Retour critique sur les répertoires de l`action collective
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Retour critique sur les répertoires de l`action collective
RETOUR CRITIQUE SUR LES RÉPERTOIRES DE L'ACTION COLLECTIVE ( XVIIIE - XXIE SIÈCLES) Michel Offerlé De Boeck Université | Politix 2008/1 - n° 81 pages 181 à 202 Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-politix-2008-1-page-181.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Offerlé Michel, « Retour critique sur les répertoires de l'action collective ( XVIIIe - XXIe siècles) », Politix, 2008/1 n° 81 , p. 181-202. DOI : 10.3917/pox.081.0181 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Université. © De Boeck Université. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université ISSN 0295-2319 Michel OFFERLÉ Résumé - Le concept de répertoire d’action proposé par Charles Tilly a connu une immense fortune, au risque d’une dilution et d’une perte de sens. Michel Offerlé s’attache dans ce texte, à partir d’un retour aux propositions tilliyennes, à une évaluation critique du concept. À partir ensuite de ses usages par les sociologues et les historiens, il montre ce que son utilisation peut nous apprendre quant aux terrains auxquels elle est appliquée et souligne dans quelle mesure on peut encore en user de manière productive. Il propose également des pistes permettant de penser ensemble ce que la notion tend trop souvent à séparer – les actions collectives protestataires, les actions collectives non protestataires et les actions individuelles – pour réintroduire l’idée d’une pluralité de registres d'action « disponibles », dans le temps et dans les espaces sociaux et territoriaux. * Merci à toutes celles et à tous ceux qui m’ont permis, en France, en Turquie et au Brésil de comprendre ce que pouvait être un répertoire de l’action collective. Merci à Olivier Fillieule pour sa relecture « bien orientée ». Volume 21 - n° 81/2008, p. 183-204 Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université Retour critique sur les répertoires de l’action collective (XVIIIe-XXIe siècles)* 182 Retour critique sur les répertoires de l’action collective (XVIIIe-XXIe siècles) Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université Bien plus fréquents sont les usages « faibles » de la métaphore (initiée par Tilly en écho à un répertoire musical), qui revient à assimiler la notion de répertoire à un moyen d’action (la manifestation est un répertoire, la barricade aussi) ou à la somme des moyens d’action effectivement utilisés ou utilisables par une organisation ou un mouvement (les altermondialistes ont un répertoire d’action comme la CGT en a un), par une catégorie sociale (les intellectuels ont un répertoire quand ils s’engagent par leur nom ou par leur œuvre). On dira que tel groupe n’a pas accès à telle pièce du répertoire, on parlera de répertoire français ou finlandais en sténographiant des styles nationaux de répertoires, voire de répertoires localisés. Sans oublier le développement métaphorique de la métaphore pour parler du répertoire dit moderne en évoquant les répertoires au pluriel, les « répertoires d’action partisans », « d’offre d’engagement », « de modèles organisationnels » ou « d’action administratifs ou étatiques ». On invoquera aussi des répertoires « d’action démocratique », « de motifs et d’action », des répertoires « discursifs », « d’action communautaires » (au sein de l’Europe), « d’action victimaires », « ascétiques », « mystiques » « vernaculaires » ou des répertoires rebelles. Et l’on parlera enfin « d’importation, d’adaptation, de changement, d’élargissement, de recomposition, de répertoire(s) ». 1. Pour une discussion de ces notions, cf. les textes discutés lors du congrès de l’Association française de science politique à Lyon, en septembre 2005, dans la table ronde intitulée « Où en sont les théories de l’action collective ? ». Ces textes sont disponibles à l’adresse http://www.afsp.msh-paris.fr. 2. Les références des ouvrages et articles cités sont dans la bibliographie en fin de texte. Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université L a plupart des notions utilisées par les sociologues de l’action collective ont été passées au tamis de la critique et nombre d’entre elles semblent avoir épuisé leur potentiel heuristique initial : cadrage, structure des opportunités politiques, identité, etc.1 Celle de répertoire de l’action collective paraît avoir été épargnée et est devenue une sorte d’expression incontournable. En parlant de répertoire d’action, on fait référence implicitement ou explicitement à Charles Tilly qui a tenté, à la fin des années 1970, de styliser de manière idéale-typique et macro-sociologique les différences qui peuvent opposer de façon tranchée les façons de faire des contestataires des XVIIe et XVIIIe siècles à celles des contestataires des XIXe et XXe siècles et de regrouper ainsi l’infinité des moyens d’action dont ils se servent pour s’exprimer et exprimer leurs revendications, leurs peurs, leurs haines… La notion a beaucoup servi et, comme tout terme à succès, elle a été contournée, retournée, aplatie. Tilly a d’ailleurs plusieurs fois souligné à quel point la réception des « répertoires » est rarement advenue dans sa version « forte », laquelle renvoie à une stylisation macrosociologique de la transformation des formes de domination économique et politique (le marché et l’État). Ainsi la notion d’urbanisation, utilisée dans La Vendée (1970)2, entendait rendre compte des effets de l’extension simultanée du marché économique et du marché politique. Michel OFFERLÉ 183 Je souhaiterais dans cet article, en m’appuyant sur un large échantillon de textes mobilisant la notion, revenir sur l’histoire de ses usages par les sociologues et les historiens, pour montrer ce que son utilisation peut nous apprendre quant aux terrains auxquels elle est appliquée, et souligner dans quelle mesure on peut encore en user de manière productive. Chemin faisant, je proposerai des pistes permettant de penser ensemble ce que la notion tend trop souvent à séparer – les actions collectives protestataires, les actions collectives non protestataires et les actions individuelles – pour réintroduire l’idée d’une pluralité de registres d’action « disponibles », dans le temps et dans les espaces sociaux et territoriaux. Les itinéraires de Charles Tilly Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université « Toute population a un répertoire limité d’actions collectives, c’est-à-dire de moyens d’agir en commun sur la base d’intérêts partagés. […] Ces différents moyens d’action composent un répertoire, un peu au sens où on l’entend dans le théâtre et la musique, mais qui ressemble plutôt à celui de la commedia dell’arte ou du jazz qu’à celui d’un ensemble classique. On en connaît plus ou moins bien les règles, qu’on adapte au but poursuivi. […] Le répertoire en usage dicte l’action collective. » (1986, p. 541-542) Le « choix » des moyens d’action se fait sur la base de la préférence pour la familiarité, mais sous contraintes, en fonction non seulement des ressources de tous ordres dont dispose ou prétend pouvoir disposer le groupe (variables dans le temps de l’interaction), mais aussi de la concurrence des autres groupes et des contraintes situationnelles (anticipations et réalité des sanctions, potentiel d’appui, d’approbation passive ou de délégitimation des participants potentiels et des « opinions » mobilisables). Même si les premières définitions ne le mentionnent pas explicitement, un répertoire est toujours une co-construction entre des mobilisés et les divers producteurs du maintien de l’ordre. La « préférence » est donc le résultat et le produit des structures d’interaction. D’un côté un répertoire local, patronné et situé, dans lequel les actions collectives sont le prolongement du temps quotidien ; de l’autre, un répertoire national, autonome, modulaire, dans lequel la spécificité d’un temps politique ordonne les scansions de l’activité protestataire. Les composants de ces deux répertoires peuvent fluctuer selon les travaux de Tilly. Cela n’est guère étonnant, eu égard à l’infinité des formes que l’on peut dénombrer (Offerlé 1998, p. 101 ; Sharp 1973). Comme le montrent le schéma de La France conteste et le tableau résumant les principales propositions (p. 544-555 et p. 548), la grande coupure qui sépare 81 Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université C’est à l’occasion de ses travaux de recherche sur la France (1986) et sur la Grande-Bretagne (1979, 1995a) que Tilly a systématisé des notions antérieures, en proposant la notion de « répertoire de l’action collective » : Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université les manières de protester de part et d’autre de la ligne imaginaire des années 1830-1850 en France est tout autant la transformation des formes particulières de l’action collective que ce qui donne sens à leur opposition, résumée dans la double dichotomie « ancien versus moderne » et « répertoire local et patronné versus répertoire national et autonome ». En 1995, Tilly a relevé qu’il avait peut-être trop autonomisé les actions de « contestation ouverte collective et discontinue » (au sens de ponctuelles) au détriment des « formes individuelles de lutte et de résistance » et des formes non contestataires de l’action collective. De fait, nous verrons qu’il convient de penser les répertoires sur des continuums en quatre dimensions : individuel/collectif, discret/ouvert, continu/discontinu, contestataire/non contestataire. Certaines formes peuvent être classées sur les deux versants d’une même opposition comme ces « actions collectives individualisées », ces « illégalismes sectoriels » que l’on peut repérer chez les déménageurs à la cloche de bois de la fin du XIXe siècle (Péchu 2005, 2006) ou dans les formes d’auto-assistance au quotidien, les micro-mobilisations et les résistances que mettent en œuvre les habitants des quartiers populaires et des gecekondu istanbuliotes (Pérouse 2005)3, ou encore dans ce mélange des genres que prétendent mettre en œuvre des « consom-acteurs » actuels, lorsqu’ils se font acheteurs de paniers de fruits et légumes bios (Dubuisson-Quellier et Lamine, 2004). Plus récemment encore, dans le contexte d’un travail collectif mené avec Sidney Tarrow et Doug McAdam (McAdam et al. 2001) visant à refonder la sociologie des mouvements sociaux et à proposer un modèle général permettant de « sauver » le paradigme de la contentious politics des critiques qui lui ont été adressées, notamment par Goodwin et Jasper (2004 et 2005), Tilly a défendu l’idée que la notion de « repertoires of contention » permet de penser ensemble et de manière comparative, les moyens utilisés dans les mouvements sociaux, les vagues de grève, les guérillas, les révolutions, les luttes de libération nationale ou les mouvements de démocratisation, voire les guerres (Ibid., p. 4-5 et p. 33). La notion est alors présentée comme un outil propre à désenclaver des secteurs de recherche trop autonomisés les uns par rapport aux autres, et notamment la sociologie des révolutions. Les « repertoires of contention » sont désormais des « limited ensembles of mutual claim-making routines available to pair of identities » (Ibid., p. 138) et leur usage peut être étendu à un lieu, une époque, une population. À cette extension du domaine couvert par la notion, Tilly ajoute enfin l’idée que les répertoires ne sont pas des choses figées. Si, dans ses premiers travaux, la notion était conçue comme renvoyant à de la fixité, à du connu, en même temps qu’à de l’innovation, il admet désormais, prenant en compte l’une des critiques les plus communément adressées à son travail, la nécessité de mettre « the static concept of repertoire in motion » (Ibid., p. 48). 3. Sur les limites des catégorisations, cf. Offerlé (2004). Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université 184 Retour critique sur les répertoires de l’action collective (XVIIIe-XXIe siècles) Michel OFFERLÉ 185 Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université Dans un article récent, Tilly (2005a) souligne l’existence d’un répertoire du mouvement social qui s’entremêle avec d’autres phénomènes comme l’activité syndicale ou les campagnes électorales. Ce répertoire, écrit-il, combine et adapte des pratiques antérieures (pétitionnements, pamphlets, appui sur des associations de type religieux, défilés, port d’insignes de reconnaissance, réunions en plein air), en Scandinavie, aux Pays-Bas, en France aussi durant la Révolution. Mais c’est sans doute la Grande-Bretagne qui peut revendiquer le droit d’aînesse, en rendant disponible la matrice « mouvement social » et en permettant sa diffusion, par réinvention, par transmission via des journaux et des correspondances, des voyageurs, des marins, des étudiants et des exilés et, plus tardivement, par orchestration par le biais d’organisations internationales. Mais cette transmission de technologies et leur ré-interprétation restent encore peu documentées historiographiquement. Dans une autre mise au point (2005b), Tilly reprend la comparaison avec le jazz en la précisant. Il existe un répertoire de jazz comme il existe un répertoire de l’action collective, comme il existe des programmes et des concerts de jazz et des performances et événements de l’action collective. Relevons au passage qu’il n’est pas sûr qu’il y ait bel et bien une définition stabilisée du jazz (ce qui impliquerait des instances légitimes de certification pour dire ce qu’il est)… Ce qui vaut aussi pour l’action collective. Ce qui pose indirectement la question de la structure des opportunités politiques et de l’analyse de son degré d’ouverture ou de fermeture au regard des stratégies susceptibles d’être pensables et envisagées comme payantes. Dans Regimes and Repertoires (2006), Tilly entend faire une théorie générale des régimes politiques définis à partir de deux axes : le degré plus ou moins important de governmental capacity (degré auquel les décisions des autorités politiques affectent la vie des individus sur le territoire de l’État considéré) et le degré de démocratie ou de non-démocratie. Les répertoires de protestation (repertoires of contention) sont faits d’un assemblage multiple de performances (p. 35), à la fois nombreuses mais pas en nombre infini, apprises et routinières mais sans cesse réinventées. 81 Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université Parmi ces répertoires de protestation, le répertoire du mouvement social (Tilly 2004) tend à prendre une place centrale, sinon désirable. Il s’agit d’une forme particulière de politique protestataire, d’une « institution inventée » aux États-Unis et en Grande-Bretagne à la fin du XVIIIe siècle, combinant trois éléments : une campagne dirigée vers les autorités, un ensemble de performances (des interprétations de pièces du répertoire de mouvement social) et des démonstrations de WUNC (worthiness, unity, number and commitment), dont l’auteur piste la trace sur deux siècles, en stabilisant la coupure américaine et anglaise des années 1770-1830 et en cherchant à repérer (un peu à la manière d’un Alain Touraine, mais avec une toute autre définition) si les mobilisations récentes, en Inde, en Chine, en Indonésie ou aux Philippines « méritent » bien d’être labellisées comme « mouvement social ». Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université Ces répertoires ont partie liée avec l’histoire des régimes politiques dans lesquelles ils trouvent leur expression. Ils sont plus ou moins flexibles et l’usage du mot permet de se différencier tout à la fois de la psychologie des foules (l’action est expliquée par la pulsion momentanée) et des théoriciens du choix rationnel (l’action est clairement pré-décidée). Les effets des transformations économiques, sociales et démographiques sur les répertoires sont filtrés par les changements dans le régime politique (particulièrement dans l’exemple anglais). La réduction à une dichotomie entre deux répertoires n’est que le résultat d’un artifice de présentation afin de résumer de multiples répertoires. Parmi le répertoire dit « moderne », le répertoire de mouvement social tend à être autonomisé et à conquérir une sorte de prééminence par rapport aux autres (Ibid., p. 87, p. 111, p. 175) : il est caractérisé par un ensemble de moyens d’action (y compris le lobbying, réintroduit ici). Ces actions sont donc discontinues, publiques et collectives et les travaux de Tilly laissent dans l’ombre, même si cela n’a pas toujours été le cas, d’autres formes de politique protestataire (backroom deal, patron-client relations, organizing effort that precede claim-making…). Le degré auquel les régimes concrets, analysés dans leur double dimension (capacité/démocratie), contraignent, répriment, interdisent, prescrivent, laissent faire voire incitent, est ainsi directement en prise sur les inhibitions ou les transformations dans les répertoires. En définitive, la notion se révèle instable, oscillant entre des aménagements multiformes et le maintien du point de vue initial, idéal-typique, visant à la stylisation de deux groupes de moyens d’action de protestation. Critiques et limites d’une approche en termes de répertoire Un ensemble de critiques (Dobry 1986 ; Fillieule 1997 ; Mathieu 2004), outre celles, récurrentes dans les travaux sur l’action collective, sur le caractère spongieux de la notion (Goodwin et Jasper 2001), lui ont été et peuvent lui être adressées. Certaines sont générales et concernent le caractère réificateur du terme : de par la généralité même des phénomènes dont son usage peut rendre compte – les parcours possibles, pensables et utiles de la protestation sur plus de trois siècles, référés aux transformations macro-sociologiques affectant l’État et le marché et donc les formes de la protestation – on ne peut s’attendre à trouver un instrument fin, susceptible d’analyser l’infinité des occurrences concrètes dans lesquelles les pièces du répertoire sont activées, réinventées, remotivées. On ne saurait demander à un type-idéal plus qu’il ne pourrait donner. Un type-idéal est un « tableau de pensée » qui donne à penser… En second lieu, les dénominations mêmes données aux deux types-idéaux de répertoire peuvent à juste titre rebuter tous les déçus de l’évolutionnisme, de la téléologie voire du développementalisme. Entre ancien et moderne, comme sont labellisés les répertoires, et archaïsme et modernité, il y a une évidente Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université 186 Retour critique sur les répertoires de l’action collective (XVIIIe-XXIe siècles) Michel OFFERLÉ 187 Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université Mais les problématiques du comparatisme – qu’il s’agisse d’une comparaison construite par le chercheur, produite par les acteurs au cours des transferts de technologies politiques toujours difficiles à saisir ou d’une comparaison déniée, lors de la réinvention de formes déjà existantes – pose la question des antécédences et le problème des significations (une forme facialement semblable à une autre revêt-elle la même portée dans une autre configuration structurale ?). Barrer une route ne signifie pas la même chose pour des « rebelles » français du XVIIIe siècle que pour des agriculteurs polonais ou des piqueteros argentins contemporains. Mais ici comme ailleurs la comparaison entre pièces des répertoires peut se concevoir dans le pays et les espaces – ce que, certes, les idéaux-types de Tilly n’interdisent pas. Tableau 1 : Comparer les pièces de répertoires Espaces semblables Espaces différents Temporalité semblable Comparer une émeute sur deux points du territoire français au XVIIIe siècle Comparer une manifestation en France et en Turquie au XXe siècle Temporalité différente Comparer une émeute au XIXe siècle et une manifestation au XXe siècle en France Comparer une émeute en France au XVIIIe siècle et une émeute au Maroc au XXe siècle On voit bien tous les effets heuristiques que peuvent produire ces gymnastiques anthropologiques, avec les risques de placage et/ou d’anachronisme et/ou d’évolutionnisme. Le travail de Lucien Bianco pense la Chine du XXe siècle en miroir de la France rebelle de l’Ancien régime étudiée par Jean Nicolas (2002), 81 Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université proximité – même si on ne peut accuser Tilly d’inclure une sorte de fin de l’histoire dans la stylisation des processus. D’aucuns ont pu considérer plus empathique l’approche d’E. P. Thompson (1971) raisonnant en termes « d’économie morale des foules » ou de J. C. Scott (1985) travaillant sur l’éthique de subsistance des paysans malais contemporains. On ne saurait non plus masquer la gêne que l’on peut éprouver – mais là encore Tilly n’est pas le seul responsable – à entendre parler d’un répertoire de l’action collective et d’un seul à partir principalement des cas de la France, du Royaume Uni et des États-Unis, donc d’une perspective occidentalo-centrée. Certes, la France et le Royaume Uni ont été, et sont encore au XIXe siècle, des laboratoires pour les savants et les politiques qui travaillent (sur) le corps social. Karl Kautsky, dans Les trois sources du marxisme (1969 [1907]), rappelait que la France était la tête pensante politique de l’Europe donc du monde, dans le cadre de la théorie marxiste. Cela n’interdit pas de comparer dans le temps et dans l’espace – ce qu’a fait de manière programmatique Tilly pour l’Amérique latine (1998) ou de manière plus générale dans Social Movements (2004) ; et ce que font désormais nombre de chercheurs comme James W. White (1995) sur le Japon des Tokugawas ou Lucien Bianco (2005) pour la Chine du XXe siècle. 188 Retour critique sur les répertoires de l’action collective (XVIIIe-XXIe siècles) Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université Le second répertoire identifié par Tilly pouvait être considéré comme trop « prolétaro-centré », puisqu’il faisait la part belle au mouvement ouvrier qui apparaît comme l’inventeur, le promoteur et l’occupant des pièces du répertoire et de son articulation. De nombreux chercheurs ont pu à juste titre faire de l’affrontement de classes et de l’épopée ouvrière la clé d’explication de l’histoire européenne des XIXe et XXe siècles. Mais cela est-il vrai partout et avec la même intensité ? Cependant, dans d’autres textes, mouvement ouvrier et révolution prolétarienne disparaissent quasiment face aux « vrais mouvements sociaux » – qui annoncent sur le long terme la forme normale de protestation dans le cadre des régimes démocratiques – que sont les mouvements américains précédant la guerre d’indépendance ou les mouvements anglais (autour de Wilkes ou du chartisme). Revenant malicieusement sur les publications de l’école de formation du parti communiste de l’Union soviétique, Tilly (2004) pointe l’insistance mise sur la France dans les exemples sollicités dans les manuels ; à l’inverse, on peut se demander si Tilly ne bouscule pas les précédents « palmarès » en suivant le fil égaré des mobilisations anglaises wilkites ou anti-esclavagistes (mais aussi états-uniennes) et en y détectant un premier mouvement social mondial qui systématise les démonstrations existant antérieurement et invente l’autonomie et l’organisation. Dans l’ordre des préséances, Français et Hollandais ne sauraient être les co-inventeurs d’une forme de répertoire dont la répression étatique empêche la stabilisation. Ce serait au bout du compte le mouvement chartiste qui aurait fourni le « semis » et le « modèle » (ou le patron, template dans le texte) pour les principales mobilisations populaires du XIXe siècle (Tilly 2004, p. 48). Les bas-côtés du second répertoire La définition du second répertoire occulte surtout trois questions fondamentales et contradictoires. On ne peut en effet comprendre les transformations des répertoires sans avoir à l’esprit que les membres des groupes moteurs dans les changements de répertoire sont, dans de nombreux pays européens, des électeurs et, dans le même temps, se reconnaissent, dans une proportion non négligeable, dans un discours – inégalement maîtrisé par les militants et les adeptes – tourné vers la révolution. Comme le montrent bien les débats Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université sans véritable état d’âme. Comment, par exemple, rendre compte du « répertoire brésilien » de la première moitié du XXe siècle – donc post-esclavagiste (Reis 2006) – dans lequel se chevauchent, dans les villes, grèves, émeutes, illégalismes et résistances populaires et où, dans les campagnes, s’entrecroisent les mouvements millénaristes comme le Canudos dans l’État de Bahia en 18961897 ou le Contestado des États de Santa Catarina et du Parana dans les années 1910 (et jusqu’aux révoltes de Formosa dans le Goàis dans les années 19501960), le banditisme social et les débuts de mobilisations de ligues agraires (Pereira de Queiroz 1977, de Souza 1981, Grunspan-Jasmin, 2001). Michel OFFERLÉ 189 Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université On peut aussi considérer que ceux qui utilisent l’action collective n’anticipent pas de résultats concrets et font un usage non substantiel (Contamin 2001) des moyens d’action qu’ils promeuvent : toute performance est l’objet d’investissements pluriels, que les metteurs en sens tentent d’unifier. On ne peut donc pas faire comme si le même répertoire perdurait alors que le messianisme révolutionnaire s’estompe. Les diverses modalités pratiques et théoriques des révisionnismes doctrinaux ne sont certainement pas les causes des transformations du répertoire ; ils en sont les symptômes et les accompagnateurs discursifs. Aussi faut-il introduire cette variable dans la démonstration et relever que la négociation (entre pouvoirs publics et compétiteurs, entre patrons et salariés) est une composante essentielle du nouveau répertoire, que l’on peut considérer comme alternatif au répertoire 2 chez Tilly. Les Norvégiens, les Suisses les Français ou les Turcs, n’ont pas de ce point de vue la même histoire, comme le montre d’ailleurs le Tilly de Social Movements. Au delà, faut-il aussi passer sous silence le travail non protestataire que mènent avec de tout autres méthodes les groupes plus intégrés et considérer qu’il y a une coupure entre ces divers mondes sociaux et qu’on ne saurait penser sous une même rubrique des univers aussi différents (cf. Topalov 1995). Le second répertoire ne prend pas en outre en considération d’autres groupes qui peuvent revendiquer et se mobiliser, tels les catholiques. Ils peuvent, mais sous une autre forme, utiliser des pièces du « répertoire ouvrier » ; ils peuvent aussi avoir recours à des rassemblements entre-soi qui n’ont pas pour finalité directe de demander quelque chose, mais qui peuvent être compris comme des indicateurs de la vitalité et de l’unité du groupe (assistance à la messe, sermons, pavoisements, fêtes votives, sonneries de cloches, pèlerinages, confessions publiques, etc.). 81 Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université concernant la délimitation de la politique légitime à la fin du XIXe siècle, les socialistes (puis ensuite les communistes) sont les détenteurs et les producteurs du master template (poutre maîtresse) révolutionnaire (Mc Adam et Sewell 2001) qui colore et encadre le répertoire fin de siècle. Ils sont légitimés par une base sociale dont ils contribuent à définir les contours – la classe ouvrière en France –, à dire les revendications et l’identité (Boltanski 1982, Offerlé 1998). Ils autorisent la possibilité de l’illégalité de masse à venir, tout en garantissant, au nom de la construction et de la pérennisation de l’organisation révolutionnaire, le respect de la légalité présente et la délégitimation des « illégalismes populaires ». Enfin, la définition même de ce qu’est alors une action collective, non encore autonomisée des conflits privés menaçant l’ordre, et des différentes sortes de délits, nous appelle à être attentifs à ce grand partage qu’instituent l’autonomisation et la professionnalisation du politique. C’est tout au long du siècle que se constitue, dans les pratiques matérielles et discursives, la séparation entre les illégalismes populaires (Foucault 1975, p. 299) et les formes tolérées ou intolérables de protestation (Péchu 2005, Offerlé 2006). 190 Retour critique sur les répertoires de l’action collective (XVIIIe-XXIe siècles) Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université Enfin avec ce répertoire 2, on n’aperçoit ni la Strassenpolitik étudiée par Thomas Lindenberger (1995) ni la constitution à la marge de l’espace politique d’un noyau de résistance – faut-il l’ériger aussi en répertoire alternatif ? – dont les protagonistes refusent tout à la fois la légalité et la coupure temporelle qu’introduit la reconnaissance, contrainte ou non, par les révolutionnaires, d’une révolution à venir – présent à éclipse et dans certaines configurations nationales seulement de manière significative, sous la forme et le mot d’ordre indigène d’action directe, dans ses variantes nationales anarchistes et anarchosyndicalistes (Maitron 1955, Julliard 1971). Cette marge de l’espace peut toujours être repérée actuellement : faut-il parler de « champ militant » (Péchu 2006), d’« espace des mouvements sociaux » (Mathieu 2007), opposé au champ politique ou au champ partisan ? Usages historiens des répertoires Nombre d’historiens français ont à l’égard du modèle de Tilly une approche pour le moins prudente. Jean Nicolas (2002), auteur d’une immense compilation empirique autour des « rébellions » françaises, n’a pas le moindre regard sur ses travaux. Contre les méthodes de Tilly, il entend travailler sur « un tissu sans déchirure » (p. 16). Dans La politisation des campagnes (2000), ni Maurice Agulhon ni Alain Corbin ne le sollicitent non plus. Il n’y a guère que Peter McPhee (1996, 2000) pour faire travailler la notion sur 1848 ou Vincent Robert pour « concilier l’étude des désordres et des régularités » (2005, p. 39) et chercher de la continuité dans l’événement, tout en critiquant la chronologie de Tilly (1996). Dans la récente Histoire des gauches, le terme est sollicité explicite- Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université L’analyse en terme de répertoire unique ignore par ailleurs totalement la façon dont les paysans ont été progressivement intégrés dans les mécanismes de la décision publique et ont été dépossédés de leur « droit à l’émeute » que pouvait sembler garantir l’ancien pacte de subsistance. Les paysans ne cesseront pourtant pas d’être patronnés, mais sous une autre forme, puisque les organisations de la paysannerie sont dirigées bien plus par des notables que par d’authentiques paysans. De la même manière, les pogroms antisémites n’apparaissent pas dans cette liste, alors même qu’il s’agit d’un registre utilisé dans nombre de pays, y compris en France, au moment de l’affaire Dreyfus (Birnbaum 1998). Sans même évoquer les violences inter-communautaires anciennes ou actuelles (par exemple le massacre d’alévis à Kahramanmara en Turquie en décembre 1978). Doit-on considérer qu’ils sont dans l’orbite du répertoire dominant au point qu’ils ne peuvent agir qu’en se mesurant à lui et au point que tous les commentateurs et donneurs de sens des politiques protestataires ne peuvent concevoir ces mouvements qu’au travers des instruments de pensée et des évaluations imposées par la dominance même du mouvement ouvrier ou désormais, selon le schéma mouvementiste de Tilly, à partir du patron du mouvement social ? Michel OFFERLÉ 191 Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université Est-ce dû au provincialisme français ou au fait que l’historien ne « s’endimanche pas » et préfère ne pas se mettre aux pieds de boulets conceptuels plus contraignants que productifs et ce d’autant plus que des notions macro-sociologiques peuvent toujours apparaître comme inadéquates lorsqu’il s’agit de travailler sur un laps de temps réduit. Toutefois William Sewell (1990) – mais il est plus interdisciplinaire qu’historien – a interpellé Tilly en faisant valoir que la période révolutionnaire, pourtant considérée (en France mais pas seulement) comme une césure forte, ne saurait être minimisée lorsqu’il s’agit de répertoire. Les pièces du répertoire dit d’Ancien régime ont été largement occupées voire réinventées par les révolutionnaires ; de nouvelles manières d’agir sont devenues ensuite des classiques. Et la matrice cognitive qui donne du sens aux performances est devenue un réservoir de pratiques et de discours prêts à l’emploi sous l’étiquette de révolution, le master template (Mc Adam et Sewell, 2001) révolutionnaire. Bref, le répertoire, si répertoire il y a, a été chahuté pendant la période révolutionnaire. Cela signifie-t-il qu’il faille reporter en amont, dans les années 1790, la coupure qui sépare l’ancien du moderne ? Encore faudrait-il trouver les indicateurs qui permettent de signifier son congé à l’ancien : à la manière de Pierre Rosanvallon, étudier la façon dont le cadre cognitif 4 et les façons de faire matérielles ont changé. Ce débat n’est pas seulement une question de datation ; il implique une lecture particulière des mobilisations advenues durant la Révolution française, selon que l’on insiste sur l’inventivité permanente des insurgés parisiens (et des modes de perception immédiats de cette inventivité et de ces démonstrations) ou que l’on privilégie les formes récurrentes des savoir-faire des rébellions ordinaires réitérées. Les mobilisations révolutionnaires seraient alors l’acmé du répertoire d’Ancien régime. Dans le monumental Faubourg Saint Marcel d’Haim Burstin (2005), on suit chronologiquement la multiplicité des événements protestataires qui ont pour lieu ou pour origine le quartier ; mais l’auteur ne nous convie à aucune mise en perspective entre l’avant et le pendant révolutionnaire. Ainsi, écrit-il sans ponctuer : « L’émeute pour le sucre (de janvierfévrier 1792) était encore vue comme une manifestation traditionnelle et non comme le premier acte d’une longue suite insurrectionnelle qu’il fallait tuer dans l’œuf : il convenait de maintenir une sorte d’entente tacite et de compromis avec les autres forces de la section, cristallisée autour d’une image du fau- 4. Cette matrice cognitive a été peu étudiée par Tilly ; elle est parfois baptisée « répertoires discursifs » (Steinberg 1995), « cognitifs » ou « praxis cognitive » (Eyerman et Jamison 1991). 81 Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université ment deux fois dans des sens détournés : par Emmanuel Fureix (2003, p. 201), historien, quand il qualifie les banquets de « répertoire libéral encadré élitaire bien que réformiste » et par Frédérique Matonti (2003, p. 692 et p. 698), politiste, quand elle stylise les répertoires d’action propres aux intellectuels. 192 Retour critique sur les répertoires de l’action collective (XVIIIe-XXIe siècles) Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université Peut-on mesurer cela de manière quantitative (nombre d’incidents, nombre de personnes dont on peut penser qu’ils pratiquent « autre chose » qu’auparavant ou qu’ils donnent une autre signification à des actes similaires) ? Ou de manière qualitative, à partir de textes prophétisant une transformation ou à partir des actes et dits des autorités qui sont chargées de traiter ces questions (police, justice, libellistes, entrepreneurs de protestation) et qui balbutient un « nouveau » que le chercheur certifiera ? Nicolas Bourguinat (2002), dans son beau livre consacré aux multiples incidents liés aux grains (émeutes et troubles frumentaires), prend pourtant au sérieux le schéma tillyien qui lui apparaît néanmoins – effet de focale encore – trop général et trop peu attentif à la créativité des acteurs et « aux logiques critiques informulées des processus de domination qui sont en œuvre dans la violence collective » (p. 21). Sans utiliser le lexique du petit monde des protest politics scientists, il redécouvre par d’autres voies, nombre de problèmes posés par eux. Rénitences plurielles L’interprétation que donne Bourguinat des mouvements frumentaires comme politiques pose toutefois problème. Cette proposition renvoie bien sûr aux débats sur la politisation qu’entretiennent les historiens qui, dans une période de réévaluation de l’autonomie de la paysannerie face à la ci-devant hégémonie prolétarienne théorisée par Marx, tendent à élargir l’espace du politique, bien au-delà de la politique par le haut, définie et monopolisée par les élites urbaines. Bourguinat va encore plus loin, puisqu’il tente un parallèle, voire établit une généalogie, entre ce « contrat social de subsistance » tacite qui circule entre les autorités et les émeutiers et le socialisme quarante-huitard. L’économie morale des paysans n’est pas plus archaïque que le socialisme de 1848, sorte d’écho des « habitus frumentaires paysans », n’est utopique. Inversement, Jean-François Soulet (1987), dans son travail sur les formes de résistance dans les vallées pyrénéennes au XIXe siècle nie toute implication politique aux pratiques populaires de résistance à la pénétration de l’État dans une région très enclavée. Il va pourtant dans le même sens en énumérant au long des neuf chapitres du second volume les formes diversifiées et parfois complémentaires de contestation : moyens légaux de défense et de protestation (usage des fêtes, enterrements, charivaris) ; rejet de la culture extérieure (vêtement, langue, reli- Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université bourg au comportement exemplaire, sincèrement révolutionnaire mais, dans le même temps, modéré » (p. 343). Ou encore, en parlant de la délégation de masse d’hommes en armes et de bataillons de la garde nationale défilant à la barre de l’assemblée : « Les comptes rendus contemporains de cet épisode, dont le souvenir allait bientôt être émoussé par les événements du mois suivant, en soulignent la nouveauté et le caractère exemplaire. Il s’agit, en effet, d’une pratique qui en est encore à ses premières apparitions, mais qui devait rapidement devenir un standard et prendre place parmi les nouvelles formes d’expression politique » (p. 351). Michel OFFERLÉ 193 Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université Dans sa thèse, Pierre Karila-Cohen (2003) analyse avec finesse les modes d’appréhension par les préfets des monarchies constitutionnelles de « l’opinion publique » et les catégorisations dont ils se servent pour tenir informés leurs supérieurs. La compilation factuelle des événements et des troubles à l’ordre public constatés par certains préfets sur leur territoire renvoie tout à la fois aux formes du travail préfectoral que l’auteur analyse et à l’incertitude qui pèse sur les formes d’objectivations administratives, à un moment où un nouvel impératif de classification à partir de la catégorie de l’opinion commence à orienter les modes de perception savants et ministériels, appelant à pointer et à prévenir ce qui relève de la « vraie opinion », fondement d’une anticipation politique raisonnée. On voit tout ce qui peut relever d’une étude du vocabulaire, comme sous l’Ancien régime pour lequel Jean Nicolas (2002) code systématiquement le vocabulaire utilisé, lequel renvoie à la gravité de l’événement et à la manière dont les autorités le mettent en forme par les mots qu’ils lui attribuent, jouant ainsi sur une échelle implicite qui le renvoie à l’insignifiance et à l’anodin ou lui prête une coloration sinon politique du moins coordonnée (cf. aussi Farge et Revel 1988) : rébellions, insurrections, séditions, émeutes, mouvements, émotions, révoltes. C’est finalement le terme de rébellions (2066 qualifications, contre 1017 pour attroupements, 777 pour émotions et 776 pour séditions) qui donne le liant et le nom de l’ensemble – alors que le vieux terme de rénitence, désormais neutralisé, aurait pu permettre de penser ensemble, et sans connotations alourdissantes, la pluralité des moyens d’action utilisés. La question du vocabulaire se complique encore lorsqu’il s’agit de traduire d’une langue à l’autre soit des réalités approchantes (l’émeute, riot ou uchikowashi japonais et plus tard la « manif » donnée comme similaire à demonstration en anglais ou à gösteri et eylem en turc). Sans parler des pièces de répertoire sans équivalent, comme le dépôt d’outils chinois (jiaona nongju). Bianco consacre de longs développements d’ordre terminologique dans son chapitre consacré aux « répertoires » pour montrer les grandes variétés des dénominations données par les autorités qui qualifient et enregistrent les événements en Chine et pour traduire linguistiquement et culturellement ces mots du chinois vers le français. Un troisième répertoire ? Reste enfin la question d’un troisième répertoire. Non dans le sens que j’ai soulevé précédemment, en pensant ensemble sur le temps long, déclin du master template et développement des pratiques de négociation ; mais au regard des 81 Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université gion et médecine populaires) ; transgression de la morale sexuelle (conduites sexuelles déviantes, avortements, infanticide) ; esquive des nouvelles législations civiles et fiscales (contrebande, insoumission, délits forestiers, délinquance fiscale, stratégies de contrôle des naissances pour éviter le partage des patrimoines) ; banditisme et self-justice ; intimidations à l’égard des étrangers ; refus de coopé-ration avec les autorités ; émeutes, révoltes ouvertes. 194 Retour critique sur les répertoires de l’action collective (XVIIIe-XXIe siècles) transformations contemporaines des pratiques de contestation dans les démocraties occidentales. Tilly lui-même l’évoque de manière dubitative. Dans La France conteste comme dans ses derniers articles, il maintient l’idée de la continuité du répertoire 2 : Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université Érik Neveu évoque dans Sociologie des mouvements sociaux, de manière prudemment interrogative, « un répertoire de troisième génération ? » fondé sur « l’internationalisme », « l’expertise » et « la réinvention d’une activité symbolique de mise en scène de l’identité du groupe » (2002, p. 24). Robin Cohen et Shirin Rai (2000) ont aussi tenté de systématiser la nécessité de théoriser un troisième répertoire qui s’intitulerait « transnational et solidariste » (cf. tableau 2). Les pièces du répertoire tilliyen n’y sont pas reprises systématiquement, et les performances du nouveau répertoire sont choisies de manière descriptive, faisant référence à des événements produits par des groupes que les « transnationalistes » confondent souvent. En démonétisant des forces dites anciennes et des façons archaïques de procéder, le second répertoire est décrété aussi obsolète que les acteurs, les causes et les intérêts qu’il contribuait à mettre en scène (cf. Siméant 2005). Tableau 2 : Les trois répertoires de Cohen et Rai 1650/1850 Paroissial et patronné Émeutes alimentaires Destruction de barrières d’octroi Sabotage de machines Expulsion de collecteurs d’impôts 1850/1980 National et autonome Grèves Meetings électoraux Réunions publiques Insurrections 1980/2000 et au-delà Transnational et solidariste Concerts type Band Aid Téléthons Sommets de la terre, des femmes… Campagnes internationales de boycott D’après Siméant (2005) Certaines pièces du répertoire 2 ont été réinvesties et réinventées par les dits nouveaux mouvements sociaux. D’aucuns insistent sur l’importance prise actuellement par les activités dites de type symbolique et sur la liaison forte entre ces mouvements et les espaces médiatiques. On n’oubliera pas toutefois que les manifestations dites de papier (Champagne 1984) sont aussi une composante non négligeable des démonstrations publiques au moment où se stabilise la forme manifestante (Offerlé 1990). Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université « Et depuis ? Trois signes nous donnent à croire qu’une nouvelle transition se produit : 1) l’importance croissante ces dernières décennies, de la guérilla urbaine, des prises d’otages, des détournements d’avions, barrages de routes, destructions de récoltes et occupations de toutes sortes ; 2) les innovations extraordinaires – assemblées internes, comités de grève, graffitis, etc. – de maijuin 1968 ; 3) l’usage beaucoup plus important des médias par toutes les parties de l’action collective […]. À y regarder de plus près, on s’aperçoit que toutes les formes utilisées ont déjà une histoire. La nouveauté réside dans les changements des groupes et des demandes. » (Tilly 1986, p. 540-541) Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université Un retour actuel sur cette césure entre ancien et nouveau permet de comprendre le mélange de continuité, de rupture et de réinventions qu’a constitué l’émergence de ces « nouveaux mouvements sociaux » et des « ONG » dans les espaces politiques nationaux, transnationaux et internationaux. Car, comme le rappellent Doug Imig et Sidney Tarrow (2001, p. 17), derrière la complaisance du mot-valise « transnational », investi et chargé de profits sémantiques (dépassement du national, délégitimation des formes d’organisation dites archaïques, revendication du label de société civile), ces divers mouvements jouent sur plusieurs espaces et restent très présents dans les espaces nationaux. De plus, l’invention du transnationalisme est une réinvention des diverses formes d’internationalisme pratiquées dans les congrès pacifistes et prolétariens et dans leurs rassemblements de rue. En outre, la labellisation que donnent Cohen et Rai est inégalement articulée aux précédentes. Si transnational fait écho à local et national, solidariste est-il en résonance avec autonome et patronné ? Réticulaire n’aurait-il pas mieux convenu ? Enfin l’articulation avec le schéma tillyien est plus suggérée que démontrée. À ce niveau de généralité, peut-on accepter de dire que ce nouveau répertoire est un dérivé de la « mondialisation » entendue comme expansion du marché international et comme restriction des surfaces étatiques ? On n’aura garde non plus d’oublier qu’à côté des formes manifestantes pacifiées, des actions dites symboliques et de la promotion des diverses formes d’expertise, cohabite aussi comme forme contemporaine, dans nombre de démocraties pluralistes stabilisées, l’usage de l’émeute (qu’elle soit utilisée dans les affrontements entre « groupes ethniques » ou dirigée contre des cibles économiques et étatiques choisies). Les violences urbaines françaises de novembre 2005 ne sont que l’acmé de gestes désormais fréquemment répétés, qui constituent un savoir-faire émeutier sans mot d’ordre et sans revendications articulées, mais non sans significations, quel que soit le sens que les controverses sociologiques et politiques peuvent leur attribuer. Sans même évoquer la question du « terrorisme ». De quelque manière que l’on ponctue les transformations des formes de l’agir ensemble, que l’on objective ou non, à dates variables, selon les pays et selon les organisations, l’avènement d’un troisième répertoire, on ne peut pas faire comme si les acteurs portant le second étaient génétiquement pacifiés et institutionnalisés dès la fin du XIXe siècle, et faire comme si la démobilisation de la révolution, comme perspective future, et la mutation des carrières militantes (et des dispositions et dispositifs militants) n’étaient pas des variables clés pour comprendre aussi les répertoires de l’action collective. Sortir des répertoires ? Au terme de ce parcours critique, on peut soit entériner la version molle de la notion de répertoire et qualifier comme tel n’importe quel moyen d’action utilisé par des protagonistes agissant dans l’espace politique. Peut-être peut-on accepter de parler du répertoire d’action d’une organisation, c’est-à-dire de 81 Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université Michel OFFERLÉ 195 Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université l’ensemble des moyens d’action qu’elle met effectivement en œuvre pour faire aboutir ce pour quoi elle a été constituée. C’est ce que Tilly accepte de faire en ponctuant ses derniers ouvrages de références à de multiples formes de répertoires, au pluriel. On doit alors se replier sur une position fondamentaliste et ne retenir que deux types de répertoires d’action collective (sous-entendu dominant dans un laps de temps déterminé, sous-entendu protestataire). On peut néanmoins considérer qu’il est possible de préserver la notion de répertoire à des fins didactiques, en la dégageant de tout évolutionnisme – à condition de ne pas considérer qu’il existerait un seul répertoire dans chaque société déterminée, mais plusieurs types de répertoires qui seraient en concurrence ou en ignorance mutuelles. Parmi ces types de répertoires, on pourrait considérer qu’un d’entre eux a été investi par un acteur dominant qui en a fixé les contours et est parvenu à en imposer un type d’usage : par exemple le répertoire 2 que l’on peut assimiler à la période de dominance du mouvement ouvrier dans certains pays. Cela signifie qu’il faut non seulement expliquer les bases matérielles et symboliques de sa domination et les conditions de possibilité de son avènement. L’explication macro-sociologique par l’État et le marché doit être combinée avec la question des conditions de possibilité matérielles et politiques de l’action collective (Tilly 2006). Mais cette prise en compte des interactions avec les forces de l’ordre peut se faire de manière toute empirique (Fillieule et Della Porta 2006, ou Uysal 2005 dans le cas turc). Le récent travail d’Aurélien Lignereux (2007) au travers du détournement de la question labroussienne (« 18001859. Comment naissent les rébellions ? ») étudie les 3 725 affaires de rébellions avec voies de fait qui ont opposé les gendarmes français (Paris et Corse exclus) à des groupes de personnes. Contre l’interprétation spontanée des autorités d’une foule rebelle aux lois et prompte à se laisser entraîner par ses instincts, l’auteur restitue, dans leurs complexités temporelle et géographique, la persistance, la transformation et la décroissance de rébellions, phénomènes explicables à l’aide de macro-concepts (intégration à l’État-nation, processus de civilisation, monopolisation de la contrainte physique légitime) et de micro-observations permettant de comprendre les ajustements et désajustements dans les interactions entre gendarmes et populations revendiquant une certaine maîtrise de leur entre-soi. Il faudrait aussi déseuropéaniser l’approche générale et considérer qu’il existe bel et bien des importations et/ou des réinventions du répertoire 2 européen ailleurs, et que le répertoire 1 européen n’est pas transposable dans le passé (comment rendre compte d’un répertoire de l’action collective dans l’Empire ottoman ou chinois ?) ou pis encore dans le présent de pays qui connaissent des émeutes urbaines et/rurales actuellement. Enfin si l’on garde l’idée de deux répertoires, sans doute faudrait-il « tuiler » le passage de l’un à l’autre, sans se focaliser sur la date charnière des années 1830-1850 et en prenant en considération en aval la transformation du répertoire 2. D’abord par la rétraction dans nombre de pays du master template of Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université 196 Retour critique sur les répertoires de l’action collective (XVIIIe-XXIe siècles) Michel OFFERLÉ 197 Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université Le répertoire 2 a été transformé dans la mesure où d’autres pièces s’y sont adjointes, par exemple sur le registre de la contre-expertise et de la négociation, ou sous le mot-valise de lobbying. Le colloque, comme type particulier de monstration d’un capital scientifique et social, devrait dès lors être pris en compte. Mais cela pose une autre question, celle du continuum pouvant exister entre le(s) répertoire(s) contestataire(s), s’exprimant par des mobilisations visibles dans la rue et l’autre, ou les autres, répertoire(s) non contestataire(s), s’exprimant dans des arènes plus discrètes voire sous la forme de mobilisations silencieuses (Offerlé 1998). Ce qui a changé alors c’est l’amenuisement de la place centrale occupée par le mouvement ouvrier dans les pays les plus développés dans la définition d’un répertoire légitime, déjà lui-même retravaillé depuis plusieurs décennies. Et aussi l’apparition de nouveaux entrants, réinvestissant l’ancien répertoire d’autres significations, et le jouant, pour filer la métaphore musicale, sur de tout autres instruments (non-violence, actions dites symboliques, désobéissance civile). On peut en dire autant des moyens d’action non contestataires : de ce point de vue, ce que l’on appelle l’humanitaire, a aussi considérablement transformé les formes et la signification du don. On voit ici aussi combien une perspective qui réintroduit un continuum entre les actions collectives et individuelles, peut permettre de penser les répertoires de l’action collective dans l’ensemble plus large des registres de résilience, comme réservoirs pratiques, individuel et/ou collectif, à la fois immense et situé socialement et historiquement, dont disposent les agents sociaux pour nommer, affronter et surmonter ce qui leur arrive (Offerlé 2006 ; cf. aussi Felstiner et alii 1980-81 ; Scott 1985, 1990 ; Bennani-Chraïbi et Fillieule 2002). 81 Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université contention, ce qui change non seulement la configuration de l’ensemble, modifie la signification des pièces mais aussi induit l’apparition de nouvelles pièces. Contrairement à ce qu’écrit Tilly (1986, p. 541), un même moyen d’action peut avoir des significations totalement différentes selon ses usages. L’occupation d’une usine aux États-Unis lors des mouvements de 1935 ou en Italie en 1920, l’occupation de terres par le Mouvement des sans-terre brésilien actuel ou l’occupation d’une agence pour l’emploi par des chômeurs français, ce n’est pas la même chose. De même, la forme « manif » n’a ni le même agencement ni la même signification, selon qu’elle est susceptible de basculer vers la « journée » ou vers l’émeute, ou selon qu’elle est une occupation pacifique et temporaire de l’espace public. Il faut « tuiler » aussi, parce que la séparation entre les temps quotidien et politique qui clive les répertoires 1 et 2 n’est pas aussi brutale que cela. La fête n’est pas absente des grandes grèves et toute mobilisation prolongée implique la recherche d’activation militante pour éviter le délitement du mouvement, et la débandade des mobilisés ; le groupe se donne les moyens de durer, et doit trouver des occupations ludiques et matérielles pour affronter le temps (Perrot 1974). 198 Retour critique sur les répertoires de l’action collective (XVIIIe-XXIe siècles) Références bibliographiques AMINZADE (R.) et al., dir., 2001, Silence and Voice in the Study of Collective Action, Cambridge, Cambridge University Press. BENNANI-CHRAÏBI (M.), FILLIEULE (O.), dir., 2002, Résistances et protestations dans les sociétés musulmanes, Paris, Presses de Sciences Po. BIANCO (L.), 2005, Jacqueries et révolutions dans la Chine du XXe siècle, Paris, La Martinière. BIRNBAUM (P.), 1998, Le moment antisémite. Un tour de la France en 1898, Paris, Fayard. BOLTANSKI (L.), 1982, Les cadres. Invention d’un groupe social, Paris, Minuit. 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[email protected] Parmi ses publications récentes : Sociologie de la vie politique française, Paris, La Découverte (collection « Repères »), 2004 ; Les partis politiques, Paris, Presses universitaires de France (collection « Que saisje ? »), 2006 (5e édition). * L’ouvrage Contentious Performances, dans lequel Charles Tilly revient sur ces questions, n’a pu être pris en compte ici. Il paraîtra en 2008 à la Cambridge University Press. Document téléchargé depuis www.cairn.info - bib_st_genevieve - - 195.221.75.195 - 01/03/2012 18h32. © De Boeck Université TILLY (C.), 2002, « Buried Gold », American Sociological Review, 67. TILLY (C.), 2004, Social Movements 1768-2004, Boulder, Paradigm Publishers. TILLY (C.), 2005a, « Invention, Diffusion, and Transformation of the Social Movement Repertoire », European Review of History, 12 (2). TILLY (C.), 2005b, « Ouvrir le répertoire d’action. Entretien avec Charles Tilly », Vacarme, 31. 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