TF1 :20 heures

Transcription

TF1 :20 heures
TF1 20 HEURES INTANGIBLE CARREFOUR SOCIAL ?
TF1 8 pm INTANGIBLE SOCIAL CROSSROADS ?
Benoît d'Aiguillon
Chargé de cours à l'Ecole de Journalisme et de Communication de Marseille
21, rue Virgile Marron, F-13005 Marseille
Résumé : Le journal télévisé est devenu le véritable pivot des programmes des grandes chaînes
généralistes du monde entier. En France, l’édition de la première chaîne, diffusée depuis 50 ans
constitue un véritable carrefour social regroupant, en moyenne, plus de dix millions de téléspectateurs.
Le journal télévisé a subi de nombreuses influences. Parmi celles-ci l’influence du pouvoir politique a
fait l’objet des principales analyses. Mais le journal télévisé a été soumis à bien d’autres influences en
particulier celle de la technique et celle de la publicité. La technique s’est imposée de façon
permanente sans faire l’objet d’une analyse critique. Loin de participer à l’amélioration qualitative du
journal elle a provoqué son hyperfragmentation et réduit sa lisibilité. La publicité a bouleversé
l’économie de la télévision. Malgré les protections dressées par le pouvoir politique elle a influé sur le
contenu de l’ensemble des programmes y compris le journal télévisé. Avec elle l’image s’est imposée
au détriment de l’analyse et de la réflexion. Mais la publicité a participé à la structuration de l’écriture
audiovisuelle. Le journal télévisé a adopté une attitude particulièrement « suiviste » à son égard
calquant la durée de ses reportages sur celle des films publicitaires. Faut-il en conclure à une
disparition du journal télévisé dans sa forme actuelle ?
L’hyperfragmentation du journal télévisé rend son accès difficile à de multiples catégories de la
population mais il demeure un exceptionnel facteur d’identification nationale, un prodigieux vecteur
de la démocratie. Les nouvelles possibilités techniques et en particulier la compression numérique des
images vont permettre à chaque téléspectateur de composer son journal à la carte. Malgré l’émergence
de ces multiples chaînes thématiques la technique de la « glocalization » doit continuer d’assurer le
succès de la grand messe télévisée du début de soirée.
Summary : The TV news has become the real basis of programs among the biggest general channels
all over the world. In France, the edition of Channel One, broadcast for fifty years constitutes a real
social crossroads gathering an average of ten million televiewers. The TV news has come under
numerous influences, particularly the influence of the political power which was the subject of the
principal analyses. But the TV news was submitted to a lot of other influences, in particular those of
technique and advertising. The technique imposed itself permanently without being the subject of a
critical analysis. Far from contributing to an improvement of the quality of the news, it entailed its
hyperfragmentation and reduced its comprehension. Advertising upset the economy of television. In
spite of the protections set up by the political power, it influenced the content of the whole programs
including the TV news. With it, the image imposed itself to the prejudice of analysis and thinking. But
advertising favoured the structuration of audio-visual writing. The TV news adopted a particularly
passive attitude about it, aping the time of its running commentaries or the one of advertising films.
Are we to expect a disappearance of the TV News with its present issue ?
The hyper-fragmentation of the TV News makes it difficult of access to varied categories of the
population but it remains an exceptional builder of national identification, an amazing vector of
democracy. The new technical possibilities and particularly the numeric compressure of images are
going to enable any televiewer to compose his TV News à la carte. In spite of the emergence of
numerous thematic channels, the technique of "glocalization" must continue to ensure the maintenance
of success of the TV high mass at the beginning of the evening.
Mots clés : Journaux Télévisés. Conducteurs. Technique. Publicité. Lisibilité . Glocalization.
Carrefour social. Atomisation. Nation.
Keywords : TV News. Driver. Technique. Advertising. Comprehension. Atomization. Glocalization.
Social crossroad. Nation.
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TF1 20 HEURES, INTANGIBLE CARREFOUR SOCIAL ?
La télévision occupe une place de choix dans notre vie quotidienne. Selon un sondage de
l’Institut Français d’Opinion Publique (I.F.O.P) paru en 1995, elle apparaît pour 80% des
français, comme l’invention la plus marquante du vingtième siècle, avant l’ordinateur, la
greffe du cœur ou la découverte des antibiotiques.
Parmi toutes les émissions proposées, le journal télévisé constitue un rendez-vous
exceptionnel, d’une part à cause de la régularité de sa diffusion, et d’autre part du fait du taux
d’écoute exceptionnel qu’il recueille1.
Dans tous les pays du monde, sur toutes les chaînes généralistes, le journal télévisé, est venu
rythmer la vie des téléspectateurs. Certains ont même pu parler à son encontre de rendez-vous
Pavlovien2.
En France, le premier journal télévisé est diffusé le 29 juin 1949 soit quelques jours après les
Etats-Unis. Rapidement, toutes les télévisions du monde vont concevoir un journal télévisé
diffusé en début de soirée3.
Le journal télévisé va devenir le véritable pivot des programmes.
En France, il est d’abord diffusé aux alentours de 21 heures. L’horaire est ensuite ramené à
20h30 puis 20 heures 15 et enfin 20 heures à partir de 1957. A l’exception de la période 19691975, ou l’horaire de diffusion est avancé de 15 minutes pour éviter une concurrence avec le
journal de la deuxième chaîne, il est depuis régulièrement diffusé à 20 heures4.
Le journal télévisé : un produit non pensé.
L’équipe de journalistes qui conçoit le premier journal télévisé n’envisage pas l’extrême
importance que ce dernier va prendre progressivement. Il s’agit simplement de remplir la
grille des programmes particulièrement pauvre.
A son origine, le journal télévisé est constitué uniquement, de reportages mis bout à bout. Les
premiers plateaux apparaissent seulement le premier octobre 19545.
Les reportages ont alors diverses origines. Parfois ils sont récupérés auprès des télévisions
étrangères, parfois ils sont achetés aux agences de presse cinématographiques, enfin, ils
peuvent être tournés par les propres équipes techniques du journal.
L’ensemble de ces reportages est disparate. Ils ne constituent en rien un reflet fidèle de
l’actualité. Il s’agit uniquement d’offrir des images aux téléspectateurs peu nombreux, ce qui
permet aux journalistes qui commentent ces reportages, en cabine, de faire preuve d’un
certain humour.
Il faut attendre le début des années 60 pour que le journal télévisé se structure.
Le journal télévisé est un produit télévisuel hybride. On distingue en télévision, d’une part les
émissions de prestige - dramatiques, téléfilms, grands feuilletons - qui nécessitent
d’importants moyens financiers, et sont régulièrement rediffusés6, et d’autre part les
émissions de flux
1
ASLINES. J., La bataille du 20 h . 40 ans de JT, Paris, Acropole, 1990.
2
Journal Télérama 15 septembre 1993.
3
JEANNENEY Jean-Noël, Une histoire des médias, Seuil, Paris, 1996.
4
MICHEL Hervé, Les grandes dates de la télévision française, "Que sais-je ?", 1995.
5
- Le JT Mise en scène de l'actualité à la télévision, Ouvrage collectif, I.N.A., Documentation Française, 1986.
6
Ces émissions constituent le stock de programmes de la chaîne.
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- jeux, shows, émissions de variétés et feuilleton de type « soap opéra » -. Ces émissions, en
principe, ne font pas l’objet de rediffusions.
Le journal télévisé se trouve à la frontière de ces deux types de programmes. Il fait l’objet de
toute l’attention des responsables de chaînes étant souvent devenu la vitrine du programme
mais il ne fait pas l’objet d’une quelconque rediffusion.
Depuis 1949, se sont plus de 17000 journaux télévisés qui ont été diffusés en début de soirée.
Différentes études ont porté sur l’influence et le contrôle politique exercés sur le journal
télévisé. Mais ce journal télévisé a subi bien d’autres influences. De façon insidieuse,
l’évolution de la technique et l’introduction de la publicité ont modifié sensiblement son
contenu.
L’étude de cette double influence sur le contenu du journal permet de s’interroger sur les
critères qui lui ont permis de devenir un intangible carrefour social.
Pour étudier l’évolution du journal télévisé, il convient de visionner un maximum de
numéros. L’exercice se heurte à différentes difficultés. D’une part, lorsque nous utilisons des
archives, les images sont là, nous les voyons mais ne les entendons pas vraiment. Du moins
nous ne les entendons pas comme les entendaient ceux qui les ont enregistrés7. D’autre part
nous ne disposons plus de l’enregistrement de certains journaux télévisés.
L’institut National de l’Audiovisuel (I.N.A) a, parmi ces différentes obligations, celles de
conserver les archives de la télévision.
Pour effectuer une analyse méthodique des journaux télévisés on dispose de deux types de
supports différents : les supports audiovisuels, les supports écrits.
- Les supports audiovisuels.
L’I.N.A conserve, et met à la disposition des chercheurs, des copies des émissions dont elle
assure l’archivage.
En ce qui concerne les journaux télévisés et du fait de leur caractère hybride, l’I.N.A ne
dispose pas d’une collection complète de l’ensemble des numéros. De 1949 à 1976, sont
conservés uniquement une vingtaine de numéros. A partir de 1976, par contre, de façon
systématique sont enregistrés l’ensemble des éditions. On parle alors de parallèle antenne.
- Les documents écrits.
Dès la première édition du journal télévisé, l’équipe en charge du journal prend pour habitude
d’établir, avant chaque diffusion, un "conducteur ". Ce document, le plus souvent sur format
papier A4, contient un grand nombre de renseignements sur le contenu et le déroulement du
journal. Le conducteur est établi en conférence de rédaction, par le rédacteur en chef, avec
l’aide du réalisateur et éventuellement du présentateur du journal. La scripte en assure la
saisie. Sont mentionnés différents éléments qui vont permettre d’affiner l’analyse du journal.
7
Michel SOUCHON rappelle ainsi l’aventure survenue à Pantagruel : comment en haute mer Pantagruel ouyt
diverses paroles dégelées. Pantagruel et ses compagnons entendent des voix, des cris, des bruits effrayants sans
savoir d’où ils viennent. Le capitaine du bateau explique qu’on est arrivé aux confins de la mer glaciale qui a vu,
l’hiver précédent une grande bataille. " Lors gelèrent les paroles et écrits des hommes et femmes le bruit des
armures et des épées qui s’entrechoquent, à cette heure, la vigueur passée de l’hiver elles fondent et sont ouïes "
Lorsqu’elles fondaient dit Rabelais, les " oyons realement mais ne les entendions point " (Nous les entendions
mais ne les comprenions pas).
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L’examen de ces documents tant audiovisuels qu’écrits permet d’analyser le contenu du
journal, de distinguer ainsi entre ce qui est plateau et ce qui est reportage, entre ce qui est
consacré à l’actualité française, à l’actualité étrangère ou à l’actualité sportive.
L’étude systématique de 4 conducteurs par an de 1949 à 1994 permet de noter des évolutions.
L’analyse ne peut pas être exhaustive du fait parfois, de l’absence d’indications à l’intérieur
des conducteurs. En effet, tous les conducteurs n’ont pas un contenu homogène aux motifs de
l’étendue de la période analysée et des différentes équipes qui se sont succédées à la tête du
journal.
I/ Un journal sous influence.
D’Avril 1963, avec l’intervention du Ministre de l’Information Alain Peyrefitte venu assurer
la présentation du nouveau journal télévisé aux côtés de Léon Zitrone, jusqu'à la déclaration
de Georges Pompidou lors une conférence de Presse en 1970 " Un journaliste de télévision
n’est pas un journaliste comme les autres, il a des responsabilités particulières " et au-delà,
nombreuses ont été les interventions et les influences du pouvoir politique8910. Ces
interventions et influences ont fait l’objet de nombreuses analyses, mais il en est d’autres qui
sont venues modifier la structure du journal sans que l’opinion s’en émeuve vraiment.
A/ Influence de la technique.
En plus de 40 ans, la télévision a "bénéficié" de nombreuses évolutions techniques. Ces
évolutions se sont imposées d’elles-mêmes sans qu’à aucun moment ne s’effectue une
véritable remise en cause.
La technique à certes servi le journal télévisé. L’apparition de la vidéo portable, celle de la
couleur, l’infographie, ont permis, en partie, d’améliorer la qualité du journal. On peut
néanmoins se demander, si parfois, ce n’est pas le journal télévisé qui a servi la technique.
Au moment de l’émergence d’un nouveau mode de communication on retrouve classiquement
la querelle entre concepteurs et utilisateurs, entre techniciens et artistes, entre ceux qui
assurent la promotion de l’outil technique et ceux qui entendent se consacrer aux
programmes. A la télévision, Pierre Sabbagh parlera de la querelle des saltimbanques et des
géomètres11.
- L’Eurovision.
Née à la fête des Narcisses à Montreux, au printemps 1954, l'Eurovision va permettre aux
différents journaux télévisés des chaînes publiques européennes d'échanger leurs programmes
d'actualités. Ce système permet aussi aux journalistes de couvrir plus rapidement et à
moindres frais, l'actualité mais il s'agit surtout de pouvoir "remplir le journal télévisé". Les
reportages des télévisions étrangères sont commentés en voix off par des journalistes français
qui n'ont qu'une vision indirecte de l'événement. Ainsi l'Eurovision participe déjà du
phénomène du renforcement de l'image vis-à-vis du commentaire12.
8
MERCIER Arnaud, Le journal télévisé, Presses de sciences politiques, 1994.
9
BOURDON Jérôme, Haute fidélité : pouvoir et télévision, 1935-1994, Paris Seuil, 1994.
10
- De Gaulle et les medias, Ouvrage collectif, Institut Ch. De Gaulle, Plon, 1994.
11
SABBAGH Pierre, Encore vous Sabbagh ..., 1988.
12
- Revue technique de l'Union Européenne de Radiodiffusion, (U.E.R.), Genève.
- Revue juridique de l'Union Européenne de Radiodiffusion, (U.E.R.), Genève.
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- Les stations régionales.
En 1963, le général de Gaulle lance un vaste programme de créations de stations régionales de
télévision13. Très rapidement, en un peu plus de deux ans, sont crées dans les principales
villes de province des stations régionales qui assurent un maillage parfait du territoire
national. Pour le pouvoir politique il s'agit là de faire concurrence à la presse écrite, qui dans
son ensemble lui est défavorable. Pour l'équipe du journal télévisé il s'agit de pouvoir rapatrier
rapidement des images de province. Comme pour l'Eurovision ces images sont quasi
systématiquement remontées, remixées pour être insérées dans le journal télévisé. Elles sont
commentées alors par des journalistes parisiens. Là encore, les images s'imposent au
détriment du commentaire. Il convient de satisfaire la demande des téléspectateurs.
- Le sport.
Le sport, est, par excellence, une actualité qui va être couverte abondamment par la télévision
française. L'unité de temps et de lieu permet, en effet, aux équipes techniques de couvrir
l'événement et d'assurer un compte rendu le plus complet possible. Si dans certains pays le
sport n'est jamais abordé à l'intérieur du journal télévisé, il n'en est pas de même en France où
ce dernier tient depuis l'origine une place non négligeable dans le journal14. Les techniciens
vont régulièrement utiliser le sport pour assurer une promotion efficace de leurs nouveaux
moyens techniques15.
Le premier journal de 1949 comprend ainsi un reportage déjà qualifié d'exceptionnel où le
jeune journaliste Pierre Sabbagh embarque dans un ballon type dirigeable et risque sa vie en
heurtant une ligne à haute tension. En 1968, les Jeux Olympiques d'hiver de Grenoble servent
de support au lancement de la télévision en couleurs. En 1992, il en est de même pour les Jeux
Olympiques d'Albertville avec le lancement de la télévision à haute définition.
Le pouvoir politique va lui-même renforcer cette place privilégiée du sport. Le sport apparaît
alors comme pouvant gommer les rivalités politiques.
Cette place prépondérante du sport n’est pas innocente. Le sport assure une cohésion de la
famille, de la nation. Il conforte, auprès du public, le sentiment trompeur que la vue ne trompe
pas, qu'en voyant simplement on peut comprendre ce qui se passe. Là encore l'image prend le
pas sur le commentaire et l’analyse.
C'est sans doute dans le sport que le chauvinisme trouve un terrain de prédilection. Malgré
cela les journalistes sportifs, sont particulièrement appréciés pour leur fausse neutralité16.
- La vidéo.
A son origine le journal télévisé est constitué de reportages réalisés sur support film, 35 mm
puis 16 mm. La technique du film nécessite une parfaite maîtrise de la caméra. Le matériel de
prise de vue est peu onéreux mais l'achat et le développement de la pellicule limitent
fortement les possibilités de tournage. Le cadreur doit alors parfaitement maîtriser son outil
13
BOURDON Jérôme, Histoire de la télévision sous de Gaulle, Paris I.N.A. Anthropos, 1990.
14
MARCILLAC Raymond, - Sport et télévision.- Paris : Albin Michel, 1963.
15
MAITROT Eric, Sport et télé, Les liaisons dangereuses, éd., Flammarion, 1996.
16
En 1963, Raymond Marcillac est ainsi nommé directeur de la rédaction de l'information. Spécialiste
d'athlétisme il est choisi par le Ministre de l'Information au motif de l'objectivité de ses commentaires sportifs. Il
en est de même, plusieurs années plus tard, pour le choix du journaliste Patrick Chêne quant à la présentation du
journal de France 2.
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technique. Ne pouvant tout capter quant aux événements qui se déroulent devant lui, il doit
établir, dès le départ, un scénario de son reportage et n’enregistrer que les éléments essentiels.
L'exercice est souvent périlleux. L'arrivée de la vidéo portable, à partir de 1978, son
utilisation systématique avec la Betacam au milieu des années 80 vient modifier
complètement le fonctionnement de l'outil. Ce dernier est particulièrement coûteux à l'achat17.
Mais il permet de filmer longuement des événements pour un coût très faible18.
Ce passage du support film au support vidéo va permettre d'offrir aux téléspectateurs des
images plus nombreuses, plus sensationnelles. Utilisée pour la première fois, lors de la
couverture de l'invasion de la Grenade, la vidéo portable va habituer les téléspectateurs à se
trouver au cœur de l'actualité. Les télévisions vont prendre ainsi l'habitude d’enregistrer toutes
sortes d'événements pendant de longues heures pour n'en conserver que quelques secondes
pour le montage et la diffusion à l'antenne. Une telle pratique va permettre ainsi de diffuser
quasiment en direct, l'attentat perpétré contre le Président Anouar El Sadate lors d'un défilé au
Caire.
Cette utilisation de la Betacam de façon systématique favorise l'émergence d'une nouvelle
catégorie de professionnels : les journalistes reporters d'images (JRI). L'importance accordée
aux images, et la souplesse offerte par la nouvelle technique renforcent le pouvoir des anciens
cadreurs promus au rôle de journaliste. Là encore, la technique permet à l'image de s'imposer.
Dans les années 60, avec l'arrivée des premiers magnétoscopes professionnels, le journal
télévisé est souvent composé de longues séquences enregistrées, au moyen de tels appareils, à
partir des programmes diffusés dans la journée - grands directs sportifs et de cérémonies
commémoratives -. Ces longs différés, souvent commentés par le journaliste qui a effectué les
commentaires en direct ne correspondent en rien au rythme du journal télévisé. Mais il s’agit
de montrer les événements.
- Le téléprompteur.
L'utilisation systématique du téléprompteur, à partir de la fin des années 1970, vient lui aussi
modifier le rythme du journal. Reposant sur un mensonge puisque le journaliste est supposé
regarder le téléspectateur dans les yeux, alors qu'il ne fait que lire son texte se déroulant
devant l'objectif de la caméra, l'utilisation du téléprompteur modifie le caractère convivial du
journal télévisé. Néanmoins ce système va assurer le succès de la formule du présentateur
unique, présentateur vedette ou anchorman19.
- Les liaisons satellites.
Les liaisons satellites vont permettre aussi d'assurer une meilleure couverture des événements.
Pendant de longues années le journal télévisé ne sort pas des studios. Les moyens techniques
ne le permettent pas. Lorsque l'évolution technique rend possible l’utilisation de cars H.F.
(Haute Fréquence) couplés à des relais satellite le journal télévisé est parfois diffusé depuis le
lieu même où est supposé se dérouler un événement. Ce système ne permet en rien de rendre
plus compréhensible les événements traités par le journal. Le système paraît si artificiel, que,
lors de certains directs retransmis durant la nuit, le présentateur vedette est obligé de répéter à
maintes reprises qu'il se trouve bien en direct de tel ou tel endroit pour renforcer ainsi la
17
Valeur d'une Betacam environ 300 000 francs.
18
Une cassette vidéo peut enregistrer plusieurs minutes d'images pour quelques centaines de francs et être
réutilisées plusieurs fois.
19
Début avec Joseph Pasteur en 1970 - équipe Information Première -, systématisation à partir de janvier 1975
avec Roger Gicquel. IT1 20heures puis TF1 20 heures.
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crédibilité de son commentaire. Avec l’utilisation de telles technologies le téléspectateur a
l'impression trompeuse d'être au cœur de l'actualité. Le présentateur joue alors le rôle
d'intermédiaire entre l'événement et le téléspectateur. La qualité du traitement de l'information
transmise dépend non du présentateur arrivé quelques minutes avant la diffusion du journal
mais uniquement de l'équipe de reporters se trouvant sur place depuis plusieurs jours.
Au fil des ans, le caractère hybride du journal télévisé s’est trouvé renforcé. Le journal est
composé d'une alternance, de plus en plus rapide, de plateaux et de reportages. Il s'agit en fait,
d'une alternance entre direct et différé, plus précisément entre direct et fiction. Le temps du
plateau est celui du direct, du temps réel. Le temps du reportage est celui du différé, du
montage, de la fiction.
Toutes les technologies possibles ont été utilisées par le journal télévisé. Systématiquement
leur nouveauté a été présentée comme une évolution positive. Les techniciens ont, sans arrêt,
imposé leur point de vue.
La technique a permis de renforcer sans cesse le caractère prééminent de l'image sur le
commentaire. Le journal télévisé apparaît maintenant comme un véritable kaléidoscope
d'images dont l'interprétation est laissée à l'appréciation des téléspectateurs.
La technique a permis d'accélérer, sans cesse, le rythme du journal. En quelques années, le
nombre de sujets diffusés a été multiplié par trois. Dans le même temps, bien évidemment, du
fait d'une durée constante du journal, la durée moyenne des reportages et des plateaux n'a
cessé de diminuer pour atteindre moins d’une minute.
Ce caractère émietté du journal télévisé rend sa lisibilité difficile20.
Du fait de son caractère répétitif, on est proche du style feuilleton. En l'absence d'une écoute
régulière il devient difficile de comprendre les sujets abordés. Le présentateur durant ses très
brefs plateaux ne fait qu'aborder un point annexe ou mineur. Il reste au téléspectateur à
recomposer l'ensemble de l’actualité. Ce dernier se trouve placé, face à cette actualité, comme
face à un tableau impressionniste.
Ce caractère très particulier rend l'accès du journal télévisé difficile à certaines catégories de
la population. Il en est ainsi pour les adolescents, pour les populations émigrées ou étrangères,
ou pour toute personne qui n'est plus systématiquement exposée aux numéros précédents.
B/ Influence de la publicité.
La publicité est officiellement introduite à la télévision française le 1er octobre 1968. Si un
long débat a précédé cette introduction, la représentation parlementaire ne s'est pas réellement
prononcée sur cette introduction. C'est le pouvoir politique, de façon unilatérale, par décret,
qui a imposé ce choix. Il convient, à l'époque, d'assurer un meilleur financement de l'Office et
ce, à un moment de réelles difficultés financières.
En fait, la publicité fait son apparition à la télévision dès 1959 avec la technique de « la
publicité compensée ». Il s'agit alors, pour certaines entreprises publiques, ou sociétés
nationales, d'apparaître au générique de quelques émissions en contrepartie de prestations
compensatoires21.
Les lobbies qui veulent favoriser l'arrivée de la publicité commerciale à la télévision sont
nombreux. Mais c'est aussi la technique qui rend indirectement nécessaire cette arrivée. Il
s'agit, d’assurer le financement de différents projets : permettre le développement de la
20
BOURDIEU Pierre, La télévision, Paris, Fayard, 1997.
21
Ainsi la société Air France apparaît au générique de la célèbre émission d’information Cinq colonnes à la Une.
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deuxième chaîne, concevoir une future troisième chaîne, enfin envisager le renouvellement
complet du matériel de production et de diffusion pour un passage à la couleur.
Néanmoins comme pour la technique, l'introduction de la publicité ne fait pas l'objet d'une
réelle analyse quant à ses conséquences éventuelles sur le contenu même des émissions en
général et du journal télévisé en particulier.
Les pouvoirs publics, vont s'efforcer, par différents moyens législatifs, de protéger le journal
télévisé lors de cette introduction de la publicité à la télévision.
Mais une première ambiguïté peut être relevée : il convient selon eux, que la publicité se
développe de façon indépendante des programmes. Et pourtant les premiers écrans
publicitaires sont diffusés juste avant et juste après le journal télévisé22.
Certes le Gouvernement entend assurer à ses premiers spots télévisés une écoute maximum.
Mais cette proximité de diffusion, par rapport au journal télévisé, va influer fortement sur le
contenu de ce dernier.
- Publicité et changement de rythme.
La publicité qui existe, aux Etats-Unis, depuis l'origine de la télévision a imposé rapidement
son rythme. Elle a conduit au calibrage des émissions23.
Elle influe aussi directement sur le contenu même des programmes puisque le rythme des
feuilletons, des dramatiques et des jeux est conditionné par la diffusion, à espaces réguliers,
d'écrans publicitaires.
En France beaucoup pensent à un développement indépendant d’une publicité sans influence
sur le programme. Il s’agit là d’une réelle utopie. Les premières publicités ont souvent une
durée proche de deux minutes. Mais on va assister à une diminution permanente de leur durée
celles-ci passant de 1 minute 30 à 1 minute puis 30 secondes24.
Le journal va s’efforcer de suivre cette évolution en proposant des reportages et des plateaux
de plus en plus brefs.
- Publicité et équilibre financier.
Si, selon l'expression d'André Malraux, le cinéma c'est d'abord une industrie, la télévision
apparaît, à bien des égards, elle aussi, comme une industrie. L’arrivée de la publicité va
accentuer le phénomène en provoquant de véritables bouleversements25.
La conception d'une campagne publicitaire entraîne pour un producteur, deux types de
budgets. Il s'agit, d'une part, d'acheter, auprès des chaînes de télévision, des espaces, des
écrans publicitaires. Il s'agit, d'autre part, de concevoir et de réaliser un spot publicitaire. La
disparité entre ces deux types de budgets est énorme26. Dans une campagne publicitaire la
conception du film ne représente qu'une faible partie du coût de la campagne, parfois moins
de 1%. Conséquence : voulant éviter tout échec de leur campagne, des sommes très
importantes sont consacrées à la réalisation des films publicitaires souvent fort brefs.
22
On retrouve là le principe classique de la séance de cinéma où alternent, à l'époque, actualité
cinématographique, publicité et fiction.
23
Celles-ci doivent respecter ainsi la règle des 52 minutes de programmes pour 8 minutes de publicité par heure.
24
Le paroxysme de la situation est atteint en 1995 lorsqu'une publicité d'une durée de 16 secondes comprend 17
plans. Publicité pour l’eau minérale Badoit.
25
DUVOCHEL Alain et Jacqueline, Droit et financement des productions audiovisuelles, AGEMAV, 1988.
26
BROCHAND Christian, Economie de la télévision française, Nathan Université, Paris, 1996.
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Cela a pour résultat, de façon progressive, de provoquer une amélioration de l'écriture
audiovisuelle. On peut dire que la publicité à permis au langage audiovisuel de se structurer.
Elle a permis aussi au téléspectateur, d’apprendre à lire les images et à s'habituer à ce nouveau
rythme, à cette nouvelle qualité des images.
− Publicité et zapping.
L'arrivée de la publicité sur les petits écrans et la mise au point du système de la
télécommande vont donner naissance à un nouveau phénomène : le « zapping ».
En « zappant », le téléspectateur croît bénéficier d'une nouvelle liberté. Le phénomène est
trompeur27. Il a néanmoins des conséquences sur le contenu même du journal télévisé. Pour
éviter la lassitude des téléspectateurs, pour éviter que ceux-ci ne zappent vers une autre
chaîne, le journal télévisé a pris pour habitude, à partir du milieu des années 80, d'assurer luimême une sorte de zapping. L'ensemble des sujets sont abordés très succinctement. Plateaux
et reportages alternent rapidement. Une même actualité peut faire l'objet de plusieurs
reportages d'une durée maximum de quelques secondes. Il convient, par tout moyen, de
conserver le rythme des publicités28.
Le journal télévisé, va s'efforcer, de ne laisser aux téléspectateurs aucun temps mort qui
pourrait lui permettre une certaine réflexion. On voit même, des sortes de virgules musicales,
apparaître, entre chaque sujet dès 1973, sur la 2ème chaîne dans le journal I.N.F.2. puis sur la
Première chaîne en 1975.
Il n'y a pas, comme envisagé par les politiques, une imperméabilité entre programme et
publicité. Celle-ci a modifié en profondeur, systématiquement et définitivement, le rythme du
programme et tout particulièrement celui du journal télévisé qui se trouve encadré par de
longs écrans publicitaires. La publicité a provoqué selon l'expression de Sylvie Blum29, "une
nouvelle sensure" provoquée par cette abondance de sens. Comme si chaque nouvelle
information, chaque nouvelle publicité venait se graver à la place de la précédente, dans une
sorte d'ardoise magique, que serait devenue la mémoire des téléspectateurs.
La publicité a amené le journal télévisé à accepter ses propres critères et à fonctionner
suivant le principe de la répétition. Il montre plus qu’il ne démontre. Il utilise fréquemment le
principe de l’analogie. Il ôte au téléspectateur une grande partie de son pouvoir d'analyse.
Mais la publicité a permis, d’une part, aux professionnels de structurer le langage audiovisuel
et d’autre part, aux téléspectateurs d'avoir un certain recul face aux images.
Le lien entre le journal télévisé et la publicité est incontestable et l’attitude du journal, face à
la publicité, est particulièrement "suiviste". De 1968, date des premières publicités, jusqu'à
1995, le rythme des reportages du journal ne cesse de s'accélérer à l'instar de ce qui se passe
avec la publicité. A partir de 1995, avec l'arrivée des « infomerciales » on assiste à un
renversement de tendance. Même si pour des raisons légales de véritables infomerciales ne
peuvent pas être diffusées en France avec une durée de 30, 40 ou même 50 minutes, on assiste
à l'allongement de certaines publicités30. De la même manière, on voit la durée moyenne des
reportages télévisés légèrement augmenter et la cadence du journal se ralentir.
27
MISSIKA Jean-Louis, WOLTON Dominique, La folle du Logis. La télévision dans les sociétés démocratiques,
Gallimard, Paris, 1983.
28
Pour Godard " Ce sont les temps morts qui rendent les autres vivants".
29
BLUM Sylvie, La télévision ordinaire du pouvoir, Paris, PUF, 1982.
30
Exemples publicité pour les téléphones SFR, publicité pour la marque Nescafé.
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La publicité fonctionne en entretenant, savamment, une confusion entre la réalité et la fiction.
Cette dernière revendiquant sans cesse son caractère informatif. Le journal télévisé souffre de
sa proximité de diffusion avec la publicité31.
La publicité propose ce mélange étonnant qui ne demande au téléspectateur aucun effort.
Cela va avoir pour conséquence de contraindre les concepteurs des journaux télévisés à avoir
recours, de plus en plus souvent, aux scoops et au sensationnel. Ainsi, se multiplient les
journaux télévisés où sont présentés des découvertes scientifiques ou médicales devant
bouleverser, à très brève échéance, la vie quotidienne des téléspectateurs.
II) Journal télévisé : cohésion sociale ou atomisation ?
A/ Le journal télévisé lien social.
Le journal télévisé constitue un extraordinaire moyen d'intégration sociale. Il donne, à chaque
téléspectateur le sentiment d'appartenir à une même communauté32.
Un lien anonyme se tisse entre les différents téléspectateurs qui ont ce sentiment
extraordinaire d'avoir vu la même chose. Incontestablement le journal télévisé devient pour
beaucoup la référence.
Il permet l'extraordinaire assemblage d'une diffusion de masse et d'une réception
individuelle33. Sa force vient, en partie de cette possibilité de s'imposer de "façon indolore",
d'être à la disposition du citoyen. Dans une société où l'individualisme se renforce
singulièrement, ce sentiment de fausse liberté face à la réception joue de manière
extraordinairement favorable à son égard. C'est ainsi que régulièrement 8 millions de
téléspectateurs regardent le journal télévisé de la première chaîne.
B/ Journal télévisé et nation.
A un moment où l'échange de programmes télévisés s'internationalise, le journal télévisé
apparaît, par excellence, comme un programme national. Tout concourt à l'intérieur même du
journal télévisé à renforcer cette distinction entre ce qui est national et ce qui ne l'est pas.
Le sport, pourrait apparaître, à certains égards comme ne respectant pas cette distinction. En
fait il n'en est rien. L'actualité sportive est perçue, par le téléspectateur, au travers du filtre de
sa propre communauté nationale.
Il serait utopique de concevoir un journal télévisé non situé géographiquement. Une même
information est perçue de manière différente, en fonction de la distance qui sépare émetteur et
récepteur34.
L’évolution de la technique et en particulier la compression numérique des images doit
permettre d’offrir aux téléspectateurs un véritable journal à la carte. Sur un écran mosaïque le
téléspectateur va pouvoir choisir ses sujets de reportage et même son commentaire en
fonction par exemple de ses opinions politiques. Ce système risque d’entraîner une frustration
du téléspectateur qui ne participera plus en communion avec les autres à un même
cérémonial.
31
DAYAN.D. et KATZ. E., La Télévision cérémonielle, PUF, Paris, 1996.
32
CAYROL Roland, Médias et démocratie la dérive, Presse de sciences politiques, 1997.
33
WOLTON Dominique, Eloge du grand public, Flammarion, 1993.
34
DOU Henri, Vieille technologie et compétitivité, Ed Dunod, Paris, 1995.
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C/ Journal télévisé et démocratie.
Le journal télévisé, tel qu'il est conçu actuellement, constitue une référence pour la nation35.
Il est un extraordinaire facteur de démocratie. Par son caractère fédérateur exceptionnel, il
propose et surtout impose aux téléspectateurs une multitude d'informations. Conséquence de
l'extrême émiettement des plateaux et des reportages qui le composent, les téléspectateurs
sont contraints d'en suivre l'intégralité.
Face au journal télévisé le téléspectateur se trouve ainsi dans une certaine situation de
dépendance. Il est captif du journal. Tout concourt à éviter de le voir « s'échapper » vers
d'autres chaînes. Mais cette participation à la grande messe cathodique du 20 heures permet
d'offrir à tous une même image pluraliste de la Nation. Il n'est pas nécessaire de croire pour
communier au journal télévisé, et ce dernier permet de lutter contre la dictature de la demande
des téléspectateurs et de leur imposer une information pluraliste. Le journal télévisé, d’une
chaîne généraliste, par ce caractère forcément pluraliste évite tout enfermement dans des
sortes de ghettos.
Au même titre que le drapeau ou l'hymne national, le journal télévisé tend à devenir le
symbole de la Nation.
D/ Journal télévisé atomisation et glocalization.
Le journal télévisé est maintenant complètement émietté. Cette hyperfragmentation
provoquée par l’évolution de la technique et de la publicité a atteint son paroxysme. Le
journal constitue une sorte de bombardement d’images et de sons visant à atteindre un
téléspectateur fasciné.
Il est vain de demander au journal télévisé de vouloir expliquer le monde à lui seul.
Pour certain, comme Alain de Sedouy, le journal télévisé est seulement un instrument émotif
qui recycle la misère en spectacle. Certes, le journal télévisé apparaît comme un
extraordinaire instrument au service des classes moyennes. Il a ainsi conservé, aux Etats-Unis,
malgré l'émergence de multiples chaînes, sa place prépondérante sur les grandes chaînes
généralistes CBS (Columbia Broadcasting System), NBC (National Broadcasting System) ou
ABC (American Broadcasting Corporation). Et si comme l’affirme le journaliste Jean
Daniel36 : "le journal télévisé abrutit les gens cultivés et cultive les gens qui mènent une vie
abrutissante !" le résultat est déjà appréciable. Certes il peut donner l'impression fausse
d’informer. Mais il peut aussi être un extraordinaire facteur de promotion sociale.
Le paysage audiovisuel risque de se transformer en profondeur avec l'émergence de multiples
chaînes thématiques37. Le journal télévisé, sur les grandes chaînes généralistes, doit conserver
une place primordiale. Sans doute conviendra t-il de distinguer entre chaînes généralistes
publiques et chaînes généralistes privées.
Sur les chaînes généralistes publiques, le journal télévisé doit recouvrer rapidement son
caractère éducatif, pédagogique. Il s'agit là, en quelque sorte, d’un retour aux sources. On peut
même envisager que cette édition du journal télévisé soit établie en collaboration avec des
services de l'Administration en charge de l'Education et de la Culture38.
35
WOODROW Alain, Information, manipulation, Paris, éd., Félin, 1991.
36
Journal du Nouvel Observateur.
37
WOLTON Dominique, Eloge du grand public, Flammarion, 1993.
38
WOLTON Dominique, Penser la communication, Flammarion, 1997.
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Sur les chaînes généralistes privées, le journal télévisé risque, sans doute, de fonctionner
définitivement en respectant les règles du spectacle.
Mais ces deux types de journaux télévisés peuvent drainer, pendant de longues années
encore, un large public.
Pour satisfaire la demande de ce public, ils devront se soumettre au principe de la
« glocalization »39. Le journal télévisé se doit en effet d'offrir simultanément aux
téléspectateurs d’une part une information régionale et locale ciblée, d'autre part une
information assurant une parfaite intégration de la nation dans la communauté européenne.
Les téléspectateurs sont, en effet, de plus en plus friands d'une actualité de proximité. Les
moyens techniques permettent maintenant d'assurer parfaitement la couverture de celle-ci. En
même temps l’Europe apparaît comme un parfait niveau d'intégration.
Dans cette modification structurelle des journaux télévisés et cette nécessaire
« glocalization » de l’offre d’informations, la chaîne France 3 semble, de par ses
caractéristiques techniques, particulièrement bien placée pour relever le « challenge ». Son
édition de la mi-journée le 12-13 et celle de la soirée le 19-20 commencent à offrir aux
téléspectateurs une telle vision du monde.
39
BALLE. F., Médias et sociétés, Précis Domat, 6è éd., Montchrestien, 1997.
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