Déconstruire la politique de lutte contre l`immigration "clandestine"

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Déconstruire la politique de lutte contre l`immigration "clandestine"
Déconstruire la politique de lutte contre l’immigration « clandestine » pour
mieux construire notre politique d’immigration.
Pendant que le ministre de l’immigration et de l’identité nationale annonce la création d’une
« carte de résident Gold» pour attirer les entrepreneurs étrangers, Monsieur Hortefeux peut
tranquillement tenir des propos racistes qui sont restés sans incidence. Depuis 2002, les
gouvernements successifs affichent clairement la couleur de leur politique de lutte contre
l’immigration clandestine: expulsions à la chaîne, opération de démantèlement de la "jungle"
à Sangatte par E. Besson, interpellations de personnes qui aident les étrangers en situation
irrégulière,… et plus récemment suppression du défenseur des enfants qui garantissait les
droits des enfants en centre de rétention administratif.
1. Une politique à la hauteur d’un contexte fait d’amalgames et de discriminations…
Les gouvernements européens s’arment de mesures discriminatoires pour se débarrasser des
étrangers « clandestins ». Le ton est largement donné en Italie par le gouvernement
Berlusconi. Des mesures réactionnaires sont mises en œuvre par le gouvernement italien :
augmentation de 2 à 6 mois du temps de détention des étrangers en situation irrégulière et
formation de « patrouilles ambulantes nocturnes » (formées par d'anciens policiers, d'anciens
militaires et des civils) pour « surveiller les villes ».
Nous sommes dans un climat où les libertés disparaissent progressivement au profit de la
chasse aux « clandestins ».
Nous sommes dans un climat où la peur de l’autre est alimentée par un gouvernement qui n’a
plus de respect pour les valeurs de sa nation.
Nous sommes dans un climat fait d’amalgames où le terme étranger est trop souvent associé à
délinquant.
La présence du Front National dans le paysage politique français depuis le début des années
90 et le manque de réponses insufflées par la gauche, ont permis à la droite de mener une
politique basée sur la peur et la xénophobie. Aujourd’hui, la droite mène sans encombre une
politique d’extrême droite en traduisant des représentations bien ancrées dans l’opinion
publique.
Les immigrés sont aujourd’hui traités et considérés comme des criminels. Mais quel est leur
crime ? Avoir voulu trouver une vie meilleure en France, être venu y faire ses études, y
retrouver sa famille, se soigner, y fuir les violences et les persécutions…
Du déchirement lié à l’exil à la clandestinité, en passant par l’humiliation subie du fait du
changement de statut social, les étrangers qui ne peuvent pas être régularisés vivent dans des
conditions d’extrême précarité qui les amènent bien souvent à se replier sur eux-même, à
perdre une partie de leur propre estime. Les conditions d'existence des étrangers en situation
irrégulière sont difficiles. Ils n'ont pas de reconnaissance juridique, et de ce fait, sont obligés
de vivre cachés. Pour les pouvoirs publics, les « clandestins » ont fait le choix d'entrer et/ou
de vivre irrégulièrement sur le territoire: ils sont considérés comme hors la loi. En ce sens,
leur manque de reconnaissance est inhérent à leur statut.
Pour les pouvoirs publics, les immigrés sont encore moins que des criminels ; ils ne sont
même plus considérés comme des humains. Ils sont ces numéros qu’on aligne pour remplir un
quota, ils sont ces numéros qui deviennent leurs noms dans les centres de rétention
administrative (CRA). La chasse à l’immigré est devenue alors un jeu où chaque préfecture y
va de sa propre méthode pour expulser (trop souvent de façon discrétionnaire). Dès lors, tous
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les coups, toutes les incohérences, tous les actes, les plus inhumains soient-ils, sont permis. La
conséquence directe de cela : la Police Aux Frontières use de beaucoup d’imagination et viole
quotidiennement la loi pour servir la politique du chiffre. Dans ce contexte, les travailleurs
sociaux sont de plus en plus mis sous pression pour collaborer avec les services de police.
Bien qu’attachés à leur code de déontologie et au secret professionnel, les travailleurs sociaux
se voient parfois incriminés lorsqu’ils refusent de dénoncer des étrangers en situation
irrégulière qu’ils accompagnent.
Nombreuses sont les situations qui nous montrent que les préfectures cherchent à faire gonfler
leurs chiffres en utilisant des méthodes souvent illégales. Les bénévoles et les professionnels
de terrain constatent que l’obtention d’une carte de séjour est un parcours du combattant et
que bien souvent lorsque les immigrés sont accompagnés, le titre de séjour est délivré plus
aisément. Il y a le cas de cet étudiant qui s’est fait arrêter à la préfecture alors qu’il y était
venu à la demande de celle-ci pour se faire régulariser. Il y a le cas de cet homme à qui l’Etat
français a reconnu ses droits parentaux sur un fils qu’il n’avait pas vu depuis 4 ans avant de
l’expulser quelques jours plus tard. Il y a le cas de ce congolais qu’on a expulsé alors que dans
son pays, son frère, sa première femme et sa fille avaient été tués et à qui on a expliqué qu’il
ne risquait rien. Ce même congolais qui avait reconstruit sa vie en France et qui devait quitter
sa nouvelle famille. Et nous pourrions continuer à égrener les exemples pour finir par nous
rendre compte que toutes ces situations ne sont que l’expression d’une politique faite
d’amalgames et de discriminations.
2. … Une bataille idéologique à mener
La réalité, c’est que personne n’a jamais osé contester les politiques de contrôle des flux
migratoires et de lutte contre l’immigration clandestine de peur d’être taxé d’irresponsable.
Dans l'opinion publique, un flou s'est installé entre l'immigration « clandestine » et sentiment
d'insécurité. Nous devons casser certaines représentations bien ancrées dans le paysage
français.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les migrations se font en interne des continents.
En effet, la droite nous fait croire que les migrations se font principalement du Nord vers le
Sud, hors les migrations, poussées par des conditions de vie précaires, se font principalement
à l’intérieur d’un même territoire ou vers les pays limitrophes.
Les migrants viennent majoritairement en France pour des raisons familiales non pour
nous « voler nos emplois ». En France, l'immigration professionnelle représente moins de
20 % des visas longs séjours.
Les étrangers ne volent pas « nos emplois ». Si un emploi sur trois est soumis à condition
de nationalité (notamment dans la fonction publique), les étrangers sont souvent victimes de
discrimination dans leur parcours d’accès à l’emploi. Une cinquantaine de professions du
privé ne peut pas être exercée par ces derniers. C’est le cas des métiers d’avocat, de dentiste,
d’architecte, de débitant de tabac, de courtier en assurances,…
Une politique de régularisation des sans papiers n’entraînera pas une forte
augmentation des flux migratoires vers la France, bien au contraire, elle peut permettre des
aller – retour simplifiés vers le pays d’origine. Par ailleurs, pourquoi ne pourrions nous pas
nous installer dans le pays de notre choix et puis retourner dans notre pays d’origine lorsque
nous en ferions le choix ?
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Le principe qui consiste à croire que la régularisation de l’ensemble des sans papiers est
impossible du fait de leur nombre est une aberration. Si l’on compare aux autres pays dans
le monde la France n’a pas tant que cela de personnes sans papiers. Au nombre de 200 à 400
000 en France, ils étaient 690 000 en Espagne lorsque le gouvernement a décidé de tous les
régulariser en 2005.
La politique de lutte contre l’immigration clandestine est une politique qui coûte cher :
reconduites, réquisitions de fonctionnaires de police, ouverture de CRA,… Ne pourrait-on pas
utiliser cet argent pour l’intégration ?
Fermer les frontières n’a aucune incidence sur les flux migratoires si ce n’est de les faire
fortement grimper. Dans les périodes de durcissement des politiques publiques (comme par
exemple en 1974 avec la circulaire Marcellin Fontanet). Bien au contraire, cette politique a
pour conséquence la création de situations irrégulières.
Maintenir des étrangers en situation irrégulière permet à des patrons français peu scrupuleux
d’embaucher plutôt que de délocaliser. C’est ce qu’on appelle le phénomène de
délocalisation sur place.
Cette politique, à travers l’Obligation à Quitter le Territoire Français, créé des
situations de personnes qui ne sont ni régularisables, ni expulsables (les Ni, NI) car elle
freine la libre circulation des individus.
La politique de quotas ne fait qu’alimenter la Françafrique, incite des négociations
imposées par la France et va évidemment dans le sens des intérêts de la France.
Face à cela, comment pouvons nous encore affirmer que nous sommes le pays des droits de
l’homme ? Notre rôle est de combattre le discours ambiant qui tend à considérer les immigrés
comme des délinquants. C’est notre devoir à tous en tant que socialiste de rentrer en
résistance, de s’engager au quotidien, dans les associations, dans les réseaux, dans les comités
de soutien aux personnes aux migrants. La lutte contre la politique inhumaine de la droite
a besoin de militants qui s’engagent dans le quotidien des migrants. C’est de la
responsabilité de chacun de ne pas laisser faire.
Internationaliste par essence, nous considérons indispensable de prendre en compte les
réalités mondiales. Nous voulons une politique d’immigration qui intègre la citoyenneté de
résidence. Etre citoyen de sa cité n’est pas lié à la nationalité, nous devons permettre l’accès
aux droits à tous les étrangers. Nous devons aussi faciliter l’accès à la nationalité de ceux qui
le souhaitent.
Aussi, nous prônons la libre circulation des individus et souhaitons mener une politique
d’immigration qui prenne en compte les difficultés économiques, sociales, environnementales
des autres pays. Considérant que les comportements consuméristes des pays développés ne
sont pas sans lien avec la pauvreté de certains pays, il est temps d’imaginer une politique de
co-développement au service des citoyens du monde.
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QUELQUES NOTIONS
1. Petit lexique:
 Un étranger est une personne qui réside en France sans avoir la nationalité française.
Cette notion est donc basée sur le critère juridique de la nationalité.
 Un migrant ou immigré est une personne résidant en France née étrangère dans un
pays étranger.
Un immigré peut être étranger, ou avoir acquis la nationalité française au cours de son séjour
sur le territoire.
 Un demandeur d’asile est un étranger entré en France, en séjour régulier dans
l’attente de la réponse à leur demande de statut de réfugié. Les demandeurs d’asile
placés en « procédure prioritaire » ou « déboutés » par l’Office Français de Protection
des Réfugiés et des Apatrides (OFPRA) ou la Commission de Recours des Réfugiés
(CRR) sont en séjour irrégulier. Il est à noter que 10% seulement des demandes d'asile
sont validées en statut de réfugié.
 Un réfugié est un demandeur d’asile à qui l’OFPRA ou la CRR a reconnu la qualité
ou le statut de réfugié.
 Un étranger en situation irrégulière est une personne résidant en séjour irrégulier
sur le territoire, souvent au terme d’une période de séjour régulier.
Pour définir les étrangers en séjour irrégulier, la droite utilise systématiquement le terme
clandestin qui se dit des personnes qui vivent cachés, dans l’ombre. Il est souvent employé à
tort et renvoie aussi à l’illégalité et à la délinquance. Cela nous montre bien la vision qu’en a
le gouvernement.
Le terme « sans papier » est né à la fin des années 90 ; Inventé par les militants qui étaient
investis au moment du squat de l’église St Bernard. Il faut être vigilant quant à cette définition
car bien souvent les étrangers en situation irrégulière ont un passeport valide.
2. L'immigration en chiffre:
En France, le nombre de migrants n'a pas évolué depuis une trentaine d'années. Selon une
étude de l’INSEE de 2004, 4,9 millions d’immigrés résident sur le territoire métropolitain,
40% sont français. Ils représentent 8,1 % de la population française.
Les étrangers en situation seraient au nombre de 200 000 à 400 000 d’après le ministère de
l’immigration. Les associations d’aide aux migrants pensent que dans la réalité ils sont plus
nombreux.
3. Les associations d'aide aux migrants:
Plus ou moins nées de volonté militante, avec des financements multiples, les missions des
associations qui interviennent dans le domaine de l'aide aux migrants sont multiples. Ces
champs d'action sont multiples: logement et accès aux droits (CIMADE), soutien familial
et/ou action éducative (RESF, ASSFAM,...), santé (COMEDE, migrations santé,...),
accompagnement des demandeurs d'asile (France Terre D'Asile), aide juridique (GISTI,
LDH,...). Cette diversité permet aux migrants d'avoir un soutien dans tous les domaines.
L'accès aux droits et à un titre de séjour n'en reste pas moins un parcours du combattant.
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Documents:
Le GISTI, Sans papier mais pas sans droit, les notes pratiques.
Le GISTI, Le guide de l'entrée et du séjour des étrangers en France, La Découverte.
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