Pourquoi Alstom souffle le chaud et le froid
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Pourquoi Alstom souffle le chaud et le froid
Pourquoi Alstom souffle le chaud et le froid Alstom a conclu un accord pour la construction de 28 trains de nouvelle génération pour la ligne Boston-Washington mais a perdu un appel d'offres sur 44 locomotives lancé par Akiem. Alstom qui pleure, Alstom qui rit. En quelques jours, le fabricant de trains métros et tramways est passé par toute la palette des émotions. Commençons par la bonne nouvelle. Vendredi dernier, le groupe dirigé par Henri Poupart-Lafarge concluait avec la compagnie ferroviaire américaine Amtrak un accord pour la construction de 28 trains de nouvelle génération pour la ligne Boston-Washington. Un contrat d’1,8 milliard d’euros. Un contrat historique. Pour la première fois, le Français allait vendre ses TGV aux Etats-Unis. Dans l’Hexagone, cette signature a été abondamment commentée. D’autant que c’est le viceprésident américain Joe Biden qui l’a annoncée lors d’une cérémonie dans le Delaware. Ce succès est de bon augure pour l’avenir. Il pourrait servir de tremplin à Alstom pour vendre sa technologie dans d’autres Etats, comme la Californie (ligne San Francisco-Los Angeles prévue pour 2020) ou le Texas où plusieurs lignes sont à l’étude. L’euphorie autour de ce contrat ne doit cependant pas faire oublier une affaire qui s’est déroulée quelques jours plus tôt et qui cette fois a été perdue par Alstom. Il s’agit d’un appel d’offres sur 44 locomotives lancé par Akiem, société détenue à parité par la SNCF et Deutsche Bank. Avec sa proposition à 140 millions d’euros, Alstom pensait être compétitif. Que nenni. Akiem a choisi un allemand. Et non, il ne s’agit pas de Siemens, mais de Vossloh, un groupe inconnu du grand public mais champion des locomotives haut de gamme. Ce contrat perdu soulève plusieurs questions. La première est d’ordre stratégique. Confronté à la concurrence chinoise qui casse les prix sur le marché du matériel roulant, le PDG Henri Poupart-Lafarge a décidé de se diversifier vers des activités plus rémunératrices comme les services, la maintenance, la signalisation. « Dans le monde, une trentaine de compagnies sont capables de fabriquer un tram, nous disait au début de l’été Bruno Marguet, responsable de la stratégie d’Alstom. Mais seulement trois ou quatre peuvent vendre des contrats pour des projets clés en main intégrant à la fois le matériel roulant, l’infrastructure et la signalisation. » Calme plat sur le marché français Le Français vise logiquement le marché des mega contrats. Mais dans ce cas, pourquoi s’attaquer à un secteur de niche comme celui d’Akiem où l’appel d’offres portait sur du matériel très spécifique – des locomotives diesel de manœuvre ayant un champ de vision de 360 degrés? Selon les spécialistes du secteur, l’affaire était pliée dès le départ. Alstom avait très peu de chances de l’emporter. La seconde question concerne évidemment l’emploi. Le contrat avec Amtrak reviendra en grande partie au site américain d’Alstom situé à Hornell (Etat de New York). Les salariés français n’en bénéficieront qu’à la marge. Tous fondaient de grands espoirs sur le marché Akiem. L’échec a eu l’effet d’une douche froide. Une douche froide accentuée par le fait que le groupe se porte plutôt bien. Le carnet de commande, proche de 30 milliards d’euros, n’a jamais été aussi élevé. Cela grâce l’exportation (Inde, Afrique du Sud, Arabie Saoudite…) Car pour le marché français, c’est le calme plat. « Il y a la perspective des futurs appels d’offre pour le Grand Paris et les trains d’équilibre du territoire, mais pour le moment, on n’a pas reçu l’ombre d’une commande, déplore Claude Mandart, coordinateur CFE-CGC d’Alstom France. Vu la faiblesse du plan de charge de nos trois grands sites (Belfort, Ornans, Reichshoffen), on craint un processus de rationalisation qui conduise à la fermeture de l’un d’entre eux.» Pour l’expert Arnaud Aymé, consultant au cabinet Sia-Partners, l’enjeu est ailleurs. Le salut des unités françaises dépend en premier lieu des perspectives économiques de leur plus gros client, la SNCF. Or c’est un secret de Polichinelle, la société de Guillaume Pépy, percluse de dettes, navigue à vue. « Tant que l’Etat n’aura pas résolu le plan de financement des infrastructures ferroviaires, il n’y aura pas de visibilité pour les usines françaises d’Alstom», indique Arnaud Aymé. Nicolas Stiel, le 30 août 2016