BMVR. Bibliothèque Raoul Mille Club lecture Mars 2015

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BMVR. Bibliothèque Raoul Mille Club lecture Mars 2015
BMVR. Bibliothèque Raoul Mille
Club lecture
Mars 2015
L'élixir d'amour
Eric-Emmanuel Schmitt
Albin Michel , 2014
Ce roman épistolaire entre deux anciens conjoints dont la relation
s’est terminée il y a peu, nous montre plusieurs aspects, plusieurs
manières d’aborder l’amour. Tout réside dans les idées, les thèmes
abordés et l’évolution des sentiments amoureux des deux
protagonistes. Assez jubilatoire dans sa forme, cet échange de
courriers électroniques entre deux anciens amants, désormais
séparés par un océan, séduit aussi par son écriture: il faut dire que
l'homme manie toujours aussi bien le sens de la formule et du bon
mot. Louise et Adam se sont aimés follement puis ils se sont
séparés. Il est resté à Paris, elle est partie à Montréal. Il décide de
lui écrire pour renouer le contact. De lettre en lettre, ils explorent
leur passé et exposent leur présent. Le sentiment amoureux reste
au cœur de leurs discussions. Adam fanfaronne, annonce à Louise
qu'il est capable de provoquer l'amour quand il le souhaite. Elle le
prend au mot et lui lance un défi…
La petite communiste qui ne souriait jamais
Lola Lafon
Actes Sud, 2014
Nous sommes en 1976, aux jeux olympiques de Montréal. Nadia
Comaneci, vient d'effectué son exercice sur la poutre devant une
salle médusée, des spectateurs aux juges en passant par les
gymnastes des autres équipes.
En moins d'une minute, tout le monde est sous le charme et on
attend la note qui tarde à venir et finit par s'afficher : 1 virgule zéro,
zéro ??? Que se passe-t-il ? Nadia a-t-elle fait une grosse bêtise
que son entraîneur (Béla Karoly) n'a pas vue ? La foule conspue les
jurés. Et le soudain le président du jury fait signe à Nadia : les deux
mains en écartant les doigts.
En fait, la petite fée a obtenu la note maximum, mais ceci n'était pas
prévu dans l'ordinateur !!! le petit écureuil (c'est ainsi que Béla
appelle ses gymnastes) a même détraqué la machine sensée être
infaillible.
Ensuite, le livre raconte la façon dont les petites filles ont été
choisies et entraînées par Béla qui a fondé sa propre école, non
sans mal, car c'est le règne du génie des Carpates : Ceausescu. On
découvre donc les entraînements, la vie de ces petites filles pour
arriver au stade de la compétition.
Il y a un va et vient permanent entre la vie de Nadia et celle de la
dictacture des Ceausescu et leur évolution réciproque….
Ce roman, comme le dit d'emblée son auteure, n'est pas une
biographie exhaustive de Nadia Comaneci. Lola Lafon imagine un
dialogue entre elle et Nadia pour tenter d'expliquer ce qu'on ne sait
pas vraiment et faire la part de la réalité et de ce que la presse a pu
écrire (ces chapitres-là sont écrits en italique car on ne sait pas s'il y
a des choses vraies ou s'il s'agit de ses spéculations).
L'auteure met très bien en évidence le formatage de ces petites
filles qui ont six ans en moyenne quand débute l'école. Elles sont
affamées, on compte les calories sans arrêt car elles doivent rester
menues, peser le moins possible. Sur le plan de la gymnastique,
l'entraînement est inhumain, elles s'entraînent pendant des heures,
les mains pleines d'ampoules, se lancent dans le vide sans savoir
qu'elles risquent leur vie(ou la paralysie) à chaque saut, mais Béla
dit qu'elles peuvent le faire et doivent le faire car il leur donne tout !!!
Elles obéissent toutes, Nadia plus que les autres, car elle est
perfectionniste, donc prête à tous les sacrifices pour Béla et pour la
Roumanie. Cela va jusqu'aux vomissements tellement elle a peur
de peser cent grammes de trop au contrôle et finira par des troubles
du comportement alimentaire (alternance anorexie et boulimie). La
perversité de cet entraîneur est sans limite et il exerce une emprise
terrible sur ses « petits écureuils » comme il les appelle. Nadia le
considère probablement comme un père de substitution, donc elle
obéit pour qu'il l'aime.
Un livre dur, qui fait réfléchir sur beaucoup de choses. On se pose
beaucoup de questions sur les conditions de vie de ces athlètes.
Dopage ? Quel était ce fameux régime spécial ? Les pubertés
retardées évidentes ???
Petites recettes de bonheur pour les temps difficiles
Suzanne Hayes, Loretta Nyhan
Belfond , 2014
Les romans épistolaires nous donnent souvent l'impression d'être
proches des personnages. Ici, deux femmes, Glory 23 ans et Rita
41 ans, toutes deux épouses de soldats pendant la Seconde Guerre
Mondiale, vont échanger des lettres afin de lutter contre la peur et la
solitude. Bien que vivant à des centaines de kilomètres l'une de
l'autre aux Etats-Unis, elles vont apprendre à se découvrir et une
véritable amitié va se tisser.
Glory est une jeune mariée, déjà maman d'un petit garçon et
enceinte d'un deuxième bébé.
Rita, elle, vit seule depuis que son mari et son fils se sont tous les
deux engagés.
D'abord pudiques et timides, leurs lettres vont devenir une source
de joie et une vraie bouée de sauvetage pour ces deux femmes
rongées par l'angoisse.
Leurs échanges sont drôles, simples, plein de fantaisie, de conseils,
de petits secrets et de vraies révélations. Nous en arrivons à avoir
le sentiment de connaître personnellement ces deux femmes et
tous leurs proches.
Un joli roman, écrit à quatre mains, qui restitue bien l'ambiance de
ces années de guerre et met en lumière deux belles personnes,
aussi naturelles que généreuses, aussi timorées que colériques,
bref, deux femmes imparfaites auxquelles on adorerait ressembler.
Ces échanges seront ponctués de petites recettes culinaires que
l'une et l'autre vont découvrir parce qu'à l'époque où le rationnement
est de mise, il n'est pas toujours évident de trouver des idées de
repas qui sortent du lot.
Trois ans de correspondance, autant de partage de recettes, de
conseils de jardinage, de confidences inavouées… pour l’une des
plus belles histoires d’amitié jamais écrites.
Un ouvrage salutaire qui fait du bien!
A l'origine notre père obscur
Kaoutar Harchi
Actes Sud, 2014
L’héroïne est née dans « la maison des femmes », cette « maison
des délits du corps » où sont enfermées, exilées, rejetées, des
épouses, des filles, des sœurs, jugées impures, comme sa mère,
toute à son immense chagrin d’avoir perdu son amour réel.
Elle va grandir dans cet enfermement étouffant, dans le silence des
non-dits, rejetée petit à petit par sa mère…Mais peu à peu, elle va
s’approprier son corps et sa singularité.
A la mort de sa mère, elle va oser affronter l’extérieur, retrouver la
maison familiale où réside son père.
Elle se rendra compte qu’elle n’y a pas sa place, que son père,
entrevu, est en quelque sorte aussi une victime de la famille, du
« clan ». On la sent alors devenir plus forte, devenir elle-même.
On comprend tout au long du récit, la tension entre le poids de la
tradition et le désir d’exister pour certaines.
La jeune fille entrevoit au fil des années l’histoire de sa mère, grâce
à quelques confidences chuchotées à d’autres, et à la découverte
de carnets intimes. Et c’est cette vérité qui lui permettra d’oser
parler aux femmes et aux hommes du » clan », de commencer à
s’aimer elle-même, et de conquérir sa liberté.
C’est très symbolique, poétique, ça suggère plutôt que ça ne décrit
précisément l’enfermement des femmes, de la femme, leur
asservissement, la violence qui leur est faite, mais que malgré tout
elles transmettent...
Une fille, qui danse
Julian Barnes
Gallimard, 2014
Ce roman se compose de deux parties:
La 1ère raconte l'histoire de trois jeunes Anglais équivalents de nos
lycéens plus un nouveau qui va faire partie de leur groupe et pour
lequel le narrateur va éprouver beaucoup d'admiration jusqu'au jour
où celui-là sort, avec son ex-petite amie, après lui avoir demandé la
permission . Ces jeunes gens sont bien de leur temps, rebelles à
souhait avec leurs profs, leurs parents et les adultes en général qui
ne comprennent rien à rien. Ce n’est pas comme eux qui ont une
réelle appréhension du monde......
La 1ère partie s'arrête quand on apprend que ce quatrième garçon
s'est suicidé à 24 ans.
La 2ème partie raconte l'héritage que ce jeune suicidé laisse au
narrateur à savoir son carnet intime que l'ex-petite amie ne veut pas
lui faire parvenir.
Cette deuxième partie est consacrée à la vie de ce jeune disparu
avec sa compagne et finalement les raisons de son suicide.
Le roman est écrit par le narrateur à la retraite qui revient sur son
passé et sur lequel il réfléchit. Les thèmes de la responsabilité, de la
culpabilité et de la recherche de sa personnalité sont évoqués.
Roman passionnant sur la jeunesse qui se cherche et sur les
difficultés qu'elle rencontre pour se construire.
Roman initiatique ( à faire lire à tous les élèves de seconde et de
première)
Les tribulations du dernier des Sijilmassi
Fouad Laroui
Julliard, 2014
Adam Sijilmassi, ingénieur apprécié par ses collègues et ses
patrons, revient chez lui, par avion.
Et soudain, il se pose cette question inquiétante : que fais-je ici ?
dans cet avion, à une vitesse hallucinante, alors que mon père et
mon grand- père n’ont jamais dépassé la vitesse d’un âne au
trot ?...
Illumination.
Il plaque tout : vie professionnelle, vie familiale.
Il commence par vouloir rentrer à pied à Casablanca, malgré les
mises en garde des passants.
Il veut redevenir un Marocain authentique. Son bel appartement de
fonction lui est retiré, sa femme, nettement moins intéressée, le
quitte.
Il part, toujours à pied, vers son village natal, retrouve la maison
familiale gardée par une tante, et se replonge dans la bibliothèque
de son grand-père. Grandes interrogations littéraires et
philosophiques, grandes interrogations sur les religions.
Dans son village personne ne le comprend : c’est un fou ? un
prophète ?
C’est drôle, ironique parfois, érudit et facile à comprendre en même
temps, mais ça pose une vraie question : comment détruire les
murs que des forces obscures sont en train d’ériger entre l’orient et
l’occident ?
Seul bémol, l’abondance de digressions et de parenthèses, qui
freinent au début la réflexion…
J’ai adoré !
Paul Veyne
Et dans l’éternité, je ne m’ennuierai pas
Albin Michel, 2014
(Prix Femina essai 2014)
Agé de 85 ans, l’auteur, professeur honoraire au Collège de France,
nous livre les souvenirs d’une existence tout entière structurée par
la passion du savoir et de l’érudition
L’antiquité gréco-romaine a été, pour lui, une source inépuisable de
plaisir : elle inspire ses recherches, ses ouvrages et une sagesse
faite de scepticisme.
A cette euphorie intellectuelle se mêle des anecdotes savoureuses,
des expériences personnelles parfois douloureuses. L’homme se
dévoile sans fausse pudeur, revenant sur sa famille de petits
bourgeois provençaux, son engagement au parti communiste, ses
amitiés, ses amours (il a été marié trois fois) et ses peines.
Au total, une belle leçon de vie, un livre jubilatoire plein d’humour et
d’une sagesse d’un autre âge.