Les décisions autorisant la résiliation d`un bail agricole
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Les décisions autorisant la résiliation d`un bail agricole
État Les décisions autorisant la résiliation d’un bail agricole doivent-elles être motivées? Résumé Les décisions préfectorales autorisant la résiliation d’un bail agricole avec cessation de l’affectation agricole des terres ne sont pas soumises à l’obligation de motivation prévue par la loi du 11 juillet 1979. Décisions préfectorales autorisant la résiliation d’un bail agricole avec cessation de l’affectation agricole des terres Loi du 11 juillet 1979 Champ d’application Exclusion Conséquences Absence d’obligation de motivation. CE (5/4 SSR) 11 juillet 2008, M. Crouzet, req. n° 310624 – M. Rossi, Rapp. – Mme de Salins, C. du G. Décision qui sera mentionnée dans les tables du Recueil Lebon. Conclusions Catherine de Salins, commissaire du gouvernement Cette affaire va vous donner l’occasion de préciser si les décisions préfectorales autorisant la résiliation d’un bail agricole avec cessation de l’affectation agricole des terres doivent être motivées. Si des conclusions de vos commissaires du gouvernement sont venues éclairer cette question, vous ne l’avez pas encore clairement tranchée. Les consorts Croizier possèdent à Campagnac, dans l’Aveyron, 22 ha de terres qu’ils louaient à un agriculteur, M. Crouzet, mais qu’ils ont souhaité reprendre afin d’y créer un enclos pour l’entraînement des chiens à la chasse du sanglier. L’article L. 411-32 du code rural prévoit deux hypothèses dans lesquelles un bail rural peut être résilié en vue de mettre fin à la destination agricole des terres. La première, qui n’est pas en cause en l’espèce, concerne des parcelles dont la destination rurale peut être changée et qui se trouve en zone urbaine en application du plan local d’urbanisme ou du document d’urbanisme en tenant lieu. La seconde couvre les autres cas et nécessite une autorisation préfectorale délivrée après avis de la commission consultative des baux ruraux. L’autorisation a été délivrée aux consorts Croizier par le préfet de l’Aveyron le 30 décembre 2002. Bien qu’il exploite au total 239 ha, M. Crouzet n’a pas accepté la perte de l’exploitation de ces 22 ha. Il a contesté la validité du congé devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Millau, en invoquant l’illégalité de la décision préfectorale. Par jugement en date du 7 septembre 2004, le tribunal a sursis à statuer jusqu’à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur cette question préjudicielle. M. Crouzet 1 Req. n° 259019 : au Lebon sur ce point, p. 571. 2 CE S. 9 décembre 1983, Vladescu : Rec., p. 497. en a saisi le tribunal administratif de Toulouse qui, par jugement en date du 13 février 2006, a déclaré non fondée l’exception d’illégalité soulevée contre la décision préfectorale. M. Crouzet a saisi dans les délais la cour administrative d’appel de Bordeaux d’un appel que celle-ci vous a, à juste titre, transmis en novembre 2007, le Conseil d’État étant demeuré juge des appels contre les jugements rendus sur les recours en appréciation de légalité. la loi du 11 juillet 1979 ne peut être adoptée qu’après que la personne intéressée ait été mise à même de présenter des observations écrites et le cas échéant orales. Mais cette solution est trop implicite pour que vous puissiez vous en tenir là. L’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 impose que soient motivées les décisions individuelles défavorables ayant certains objets limitativement énumérés. Nous n’insisterons pas sur le fait que l’autorisation de résilier un bail rural constitue une décision individuelle. Obligation de motivation ? La principale question que pose cet appel est celle de savoir s’il existe une obligation de motivation des autorisations de résiliation de bail. Vous constaterez tout d’abord que le code rural ne comporte pas d’obligation de motiver ces autorisations préfectorales. C’est donc au regard de la loi du 11 juillet 1979 que la question doit être examinée. Dans votre décision CE 20 décembre 2006, M. et Mme Matringhem 1, vous avez jugé que l’autorisation de résilier un bail prive le preneur du droit d’utiliser et d’exploiter les parcelles dont le bailleur entend changer la destination. Elle nécessite que, avant de la délivrer, le préfet s’assure que la résiliation du bail ne porte pas une atteinte excessive à la situation du preneur. Dans ces conditions, une telle décision ne peut légalement intervenir sans que le preneur ait été mis en mesure, en application du principe général des droits de la défense, de présenter ses observations. Vous vous êtes donc fondés sur le principe général des droits de la défense et non sur les dispositions de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 en vertu desquelles une décision qui doit être motivée en vertu des articles 1er et 2 de 726 Bulletin Juridique des Collectivités Locales n° 10/08 Décision défavorable ? S’agissant du caractère « défavorable » de la décision, vous avez jugé qu’il doit s’apprécier en fonction des seules personnes directement concernées par la décision 2. Il serait possible et raisonnable de considérer que le titulaire du bail bien que n’étant pas le destinataire de l’autorisation est directement concernée par celle-ci. Il se trouve dans une situation « spéciale » par rapport aux autres tiers au regard de cette décision puisqu’elle permet de mettre fin à un bail qui le lie au demandeur et nécessite de respecter ses droits à se défendre. Mais vous avez aussi jugé sur le fondement des mêmes dispositions que le caractère défavorable d’une décision statuant sur une demande d’agrément présentée sur le fondement de l’article L. 313-12 du code de l’action sociale et des familles s’apprécie par rapport à la personne qui fait cette demande et qu’ainsi un syndicat requérant qui n’est pas signataire d’un accord-cadre ni de ses avenants ne peut utilement critiquer un arrêté agréant cet accord et ses avenants en soutenant qu’il aurait dû être motivé 3. État Cette solution peut se lire comme limitant l’appréciation de la portée de la décision en fonction de son demandeur lorsqu’il en existe un : cette interprétation conduit à exclure l’autorisation de résiliation du champ de l’article 1er de la loi puisqu’elle donne satisfaction au demandeur. Ce précédent peut aussi tenir à la difficulté de définir dans quelle mesure un accord collectif est favorable ou non aux salariés concernés ce qui explique que vous ayez limité au demandeur la personne à l’égard de laquelle le caractère défavorable doit s’apprécier. Cependant, vous remarquerez que vous avez également dénié le caractère défavorable à une attribution de fréquences de radio 4 alors qu’elle se fait au détriment d’autres candidats en nombre limité et connus (il est vrai que ceux-ci sont destinataires d’une décision de refus d’attribution qui elle doit être motivée). Dans ces conditions et afin d’assurer une unité d’interprétation de ces dispositions, nous vous proposons de considérer que la décision litigieuse n’est pas défavorable puisqu’elle donne satisfaction aux demandeurs, les consorts Croizier. En tout état de cause, l’autorisation de résiliation ne se laisse rattacher à aucune des rubriques limitativement énumérées par l’article 1er, en particulier : – elle ne restreint pas par elle-même l’exercice d’une liberté publique ; – elle ne retire pas ni n’abroge une décision créatrice de droits, une telle décision s’entendant d’une décision prise par l’administration ; – elle n’impose pas de sujétion, les sujétions dont il est question étant des obligations imposées par l’administration dans un but d’intérêt général. La décision dont il vous est demandé d’apprécier la légalité n’entre donc pas dans le champ d’application de l’article 1er de la loi. Décision dérogatoire ? Plus délicate à apprécier est la question de savoir si elle entre dans le champ de son article 2 aux termes duquel « doivent être motivées les décisions administratives qui dérogent aux règles générales fixées par la loi » ? M. Crouzet invoque expressément ces dispositions. Vous les avez interprétées comme : – imposant la motivation de l’autorisation accordée à titre dérogatoire d’ouvrir une pharmacie là où l’application des règles de droit commun conduirait à la refuser 5 mais comme ne s’appliquant pas aux décisions relatives à l’ouverture des pharmacies mutualistes qui obéissent à un régime à part, valables pour toute cette catégorie de pharmacies 6 ; – s’appliquant à un décret qui autorise à titre temporaire une compagnie aérienne à affréter des avions étrangers pour assurer la liaison entre deux points du territoire français 7 mais pas à un décret autorisant une personne à changer de nom, une telle demande pouvant être présentée par toute personne ayant de bonnes raisons de changer de nom 8. Au regard des principes que dessine cette jurisprudence, l’obligation de motivation ne joue que lorsque la décision vient déroger à une interdiction de droit commun ou à une situation dans laquelle l’application des règles du droit commun conduirait à refuser mais pas lorsqu’elle s’inscrit dans un régime plus large subordonnant la possibilité d’agir dans un certain sens à une autorisation administrative en vue de permettre à l’administration d’exercer un contrôle sans que l’on puisse en déduire que le régime de droit commun conduirait à un refus. Les dispositions du code rural relatives à la résiliation d’un bail rural traduisent assurément la volonté d’encadrer et de limiter les possibilités de résiliation. Elles comportent des règles différentes qui visent à couvrir la variété des cas de figure qui peuvent se présenter, certaines dispositions prévoyant des possibilités de résiliation de plein droit (cas où le bien est démoli ou bien où le changement d’affectation résulte de son inclusion dans une zone urbaine d’un plan local d’urbanisme), d’autres soumettant la résiliation à des conditions et à autorisation. Aux termes de l’article L. 411-32 de ce code : « Le propriétaire peut, à tout moment, résilier le bail sur des parcelles dont la destination agricole peut être changée en application des dispositions d’un plan d’urbanisme ou d’un plan d’occupation des sols rendu public ou approuvé. Dans ce dernier cas, la résiliation n’est possible que dans les zones urbaines définies par le plan d’occupation des sols./ En l’absence d’un plan d’urbanisme ou d’un plan d’occupation des sols ou, lorsqu’existe un plan d’occupation des sols, en dehors des zones urbaines mentionnées à l’alinéa précédent, la résiliation ne peut être exercée, à tout moment, sur des parcelles en vue d’un changement de la destination agricole de celles-ci, qu’avec l’autorisation du commissaire de la République du département donnée après avis de la commission consultative des baux ruraux. » Il ne paraît pas possible de déduire de ce cadre législatif le principe d’une interdiction de résilier un bail en cas de changement d’affectation des terres ni que l’autorisation prévue par le 2e alinéa de l’article L. 411-32 de ce code constituerait une dérogation à l’application du droit commun qui conduirait à la refuser. L’autorisation en litige n’est dès lors pas au nombre des décisions qui, en vertu de l’article 2 de la loi du 11 juillet 1979, doivent être motivées. Vous écarterez pour ce motif le moyen tiré de l’insuffisante motivation de l’autorisation préfectorale. Autres moyens Ayant écarté ce premier moyen vous pourrez ensuite aisément écarter les autres qui ne sont pas fondés. Compte tenu de la très faible valeur culturale des terres et de ce qu’elles représentent moins de 10 % de la surface totale de l’exploitation de M. Crouzet, le préfet n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en délivrant cette autorisation : l’atteinte à l’équilibre économique de l’exploitation ne ressort pas des pièces du dossier. Le défaut de notification de la décision peut être de nature à ne pas faire courir les délais de recours à son encontre mais est sans influence sur sa légalité. La nature de l’aménagement que constitue un enclos pour sanglier – touristique ou industriel – et son intérêt sont sans incidence sur l’application de l’article R. 411-32 du code rural. Enfin, comme le tribunal l’a relevé, si la demande des consorts Croizier comportait une erreur sur la superficie qu’il exploite, l’instruction menée par le préfet et le débat contradictoire qui a eu lieu devant lui a permis de rectifier cette erreur qui n’a dès lors eu aucune influence sur la légalité de la décision. Il en résulte que M. Crouzet n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a jugé que la décision préfectorale autorisant la résiliation du bail que le liait aux consorts Croizier n’est pas entachée d’illégalité. Vous rejetterez donc son appel, y compris les conclusions qu’il a présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Nous vous proposons, en revanche, de mettre à sa charge le versement aux consorts Croizier de la somme de 2 000 € qu’ils demandent sur le fondement des mêmes dispositions. Par ces motifs, nous concluons au rejet de la requête d’appel de M. Crouzet et à ce qu’il verse aux consorts Croizier la somme de 2 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. 3 CE 26 février 2003, Syndicat CGT du personnel de l’association les Genêts d’or qui est fiché aux Tables, p. 637 sur d’autres points que celui-là. 4 CE 12 juillet 1993, Association Fréquence 76, req. n° 129278. 5 CE 3 novembre 1982, Mugler : Rec.,T., p. 505. 6 CE 3 novembre 1989, Union des sociétés mutualistes du Boulonnais : Rec.,T., p. 445. 7 CE 5 novembre 1993, Fédération nationale des syndicats de transporteurs CGT et autres : Rec.,T., p. 566. 8 CE 20 janvier 1989, Sommer : Rec.,T., p. 445. Bulletin Juridique des Collectivités Locales n° 10/08 727 État Décision Vu l’ordonnance en date du 8 novembre 2007, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’État le 12 novembre 2007, par laquelle le président de la cour administrative d’appel de Bordeaux a transmis au Conseil d’État en application de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, la demande présentée devant cette cour par M. Gilles Crouzet ; Vu la requête, enregistrée le 9 mai 2006 au greffe de la cour administrative d’appel de Bordeaux, présentée par M. Gilles Crouzet […] ; M. Gilles Crouzet demande : 1°) d’annuler le jugement du 13 février 2006 par lequel le tribunal administratif de Toulouse, statuant sur la question préjudicielle présentée pour M. Crouzet en exécution d’un jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Millau du 7 septembre 2004, a déclaré que la décision du 30 décembre 2002 du préfet de l’Aveyron autorisant l’indivision Croizier et M. Michel Croizier à résilier les baux des parcelles figurant section AO n° 87,88,90 et 102 au cadastre de la commune de Campagnac, exploitées par M. Crouzet, n’est pas entachée d’illégalité ; 2°) de déclarer que cette décision préfectorale est entachée d’illégalité ; 3°) de mettre à la charge des consorts Croizier la somme de 1 500 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; […] Considérant qu’aux termes de l’article L. 41132 du code rural, dans sa rédaction applicable au litige : « Le propriétaire peut, à tout moment, résilier le bail sur des parcelles dont la destination agricole peut être changée en application des dispositions d’un plan d’urbanisme ou d’un plan d’occupation des sols rendu public ou approuvé. Dans ce dernier cas, la résiliation n’est possible que dans les zones urbaines définies par le plan d’occupation des sols. / En l’absence d’un plan d’urbanisme ou d’un plan d’occupation des sols, ou, lorsqu’existe un plan d’occupation des sols, en dehors des zones urbaines mentionnées à l’alinéa précédent, la résiliation ne peut être exercée, à tout moment sur les parcelles en vue d’un changement de la destination agricole de cellesci, qu’avec l’autorisation du préfet du département, donnée après avis de la commission consultative des baux ruraux. La résiliation doit être notifiée au preneur par acte extrajudiciaire » ; Considérant que l’autorisation prévue par ces dispositions a pour effet de priver le preneur du droit d’exploiter les parcelles dont le bailleur entend changer la destination ; qu’avant de la délivrer, il appartient au préfet de s’assurer, que la résiliation du bail ne porte pas une atteinte excessive à la situation du preneur ; que, conformément au principe général des droits de la défense, la décision ne peut légalement intervenir sans que le preneur ait été mis en mesure de présenter ses observations ; qu’en revanche, elle n’entre dans aucune des catégories de décisions qui doivent être motivées en application de la loi susvisée du 11 juillet 1979, et notamment pas dans celle, mentionnée à l’article 2 de cette loi, des décisions administratives individuelles qui dérogent aux règles générales fixées par la loi ou le règlement ; que par suite le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait illégale faute d’être motivée ne peut qu’être écarté ; Considérant que la circonstance que la décision du préfet n’aurait pas été notifiée à M. Crouzet n’est pas de nature à l’entacher d’illégalité ; Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la délivrance de l’autorisation litigieuse a donné lieu, conformément aux dispositions précitées de l’article L. 411-32 du code rural, à une consultation de la commission consultative paritaire des baux ruraux et que M. Crouzet a pu exposer sa situation devant la commission ; que, dans ces conditions, alors même que la demande dont les propriétaires avaient saisi le préfet comportait une indication erronée relative à l’importance de l’exploitation du preneur, le moyen tiré de ce que la décision préfectorale aurait été prise au vu d’informations inexactes ne saurait être accueilli ; Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la perte de 23 ha, dont 20 ha de landes incultes, serait de nature à remettre en cause l’équilibre économique de l’exploitation de M. Crouzet, dont la surface agricole utile sera seulement ramenée de 168 à 166 ha ; qu’ainsi, en autorisant la résiliation du bail, le préfet n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation des effets de cette reprise sur la situation du preneur ; que le moyen tiré de ce que la destination que les propriétaires entendent donner aux parcelles reprises comporterait des nuisances pour les exploitations agricoles avoisinantes ne peut, en tout état de cause, être invoqué utilement à l’encontre de la décision du préfet ; Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. Gilles Crouzet n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a déclaré légale la décision du 30 décembre 2002 du préfet de l’Aveyron ; Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par M. Crouzet au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens soit mise à la charge des consorts Croizier qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante; qu’en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce et en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de M. Crouzet la somme de 2000 € au titre des frais exposés par les consorts Croizier et la somme de 1168 € au titre des frais exposés par l’État; DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. Crouzet est rejetée. Article 2 : M. Crouzet versera, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme globale de 2 000 € à M. Michel Croizier, à Mme Élise Negre, à M. Jean-Paul Croizier, à M. Raymond Croizier, à M. Alain Croizier et à Mme Marie-Noëlle Croizier et une somme de 1 168 € à l’État. […] Observations La décision commentée retient une solution à la fois sévère et parfaitement orthodoxe en droit. Elle juge que les décisions préfectorales autorisant la résiliation d’un bail agricole avec cessation de l’affectation agricole des terres ne sont pas soumises à l’obligation de motivation prévue par la loi du 11 juillet 1979. Il s’agit bien de décisions individuelles mais elles ne présentent pas un caractère défavorable. Ce dernier est en effet apprécié par rapport au pétitionnaire. Faisant droit à la demande du bailleur, l’autorisation délivrée par le préfet est, de son point de vue, une décision favorable. Mais, en pratique, cette décision est bien défavorable au preneur dans la mesure où elle permet de mettre fin au bail qui le lie au demandeur. 728 Bulletin Juridique des Collectivités Locales n° 10/08 La solution retenue apparaît donc peu équitable à l’égard de ce « tiers concerné ». Mais l’absence d’exigence de motivation se trouve compensée par d’autres obligations. Une obligation de fond tout d’abord : il appartient au préfet de s’assurer que la résiliation du bail ne porte pas une atteinte excessive à la situation du preneur. Celle-ci se traduit également dans une obligation de procédure : la décision ne peut légalement intervenir sans que le preneur ait été mis en mesure de présenter ses observations. D’une certaine manière, le principe général des droits de la défense supplée l’absence de motivation. M. G.