rencier - La Stratégie du Design

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rencier - La Stratégie du Design
Le design sonore
comme innovation récente
dans l’hôtellerie de luxe
De l’apparition des palaces…
Jusqu’à une date très récente, la France, premier
pays touristique au monde, ne disposait que d’un
système de classification des hôtels en une à quatre
étoiles / quatre étoiles luxe. Ce système de classification n’incluait pas la catégorie cinq étoiles, pourtant déjà existante à l’étranger.
La catégorisation par étoiles, attribuées par
l’administration sur la base de normes quantitatives
comme la superficie et l’équipement des chambres,
ne prenait pas assez en compte certains critères
d’excellence, tels que la qualité de l’accueil ou la
propreté des lieux, pourtant déterminants pour la
clientèle des hôtels de luxe. Cette catégorisation a
jusqu’à aujourd’hui fait peu cas des palaces, en les
englobant sous l’appellation 4 étoiles et 4 étoiles
luxe, démarche qui conduisait à inclure dans cette
catégorie des hôtels forts différents et aux performances commerciales très hétérogènes.
La récente mise en œuvre de la réforme de
l’hôtellerie française devrait permettre de combler
cette lacune, qui provoquait de certaines incompré-
hensions de la part des touristes internationaux
désirant bénéficier de prestations haut de gamme
lors de leur séjour sur le territoire français.
Cette réforme a comme objectif d’enrayer
la chute de la part de l’hôtellerie française dans
le tourisme mondial (qui est passée de 11% en 2006
à 9% en 2007), en s’appuyant notamment sur
une profonde modernisation du parc hôtelier
français et notamment des palaces historiques
français.
Selon le cabinet JLLH, l’appellation de Palace
renvoie à un usage et non à un classement officiel1.
Selon les experts de ce cabinet, le titre de Palace
suppose de cumuler des attributs spécifiques, avec
pour objectif de créer un hôtel unique et non duplicable, visant l’excellence.
Ces attributs sont de deux ordres : les caractéristiques physiques (Hard Attributes) et immatérielles
(Soft Attributes).
Rapport Jones Lang Lasalle Hotels, Les Palaces Parisiens
à horizon 2015, Juillet 2008.
1
Fouquet’s Paris –
©Photographe : Eric Cuvillier
special report
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21
• Les caractéristiques physiques
– Site premium associant shopping de luxe, hauts
lieux touristiques et/ou pôles d’affaire de premier
ordre (exemple : 1er et 8e arrondissements à Paris),
– Immeuble de prestige, bâti historique, composantes classées, caractéristiques très haut de
gamme (exemple : hauteurs sous-plafond, étendue du jardin),
– Produit d’exception ayant pour mot d’ordre la
générosité spatiale tant au niveau des surfaces
que de la diversité des espaces avec un primat
consacré à l’hébergement (taille des chambres
& suites, ratio des suites), et une diversité des
espaces communs qui doivent véhiculer aux yeux
des consommateurs une image prestigieuse
(restaurant étoilé, spa, bar…).
Hôtel de Crillon, Paris –
©The Leading Hotels
of the World
FR
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Ces caractéristiques physiques s’accompagnent
d’une recherche d’excellence de qualité, tant dans
l’entretien que dans la modernisation perpétuelle
des espaces et équipements, ce qui suppose des
investissements financiers très importants.
• Les caractéristiques immatérielles
– Légendes créant le mythe et l’unicité du lieu : personnages illustres (vivants ou non), événements
historiques s’étant déroulés dans le lieu…,
– Service d’exception répondant aux attentes les
plus extravagantes, avec un primat de la personnalisation et une qualité irréprochable,
– L’affiliation à une chaîne : longtemps considérée
comme contraire à l’idée de Palace, car il s’agit
ici d’un produit unique non compatible avec des
normes de chaîne. A ce jour, les affiliations
demeurent limitées à des réseaux volontaires ou
de petits réseaux de luxe (ex : Leading Hotels of
the World, Small Luxury Hotels…).
Pour les experts du domaine, les caractéristiques
physiques, notamment la qualité du site et l’unicité
du produit demeurent les plus discriminantes, car
elles sont les plus rares et les plus rigides.
En France, trois destinations historiques accueillent les palaces : Paris, la Côte d’Azur et Courchevel. La capitale dénombre 6 palaces historiques,
auxquels est venu récemment se rajouter le Fouquet’s, faisant de Paris une des capitales comportant
le plus d’établissements de ce type2.
La crise économique récente a touché de ma­
nière très importante ces établissements. Ainsi l’an
dernier, le taux d’occupation a baissé de 69% en février
2008 à 58% seulement en février 2009 et les recettes
des 7 palaces parisiens ont plongé de 30 à 60%3.
Les palaces parisiens sont : Le Ritz, Le Crillon, Le George
V, le Meurice, le Bristol, le Plaza Athénée et le Fouquet’s
3
http://www.cyberpresse.ca/voyage/europe/france/200903/
09/01-834726-les-palaces-francais-secoues-par-la-crise.php)
2
special report Managing innovation in the luxury hotel segment
Cette baisse de la rentabilité devient désormais
difficile à concilier avec des investissements de
modernisation.
De plus, ces établissements souffrent de plus
d’une intensification de la concurrence à plusieurs
niveaux, concurrence qui devient protéiforme. On
voit ainsi apparaître une concurrence interne au secteur avec des stratégies de montée en gamme des
4 étoiles (Méridien, Sofitel) et des stratégies d’implantation de nouveaux opérateurs (Mandarin Oriental, Shangri La, Peninsula)4. Cette dernière est compliquée par l’essor d’une concurrence externe se
traduisant par l’arrivée probable à court terme, selon
les experts, de nouveaux opérateurs issus de l’industrie du luxe (Armani) et l’apparition récente d’hébergements de substitution (résidences de tourisme
affaires, location de villas de luxe).
A l’heure d’une forte hausse de l’offre Palace
sur Paris (plus 700 chambres prévues d’ici à 2012)
et devant la montée en gamme de certains opérateurs, les palaces doivent désormais marquer leurs
différences et affirmer une identité très distinctive
pour attirer et fidéliser une clientèle de plus en plus
sollicitée et de plus en plus difficile.
… à la question de l’innovation dans
l’hôtellerie de luxe…
De plus en plus de gestionnaires de Palaces se tournent désormais vers le développement de stratégies
plus expérientielles, moins traditionnelles, visant
d’une part à renforcer le caractère spécifique et si
particulier du positionnement Luxe de leur établissement et d’autre part à développer la fidélisation
et l’instauration de liens affectifs avec la marque.
Si ces initiatives semblent très intéressantes,
il n’en demeure pas moins que les Palaces souffrent
aussi d’une concurrence indirecte : celle des boutique-hôtels ou hôtels design. Ils proposent aux
clients luxe une offre plus personnalisée (taille réduite des établissements), plus innovante (moins
de contraintes à respecter, notamment pour le design) et plus proche des tendances actuelles de
consommation, plus axées sur l’hédonisme et l’émotion que sur la recherche de prestige et de statut
social. Selon certains auteurs5, les boutique hôtels
sont désormais les établissements à recueillir le plus
les faveurs du public.
Une réflexion sur le positionnement global de
l’image et du territoire de marque s’impose donc
pour les gestionnaires d’hôtels haut de gamme et
de palaces. La modernisation des sites en ayant recours à de grands noms du design (exemple : Stark
pour le Royal Monceau)6 et la modernisation des
techniques commerciales (sites internet, évènementiel, services VIP et offre marketing) représentent de
très bons leviers pour enrichir le territoire de marque
et l’image de ces grands noms.
Toutefois, ces palaces ont une approche traditionnelle de l’hôtellerie de luxe et revendiquent un
savoir-faire certain ancré dans la culture française,
ce qui rend plus étroite la marge de manœuvre possible pour développer des innovations réellement
distinctives.
Néanmoins, il semble que désormais la réflexion doit plus massivement s’orienter vers un
univers identitaire fort et cohérent, qui associe dans
un même mouvement la marque, les gammes de
services, l’architecture et l’atmosphère spécifique du
lieu et la communication.
Si l’excellence de service et le caractère unique
du palace parisien sont désormais des problématiques maîtrisées par les gestionnaires de palace,
une des voies de différenciation possible repose sur
la mise en place d’une stratégie d’identité sensorielle
forte, visant à différencier clairement le palace de
ses concurrents et à ancrer son univers dans l’esprit
du consommateur.
Bien que certaines variables dites sensorielles,
visuelles (architecture, design, esthétique) aient été
depuis longtemps travaillées pour ancrer et signifier
le positionnement souhaité aux yeux du consommateur, d’autres variables ont été plus négligées dans
le développement de l’offre globale. Alors que les
dimensions olfactives sont progressivement prises
en compte, il n’en demeure pas moins que la variable
sonore demeure encore assez peu usitée dans la
stratégie d’identité globale des palaces.
A ce titre, il convient de s’interroger : Les palaces
doivent-ils développer une identité sonore spécifique ?
Si oui, quelles sont les spécificités liées à l’hôtellerie de
luxe en matière de design sonore ? Comment développer
une identité sonore sur ce marché assez conservateur ?
Pour de nombreux chercheurs et praticiens, le
design sonore pour des établissements et/ou
marques de luxe fait partie de l’identité globale de
la marque, permettant d’induire des émotions et de
refléter les valeurs de la marque.
Si ce constat est vrai pour l’ensemble des
marques, la spécificité des marques de luxe est que
ces dernières anticipent les besoins et tendances qui
s’appliqueront ultérieurement aux marques grand
public. L’identité sonore développée doit être plus
unique, plus rare, plus décalée et avant-gardiste,
basée sur la qualité des matériaux utilisés et un savoir faire exclusif : autant de critères qui permettent
de refléter le caractère luxueux du lieu d’accueil.
http://www.culturemag.fr/2009/08/29/les-palacesparisiens-parient-pour-la-sortie-de-la-crise/
5
Petit O. et Gauguier P. (2002), Un concept récent en plein
essor : le « boutique-hôtel » ou hôtel de charme, Cahier
Espaces, Editions ESPACES Tourisme & Loisirs, n°75.
6
http://luxedufutur.blogspot.com/2009/03/imaginerle-palace-de-demain-un-nouveau.html
4
Marie Catherine Mars est
professeur de marketing au sein
du groupe Edhec. Après plusieurs expériences dans le marketing et la communication,
elle a récemment soutenu sa
thèse de Doctorat en Sciences
de Gestion à l’Université
de Nice-Sophia-Antipolis. Ses
thèmes de recherche portent
notamment sur le marketing
expérientiel et sensoriel des lieux
d’accueil, ainsi que sur la valeur
et la satisfaction du consommateur dans le domaine des
services.
Nicolas Minvielle
Diplômé de l'Université de
Kyushu au Japon et de l'Institut
d’Etudes politiques de Strasbourg, il a obtenu une thèse
de Doctorat en Economie à
l’EHESS. Spécialiste des problématiques de marques et de design, il est entré chez Philippe
Starck en 2001 et y est resté sept
années en tant que responsable
des marques. Il fonde en 2005 le
Groupe Design Conseil et mène
de nombreuses missions de
conseil dans l’hôtellerie et la restauration. Il est actuellement
professeur assistant à Audencia
école de Management et conférencier à l'EHL. Son nouveau
livre « Design des lieux d’accueil »
vient de paraître.
special report
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23
Le Meurice Paris –
©The Dorchester Collection
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24
Dans cette perspective, l’identité sonore devient un élément de design à part entière, qui viendra
véhiculer et renforcer l’identité de la marque ou
du lieu, permettant ainsi de lutter contre la « Mac
Donaldisation » du secteur, qui rend une expérience
de séjour en hôtel haut de gamme similaire d’un
pays à l’autre selon certains auteurs (Decelle 20037,
selon la définition de Ritzer, 1996)8.
La perspective de la mise en œuvre d’un design
global, incluant le développement d’une identité sonore, permettra ainsi de conforter le positionnement
exceptionnel des palaces, en rendant l’offre plus tangible et en facilitant l’évocation, en renforçant l’image
de marque et en constituant des signaux d’inférences
de la qualité de service proposée. En effet, l’excellence
de service et l’innovation par le design visuel ne permettent plus désormais de différencier l’offre des
palaces de celle des quatre étoiles.
Il convient donc alors de dépasser cette approche quelque peu simpliste et de prendre en
compte de la manière la plus large possible les nombreux autres aspects liés au lieu : de l’hédonisme à
la mise en scène, les pratiques sociales actuelles
offrent de nombreuses perspectives et de nombreux
outils de gestion de l’expérience client.
L’hôtellerie de luxe possède depuis longtemps
des points d’ancrage particuliers par rapport aux
autres formes d’hébergement marchand (Tissot,
2007)9 :
– Un rôle très important d’espace social. Le Palace
est un espace de rencontre, un centre social facilitant les contacts et les discussions, à un niveau
privé mais aussi public et international (signature
de traités, négociations politiques, discussions
d’affaires).
– Un rôle de repérage et de codification sociale :
l’hôtel de luxe permet à l’individu d’affirmer son
appartenance à l’élite sociale et de mettre en
scène ses possessions luxueuses et distinctives
au sein de son groupe d’appartenance.
– Un rôle d’innovation : l’hôtellerie de luxe a très
souvent été le foyer d’inventions et d’expérimen-
Decelle, X (2003), Conférence du 27/11, Séminaire Tourisme,
Marchés et Politiques, IDEFI, Université de Nice.
8
Ritzer G. (1996), The MacDonalisation if Society, Thousand
Oaks, Pine Forge Press.
9
Tissot, L (2007), L’Hôtellerie de Luxe à Genève (1830-2000).
De ses espaces à ses usages, Entreprises et Histoire, n° 46,
p. 17-33.
7
special report Managing innovation in the luxury hotel segment
tations de toutes sortes (eau chaude, ascenseur,
chauffage collectif, gastronomie, loisirs, sports…).
Toujours pour Tissot, c’est à partir des hôtels que
de nombreuses innovations se sont ensuite diffusées dans la société. Cette incessante volonté
d’innovation renvoie aussi au souhait de proposer
un espace qui soit totalement libéré des
contraintes usuelles et qui réponde de manière
optimale aux attentes des consommateurs, notamment en termes de sécurité et de bien être.
On notera que toutes ces problématiques de scénarisation et d’ancrages des lieux sont connues depuis
un certain temps, notamment au travers des recherches de Goffman (1959)10, mais qu’elles n’ont
trouvé d’application opérationnelle que de manière
assez récente.
La mode des bars d’hôtels dessinés par des
grands designers en est un exemple archétypal, grâce
à la scénarisation et l’ajout d’attributs immatériels
à une zone qui, de manière historique, n’est pas celle
la plus intéressante financièrement parlant pour
l’hôtelier. Pour autant, de nombreux « branchés »
viennent de nos jours commencer leurs soirées dans
ces endroits.
Il s’agit là du point clé que nous souhaitions
développer dans l’article : en dépassant une approche basée sur l’excellence de service, on peut
élargir le spectre d’intervention de l’hôtelier aux nombreuses autres variables de l’environnement. Dans
le cas du bar de designer, l’aspect « signature » va
venir jouer un rôle en traitant une forme de snobisme
de la part de certains clients, mais de nombreuses
autres variables de l’environnement peuvent être
mobilisées pour optimiser l’expérience vécue par le
consommateur dans l’hôtel de luxe.
On trouve évidemment parmi celles-ci les aspects purement sensoriels des lieux dont le rôle
éventuel a déjà été mis en lumière par des chercheurs, mais qui n’ont pas encore fait l’objet de
réelles applications, notamment en ce qui concerne
les aspects purement cognitifs. Ainsi, le rôle de
l’atmosphère du lieu a pour le moment été assez
peu étudié en termes de valeur globale perçue par
l’utilisateur. Or, dans une perspective expérientielle,
les recherches menées de manière indépendante sur
chacune des variables sensorielles nous indiquent
qu’il existe de réelles marges de travail et de scénarisation.
… le rôle des aspects sensoriels et
notamment du design sonore comme
outils de renforcement du positionnement
luxe
Dans le cas de l’hôtellerie de luxe par exemple, le
design sonore peut venir jouer un rôle de renforcement extrêmement intéressant, en venant conforter
le client dans son appréhension de la valeur du lieu.
Une des principales raisons de l’engouement et de
l’intérêt de la variable sonore réside dans sa facilité
d’utilisation et d’application. Les technologies de
diffusion sont désormais largement éprouvées et
maitrisées, et il est possible de générer un panel
quasi infini de sons qui peuvent permettre de trouver
un mix musical idéal pour le marketeur. Partant de
ce constat, de nombreuses études académiques ont
été menées, tant au niveau de l’impact affectif de la
musique que de son impact sur la cognition du
consommateur.
Du point de vue de l’affect, certains auteurs
(Yalch et Spangenberg11, en 1993) ont souligné que
diffuser une musique appréciée par les occupants
pouvait avoir un impact positif pour le consommateur, en termes de plaisir ressenti, mais aussi pour
l’entreprise, dans la mesure où la cible visée passe
alors plus de temps dans le lieu commercial. Il en
va de même pour les travaux d’Herrington12 (1993)
qui démontrent que lorsque la musique diffusée
plaît, les consommateurs dépensent plus et auront
tendance à faire plus d’achats impulsifs.
On notera cependant ici que, pour Rieunier13
(2000), une approche systématique visant à tenter
de mettre en place un zoning musical peut avoir un
effet contraire au but visé : si la musique diffusée est
liée dans l’esprit du consommateur à des pensées
éloignées de l’achat, attachées à des actes de la vie
de l’individu ou à des images (clip, artistes, concerts),
alors ces pensées peuvent perturber l’acte d’achat
car l’individu aura plutôt tendance à se concentrer
sur ses pensées intérieures et non sur l’expérience
d’achat, repoussant sa décision à une date ultérieure.
Du point de vue de la cognition, et c’est là que
nous en arrivons à notre point principal, les recherches sont beaucoup moins nombreuses. Ceci
est étonnant et souligne que des innovations sont
encore envisageables dans le secteur hôtelier de luxe
dans la mesure où, lorsque le stimulus musical est
bien choisi, il peut renseigner le consommateur sur
les qualités extrinsèques ou intrinsèques des produits d’une marque donnée ainsi que sur les valeurs
Diplômé d'HEC Paris, Charles
Edouard commence sa carrière
dans la distribution sélective puis
le conseil en stratégie. Passionné
de musique, il crée GetSound en
2005 pour développer l'usage de
la musique et plus généralement
du son dans la communication
des marques. D'un studio son,
GetSound a progressivement
évoluer vers toutes les formes de
créative content : musique, vidéo,
motion design et interactivité.
Intervenant aussi bien dans des
expositions ou musées que pour
des industries du luxe ou de
grande consommation, GetSound rassemble un savoir faire
inédit liant technologie, créativité, production et objectif marketing et propose aujourd'hui des
contenus multi-supports au service de l'expérience de marques.
Goffman E. (1959), The presentation of self in everyday
life, Anchor Books.
11
Yalch F. R. et Spangenberg E. (1993), Using Store Music
for Retail Zoning : a Field experiment, Advances in Consumer Research, vol.20, p.632-636.
12
Herrington D.J. (1993), The Effects of Tempo and Volume
of Background Music on the Shopping Time and Purchase Amount of Supermarket Shoppers, DBA Dissertation of Mississippi State University: Drawer.
13
Rieunier S. (2000), L’influence de la Musique d’ambiance
sur le comportement des Consommateurs dans le Point
de Vente, Thèse de doctorat en sciences de gestion,
Université Paris 9 Dauphine.
10
special report
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25
Hôtel Ritz Paris –
© The Leading Hotels
of the World
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26
de cette dernière. En d’autres termes, il peut venir
confirmer la perception du luxe communiquée par
les autres variables du lieu. Gallopel14, en 1998, a
validé empiriquement cette dimension, en montrant
que le style musical utilisé dans la publicité avait une
influence sur la perception d’une marque. Dans le
même ordre d’idées, Yalch et Spangenberg (1993)
ont montré, que le style de musique diffusé influençait la perception du positionnement prix et du
caractère haut de gamme d’un même point de vente
notamment lorsque de la musique classique (vs. musique de variété) est diffusée.
D’une manière générale, les recherches ont
tendance à souligner que cet impact cognitif travaille
à plein lorsque la musique diffusée est congruente
avec les produits proposés et la représentation mentale que le consommateur s’en fait.
La musique aurait donc un rôle important en
termes de signal d’information (prix/qualité). On
notera ici les travaux de North, Hargreaves et MacKendrick15 (1997) qui ont confirmé des relations significatives entre la typicalité (origine géographique)
de la musique diffusée et le type de produits achetés :
dans le contexte d’un magasin de vins, les vins français étaient plus achetés lorsque de la musique
typiquement française était diffusée tandis que des
vins allemands l’étaient plus en condition de musique typiquement allemande. Dans le cadre d’un
magasin, la diffusion d’une musique qui soit
congruente avec le magasin ou qui soit gaie permet
de favoriser la formation d’une image positive de ce
dernier (Broekemier, 1993)16. En ce qui concerne
l’état de stimulation, il semble qu’il existe une rela-
Gallopel K. (1998), Influence de la Musique sur les Réponses des Consommateurs à la Publicité : Prise en
compte des Dimensions Affectives et Symboliques inhérentes au Stimulus Musical, Thèse de doctorat en
sciences de gestion, Université de Rennes I : Rennes.
15
North A. C., Hargreaves D. J. et McKendrick J. (1997),
In-store music affects product choice, Nature, vol. 390, p.132.
16
Broekemer G.M, Retail store image formation and retrieval :
a content analysis including effects of music mood, 1993,
Thèse de doctorat, Université du Nebraska, Lincoln.
14
special report Managing innovation in the luxury hotel segment
tion générique avec le tempo (Kellaris et Kent,
1994)17, mais paradoxalement, elle n’a pas pu être
démontrée dans le cas spécifique de la distribution.
Si les études précédemment menées ont permis
d’établir une assise théorique importante, la grande
majorité des approches liées à la problématique sonore se sont limités à la question du tempo ou du
type de la musique.
Milliman (1986)18 a ainsi montré que le tempo
de la musique affecte le temps perçu et le montant
dépensé tandis que les recherches de Yalch et Spangenberg (1993) se sont tournées vers l’impact de la
musique classique sur la perception des clients. Il
n’existe pas, à notre connaissance, de recherche
portant, dans le cadre de la servicescène, sur la notion de familiarité ou sur l’influence de certains sous
facteurs de la variable sonore. A titre d’exemple, se
pose la question de définir, au sein d’une musique
type, quelle est l’influence relative de la dimension
vocale ou instrumentale d’un morceau sur la perception d’un environnement.
On notera qu’il existe des travaux portant sur
la familiarité et le tempo, mais ces derniers ont eux
aussi été principalement étudiés dans un contexte
publicitaire. Les résultats laissent à penser que ces
deux variables jouent un rôle important dans le souvenir d’une publicité. Hahn et Hwang (1999) ont
ainsi démontré qu’il existait une relation entre le
tempo d’une musique et le souvenir du message de
la publicité. Leurs travaux ont permis de souligner
que le tempo musical doit être adapté aux capacités
de traitement des personnes auxquelles il s’adresse :
Plus ce dernier est rapide, plus il deviendrait difficile
de traiter correctement le message. Point extrêmement important, ceci ne serait valable que lorsque
la musique utilisée est familière.
Au regard de la courte revue de la littérature
présentée, et du manque apparent sur l’influence de
familiarité et de dimension instrumentale/vocale,
nous avons procédé à une étude sur un échantillon
d’un peu moins de 450 personnes.
Maison PIC, Valence (France) – Membre des Relais &
Chateaux – Design d’intérieur : Bruno Borrione
Nous leur avons présenté des diaporamas
powerpoint simulant les parties typiques d’un hôtel
moderne et haut de gamme: façade extérieure, parties communes ou lobby, chambres19. Les visuels
retenus sont ceux d’un hôtel haut de gamme, choisis pour leur typicalité auprès d’un groupe d’experts
(Associés du Groupe Design Conseil). Les répondants ont tous vu ce diaporama simulant une expérience hôtelière, pendant environ 5 mn, puis ont
répondu au questionnaire développé.
Afin d’appréhender l’influence des composantes de notoriété, de tempo et instrumentale/
vocale de la variable musicale sur les perceptions
globales de l’offre présentée, nous avons sélectionné avec l’aide d’un groupe d’experts20, les conditions
musicales les plus appropriées pour cette recherche.
Ainsi, nous avons retenu deux stimuli sonores :
– un premier stimulus sonore, au tempo rapide, à
forte notoriété : « Torn » de N. Imbruglia ;
– puis un second stimulus sonore, au tempo plus
lent et au caractère inconnu de la cible : « Fire in
your eyes » de S. Howells et R. Llewellyn.
Ces deux morceaux ont ensuite été retravaillés par
l’agence de design sonore GetSound, afin que nous
puissions disposer à la fois de la version vocale d’origine et d’une version instrumentale des morceaux
précités pour nos tests.
La méthodologie retenue pour cette recherche
est quantitative. Le questionnaire développé vise à
étudier l’influence de la condition sonore sur l’évaluation du lieu de services (1), les réponses affectives
Kellaris J. et Kent R., An exploratory study of responses
elicited by music varying in tempo, tonality and texture,
Journal of Consumer Research, 1994, 2,4, pp381-401
18
Milliman R.E. (1986), The Influence of Background Music
on the Behavior of Restaurant Patrons, Journal of Consumer
Research, vol. 13, Septembre, p. 286-289.
19
Photos dans l’article
20
Il s’agit ici des ingénieurs du son de la société de marketing
sonore Getsound.
17
Maison PIC, Valence (France) – Membre des Relais &
Chateaux – Design d’intérieur : Bruno Borrione
special report
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27
tion sonore qui permet d’obtenir les notes les
plus importantes pour l’évaluation du design visuel et spatial du lieu ainsi que pour l’évaluation
globale.
Maison PIC, Valence (France) – Membre des Relais &
Chateaux – Design d’intérieur : Bruno Borrione
et cognitives de l’individu (2), sur la valeur de
consommation perçue (3) et la valeur globale perçue
(4) du lieu hôtelier présenté et les intentions comportementales (5) manifestées envers le lieu.
Après factorisation des données collectés sur
ces variables, nous avons procédé à une analyse des
différences de moyennes selon la condition musicale
présentée (tempo, dimension vocale / instrumentale).
Les résultats obtenus ont permis de confirmer
les effets de la variable musicale sur certaines évaluations des personnes interrogées. Les points les plus
importants dans le cadre de la sonorisation d’un
Maison PIC, Valence (France) – Membre des Relais
& Chateaux – Design d’intérieur : Bruno Borrione
espace de luxe sont liés à la diffusion d’une variable
sonore qui est inconnue et instrumentale. En effet,
en étant soumis à ce stimulus, les répondants ont
évalué le lieu de manière extrêmement différente :
1. Certaines dimensions de la valeur de consommation perçue, la valeur de distance sociale et la
valeur économique, sont surévaluées : on peut ici
penser aux bandes sonores utilisées dans de nombreux boutique hôtels, ou encore à l’hôtel Costes,
et l’analyse menée vient confirmer la pertinence
de ce type de stimulus musical en environnement
hôtelier haut de gamme.
2. De manière intéressante, c’est aussi cette condi-
FR
28
Du point de vue du tempo, on doit noter que les
dimensions de valeur hédonique, économique, de
distance sociale et de la valeur de consommation
perçue sont surévaluées par les répondants en condition de tempo lent. Par ailleurs, la musique au tempo
lent est perçue comme étant la plus congruente avec
l’hôtel présenté. Ceci est intéressant et semble venir
confirmer le recours à des musiques de type lounge
dans les hôtels dits design.
Conclusion
La recherche et la pratique ont largement démontré
le rôle des variables sensorielles dans la perception
d’un lieu et le comportement du consommateur.
Pour autant, les données disponibles manquent encore de finesse, même pour un outil aussi utilisé que
le design sonore.
Le présent papier tentait de présenter le rôle de
certaines sous variables de la musique que sont la
familiarité, le tempo et les aspects instrumentaux/
vocaux et d’expliquer en quoi il devenait nécessaire
pour des hôtels haut de gamme de se différencier en
renforcer la perception du luxe au travers de cet outil.
Les résultats obtenus sont complexes et tendent à
démontrer qu’il n’existe pas de solution type, mais
que la musique a bien un rôle important à jouer dans
la perception de la valeur globale d’un lieu que se font
les clients. Le parti pris affirmé du Kube Paris21 d’intégrer la variable sonore dans son offre hôtelière, les
initiatives récentes du Métropole Monaco22, qui a fait
intervenir Béatrice Ardisson pour développer un design sonore spécifique à l’hôtel et la création d’une
compilation musicale par Le Bristol23 pour faire voyager les clients et les auditeurs à travers l’histoire du
Palace semblent être autant d’initiatives reflétant la
place cruciale de la musique dans le renforcement de
l’identité et la différenciation des hôtels de luxe.
Marie Catherine Mars, Nicolas Minvielle et
Charles-Edouard de Surville
http://www.journaldespalaces.com/index.php?title=
MURANO-Hotels-Resorts-nouvelle-generation-de-palacescontemporains-dedies-a-un-art-de-vivre-facon-XXIemesiecle-&id_actu=25279&home=actu_detail.php
22
http://news.visitmonaco.com/NewsSite/AfficheInfos.
aspx?LieuId=20
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http://www.journaldespalaces.com/index.php?title=
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