"Médecines traditionnelles" en version imprimable.

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"Médecines traditionnelles" en version imprimable.
DMédecines
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traditionnelles
Ostéopathie
Phytothérapie
Médecine ayurvédique
Acupuncture
Médecines traditionnelles
Quelle place pour les praticiens dans notre monde moderne ?
Les médecines traditionnelles occupent de plus en plus de place dans notre quotidien. Faut-il pour
autant parler d’une révolution ou d’un retour aux sources ? Tradipraticien, rebouteux, guérisseur,
naturopathe, médecin ayurvédique… Ce sont des hommes et des femmes qui, par leur talent et leur
savoir, offrent une médecine différente, généralement sans acte chirurgical, en dehors de celle qui est
enseignée dans les universités. Alors qui sont ces praticiens de l’ombre armés d’une aiguille, d’un sachet
de plantes ou d’une méthode héritée de leurs aïeux et qui s’engagent à garantir notre bien-être sans
passer par la case « école de médecine » ?
E
couter le patient, ses maux, son mode de vie, évaluer
ses besoins et le soigner en fonction de ce qu’il est
autant que de ce qu’il a… Voilà les principes fondamentaux des médecines traditionnelles. Elles visent
à maintenir la santé et quand il s’agit de guérir une
maladie, elles entament une prise en charge complète.
Généralement, ces pratiques considèrent que si une
pathologie apparaît chez un individu, c’est qu’il y a un
déséquilibre dans son mode de vie qui se répercute sur
sa santé.
Le médecin ayurvédique, par exemple, reconnaît que
chaque individu est constitué de trois doshas (ou éner-
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gies vitales). Chacun d’entre eux est un ensemble de qualités, de caractéristiques physiques et physiologiques. Si
vous rencontrez un médecin ayurvédique, c’est donc la
première chose qu’il déterminera. Une fois votre dosha
principal défini, le praticien va s’atteler à rééquilibrer
votre organisme en s’appuyant sur votre profil doshique.
Il va étudier votre régime alimentaire, prendre en compte
vos défenses naturelles, le bien-être de votre flore intestinale et bien d’autres paramètres. A l’issue d’une longue
consultation et en fonction de vos déséquilibres il vous
prescrira un ensemble de soins pour retrouver la santé.
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C’est là une des principales différences avec la médecine
allopathique. En effet, la définition de celle-ci dans le
Larousse est « Méthode de traitement qui emploie des
médicaments produisant des effets contraires à ceux de
la maladie à combattre. » C’est-à-dire qu’un patient qui
se présente chez son médecin avec un mal de ventre,
repartira avec le médicament adéquat. Sans qu’il sache
forcément pourquoi il a eu mal au ventre et comment
éviter que cela se reproduise. Comme les médecines
traditionnelles et allopathiques peuvent se compléter,
des collaborations étroites se mettent en place dans plusieurs pays à travers le monde.
Traditionnelles et modernes
Dans les territoires en voie de développement, la médecine traditionnelle reste la méthode de soins la plus
abordable financièrement et donc la plus consultée.
En Ouganda, par exemple, le ratio de tradipraticiens
par population se situe entre 1/2000 et 1/4000. Ceci
contraste nettement avec la disponibilité d’allopathes,
pour lesquels le ratio typique est de 1/20 000 ou moins.
En Occident, les médecines traditionnelles deviennent
courantes. En effet, aller voir un ostéopathe en cas de
douleurs articulaires, un hypnotiseur pour arrêter de
fumer ou prendre du thé vert en gélules pour mincir est
devenu presque banal…
Une histoire de transmission
Les médecines traditionnelles regroupent des systèmes
de soins complets tels que l’Ayurvéda, la médecine
chinoise traditionnelle ou l’Unani (voir tableau ci-dessous), entre autres.
Ces médecines se sont généralement développées grâce
à une transmission des connaissances, d’un pays, d’un
village ou d’une famille à une autre. En fonction des colonisations ou des différents courants migratoires, elles se
sont enrichies, diffusées et parfois diluées. Elles ont laissé
peu de traces écrites et ont donc pendant longtemps
traversé les siècles grâce à l’oralité.
Alors que certaines médecines traditionnelles ont rayonné dans le monde, d’autres sont restées confidentielles
et ont quasiment disparu avec l’arrivée massive de l’allopathie. C’est le cas, par exemple, de la médecine Inuit.
La transmission des techniques médicinales se faisait en
famille, en fonction des expéditions, des rencontres, des
mariages. En fin de compte, après des siècles de pratique,
elle est finalement restée cantonnée à l’Arctique, compte
tenu d’une part, de l’isolement de ces populations et
d’autre part des spécificités du territoire. En effet, les
ressources naturelles varient d’un continent à l’autre et
les végétaux qui poussent dans un pays ne se trouveront
pas forcément sur un autre.
Thérapies et techniques thérapeutiques de médecines traditionnelles toujours utilisées dans le monde
MÉDECINES
TRADITIONNELLES
Ayurvéda
Médecine chinoise
Médecine traditionnelle d’Afrique
Unani
Naturopathie
Médicaments à
base de plantes
Ostéopathie
Homéopathie
Chiropraxie
Autres
Acupuncture/
acupression
Thérapies
manuelles
Thérapies
spirituelles
Exercices
Yoga
Toucher
thérapeutique
Qigong
Relaxation
Shiatsu
Hypnose,
guérisseurs,
méditation...
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Une histoire d’argent aussi
En plus des notions de transmission et d’écoute du patient, il existe
une différence frappante entre la
médecine allopathique et la médecine traditionnelle : la protection
juridique des connaissances !
Depuis toujours, les praticiens de
médecines traditionnelles ont partagé librement leurs savoirs et leurs
expériences, défendant la notion de
«libre accès» bien avant l’heure. Pas
de dépôt de formulation et pas de
découverte qui porte le nom d’un
praticien plutôt que d’un autre.
Tout est échange.
De plus, l’usage des plantes qui fait
partie intégrante des médecines
traditionnelles ne relève d’aucun
brevet. Les végétaux doivent rester
accessibles à tous et même si nous
avons quelques cas de biopiraterie
(voir ci-contre*) en tête, il existe des
lois pour protéger la liberté d’utiliser ces végétaux.
* Le Neem a été une des victimes les plus marquantes de biopiraterie.
Grâce à lui, la jurisprudence a permis d’éviter bon nombre d’abus !
Cet arbre possède en effet de nombreuses et remarquables vertus qui
ont attiré l’attention des industriels : hypoglycémiant, antiparasitaire,
antibactérien…
Dans les années 90, en raison de cette richesse en substances actives,
le Neem a fait l’objet de 64 brevets déposés par plusieurs entreprises
privées et reposant sur ses différentes propriétés thérapeutiques.
Alors que l’Inde avait librement diffusé l’usage et les connaissances sur
le Neem depuis des siècles, ces entreprises se sont approprié cette ressource importante en quelques années. Ils ont ainsi privé les Indiens
et tout autre peuple ou entreprise de la possibilité d’utiliser le Neem
ou de le commercialiser.
Comme la culture de Neem s’est organisée et intensifiée pour les
seules entreprises ayant les brevets, l’arbre s’est fait plus rare pour la
population locale et son coût a explosé. Après une dizaine d’années
de combat, ces brevets ont été annulés et l’Inde a retrouvé le libreusage de cette plante essentielle !
Aujourd’hui la vente du Neem profite à tout le pays.
Les médecines traditionnelles
de plus en plus populaires
Pendant la dernière décennie, le recours à la
médecine traditionnelle a connu un regain
d’attention et d’intérêt dans le monde.1
En Chine, 40% environ de l’ensemble des
soins de santé relèvent de la médecine traditionnelle. Au Chili et en Colombie, 71% et
40% de la population, respectivement, ont
recours à la médecine traditionnelle et, en
Inde, 65% de la population rurale utilisent
l’Ayurvéda et les plantes médicinales au
niveau des soins de santé primaires. Dans
les pays occidentaux, les médecines traditionnelle, complémentaire et parallèle
connaissent un succès croissant. Ainsi, le
pourcentage de la population ayant eu
recours à ces médecines au moins une fois
est de 48% en Australie, 31% en Belgique,
70% au Canada, 49% en France et 42% aux
Etats-Unis.
1-Rapport de l’OMS
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Crédit photos © archives Aidemet Ong
Article écrit en collaboration avec Rokia Sanogo
• Première femme professeure titulaire de la Faculté de Pharmacie du Mali
Thérapeutes et herboristes du Mali.
Les tradipraticiens de santé se préoccupent de plus en plus
de la sauvegarde des espèces médicinales : des activités
de protection et réintroduction de plantes médicinales en
voie de disparition sont en cours à travers le pays.
Les tradipraticiens d’Afrique, thérapeutes du quotidien
« En Afrique, la Médecine Traditionnelle constitue une
composante très importante du patrimoine culturel
vivant, profondément ancrée dans l’histoire, la culture et
les croyances des populations. Elle détermine les aptitudes
et les comportements face aux évènements personnels,
familiaux et sociaux de la vie quotidienne. Bien au-delà
des seuls problèmes de santé, la Médecine Traditionnelle
participe à la culture et aux traditions locales, aux connaissances et aptitudes collectives, aux sentiments et aux certitudes populaires. Pendant des millénaires, les populations
africaines ont utilisé les plantes médicinales pour leurs
besoins de santé. Au Mali, ces plantes représentent encore
aujourd’hui, le premier recours pour 80% de la population2.» explique la Professeure Rokia Sanogo, première
femme professeure titulaire de la Faculté de Pharmacie
du Mali.
Celle qui a contribué à développer des espaces d’enseignement de médecines traditionnelles à l’intérieur
des universités de médecine, tient à ce que les deux
méthodes de soins se côtoient et se complètent malgré
les différences de leurs approches.
La plante, ce médicament
La Professeure considère aussi que les plantes médicinales d’Afrique représentent une ressource pour la
médecine. En effet, elles sont une base importante
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de nouvelles molécules pour l’industrie pharmaceutique. De 1983 à 2000, l’Institut de Pharmacognosie et
de Phytochimie de l’Université de Lausanne (Suisse) a
recensé les végétaux du continent africain et c’est ainsi
que :
- 1337 espèces de plantes ont été récoltées en Afrique,
- 4679 extraits ont été analysés,
- 47 plantes ont été étudiées du point de vue phytochimique et ont révélé leurs actions potentielles sur
l’organisme humain.
La place des plantes médicinales
L’art de guérir par les plantes est connu et pratiqué
en Afrique depuis bien longtemps, car il exploite des
savoirs transmis oralement de génération en génération
à certaines catégories d’individus initiés que sont les
tradipraticiens de santé et les herboristes. Il s’agit généralement d’hommes. Les femmes étant plutôt chargées
de la collecte et de la vente des plantes. Ce commerce
est d’ailleurs une source importante de revenus pour
elles, même si l’urbanisation rend difficile la cueillette
sauvage.
2 - http://www.aidemet.org/
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Chine : médecine de tradition
Iran, Pakistan
La médecine Unani
Si l’apparition de la médecine chinoise est estimée à 1250
ans av. J.-C., elle n’est parvenue en Occident qu’au milieu
du XIXème siècle.
Cette médecine possède une particularité : elle n’est
pas fondée sur une réponse aux maladies, mais sur une
théorie du fonctionnement de l’être humain en bonne
santé. C’est-à-dire qu’en partant de la physiologie, de la
psychologie et de l’anatomie d’un individu, elle explique
les causes des maladies qui ne sont finalement que des
conséquences. Le but n’est pas tant de « nommer » la
maladie que de trouver la cause (au niveau de l’énergie,
du sang, des liquides organiques ou des différentes fonctions) entraînant l’apparition des symptômes, de repérer
quel organe provoque les symptômes afin de rétablir son
bon fonctionnement.
A côté de la vision occidentale qui considère le corps
comme une mécanique et les organes comme des éléments à changer ou réparer pour faire fonctionner tout
l’ensemble, la pensée chinoise insiste sur l’interdépendance de tous les organes. Une maladie y est interprétée
non seulement comme une manifestation particulière,
mais aussi comme le signe d’un déséquilibre plus général.
Le médecin chinois va donc s’atteler à «remettre de
l’ordre» dans l’organisme après une longue consultation
au cours de laquelle il va examiner le mode de vie de son
patient, son alimentation et tenter de percevoir son état
de forme grâce à sa respiration, mais aussi en le palpant
à des endroits bien précis. A l’issue de cette rencontre, il
dispose de cinq pratiques principales pour soigner : l’acupuncture, les plantes médicinales, le rapport à la nourriture, le massage et les exercices énergétiques.
Source : medecinechinoise.org
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La médecine Unani (ou yunani) est encore bien vivante
aujourd’hui au Pakistan, au Bengladesh, en Iran, en Inde,
et tend même à se développer grâce à l’ouverture d’écoles,
de dispensaires, de centres de formation... Les principes
de cette médecine sont nés dans la Grèce ancienne avant
d’être adoptés et remaniés au VIIème siècle par les savants
arabes et persans. C’est alors qu’ils la baptisent «médecine
Unani» (de ionique qui veut dire grec en arabe).
A l’origine, la médecine Unani reposait sur un Hakim
(médecin), qui transmettait à trois ou quatre disciples ses
connaissances des plantes et les pratiques thérapeutiques.
Cette médecine traditionnelle s’est ensuite ouverte au
plus grand nombre et en 2006, 38 institutions rien qu’en
Inde offraient des cours conduisant au diplôme en médecine unani (BUMS).
Selon cette médecine traditionnelle, la maladie est la
réponse de l’organisme à un déséquilibre entre la chaleur et l’humidité de certains de ses organes ; la thérapie
prescrite doit donc rétablir cette harmonie. Les praticiens
puisent leurs remèdes dans les plantes médicinales et
élaborent des produits ciblés, précis qui s’attaquent aux
causes des maladies pour en supprimer les effets. La finalité étant de « rechercher l’équilibre des grands systèmes
pour résoudre des problèmes particuliers ».
Les médecins Unani considèrent que les médicaments
doivent être exclusivement de source naturelle, afin d’éliminer les effets secondaires. On retrouve donc l’usage
universel de certains végétaux comme l’harpagophytum
qui sert à traiter les douleurs articulaires, autant dans la
médecine Unani au Pakistan que chez les naturopathes
en France.
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Récit de Hervé Bruhat
• Photographe
• Écrivain
Inde
à la rencontre des guerriers guérisseurs
Dans le Sud de l’Inde, au Kerala, on pratique le kalaripayatt, un art martial dont les
racines nous plongent au cœur de l’Inde féodale. Il y avait alors une caste d’hommes
qui étaient à la fois guerriers et guérisseurs. Aujourd’hui, cette double pratique existe
toujours et Hervé Bruhat a rencontré ces hommes d’exception. Il nous raconte...
V
oici bientôt deux
semaines
que
Rakesh, 8 ans, s’est
fait une double fracture au bras en jouant au cricket.
Depuis, il passe tous les deux jours à la clinique du
gymnase martial pour recevoir un soin. Le maître
du lieu, Lalkrishnan, lui défait son pansement puis,
comme un sculpteur qui achèverait son œuvre, lui
masse délicatement l’avant-bras pour vérifier que
l’os se ressoude dans la bonne position. Il tire avec
précaution les doigts de l’enfant, fait jouer les articulations du poignet et du coude. Il replace ensuite
les quatre atèles de bambou recouvertes de tissu,
les attache avec des bandelettes puis panse le tout
à l’aide d’une gaze imprégnée d’un emplâtre dont
sa famille conserve jalousement la recette. « Tout va
bien », conclut le docteur, « encore une semaine et
tu seras tiré d’affaire. »
La médecine de ces guerriers indiens ne dément
jamais sa réputation d’efficacité et semble pouvoir
faire face à des accidents en tous genres. Un pratiquant qui s’évanouit suite à un malencontreux coup
de bâton sur la tête à l’emplacement d’un marma
(point vital) sera soigné par une contre application
qui enrayera le blocage du flux énergétique. Celui
qui s’est blessé à l’orteil avec la lame d’un sabre
recevra immédiatement du maître l’onguent adéquat. Un déboîtement d’épaule sera rétabli par une
manipulation.
Le système thérapeutique de ces guerriers guérisseurs ne cherche pas seulement à soigner mais vise
à doter le pratiquant d’un corps exceptionnel : un
corps d’athlète, de danseur ou de guerrier qui transcende les limites du corps profane.
Giovanni Maffei, historien du XVIe siècle, explique
dans ses écrits, qu’en son temps, ces maîtres d’armes,
grâce à leurs massages huileux, rendaient leurs disciples « agiles, presque incroyablement ». Au début
du XXe siècle, et en dépit de la colonisation, leurs
successeurs ont conservé ce talent jusqu’à pouvoir
« transformer n’importe quel homme en contorsionniste, même s’ils ne disposaient que de la surface
d’une boîte d’archives pour table de massage ».
A lire
INDE, les guerriers guérisseurs
Par Hervé Bruhat
Hervé Bruhat est photographe et écrivain. Voyageant
en Asie depuis 1997, s’intéressant aux rapports entre
corps, culture, philosophie et médecine, il a publié
6 ouvrages dont « Inde, Les Guerriers guérisseurs »,
un beau livre aux illustrations splendides.
EN LIBRAIRIE
Inde, les guerriers
guérisseurs
de Hervé Bruhat
Ed. Lieux Dit
45 €
276 pages
Octobre 2011
Pour pratiquer le kalaripayatt en France : www.kalaripppayat.asso.fr ou : kalaripayatt.blog.mongenie.com
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Maître Baiju fabrique un emplâtre afin de
soigner un patient dont le genou s’est bloqué
suite à l’infection d’un staphylocoque. Etendue
sur la peau et entourée d’une bande, la pâte
est renouvelée tous les deux jours. Elle diminuera le gonflement et redonnera aux muscles
et aux veines leur vitalité. D’autres pâtes curatives sont confectionnées en mélangeant les
plantes avec du miel, du ghee (beurre clarifié)
ou de l’huile. Des sucres bruts ou de la poudre
de riz complètent parfois la composition.
Le massage en thérapie
Les guerriers pratiquent les massages assouplissants
(uzhichil) pendant la mousson, sur une période de 14
jours. Les mains du masseur interviennent mais rapidement, ce sont ses pieds qui prennent le relais.
Le praticien se suspend à une corde fixée à la charpente
du gymnase, de façon à pouvoir doser sa force et masse
son disciple, lequel se tient allongé par terre sur une
natte, la peau couverte d’huile. L’opération est presque
douloureuse et sa vigueur augmente crescendo pendant une semaine, à l’issue de laquelle l’étudiant se voit
administrer un purgatif qui élimine les toxines. Après
cette phase de plateau, l’intensité du massage redescend progressivement. L’extraordinaire compétence des
maîtres en matière de massage s’explique aisément : la
connaissance de leur propre corps, acquise au cours des
années d’entraînement intensives, leur fait percevoir
la place exacte de chaque muscle, de chaque tendon,
la course de chaque articulation. Ils ne se contentent
pas de s’occuper de leurs propres élèves mais mettent
leur talent au profit des malades victimes de problèmes
neuromusculaires, comme les hernies discales et les
déplacements vertébraux.
Il en est des guerriers guérisseurs du Kerala comme
des rebouteux occidentaux. La rapidité de leurs résultats tient à la nature mécanique du mal. Ils l’affrontent
face à face, agissant directement sur la structure du
squelette. Mais en outre, ils bénéficient de la variété
extraordinaire des plantes poussant dans la forêt vierge
qui s’étend à l’est de l’état, et qu’ils incorporent à leurs
huiles salvatrices.
Hervé BRUHAT
Ayurvéda
médecine à la fois traditionnelle et moderne
La médecine indienne que l’on
appelle Ayurvéda (Science de la vie)
est une exception parmi les médecines traditionnelles. D’abord, parce
qu’elle occupe toujours une place
très importante en Inde, mais surtout
parce qu’on dispose d’écrits datant
de quelques siècles avant J.-C. : les
védas. Ces textes évoquent des
méthodes thérapeutiques, mêlant
un peu de magie à beaucoup d’expérience de praticiens.
Aujourd’hui la magie a totalement
disparu de la pratique ayurvédique
et les médecins sont formés dans des
institutions : l’Inde dispose d’environ
440 000 praticiens, 2 300 hôpitaux et
24 000 dispensaires ayurvédiques.
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Cette médecine considère que
chaque individu est constitué de 5
éléments (Air, Feu, Eau, Terre, Éther)
qui forment les trois doshas (Vata,
Pitta, Kapha), des sept dhatus (les tissus) et des seize shrotas (les canaux
qui véhiculent les doshas à travers
tout l’organisme). Selon l’Ayurvéda,
la maladie s’installe quand il y a
déséquilibre de l’un ou de l’autre de
ces éléments. Au terme d’une longue
consultation, le praticien va déterminer quel point est défaillant et le
rééquilibrer. Il utilisera les plantes, les
massages, la méditation et le yoga.
Médecine curative en cas de maladie
et science de la vie, l’Ayurvéda s’intègre parfaitement dans le monde
moderne.
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L’OMS définit ainsi les médecines
traditionnelles : « Médecine traditionnelle » est un terme global
utilisé à la fois pour des systèmes de
soins tels que la médecine traditionnelle chinoise, l’ayurvéda indien et
l’unani arabe et diverses formes de
médecine indigène.
Celles-ci s’appuient sur l’usage
de plantes pour soigner, mais
aussi l’acupuncture, les thérapies
manuelles, les thérapies spirituelles...
Dans les pays dont le système de
santé prédominant est basé sur l’allopathie, la Médecine Traditionnelle
est souvent appelée médecine
«complémentaire», «alternative » ou
« non conventionnelle».
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Les sages-femmes,
des soignantes à part
Une majorité des pays d’Afrique possède des instituts
de recherche et de formation pour ces médecines.
Plus récemment, la Déclaration d’Ajuba sur la lutte
contre le paludisme, signée par les chefs d’États et
de gouvernements africains de 53 pays en l’an 2000,
reconnaissait la contribution importante de la médecine traditionnelle dans la lutte contre le paludisme. La
Déclaration comprend également une requête auprès
des gouvernements pour s’assurer l’efficacité d’un tel
traitement et de le rendre disponible et accessible aux
groupes les plus pauvres des collectivités.
Par ailleurs, plusieurs pays d’Asie comme la Chine,
la République de Corée et le Vietnam, ont intégré la
Médecine Traditionnelle Chinoise dans leurs enseignements et dans la pratique des soins, y compris
dans les hôpitaux. En Inde, Canada, Indonésie, Japon,
Australie, Allemagne, Norvège, Royaume-Uni et bien
d’autres, l’allopathie commence aussi à inclure les
médecines traditionnelles dans sa pratique des soins
en hôpital.
En France le changement s’amorce. Ainsi l’Assistance
Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a adopté, dans
son plan stratégique 2010-2014, un volet sur les
médecines complémentaires. Un centre intégré de
médecine chinoise y a été créé en 2011, afin d’évaluer
ces techniques et d’envisager leur utilisation dans la
prévention et le traitement des maladies chroniques.
Des accords ont été signés avec des hôpitaux universitaires de Canton, Nankin, Shanghai et Hong Kong.
Des médecins de ces hôpitaux ont été accueillis à
l’AP-HP afin qu’ils apportent leur expertise et qu’ils se
familiarisent avec la méthodologie des protocoles de
recherche clinique.
Crédit photos © archives Aidemet Ong
Madagascar, Mexique
C’est une journée ordinaire pour cette reninjaza3 de la
campagne Malgache. Aujourd’hui encore, elle va aider une
femme à mettre son bébé au monde et lui prodiguer les
premiers soins. Pendant toute la grossesse, elle a accompagné la future Maman, l’a massée pour la soulager, lui a
concocté des infusions et l’a écoutée. A Madagascar, une
femme sur deux accouche avec une reninjaza, sans qu’un
médecin soit consulté. Pourtant ces sages-femmes n’ont
reçu aucune formation médicale. Elles ont appris en observant leur mère ou leur grand-mère. Et même si on fait appel
à elle dans plus de 50% des cas, elles ne vivent pas de leur
statut, mais trouvent des métiers à côté pour subvenir à
leurs besoins. A Madagascar comme dans de nombreux
pays d’Afrique ou d’Asie, cette profession est en passe de
disparaître au profit de la médecine allopathique. Or si la
pratique n’est plus transmise, on peut se poser la question
de l’avenir des soins apportés aux femmes les plus pauvres
dans les villages éloignés des hôpitaux...
Il en est de même au Mexique, où la fonction des sagesfemmes est mise en danger par les politiques publiques
de santé qui leur retirent beaucoup de leurs responsabilités. On nie leur dimension médicale et leur connaissance
de la pharmacopée pour transformer ces thérapeutes en
simples « accompagnatrices » de la femme enceinte, voire
en distributrices de médicaments. En 3 ans, la moyenne
des accouchements qu’elles pratiquent par mois est passée de 30 à 3. Les autres étant réalisés en hôpital. Il semble
que leur savoir soit désormais considéré comme un folklore de la culture mexicaine.
3 - reninjaza (sage-femme) - Paradoxes et pouvoirs autour des savoirs et pratiques des
reninjaza, H. Quashie, D. Pourette, O. Rakotomalala, F. Andriamaro
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inalement, le point commun de toutes ces médecines traditionnelles est de repositionner l’individu au cœur de sa santé, de tenir compte de ses
humeurs ou de ses comportements, mais dans tous
les cas, partir d’un fonctionnement organique qui lui
est propre pour trouver le meilleur traitement. Et c’est
précisément ce point qui diverge avec la médecine
allopathique qui, à l’inverse, va appliquer une solution
médicamenteuse prédéfinie à tout individu touché
par une pathologie.
Aujourd’hui, la globalisation des connaissances nous
permet de « piocher » le meilleur de chaque tradition
médicale.
Laurence GAUTHÉ