15 L`évolution des mécanismes de soutien applicables

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15 L`évolution des mécanismes de soutien applicables
ENERGIE - ENVIRONNEMENT - INFRASTRUCTURES - REVUE MENSUELLE LEXISNEXIS JURISCLASSEUR - AOÛT-SEPTEMBRE 2015
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Études
L’évolution des mécanismes de soutien
applicables aux énergies renouvelables
pour la transition énergétique :
1ers commentaires sur la notion
de complément de rémunération
Adrien FOURMON,
avocat, associé,
SELARL Huglo-Lepage & Associés
En session extraordinaire, le 22 juillet 2015, l’Assemblée nationale a adopté le texte définitif du projet de loi
relatif à la transition énergétique pour la croissance verte n° 2015-992 du 17 août 2015. Sa promulgation et sa
publication, le 18 août 2015, après examen du texte par le Conseil constitutionnel, marquent une étape décisive
dans l’élaboration d’un nouveau cadre réglementaire de développement des énergies renouvelables. On
retient la mise en place d’un nouveau dispositif de soutien, qui viendra se substituer en partie au tarif d’achat
garanti, avec la mise en place d’un complément de rémunération, visé à l’article 104 de la loi (ancien article 23
du projet de loi) qui s’ajoutera au prix de marché. En outre, la loi prévoit une période de transition afin que les
projets d’EnR bénéficiant de l’obligation d’achat avant l’entrée en vigueur des textes d’application relatifs au
nouveau dispositif de soutien puissent la conserver. Enfin, cette réforme importante, introduite par la loi pour
la mise en place du complément de rémunération, nécessite des mesures connexes comme celle de l’acheteur
de dernier recours, afin de couvrir les risques de défaillance de l’acheteur principal.
1 - Forte de 215 articles, la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte pose les
fondations de la modernisation du modèle énergétique français et
tout particulièrement d’un nouveau cadre réglementaire de développement des énergies renouvelables. Le texte définitif du projet
de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte
(PLTECV) a été adopté par l’Assemblée nationale en session extraordinaire, le 22 juillet 2015. Sa promulgation et sa publication 1 ont
été effectuées, après examen du texte par le Conseil constitutionnel et sa décision n° 2015-718 DC du 13 août 2015 2. L’une des
principales réformes introduite par la loi relative à la transition
énergétique pour la croissance verte concerne l’évolution des
mécanismes de soutien applicables aux énergies renouvelables
(EnR), avec la mise en place, en substitution partielle du tarif
d’achat garanti dont le périmètre se voit réduit, d’un complément
de rémunération qui s’ajoutera au prix de marché auquel les
producteurs d’EnR auront vendu leur électricité. L’article 104 de
la loi (C. énergie, art. L 314-18 à L314-27), dont le projet a été
discuté dès fin 2014, a introduit la notion de complément de rémunération, en réponse aux lignes directrices de la Commission européenne, concernant les aides d’État publiques applicables au
1. L. n° 2015-992, 17 août 2015 : JO 18 août 2015, p. 14263.
2. Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l’article 61,
deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi relative à la transition énergétique
pour la croissance verte, le 23 juillet 2015. Par sa décision n° 2015-718 DC du
13 août 2015, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la loi relative à la
transition énergétique pour la croissance verte dont il avait été saisi par plus de
soixante députés et plus de soixante sénateurs.
secteur, adoptées le 9 avril 2014 3 et publiées le 1er juillet 2014.
Cette loi adoptée, il reste désormais à veiller à ce que les textes
d’application (décrets, arrêtés), concrétisent les objectifs à
atteindre, notamment en terme énergétique (32 % de la part des
EnR dans la consommation énergétique finale en 2030).
2 - Ce nouveau système d’aide, qui devrait entrer en vigueur dès
le 1er janvier 2016, et bouleverser les pratiques actuelles, se définit comme une prime « ex-post » reçue par les producteurs d’EnR
(et demeure juridiquement une aide d’État). Le but de ce dispositif est de supprimer, à terme, les aides publiques à la production
d’énergies renouvelables, tout en garantissant une rentabilité des
installations et la possibilité de constituer des plans d’affaires prévisibles pour assurer la « bancabilité » des projets, malgré leur intégration sur le marché de gros de l’énergie, laquelle amène en
contrepartie son lot de nouveaux risques de marché et d’incertitudes.
3 - Par conséquent, ce nouveau dispositif devrait en théorie à la
fois permettre un allègement du poids du financement des énergies
renouvelables sur les consommateurs (même si en pratique le poids
de EnR dans la CSPE ne devrait pas nécessairement diminuer avec
la mise en place de ce système de rémunération) contribuables, et
éviter les distorsions de concurrence entre les États membres, en
éliminant les aides publiques devenues contraires aux nouvelles
3. Communication de la Commission européenne – Lignes directrices concernant
les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période
2014-2020 – (2014/C 200/01).
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exigences européennes pour la période 2014-2020 4. Néanmoins,
le complément de rémunération soulève de nombreuses interrogations quant à la transition de régime pour les installations en
cours de développement, pour les projets à venir, dont découlent
de nouveaux enjeux économiques et juridiques (sachant que pour
celles bénéficiant actuellement d’un contrat d’achat il n’y a pas
d’enjeu majeur car ce dernier devant perdurer) 5.
1. Une structure du complément de
rémunération largement débattue
A. - Un calcul complexe
4 - En l’état actuel, le complément de rémunération devrait se
calculer comme la somme d’une prime à l’énergie calculée
ex-post, augmentée d’une prime de gestion de l’installation, à
laquelle on déduirait la valorisation des certificats de capacités
(« Capa ») et des garanties d’origine (« GO »).
5 - Néanmoins, le calcul des paramètres du complément de
rémunération n’est pas encore définitif à ce stade. En ce qui
concerne le pas de temps pour le calcul du niveau de revenu standard pour une installation (« M0 »), la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) préconisait, fin mai, un pas de temps
annuel pour les filières commandables avec un éventuel traitement
spécifique pour les autres filières. Cependant, à l’issue des ateliers
de travail menés sur ce dispositif, réunissant le Syndicat des énergies renouvelables (SER) et la DGEC, une nouvelle position a été
adoptée. Au lieu de prendre un pas de temps annuel pour les
filières commandables (type installation biogaz, cogénération,
biomasse) et variables (type installation éolienne, photovoltaïque
ou hydroélectrique), il est apparu pertinent pour certains de réduire
ce pas de temps, afin de faciliter le calcul du revenu des filières
variables et de limiter les aléas à la source.
6 - Ainsi, pour le SER, un pas de temps mensuel pour le calcul du
paramètre M0 semblerait plus judicieux compte tenu des différences de caractéristiques des filières, même s’il n’existe
aujourd’hui aucun consensus et que cette position n’apparaît pas
partagée par la DGEC.
7 - De plus, les lignes directrices de la Commission européenne
indiquent que le mécanisme de soutien ne devra pas inciter les
producteurs à produire en période de prix négatifs 6. Ainsi, en
première approche, la DGEC préconisait un revenu standard M0
calculé pour chaque filière à partir des prix spots positifs pour éviter
toutes augmentations artificielles de la prime.
8 - Néanmoins, cette proposition ne tient pas compte de l’impossibilité des producteurs de ne pas produire en période de prix négatifs, soit pour des raisons physiques, soit pour des raisons contractuelles. À ce jour, la DGEC semble préconiser une limite annuelle
du nombre d’heures de prix négatifs au-delà de laquelle cet impact
serait rémunéré et qui serait spécifique à chaque filière. Ainsi, en
ce qui concerne le cas des prix négatifs, notamment leur plafond
et le mode de rémunération, il apparaît que le cas ne puisse être
tranché qu’après l’avis de la Commission européenne sur ce point,
étant donné que la lutte contre l’apparition des prix négatifs et la
déconnexion des installations pendant ces périodes est un des prin-
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4. Ce dispositif est compatible avec la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de
l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant
les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE.
5. À noter que les installations actuellement sous contrat d’achat pourront aussi
bénéficier des retombés du dispositif à terme, en basculant sous ce dispositif à
la fin dudit contrat, ce qui impliquera d’anticiper ce changement.
6. Lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement
et à l’énergie pour la période 2014-2020 – (2014/C 200/01). V. 3.3.2. Aides
au fonctionnement octroyées en faveur de l’énergie produite à partir de sources
renouvelables – 3.3.2.1. Aides en faveur de l’électricité produite à partir de
sources d’énergie renouvelables.
cipes forts des nouvelles directives. Ensuite, l’exemple des valorisations de certificats de capacités et des garanties d’origines vient
appuyer l’absence de consensus dans le calcul du complément de
rémunération. En effet, une option étudiée par la DGEC serait de
proposer aux producteurs, bénéficiant du complément de rémunération, de renoncer à la valorisation des garanties, dans la mesure
où il n’y a pas d’obligation légale à valoriser ces garanties.
9 - Enfin, en ce qui concerne la prime de gestion, si la proposition relative à son versement annuel et aux conditions de remboursement reste toujours à confirmer (ces conditions n’ont pas fait
l’objet de débat à ce stade), le niveau de la prime fait toujours débat
et, il semblerait qu’elle soit également différente selon les filières.
Par conséquent, à travers l’énoncé de l’ensemble de ces points
demeurés en suspens et face à la complexité persistante du calcul
selon la filière en cause, le complément de rémunération pourrait
rompre avec la situation relativement stable garantie par le mécanisme de tarif d’achat et créer des nouveaux risques et aléas pour
le développement et le financement des projets EnR.
B. - Les problèmes soulevés par le calcul actuel
10 - La première formule du calcul de complément de rémunération a conduit à de vives réactions, notamment au sein du SER,
qui s’est empressé d’adresser une contre-proposition à celle du
Gouvernement, afin de réduire la complexité de ce calcul et le
nombre de ses aléas. En effet, plusieurs paramètres de la formule
retenue à ce stade soulèvent des interrogations quant à leur calcul
et leur contrôle.
11 - On peut notamment citer le cas de la valorisation des garanties de capacités. Cette valorisation, dans la formule actuelle, est
le résultat du nombre de garanties correspondant au nombre de
MWh produit, combiné au prix de référence des garanties d’origine
sur la période considérée. Cette valorisation est déterminée
ex-post. En ce qui concerne le montant correspondant à la valorisation de capacité et de garanties d’origine à déduire, le SER a ainsi
proposé de ne déduire que le montant réellement valorisé par le
producteur, au lieu d’une déduction basée sur un prix de référence
et un nombre de garanties prédéterminé. Cette proposition avancée par le SER apparaît indéniablement plus avantageuse pour le
producteur, car elle permettrait pour lui de réduire le risque sousjacent.
12 - Néanmoins, cette proposition, si elle était adoptée, pourrait
ne pas inciter suffisamment le producteur à valoriser au mieux ses
garanties sur le marché, et a fortiori en période de pointe, dans la
mesure où ces gains entraîneront une baisse potentiellement substantielle de la prime versée. De plus, introduire une déduction des
garanties de capacités et de garanties d’origines dans le calcul du
complément de rémunération conduirait probablement à un
système purement déclaratif et difficilement – voire non – contrôlable, dans la mesure où l’évaluation du niveau effectif des
montants valorisés est difficile à établir par l’Administration. Ainsi,
cette nouvelle architecture proposée par le SER, étudiée par la
DGEC, pourrait considérablement simplifier la formule, et limiter
les nouveaux aléas en découlant pour le financement des projets
EnR.
13 - À noter que cette simplification du système d’aide pourrait
être annihilée par le dispositif « REMIT » 7 qui impose aux producteurs entrant sur le marché de gros de s’enregistrer auprès de la
Commission de régulation de l’énergie (CRE). Cette nouvelle obligation pourrait conduire à une situation complexe que nous développerons ci-après.
7. PE et Cons. UE, règl. (UE) n° 1227/2011, 25 oct. 2011 concernant l’intégrité
et la transparence du marché de gros de l’énergie : JOUE n° L 326, 8 déc. 2011,
p. 1.
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2. Un plan de transition instable
A. - Le dispositif transitoire des installations
bénéficiant actuellement du tarif d’achat
14 - D’une part, il existe des incertitudes en ce qui concerne les
dispositions transitoires pour les installations bénéficiant de l’obligation d’achat avant le 1er janvier 2016. En première lecture, a été
adopté le principe selon lequel toutes demandes d’obligation
d’achat, effectuées avant l’entrée en vigueur du décret, pourraient
bénéficier d’un tarif d’achat garanti.
15 - Néanmoins, en nouvelle lecture, le Gouvernement a voulu
encadrer cette possibilité en introduisant un délai de 18 mois pour
l’achèvement de l’installation à compter de l’entrée en vigueur du
décret. Ce délai, qui figure ainsi dans la loi promulguée, peut se
justifier comme une mesure de sécurité pour éviter l’afflux important de demandes de soumission au tarif d’achat avant le 1er janvier
2016, ce qui viendrait affaiblir les effets espérés du complément de
rémunération.
16 - Cependant, il est important de noter qu’actuellement les
installations de production d’EnR sont généralement achevées dans
des délais qui vont rarement en dessous de 20 mois, notamment
en ce qui concerne l’énergie éolienne ou la biomasse, voire également dans certains cas pour le solaire. Ainsi, ce délai pourrait
empêcher ces types de production de bénéficier du tarif d’achat
après l’entrée en vigueur du complément de rémunération, et cela
même si elles disposaient d’un droit à l’obligation d’achat. Il
conviendra donc d’être vigilant sur les modalités de l’entrée en
vigueur du décret « Complément de rémunération » à venir.
Malgré tout, le texte définitif prévoit que le bénéfice de l’obligation
d’achat et celui du contrat d’achat seront subordonnées à l’achèvement de l’installation dans un délai de dix-huit mois à compter
de l’entrée en vigueur des décrets d’application du complément de
rémunération. Précisons à ce titre que ce délai pourra être revu par
arrêté ministériel, si les conditions de réalisation le justifient.
17 - D’autre part, en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale,
cette dernière a apporté des modifications substantielles du dispositif transitoire. En effet, elle a adopté des amendements du Gouvernement qui permettraient l’autorisation successive de contrat de
soutien (contrat d’achat ou complément de rémunération), sous
condition d’investissement.
18 - Une disposition du texte définitif adopté par l’Assemblée
nationale prévoit un basculement possible au complément de
rémunération sur la durée résiduelle d’un contrat d’achat en cours,
à la demande du producteur. Néanmoins, la Commission des
affaires économiques a fait part au Sénat, dans son rapport du
17 juin 2015, de son scepticisme quant à cette possibilité.
19 - Premièrement, elle souligne un possible renouvellement illimité sans condition d’investissement qui serait en contradiction
avec la perspective d’« énergies renouvelables parfaitement
rentables à court terme sans subventionnement public ».
20 - Deuxièmement, elle énonce que ce basculement au complément de rémunération sur la durée résiduelle du contrat d’achat
pourrait induire un effet d’aubaine notamment pour les filières EnR
où le tarif d’achat a diminué ces dernières années.
21 - Néanmoins, cet avis peut être nuancé pour l’éolien, dans la
mesure où la filière éolienne ne devrait pas être concernée par la
transition vers le complément de rémunération avant le
31 décembre 2018, compte tenu de la décision de la Commission
européenne du 27 mars 2014 8, date du 1er jalon de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).
B. - Les projets d’installations concernés
22 - L’une des interrogations persistantes concerne les productions que ce dispositif de complément de rémunération devrait
concerner.
8. Aide d’État SA.36511 (2014/C) (ex 2013/NN) – France, C(2014) 1315 final.
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23 - En principe, à l’entrée en vigueur des décrets d’application
du complément de rémunération au plus tard le 1er janvier 2016,
tous les producteurs d’énergies renouvelables possédant des installations supérieures à 500 kW devront basculer vers le régime du
complément de rémunération. En ce qui concerne l’éolien, le
basculement devrait être plus tardif et les installations inférieures
à 3 MW ou 3 mâts pourront continuer de bénéficier du dispositif
du tarif d’achat. De plus, le recours aux appels d’offres sera généralisé d’ici janvier 2017, pour tous les projets dont la puissance sera
supérieure au seuil de 1 MW, à l’exception des installations
éoliennes qui se verront imposer un seuil de 6 MW ou six turbines.
24 - Cependant, si le mécanisme de basculement au complément
de rémunération et à l’appel d’offres semble clair sur le principe,
il existe encore de nombreuses dérogations et incertitudes.
25 - En ce qui concerne les incertitudes, la première se fonde sur
la définition de la puissance installée. En première lecture au Sénat,
la définition de puissance installée adoptée se définissait comme
la puissance active maximale injectée au point de livraison.
26 - Néanmoins, l’Assemblée nationale, en nouvelle lecture, a
adopté l’amendement proposé par la co-rapporteure Marie-Noëlle
Battistel, qui ajoutait à la définition de puissance installée, la notion
de « puissance autoconsommée ». Cependant, il convient de noter
qu’introduire la notion de puissance autoconsommée pourrait
constituer un frein à cette transition car la puissance maximale
injectée ne subit aucun aléa de production et constitue une référence incontestable dans le contrôle des installations et les certificats ouvrant droit à l’obligation d’achat (CODOA). Ainsi, introduire la notion de puissance autoconsommée pourrait accroitre le
contentieux relatif aux contrôles prévus par la loi de transition énergétique, dans la mesure où le passage du régime de tarif d’achat au
complément de rémunération reviendrait à considérer une notion
identique mais dont la signification serait modifiée. L’Assemblée
nationale a, néanmoins, conservé cette nouvelle définition dans le
texte définitif qu’elle a adopté ce 22 juillet.
3. Le complément de rémunération CR :
une intégration sur le marché de gros
de l’électricité à sécuriser
27 - L’instauration d’un complément de rémunération et l’intégration des EnR sur le marché de gros de l’énergie induisent nécessairement d’établir des mécanismes de soutien, ainsi qu’une information suffisante des producteurs afin qu’ils anticipent ces
réformes et que les pratiques évoluent en conséquence, notamment sur le plan contractuel.
A. - Le principe d’acheteur de derniers recours : un
dispositif assurantiel de la bancabilité des projets
28 - En nouvelle lecture au Sénat, un amendement déposé par
M. Dantec, M. Mezard et Mme Jouanno, sur proposition du SER,
visait à introduire un principe d’acheteur de dernier recours pour
se substituer à un acheteur potentiellement défaillant. Ce dispositif de secours semble primordial pour l’intégration nouvelle des
EnR sur le marché. Tout d’abord, l’entrée des producteurs sur le
marché en gros de l’énergie conduirait nécessairement à une
augmentation de la variabilité des revenus tirés de la production
d’une installation ainsi qu’une incertitude accrue de sa rentabilité
sur le long terme.
29 - En effet, pour vendre leur électricité, les producteurs devront
recourir à des acheteurs d’électricité, les agrégateurs, via des
contrats de court terme. Ainsi, la durée limitée des contrats conclus
avec les agrégateurs sous-entend une nécessité d’anticiper la fin de
ces derniers, ainsi que la recherche de nouveaux acheteurs. Dans
ce cas, un risque, pour le producteur, de ne pas pouvoir vendre sa
production est conséquent, notamment si l’agrégateur fait faillite,
ou si le producteur ne réussit pas à trouver un nouvel acheteur à
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temps. Par conséquent, la loi prévoit que l’autorité administrative
puisse désigner un acheteur de dernier recours qui sera tenu de
conclure un contrat d’achat pour les installations bénéficiant du
complément de rémunération. Cette exception pourra être demandée par tout producteur, dès lors qu’il justifiera l’impossibilité de
vendre son électricité.
30 - Néanmoins, ce dispositif sera probablement encadré, s’il est
adopté, afin de ne pas voir naître une autre forme de tarif et d’obligation d’achat.
31 - Puis, l’instauration d’un acheteur de dernier recours est
nécessaire pour éviter une détérioration des conditions de financement des projets EnR. Dans cette optique, l’acheteur de dernier
recours constituerait une assurance pour les investisseurs potentiels. En effet, même si le recours à l’acheteur de derniers recours
serait rare, du fait de l’absence d’incitation à y recourir en raison
d’un tarif décoté, cela pourrait rassurer les établissements préteurs
et rendre le financement de projets plus attractif malgré le passage
d’un tarif d’achat fixe à un prix de marché variable.
32 - De plus, cela pourrait permettre d’assurer la bancabilité et
le financement de projets d’installation bénéficiant d’un droit à
l’obligation d’achat, mais qui n’aurait par exemple pas respecté les
délais applicables du régime transitoire. En effet, en assurant une
certaine rentabilité de la future installation même soumise au
complément de rémunération et/ou en cas de défaillance d’un
agrégateur, le dispositif d’acheteur de dernier recours devrait
envoyer un signal favorable aux banques et permettre d’assurer le
financement des projets EnR malgré la transition.
33 - Cependant, des questions subsistent notamment celle de
savoir dans quelles circonstances l'acheteur de dernier recours est
sollicité ? La désignation claire de l'acheteur de dernier recours
remplira sans doute sa fonction de rassurer les investisseurs et le
marché, si une décote significative du tarif adopté devra permettre
d'éviter de recréer un système de tarif d'achat.
34 - Enfin, ce dispositif d’acheteur de dernier recours pourrait
contribuer à l’augmentation de la concurrence entre agrégateurs.
En effet, dès lors que les producteurs sont assurés de pouvoir vendre
leur production même en cas de défaillance de l’agrégateur, cela
permettrait aux petits agrégateurs d’entrer sur le marché, car la
solvabilité ne constituerait pas une barrière significative à l’entrée.
Cependant, ces quelques avantages théoriques du dispositif
doivent être nuancés, dans la mesure où l’adoption du principe
sera sans doute insuffisante sans la désignation d’un acheteur de
dernier recours, puisque ce dispositif demeure une possibilité pour
l’Administration, et non une obligation à mettre en place.
B. - Une évolution de configuration à anticiper
35 - La prochaine intégration des EnR sur le marché de gros de
l’énergie s’accompagnera entre autres d’une mutation du cadre des
échanges et de nouvelles formes de contractualisation (notamment
entre producteurs, acheteurs, agrégateurs, certains contrats étant
d’ailleurs fondés sur les mécanismes de tarif d’achat pour les
clauses de rémunération et de garantie de performance). En effet,
si actuellement les producteurs sont déconnectés des aléas et des
conditions d’accès au marché de gros de l’énergie, cela ne sera plus
le cas au 1er janvier 2016. Or, le complément de rémunération
n’est pas la seule nouveauté que les producteurs devront anticiper.
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36 - D’une part, l’entrée sur le marché des producteurs induit leur
respect du règlement (UE) n° 1127/2011 du 25 octobre 2011 dit
« REMIT ». Ce règlement s’applique à toute personne physique ou
morale effectuant des transactions sur les marchés de gros de
l’énergie.
37 - Ainsi, en application de l’article 9 du règlement REMIT, les
producteurs d’EnR devront s’enregistrer auprès de l’autorité de
régulation nationale – à savoir la CRE pour le cas français – avant
d’effectuer toutes transactions sur le marché. Si l’enregistrement,
ne constitue pas un obstacle insurmontable en soi, l’existence de
seuils et d’exceptions à l’enregistrement complexifie grandement
leur tâche.
38 - En effet, l’article 9 (4) du règlement REMIT impose à tous les
acteurs du marché d’être enregistré dans le registre national de la
CRE avant le 7 octobre 2015. Néanmoins, l’obligation d’enregistrement et ses modalités diffèrent d’une installation à une autre.
Ainsi, il apparaît primordial pour les producteurs de s’informer sur
les conditions d’enregistrement afin de s’y conformer convenablement.
39 - D’autre part, les installations bénéficiant du complément de
rémunération participeront au mécanisme de capacité. Par conséquent, EDF ou les entreprises locales de distribution ne seront pas
subrogées dans les droits du producteur sur la vente des garanties
de capacités. De ce fait, pour éviter toutes sur-rémunérations des
producteurs, l’article 104 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit que la prime tiendra compte
« des recettes de l’installation, et notamment la valorisation de
l’électricité produite, la valorisation par les producteurs des garanties d’origine et la valorisation des garanties de capacités prévues
à l’article L. 335-3 ».
40 - À noter que les conditions dans lesquelles les ministres chargés de l’énergie et de l’économie établiront cette prise en compte,
après avis de la CRE, seront précisées par décrets.
41 - Il conviendra d’attendre la publication des décrets fixant les
modalités de cette réforme majeure que constitue le nouveau
mécanisme de complément de rémunération pour en savoir plus.
42 - Un décret général multifilières EnR relatif à l'architecture du
complément de rémunération devrait encadrer le complément de
rémunération, lequel devrait faire l'objet de consultations vers
mi-septembre pour une durée de 2 à 3 semaines maximum. En
outre, et pour chaque filière, des arrêtés « Complément de rémunération » devraient être également transmis courant septembre
dans le cadre de la concertation menée sur ce dispositif.
43 - À titre d'illustration, selon la DGEC, le prochain mécanisme
pour les futures unités de méthanisation supérieures à 500 kW
devrait être l’appel d’offres avec complément de rémunération.
44 - Le décret « Complément de rémunération » indiquera aussi
ce qui devrait être appliqué dans le cadre des appels d'offres avec
complément de rémunération, donc l'appel d'offres biomasse (lot
bois-énergie et lot biogaz) sera concerné par ce futur décret.
45 - La DGEC prévoit de fonctionner uniquement par appel
d'offres avec complément de rémunération pour les installations
de cogénération et ne prévoirait plus de tarifs.
Mots-Clés : Énergie - Transition énergétique - Loi relative à la
transition énergétique pour la croissance verte - Énergies
renouvelables
Énergie - Énergies renouvelables - Loi relative à la transition
énergétique pour la croissance verte - Complément de rémunération