Mon portrait dans La Croix

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Mon portrait dans La Croix
Autrement dit
jeudi 7 juin 2012
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PORTRAIT En fonction jusqu’au 19 juin, le président de l’Assemblée nationale, le seul dirigeant UMP
à occuper un poste de premier plan à la tête de l’État, entend « faire de la politique » jusqu’au bout
Bernard Accoyer,
praticien
de la politique
avait réservé son premier meeting au
lendemain de sa déclaration de candidature. Défenseur d’une « République française laïque », Bernard Accoyer mène
campagne sur des combats qu’il a portés
au Palais-Bourbon. Défavorable au mariage homosexuel, il est opposé à la légalisation de l’euthanasie et au droit de vote
des étrangers car « il y a des transgressions
qui (lui) paraissent inquiétantes pour une
société qui les franchit ».
Comme ses prédécesseurs,
Bernard Accoyer
a eu à cœur de réformer
l’institution parlementaire.
Accroché à ses montagnes, véritable
« saisonnier » du ski en hiver et de vélo
en été, Bernard Accoyer « ne supporte pas
de passer un seul week-end à Paris ». Médecin otorhinolaryngologiste, il n’exerce
plus mais continue de donner des conseils
tous les jours par téléphone. « Pour le
fun », pour se faire plaisir. Les Alpes, la
médecine : « Je viens de la vie normale,
explique-t-il et le « perchoir » de président
est un poste « pour le moins improbable
pour un homme qui a eu trente ans de
vraie vie avant d’entrer en politique ». Son
ami le questeur UMP Philippe Briand
acquiesce : « C’est un type courageux et
un homme modeste. Il avait une situation
professionnelle et n’était pas prédestiné à
faire de la politique. »
Pour le coup, il a su patiemment en
franchir les cols. Comme ses prédécesseurs, Bernard Accoyer a eu à cœur de
réformer l’institution parlementaire : ouvrir les débats aux nouvelles technologies,
faire des économies (180 millions d’euros
en cinq ans), contrôler l’action du gouvernement et donner plus de droits à
l’opposition. « Il n’est pas dans la palabre
politique, il cherche à faire pratique, estime
Philippe Briand. Son pouvoir, ce n’est pas
pour s’en servir mais pour servir. » La réforme de la Constitution en 2008 et celle
du règlement de l’Assemblée nationale
REPÈRES
Entre Annecy et Paris
PP12 août 1945 Né à Lyon
(Rhône), Bernard Accoyer est
marié et père de trois enfants.
PP1978 Médecin
otorhinolaryngologiste,
docteur de la faculté de
médecine de Lyon, il a renoncé
à une passion d’adolescence
pour le design industriel.
PP1989 Élu maire RPR
Jean-Christophe MARMARA / Le Figaro
Être le dernier des Mohicans ne semble
pas lui déplaire. Après la bataille présidentielle qui a conduit à la défaite de
Nicolas Sarkozy et à la démission du gouvernement de François Fillon, Bernard
Accoyer, seul dirigeant UMP encore en
fonction au sommet de l’État, pourrait
présenter tous les symptômes du « syndrome du survivant ». Au contraire, il n’y
a chez lui aucune trace de stress ni de
culpabilité. « C’est plutôt agréable d’être
le dernier, confie-t-il. Mais cela m’impose
des devoirs. » Président de l’Assemblée
nationale et, à ce titre quatrième personnage de l’État, jusqu’au 19 juin, date de
la fin du mandat des députés de la 13e législature, Bernard Accoyer est déterminé
à mener sa mission « jusqu’à la dernière
minute ». Et à « faire de la politique »
jusqu’au bout.
Dès les premiers jours du nouvel exécutif socialiste, il s’est employé à dénoncer la méthode du gouvernement consistant à restaurer par décret la retraite à
60 ans pour les personnes ayant commencé à travailler tôt. « Je suis dans mon
rôle. Il est normal que je sonne l’alerte car
c’est une mauvaise façon faite au Parlement. » En défenseur du « bon fonctionnement de la démocratie parlementaire »,
ce conseiller politique de l’UMP a multiplié les demandes d’audience au président
de la République et au premier ministre,
ou d’audition de la ministre des affaires
sociales devant la commission parlementaire. Ancien rapporteur de la réforme
des retraites Raffarin-Fillon de 2003 et
farouche opposant des 35 heures instaurées par Lionel Jospin, il ne manque pas
de réflexes politiques.
Mais autant il est prêt à aller au combat
contre la gauche, autant il se tient à l’écart
des rivalités de la droite. Comme à
l’époque des tensions entre Dominique
de Villepin et Nicolas Sarkozy entre lesquels il jouait les « casques bleus » (1),
Bernard Accoyer prend soin de ne pas
prendre parti pour Jean-François Copé
ou François Fillon dans la guerre des chefs
pour le contrôle de l’UMP. À la veille du
premier tour des élections législatives, il
ne donne qu’un seul mot d’ordre : « unité ».
« Aucune bataille n’est jamais ni perdue
ni gagnée d’avance. Il faut faire campagne
jusqu’à la dernière minute, conseille-t-il
à ses amis politiques. C’est une élection à
quatre tours et les législatives peuvent encore réserver des surprises. »
À 66 ans, Bernard Accoyer sait de quoi
il parle, lui qui a été élu « par surprise et
contre toute attente » maire d’Annecy-leVieux en 1989. Député sans cesse réélu
depuis 1993, dans cette Haute-Savoie
d’adoption où le gaulliste Pierre Mazeaud
lui avait proposé de s’engager dans les
années 1980, il ne semble pas menacé
par le nouveau scrutin. Le département
reste fortement ancré à droite. C’est
d’ailleurs à Annecy que Nicolas Sarkozy
Bernard Accoyer, à la veille des élections législatives, ne donne qu’un seul mot d’ordre : unité.
en 2009 « marchent », s’enorgueillit Bernard Accoyer. « Elles ont mis un terme à
l’obstruction, cette pratique enfantine qui
affaiblissait le Parlement. »
« Le développement des activités d’évaluation est une avancée », reconnaît Jean
Mallot, vice-président PS de l’Assemblée
nationale, qui met toutefois un bémol aux
« prétendus » droits nouveaux de l’oppo-
d’Annecy-le-Vieux
(Haute-Savoie), après
avoir battu le député UDF
et maire sortant Jean Brocard.
Réélu en 1995, 2001 et 2008.
PP1992 Conseiller général de
la Haute-Savoie, il a connu
une rare défaite aux élections
régionales de la même année.
PP1993 Député de
la première circonscription
de la Haute-Savoie,
il a été réélu en 1997, 2002
et dès le premier tour en 2007.
PP2004 Président du groupe
UMP à l’Assemblée nationale,
il succède alors à
Jacques Barrot, après avoir
été premier vice-président
du groupe de 2002 à 2004.
PP26 juin 2007 Président
de l’Assemblée nationale.
Il succède à Patrick Ollier
(mars-juin 2007)
et à Jean-Louis Debré
(juin 2002-mars 2007).
sition : « Cela n’a pas de réalité. Ce sont
des améliorations marginales. » En tout
cas, cette révision du règlement, en particulier l’instauration d’un « temps législatif programmé », a valu à Bernard Accoyer « deux ou trois moments chauds »
comme cet « incident quasiment violent »
lors du débat sur les retraites en 2010.
L’opposition lui reproche d’être sorti de
sa neutralité. « Le président de l’Assemblée
nationale doit être au-dessus, souligne
Jean Mallot. Un bon président doit être le
garant des droits de l’opposition et de l’impartialité de la présidence. »
Au moment de regarder dans le rétroviseur, Bernard Accoyer veut se souvenir
des belles choses, à commencer par les
plus émouvantes. « Le combat héroïque
de Patrick Roy », ce pétulant député socialiste à la veste rouge emporté par un
cancer, « est sûrement le souvenir le plus
fort de ma présidence ». « Il est comme ça,
dit Philippe Briand. Il aime les autres. ».
CORINNE LAURENT
(1) Un homme politique peut-il dire toute la vérité ?,
Bernard Accoyer, Éditions Jean-Claude Lattès.