Axe 3. Études cliniques des représentations familiales et transmission.

Transcription

Axe 3. Études cliniques des représentations familiales et transmission.
Axe 3. Études cliniques des représentations familiales et
transmission.
Ce programme de recherche s'interroge sur les processus de transmission des représentations
familiales identitaires. Comment la transmission des savoirs, des croyances et des liens subjectifs de
filiation vient-elle construire l'identité de l'individu et de son groupe familial immergés dans un
contexte socioculturel ? Nous éclairerons selon une approche pluriréférencée les représentations
familiales de la transmission psychique. Celles-ci peuvent prendre forme sur des objets culturels tels
que la généalogie, les valeurs idéologiques, les objets patrimoniaux tels que l'habitat, les objets
légués... ou encore à travers des actions rituelles ou institutionnelles telles que l'adoption, la
reconnaissance en paternité...
Les travaux menés sous cet axe concernent plus particulièrement les dysfonctions de
l’intergénérationnel et les représentations du corps familial, les modalités de l’éducation familiale
dans la construction et la transmission des représentations, les retentissements des processus du
vieillissement, et l’usage des méthodologies projectives pour appréhender les troubles et les
pathologies.
a. Dysfonctions de l'intergénérationnel et représentations du corps familial.
Les représentations de la transmission familiale peuvent s'appréhender à plusieurs niveaux
d'interprétation selon qu'on se place dans l’interpsychique, l'intrapsychique, ou le transpsychique.
Une approche clinique des failles de la filiation montre ses effets dans la psychopathologie
tant de l'individu que du fonctionnement familial. L'hypothèse, que l'équipe de psychopathologie
clinique propose, est qu'une transmission inadéquate de l'héritage psychique familial (secrets de
famille, deuils non faits, honte filiative...) aurait une action inhibitrice sur les capacités de penser, de
rêver, d'inventer. Du fait de ce blocage collectif ou individuel, les sujets n'auraient comme solution
d'expression que le dysfonctionnement psychique ou comportemental ou encore la maladie
somatique. Dans le prolongement de cette hypothèse, nous voyons que le sujet dans sa singularité ne
peut se comprendre que dans l'intersubjectivité du groupe dont la famille est un lieu princeps.
La transmission d’un héritage psychique familial ne peut se penser sans les liens de
consanguinité qui expriment la présence massive du corps et de ses interdits, qui régulent les
relations intra et extra familiales. La métaphore d’un corps familial porteur de mémoire identitaire
montre quelles représentations chaque membre d’une famille, d’un clan, d’une société porte sur
l’héritage transmis par les autres générations ; mais aussi comment, il pourra plus ou moins se
l’approprier. Car la transmission ne se subit pas passivement, mais elle doit être sollicitée et demande
un véritable travail d’élaboration des donataires. Ainsi, les rites, les codes sociaux sont des
contenants formels qui préfigurent par l’aide de la loi les modalités de passage d’un bien, d’un
savoir, d’une croyance …. L’acquérant peut alors s’enraciner dans son origine en s’enrichissant de
représentations symboliques et identitaires. L’étude des procédures conscientes et des processus
inconscients pourrait permettre de mieux comprendre et d’aider les familles avec et face à leur
patrimoine biologique, affectif, culturel et social. Les champs d’investigations concernent les temps
de crises et de réaménagements de la structure familiale : naissance, mariage, maladie,
vieillissement, mort ; ils interrogent les rapports entre corporéité et filiation : psychopathologie du
corporel (troubles des conduites alimentaires, obésité, stigmatisation, handicap …)
- Un chantier de recherche, déjà largement ouvert (Cuynet, Mariage et al.)
porte plus
précisément sur l’Espace habité et transmission identitaire et utilise le dessin de la maison
imaginaire. La famille, dans sa quête d’éléments identificateurs pour lutter contre les fantasmes
archaïques d’éparpillement ou d’atomisation, cherche à se tisser une enveloppe délimitante et
contenante qui s’étaie sur un habitat réel. Ce cadre externe agit en retour et influence la manière
affective de vivre ce lieu. Partant de ce besoin vital pour le groupe familial de se projeter dans une
forme contenante qui sera à l’image du vécu narcissique commun d’être ensemble, nous avons
souhaité mettre au point une épreuve visant à recueillir les effets psychiques du groupe familial dans
sa façon d’être ensemble dans cet espace maison qui le contient. Le dessin libre d’une Maison de
rêve apparaît alors comme un outil de médiation permettant la projection de l’attitude inconsciente
du corps familial déposé dans l’ici et le maintenant de l’habitat.
L’objectif de ce projet est de valider une épreuve projective standardisée qui exploite le
versant de l’espace topographique de l’image du corps spécifique au groupe familial. Plus de 200
protocoles ont été recueillis auprès de familles « tout venant » à partir de la consigne « Dessinez
ensemble le plan d’une maison imaginaire où on pourrait vivre toute une famille ». Une grille
d’analyse quantitative est en cours d’élaboration afin d’objectiver le matériel projectif obtenu.
L’interprétation qualitative de l’aspect formel de la maison permettra enfin d’envisager les relations
avec le discours verbal et la sémiologie groupale.
- Un deuxième chantier, lui aussi ayant déjà donné plusieurs communications publications
internationales (Cuynet, Mariage et al.) porte sur la génographie projective familiale : une épreuve
projective du générationnel. L’arbre généalogique est la représentation d’un groupe qu’un individu
ou une famille porte en lui. C’est une figure apte à contenir et à révéler les liens dynamiques et
structuraux de l’interfantasmatisation du groupe, tant sur l’axe vertical de la filiation que sur l’axe
horizontal des liens d’alliance.
Une étude systématique avec une population normale ouvre la possibilité de pratiquer des
diagnostics différentiels dans l’optique de la création d’une épreuve projective spécifique au groupe
familial. Nous disposons déjà de 250 protocoles d’arbres généalogiques réalisés en famille à partir de
la consigne « Dessinez ensemble l’arbre généalogique de votre famille. Vous pouvez le faire selon
votre imagination, vous êtes libre de lui donner la forme que vous voulez ». Une grille de
dépouillement est élaborée afin de mener l’analyse de l’aspect formel des arbres. Le matériel verbal
reste à exploiter. travail est envisagé dans le cadre de collaborations internationales avec l’Université
de Santiago du Chili ( Dr Horacio Foladori) et l’Université de Bueno Aires (Pr Roberto Loss) et au
niveau national celles de Paris V :(Pr Edith Lecourt ), du Centre de Recherches en Psychopathologie
et Psychologie Clinique à Lyon II (Pr Bernard Chouvier) et du Laboratoire de Sociologie et
d’Anthropologie de l’UFC ( Pr Dominique Jacques-Jouvenot)
Par ailleurs, dans cet axe de recherche, et avec un éclairage psychanalytique et
psychopathologique, des études sont menées (H. Maïdi, 2003) sur la victimologie clinique,
« victimologie subjective », s’intéressant essentiellement à l’organisation névrotique de destinée et
s’interrogeant sur l’économie de la « position de victime », la transmission inter et
transgénérationnelle, la répétition traumatophilique et victimophilique ainsi que sur le déterminisme
inconscient et primordial sous-jacent qui opère dans ce type de comportement « négatif » et
masochique.
De même, nous poursuivons un travail de réflexion et de recherche centré sur la question du
traumatisme psychique à l’adolescence, ses effets et ses causes à cette période réputée turbulente et
douloureuse. (H. Maïdi) Nous nous proposons de reprendre le concept de « traumatisme » pour
mieux le délimiter d’autres notions ou concepts voisins et sauvegarder sa spécificité sexuelle. Nous
déclinons les sources de souffrance à l’adolescence provenant d’une part du fait qu’elle est en ellemême traumatisante pour la psyché qui doit gérer des transformations corporelles considérables, le
passage d’une sexualité pulsionnelle prégénitale à une sexualité génitale, le passage des potentialités
sexuelles du pré-pubertaire à l’effectivité sexuelle de l’adolescence qui commande des
aménagements relationnels nouveaux, notamment familiaux et d’autre part du fait qu’elle constitue
une véritable caisse de résonance pour les traumatismes antérieurs : carences narcissiques précoces,
blessures narcissiques et traumatismes sexuels de reviviscence, peut conduire soit à leur élaboration
soit à leur répétition compulsive. (Cf. Communications et publications scientifiques, H. Maïdi,
2003-2007).
b. Education familiale, construction et transmission des représentations
Cette thématique s’inscrit dans la coopération existante entre Laboratoire de Psychologie EA
3188 et le REEFI (Réseau Éducation des Enfants : entre Familles et autres Institutions éducatives).
Ce réseau pluridisciplinaire d’équipes de recherche regroupe aujourd’hui des chercheurs venant de
différentes disciplines des Sciences Humaines et Sociales (sciences de l’éducation, sociologie,
psychologie) et prend appui sur plusieurs associations nationales et internationales de chercheurs
telles que l’Association des Enseignants Chercheurs en Sciences de l’Education (AECSE),
l’Association Internationale de Formation et de Recherche en Éducation Familiale (AIFREF),
l’European Scientific Association For Residential and Foster Care for Children and Adolescents
(EUSARF), l’European Educational Research Association (EERA), le Groupe Francophone d’Études
du Développement Psychologique de l’Enfant Jeune (GROFRED).
Plusieurs thématiques sont développées autour de la socialisation des enfants à l’intérieur de
leurs familles et la « coéducation » entre les familles et les autres institutions socio-éducatives
(crèche, école, internat spécialisé).Il semble possible de s’interroger sur ce qui se joue d’une
transmission dans la construction de la parentalité et du lien familial :
- Fonctions et conceptions des rôles, le couple parental, activité professionnelle et « métier de
parent », Solidarité familiale et nouvelles configurations familiales : PACS, homoparentalité,
familles recomposées, place et fonction des grands-parents dans ces nouvelles organisations
familiale, bientraitance et maltraitance, responsabilité parentale, pauvreté, immigration, handicap.
- Les processus éducatifs intrafamiliaux : Représentations et pratiques éducatives,
Développement cognitif et affectif de l’enfant et de l’adolescent, transmission des normes et des
valeurs : rationalisation des prescriptions d'interdits chez les enfants, soumission engagée,
représentation par les membres de la famille de leur expérience familiale.
- Les relations entre la famille et les intervenants professionnels : Coopération, collaboration,
co-éducation, professionnalité et relation d’aide.
Dans ce cadre, des travaux de recherche sont envisagés sur les rapports entre les liens de
filiation et le rang dans la fratrie (Bonnet, et al.). Parmi les différentes crises traversées par la famille,
celle liée à la maladie dégénérative d’un des parents oblige à penser l’aide apportée au(x) parent(s)
comme largement dépendante, dans sa nature et ses modalités relationnelles, de l’histoire familiale.
Ainsi, la désignation au sein d’une fratrie, voire, l’auto-désignation d’un aidant familial se donne à
voir comme une révélation au groupe familial et au monde extérieur d’un lien particulier préexistant
à la crise.
Si chaque famille appréhende la crise selon ses propres modalités relationnelles,
psychiques, fantasmatiques, il semble qu’il existe certains invariants dans cette organisation obligée
pour faire face au déséquilibre. Des études statistiques montrent par exemple que l’aidant principal,
lorsqu’il n’est pas le conjoint, est souvent une fille, et l’aînée de la fratrie. Si on peut aisément
comprendre que les femmes soient davantage attendues dans un rôle de « maternage » pour prendre
soin d’un parent malade, on peut néanmoins s’interroger de façon holistique sur ce rôle d’aidant de
l’aîné : le droit d’aînesse, datant de l’antiquité, aujourd’hui aboli, persiste-t-il de façon plus ou moins
consciente en devoir d’aînesse ? En se désignant comme aidant familial, l’aîné répond-il à une
obligation, un devoir filial suscité par des attentes parentales, par le reste de la fratrie ? On peut
imaginer par exemple que l’aîné s’attribue ce rôle d’aidant parce qu’il a lui-même eu le sentiment
d’être investi par ses parents de façon particulière par rapport au reste de la fratrie. Pourtant, le
contexte actuel de familles moins nombreuses laisse penser à des rôles moins marqués, moins
différenciés au sein de la fratrie.
Ainsi, l’organisation de l’aide autour d’un parent atteint par exemple d’une démence de type
Alzheimer permet d’interroger, dans un contexte de fantasme de renversement des générations, la
relation possible entre le rang de l’enfant dans la fratrie, sa place dans l’aide apportée au parent et sa
représentation du lien de filiation à son parent malade. Pour venir éclairer les modalités
d’investissement de l’enfant aîné plus particulièrement, cette approche psychologique pourrait se
compléter d’une approche sociohistorique de la transmission d’un patrimoine à un héritier selon son
rang dans la fratrie.
Une recherche au Laboratoire de psychologie visant à appréhender les retentissements de la
maladie d’Alzheimer sur les liens familiaux est en cours. Ce recueil de données qualitatives par
entretiens semi-directifs auprès d’enfants de parents touchés par la maladie pourrait constituer une
première phase de l’étude permettant de comprendre comment ces enfants, souvent aînées de fratrie,
inscrivent l’aide apportée à leur parent dans une histoire familiale et une relation particulière à leurs
parents révélés par la crise. Il serait intéressant dans un second temps d’interroger plusieurs membres
adultes d’une même fratrie, non touchée par ce type de maladie d’un parent, pour comprendre dans
une approche psychosociologique, les enjeux du rang de chacun dans la fratrie en terme de
transmission, de lien de filiation et de lien fraternel : qu’en est-il vraiment aujourd’hui des relations
conscientes et inconscientes tissées entre parents et enfants, entre frères et sœurs selon leur rang dans
la fratrie ?
Pour apporter des réponses à ce questionnement sur le lien entre rang dans la fratrie et
modalités d’organisation d’une aide future éventuelle aux parents, une enquête permettant de
recueillir la parole auprès de deux membres adultes d’une fratrie par entretiens semi-directifs,
complétés par une évaluation de la personnalité et un test projectif, semble intéressante. Ces frères et
sœurs pourraient être mobilisés par l’intermédiaire de services à domicile capables d’identifier des
familles dont le parent bénéficie de services à domicile sans pour autant être installé dans une grande
dépendance (Gir 4 à 7). Cette étude doit pouvoir reposer sur une vingtaine de familles (soit au moins
40 entretiens).
- Une autre recherche portera sur les modalités de transmission des savoirs professionnels et
institutionnalisation des métiers relationnels. Si certaines des professions d’aide relationnelle sont
installées dans des activités dûment répertoriées et légitimées (éducateur, assistante sociale,
psychologue, médecin, etc.), d’autres émergent ces dernières années à partir de pratiques jusque-là
considérées comme non professionnelles parce que confinées à des travaux d’emblée marqués par les
sphères domestiques et maternelles : assistantes maternelles devenues dernièrement des assistants
familiaux, aides à domicile, techniciens de l’intervention familiale et sociale, etc. Ces « nouveaux
métiers » émergent dans une problématique très spécifique : un travail de désintrication s’y avère
nécessaire pour constituer comme pratiques professionnelles, référées à des savoirs théoriques et à
des savoirs faire concrets, ce qui jusque-là se fondait sur des normes sociales, familiales, religieuses,
etc. Aux héritages transmis par les familles se conjuguent, se substituent, s’opposent ou se
complètent ceux reçus des métiers déjà constitués qui s’offrent pour modèles, des disciplines
mobilisées pour étayer les pratiques (médecine, sciences humaines et sociales, etc.)…
La
recherche
envisagée
porte
plus
directement
sur
les
métiers
d’assistantes
maternelles/assistants familiaux ; elle vise à travers une série d’entretiens semi-directifs à mettre au
jour les processus d’hybridation des savoirs professionnels et sociaux, au regard de la problématique
générale de la parentalité.
- Enfin, une autre recherche porte sur la reprise des retentissements de la violence conjugale
et familiale dans le cadre de l’aide apportée aux femmes victimes. La recherche envisagée porte sur
ce que retirent de leurs séjours en CHRS des femmes qui y ont été accompagnées durant une période
assez longue de leur vie (au moins 6 mois), dans des moments de leur existence particulièrement
douloureux. Il s’agissait pour elles de quitter le domicile familial, d’échapper à la violence de leurs
conjoints et de se réapproprier peu à peu leurs droits à vivre dans le respect de leur intégrité, leurs
propres paroles en tant que sujets singuliers, psychiques et politiques en même temps.
On investiguera par entretiens non directifs auprès de femmes ayant quitté l’institution la
manière dont ont été perçus, transmis, réélaborés par elles les savoirs relatifs à divers objets sociaux
(la famille, le sujet, le couple en particulier), lesquels ont été « travaillés » au cours de leur
accompagnement en CHRS dans les relations nouées aux différents professionnels (AS,
psychologues, éducateurs…)
La spécificité de cette recherche vise à comprendre comment la circulation des savoirs
professionnels s’articule à celles des savoirs militants sur lesquels s’appuient les travailleurs sociaux
d’une institution qui met en avant la professionnalité et la militance. En quoi la militance des
professionnelles (par exemple dans ce qu’elle déconstruit de la naturalisation des différences
sociales, des rapports de domination, des rapports de genre) laisse-t-elle des traces, des repères, dans
l’appréhension qu’ont ces femmes des diverses institutions familiales et conjugales ? En quoi les
savoirs professionnels mobilisés (par exemple sur les processus cycliques de la violence conjugale,
sur les mécanismes psychologiques sous-jacents, etc.) ont-ils sens dans leur vie ?
c. Les retentissements familiaux du processus du vieillissement .
Le vieillissement, en tant que processus évolutif qui s’étend de la vie à la mort, ne concerne
pas seulement l’individu mais de manière plus large, le groupe familial auquel il appartient. En effet,
la famille est au cœur des problèmes posés par le vieillissement actuel de la population et il devient
important, sinon urgent, de comprendre les dynamiques plus ou conscientes qui sous-tendent les
liens des personnes âgées avec leurs descendants. Partant de l’hypothèse proposée par P. Charazac
(1998, 2005) que la crise individuelle de l’âge et du grand âge s’accompagne de façon presque
inéluctable de crises familiales, conjugales, nous proposons d’étudier les modes d’adaptation de la
famille à des événements de son existence.
- Parmi la pluralité de situations critiques, nous portons une attention particulière aux
retentissements sur les liens familiaux de la démence de type Alzheimer d’un parent ou d’un grandparent. La maladie dégénérative d’un des parents oblige à penser l’aide apportée au(x) parent(s)
comme largement dépendante, dans sa nature et ses modalités relationnelles, de l’histoire familiale.
Ainsi, la désignation au sein d’une fratrie, voire, l’auto-désignation d’un aidant familial se donne à
voir comme une révélation au groupe familial et au monde extérieur d’un lien particulier préexistant
à la crise. Si chaque famille appréhende la crise selon ses propres modalités relationnelles,
psychiques, fantasmatiques, il semble qu’il existe certains invariants dans cette organisation obligée
pour faire face au déséquilibre. Des études statistiques montrent par exemple que l’aidant principal,
lorsqu’il n’est pas le conjoint, est souvent une fille, et l’aînée de la fratrie. Quels sont alors les enjeux
d’une telle relation de dépendance ? De la même manière, on observe statistiquement moins de
personnes âgées en institution lorsqu’elles s’inscrivent dans une famille de trois générations au
moins (avec enfants et petits-enfants) : quel est le rôle joué par le troisième génération dans
l’organisation de l’aide autour du grand-parent malade ?
- Une autre orientation de recherche concernant le vieillissement dans les rapports que le sujet
noue à ses enveloppes, et en particulier aux dimensions de l’habiter. Une étude menée avec l’Institut
de Recherche sur le Vieillissement, financée par la Fondation de France (Bonnet, Mercier, Minary,
Lhote) a rappelé combien le vieillissement se donne à voir comme avant tout celui du corps,
imposant progressivement sa loi et obligeant souvent à restreindre ses déplacements, son espace de
vie. Pour autant, malgré les difficultés quotidiennes, chacun sait que l’idéal, « est de pouvoir vivre le
plus longtemps chez soi » parce que la maison, comme lieu de souvenirs, rassure et constitue un
réceptacle réel d’investissements libidinaux. En partant des travaux déjà réalisés au Laboratoire
illustrant la fonction métaphorique de l’habitat pour le corps : « notre habitat s’offre comme la
projection externe d’un moi-peau périphérique qui réceptionne, comme une éponge, les angoisses
archaïques de notre fond psychologique » (Cuynet, Mariage, 2001), nous pouvons supposer que face
aux défaillances du corps liées à l’âge, le lieu de vie prend une dimension particulière offrant une
enveloppe qui se veut contenante. Mais comment retentissent les faiblesses du corps sur les
modalités d’investissements conscients (en terme de restriction de l’espace) et inconscients (en terme
d’investissement libidinal) du lieu de vie pour le sujet âgé, qu’il vive à domicile ou en institution ?
De la même manière, comment l’habitat reste investi de certains autres membres de la famille ? Nous
proposons par exemple, toujours dans la perspective de mieux comprendre la structure interne des
liens intersubjectifs avec le vieillissement de la famille, d’utiliser un outil projectif tel que le dessin
d’une maison pour observer la façon dont les petits-enfants se représentent ce lieu familial.
Interroger les petits-enfants sur leurs propres modalités d’investissement de l’espace grand-parental
est d’autant plus important aujourd’hui qu’ils sont désormais possibles héritiers de leurs grandsparents et que ces derniers jouent un rôle de plus en plus important dans la vie et l’éducation des
petits-enfants. Enfin, pour répondre au phénomène de familles à 4, voire cinq générations, il devient
aussi important de comprendre la place des arrières-grands-parents pour les arrières-petits-enfants et
ce, à travers leurs modalités d’investissement du lieu de vie des anciens, de ce qu’ils en perçoivent
grâce au test projectif de la maison.
- Enfin, une autre recherche relève d’une évaluation neuropsychologique chez les patients
âgés souffrant de troubles de l’humeur (collaboration avec psychiatres, et linguistes) L’allongement
de l’espérance de vie concerne aussi les sujets souffrant de troubles psychiatriques dont la prise en
charge se révèle alors plus complexe, en particulier lorsqu’ils sont institutionnalisés. L’influence du
vieillissement sur les performances cognitives des patients souffrant de troubles mentaux chroniques
a longtemps été négligée. Parmi ces troubles la schizophrénie et les troubles bipolaires de l’humeur
sont des pathologies chroniques fréquentes. Les troubles cognitifs sont souvent présents dans les
pathologies psychiatriques et ont été particulièrement bien étudiés dans la schizophrénie. Les
troubles cognitifs font en effet partie intégrante de la pathologie schizophrénique. Par contre, le
déclin cognitif qui se produit normalement dans une population âgée n’a pas été clairement étudié
chez les patients âgés souffrant de cette pathologie (Harvey et al 2001).
Peu de données sont disponibles à propos du déclin cognitif des patients âgés souffrant de
troubles bipolaires. Dhingra et Rabins (1991) ont mené une étude sur 7 ans concernant des sujets
âgés bipolaires. Ils ont pu mettre en évidence que le tiers des patients présentaient un déficit cognitif
significatif (score au MMSE inférieur à 24) et que 1/5 était placé en institution. Stone et al. (1989)
sur un suivi de 3 ans a montré que les sujets bipolaires avaient plus de risque de développer une
démence que des sujets témoins d’une même classe d’âge. Davidson et al. (1995) a étudié le déclin
cognitif en fonction de l’âge chez des sujets âgés institutionnalisés. Il a pu montrer que les troubles
cognitifs de sujets souffrant de troubles psychiatriques avaient des performances meilleures que les
patients atteints par la maladie d’Alzheimer, mais significativement moins bonnes que les sujets du
même âge sans pathologie psychiatrique.
Il semble de plus que les patients âgés souffrant de troubles mentaux aient un déficit cognitif
plus prononcé lorsqu’ils sont institutionnalisés. Des études longitudinales de cohorte montrent ainsi
un déclin cognitif et fonctionnel important chez de tels patients en fonction de l’âge. Si ces
modifications chez les patients ayant un lourd passé institutionnel sont notées, il ne semble pas que
ces dernières soient mises en évidence chez les patients sans passé institutionnel (Bartels et al 1997).
Ainsi, l’évolution des troubles cognitifs chez ces patients âgés reste un sujet important, à la
fois pour comprendre l’évolution de ces pathologies chronique et aussi pour permettre de développer
des interventions adaptées pour lutter contre le handicap lié à ces troubles cognitifs.
Chez de tels patients, l’intérêt d’une batterie de tests cognitifs courte est évident, mais comment
peut-on interpréter les résultats des tests chez ces sujets très âgés ?
Le but de ce travail est d’évaluer une stratégie diagnostique chez des sujets âgés souffrant de
troubles psychiatriques chroniques afin de préciser le diagnostic différentiel dépression/démence.
Parallèlement, nous étudierons si il y a un effet d’apprentissage chez ces sujets (effet test-retest). Les
populations étudiées seront des sujets souffrant de troubles bipolaires de l’humeur, stabilisés et avec
une durée d’évolution d’au moins 30 ans. Cette recherche s’intègre dans le cadre du « Centre
Mémoire de Ressource et Recherche » du CHU de Besançon, au sein duquel nous sommes
sensibilisés aux difficultés de diagnostic des démences chez les sujets souffrant de troubles
psychiatriques associés.
La batterie de test sera celle utilisée par le réseau Rapid-fr. Les tâches de dénomination seront
plus particulièrement étudiées et contrôlées par une analyse pertinente du langage. De plus, cette
recherche se situant dans une logique exploratoire, nous proposons de mettre à l’épreuve le test de la
maison (Cuynet et Mariage) avec l’idée de pouvoir pointer par un test projectif la problématique
prégnante du vieillissement du corps et des contenants chez les patients présentant de troubles
démentiels. Il s’agit d’une recherche faisant appel à des collaborations pluridisciplinaires :
neuropsychologue (G Chopard), orthophoniste (E Dariel), gériatre (M Fierobe), Laboratoire de
Psychologie (EA 3188, M Bonnet), LASELDI (P Schepens). L’Institut Régional du Vieillissement est
partenaire de cette recherche.
d. Etude de la personnalité borderline par l’usage des méthodes projectives
Dans le cadre de la mise en place d’un réseau européen d’étude de la personnalité borderline
a l’adolescence (Dr Maurice Corcos), nous proposons de travailler sur un sous-projet relatif à
l’utilisation des méthodes projectives (Mariage, Cuynet, Maïdi et al.) afin d’affiner nos
connaissances et d’apporter un éclairage clinique, dans une tentative de compréhension
intrapsychique, sur le trouble de la personnalité borderline.
Le trouble de la personnalité borderline est décrit depuis quelques années, rassemblant des
troubles à polymorphie clinique et des réalités interprétatives différentes. En se voulant athéorique, la
classification du DSM-IV a permis d’apporter un langage commun pour diagnostiquer cette
pathologie. De ces différentes approches en résulte l’identification de certaines dimensions-clés,
repères pathognomoniques du trouble borderline : la perturbation des affects, comprenant les
fluctuations de l’humeur, le sentiment de vide, la colère ; la perturbation cognitive avec le trouble de
l’identité, de l’image de soi, la méfiance et les symptômes dissociatifs transitoires ; la perturbation
des relations aux autres observée dans les relations interpersonnelles instables et les efforts pour
éviter l’abandon ; enfin, la dimension d’impulsivité qui comprend les automutilations, les tentatives
de suicide et toutes les formes d’impulsivité. Les différents groupes de travail vont, à partir
d’échelles d’évaluation, travailler sur ces thématiques.
La méthodologie générale actuellement proposée (inclusion à partir d’un diagnostic clinique, puis
passation d’une échelle d’évaluation standardisée) tient particulièrement compte de l’écart que l’on
peut parfois constater entre un « diagnostic clinique », effectué par un certain nombre d’intervenants
cliniciens et un « diagnostic DSM », obtenu par la passation d’outils quantitatifs d’évaluation. Cette
différence serait liée au fait que les diagnostics cliniques tiendraient plutôt compte de signes et
symptômes du fonctionnement d’un patient dans la relation à l’autre et dans une dynamique
générale, tandis que les outils permettant de poser un diagnostic à partir des critères du DSM
permettent de regrouper ces divers signes et symptômes en syndromes. La multiplication d’échelles
quantitatives (alexithymie, mécanismes de défense, dépression, attachement…) vise à apporter divers
éclairages sur la psychopathologie sous-jacente du trouble borderline tel que défini par le DSM. Mais
les tests projectifs Rorschach et T.A.T. sont particulièrement utiles aux cliniciens souhaitant
approfondir l’organisation psychique du sujet selon une approche psychodynamique et affiner leur
diagnostic. Ils permettent de mettre en exergue la structure de la personnalité latente, sous-jacente
aux manifestations cliniques visibles. Ce sous-projet « projectifs », consiste donc d’une manière
générale, à reconsidérer les objectifs de la recherche générale, en les enrichissant de l’approche de la
dimension intrapsychique permise par les épreuves projectives. Les principaux objectifs de travail
sont d’abord de comparer les diagnostics obtenus d’une part par le SIDP-IV (selon des critères type
DSM) et d’autre part par les méthodes projectives, de comparer différentes dimensions
psychopathologiques quantifiées par des outils d’évaluation scientifique aux données cliniques
résultant des épreuves projectives chez les adolescents présentant un trouble de personnalité de type
borderline.
L’hypothèse générale est qu’on retrouvera grâce à la clinique projective un enrichissement sur
la connaissance des critères spécifiques au trouble borderline, celui-ci correspondant soit à des
aménagements de type « limite », soit à des aménagements de type « narcissique » chez le sujet.
L’utilisation des épreuves projectives permettra aussi de nuancer les fonctionnements dominants de
personnalité observés en tenants compte d’autres aménagements pouvant être présents, de registres
davantage psychotiques ou névrotiques, et de leur évolution.
Hypothèse 1 : nous pourrons observer un recoupement entre les données quantitatives
symptomatologiques
caractérisant
la
dite
« Personnalité
Borderline »
et
les
données
psychodynamiques issues des tests projectifs caractérisant les fonctionnements limites et
narcissiques, avec une prédominance du fonctionnement limite. Si cette hypothèse n’est pas vérifiée,
il sera intéressant de voir les différents types d’organisation psychique susceptibles de recouvrir
l’appellation de « Personnalité Borderline » selon les critères du DSM.
Hypothèse 2 : certains indices aux protocoles de tests projectifs, tels que la gestion face aux planches
couleurs au Rorschach, pourront être liée au caractère alexithymique et à la régulation des émotions
et l’impulsivité chez les sujets borderline.
Hypothèse 3 : certains indices particuliers des aménagements « limites » dans les protocoles de tests
projectifs, pourront avoir une valeur prédictive de l’apparition ou de l’évolution du trouble
borderline.L’intérêt de l’éclairage clinique par l’utilisation des épreuves projectives se présente à la
fois dans une valeur exploratoire et dans une valeur prédictive.
Hypothèse
4,
concernant
plus
particulièrement
les
adolescents
:
Les
potentialités
transformationnelles de l’organisation psychique propres au processus adolescent et la capacité
d’inscription dans un réseau de soins psychothérapeutiques permettent d’observer des remaniements
du fonctionnement psychique, en particulier des mécanismes identificatoires, chez le sujet après un
délai de deux années.
Cette recherche intègre la collaboration de plusieurs équipes bisontines (psychiatre, linguistes,
psychologues) des Universités de Dijon (Pr Benony), de Paris 8 ( Mickaël Villamaux,) et de Paris 5.
(Nathalie de Kernier) de Bordeaux 2 (Donatienne Van den Bulke, maître de conférences.), de
Lausanne (Supea, Dr Stephan), de Bruxelles (F. De Gheest, Véronique Delvenne)
Pour une part importante d’entre elles, les recherches présentées ci-dessus pourront être mises
en oeuvre à l’intérieur d’une action collective, engagée dans le cadre de la Maison des Sciences de
l’Homme.
Action proposée au comité de pilotage du pôle 2 MSH Claude Nicolas Ledoux en avril
2006, mais qui pourra faire l’objet d’un PPF
Cette action de recherche est une action pluridisciplinaire engagée au sein de l4ufr Sciences
du Langage, de l’Homme et de la Société par trois Laboratoires : le laboratoire de psychologie, le
laboratoire de sociologie et l’ISTA-METI. Elle regroupe d’ores et déjà 20 chercheurs de ces trois
laboratoires. Elle engage évidemment des partenaires extérieurs, appartenant à d’autres Universités
et qui sont référés dans le texte présenté ici, relativement aux diverses sous actions prévues.
Il s’agit d’une Approche psycho-socio-historique de la transmission des savoirs
professionnels et familiaux.
Cette action articule un ensemble de recherches, recherches qui se réaliseront entre 2006 et
2010 et qui seront ponctuées de sous-actions portant sur la thématique « Transmission des savoirs
professionnels et familiaux ».
L action de recherche proposée au pôle 2 a pour objectif de contribuer à la compréhension
de l'acte et des processus de transmission des savoirs dans des situations de travail et dans des
situations familiales
A partir de l analyse, dans des contextes socio-historiques différents, des
processus de transmission de savoirs, nous tenterons de contribuer au renouvellement de l analyse
des mécanismes sociaux et des modalités de transmission à partir de différents éclairages
scientifiques (socio-anthropologique, historique, et psychologique).
Les travaux de recherches
empiriques mettront au travail plusieurs concepts fondamentaux:
-
le concept de savoirs professionnels, de représentations familiales
-
le concept de compétence professionnelle, de compétence familiale ou parentale
-
le concept de transmission intergénérationnelle
Cette action de recherche qui se déroulera durant quatre années sera ponctuée de journées
d’étude de la plupart des chercheurs concernés pour travailler au croisement des données recueillies.
Ces journées d’étude auront lieu de façon régulière (1 fois par trimestre tout au long de la recherche).
A partir de ces travaux seront co-organisés, avec les collègues français et internationaux
engagés dans ce projet colloques internationaux, à raison d’un colloque annuel ouvert à l’ensemble
de la communauté scientifique