La place Gambetta, c`est le Virgin

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La place Gambetta, c`est le Virgin
« La place Gambetta, c’est le Virgin ! »
Mardi, 08 Janvier 2013 08:00
Dans les rayons du Virgin Megastore de la place Gambetta, la vie suit son cours mais le
coeur n’y est plus. Depuis vendredi dernier et l’annonce par la direction nationale du
groupe d’un projet de déclaration de cessation de paiement, synonyme de dépôt de bilan
et de disparition des 26 boutiques françaises, les salariés attendent des nouvelles, entre
incrédulité et résignation.
« Ce n’est pas une surprise, confie une employée. Il y a des difficultés depuis des années. Ce
qui est plus gênant, c’est que nous l’avons appris dans la presse.» Dans les allées, si les
vendeurs s’activent comme aux plus belles heures de ce magasin ouvert en 1990, chacun se
pose des questions. à Bordeaux, 36 employés, temps partiels inclus, font fonctionner cet
immense paquebot d’une surface de 3 800 m2. « Ici, c’est une véritable famille, confie l’une
d’eux. On s’apprécie, on s’épaule... Dans l’effectif, les réactions sont très variées. Il y en a
certains qui gardent espoir, qui attendent un sursaut. D’autres sont dans le déni, refusent
l’évidence et ne réalisent pas. Et il y en a qui ont la trouille...» à l’étage supérieur, une autre
vendeuse se déclare elle « contente » que l’abcès soit enfin crevé car, explique-t-elle, « nous
vivions une lente agonie depuis trop longtemps.»
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« La place Gambetta, c’est le Virgin ! »
Mardi, 08 Janvier 2013 08:00
Une pétition mais peu d’espoir
Quel avenir maintenant ? Beaucoup y pensent depuis longtemps déjà : « je n’ai pas attendu
pour actualiser mon cv, poursuit la vendeuse. J’ai déjà changé plusieurs fois d’entreprises et ce
ne sera sûrement pas la dernière.» « Mais ça fait drôle quand même, admet son collègue, qui
travaille place Gambetta depuis plus de vingt ans. Heureusement, j’ai d’autres projets
professionnels très concrets.»
Hier matin, un comité d’entreprise extraordinaire s’est déroulé à
Paris. Il devait permettre de préciser les contours du projet de cessation de paiement de
l’entreprise mais, en l’absence de représentants de l’actionnaire majoritaire, la société
d’investissement française Butler Capital Partners, il a été ajourné et se terminera aujourd’hui.
Si le dépôt de bilan n’est donc pas encore définitivement acté, les espoirs d’un retournement de
situation, à savoir l’arrivée providentielle d’un repreneur, paraissent minces. L’immense majorité
des salariés bordelais, elle, n’y croit pas. Depuis le week-end dernier, chacun tente donc de
donner le change en attendant d’obtenir des informations qui arrivent au compte goutte : « on
ne sait pas ce qui va se passer, concède Arnaud Meunier, le directeur du magasin. Il y a
forcément une inquiétude mais nous avons encore passé des commandes, nous attendons des
livraisons et le magasin sera encore ouvert demain et les jours suivants.»
à côté de la caisse,
une feuille de papier copieusement garnie rappelle toutefois le contexte pesant dans lequel
évoluent les employés. Une pétition, déjà riche de plusieurs centaines de signatures, est mise à
disposition des clients : « ils signent pratiquement tous » affirme une hôtesse de caisse.
« Une nouvelle dramatique »
Pour beaucoup de ces clients, le Virgin de Gambetta occupe une place à part : « je trouve ça
vraiment dommage car le Virgin, c’est le Virgin, explique Oriane, jeune femme d’une vingtaine
d’année. Pour moi, il existe depuis toujours et c’est un véritable point de ralliement.» Emma,
elle, résume l’esprit d’une génération qui a grandi autour de l’enseigne phare du quartier : « à
Bordeaux, tout le monde sait que la place Gambetta, c’est le Virgin ! C’est l’endroit de toutes les
rencontres, le point de rendez-vous dont on sait qu’il sera toujours ouvert.» Une autre cliente
explique de son côté qu’elle n’a pas souhaité signer la pétition car « cela ne sert à rien. Il y aura
des gens au chômage, on ne peut rien y faire car les intérêts sont ailleurs. C’est inquiétant car
on sait déjà que c’est difficile pour les PME, alors si des "gros" comme ça tombent aussi...»
Autour du Virgin, les autres commerçants accusent également le coup. L’enseigne est une
véritable locomotive pour le quartier et dans l’entourage, on craint de subir des « dommages
collatéraux » si la fermeture se confirme. Gérant de l’Encadr’heure, un atelier d’encadrement
qui fait également galerie d’art, voisin immédiat du Megastore, Philippe Sayo ne cache pas son
« inquiétude » pour l’avenir de la place Gambetta, dont Virgin était le « moteur principal », mais
aussi pour son activité : « je pense que ça va certainement me pénaliser car Virgin est une
identité, un symbole de la culture qui s’associait parfaitement avec mon activité. C’était très
complémentaire. Gambetta, c’est un ensemble et le fait d’être ouvert même le dimanche en
faisait un lieu incontournable de la ville, où les gens aimaient se promener. Je trouve cette
nouvelle assez dramatique.» à quelques mètres de là, au café Dijeaux, Bénédicte Raffy tient un
discours similaire. Son établissement profitait lui aussi de l’attractivité du Virgin, notamment le
dimanche, et la gérante redoute le nom de son successeur : « on entend parler de l’arrivée d’un
Mac Donalds. ça n’améliorerait pas la fréquentation de cette place qui n’est déjà pas sur la voie
d’une amélioration en terme d’offre qualitative...» Une autre rumeur évoque l’implantation d’un
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Printemps sur cet emplacement privilégié.
Mais le Virgin, pour le moment, est toujours là.
Mercredi, en début d’après-midi, les salariés manifesteront devant le magasin. Un
rassemblement aux allures de baroud d’honneur. •
OSF
Photo : Ouvert depuis 1990, le Virgin Megastore, dont la fermeture paraît inéluctable, est le «
moteur principal » de la place Gambetta. © ANTHONY ROJO
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