DOUSSIN, Jean-Pierre. Le commerce équitable, op. cit. 54 revient à se faire avoir. Avec l’apparition des produits équitables, la gamme de prix s’agrandit et le contraste est plus fort. Sensibiliser les consommateurs au commerce équitable, c’est d’abord leur faire perdre cette volonté de rechercher le produit le moins cher à tout prix. 3.3. La consommation équitable Le commerce équitable est construit sur la base d’un marketing-mix particulier mais aussi sur un discours politique approprié. 3.3.1. Les produits équitables En 2004, selon Les nouveaux utopistes de l’économie, le chiffre d’affaire des produits Max Havelaar était de 400 millions d’euros contre 330 millions en 2003. Il aurait bénéficié à cinq millions de personnes (Max Havelaar compte les travailleurs ainsi que leur famille). Pour la « European Fair Trade Associatoin », plus de 800 000 producteurs ont bénéficié de l’augmentation des revenus. Aujourd’hui, une vingtaines de produits sont vendus de manière équitable, principalement des produits alimentaires. Le produit phare du commerce équitable est le café. Ce dernier est la deuxième marchandise commercialisée au monde après les produits pétroliers. Les produits du commerce équitable sont souvent issus de projets ancrés dans le territoire afin de garantir une certaine durabilité. Ils sont liés à l’organisation du territoire et à son histoire. Les produits d’une entreprise délocalisée du Nord ne peuvent être considérés comme équitables. La particularité de ce commerce est le fait que les producteurs maitrisent tout à fait leurs méthodes de travail et fabriquent des produits en accord avec leur environnement. 3.3.2. Des systèmes de distribution et une labellisation qui font débat Le lieu de vente est une composante essentielle du marketing-mix. Il va en effet induire le comportement d’achat d’un individu, qui sera plus ou moins prêt à acheter équitable. Lors de la naissance du commerce équitable, les produits étaient venus dans des boutiques spécialisées comme celles d’Artisans du Monde. Maintenant, certains réseaux ont privilégié la vente dans les grandes et moyennes surfaces (GMS). C’est le cas de Max Havelaar dont le label permet aux produits équitables de se trouver dans les rayons avec les autres produits et peut permettre ainsi aux producteurs de vendre plus89. De plus, la présence de produits équitables dans les GMS montre la volonté des acteurs de changer les règles du commerce « normal » : c’est un des principes évoqué dans la charte de la PFCE. Ces produits alternatifs ont en effet droit à la même visibilité que les autres 89 FERRANDO J., GIAMPORCARO-SAUNIERE S. (coord.), Pour une « autre » consommation : sens et émergence d’une consommation politique. Paris : L’Harmattan, 2005 55 produits et ils peuvent attirer de nouveaux consommateurs. A ce niveau, le commerce équitable profite des méthodes de commerce traditionnel, afin théoriquement de mieux sensibiliser les consommateurs. Plusieurs critiques s’élèvent contre la vente de produits équitables dans les supermarchés. Une des valeurs du commerce équitable est de rapprocher le producteur et le consommateur en diminuant les intermédiaires. Chaque produit a une histoire. Acheter un produit équitable est à la fois un acte économique mais aussi un acte symbolique. Les liens créés sont à la fois marchands et sociaux. Paul Cary, dans l’ouvrage Pour une autre consommation, explique que la vente dans les grandes surfaces ne permet pas la « (re)connaissance » du lieu de production. Les consommateurs ne sont pas face à des vendeurs qui pourraient leur donner des informations. La sensibilisation est très atténuée car les consommateurs n’ont que les renseignements contenus sur les paquets. De plus, les boutiques spécialisées offrent des produits plus diversifiés et de nombreux objets d’artisanat. Ces produits ont d’ailleurs une histoire plus « riche » que les produits alimentaires (les cultures comme le café ayant souvent été apportées par les colons). Pour se placer dans les supermarchés et se détacher des autres produits, les produits équitables sont vendus sous un label, comme celui de Max Havelaar. Or, en plus de la critique sur la véracité des valeurs de l’organisation (débat auquel nous ne prendrons pas part), on remarque tout de même que ce label empêche dans une certaine mesure d’autres produits de se développer. Paul Cary a recueilli les impressions d’un acteur du commerce équitable qui souhaite développer une gamme de pantalons jeans. Ce dernier explique qu’il ne souhaite pas prendre de label afin de mieux souligner les qualités du produit. Selon lui, il faut « se débarrasser de l’image du pauvre producteur lésé et du consommateur compatissant ». Il faut laisser le choix au consommateur de faire la différence entre les produits. Un label gâcherait donc la véritable nature du produit. Le développement de la filière dans les GMS est donc très controversé car il possède à la fois des avantages et des inconvénients. 3.3.3. Une consommation engagée auprès des autres Le commerce équitable fait partie de la consommation engagée. En effet, il implique une relation plus ou moins directe avec le producteur. A travers le produit, et surtout son packaging, le consommateur effectue un geste engagé, c'est-à-dire qui a des conséquences directes. C’est pour cette raison que l’histoire du produit est très développée et mise en avant. Il faut donner une identité concrète aux producteurs pour créer un véritable sentiment d’utilité chez le consommateur. 56 C’est pour cette raison que de nombreux sites Internet ou revues sont consacrés à ces producteurs du Sud. Contrairement aux produits biologiques qui bénéficient à l’environnement, concept plutôt global, le commerce équitable vise des personnes réelles. Pour devenir un symbole de la consommation engagée et responsable, le commerce équitable s’est appuyé sur certains mouvements. Suivant les périodes, il s’est joint à de nouvelles protestations. Aurélie Lachèze, dans Pour une autre consommation, explique ce qu’est la notion d’attelage en citant Franck Cochoy. Selon lui, l’attelage « intervient lorsque les acteurs déterminés à réaliser un projet personnel comprennent qu’ils pourront atteindre leur objectif encore plus vite en s’arrimant à la progression conjointe d’autres acteurs engagés dans une entreprise voisine »90. Le commerce équitable a su s’ « atteler » aux courants altermondialistes des années 1990, et tend aujourd’hui à rejoindre l’idée du développement durable. De plus en plus de produits ne sont plus seulement équitables mais aussi biologiques. Les producteurs et les associations qui les soutiennent ont compris l’importance de suivre le courant pour avoir plus de crédibilité. Alors que l’écologie est une valeur essentielle de la société contemporaine, passer outre aurait été une erreur tactique. Les consommateurs peuvent maintenant acheter des produits « irréprochables ». Enfin, Jean-Pierre Doussin fait remarquer que l’impact du commerce équitable est plutôt notable au Nord. Les individus sont de plus en plus sensibilisés à cette cause. Cependant, les impacts sont plutôt limités au Sud. Il n’existe pas d’engagement des consommateurs du Sud envers leurs producteurs. 90 LACHEZE, Aurélie in FERRANDO J., GIAMPORCARO-SAUNIERE S. (coord.), Pour une « autre » consommation, op.cit. 57 Chapitre 2 : Des consommateurs responsables et engagés 1. Une analyse descriptive des consommateurs 1.1. Des statistiques éclairants 1.1.1. Des produits mieux connus mais peu consommés Les études faites sur le commerce alternatif et équitable montrent que les consommateurs sont de plus en plus nombreux à connaître le produit. Selon une étude du Crédoc91, les intentions d’achat en ce qui concerne la consommation engagée sont passées de 40% en 1992 à 51% en 1993. Un sondage Ipsos montre la progression du commerce équitable : à la question « avez-vous déjà entendu parler du commerce équitable ? », seuls 9% des français répondaient par l’affirmative en 2000 alors qu’ils étaient 45% en 2003. Plus récemment, selon une étude de l’Observatoire Cetelem de 201092, 54% des français disent avoir déjà consommé des produits équitables. Si les produits issus de la consommation responsable sont mieux connus qu’il y a dix ou quinze ans, les achats effectués restent occasionnels. Les individus s’engagent certainement dans la consommation engagée et prennent en compte l’écologie dans leurs manières de vivre mais cela reste à travers des gestes simples comme le tri des déchets. L’étude Cételem montre qu’au niveau européen, les britanniques seraient 28% à consommer des produits responsables régulièrement alors qu’ils ne sont que 9% en France. Une étude organisée par l’Union Européenne sur le commerce équitable93 met en avant le fait que les Néerlandais sont près de 50% à consommer ces produits. Si les français sont de plus en plus nombreux à être informés sur le commerce équitable et la consommation engagée, cela reste une pratique à part comparé à d’autres pays, si l’on se réfère aux études. 1.1.2. Le prix : un frein à l’intention d’achat L’un des paradoxes qui entourent le commerce équitable, et qu’on pourrait étendre à l’ensemble des produits alternatifs, est que le prix constitue un frein à l’achat alors qu’il fait partie des 91 JEUDY, Emmanuel. Le développement de la consommation citoyenne en Europe. CREDOC. 04/1998 Etude Observatoire Cetelem, BNP Paribas, Consommer en 2010 : pas moins mais mieux 93 Etude réalisée dans le cadre d’installations de quotas pour l’importation de bananes équitables 92 58 caractéristiques essentielles des produits. Ainsi, l’étude européenne que nous venons de citer montre que le pourcentage d’intention diminue fortement lorsque le prix augmente. Prix / Pourcentage d’augmentation Prix identique + 10% + 20% + 30% Part des consommateurs qui achètent les bananes équitables 74% 37% 11% 5% Tableau réalisé à partir de l’étude européenne sur la consommation responsable De même, si le prix du produit est supérieur de 0,19€ au prix d’un article normal, on trouve 35% d’intentions d’achat alors que s’il augmente de 0,5€, il n’y a plus que 10% d’intentions d’achat. Un prix plus élevé garantit normalement le fait que le produit soit conçu dans les normes (écologiques, éthiques) qui lui sont propres, mais ces raisons ne semble pas assez convaincre les consommateurs. Cependant, il est normal qu’un prix plus élevé soit à l’origine de tels comportements. Ce n’est pas pour autant que cette tendance va continuer dans les années qui viennent. Le travail des organisations au niveau de la sensibilisation et de la communication auprès des consommateurs peut avoir des résultats positifs. Il faut en effet rappeler que les produits biologiques sont passés par la même étape il y a quelques années. Or aujourd’hui ces produits sont certainement les premiers produits responsables consommés en France. Selon l’étude de l’observatoire de Cétélem, si 9% des français consomment équitable, ils sont 37% à consommer des produits biologiques. 1.2. Le(s) profil(s) du consommateur responsable 1.2.1. Où se situe le consommateur ? De nombreuses études ont été réalisées pour tenter de cerner le profil-type du consommateur engagé. Si l’on recoupe les informations, on remarque que les critères « sexe » et « statut économique et social » seraient les plus pertinents. Selon l’étude du Crédoc sur le commerce équitable, les personnes les plus intéressées seraient les plus jeunes (25-35 ans) ou les plus âgés (plus de 55 ans), ayant un nombre d’années d’études important et seraient principalement des femmes. Dans sa thèse, Nil Ozcaglar-Toulouse décrit le consommateur comme étant une consommatrice, entre 25 et 59 ans, qui vivrait en ville et appartenant à une catégorie socioprofessionnelle plutôt haute. Lors d’un séminaire94, elle parle d’individus cadres ou de professions supérieures, ayant des revenus élevés et vivant à Paris. On 94 OZCAGLAR TOULOUSE, N., DIAZ PEDREGAL, V., PARODI, G. Le commerce équitable : un « juste commerce » ou « juste un commerce » pour les consommateurs ?. Présentation PowerPoint. Séminaire Moisa, Montpellier, 11-12 janvier 2007 59 remarque clairement que l’âge ne peut être un indicateur mais que la position sociale d’un individu doit être prise en compte. Le commerce équitable concerne donc des personnes des classes sociales favorisées, dont le niveau de revenus est conséquent. Nil Ozcaglar-Toulouse met aussi en avant le fait qu’il existe une certaine complémentarité entre les produits biologiques et les produits équitables. Les personnes qui achètent des produits équitables sont aussi consommatrices de produits « bio ». Le contraire n’est pas forcément nécessaire mais il est certain qu’une personne qui achète des produits biologiques sera plus sensible aux produits équitables qu’une personne « novice » dans les deux domaines. De plus, des personnes ayant déjà acheté des produits équitables seront plus à même de continuer. Enfin, il convient de souligner que les personnes ne pratiquant pas ce genre de consommation déplorent le manque d’information. 42% des ouvriers avouent ne pas connaître le commerce équitable alors qu’ils ne sont que 20% chez les professions supérieures95. Certaines catégories de la population française, plutôt rurales, perçoivent le commerce de façon négative car ils doutent fortement des effets positifs qu’il dégage. Nous pouvons résumer ces différents types de consommateurs selon les profils établis par Nil Ozcaglar-Toulouse: Le consommateur « polycentrique » est éduqué et possède un statut social élevé. Il ressent certaines responsabilités sociales. Ce sont des paramètres qui rentrent en compte lors de son achat. Le consommateur « ethnocentrique » est plus individuel. Pour consommer de façon responsable, il doit pouvoir en retirer un bénéfice personnel. Il faut aussi que la cause du produit lui soit familière et qu’il y attache une importance particulière. Le consommateur « égocentrique » est plus prudent et se méfie de la consommation responsable. Il a peur du greenwashing96 et ne veut pas se faire avoir. La consommation responsable, et surtout le commerce équitable, serait une pratique réservée aux personnes les plus favorisées économiquement et socialement. 1.2.2. Des intentions différentes La consommation responsable regroupe plusieurs comportements d’achat. Certaines personnes vont privilégier l’achat de produits particuliers. En 1993, l’étude Crédoc montrait que le critère « fabriqué 95 96 ibidem Le « greenwashing » est l’utilisation excessive et à des fins commerciales des notions durables, équitables… 60 en France » était celui pour lequel les gens voulaient acheter un produit responsable. Il faut en effet situer l’époque dans un contexte de crise et de forte délocalisation des entreprises. Aujourd’hui, on ne peut passer à côté du mouvement écologique qui prend une grande ampleur. Les produits biologiques sont devenus des achats réguliers. La forte communication, notamment à la télévision (donc un mass média) en a fait des produits quotidiens. Les études quantitatives ne donnent qu’un faible aperçu de la consommation responsable. Il faut des analyses plus précises afin de comprendre en profondeur la raison qui pousse les individus à acheter des produits alternatifs. 2. L’analyse marketing de la consommation responsable 2.1. Les concepts 2.1.1. Le comportement du consommateur L’étude du comportement des consommateurs est essentielle pour comprendre leur réaction face à un produit. L’encyclopédie Universalis définit le comportement de consommateurs comme étant l’« ensemble des comportements qui se rapportent à l'acquisition de biens et services, pas seulement l'acte d'achat en lui-même mais également les comportements qui précèdent l'acquisition, le choix même, l'utilisation des biens et services achetés et l'abandon éventuel de ces produits »97. On peut noter que c’est un processus complet, qui couvre plusieurs étapes dans l’acquisition d’un produit. L’ouvrage dirigé par Michael Solomon décrit le comportement de consommateurs comme « l’étude des processus qui entrent dans le choix, l’achat, l’utilisation ou l’abandon des produits, services, idées ou expériences par des individus ou des groupes, pour la satisfaction de leurs besoins ou de leurs désirs »98. Chaque étape doit donc être étudiée à part entière. C’est aussi un processus permanent et continu car l’abandon d’un objet signifie l’acquisition d’un nouveau. Pour comprendre le comportement du consommateur, il faut tenir compte de toutes les influences que ce dernier peut recevoir. La consommation est aussi très liée au concept d’identité. Cette identité donne notre rôle dans la société. C’est pourquoi on peut penser que la consommation revêt un aspect social99 pour un individu. Etudier le comportement d’un consommateur, c’est donc étudier l’image qu’il veut se donner dans la société. 97 http://www.universalis.fr/encyclopedie/consommation-comportement-du-consommateur/ 30/04/10 SOLOMON, Michael. Comportement du consommateur. TISSIER-DESBORDES E. et HEILBRUNN B. pour l’édition française. Paris : Pearson Education, 2005 99 BREE, Joël. Le comportement du consommateur. Paris : Dunod, 2009 98 61 2.1.2. Le processus d’achat Le consommateur traverse plusieurs étapes lors de l’acquisition d’un bien ou d’un service. Joël Brée, dans son ouvrage Le comportement du consommateur, présente le processus d’achat théorique en cinq étapes. 1- Reconnaitre un problème : le consommateur ressent un écart entre la situation dans laquelle il se trouve actuellement et la situation dans laquelle il aimerait être. 2- Rechercher des informations : il va ensuite se renseigner sur les manières de réduire cet écart. Cette étape est très importante car il peut avoir accès, volontairement ou non, à de nombreuses informations. Il peut demander conseil ou consulter les publicités par exemple. 3- Comparer les choix : le consommateur va comparer les options qui s’offrent à lui selon ses critères personnels. A la fin de cette étape, il aura retenu les produits qui correspondent à ce que lui-même souhaite. 4- Faire un choix : Le consommateur effectue un choix selon les critères qu’il a choisis mais son choix dépend aussi fortement du contexte et de l’environnement. Il peut en effet avoir traversé toutes les étapes pour se rendre compte que l’achat n’est pas approprié (manque de moyens, utilité limitée…). C’est aussi à ce moment qu’il va subir l’influence de parties extérieures. Le consommateur doit donc prendre en compte différents critères avant d’acheter un produit. 5- Analyser le post-achat : Il va comparer la situation dans laquelle il se trouvait par rapport à la nouvelle et voir si le problème (cet écart) est résolu. Etudier le processus d’achat d’un individu permet de déterminer quels sont ses décisions à chaque étape et améliorer par conséquent les chances qu’a un produit d’être choisi. Mais pour cela, il faut aussi comprendre qu’un achat peut se faire par plusieurs individus. Autrement dit, il peut arriver le processus d’achat soit influencé et dirigé par plusieurs personnes. Joël Brée décrit cinq rôles que l’on peut trouver dans le processus d’achat : L’initiateur : il est à l’origine de la consommation. Il souhaite et demande un produit. Il a peu de résistance face à la communication. Il peut être un enfant par exemple. Les influenceurs : ils peuvent être proches (les amis) ou impersonnels comme les médias et la publicité. Ils participent à la prise de décision. Le décideur : c’est lui qui arrête le choix. Si l’enfant est l’initiateur, les décideurs peuvent être les parents. L’acheteur : il traduit les vœux du précédent sous forme d’argent. 62 L’utilisateur : il bénéficie du produit. L’étude de ces rôles est importante. Dans la plupart des cas, c’est souvent la même personne qui les endosse tous. Un comportement sera mieux ciblé si l’on trouve qui correspond à quoi. Par exemple, il ne conviendrait pas de demander à des parents dans un supermarché si les céréales qu’ils achètent pour leurs enfants sont bonnes car ce ne sont pas eux les utilisateurs. 2.2. La prise de décision La prise de décision en ce qui concerne l’achat d’un produit dépend du processus de consommation. Selon Darpy et Volle, il se traduit par l’indentification des besoins et des motivations, puis par l’action d’achat et enfin par l’abandon du produit100. Ce qui nous intéresse ici, ce sont les rouages qui amènent un individu à choisi un produit par d’autres. Nous analysons la partie qui se trouve en amont de l’acte d’achat. 2.2.1. L’analyse des besoins et motivations Un besoin est un manque ressenti par une personne. Selon Darpy et Volle, ils peuvent être innés (comme la faim ou le sommeil) ou acquis, c'est-à-dire liés à la société dans laquelle nous vivons. Michael Solomon parle lui de besoins utilitaires (de première nécessité), hédoniques (ceux représentant un décalage entre l’état actuel et l’état idéal) et enfin imaginaires. De plus, certains besoins peuvent être explicites et d’autres cachés. Un individu ne sait pas toujours ce qu’il veut réellement. On retrouve souvent chez le consommateur un besoin avoué et rationnel et un résultat idéalisé et irrationnel. La motivation est ce qui pousse l’individu à réduire le besoin qu’il ressent. Elle se décompose en deux étapes. Elle est à la fois une force : la prise en compte du manque fait pression sur le consommateur. Elle est ensuite une direction car elle représente la manière dont le consommateur va pouvoir réduire ce manque. Dans leur ouvrage, Darpy et Volle précise qu’il peut y avoir des motivations positives, c'est-à-dire celles qui permettent d’atteindre un but, et des motivations négatives qui visent à éviter une situation. Ainsi, nous pouvons prendre l’exemple d’une personne achetant un parfum pour avoir une odeur agréable (motivation positive) et cacher celles moins agréables (motivation négative). De plus, une décision d’achat peut venir de plusieurs sources de motivation101. On peut donc analyser le fait de partir en vacances comme un besoin de se reposer et de se retrouver en famille. Les vacances sont vues comme le moyen pour répondre à ces différents besoins. 100 101 DARPY,D. et VOLLE, P., Comportement du consommateur. Paris : Dunod, 2007 SOLOMON, Michael. Comportement du consommateur. Op. cit. 63 Analyser ces besoins revient à comprendre les attentes des consommateurs. Il est nécessaire de procéder à des observations précises pour répondre au mieux à ces attentes. La complexité du comportement du consommateur oblige les professionnels du marketing à procéder à des méthodes d’étude plus précises que les questionnaires en privilégiant par exemple les entretiens individuels. 2.2.2. La notion d’implication Selon Solomon, l’implication est « l’importance accordée à un objet par une personne en fonction de ses besoins, valeurs et intérêts propres »102. On remarque alors qu’un produit est lié à un individu par différents éléments. Solomon met en avant quatre sortes d’implications : l’implication produit, l’implication publicitaire, l’implication dans la situation d’achat et l’implication durable. Un individu va donc se sentir lié à un produit à différentes étapes de l’acte d’achat. Joël Brée cite le point de vue de Shérif qui décrit l’implication comme un « état de tension qui naît chez l’individu à partir du lien entre ses valeurs fondamentales et une situation »103. Pour lui, c’est une réaction à une situation qui dépend de nos valeurs propres. Enfin, selon Rotschild, c’est un « état non observable de motivation ». Il découle en effet de variables personnelles qui ne sont pas forcément liées à un produit particulier. On peut dire que l’implication est l’intérêt porté par un individu à un objet et dépend de ses valeurs propres. Si le comportement d’un consommateur est observable, on remarque qu’il possède certaines attitudes qui sont plus difficiles à déterminer. Un individu est en effet soumis à différents sentiments. Joël Brée définit le sentiment comme un « état appris et durable de prédisposition (positive ou négative) envers un objet ». Un individu possède certaines croyances qui sont compliquées à analyser. Son choix provient à la fois de décisions rationnelles et liées à une situation, mais aussi de croyances persistantes qui peuvent sembler non-fondées. L’étude du niveau d’implication permet de créer une publicité adaptée car plus ce niveau est élevé, plus le consommateur est attentif aux informations qu’il peut trouver sur un produit. 2.2.3. L’analyse des critères La prise de décision pour l’achat d’un produit dépend de l’analyse des critères d’un produit face à la situation. C’est ce processus qu’explique Joël Brée dans Le comportement du consommateur. Un individu liste les caractéristiques importantes qu’il recherche dans un produit. Si nous prenons l’exemple des vacances, cela peut être la présence de la mer. Cependant, si toutes les destinations qu’on lui propose sont situées près de la mer, ce critère devient inutile. Il aura alors d’autres critères 102 103 ibidem BREE, Joël. Le comportement du consommateur. Op. cit. 64 comme la présence d’une piscine sur le lieu de location ou le fait qu’il soit situé près d’un parcours de randonnée. Ces critères deviennent déterminants. Mais ceux qui vont réellement déterminer le choix seront considérés comme les attributs saillants. Dans notre exemple, cela peut être une sécurité renforcée dans la location par rapport aux enfants. Un choix de décision dépend donc de la hiérarchisation des données, c'est-à-dire de l’ordre de priorité de ces critères. Il y a aussi une forte corrélation entre les avantages recherchés par l’individu et les attributs déterminants. Ce sont eux qui doivent être utilisés pour le choix d’un produit qui répondra à notre besoin. 3. Le comportement du consommateur responsable Le marketing a pour objectif d’identifier le comportement du consommateur pour proposer des produits adaptés. Or nous voyons que le choix du consommateur dépend de multiples critères qui peuvent être rationnels ou complètement subjectifs. Dans le cas de la consommation responsable et engagée, cette tâche est encore plus difficile. Le consommateur ne semble pas acheter un produit pour répondre à un simple besoin. Il ne recherche pas seulement la « maximisation de l’écart entre bénéfices et coûts »104. D’autres variables doivent être prises en compte. 3.1. Les actes de consommation responsable 3.1.1. Des stratégies différentes Dans le cas de la consommation responsable, il existe plusieurs manières pour un individu de consommer, qui sont en désaccord total avec les manières traditionnelles. Nil Ozcaglar Toulouse présente le modèle de Hirschman qui montre trois stratégies de comportements du consommateur. La stratégie « Exit » (défection) : c’est le fait de ne plus procéder à l’achat afin de ne plus être responsable des conséquences. Se faisant, l’individu montre sa volonté d’aller contre le système qu’il trouve injuste ou dangereux. C’est le cas de la simplicité volontaire. La stratégie « Loyalty » (fidélité) : le consommateur effectue ses achats de manière à optimiser les conséquences positives et à diminuer celles qui seraient négatives. Ce sont par exemple les achats de produits biologiques, de produits sans OGM etc. Le consommateur 104 OZCAGLAR TOULOUSE, Nil. Apport du concept d’identité à la compréhension du comportement du consommateur responsable, op. cit. 65 tente ainsi d’améliorer le système de consommation en choisissant des produits alternatifs. Il croit toujours en ce système. La stratégie « Voice » (prise de parole) : au-delà de l’acte de consommation, l’individu va tenter de faire changer le système par d’autres moyens. Il ne croit pas ou peu que rester dans le système de consommation est un moyen efficace de le faire changer. Il préfère alors les stratégies de communication comme les pétitions ou les boycotts. L’autre modèle est celui de Marchand, Walker et De Coninck, publié en 2004105. Ils mettent en avant quatre façon de se comporter. Abstention et/ ou réduction : arrêter ou diminuer sa consommation Attitude : prendre conscience que la consommation au-delà de ses propres besoins est négative Advertance : s’informer sur les produits avant d’effectuer un achat, et tenir compte de leurs qualités écologiques ou solidaires Alternative : privilégier une manière de consommer différente du système traditionnel Ces deux théories mettent en avant des actions similaires, comme la nécessité de s’informer ou le fait de refuser certains produits. De ce fait, étudier le comportement du consommateur responsable peut apparaitre difficile. La plupart des études sont fondées sur le nombre de produits vendus, par exemple. Or, elles ne prennent pas en compte le refus d’achat de ce produit. Le fait de boycotter un produit n’apparaît pas dans les statistiques de consommation. Il faut pour cela savoir qu’un boycott est en cours et constater la baisse des ventes. En pratique, toutes ces stratégies se mélangent. Ainsi dans les boutiques Artisans du Monde, on trouve à la fois de la documentation sur les boycotts en cours, ou des demandes de pétition, et des produits alternatifs. Le comportement du consommateur dans ce domaine nécessite l’étude de dimensions différentes de la consommation. Les motivations de individus s’expriment en effet dans et hors de la consommation. 3.1.2. La consom’action La particularité de la consommation engagée est d’être symbolique. Le terme de « consom’action » souligne la dimension politique de cette forme particulière de consommation. En marketing, une action est « l’ensemble des gestes spécifiques réalisés en fonction des connaissances et attitudes sur 105 MARCHAND, A., DE CONINCK, P., WALKER, S., La consommation responsable : perspectives nouvelles dans les domaines de la conception de produits. Op. cit. 66 le sujet »106. Une action demande donc le savoir d’informations et porte ses propres particularités. Les acteurs de la consommation responsable, et plus particulièrement du commerce équitable, soulignent la relation qui existe entre consommation et participation à une cause. Ainsi, la consommation engagée se définit par le fait de lier l’acte d’achat à une participation « politique »107. C’est un acte politique dans la mesure où les consommateurs expriment leurs opinions, favorables ou défavorables, envers des entreprises, ou plus globalement, envers le mode de consommation et de développement actuel. Nous pouvons prendre l’exemple d’un paquet de café Malongo, du label Max Havelaar. Sur l’emballage du produit, tout est fait pour faire éprouver de la sympathie, notamment grâce au story-telling et à la présence de photos. Après avoir touché émotionnellement le consommateur, on lui présente les modes d’actions pour soutenir ces personnes en difficulté, dont le fait d’acheter ce café : « Acheter ce produit, c’est contribuer à l’amélioration des conditions de vie et de travail des producteurs d’Amérique Centrale ». Le geste est associé à une conséquence positive pour les autres. L’achat est un véritable moyen d’action pour le consommateur. De plus, la consom’action se définit aussi par la volonté d’éduquer les consommateurs. On les sensibilise aux causes et on leur montre des possibilités d’agir. Le consommateur n’est plus passif, c'est-à-dire qu’il ne consomme plus sans avoir été informés sur les produits, mais devient actif. Il possède les connaissances nécessaires pour juger si son achat est bénéfique à tous les acteurs de la chaîne de consommation, ou non. Il pourra aussi en informer son entourage. La consommation engagée est donc perçue comme une manière de résoudre les problèmes et un moyen d’expression. 3.2. La complexité du comportement de consommateur responsable 3.2.1. La motivation militante : une motivation apparente La consommation responsable semble donc partir d’une motivation militante. C’est une pratique de consommation à part, qui se traduit par des actions « politiques ». C’est tout d’abord un acte pour exprimer ses opinions. Acheter équitable, ou se fournir directement chez le producteur par exemple, c’est montrer ses revendications contre le système économique actuel, qui est caractérisé par le libéralisme et le capitalisme. Pour consommer responsable, ces personnes ressentent un certain sentiment d’injustice et sont conscientes des inégalités provoquées par la consommation. Le consommateur ne fait plus confiance envers les distributeurs (les grandes surfaces) et les 106 OZCAGLAR TOULOUSE, Nil. Apport du concept d’identité à la compréhension du comportement du consommateur responsable, op. cit. 107 LACHEZE, Aurélie in FERRANDO J., GIAMPORCARO-SAUNIERE S. (coord.), Pour une « autre » consommation, op.cit. 67 intermédiaires. Pour lui, ce sont les producteurs qui portent les vraies valeurs que sont la simplicité et l’authenticité. Le consommateur responsable doute aussi de l’utilisation excessive du marketing et tente de s’en défaire en possédant un esprit critique et en favorisant l’achat dans des lieux sans tentations publicitaires, comme les marchés. Il souhaite alors trouver une alternative de consommation pour en faire bénéficier la société. Consommer responsable, c’est en effet faire des efforts personnels (car la consommation est un acte individuel) pour générer des conséquences positives sur l’ensemble de la société. Cela diffère totalement du mode de consommation traditionnel dans lequel « la logique de son intérêt personnel pousse l'individu à refuser tout effort individuel108 ». La consommation responsable se traduit par une volonté de se détacher de l’individualisme. Il se développe par conséquent le modèle du consommateur-citoyen. L’individu n’est plus seulement un consommateur, il est aussi citoyen car il agit pour la société entière. On peut dire en effet que son acte d’achat provient d’une réelle envie de voir les choses changer à grande échelle. Comme au moment du vote, il exprime son opinion par l’achat d’un produit alternatif, dans l’espoir qu’une amélioration survienne. D’ailleurs, dans un contexte où l’intéressement pour la politique est moindre, consommer responsable devient un moyen concret pour exprimer ses idées politiques. Alors que les individus ne font plus réellement confiance aux personnalités politiques, tous bords confondus, avoir un comportement responsable peut redonner espoir sur l’évolution de la société. Cela permet en tout cas à l’individu d’être actif dans sa société. 3.2.2. Des attitudes différentes Le consommateur possède un comportement complexe. D’un point de vue théorique, on sait que « le degré d’influence des attitudes sur le comportement dépend de l’efficacité perçue du consommateur ou encore de ses convictions de contrôle109. » Pour consommer responsable, le consommateur doit pouvoir se rendre compte de l’utilité de son action, et être convaincu de son bien-fondé. Ainsi, un individu peut ressentir le besoin de changer sa consommation car il comprend qu’il participe à un système inéquitable. Mais pour effectuer l’acte, il doit être profondément convaincu de cela. On observe souvent des décalages entre les intentions d’achat et la concrétisation de ces intentions. Nous avons vu que l’achat était un acte personnel. Cette consommation engagée dépend donc de la personnalité même de l’individu. Il se construit un cercle vertueux : plus il estime qu’il est responsable des problèmes de la société, plus ses actions vont lui sembler légitimes et 108 Béatrice CANEL DEPITRE, Développement Durable et Comportement Citoyen du Consommateur, http://www.escp-eap.net/conferences/marketing/pdf/canel.pdf Università Ca’ Foscari Venezia 24 Novembre 2000 109 Béatrice CANEL DEPITRE, Développement Durable et Comportement Citoyen du Consommateur, op.cit. 68 correspondre à son envie véritable. De même, il aura peut avoir une influence sur les membres de son entourage. S’il reçoit des informations positives sur son comportement, c'est-à-dire s’il s’aperçoit qu’il entraîne une évolution chez les autres, il sera encore plus motivé pour consommer de façon responsable. Cependant, on doit faire deux constats à partir de cette observation. Tout d’abord, comme le précise Béatrice Canel, « l’absence de norme éthique entraîne des écarts de comportement citoyen important entre consommateurs ». Deux consommateurs se proclamant responsables peuvent avoir des comportements différents. Dans le domaine du tourisme, cela est assez flagrant. Il peut exister une certaine opposition entre l’écotourisme et le tourisme solidaire. Alors que les uns privilégient la nature, d’autres vont se tourner vers le soutien aux populations, et peuvent critiquer le choix des autres. Il peut exister aussi des degrés de comportement. Si certains disent qu’ils partent en voyage solidaire parce qu’ils versent un don à une association, d’autres vont critiquer le fait qu’ils n’aillent pas au fond de l’action. D’autres, plutôt extrémistes, peuvent dire que le tourisme n’engendre que des conséquences négatives et que le fait de partir en vacances est tout à fait irresponsable. On peut aussi prendre l’exemple des énergies renouvelables : certains vont défendre l’éolien, alors que d’autres vont en faire de grandes critiques. Toutes ces discordances sont liées au fait que la consommation responsable n’est pas encore bien définie et qu’elle dépend des convictions de chacun. D’autre part, on remarque aussi que l’achat responsable est fortement lié à son efficacité. En d’autres termes, une démotivation du consommateur est possible. S’il ne voit pas ses efforts récompensés, il peut revenir à un comportement irréfléchi et individualiste. Cette démotivation peut provenir des actualités de la société, ou des commentaires de son entourage. On peut citer tous les discours divergents sur le réchauffement climatique et les énergies renouvelables. De plus en plus de reportages sont faits sur les conséquences néfastes des installations d’énergies renouvelables, ou sur les arnaques dont sont victimes certaines personnes (voir le reportage de l’émission « Envoyé Spécial » du jeudi 29 avril 2010 intitulé « Energies vertes, l’envers du décor »). Les consommateurs doivent bien sûr être informés des ces conditions de vente. Il n’empêche que cela peut faire douter un consommateur responsable en devenir. 69 3.2.3. Sous la volonté militante, une motivation individuelle et hédoniste Les motivations cachées La motivation militante n’est pas la seule qui guide le comportement du consommateur responsable. Si les individus croient fermement en leurs convictions politiques, il n’en reste pas moins qu’ils sont motivés par d’autres choses. Tout d’abord, la consommation responsable a des motivations hédonistes. Si l’on compare les produits biologiques et équitables, on remarque que les individus sont prêts à payer plus cher pour les produits « bio » car ils réalisent un geste pour l’environnement, mais aussi pour eux-mêmes110. Ces produits ont une image de qualité très forte. Cet exemple met en évidence le fait que des raisons plutôt individuelles poussent les consommateurs vers les produits alternatifs. De même, consommer de façon responsable est un acte moral. Si une personne veut changer sa manière de consommer, cela peut être à cause d’un sentiment de culpabilité. Nous avons vu que pour devenir « militant », l’individu devait se sentir responsable. On peut alors dire qu’il souhaite personnellement combattre ce sentiment de culpabilité. Il n’agit plus en fonction de la société mais pour soulager sa conscience. La consommation responsable permet à certaines personnes de se sentir mieux avec elles-mêmes. Cela peut être une motivation cachée, l’individu n’en a pas forcément conscience. D’ailleurs, pour les personnes qui ne consomment pas de produits engagés répondent que la consommation responsable « permet la déculpabilisation des plus riches »111. Nous avons vu en effet que ce sont les personnes les plus aisées qui sont à même de consommer responsable. Du point de vue des moins riches, on peut critiquer le fait que l’aisance financière permette des achats sûrement motivés par la culpabilité mais clamés comme achats militants. Les critiques de ces motivations De plus, si la consommation responsable permet la déculpabilisation, alors elle devient sa propre finalité. L’acte moral est accompli, et le consommateur pense avoir aussi accompli son acte militant. Le risque est qu’il s’en tienne à cela, et ne recherche pas d’autres possibilités. Il est vrai que dans ce cas, il n’y a pas une réelle remise en cause du système général, ce qui est pourtant une des caractéristiques de la consommation responsable et équitable. Une des critiques de la consommation alternative est le fait qu’elle n’existe que par des gestes symboliques et ponctuels. Même s’ils sont animés par des motivations de changement et d’équité, certaines personnes mettent en avant le fait que cela reste de la consommation. Bernard Conte dit par exemple que les pratiques 110 Etude Observatoire Cetelem, BNP Paribas, Consommer en 2010 : pas moins mais mieux. Op. cit. OZCAGLAR TOULOUSE, N., DIAZ PEDREGAL, V., PARODI, G. Le commerce équitable : un « juste commerce » ou « juste un commerce » pour les consommateurs ?. op. cit. 111 70 commerciales et les objectifs sont identiques à ceux du marché traditionnel112. L’acte militant que les consommateurs mettent en avant ne serait pas si militant que cela car il ne partirait presque toujours d’une motivation individuelle, qui serait en contradiction avec la notion consommation citoyenne. Il ajoute que la promotion du commerce équitable « se joue sur le couple culpabilité et flatterie ». Il est vrai que la notion de responsabilité est très liée à la culpabilité et que la qualification de « responsable » ne peut que qualifier de manière positive le consommateur. Une critique pertinente à faire est celle qui s’appuie sur le principe de John Rawls. Selon la théorie de la justice, présentée par de la conférence à Montpellier113, l’achat responsable soulignerait les disparités sociales. Selon John Rawls, les inégalités sont justes lorsqu’elles sont favorables aux personnes les plus pauvres. C’est le fait de donner plus à quelqu’un parce qu’il en plus besoin qu’un autre. Cependant, dans le commerce équitable, on peut dire qu’il y a une inégalité injuste. Il renforce à la fois les disparités qui existent entre les différents consommateurs (ceux qui peuvent acheter des produits équitables et ceux qui ne peuvent pas) mais aussi chez les producteurs. Il y a ceux qui sont aidés grâce au système du commerce équitable, et il y ceux qui sont aussi pauvres mais qui n’en bénéficient pas. La consommation responsable pourrait donc créer des injustices. Par conséquent, le comportement du consommateur responsable est difficile à analyser car il dépend de motivations contradictoires. Le fait de consommer responsable est très lié aux émotions du consommateur et à sa propre personnalité. Il est aussi difficile de comprendre l’achat d’un produit dans la mesure où les caractéristiques d’un produit ne sont plus les critères déterminants. Le consommateur recherche dans le produit une véritable identité. 112 CONTE, Bernard. Dix bonnes raisons de douter du commerce équitable. Présentation PowerPoint. Séminaire Moisa, Montpellier, 11 et 12 janvier 2007 113 OZCAGLAR TOULOUSE, N., DIAZ PEDREGAL, V., PARODI, G. Le commerce équitable : un « juste commerce » ou « juste un commerce » pour les consommateurs ?. op. cit. 71 Chapitre 3 : Le tourisme équitable et solidaire comme consommation responsable Ce chapitre aborde les hypothèses énoncées, c'est-à-dire l’importance de la prise en compte du comportement du consommateur dans l’analyse du tourisme solidaire et équitable, ainsi que la recherche de pistes pour l’inclure dans la consommation responsable. 1. Application théorique : le comportement de consommateur du touriste solidaire Peu d’ouvrages sont consacrés à l’analyse du comportement du consommateur responsable en ce qui concerne le tourisme. Cette section regroupe donc quelques sources existantes mais est surtout issue d’une réflexion personnelle. Elle s’appuie sur des aspects théoriques mais souligne l’importance de la mise en pratique des idées énoncées. 1.1. Des consommateurs identiques ou presque 1.1.1. Des profils comparables Si l’on compare les consommateurs de produits équitables et les touristes solidaires, on remarque qu’il existe certaines ressemblances. Ces touristes sont issus de catégories sociales hautes, vivent dans des zones urbaines et sont déjà assez expérimentés en matière de tourisme114. Si les jeunes ressentent un engagement politique très fort, il est difficile de dire qu’ils choisissent des voyages solidaires. Ils se tournent volontiers vers le volontariat et l’humanitaire. Ils créent aussi leur propre circuit de vacances et tentent d’inclure au maximum les rencontres avec la population. Les touristes qui choisissent de partir avec une agence solidaire se situent plutôt dans une tranche d’âge entre 30 et 60 ans. Ils ont une expérience assez large du tourisme pour s’être rendus compte des dommages qu’il pouvait causer à certains moments. De plus, selon Samuel Poos, les consommateurs de produits équitables ont tendance à partir en voyage dans des pays pauvres115. On peut en effet déduire qu’ils sont sensibilisés aux inégalités qui existent dans les pays, et qu’ils ont la motivation et les moyens financiers pour s’y consacrer réellement. 114 115 Sensibilité des clientèles tourisme durable. Atout France. Note de synthèse, 08/2008 POOS Samuel. Le tourisme équitable et solidaire. Op. cit. 72 On peut donc dire que, dans un cas comme dans l’autre, l’équitable attire l’élite. Dans le cas du tourisme, Marc Boyer montre qu’il a toujours évolué « suivant les fantaisies de l’élite »116. On peut alors penser que le tourisme solidaire n’en est qu’à ses prémices. 1.1.2. Des motivations plus ou moins fortes Nous avons vu que les motivations des consommateurs de produits équitables étaient à la fois militantes et personnelles. Elles sont très liées à la cause à défendre. Ce tableau, issu d’un sondage CSA effectué en 2004 (annexe 2), montre l’opinion des français sur la conception des produits, et plus précisément sur les conditions dans lesquelles ils ont été créés. On constate plusieurs faits en ce qui concerne le tourisme. Source : Sondage CSA, « Les Français et la consommation éthique, équitable et solidaire », 2004 Tout d’abord, il n’apparaît pas dans les premiers produits qui seraient conçus dans de mauvaises conditions. Seuls 68% des Français pensent qu’il est possible que le tourisme, mais aussi l’hôtellerie et la restauration, ne respectent pas les règles minimales de protection des travailleurs. Le tourisme n’est pas vu comme un produit si injuste lorsqu’on le compare aux vêtements. On peut préciser à ce sujet que le fait que les vêtements arrivent en tête de ce classement vient de nombreux scandales qui éclatent régulièrement sur la production de vêtements (depuis Nike et le travail des enfants, 116 BOYER, Marc. Histoire du tourisme de masse. Paris : PUF - Que sais-je ?, 1999 73 jusqu’aux jeans et la technique nocive du sablage). L’opinion reste alors assez partagée sur les conditions des travailleurs dans le domaine du tourisme. Il est intéressant de voir aussi que 4% des personnes interrogées ne se prononcent pas en ce qui concerne le tourisme. Il est la deuxième production où les personnes ne se prononcent pas après les appareils informatiques. Si l’on suppose que la réponse en ce qui concerne les appareils informatiques dépende du fait que leurs conditions de fabrication sont peu connues, ou alors le sont pour une petite partie de la population, on en déduit qu’il se passe la même chose pour le tourisme. Il y a un manque évident d’information et de sensibilisation chez les consommateurs dans le domaine de la conception de produits touristiques. Par conséquent, si les consommateurs ne sont pas au courant des inégalités qu’on peut trouver dans le monde du tourisme, alors l’idée d’un tourisme équitable et solidaire n’est pas essentielle pour eux. En d’autres termes, le tourisme n’est pas la première cause de motivations chez les Français pour qu’ils consomment de manière équitable et responsable. 1.2. Une prise de décision difficile 1.2.1. Une implication forte Comme nous l’avons vu, le commerce équitable a la particularité de créer un lien direct entre le consommateur et le producteur. Dans le tourisme solidaire, ce lien est particulièrement renforcé. Si le consommateur du commerce équitable reste assez éloigné du producteur, géographiquement mais aussi émotionnellement, le touriste solidaire créé un véritable contact humain. Samuel Poos met en avant le fait que, dans le tourisme équitable, c’est le consommateur qui se déplace vers le produit et non l’inverse. On remarque déjà le niveau d’implication que cela demande. D’une part, au vu de ce qui a été dit précédemment, on voit bien que la conviction d’un touriste solidaire doit être très forte pour effectuer cette action. Si les critiques du commerce équitable peuvent apparaître légitimes dans le sens où le consommateur a bonne conscience mais se cache derrière l’achat équitable, le touriste lui est intégré au processus et vit réellement le fait d’être solidaire. Il y a en effet la simultanéité « production/consommation » qui apporte une particularité de plus au tourisme équitable. Les hôtes préparent bien entendu l’arrivée du touriste, et proposent diverses activités, mais c’est finalement le touriste et sa personnalité qui vont définir le niveau de solidarité du voyage. Le tourisme équitable peut alors se définir comme étant une forme de consommation particulière du commerce équitable qui achève concrètement ce que des biens équitables ne peuvent pas faire. Le tourisme équitable est une aventure humaine qui demande une réelle conviction pour la cause. Il n’implique pas seulement la notion de prix juste, par la participation financière à un fonds de 74 développement, mais une participation concrète à ce développement. Samuel Poos fait remarquer que contrairement au commerce équitable, le consommateur qui choisit un voyage solidaire ne peut le tester avant de partir. La notion de transparence est encore plus importante que dans le commerce équitable car si un consommateur responsable peut choisir de ne plus acheter un produit, le touriste est plongé dans la production et ne peut que subir les mensonges qu’on lui a faits. De plus, les sommes financières engagées sont plus importantes que lors de l’achat d’un produit dans un magasin. Les attentes sont aussi plus fortes. La déception n’en serait que plus sérieuse. Par conséquent, le tourisme solidaire et équitable fait partie de la consommation responsable car il possède les mêmes caractéristiques que le commerce équitable. Cependant, on remarque bien que le degré d’engagement n’est pas le même. Le tourisme équitable et solidaire serait alors la forme maximale du commerce équitable. 1.2.2. Des critères secondaires Nous avons vu que la prise de décision résulte de l’analyse des critères : certains sont plus déterminants que d’autres. Dans le cas du tourisme équitable, ces critères sont les caractéristiques évoquées précédemment, à savoir la rémunération correcte de tous les acteurs, la participation au développement, etc. Dans l’étude CSA, on remarque que 70% des consommateurs disent tenir compte des critères éthiques lors de leurs achats. Cependant, ceux qui ne le font pas avouent qu’ils ne prennent pas en compte ces critères car ils ne sont pas assez importants : ce ne sont pas des critères déterminants dans leurs achats. Pour la majorité des consommateurs français, les critères équitables et solidaires ne sont essentiels. Cette majorité pensent d’ailleurs que ce sont des outils purement marketing. En ce qui concerne les initiés, c’est l’inverse qui se produit. Des critères comme le confort et le prix sont moins importants que les notions équitables et solidaires. Au contraire, ils deviennent même déterminants lorsqu’ils sont négatifs. En d’autres termes, le confort est un critère déterminant lorsqu’on garantit au touriste solidaire qu’il sera moindre. Il y a alors un décalage conséquent entre l’analyse des critères par des consommateurs « normaux » et les consommateurs et touristes responsables. 1.2.3. Un contraste entre les intentions d’achat et les véritables achats Enfin, on peut remarquer aussi qu’il y a une nette différence entre les résultats de l’étude sur la consommation équitable des Français avec les chiffres du commerce équitable. Certes, les domaines d’études diffèrent légèrement. Mais on sait que les produits alimentaires restent les premiers produits responsables consommés, que ce soit de manière équitable ou parce qu’ils sont biologiques. 75 Cette étude montre toutefois que ce sont les vêtements que l’on soupçonne d’être conçus dans de mauvaises conditions pour les travailleurs. Les intentions d’achat que l’on recueille lors de sondages ne se traduisent pas en réels achats dans le domaine de la consommation responsable. On peut citer à ce propos les résultats d’une enquête d’Atout France qui montre que 61% des touristes disent vouloir compenser leurs émissions de carbone lorsqu’ils partent en vacances, en faisant un don à une association œuvrant pour l’environnement, mais seuls 3% l’on déjà fait. La prise de conscience des pratiques inéquitables du tourisme de masse ne serait donc pas l’élément déterminant dans l’achat de voyages solidaires. Un changement dans l’intention d’achat n’induirait pas une réelle pratique, mais on peut penser qu’elle serait un premier pas : celui de l’information et de la sensibilisation. Le changement des pratiques doit passer par le consommateur. Ils avouent eux-mêmes que ce sont eux qui « sont aptes à encourager le développement de pratiques éthiques de la part des entreprises ». 2. Pistes d’actions : lier le tourisme solidaire et équitable au commerce équitable 2.1. Besoin d’une stratégie de marketing-mix Source : http://www.marketing-etudiant.fr/memoires/i/implication-marketing-infantile/strategies.php 76 Un des constats que l’on peut faire sur le tourisme solidaire et équitable est qu’il manque de perspectives marketing. Les produits équitables possèdent, eux, des stratégies marketing développées, qui respectent les valeurs du produit. Ce tableau montre les conséquences sur le marketing-mix des produits et services envers lesquels le consommateur possède une forte implication. Les caractéristiques sont applicables au tourisme solidaire qui, nous l’avons vu, est un produit à forte implication. Des actions précises peuvent être mises en place pour développer la filière du tourisme solidaire, et l’intégrer dans le mouvement plus large du commerce équitable et de la consommation responsable. La création de réseaux et la mise en commun des moyens sont des exemples de relations qui peuvent amener au développement de tout le système économique et commercial alternatif. 2.2. Produit Constat Un voyage solidaire se déroule la plupart du temps dans un village, dans une zone rurale. Les activités proposées sont liées à la vie du village. Ce sont par exemple la découverte de l’artisanat local ou la participation à la préparation des repas. Ce sont donc des activités simples, qui peuvent paraître peu attractifs pour certains touristes. De plus, le confort est simpliste, et cela peut effrayer les touristes. Il est évident que le tourisme solidaire accorde une place prépondérante aux échanges entre le voyageur et ses hôtes. Mais certains voyages semblent un peu vides en ce qui concerne les activités. Plan d’action Afin de donner une attractivité aux voyages équitables, la mise en place d’un produit complet est nécessaire. Les voyages solidaires et équitables doivent être innovants, sans pour autant dénaturer les vraies valeurs. Il faut alors exploiter les ressources et les moyens existants pour créer des activités diverses et intéressantes. Elles doivent correspondre à la fois aux attentes des touristes mais être décidées avant tout par les hôtes. Les partenaires du Nord pourraient bien sûr leur porter conseil. Portées Créer un produit touristique solidaire complet permettrait aux divers acteurs touristiques du Sud de créer un partenariat étroit et durable. Le tourisme deviendrait une activité construite et organisée totalement par ces acteurs. Le secteur se professionnaliserait et serait plus autonome. 77 Limites Si des activités sont proposées dans plusieurs villages, un transport régulier devra être mis en place. En plus de la pollution occasionnée, le transport représente un coût important pour une région rurale défavorisée. De plus, ce transport ne doit pas être réservé qu’aux touristes mais à toute la population. Il y aurait donc un risque d’exode rural. 2.3. Communication Constat D’une manière générale, le tourisme solidaire et équitable souffre d’un manque de communication. Les études montrent bien que, malgré une hausse de connaissance du terme, les individus ne peuvent caractériser correctement le tourisme solidaire. Seules les personnes les plus cultivées savent à quoi correspond cette forme de tourisme. Aucune communication n’est mise en place à grande échelle, de part un manque de moyens certains et une certaine réticence des associations. Cependant, avec l’arrivée progressive des entreprises privées sur le marché (comme Nouvelles Frontières qui souhaite obtenir la certification du réseau Agir pour un Tourisme Responsable), et la multiplication de plusieurs formes alternatives de tourisme (écotourisme, tourisme durable…), le tourisme solidaire et équitable doit pouvoir mettre ses atouts en avant. Plan d’action Il y a la nécessité de définir clairement le concept de tourisme solidaire et équitable, et d’adapter le message à la communication. Comme le tourisme solidaire et équitable est soutenu par la PFCE, ce partenariat doit être renforcé. Le tourisme équitable doit être mis en avant dans la communication de la PFCE. Nous avons vu que le packaging des produits équitables étaient très importants. Il est vrai que les produits touristiques sont plus complexes et ne possèdent pas de vitrine. Mais on pourrait tout à fait imaginer la présentation succincte du tourisme équitable sur les paquets de produits équitables. Une allusion pourrait être faite à une association de tourisme locale. Une description complète, ainsi qu’un lien dirigeant le consommateur vers les contacts et les réservations seraient disponibles sur le site Internet de la PFCE. Portées La communication commune à tous les produits équitables apporterait une meilleure visibilité au domaine du tourisme. Elle toucherait les clients dans leurs lieux habituels de consommation, que ce soient les grandes surfaces ou les magasins spécialisés. Les consommateurs feraient aussi plus facilement le lien entre les différents produits équitables. 78 Limites Une telle communication consisterait avant tout à de la sensibilisation. Il n’est pas sûr qu’elle puisse changer les habitudes de consommation des touristes en général. 2.4. Consommateurs Constat Les personnes qui partent en voyages solidaires sont des initiés. Elles savent analyser les offres et choisissent des structures de confiance. Il existe aussi des personnes qui sont en demande d’informations sur le tourisme équitable. De plus, le commerce équitable connaît aujourd’hui une véritable reconnaissance. Il faudrait donc lier tous ces concepts équitables aux yeux des consommateurs. Plan d’action Pour pouvoir convaincre les consommateurs, il faut étudier leurs comportements afin de vérifier si les intentions d’achats se confirmeraient. Si beaucoup d’individus se disent intéressés par le tourisme équitable parce qu’il possède les mêmes objectifs que le commerce équitable, ce sont deux pratiques différentes qui demandent un degré d’implication particulier. Cette étude est cependant nécessaire pour connaître le potentiel du tourisme solidaire et équitable chez de nouveaux consommateurs. L’étude devrait mettre à jour les comportements du consommateur en ce qui concerne la consommation responsable. Portées Le tourisme solidaire et équitable serait perçu comme le prolongement du commerce équitable et de nouveaux consommateurs pourraient être intéressés. Ces consommateurs potentiels ne doivent pas être négligés. Les intégrer dans le domaine du tourisme solidaire permettrait aussi un renouvellement de l’offre. De plus, les consommateurs vont faire le lien entre le tourisme équitable et la consommation responsable. Limites Les touristes qui partent habituellement en voyage équitable ne sont que peu sensibles au prix. Comme c’est un produit à forte implication, un prix élevé n’est pas décourageant pour ce type de clients. La recherche de nouveaux consommateurs doit prendre en compte le rapport différent qu’ils entretiennent avec le prix par rapport aux touristes « confirmés ». Une approche différente doit être mise en place pour convaincre les touristes potentiels. 79 2.5. Entreprises privées Constat Le marché du tourisme solidaire est principalement détenu par les associations et membres d’ATES. Il est plutôt discret et subit un manque de communication à grande échelle. Certaines agences de voyages et tour-opérateurs souhaitent mettre en place des voyages solidaires. En effet, dans notre société actuelle, pour assurer leur pérennité, les entreprises doivent réfléchir sur de nouvelles valeurs comme l’éthique et le développement durable. D’un point de vue de l’image, une entreprise à tout intérêt à se ranger dans la tendance pour pouvoir convaincre ses consommateurs. Les produits responsables connaissent aussi une forte demande. Il faut ajouter que la plupart des séjours à l’étranger sont vendus dans des agences de voyages. En d’autres termes, ce sont les entreprises privées qui possèdent la notoriété et les moyens pour faire du tourisme équitable à plus grande échelle. Plan d’action Il y a clairement la nécessité d’ouvrir le marché du tourisme solidaire à des initiatives privées. Pour éviter les dérives marketing et le « greenwashing », il faut établir des principes et des définitions précises. Chaque agence se doit de présenter une définition claire au touriste potentiel, ainsi que les projets mis en place par ces voyages. Dans l’idéal, un cadre juridique devrait être mis en place pour délimiter le concept de tourisme solidaire pour les entreprises privées. La question est en effet de savoir s’il le tourisme solidaire et équitable « privé » est le même que celui proposé par les associations de voyages. Portées Le développement de la filière doit passer par le secteur privé. L’influence que le marché privé possède permet une meilleure sensibilisation chez les entreprises. En d’autres termes, si quelques agences de voyages commencent à développer ce genre de voyages, d’autres suivront. Le tourisme solidaire et équitable se trouverait directement au cœur de l’activité touristique, il ne serait plus à part. Il sera alors plus efficace car il pourrait permettre une réelle prise de conscience, à la fois dans les entreprises, et au niveau des consommateurs. Limites Les entreprises privées prennent un certain risque à mettre en place des voyages équitables. Il impose beaucoup de contraintes, économiques et humaines, et peut ne pas marcher. Vérifier le fonctionnement et l’organisation des partenaires réceptifs est une tâche conséquente. Or, si le voyage proposé ne correspond pas à la charte et à la définition présentées par l’agence au touriste, 80 celui-ci peut se sentir trahi et cela engendrerait des conséquences néfastes en terme de notoriété pour l’entreprise. De plus, la concurrence avec les associations peut être difficile. Les touristes solidaires font plus facilement confiance à des associations, considérées comme « bienveillantes » et dénigrent les entreprises privées. L’image de l’entreprise doit être clairement acceptée conjointement à la mise en place des voyages solidaires et équitables. 2.6. Réseau et distribution Constat Les associations se sont regroupées sous l’Association de Tourisme Equitable et Solidaire. Elles possèdent un site Internet commun qui permet de regrouper les voyages proposés et de créer une image commune. Elles présentent clairement les objectifs et les projets de développement qu’elles soutiennent. Les entreprises privées n’ont pas de réseau en ce qui concerne le tourisme équitable. Il est donc difficile pour elles de faire une communication sérieuse. De plus, il est aussi difficile de parvenir à contacter des prestataires locaux de tourisme solidaire, qui ne possèdent pas forcément de moyens de communication importants (pas de site Internet etc…). Plan d’action Pour assurer la pérennité du tourisme solidaire et équitable, il semble intéressant de construire des réseaux de contacts, sinon des réseaux de commercialisation pour permettre à tous de travailler dans la même optique. Une dynamique de réseau semble être une exigence au regard de la diversité des acteurs. Ainsi, il paraît évident de mettre en place un annuaire touristique de prestataires de tourisme solidaire et équitable. Les acteurs devraient se rassembler pour mettre au point des principes directeurs pour qu’ils puissent se reconnaître, et choisir de partager les contacts et les initiatives. Afin de garantir l’équité et le fonctionnement de ce réseau, un conseil pourra être élu, avec une présidence tournante. Il ne possèderait pas un pouvoir décisionnel mais serait le représentant en charge pour animer le réseau. Chaque catégorie d’acteurs choisirait son référent. Ainsi ce conseil s’occuperait de la diffusion de l’information et de la mobilisation de tous les acteurs et se concerteraient régulièrement pour débattre des problèmes rencontrés et des projets à mener en commun. En ce qui concerne la distribution, un partenariat pourrait être mis en place entre les magasins spécialisés dans la vente de produits responsables et les voyagistes solidaires. Les voyagistes d’ATES par exemple n’ont pas de vitrine à proprement parler. Ils possèdent un siège social, et donc un seul 81 point de vente. Ce partenariat serait l’occasion d’étendre géographiquement la zone de vente. Les magasins spécialisés sont aussi un lieu important pour la sensibilisation aux produits responsables. Une communication importante doit prendre place ici. Portées Ce réseau mettrait en relation plusieurs acteurs à plusieurs échelles. Il permettrait aux communautés d’accueil, ou aux prestataires locaux, d’avoir une relation étroite et égale avec les partenaires du Nord. Ils pourraient ainsi maitriser complètement leur activité touristique car ils pourront choisir avec qui travailler et ne pas dépendre des associations du Nord. Ils pourraient de plus se reconnaître entre « acteurs du Sud » et mettre au point des voyages entre eux. Cela dynamiserait aussi leur tourisme national. Un tel réseau permettrait aux « acteurs du Nord » de mutualiser les moyens pour la communication et la distribution de voyages. Bien qu’ayant des modes d’organisation différents, Max Havelaar et Artisans du Monde font tous les deux partie de la PFCE. Cela donne une garantie au consommateur, et permet une communication commune. Limites La mise en place d’un tel réseau dépend de la volonté de tous les acteurs de se réunir. L’idée de se réseau est assez complète et implique donc certaines concessions. Il n’existe peut-être pas aujourd’hui une confiance suffisante envers les autres pour mettre au point des réunions. 2.7. Labellisation et certification Constat Il n’existe pas aujourd’hui de labellisation ou de certification en ce qui concerne le tourisme solidaire et équitable. Il existe plusieurs labels dans le commerce équitable, mais aussi dans le tourisme responsable (ATR). Il n’y a donc aucun cadre qui permet de justifier et légitimer la pratique du tourisme solidaire. Plan d’action La nécessité de labellisation est fortement liée à la mise en réseau des acteurs. Il faut mettre en place des règles qui regroupent tous les acteurs du domaine. Agir pour un Tourisme Responsable a mis au point quatre engagements, et une certification contrôlée par l’organisme Afnor. Portées La labellisation permettrait d’intégrer des acteurs d’horizons différents mais qui possèdent les mêmes objectifs. Elle semble essentielle pour faire accepter la présence d’entreprises privées sur le 82 marché. Elle évite en effet les utilisations marketing douteuses. Elle pourrait aussi mettre à égalité tous les acteurs, et mettre en avant des petites structures. Limites Les membres d’ATES ont repoussé l’idée de labellisation et de certification à cause des coûts trop élevés que cela implique. De plus, il semble difficile de pouvoir contrôler les pratiques des partenaires des pays du Sud. Ces limites peuvent tout de même être dépassées. Cependant, une des limites de la labellisation serait de laisser de côté ceux qui tentent de faire du tourisme solidaire mais qui ne remplissent pas tous les critères. Etablir une grille suppose de faire des choix dans les critères. Or si certains acteurs du tourisme solidaire ne possèdent que certains critères de cette certification, mais qu’ils en possèdent d’autres, ils ne seront pas acceptés. Cette labellisation suppose de faire rentrer les acteurs dans des cases, alors qu’il existe aujourd’hui différentes manières de faire un tourisme plus responsable. 83 CONCLUSION Cette partie a montré une approche plutôt marketing du tourisme solidaire et équitable. Elle a tenté de montrer les ressemblances qui existent entre tourisme solidaire et consommation responsable afin de comprendre les réelles motivations du touriste solidaire, ainsi que des pistes pour son développement futur. Ces idées théoriques nécessitent une application sur le terrain afin de déterminer les motivations et les critères du voyageur solidaire. Malgré lui, il est soumis à des besoins et accepter ces besoins permettrait d’asseoir le tourisme solidaire et équitable comme une véritable gamme touristique. 84 Conclusion Générale Le travail de ce mémoire a été d’analyser le tourisme solidaire et équitable afin d’en comprendre le mode organisationnel, mais aussi ses limites. Le tourisme solidaire est un moyen pour les populations de mieux maîtriser l’activité touristique. Basé sur le principe de la concertation et de l’équité, il permet aux communautés d’accueil d’avoir des relations plus équitables avec les partenaires du Nord. Le développement touristique organisé autour d’un village dans son ensemble limite les disparités de revenus entre les habitants. Cependant, le tourisme solidaire possède lui aussi certaines limites que nous avons mis en avant. Il se base sur un esprit militant qui se met en marge du système touristique global. Il se développe dans le monde associatif principalement afin de garantir un tourisme plus juste. Les pays du Sud restent dépendants des pays du Nord car ce sont ces derniers qui maitrisent la communication et la recherche de touristes. Certaines associations du Nord font face à un dilemme puisque les villages d’accueil semblent vouloir apporter des changements au contrat qui les lie. Il semblerait donc que le milieu associatif entraîne certaines contraintes. Nous avons pu voir aussi que ce tourisme alternatif était centré sur le développement local et ne prenait pas en considération les attentes du touriste. En d’autres termes, le touriste n’est pas considéré comme tel. Il doit lui aussi ne plus être dans le système touristique traditionnel. Il ne part pas en vacances mais fait un voyage dans le but d’aider les autres. Le tourisme solidaire et équitable rejette ainsi l’idée de loisir futile. L’enjeu du tourisme solidaire se situe alors dans le fait qu’il soit réservé à un public élitiste qui pour se rassurer de ses bonnes actions rejettent l’activité touristique traditionnelle. Le tourisme solidaire et équitable ne fonctionne que lorsqu’il se place en totale opposition au tourisme de masse. Cependant, il reste de façon une pratique marginale et se restreint lui-même dans son expansion. Il est censé être un outil de développement pour les territoires mais ne profite pas à tous. C’est toute la complexité du tourisme solidaire et équitable. Ce mémoire a montré une nouvelle perspective : celle d’inclure cette forme alternative de tourisme dans le marché touristique plus traditionnel. C’est un pari risqué car des dérives peuvent apparaître. Nous avons analysé cette perspective à travers deux hypothèses principales. Tout d’abord, le touriste solidaire, en achetant un voyage équitable, reste dans un système marchand. Ce dernier est d’ailleurs essentiel pour les communautés d’accueil. Nous avons vu qu’il 85 existe un système de consommation plus juste qui est celui de la consommation responsable. Il se développe clairement une tendance qui pousse les consommateurs à acheter des produits qui vont avoir un effet positif sur la société. Ils prennent conscience que leurs actions peuvent faire évoluer les conditions de production afin qu’elles respectent les hommes et l’environnement. Etudier le comportement de ces consommateurs permettrait de voir l’importance de l’ouverture de ce marché de niche à des consommateurs potentiels. Le tourisme solidaire et équitable n’est pas connu de tous alors qu’il est possible que des personnes non-initiées s’y intéressent. Une étude approfondie du processus d’achat et des motivations du consommateur responsable est essentielle pur confirmer si cette tendance est viable sur le long terme ou si ce phénomène est juste une mode. Ensuite, lier le tourisme équitable à la consommation responsable est une manière de faire évoluer l’offre, sans pour autant perdre les valeurs essentielles de cette forme de tourisme. Développer le tourisme solidaire et équitable par le biais de la consommation responsable permettrait de construire une offre solide qui garantisse des bénéfices pour plus de personnes. Le nombre de touristes ne doit pas augmenter dans les communautés d’accueil déjà existantes, au risque de voir l’environnement naturel, économique et social se dégrader, mais de nouvelles destinations peuvent voir le jour. Ce marché de niche qui s’étend est en effet un facteur qui encourage les entreprises à investir dans des formes de tourisme plus responsables. Le tourisme solidaire et équitable semble la meilleure façon pour apporter un développement équilibré sur les territoires. Idéalement, il doit se généraliser pour faire évoluer les manières de faire du tourisme. Afin d’approfondir cette réflexion, un travail doit être fait à la fois sur les motivations des consommateurs et aussi sur le développement marketing du tourisme solidaire et équitable. Ce mémoire va être complété par un stage de trois mois sur la création de destinations solidaires dans une agence de voyages classique. Ce stage permettra ainsi d’apporter une nouvelle perspective à ce mémoire et de confirmer ou d’infirmer si le développement du tourisme solidaire et équitable peut passer par le secteur privé. 86 Annexes Annexe 1 : Le Code Mondial d’Ethique du Tourisme, Organisation Mondiale du Tourisme Annexe 2 : Sondage CSA, « Les Français et la consommation éthique, équitable et solidaire », 2004 87 CODE MONDIAL D'ÉTHIQUE DU TOURISME NATIONS UNIES PRÉAMBULE Résolution adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies, le 21 décembre 2001 A/RES/56/212. Code mondial d’éthique du tourisme, L’Assemblée générale, Réaffirmant le paragraphe 5 de sa résolution 36/41 du 19 novembre 1981, par lequel elle a décidé que l’Organisation mondiale du tourisme pourrait participer, à titre permanent, aux travaux de l’Assemblée générale dans les domaines qui l’intéressent, Rappelant aussi la Déclaration de Manille sur le tourisme mondial, du 10 octobre 1980, adoptée sous les auspices de l’Organisation modiale du tourisme1, la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement 2 et le programme Action 213 adopté lors de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement le 14 juin 1992, ainsi que la Déclaration d’Amman sur la paix par le tourisme4, Considérant que la Commission du développement durable, à sa septième session, tenue en avril 1999, a manifesté son intérêt pour le Code mondial d’éthique du tourisme et invité l’Organisation mondiale du tourisme à envisager d’associer les grands groupes, selon que de besoin, à la formulation, à la mise en oeuvre et au suivi du Code mondial d’éthique du tourisme5, Rappelant en outre sa résolution 53/200 du 15 décembre 1998, sur la proclamation de 2002 en tant qu’Année internationale de l’écotourisme, par laquelle elle a, entre autres, réaffirmé la résolution 1998/40 du Conseil économique et social, en date du 30 juillet 1998, constatant l’importance attachée à l’écotourisme par l’Organisation mondiale du tourisme, en particulier à la proclamation de 2002 Année internationale de l’écotourisme, pour ce qui est de favoriser la compréhension entre tous les peuples, de faire mieux connaître le riche héritage des différentes civilisations et de faire davantage apprécier la valeur intrinsèque des différentes cultures contri- buant ainsi à renforcer la paix mondiale, Reconnaissant la dimension importante et le rôle du tourisme comme instrument positif propre à atténuer la pauvreté et à améliorer la qualité de vie de tous les peuples, sa contribution potentielle au développement socioéconomique en particulier dans les pays en développement, et sa fonction naissante de force vitale pour la promotion de la compréhension, de la paix et de la prospérité internationales, 1. Prend note avec intérêt du Code mondial d’éthique du tourisme adopté à la treizième session de l’Assemblée générale de l’Organisation mondiale du tourisme, énonçant les principes qui devraient régir le développement du tourisme et servir de cadre de référence pour les différents acteurs du secteur touristique, dans le but de réduire au minimum les retombées négatives du tourisme sur l’environnement et sur le patrimoine culturel tout en étendant au maximum les avantages qu’il peut procurer en favorisant le développement durable et l’atténuation de la pauvreté ainsi que la com- préhension entre les nations ; 2. Met l’accent sur la nécessité de promouvoir un tourisme responsable et écologiquement viable qui puisse être bénéfique pour tous les secteurs de la société ; 3. Invite les gouvernements et d’autres acteurs du secteur touristique à envisager d’incorporer, selon qu’il convient, le contenu du Code mondial d’éthique du tourisme dans les lois, règlements et usages déontologiques pertinents et, à cet égard, prend acte avec satisfaction des efforts accomplis et des mesures déjà prises par certains États ; 4. Encourage l’Organisation mondiale du tourisme à favoriser un suivi efficace de la mise en oeuvre du Code mondial d’éthique du tourisme, avec la participation des acteurs intéressés du secteur touristique. 5. Prie le Secrétaire général de suivre les faits nouveaux relatifs à l’application de la présente résolution sur la base des rapports de l’Organisation mondiale du tourisme, et de lui faire rapport à ce sujet lors de sa cinquan- te-neuvième session. 1 1. 2 A/36/236, annexe, appendice Rapport de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement, Rio de Janeiro, 3-14 juin 1992 (publication des Nations Unies, numéro de vente : F.93.I.8 et rectificatifs), vol. I : Résolutions adoptées par la Conférence, résolution 1, annexe I. 3 Ibid., annexe II. 4 Voir A/55/640. 5 Voir Documents officiels du Conseil économique et social, 1999, Supplément No 9 (E/1999/29). Nous, Membres de l'Organisation mondiale du tourisme (OMT), représentants de l’industrie touristique mondiale, délégués des États, territoires, entreprises, institutions et organismes réunis en Assemblée générale à Santiago du Chili ce 1er octobre 1999, Réaffirmant les objectifs énoncés dans l’article 3 des Statuts de l’Organisation mondiale du tourisme, et conscients du rôle « décisif et central » reconnu à cette Organisation par l’Assemblée générale des Nations Unies, dans la promotion et le développement du tourisme, en vue de contribuer à l'expansion économique, à la compréhension internationale, à la paix, à la prospérité ainsi qu'au respect universel et à l'observation des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion, Profondément convaincus que, par les contacts directs, spontanés et non médiatisés qu’il permet entre des hommes et des femmes relevant de cultures et de modes de vie différents, le tourisme représente une force vive au service de la paix ainsi qu’un facteur d'amitié et de compréhension entre les peuples du monde, S’inscrivant dans une logique tendant à concilier durablement protection de l’environnement, développement économique et lutte contre la pauvreté, telle que formulée par les Nations Unies en 1992 lors du « Sommet de la Terre » de Rio de Janeiro, et exprimée dans le Programme d’action 21, adopté à cette occasion, Prenant en compte la croissance rapide et continue, aussi bien passée que prévisible, de l’activité touristique, que celle-ci résulte de motifs de loisirs, d’affaires, de culture, de religion ou de santé, et ses effets puissants, tant positifs que négatifs, sur l’environnement, l’économie et la société des pays tant d’origine que d’accueil, sur les communautés locales et les populations autochtones, comme sur les relations et échanges internationaux, Ayant pour but de promouvoir un tourisme responsable et durable, accessible à tous dans le cadre du droit appartenant à toute personne d'utiliser son temps libre à des fins de loisirs ou de voyages, et dans le respect des choix de société de tous les peuples, Mais également persuadés que l’industrie touristique mondiale, dans son ensemble, a beaucoup à gagner à se mouvoir dans un en- vironnement favorisant l’économie de marché, l’entreprise privée et la liberté du commerce, lui permet- tant d’optimiser ses effets bénéfi- ques en termes de création d’activi- té et d’emplois, Intimement convaincus qu’au prix du respect d’un certain nombre de principes, et de l’observance d’un certain nombre de règles, un tourisme responsable et durable n’est nullement incompatible avec une libéralisation accrue des conditions qui président au commerce des services et sous l’égide desquelles opèrent les entreprises de ce secteur, et qu’il est possible, dans ce domaine, de concilier économie et écologie, environnement et développement, ouverture aux échanges internationaux et protection des identités sociales et culturelles, Considérant, dans une telle démarche, que tous les acteurs du développement touristique –administrations nationales, régionales et locales, entreprises, associations professionnelles, travailleurs du secteur, organisations non gouvernementales et organismes de toute nature de l’industrie touristique– mais aussi les communautés d’accueil, les organes de presse et les touristes eux-mêmes, exercent des responsabilités différenciées mais interdépendantes dans la valorisation individuelle et sociétale du tourisme, et que la formulation des droits et devoirs de chacun contribuera à la réalisation de cet objectif, Soucieux, comme l’Organisation mondiale du tourisme s’y emploie elle-même depuis sa résolution 364(XII) adoptée lors de son Assemblée générale de 1997 (Istanbul), de promouvoir un véritable partenariat entre les acteurs publics et privés du développement touristique, et souhaitant voir un partenariat et une coopération de même nature s’étendre, de manière ouverte et équilibrée, aux relations entre pays émetteurs et récepteurs et leurs industries touristiques respectives, Nous plaçant dans le prolongement des Déclarations de Manille de 1980 sur le tourisme mondial et de 1997 sur l'impact du tourisme sur la société, ainsi que de la Charte du tourisme et du Code du touriste adoptés à Sofia en 1985 sous l’égide de l’OMT, Mais estimant que ces instruments doivent être complétés par un ensemble de principes interdépendants dans leur interprétation et leur application, sur lesquels les acteurs du développement touristique devraient régler leur conduite à l’aube du XXIe siècle, Utilisant, aux fins du présent instrument, les définitions et classifications applicables aux voyages, et spécialement les notions de « visiteur », de « touriste » et de « tourisme », telles qu’adoptées par la Conférence internationale d’Ottawa, tenue du 24 au 28 juin 1991, et approuvées, en 1993, par la Commission de statistique des Nations Unies lors de sa vingt-septième session, Nous référant notamment aux instruments suivants : • Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 ; • • Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 ; Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ; • Convention sur le transport aérien de Varsovie du 12 octobre 1929 ; • Convention internationale de l’aviation civile de Chicago, du 7 décembre 1944 ainsi que les Conventions de Tokyo, La Haye et Montréal, prises en relation avec celle-ci ; • Convention sur les facilités douanières pour le tourisme du 4 juillet 1954 et Protocole associé ; • Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel du 23 novembre 1972 ; • Déclaration de Manille sur le tourisme mondial du 10 octobre 1980 ; • Résolution de la VIème Assemblée générale de l’OMT (Sofia) adoptant la Charte du tourisme et le Code du touriste du 26 septembre 1985 ; • Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 ; • Résolution de la IXème Assemblée générale de l’OMT (Buenos Aires) portant notamment sur la facilitation des voyages ainsi que sur la sécurité et la protection des touristes du 4 octobre 1991 ; • Déclaration de Rio de Janeiro sur l'environnement et le développement du 13 juin 1992 ; • Accord général sur le Commerce et des Services du 15 avril 1994 ; • Convention sur la biodiversité du 6 janvier 1995 ; • Résolution de la XIème Assemblée générale de l'OMT (Le Caire) sur la prévention du tourisme sexuel organisé du 22 octobre 1995 ; • Déclaration de Stockholm contre l’exploitation sexuelle d’enfants à des fins commerciales du 28 août 1996 ; • Déclaration de Manille sur l'impact du tourisme sur la société, du 22 mai 1997 ; • Conventions et recommandations adoptées par l’Organisation internationale du travail en matière de conventions collectives, de prohibition du travail forcé et du travail des enfants, de défense des droits des peuples autochtones, d’égalité de traitement et de non discrimination dans le travail ; affirmons le droit au tourisme et à la liberté des déplacements touris- tiques, marquons notre volonté de promouvoir un ordre touristique mondial, équitable, responsable et durable, au bénéfice partagé de tous les secteurs de la société, dans un contexte d’économie internationale ouverte et libéralisée, et proclamons solennellement à ces fins les principes du Code mondial d'éthique du tourisme. Article 1 Contribution du tourisme à la compréhension et au respect mutuels entre hommes et sociétés 1. La compréhension et la promotion des valeurs éthiques communes à l’humanité, dans un esprit de tolérance et de respect de la diversité des croyances religieuses, philosophiques et morales, sont à la fois le fondement et la conséquence d’un tourisme responsable ; les acteurs du développement touristique et les touristes eux-mêmes se doivent de porter attention aux traditions ou pratiques sociales et culturelles de tous les peuples, y compris celles des minorités et des populations autochtones, et de reconnaître leur richesse. 2. Les activités touristiques doivent être conduites en harmonie avec les spécificités et traditions des régions et pays d’accueil, et dans l’observation de leurs lois, us et coutumes. 3. Les communautés d’accueil, d’une part, et les acteurs professionnels locaux, d’autre part, doivent apprendre à connaître et à respecter les touristes qui les visitent, et à s’informer sur leurs modes de vie, leurs goûts et leurs attentes ; l’éducation et la formation qui sont délivrées aux professionnels contribuent à un accueil hospitalier. 4. Les autorités publiques ont pour mission d’assurer la protection des touristes et visiteurs, et de leurs biens ; elles doivent porter une attention spéciale à la sécurité des touristes étrangers, en raison de la vulnérabilité particulière qui peut être la leur ; elles facilitent la mise en place de moyens d’information, de prévention, de protection, d’assurance et d’assistance spécifiques, correspondants à leurs besoins ; les attentats, agressions, enlèvements ou menaces visant les touristes ou les travailleurs de l’industrie touristique, de même que les destructions volontaires d’installations touristiques ou d'éléments du patrimoine culturel ou naturel, doivent être sévèrement condamnés et réprimés conformément à leurs législations nationales respectives. 5. Les touristes et visiteurs doivent se garder, à l’occasion de leurs déplacements, de tout acte criminel ou considéré comme délictueux au regard des lois du pays visité, et de tout comportement ressenti comme choquant ou blessant par les populations locales, ou encore susceptible de porter atteinte à l’environnement local ; ils s’abstiennent de tout trafic de drogue, d’armes, d’antiquités, d’espèces protégées, ainsi que de produits et substances dangereux ou prohibés par les réglementations nationales. 6. Les touristes et visiteurs ont la responsabilité de chercher à s’informer, avant même leur départ, sur les caractéristiques des pays qu’ils s’apprêtent à visiter ; ils doivent avoir conscience des risques en matière de santé et de sécurité inhérents à tout déplacement hors de leur environnement habituel, et se comporter de manière à minimiser ces risques. 2. Les activités touristiques doivent respecter l’égalité des hommes et des femmes ; elles doivent tendre à promouvoir les droits de l’homme et, spécialement, les droits particuliers des groupes les plus vulnérables, notamment les enfants, les personnes âgées ou handicapées, les minorités ethniques et les peuples autochtones. 3. L'exploitation des êtres humains sous toutes ses formes, notamment sexuelle, et spécialement lorsqu’elle s’applique aux enfants, porte atteinte aux objectifs fondamentaux du tourisme et constitue la négation de celui-ci ; à ce titre, conformément au droit international, elle doit être rigoureusement combattue avec la coopération de tous les États concernés et sanctionnée sans concession par les législations nationales tant des pays visités que de ceux des auteurs de ces actes, quand bien même ces derniers sont accomplis à l’étranger. 4. Les déplacements pour des motifs de religion, de santé, d’éducation et d’échanges culturels ou linguistiques constituent des formes particulièrement intéressantes de tourisme, qui méritent d’être encouragées. 5. L’introduction dans les programmes d’éducation d’un enseignement sur la valeur des échanges touristiques, leurs bénéfices économiques, sociaux et culturels, mais aussi leurs risques, doit être encouragée. Article 2 Le tourisme, vecteur d’épanouissement individuel et collectif 1. Le tourisme, activité le plus souvent associée au repos, à la détente, au sport, à l’accès à la culture et à la nature, doit être conçu et pratiqué comme un moyen privilégié de l’épanouissement individuel et collectif ; pratiqué avec l’ouverture d’esprit nécessaire, il constitue un facteur irremplaçable d’auto-éducation personnelle, de tolérance mutuelle et d’apprentissage des différences légitimes entre peuples et cultures, et de leur diversité. Article 3 Le tourisme, facteur de développement durable 1. Il est du devoir de l'ensemble des acteurs du développement touristique de sauvegarder l'environnement et les ressources naturels, dans la perspective d'une croissance économique saine, continue et durable, propre à satisfaire équitablement les besoins et les aspirations des générations présentes et futures. 2. L’ensemble des modes de développement touristique permettant d’économiser les ressources naturelles rares et précieuses, notamment l’eau et l’énergie, ainsi que d'éviter dans toute la mesure du possible la production de déchets devront être privilégiés et encouragés par les autorités publiques nationales, régionales et locales. 3. L’étalement dans le temps et dans l’espace des flux de touristes et de visiteurs, spécialement celui résultant des congés payés et des vacances scolaires un meilleur équilibre de la fréquentation doivent être recherchés de manière à réduire la pression de l’activité touristique sur l’environnement, et à accroître son impact bénéfique sur l'industrie touristique et l’économie locale. 4. Les infrastructures doivent être conçues et les activités touristiques programmées de sorte que soit protégé le patrimoine naturel constitué par les écosystèmes et la biodiversité, et que soient préservées les espèces menacées de la faune et de la flore sauvages ; les acteurs du développement touristique, et notamment les professionnels, doivent consentir à ce que des limitations ou contraintes soient imposées à leurs activités lorsque celles-ci s’exercent dans des espaces particulièrement sensibles : régions désertiques, polaires ou de haute montagne, zones côtières, forêts tropicales ou zones humides, propices à la création de parcs naturels ou de réserves protégées. 5. Le tourisme de nature et l’écotourisme sont reconnus comme des formes particulièrement enrichissante et valorisante de tourisme dès lors qu’ils s’inscrivent dans le respect du patrimoine naturel, et des populations locales et répondent à la capacité d’accueil des sites. Article 4 Article 5 Le tourisme, utilisateur du patrimoine culturel de l’humanité et contribuant à son enrichissement Le tourisme, activité bénéfique pour les pays et communautés d’accueil 1. Les ressources touristiques appartiennent au patrimoine commun de l'humanité ; les communautés sur les territoires desquelles elles se situent ont vis-à-vis d’elles des droits et des obligations particuliers. 1. Les populations locales sont associées aux activités touristiques et participent équitablement aux bénéfices économiques, sociaux et culturels qu’elles génèrent, et spécialement aux créations d’emplois directes et indirectes qui en résultent. 2. Les politiques et activités touristiques sont menées dans le respect du patrimoine artistique, archéologique et culturel, qu'elles doivent protéger et transmettre aux générations futures ; un soin particulier est accordé à la préservation et à la mise en valeur des monuments, sanctuaires et musées, de même que des sites historiques ou archéologiques, qui doivent être largement ouverts à la fréquentation touristique ; doit être encouragé l’accès du public aux biens et monuments culturels privés, dans le respect des droits de leurs propriétaires, de même qu’aux édifices religieux, sans préjudice des nécessités du culte. 3. Les ressources tirées de la fréquentation des sites et monuments culturels ont vocation, au moins partiellement, à être utilisées pour l’entretien, la sauvegarde, la valorisation et l’enrichissement de ce patrimoine. 4. L’activité touristique doit être conçue de manière à permettre la survie et l’épanouissement des productions culturelles et artisanales traditionnelles ainsi que du folklore, et non à provoquer leur standardisation et leur appauvrissement. 2. Les politiques touristiques doivent être conduites de telle sorte qu’elles contribuent à l'amélioration des niveaux de vie des populations des régions visitées et répondent à leurs besoins ; la conception urbanistique et architecturale et le mode d’exploitation des stations et hébergements doivent viser à leur meilleure intégration possible dans le tissu économique et social local ; à compétence égale, l’emploi de la main d’œuvre locale doit être recherché en priorité. 3. Une attention particulière doit être portée aux problèmes spécifiques des zones côtières et territoires insulaires, ainsi que des régions rurales ou de montagne fragiles, pour lesquels le tourisme représente souvent l’une des rares opportunités de développement face au déclin des activités économiques traditionnelles. 4. Les professionnels du tourisme, notamment les investisseurs, doivent, dans le cadre des réglementations établies par les autorités publiques, procéder aux études d’impact de leurs projets de développement, sur l’environnement et les milieux naturels ; ils doivent également délivrer, avec la plus grande transparence et l’objectivité requise, les informations quant à leur programmes futurs, et leurs retombées prévisibles, et faciliter un dialogue sur leur contenu avec les populations intéressées. Article 6 Obligations des acteurs du développement touristique 1. Les acteurs professionnels du tourisme ont l’obligation de fournir aux touristes une information objective et sincère sur les lieux de destination, et sur les conditions de voyage, d'accueil et de séjour ; ils assurent la parfaite transparence des clauses des contrats proposés à leurs clients, tant en ce qui concerne la nature, le prix et la qualité des prestations qu'ils s'engagent à fournir que les contreparties financières qui leur incombent en cas de rupture unilatérale de leur part, desdits contrats. 2. Les professionnels du tourisme, pour autant que cela dépend d’eux, se préoccupent, en coopération avec les autorités publiques, de la sécurité, de la prévention des accidents, de la protection sanitaire et de l’hygiène alimentaire de ceux qui font appel à leurs services ; ils veillent à l’existence de systèmes d’assurance et d’assistance adaptés ; ils acceptent l'obligation de rendre des comptes, selon des modalités prévues par les réglementations nationales, et, le cas échéant, de verser une indemnisation équitable en cas de non respect de leurs obligations contractuelles. 3. Les professionnels du tourisme, pour autant que cela dépend d’eux, contribuent au plein épanouissement culturel et spirituel des touristes et permettent l’exercice, pendant les déplacements, de leur culte religieux. 4. Les autorités publiques des États d’origine et des pays d’accueil, en liaison avec les professionnels intéressés et leurs associations, veillent à la mise en place des mécanismes nécessaires au rapatriement des touristes en cas de défaillance des entreprises ayant organisé leurs voyages. 5. Les gouvernements ont le droit –et le devoir– spécialement en cas de crise, d’informer leurs ressortissants des conditions difficiles, voire des dangers, qu’ils peuvent rencontrer à l’occasion de leurs déplacements à l’étranger ; il leur incombe cependant de délivrer de telles informations sans porter atteinte de manière injustifiée ou exagérée à l’industrie touristique des pays d’accueil et aux intérêts de leurs propres opérateurs ; le contenu d’éventuelles mises en garde devra donc être préalablement discuté avec les autorités des pays d’accueil et les professionnels intéressés ; les recommandations formulées seront strictement proportionnées à la gravité des situations rencontrées et limitées aux zones géographiques où l’insécurité est avérée ; elles devront être allégées ou annulées dès que le retour à la normale le permettra. 6. La presse, notamment la presse touristique spécialisée, et les autres médias, y compris les moyens modernes de communication électronique, doivent délivrer une information honnête et équilibrée sur les événements et situations susceptibles d’influer sur la fréquentation touristique ; ils ont également pour mission d’apporter des indications précises et fiables aux consommateurs de services touristiques ; les nouvelles technologies de la communication et du commerce électronique doivent également être développées et utilisées à cette fin ; de même que la presse et les médias, elles ne doivent en aucune manière favoriser le tourisme sexuel. Article 7 Droit au tourisme 1. La possibilité d’accéder, directement et personnellement, à la découverte des richesses de la planète constitue un droit également ouvert à tous les habitants du monde ; la participation toujours plus étendue au tourisme national et international doit être considérée comme l’une des meilleures expressions possible de la croissance continue du temps libre, et ne pas se voir opposée d’obstacles. 2. Le droit au tourisme pour tous doit être regardé comme le corollaire de celui au repos et aux loisirs, et notamment du droit à une limitation raisonnable de la durée du travail et à des congés payés périodiques, garanti par l'article 24 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et l'article 7.d du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. 3. Le tourisme social, et notamment le tourisme associatif, qui permet l'accès du plus grand nombre aux loisirs, aux voyages et aux vacances, doit être développé avec l'appui des autorités publiques. 4. Le tourisme des familles, des jeunes et des étudiants, des personnes âgées et des handicapés doit être encouragé et facilité. Article 8 Liberté déplacements touristiques des 1. Les touristes et visiteurs bénéficient, dans le respect du droit international et des législations nationales, de la liberté de circuler à l’intérieur de leur pays comme d'un État à un autre, conformément à l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme ; ils doivent pouvoir accéder aux zones de transit et de séjour ainsi qu’aux sites touristiques et culturels sans formalité exagérée ni discrimination. 2. Les touristes et visiteurs se voient reconnaître la faculté d'utiliser tous les moyens de communication disponibles, intérieurs ou extérieurs ; ils doivent bénéficier d’un prompt et facile accès aux services administratifs, judiciaires et de santé locaux ; ils peuvent librement contacter les autorités consulaires du pays dont ils sont ressortissants conformément aux conventions diplomatiques en vigueur. 3. Les touristes et visiteurs bénéficient des mêmes droits que les citoyens du pays visité quant à la confidentialité des données et informations personnelles les concernant, notamment lorsque celles-ci sont stockées sous forme électronique. 4. Les procédures administratives de passage des frontières, qu’elles relèvent des États ou résultent d’accords internationaux, telles que les visas, ou les formalités sanitaires et douanières, doivent être adaptées de manière à faciliter la liberté des voyages et l’accès du plus grand nombre au tourisme international ; les accords entre groupes de pays visant à harmoniser et simplifier ces procédures doivent être encouragés ; les impôts et charges spécifiques pénalisant l’industrie touristique et portant atteinte à sa compétitivité doivent être progressivement éliminés ou corrigés. 5. Les voyageurs doivent pouvoir disposer, autant que la situation économique des pays dont ils sont originaires le permet, des allocations de devises convertibles nécessaires à leurs déplacements. Article 9 Droits des travailleurs et des entrepreneurs de l’industrie touristique 1. Les droits fondamentaux des travailleurs salariés et indépendants de l’industrie touristique et des activités connexes, doivent être assurés sous le contrôle des administrations tant de leurs États d'origine que de celles des pays d'accueil, avec un soin particulier compte tenu des contraintes spécifiques liées notamment à la saisonnalité de leur activité, à la dimension globale de leur industrie et à la flexibilité qu’impose souvent la nature de leur travail. 2. Les travailleurs salariés et indépendants de l’industrie touristique et des activités connexes ont le droit et le devoir d'acquérir une formation adaptée, initiale et continue ; une protection sociale adéquate leur est assurée ; la précarité de l'emploi doit être limitée dans toute la mesure du possible ; un statut particulier, notamment pour ce qui concerne leur protection sociale, doit être proposé aux travailleurs saisonniers du secteur. 3. Toute personne physique et morale, dès lors qu’elle fait preuve des dispositions et qualifications nécessaires, doit se voir reconnaître le droit de développer une activité professionnelle dans le domaine du tourisme, dans le cadre des législations nationales en vigueur ; les entrepreneurs et les investisseurs –spécialement dans le domaine des petites et moyennes entreprises– doivent se voir reconnaître un libre accès au secteur touristique avec un minimum de restrictions légales ou administratives. 4. Les échanges d’expériences offertes aux cadres et travailleurs, salariés ou non, de pays différents, contribuent à l’épanouissement de l’industrie touristique mondiale ; ils doivent être facilités autant que possible, dans le respect des législations nationales et conventions internationales applicables. 5. Facteur irremplaçable de solidarité dans le développement et de dynamisme dans les échanges internationaux, les entreprises multinationales de l’industrie touristique ne doivent pas abuser des situations de positions dominantes qu’elles détiennent parfois ; elles doivent éviter de devenir le vecteur de modèles culturels et sociaux artificiellement imposés aux communautés d’accueil ; en échange de la liberté d’investir et d’opérer commercialement qui doit leur être pleinement reconnue, elles doivent s’impliquer dans le développement local en évitant par le rapatriement excessif de leurs bénéfices ou par leurs importations induites, de réduire la contribution qu’elles apportent aux économies où elles sont implantées. 6. Le partenariat et l’établissement de relations équilibrées entre entreprises des pays générateurs et récepteurs concourent au développement durable du tourisme et à une répartition équitable des bénéfices de sa croissance. Article 10 Mise en œuvre des principes du Code mondial d’éthique du tourisme 1. Les acteurs publics et privés du développement touristique coopèrent dans la mise en œuvre des présents principes et se doivent d'exercer un contrôle de leur application effective. 2. Les acteurs du développement touristique reconnaissent le rôle des institutions internationales, au premier rang desquelles l’Organisation mondiale du tourisme, et des organisations non gouvernementales compétentes en matière de promotion et de développement du tourisme, de protection des droits de l'homme, d'environnement ou de santé, dans le respect des principes généraux du droit international. 3. Les mêmes acteurs manifestent l’intention de soumettre, à fin de conciliation, les litiges relatifs à l'application ou à l'interprétation du Code mondial d'éthique du tourisme à un organisme tiers impartial dénommé : Comité mondial d’éthique du tourisme. 94 L’Organisation mondiale du tourisme est la seule organisation intergouvernementale faisant office de tribune au niveau mondial en ce qui concerne les politiques de tourisme et les questions s’y rattachant. Ses Membres comptent 144 pays et territoires et plus de 350 Membres affiliés appartenant aux secteurs public et privé. L’OMT a pour mission de promouvoir et de développer le tourisme en tant qu’important instrument de paix et de compréhension internationales , favorisant le développement économique et le commerce international. www.world-tourism.org 95 Sommaire Actualité Accueil | Contact Paris, le 29 novembre 2004 Pour plus d'informations: Les Français et la consommation éthique, équitable et solidaire - Sondage exclusif CSA / LA COORDINATION DES ASSOCIATIONS DE CONSOMMATEURS - Jean-Daniel Lévy Directeur du Département Politique-Opinion de CSA Fiche Technique : E-mail : [email protected] CSA 22, rue du 4 Septembre BP 6571 - 75065 Paris Cedex 2 Sondage exclusif CSA / LA COORDINATION DES ASSOCIATIONS DE CONSOMMATEURS réalisé par téléphone les 17 et 18 novembre 2004. Echantillon national représentatif de 1005 personnes âgées de 18 ans et plus, constitué d'après la méthode des quotas (sexe, âge, profession du chef de ménage), après stratification par région et catégorie d'agglomération. Tél. 01 44 94 59 10 / 11 Fax. 01 44 94 34 00 96 I - LA NOTORIÉTÉ DES PRODUITS ET COMPORTEMENTS D'ACHAT QUESTION : Lorsque vous achetez un produit de consommation courante tenez vous compte des conditions d'élaboration du produit du point de vue du respect de l'environnement et des conditions de travail (sécurité de l'emploi, respect des droits des travailleurs…) ? Souvent / De temps en temps - Souvent - De temps en temps Rarement / Jamais - Rarement - Jamais - Ne se prononcent pas TOTAL Ensemble des Français % 71 42 29 29 15 14 100 QUESTION : Pour quelles raisons ne tenez- vous pas davantage compte de ces critères ? - J'ai d'autres critères de choix plus importants (prix, qualité, habitudes) - Je n'ai pas assez d'informations - Ne se prononcent pas TOTAL Ensemble des Français % 51 43 6 100 QUESTION : D'après ce que vous savez, existe-t-il des produits de consommation courante favorisant l'emploi de personnes en difficulté et/ou marginalisées ? - Oui - Non - Ne se prononcent pas TOTAL Ensemble des Français % 57 39 4 100 QUESTION : D'après ce que vous savez, existe-t-il une offre de produits de consommation 97 courante permettant de mieux rémunérer les producteurs des pays du Sud ? - Oui - Non - Ne se prononcent pas TOTAL Ensemble des Français % 49 42 9 100 II - PERCEPTIONS ET JUGEMENT DES PRODUITS ÉQUITABLES ET SOLIDAIRES QUESTION : On appelle « produits équitables » des produits qui visent à améliorer la rémunération des producteurs des pays du Sud et donc leurs conditions de vie. Quand sur un produit l'étiquette fait référence à une démarche équitable, pour vous est-ce avant tout de la part de l'entreprise qui fabrique ce produit… ? - Une démarche marketing - Un engagement correspondant à une philosophie - Ne se prononcent pas TOTAL Ensemble des Français % 51 47 2 100 98 QUESTION : Selon vous, que faudrait-il pour développer les ventes de produits équitables en France ? (Réponses données à l'aide d'une liste) - Un meilleur rapport qualité / prix - Une information plus importante sur ces produits - Un cadre réglementaire permettant d'être certain que le produit correspond vraiment aux règles du commerce équitable - Une meilleure signalisation en magasin - Un accroissement du nombre de points de vente de ces produits - Un plus grand choix de produits - Rien de tout cela (réponse spontanée) - Ne se prononcent pas TOTAL Ensemble des Français % 43 36 27 27 13 11 1 (1) (1) Total supérieur à 100, les interviewés ayant pu donner deux réponses. QUESTION : Pour chacun des produits et services suivants, dites-moi si vous pensez qu'il est possible qu'il soit conçu ou produit dans des conditions ne respectant pas les règles minimales de protection des travailleurs… ? % - Les vêtements - Les jouets - Les autres produits alimentaires - Les fruits et légumes - Le mobilier, la décoration - L'électroménager - Le tourisme (comme les voyages à l'étranger…) - Les services (comme l'hôtellerie, la restauration,…) - Les produits de l'artisanat - Les produits domestiques - Les appareils informatiques - Les produits issus de la pêche 100 100 100 100 100 100 100 Ensemble des Français Possible Pas Ne se possible prononcent pas 80 19 1 76 23 1 73 25 2 72 27 1 71 27 2 70 28 2 68 28 4 100 68 29 3 100 100 100 100 68 67 64 62 30 30 30 35 2 3 6 3 99 QUESTION : Parmi les acteurs suivants, lesquels vous semblent les plus aptes à encourager le développement de pratiques éthiques de la part des entreprises ? (Réponses données à l'aide d'une liste) - Les consommateurs - Les associations de consommateurs - Les salariés - Les syndicats - Les médias - Les dirigeants des entreprises - L'Union Européenne - L'ONU - Les Etats - L'OMC (Organisation Mondiale du Commerce) - Les actionnaires - Aucun de ces acteurs (réponse spontanée) - Ne se prononcent pas TOTAL Ensemble des Français % 42 39 27 23 19 19 15 13 13 9 9 2 2 (1) (1) Total supérieur à 100, les interviewés ayant pu donner trois réponses. QUESTION : Seriez-vous favorable à l'existence d'un logo officiel qui distinguerait les entreprises allant au-delà des obligations réglementaires sur le plan social et environnemental ? Favorable - Favorable, j'en tiendrai certainement compte dans le choix de mes achats - Favorable, mais je ne suis pas certain d'en tenir compte dans le choix de mes achats Défavorable - Défavorable, car les prix risquent d'augmenter - Défavorable, car mes achats sont avant tout déterminés par la qualité du produit - Défavorable, car le traitement des salariés, le respect de l'environnement ne devrait pas être un enjeu de compétition commerciale - Ne se prononcent pas TOTAL Ensemble des Français % 75 54 21 24 7 3 14 1 100 100 Bibliographie Ouvrages ALLEMAND, Sylvain (coord.). Les nouveaux utopistes de l’économie : consommer, fabriquer… différemment. Paris : Editions Autrement, 2005. BABOU I., CALLOT P., Les dilemmes du tourisme. Paris : Edition Vuibert, 2007. BIALSKi, Paula. Intimate tourism : enquête dans un réseau d’hospitalité. Traduction de Clotilde Maudoumier et Marie Thomasson, Limoges : Edition Solilang, 2009. BLANGY, Sylvie. Le guide des destinations indigènes – Tourisme équitable. Montpellier : Indigène édition, 2006. BOYER, Marc. Histoire du tourisme de masse. Paris : PUF - Que sais-je ?, 1999. BREE, Joël. Le comportement du consommateur. Paris : Dunod, 2009. CUVELIER, Pascal. Anciennes et nouvelles formes de tourisme. Paris : L’Harmattan, 1998. DARPY,D. et VOLLE, P., Comportement du consommateur. Paris : Dunod, 2007. DOUSSIN, Jean-Pierre. Le commerce équitable. Paris : PUF - Que sais-je ?, 2009. FERRANDO J., GIAMPORCARO-SAUNIERE S. (coord.), Pour une « autre » consommation : sens et émergence d’une consommation politique. Paris : L’Harmattan, 2005. GAGNON C., GAGNON S. (coord.), L’écotourisme : entre l’arbre et l’écorce. Québec : Presses de l’Université du Québec, 2007. KADT, Emmanuel de. Tourisme, passeport pour le développement ?. Paris : Editions Economica, 1980 LAMIC, Jean-Pierre. Tourisme durable : utopie ou réalité ?. Pairs : L’Harmattan, 2008. MARTIN, Boris (coord.) Voyager autrement : vers un tourisme responsable et solidaire. Paris : Edition Charles Léopold Mayer, 2004. SOLOMON, Michael. Comportement du consommateur. TISSIER-DESBORDES E. et HEILBRUNN B. pour l’édition française. Paris : Pearson Education, 2005. VIALFONT, Stéphanie. Tourisme équitable : à la découverte de l’Autre… et de soi. Bernex-Genève : Jouvence éditions, 2008. Ouvrages Universitaires BOURGOIN, Gildas. De quelle manière le tourisme solidaire et équitable peut-il devenir un levier de développement ? L’exemple de l’association Aina à Madagascar. Mémoire : Tourisme et Développement : Toulouse 2 : 2006 101 CHASSINIOL, Estelle. L’interculturalité, le rapport visiteurs/visités : comment développer le tourisme sans pour autant bouleverser les identités et cultures locales ?. Mémoire : Tourisme et Développement : Toulouse 2 : 2008 OZCAGLAR TOULOUSE, Nil. Apport du concept d’identité à la compréhension du comportement du consommateur responsable : une application à la consommation des produits issus du commerce équitable. Thèse : Sciences de Gestion : Lille 2 : 2005 Revues « Tourisme et éthique », Editions ESPACES Tourisme et Loisirs, Collection Revue Espaces n°171, mai 2000. « Le tourisme autrement », Alternatives Economiques, hors-série n°33, mars 2008. La Gazette officielle du tourisme, N°1969, 27/08/2008. Articles BASTENIER, Albert. Le tourisme, utopie contemporaine. La Revue Nouvelle, N° 1 – 2, janvier – février 2006. BOT, Sandrine. Construction et mise en place du système d’évaluation de l’ATES. In Tourisme responsable, clé d’entrée du développement territorial durable : guide pour la réflexion, Laurent A. (coord.). CHABLOZ, Nadège. Le Malentendu. Nouvelles ( ?) frontières du tourisme. Actes de la recherche en sciences sociales, n°170, décembre 2007. CRAVATTE, Céline in DOQUET, A., LE MENESTREL, S. (coord.). Autrepart : Tourisme culturel, réseaux et recompositions sociales. La Tour d’Aigues : Editions de l’Aube, n° 40, 2006. DUTERME, Bertrand in Expansion du tourisme : gagnants et perdants – point de vue du Sud. Alternatives Sud. Editions Syllepse, 2006. GENDEBIEN, Françoise. Voyages responsables au Sud et ailleurs. La Revue Nouvelle, N° 1 – 2, janvier – février 2006. MICHEL, Franck. Hello Mister ! Quand les autochtones rencontrent les touristes en Indonésie. Ethnologie Française, 2002/2, XXXII, pages 475 à 487. Presses Universitaires de France. RAUCH, André. Le tourisme ou la construction de l’étrangeté. Ethnologie Française, 2002/2, XXXII, pages 389 à 392. Presses Universitaires de France. VALAYER, Dora. Pour une révolution du tourisme. Le Monde Diplomatique, juillet 1997. Le SNAV tend la main à l’association ATES. L’écho touristique. 14/05/2009. 102 Sites Internet http://www.croqnature.com/tourismeequitable.htm, 24/04/10 http://www.universalis.fr/encyclopedie/consommation-comportement-du-consommateur, 30/04/10 Flux RSS quotidiens Tourmagazine, www.tourmagazine.fr Documents électroniques CANEL DEPITRE, Béatrice. Développement Durable et Comportement Citoyen du Consommateur, Università Ca’ Foscari Venezia 24 Novembre 2000 http://www.escp-eap.net/conferences/marketing/pdf/canel.pdf. JEUDY, Emmanuel. Le développement de la consommation citoyenne en Europe. CREDOC. 04/1998. MARCHAND, A., DE CONINCK, P., WALKER, S., La consommation responsable : perspectives nouvelles dans les domaines de la conception de produits. Nouvelles pratiques sociales, Volume 18, numéro 1, Automne 2005, pages 39 à 56. Sources diverses CONTE, Bernard. Dix bonnes raisons de douter du commerce équitable. Présentation PowerPoint. Séminaire Moisa, Montpellier, 11 et 12 janvier 2007. HIGGINS-DESBIOLLES, Freya. Analyse du Code Mondial d’Ethique du Tourisme, Université de South Australia. O’ROURKE Denis, Cannibal Tours (film), Institut des études de Papouasie Nouvelle-Guinée (Sydney), Channel Four (Londres), 1988. OZCAGLAR TOULOUSE, N., DIAZ PEDREGAL, V., PARODI, G. Le commerce équitable : un « juste commerce » ou « juste un commerce » pour les consommateurs ?. Présentation PowerPoint. Séminaire Moisa, Montpellier, 11 et 12 janvier 2007. POOS Samuel. Le tourisme équitable et solidaire. Document de travail. Trade for Development Center, mars 2009. VIARD, Jean. Conférence à l’Université Toulouse – Le Mirail, 2009. Sensibilité des clientèles tourisme durable. Atout France. Note de synthèse, 08/2008. Etude Observatoire Cetelem, BNP Paribas, Consommer en 2010 : pas moins mais mieux. Le tourisme solidaire vu par les voyageurs français : notoriétés, images et perspectives. Enquête de l’UNAT, 2002. 103 Table des matières REMERCIEMENTS 4 SOMMAIRE 5 INTRODUCTION GENERALE 7 PARTIE I : LE DEVELOPPEMENT D’UNE FORME ALTERNATIVE DE TOURISME 9 CHAPITRE 1 : UNE CONSTRUCTION A L’ENCONTRE DU TOURISME DE MASSE 11 1. LE BILAN DU TOURISME DE MASSE 11 1.1. PROBLEMES ECONOMIQUES 11 1.1.1. Point de vue macroéconomique 11 1.1.2. Point de vue microéconomique 13 1.2. PROBLEMES ENVIRONNEMENTAUX 13 1.2.1. De nombreux moyens de transports 13 1.2.2. Une utilisation des ressources excessive 14 1.2.3. Une dégradation de l’espace 14 1.3. PROBLEMES SOCIAUX ET CULTURELS 15 1.3.1. Le voyage comme trophée 15 1.3.2. Une incompréhension entre les deux cultures 15 1.3.3. La domination du touriste sur les autochtones 16 2. LA NAISSANCE DU TOURISME SOLIDAIRE 17 3. LE TOURISME SOLIDAIRE ET EQUITABLE : UN ENJEU SOCIOLOGIQUE 18 3.1. LA RENCONTRE ENTRE LE VOYAGEUR ET SON HOTE 18 3.1.1. Une expérience humaine véritable 18 3.1.2. Une formation à la rencontre 18 3.2. LE RESPECT DES IDENTITES DE CHACUN 19 CHAPITRE 2 : UNE ECONOMIE PLUS EQUITABLE 20 1. L’ENJEU ECONOMIQUE: LE DEVELOPPEMENT LOCAL 20 104 1.1. LE DEVELOPPEMENT COMMUNAUTAIRE 20 1.2. UNE ECONOMIE D’APPOINT 21 2. UN SYSTEME PARTICIPATIF 22 2.1. DEPUIS SA CONCEPTION… 22 2.2. JUSQU’AUX BENEFICES 23 3. UN SYSTEME D’ACTEURS PARTICULIER 23 3.1. L’ORGANISME MONDIALE DU TOURISME : UN ACTEUR PEU IMPLIQUE 23 3.2. LES ASSOCIATIONS AU CŒUR DU SYSTEME 25 3.2.1. L’ATES 25 3.2.2. Les autres associations 27 3.3. LE PARTENARIAT AU CŒUR DU TOURISME SOLIDAIRE 28 3.3.1. Un échange de compétences 28 3.3.2. Un partenariat Nord-Sud 28 3.3.3. Des engagements regroupés dans une charte 29 3.3.4. Un schéma récapitulatif 30 CHAPITRE 3 : LES LIMITES D’UN TEL SYSTEME 32 1. DES MICROPROJETS DANS UNE ECONOMIE TOUJOURS MONDIALISEE 32 1.1. UN ESPRIT MILITANT 32 1.2. LES ASSOCIATIONS SONT AUSSI DES VENDEURS 32 1.3. LE MICRO-PROJET RESOUT-IL DES MICRO-PROBLEMES ? 33 2. LES PROBLEMES DE LA RENCONTRE 35 2.1. LES POPULATIONS LOCALES PLUS VULNERABLES 35 2.2. LA COMPLEXITE DU TOURISTE 36 3. DES PORTEES ENVIRONNEMENTALES DIFFICILES 36 3.1. L’HUMAIN PASSE APRES L’ENVIRONNEMENT 36 3.2. UNE SITUATION ENVIRONNEMENTALE COMPLEXE 37 4. UN MARCHE DE NICHE ET UNE GRANDE CONCURRENCE ENTRE LES GENRES 37 4.1. DES IDEOLOGIES DIFFERENTES 38 4.2. DES PROBLEMES ECONOMIQUES SUR LE LONG TERME 38 4.3. UN TOURISME ELITISTE 39 5. LA PROBLEMATIQUE DU TOURISTE EN TANT QUE CONSOMMATEUR 40 5.1. UN MISSIONNAIRE PLUTOT QU’UN TOURISTE 40 5.2. LE REJET DU MARKETING 41 105 PARTIE II : LE TOURISME SOLIDAIRE ET EQUITABLE COMME CONSOMMATION RESPONSABLE 43 CHAPITRE 1 : UNE NOUVELLE FORME DE CONSOMMATION : LA CONSOMMATION RESPONSABLE 45 1. LA CONSTRUCTION DE LA CONSOMMATION RESPONSABLE 45 1.1. UNE DEMARCHE CONTRE LA SUR-CONSOMMATION 45 1.2. DE LA CONSOMMATION A LA CONSOMMATION RESPONSABLE 46 1.2.1. Définitions de base 46 1.2.2. La consommation responsable 47 2. LES DIFFERENTS MODELES DE CONSOMMATION RESPONSABLE : DIFFERENTES FORMES DE PROTESTATION 48 2.1. LE BOYCOTT 48 2.2. LA SIMPLICITE VOLONTAIRE 48 3. UN EXEMPLE DE CONSOMMATION RESPONSABLE : LE COMMERCE EQUITABLE 49 3.1. LA MISE EN PLACE DU SYSTEME EQUITABLE 49 3.1.1. Historique 49 3.1.2. Les acteurs 50 3.1.3. Les principes 51 3.2. UN SYSTEME ECONOMIQUE A PART 52 3.2.1. Un système marchand respectueux 52 3.2.2. La notion de prix juste 53 3.3. LA CONSOMMATION EQUITABLE 55 3.3.1. Les produits équitables 55 3.3.2. Des systèmes de distribution et une labellisation qui font débat 55 3.3.3. Une consommation engagée auprès des autres 56 CHAPITRE 2 : DES CONSOMMATEURS RESPONSABLES ET ENGAGES 58 1. UNE ANALYSE DESCRIPTIVE DES CONSOMMATEURS 58 1.1. DES STATISTIQUES ECLAIRANTS 58 1.1.1. Des produits mieux connus mais peu consommés 58 1.1.2. Le prix : un frein à l’intention d’achat 58 1.2. LE(S) PROFIL(S) DU CONSOMMATEUR RESPONSABLE 59 1.2.1. Où se situe le consommateur ? 59 1.2.2. Des intentions différentes 60 2. L’ANALYSE MARKETING DE LA CONSOMMATION RESPONSABLE 61 106 2.1. LES CONCEPTS 61 2.1.1. Le comportement du consommateur 61 2.1.2. Le processus d’achat 62 2.2. LA PRISE DE DECISION 63 2.2.1. L’analyse des besoins et motivations 63 2.2.2. La notion d’implication 64 2.2.3. L’analyse des critères 64 3. LE COMPORTEMENT DU CONSOMMATEUR RESPONSABLE 65 3.1. LES ACTES DE CONSOMMATION RESPONSABLE 65 3.1.1. Des stratégies différentes 65 3.1.2. La consom’action 66 3.2. LA COMPLEXITE DU COMPORTEMENT DE CONSOMMATEUR RESPONSABLE 67 3.2.1. La motivation militante : une motivation apparente 67 3.2.2. Des attitudes différentes 68 3.2.3. Sous la volonté militante, une motivation individuelle et hédoniste 70 Les motivations cachées 70 Les critiques de ces motivations 70 CHAPITRE 3 : LE TOURISME EQUITABLE ET SOLIDAIRE COMME CONSOMMATION RESPONSABLE 72 1. APPLICATION THEORIQUE : LE COMPORTEMENT DE CONSOMMATEUR DU TOURISTE SOLIDAIRE 72 1.1. DES CONSOMMATEURS IDENTIQUES OU PRESQUE 72 1.1.1. Des profils comparables 72 1.1.2. Des motivations plus ou moins fortes 73 1.2. UNE PRISE DE DECISION DIFFICILE 74 1.2.1. Une implication forte 74 1.2.2. Des critères secondaires 75 1.2.3. Un contraste entre les intentions d’achat et les véritables achats 75 2. PISTES D’ACTIONS : LIER LE TOURISME SOLIDAIRE ET EQUITABLE AU COMMERCE EQUITABLE 76 2.1. BESOIN D’UNE STRATEGIE DE MARKETING-MIX 76 2.2. PRODUIT 77 Constat 77 Plan d’action 77 Portées 77 Limites 78 107 2.3. COMMUNICATION 78 Constat 78 Plan d’action 78 Portées 78 Limites 79 2.4. CONSOMMATEURS 79 Constat 79 Plan d’action 79 Portées 79 Limites 79 2.5. ENTREPRISES PRIVEES 80 Constat 80 Plan d’action 80 Portées 80 Limites 80 2.6. RESEAU ET DISTRIBUTION 81 Constat 81 Plan d’action 81 Portées 82 Limites 82 2.7. LABELLISATION ET CERTIFICATION 82 Constat 82 Plan d’action 82 Portées 82 Limites 83 CONCLUSION GENERALE 85 ANNEXES 87 BIBLIOGRAPHIE 101 TABLE DES MATIERES 104 108 LE TOURISME SOLIDAIRE ET EQUITABLE, NOUVELLE FORME DE CONSOMMATION RESPONSABLE ? Analyse du comportement de consommateur et comparaison avec le commerce équitable Le tourisme de masse engendre de nombreux dommages sur les pays du Sud tant au niveau environnemental que social. De nouvelles formes de tourisme ont alors vu le jour afin de diminuer ces effets pervers. Parmi eux, le tourisme solidaire et équitable tente de faire profiter au territoire des conséquences positives de cette activité. Il se traduit par une rencontre authentique entre le voyageur et son hôte, et par la participation à un fonds de développement communautaire local. Cependant, le tourisme solidaire comporte des limites. Il est notamment dépendant d’un esprit militant qui place la notion de développement au cœur du projet et ne semble pas prendre en compte le touriste et ses besoins. La notion de marketing n’a que rarement été abordée dans le domaine du tourisme équitable. Par conséquent, l’objectif de ce mémoire est de montrer que le tourisme solidaire et équitable peut se développer par d’autres moyens, sans pour autant perdre ses valeurs. Ainsi, la première hypothèse de travail se base sur la consommation responsable et l’étude du comportement de consommateur, dont les motivations sont particulières dans ce domaine, pour permettre de comprendre celles du touriste solidaire. La deuxième hypothèse se penche sur le rapprochement entre le tourisme équitable et le commerce équitable comme moyen de développement de la filière. Mots-clés : Tourisme solidaire, commerce équitable, comportements du consommateur, consommation responsable FAIR TOURISM, A NEW FORM OF RESPONSIBLE CONSUMPTION? Analysis of consumer behavior and comparison with fair trade Mass tourism causes a lot of damage in Southern countries, as far as the environment and the social issues are concerned. New forms of tourism have been created so as to reduce these negative effects. Fair tourism is one of them and the countries concerned should benefit from the positive consequences of this activity. It is characterized by a genuine relationship between the traveler and his host and by a financial participation to a local project. However, fair tourism also shows its limits. It particularly depends on the activist's belief that development is the main issue of the project but it does not seem to take into account tourists and their needs. The marketing perspective has rarely been seen in the field of fair tourism. The aim of my thesis is to show how fair tourism can be developed using other tools, without having any impact on its values. The first hypothesis analyses the characteristics of responsible consumption and consumer behavior, which shows some particularities, to understand the tourist’s behavior. The second hypothesis relies on the link between fair tourism and fair trade as a means to develop the activity. Key words: Fair tourism, fair trade, consumer behavior, responsible consumption