Bulletin de veille - Volume 2 - Numéro 3
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Volume 2 – Numéro 3 – Octobre 2013 Bulletin de veille du Curateur public du Québec. Sommaire Le vieillissement des adultes ayant une déficience intellectuelle en Irlande ............................................. 2 La lutte contre la maltraitance des personnes vulnérables (États-Unis, Canada et Royaume-Uni)..... 5 Le nouveau dispositif de protection de la Norvège ..... 8 Création d’un Curateur public en Irlande ................. 12 Trois nouvelles du Japon .......................................... 17 Avis au lecteur Les points de vue exprimés dans les articles et rapports recensés ne représentent pas nécessairement l'opinion du Curateur public du Québec. Pour faciliter l’accès aux textes sur les dispositifs de protection des personnes inaptes des pays étrangers, les résumés peuvent aussi comprendre des précisions concernant ces dispositifs. Le vieillissement des adultes ayant une déficience intellectuelle en Irlande Alors que le Québec terminait la dernière phase de la « désinstitutionnalisation » de ses citoyens atteints de troubles mentaux ou de déficience intellectuelle, dans les années 1990, l’Irlande commençait la sienne, avec la parution d’un rapport confirmant l’expérience de plusieurs pays qui démontre que les personnes vivant dans la communauté plutôt qu’en institution ont une meilleure qualité de vie et sont plus autonomes (1). À ce moment-là, plus de 4 000 Irlandais, majoritairement des adultes avec une déficience intellectuelle, étaient hébergées dans des résidences spécialisées accueillant plus de 10 personnes. Une vingtaine d’années plus tard la situation ne s’est guère améliorée. De 1999 à 2008, les milieux institutionnels ont enregistré davantage d’admissions que de sorties : 620 adultes ayant une déficience intellectuelle en étaient partis, alors que 690 y étaient admis (2). En 2011, quelque 32 % des déficients intellectuels adultes étaient hébergés dans des résidences offrant une assistance continue, tandis que les autres vivaient à domicile (3). La stratégie irlandaise de désinstitutionnalisation de 2011 prévoit la fermeture définitive de toutes les institutions dans un délai de sept ans. L’Irlande (population : 4,7 millions) compte quelque 26 000 personnes ayant une déficience intellectuelle. Le vieillissement des personnes ayant une déficience intellectuelle C’est dans ce contexte de désinstitutionnalisation des personnes ayant une déficience intellectuelle en Irlande que la première étude d’envergure sur le vieillissement de ces citoyens a été réalisée. En effet, la recherche de Mary McCarron et son équipe est considérée comme novatrice pour plusieurs raisons : Elle permet de mesurer les changements sur une période de 10 ans. 1. Irlande, Department of Health, Review Group on Mental À l’échelle internationale, c’est la première fois qu’une telle recherche est menée simultanément avec une étude longitudinale sur le vieillissement de la population en général. La recherche permet de faire une comparaison avec les études longitudinales sur le vieillissement réalisées aux États-Unis et au Royaume-Uni (4). Elle fournit des données sociodémographiques, économiques et sanitaires sur un échantillon représentatif de personnes qui vieillissent avec une déficience intellectuelle en Irlande. Enfin, elle joue aussi un rôle de modèle auprès de la communauté européenne. Sources : Mary McCarron et al., Growing Older with an Intellectual Disability in Ireland 2011, Dublin, University of Dublin, 2011, 188 p. Irlande, Health Service Executive, Time to Move from Congregated Settings: A strategy for Community Inclusion, Dublin, 2011, 174 p. Handicap Services, Needs and abilities: A Policy for the Intellectually Disabled, Dublin, 1990, 65p. 2. Irlande, Time to Move from Congregated Settings, 2011, p. 47-48. 3. Irlande, Department of the Environment, Community and Local Government, National Housing Strategy for People with a Disability 2011-2016, Dublin, 2011, p. 47. Page 2. 4. Health and Retirement Study (HRS), aux États-Unis, depuis 1992, et English Longitudinal Study of Ageing (ELSA), depuis 2002. Curateur public du Québec ▪ Bulletin de veille ▪ Octobre 2013 Une banque de données unique La banque de données nationale sur la déficience intellectuelle ( National Intellectual Disability Database) de l’Irlande a été créée en 1995 dans le cadre de la désinstitutionnalisation, dans le but d’assurer que des services adéquats soient offerts aux personnes atteintes et à leur famille. Chaque région administrative compte un coordonnateur, qui collabore avec un comité composé de représentants de tous les établissements impliqués dans la prestation de services (écoles, services de santé et services sociaux). Ce comité assure l’arrimage avec les bases de données locales, valide les données et offre des conseils, notamment au coordonnateur. Les données sont ensuite acheminées au comité national chargé d’en produire la version finale, alors considérée comme un recensement de la population ayant une déficience intellectuelle. Pour garantir la fiabilité des données recueillies, seulement trois catégories d’entre elles sont compilées : des informations démographiques de base, les services effectivement donnés et les besoins de services futurs. L’échantillon comprend 753 personnes adultes ayant une déficience intellectuelle, dont l’âge varie de 41 à 90 ans. Elles ont été recrutées au moyen de la base nationale de données sur la déficience intellectuelle (voir l’encadré) qui couvre l’ensemble du territoire de la République d’Irlande. Ce groupe représente près du dixième de la population visée. Il s’agit d’un complément de la vaste étude longitudinale irlandaise sur le vieillissement (Irish Longitudinal Study on Ageing) réalisée auprès d’un échantillon représentatif de 8 200 adultes de 50 ans ou plus jouissant d’une bonne qualité de vie (1). Hébergement Dans l’échantillon de l’étude, 45 % des participants vivent dans des centres résidentiels, 35 % dans des résidences de groupe, alors que 11 % vivent dans leur famille (parents ou fratrie) et 5 % habitent seuls. La forte participation des personnes vivant dans les centres résidentiels permettra aux chercheurs de suivre cette population pendant le processus de désinstitutionnalisation qui s’amorce. Scolarité 27 % des participants n’ont jamais fréquenté l’école. 46 % ont fait leurs études primaires. 13 personnes ont terminé leur secondaire (moins de 0,6 %). 4 personnes sont diplômées (0,2 %). Réseau familial et social Plus du quart (28 %) des participants rencontrent peu les membres de leur famille, soit une fois ou moins par année, alors que 8 % n’ont aucun contact avec eux. Plus de la moitié des personnes ayant une déficience intellectuelle légère (53 %) ont toutefois des contacts réguliers avec leur famille, lesquels baissent à 40 % chez celles qui ont une déficience intellectuelle grave. Les contacts diminuent avec l’âge : 47 % chez les 50-64 ans contre 33 % chez les 65 ans ou plus. Une proportion importante (42 %) des participants n’ont pas de contacts téléphoniques avec leur famille, alors que le tiers en ont sur une base hebdomadaire. Plus des trois quarts n’utilisent pas les médias sociaux. Plus du tiers ne rencontrent pas d’amis. La plupart des personnes ayant une déficience intellectuelle ont indiqué avoir des activités de loisir préférées (un passe-temps). Plus de 80 % ont besoin de l’aide d’éducateurs ou de compagnons pour participer à des activités sociales. La majorité d’entre elles ont un membre du personnel aidant comme confident et comme moteur de participation sociale. Près du tiers des participants ont voté aux dernières élections générales en Irlande. 1. Irish Longitudinal Study on Ageing (TILDA), depuis 2009. Curateur public du Québec ▪ Bulletin de veille ▪ Octobre 2013 Page 3. Santé Un participant sur trois rapporte avoir des difficultés à se faire comprendre par les professionnels de la santé. Les réponses des participants indiquent que 60 % d’entre eux sont en surpoids ou obèses. La consommation d’alcool et de tabac est moins fréquente chez eux que dans le reste de la population. Les chutes sont aussi fréquentes chez les quinquagénaires atteints d’une déficience intellectuelle que chez les 75 ans ou plus du reste de la population irlandaise. Page 4. Plus de la moitié des participants rapportent n’avoir jamais reçu de brochures sur la santé qui soit facile à lire. Finances personnelles 82 % des participants sont prestataires de l’aide sociale (disability allowance). Environ la moitié d’entre eux indiquent qu’ils ne peuvent pas gérer leurs finances. Environ 7 % occupent un emploi rémunéré. − Préparé par Malcolm St-Pierre, DPSR Curateur public du Québec ▪ Bulletin de veille ▪ Octobre 2013 La lutte contre la maltraitance des personnes vulnérables (États-Unis, Canada et Royaume-Uni) En Australie, le Curateur public à la personne de l’État de Victoria, le Public Advocate, manifeste depuis plusieurs années un intérêt marqué envers la lutte contre la maltraitance des personnes vulnérables. Il a d’ailleurs réalisé en 2010 une étude qui a incité le gouvernement à demander une enquête parlementaire sur le traitement que le système judiciaire accorde aux personnes ayant une déficience intellectuelle ou un problème de santé mentale (1). Le Curateur public est aussi à l’origine d’un guide sur le traitement des signalements concernant la violence, la maltraitance et l’abus des personnes vulnérables (2). Cette préoccupation s’explique en partie par l’étendue du mandat du Curateur public à la personne. En plus de ses responsabilités à l’égard des curatelles à la personne, il gère un programme de visites sans préavis dans les centres d’hébergement de l’État de Victoria ainsi qu’un programme d’accompagnement des personnes vulnérables arrêtées ou interrogées par la police. Les visiteurs et les accompagnateurs sont tous des bénévoles qu’il forme et encadre (3). Le responsable du développement des politiques au Curateur public, John Chesterman, s’est ainsi intéressé aux méthodes employées pour lutter contre la maltraitance à l’extérieur de l’Australie. Il a rencontré en 2013 plus de 30 professionnels des services sociaux, du système judiciaire, des autorités municipales, de la police et des curateurs publics de l’État de Washington, de la Nouvelle-Écosse, de l’Écosse et de l’Angleterre. La préoccupation de John Chesterman repose sur un problème réel: il a souvent observé que des personnes vulnérables passent entre les mailles des services sociaux et judiciaires de l’État de Victoria, notamment lorsqu’il n’y a ni urgence médicale ni preuve évidente d’un crime. Entre les deux options possibles – une curatelle ou l’inaction des autorités – la curatelle s’impose très fréquemment. Chesterman cherche alors à déterminer des mesures qui seraient moins intrusives que l’ouverture d’une curatelle. 1. Victoria, Office of the Public Advocate (OPA), Violence against people with cognitive impairments, Melbourne, 2010, 32p.; Victoria, Parliament, Law Reform Committee, Inquiry into Access to and Interaction with the Justice System by People with an Intellectual Disability and their Families and Carers, Sydney, 2013, 418 p. 2. OPA et al., Interagency Guideline for Addressing Violence, Neglect and Abuse, Melbourne, 2013, 6 p. 3. OPA, Become a Community Visitor, 2010, 2 p.; OPA, Independent Third Person Program, 2009, 2 p. Curateur public du Québec ▪ Bulletin de veille ▪ Octobre 2013 À cet égard, il cite la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées qui reconnaît le droit de celles-ci à la capacité juridique (4). Les mesures d’assistance devraient être « proportionnées et adaptées à la situation de la personne concernée ». L’auteur a centré son étude sur le rôle des divers organismes publics, sur la place qu’occupent les curatelles et sur la présence de mesures alternatives, moins privatives de droits. En voici quelques faits saillants. État de Washington L’État de Washington (population : 7 millions) a particulièrement intéressé John Chesterman en raison de son service de protection des adultes qui a traité en 2012 environ 19 000 signalements provenant notamment de professionnels du secteur public et parapublic. Les signalements sont traités en quelques heures ou quelques jours, selon le niveau de risque qu’ils présentent. Les agents du service de protection rencontrent les personnes visées ainsi que celle qui est soupçonnée d’abus; ils sont assistés par des policiers dans environ 5 % des cas. Quelque 2 000 allégations d’abus sont confirmées chaque année, dont certaines qui sont transmises à la police. Les autres sont rejetées ou fermées faute de preuve. Le service de protection peut aider la personne concernée à obtenir les services requis ou, si elle est inapte, à faire une demande directement aux services sociaux ou à préparer une requête en ouverture d’un régime de protection. Chesterman souligne que la police et les procureurs publics affichent une détermination marquée d’agir dans les cas d’abus financier. Les auteurs d’abus confirmés sont informés des conclusions de l’enquête et leur nom est inscrit dans un registre (ouvert en 2003, le registre d’abus compte environ 4 000 noms). Ce registre facilite les enquêtes sur les antécédents des candidats à des emplois impliquant un contact avec des personnes vulnérables. Source : John Chesterman, Responding to violence, abuse, exploitation and neglect: Improving our protection of at-risk adults, Canberra, Churchill Fellowship, juillet 2013, 91 p. 4. Organisation des Nations Unies, Convention relative aux droits des personnes handicapées, 2007. Page 5. Nouvelle-Écosse Angleterre La Nouvelle-Écosse (population : 1 million) a un service de protection des adultes vulnérables axé sur la lutte contre la maltraitance. Les abus financiers sont actuellement exclus du domaine visé par la Loi sur la protection des adultes, mais un récent projet de loi vise à les y inclure (1). En Angleterre (population : 53 millions), les services de santé sont organisés à l’échelle nationale alors que les services sociaux sont gérés localement. Cette organisation à deux étages ne semble pas présenter d’obstacle à une intervention efficace dans les situations d’abus ou de maltraitance. Le service traite environ 1 300 signalements par année. En cas de besoin, ses agents peuvent communiquer avec les responsables des services sociaux et présenter une demande à la place de la personne vulnérable en cause. Si cette dernière s’y objecte, une ordonnance du tribunal est requise. Chesterman remarque que chez lui, en Australie, seul un curateur peut requérir des services pour autrui. Chesterman souligne les relations étroites qu’entretiennent les enquêteurs et les responsables des services sociaux, ce qui a pour effet qu’une personne inapte obtient rapidement les services requis. Un responsable unique est désigné pour chaque enquête et la priorité est donnée à la sécurité de la personne vulnérable. Par ailleurs, le tribunal de la famille de la NouvelleÉcosse possède des pouvoirs étendus. Il peut, par exemple, rendre des ordonnances pour faire évaluer la capacité mentale d’une personne ou pour ordonner son hébergement dans une résidence appropriée. Il peut aussi interdire à des tiers tout contact avec la victime présumée. Chesterman remarque également que tout NéoÉcossais possédant de l’information à l’effet qu’un adulte a besoin d’être protégé, qu’elle soit ou non de nature confidentielle ou privilégiée, doit la signaler au service de protection des adultes (2). Écosse Un nouveau système de protection des adultes a récemment été introduit en Écosse (population : 5,3 millions) (3). Les autorités municipales (responsables des services sociaux) peuvent mener des enquêtes, y compris au domicile d’un adulte vulnérable, et les tribunaux locaux peuvent rendre des ordonnances concernant son évaluation médicale, son hébergement et le maintien de contacts avec des tiers soupçonnés d’abus. Son consentement préalable est toutefois généralement requis. Cependant, certains professionnels que Chesterman a rencontrés lui ont souligné que la protection réellement accordée dépend des ressources financières disponibles. En raison des coupes budgétaires importantes au Royaume-Uni depuis 2008, ils se demandent si la nouvelle loi a changé quelque chose au cours des dernières années. 1. Nouvelle-Écosse, Adult Protection Act (amended) 2013, 2013. À la fin d’août 2013, le projet de loi n’était pas encore en vigueur. 2. Chesterman, Responding to violence…, 2013, p. 42. 3. Écosse, Adult Support and Protection (Scotland) Act 2007. Page 6. Toutefois, l’absence d’une législation visant spécifiquement la protection des adultes vulnérables signifie que certains cas, notamment ceux d’auto-négligence (ou syndrome de Diogène), peuvent passer à travers les mailles. Un projet de loi est actuellement à l’étude en Angleterre (4) pour créer un service municipal de protection des adultes. Quant au Curateur public anglais, il limite ses enquêtes aux signalements concernant les personnes représentées (environ 45 000 curatelles aux biens et 600 curatelles à la personne). La responsabilité civile en Angleterre Chesterman s’est aussi intéressé au régime anglais de responsabilité civile qui s’applique à la prise de décisions informelle en l’absence d’un représentant légal. Dans la mesure où un aidant naturel ou un professionnel prend une décision pour une personne inapte qu’il croit être dans le meilleur intérêt de cette dernière, il bénéficie d’une exception à la règle de responsabilité civile (5). Les aidants sont donc moins craintifs de prendre des décisions de façon informelle. Des professionnels de Londres ont à trois reprises indiqué à Chesterman que cette disposition a pour effet de réduire le nombre de requêtes en ouverture d’une curatelle (6). Notons que le projet de loi irlandais sur la réforme des curatelles de juillet 2013 circonscrit aussi la responsabilité civile des aidants naturels et des professionnels de la santé (7). 4. 5. 6. 7. Royaume-Uni, Care Bill, 2013, juillet 2013, art. 42 à 47. Royaume-Uni, Mental Capacity Act 2005, article 5. Chesterman, Responding to violence…, 2013, p. 64. Irlande, Assisted Decision-Making (Capacity) Bill, 2013, article 53. Curateur public du Québec ▪ Bulletin de veille ▪ Octobre 2013 Les leçons tirées Chesterman remarque que les services de protection des adultes des pays qu’il a visités sont plus centralisés que ceux de l’État de Victoria, mais il ne croit pas que cette dimension soit la plus importante. Selon lui, un système efficace de protection des personnes vulnérables, qu’il soit centralisé ou décentralisé, devrait : assurer que la police et les procureurs publics possèdent l’expertise nécessaire pour mener des enquêtes et intenter des poursuites, notamment en matière d’abus financier; permettre aux citoyens de signaler leurs inquiétudes concernant le bien-être d’une personne vulnérable sans nécessairement déposer une plainte officielle à la police; habiliter un organisme public ou parapublic à exercer un pouvoir d’enquêter dans les centres d’hébergement; autoriser les tribunaux à rendre des ordonnances (d’évaluation, d’hébergement, d’interdiction de contact, etc.); éviter autant que possible l’ouverture de curatelles (considérées comme trop privatives de droits); assurer que les professionnels impliqués dans la protection des adultes vulnérables se rencontrent régulièrement et coordonnent leurs efforts. L’auteur présente aussi plusieurs recommandations touchant les services offerts dans l’État de Victoria. Avant tout, il croit que les pouvoirs d’enquête du Curateur public à la personne – son employeur – devraient être renforcés, car cet organisme est particulièrement bien placé pour mener de telles activités et, le cas échéant, pour demander l’intervention des services sociaux. Cette façon de faire, qu’il appelle la démarche d’intervention positive, fonctionne très bien en Écosse. Chesterman croit également que les tribunaux de l’État de Victoria devraient pouvoir rendre des ordonnances de protection, comme c’est le cas dans l’État de Washington, en Nouvelle-Écosse et en Écosse, pour circonscrire le recours à des curatelles à la personne. Selon lui, une curatelle pour les affaires personnelles ne devrait être ouverte que si des décisions importantes doivent être prises dans l’immédiat ou si la situation présente des risques graves (1). Plus concrètement, il propose que les tribunaux de Victoria soient autorisés à rendre des ordonnances pour donner accès au domicile d’une personne inapte, pour l’évaluer et la placer dans un centre d’hébergement s’il y a lieu, pour autoriser une demande de services et pour interdire le contact de la personne avec le ou les individus qui sont soupçonnés d’abus. Un tel pouvoir d’ordonnance apporterait un degré de souplesse qui manque aujourd’hui à la réponse judiciaire dans l’État de Victoria. Finalement, Chesterman suggère que l’État lance une campagne de sensibilisation du public, peut-être sur le modèle de la compagne écossaise Agir contre la maltraitance (2), et introduise un guichet unique pour recevoir les signalements. − Préparé par André Bzdera, DPSR 1. Chesterman, Responding to violence, abuse, exploitation and neglect, p. 83. 2. Voir le site Web Act Against Harm. Curateur public du Québec ▪ Bulletin de veille ▪ Octobre 2013 Page 7. Le nouveau dispositif de protection de la Norvège Une nouvelle loi norvégienne sur la curatelle est entrée en vigueur le 1er juillet 2013. La Norvège (population : 5,1 millions) devient ainsi le dernier pays scandinave à réformer son dispositif de protection, après le Danemark en 1993, la Suède en 1995 et la Finlande en 1999. Ces lois témoignent de l’influence de la tradition sociale-démocrate scandinave et de la préoccupation de ces pays envers la protection des droits fondamentaux des personnes vulnérables. La Norvège est aussi un des premiers pays à repenser entièrement son dispositif de protection suivant l’adoption par les Nations Unies de la Convention relative aux droits des personnes handicapées en 2006. La Norvège peut ainsi servir d’exemple aux autres pays. Des disparités dans le traitement des mandats de protection persistent toutefois entre les pays scandinaves. La Finlande a adopté une loi sur les mandats de protection en 2007 alors que le Danemark et la Suède n’ont pas de règles précises pour les encadrer. La nouvelle loi norvégienne introduit le « mandat de protection future », inspiré en partie de l’expérience finlandaise. Elle encadre également les tutelles des biens du mineur (qui ne sont pas abordées ici). Ce survol de la réforme norvégienne s’appuie principalement sur un texte de Torstein Frantzen, professeur de droit de l’Université de Bergen, et sur un rapport du gouvernement de la Norvège sur le projet de réforme et sa mise en œuvre. La réforme de la curatelle norvégienne Depuis les années 1920, la curatelle norvégienne visait les personnes ayant une déficience intellectuelle, une maladie mentale ou une maladie dégénérative. À cette liste, la nouvelle loi sur la curatelle ajoute la toxicomanie et le jeu pathologique. De plus, elle prévoit que les mesures de protection soient utilisées au minimum, adaptées aux besoins des individus et aussi respectueuses que possible de leur autonomie. L’intégrité des personnes se voit ainsi protégée. Il s’agit d’un progrès considérable si l’on considère que l’ancienne loi adoptait une approche uniforme : la curatelle ne pouvait pas être modulée. Un curateur peut être nommé pour gérer les affaires financières ou les affaires personnelle d’un citoyen inapte, ou les deux à la fois. Seuls les pouvoirs nécessaires lui sont confiés et la mesure peut avoir une durée limitée. Page 8. Curatelle d’assistance En premier lieu, le nouveau dispositif comporte une curatelle sans privation de capacité juridique, ce que nous pouvons appeler la curatelle d’assistance : la personne inapte conserve ainsi sa pleine capacité juridique. Elle doit donner son consentement à la nomination du curateur et à l’étendue de ses pouvoirs, sauf si elle n’est pas en mesure de comprendre de quoi il s’agit. Curatelle de représentation En deuxième lieu, le dispositif comporte une curatelle avec retrait de la capacité juridique, ce que nous pouvons appeler la curatelle de représentation. La personne inapte en est alors privée partiellement ou totalement. On ne peut cependant la lui retirer que si elle présente des risques importants pour sa personne ou pour son patrimoine. Remarquons que le législateur norvégien emploie le même vocabulaire pour désigner ces deux mesures : curatelle (vergemål) et curateur (verge). Sources : Torstein Frantzen, « Vorsorgeauftrag und Patientenverfugung in Norwegen » [Mandats durables et directives anticipées en Norvège], dans Vorsorgevollmacht und Erwachsenenschutz in Europa, Bielefeld, Gieseking, 2011, p. 87-96. Norvège, Ministère de la Justice et de la Police, Vergemålsreformen: Sluttrapport fra forprosjektet [Réforme de la curatelle : rapport final sur le projetpilote], Oslo, 2011, 53 p. Curateur public du Québec ▪ Bulletin de veille ▪ Octobre 2013 La ratification de la Convention relative aux droits des personnes handicapées La Norvège a attendu l’entrée en vigueur de sa nouvelle loi sur la curatelle avant de ratifier la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, car, selon le gouvernement, l’ancienne loi de 1927 – qui privait des citoyens de leur capacité juridique – violait l’article 12 de cette convention (1). Bien que le nouveau dispositif de protection norvégien prévoie lui aussi que la capacité juridique puisse être retirée à des personnes inaptes, cela est désormais l’exception. Lors de la ratification de la convention, la Norvège a donc déclaré : « […] qu’elle considère que la Convention autorise le retrait de la capacité juridique ou de l’accompagnement pour l’exercice de la capacité juridique, et/ou la mise sous tutelle obligatoire, dans les cas où ces mesures sont nécessaires, en dernier recours et sous réserve de certaines garanties. » (2) Les autorités tutélaires Le nouveau dispositif centralise les fonctions relatives aux curatelles que les municipalités de la Norvège assumaient jusqu’alors. Les quelque 430 autorités tutélaires municipales sont remplacées par des autorités tutélaires régionales (lokal vergemålsmyndighet), soit une pour chacune des 19 préfectures du pays. Une autorité tutélaire régionale peut ouvrir des curatelles d’assistance. Elle offre de la formation à tous les nouveaux curateurs selon la nature de leurs responsabilités et les conseille dans leur travail. Elle doit aussi surveiller leur administration en validant leurs comptes financiers. Elle doit également valider les rapports annuels que doivent préparer les curateurs professionnels, quoique leur contenu ne soit pas précisé dans la réglementation (3). Les curateurs qui représentent leur conjoint sont toutefois assujettis à une surveillance allégée et les autorités tutélaires peuvent étendre cet allègement à ceux qui cohabitent avec un parent qu’ils représentent (4). L’autorité tutélaire régionale joue également un rôle direct dans la gestion des patrimoines importants. Une autorité tutélaire centrale (sentral vergemålsmyndighet) s’assurera de la conformité de l’application de la loi dans l’ensemble du pays, notamment en donnant des directives administratives aux autorités tutélaires régionales et au moyen de guides et de cours de formation qui seront offerts à leur personnel. Les tribunaux Les autorités tutélaires régionales et les tribunaux peuvent décréter les curatelles d’assistance. Cependant, seul un tribunal peut priver quelqu’un de sa capacité juridique en ouvrant une curatelle de représentation. La formation et la surveillance des curateurs nommés par le tribunal relèvent de la compétence de l’autorité tutélaire régionale. Les tribunaux priorisent autant que possible le traitement des requêtes en ouverture de curatelles. Selon les circonstances, ils peuvent tenir l’audition au palais de justice, à l’hôpital ou dans l’établissement où réside la personne concernée (5). La transition La mise en œuvre de la réforme a nécessité près de trois ans de préparation. Le gouvernement norvégien prévoyait la mutation de quelque 100 employés municipaux aux nouvelles autorités tutélaires régionales ainsi que l’embauche de 70 nouveaux préposés. Les autorités tutélaires des petits comtés auront de quatre à cinq employés et celle d’Oslo, environ 38. Le budget annuel initial devait s’élever à environ 40 millions $ (6). L’effectif de l’autorité tutélaire centrale sera d’environ 15 personnes. Le gouvernement prévoyait aussi la création d’un système informatique central en vue du transfert des quelque 50 000 dossiers de personnes représentées détenus par les municipalités. Pour l’instant, il est difficile de distinguer les dossiers des mineurs de ceux des majeurs, ou encore les ressources humaines et financières consacrées à chaque groupe (7). 1. Norvège, Ministère des Affaires étrangères, Samtykke til ratifikasjon av FN-konvensjonen av 13. desember 2006 om rettighetene til mennesker med nedsatt funksjonsevne [Le consentement à la ratification de la Convention des N.-U. relative aux droits des personnes handicapées du 13 décembre 2006], 2012, p. 25. 2. Organisation des Nations Unies, Convention relative aux droits des personnes handicapées [ratifications], New York, 2013, p. 6 (version du 27 septembre 2013). 3. Norvège, Vergemålsforskriften [règlement sur la curatelle], 2013, article 2. Curateur public du Québec ▪ Bulletin de veille ▪ Octobre 2013 4. Norvège, Lov om vergemål [Loi sur la curatelle], 2010, art. 44 et 47; Norvège, Vergemålsforskriften, article 23. 5. Norvège, Lov om vergemål, article 71. 6. Norvège, MJP, Vergemålsreformen [Réforme des curatelles], Oslo, 2011, p. 21. En dollars canadiens. 7. En 2010, les autorités tutélaires municipales adminis- traient le patrimoine d’environ 18 600 mineurs. Norvège, MJP, Vergemålsreformen, 2011, p. 40. On peut supposer qu’il y a 31 400 adultes sous curatelle. Page 9. La rémunération des curateurs Les conjoints et les membres de la famille n’ont pas normalement droit à une rémunération, payée par la personne représentée, mais la réglementation prévoit que les curateurs réguliers et professionnels peuvent être rémunérés selon la nature de leurs tâches (1). Les curateurs réguliers sont des volontaires qui représentent une ou quelques personnes inaptes de leur communauté, sans qu’elles aient un lien de parenté avec eux. Les professionnels gagnent leur vie avec leurs activités de curateur. L’autorité tutélaire régionale peut exceptionnellement autoriser une compensation horaire. Si les revenus d’une personne sont inférieurs au niveau de la pension minimale (2) et que son patrimoine n’excède pas 8 500 $, la préfecture assure la rémunération de son curateur (3). Le préfet, ou l’autorité tutélaire régionale, peut avoir recours aux services de curateurs professionnels pour assister ou représenter des personnes inaptes. Ces curateurs ne font pas partie du personnel permanent de la préfecture et doivent détenir un certificat de bonne conduite émis par les autorités policières. La gestion du patrimoine Le curateur liquide les biens de la personne sous curatelle et les dépose dans un compte bancaire ouvert dans une des institutions désignées par l’autorité tutélaire centrale (4). La nouvelle loi ne prévoit plus la possibilité de placer les avoirs de la personne sous curatelle dans des valeurs mobilières. Par ailleurs, sur demande de l’autorité tutélaire régionale, la banque lui transmet la liste des transactions effectuées au nom de la personne inapte. Si un mineur ou un adulte possède un patrimoine important, la gestion de son compte bancaire est assumée directement par l’autorité tutélaire régionale. 1. Curateurs réguliers (alminnelig verge) et curateurs professionnels (faste verge). 2. La pension minimale norvégienne correspond à la pen- sion de la sécurité de la vieillesse et au supplément de revenu garanti du Canada. Sa valeur exacte varie selon le statut civil de la personne âgée. 3. Norvège, Lov om vergemål, article 30; Norvège, Vergemålsforskriften, article 19. 4. Jusqu’en juin 2013, les anciennes autorités tutélaires des plus grandes villes norvégiennes pouvaient créer des fonds communs et ainsi faire profiter les personnes représentées d’un taux de rendement supérieur. Page 10. Rémunération des curateurs réguliers et professionnels, selon le domaine visé (en dollars canadiens) Domaine Curateur Curateur Curateur familial régulier professionnel Affaires financières 0$ 640 $ 1 280 $ Affaires personnelles 0$ 360 $ 810 $ Affaires fin. et personnelles 0$ 725 $ 1 710 $ Rémunération horaire 0$ 34 $ 68 $ Source : Norvège, Vergemålsforskriften, article 16. Taux de change au 6 septembre 2013 : 1,0 couronne norvégienne = 0,17 $ canadien. Cependant, si le droit d’administrer son patrimoine n’a pas été retiré à un majeur, celui-ci doit consentir à ce qu’elle assume cette responsabilité (5). Le seuil à partir duquel l’autorité tutélaire régionale intervient passe d’environ 13 000 $, selon l’ancienne loi, à environ 28 000 $ en 2013 (6). Cela représente deux fois le « montant de base », qui sert à établir diverses prestations sociales en Norvège et que le gouvernement indexe régulièrement. Si la valeur liquide du patrimoine excède deux millions de couronnes (340 000 $), l’argent doit être réparti entre deux ou plusieurs institutions afin de profiter de la garantie maximale accordée aux dépôts bancaires (7). Avant la réforme de 2013, les autorités tutélaires municipales administraient environ 13 milliards de couronnes (2,2 milliards $) au nom des majeurs sous curatelle (8). 5. Norvège, Lov om vergemål, article 48. 6. Norvège, Vergemålsforskriften, article 26. Au 1er mai 2013 : le montant de base « folketrygdens grunnbeløp » s’élevait à 82 122 couronnes. 7. Norvège, MJP, Vergemålsreformen, 2011, p. 40-41. 8. Norvège, MJP, Vergemålsreformen, 2011, p. 39-40. À ce montant (2,2 milliards $, ou 13 milliards de couronnes), il faudrait ajouter 3,8 G $ (22,3 milliards de couronnes) pour l’ensemble du patrimoine des mineurs sous l’administration des autorités tutélaires municipales avant la réforme. La hausse du seuil d’intervention (de 13 000 à 28 000 $) devrait faire baisser les sommes sous administration des autorités tutélaires régionales. Curateur public du Québec ▪ Bulletin de veille ▪ Octobre 2013 La représentation par le plus proche parent Le législateur norvégien a aussi introduit une nouvelle disposition (nærståendes representasjonsrett) qui habilite le plus proche parent à représenter une personne devenue inapte dans la gestion de ses affaires financières courantes, dont le paiement du loyer, d’hypothèques, de factures et de taxes. La loi prescrit l’ordre de préséance : l’époux ou le conjoint de fait, les enfants, les petits-enfants et, en quatrième position, le père et la mère. Un parent désigné doit s’abstenir d’agir si un autre parent de la personne se situe plus proche dans l’ordre de préséance. L’époux ou le conjoint de fait d’une personne sous curatelle ayant déjà accès au compte bancaire de cette dernière pourra être conforté par cette nouvelle disposition. Cependant, souligne Frantzen, celle-ci pourrait fort bien rester lettre morte en l’absence de règles précises pour l’encadrer. Autrement, les institutions bancaires hésiteront à accorder un accès aux comptes. Une telle représentation légale d’office n’est pas exclusive à la Norvège. L’Espagne, l’Autriche et la Suisse ont des règles semblables, quoique l’étendue des pouvoirs financiers et l’ordre des proches parents ne sont pas les mêmes. En Norvège, un mandat de protection future a préséance sur la représentation par le plus proche parent. Sources : Frantzen, « Vorsorgeauftrag … », p. 90; Norvège, Lov om vergemål, article 94; Michael Ganner, Stand und Perspektiven des Erwachsenenschutzes in rechtsvergleichender Sicht [La protection des adultes à la lumière du droit comparé], dans Perspektiven und Reform des Erwachsenenschutzes, Göttingen, Universitätsverlag Göttingen, 2013, p. 54. Le mandat ordinaire Dans l’ancien droit norvégien, la valeur juridique d’un mandat (ou procuration) était incertaine lorsque le mandant devenait inapte. La nouvelle loi précise qu’un tel mandat perd alors son effet, à une exception près : les autorisations de paiement automatique, notamment pour le loyer, l’hypothèque, l’électricité, le téléphone et les taxes demeurent valides (1). Auparavant, l’institution bancaire pouvait remettre ces paiements en question lorsqu’elle apprenait que le client était devenu inapte. Le mandat de protection future Le législateur norvégien a également introduit le mandat de protection future (fremtidsfullmakt) qui permet, tout comme la curatelle, à une ou à plusieurs personnes de représenter quelqu’un ayant une maladie mentale, une déficience intellectuelle ou une maladie dégénérative. Il doit être préparé par écrit en présence de deux témoins. Le mandataire désigné ou un proche parent ne peut pas être un des témoins. Le mandat de protection future prend généralement effet quand le mandant devient inapte à s’occuper des affaires indiquées dans le document. Le mandataire décide du moment précis de l’entrée en vigueur du mandat en avisant le mandant et son conjoint ou, en l’absence d’un conjoint, son plus proche parent (2). Aucune homologation judiciaire ou administrative n’est requise. Le mandant peut toutefois stipuler que son inaptitude doit être confirmée par l’autorité tutélaire régionale avant l’entrée en vigueur de son mandat (3). Normalement, un certificat médical suffirait. Un tel certificat pourrait aussi faciliter ses démarches auprès des institutions bancaires. À la demande du mandant, de ses proches parents ou de son médecin, l’autorité tutélaire régionale peut intervenir pour modifier ou annuler un mandat de protection future si elle a raison de croire qu’il ne convient plus à la situation. L’autorité tutélaire peut aussi obliger le mandataire à rendre compte de ses actions. En raison du rôle accordé aux proches parents pour la gestion des affaires financières courantes (voir l’encadré), Frantzen se demande si le mandat de protection future sera beaucoup utilisé en Norvège. − Préparé par André Bzdera, DPSR 2. Norvège, Lov om vergemål, article 78. 3. La proposition de réforme du comité d’experts de 2004 1. Norvège, Lov om vergemål, articles 20 et 93. Curateur public du Québec ▪ Bulletin de veille ▪ Octobre 2013 ne contenait pas cette possibilité. Selon Frantzen, le législateur norvégien s’est inspiré de loi finlandaise de 2007 sur le mandat de protection qui contient une disposition semblable. Frantzen, « Vorsorgeauftrag und Patientenverfugung in Norwegen », p. 94, note 27. Page 11. Création d’un Curateur public en Irlande La République d’Irlande a un dispositif de protection des personnes inaptes de type britannique, basé sur le common law. À plusieurs égards, il ressemble à ceux en vigueur dans certaines provinces canadiennes mettant l’accent sur la protection du patrimoine. La nomination d’un représentant pour la protection de la personne demeure alors l’exception. En juillet 2013, le gouvernement irlandais soumettait au Parlement un projet de loi sur la prise de décisions assistée pour des personnes inaptes. Il vise ainsi à adapter son dispositif de protection traditionnel aux nouvelles normes internationales en matière de protection des droits de la personne. Les solutions proposées peuvent donc être d’un grand intérêt pour les pays de tradition britannique. Le gouvernement irlandais prévoit trois mesures : assistance, codécision et représentation. De plus, le mandat de protection actuel, qui concerne les affaires financières, sera élargi au domaine des soins et du bien-être du mandant. Dans un deuxième temps, le gouvernement s’engage à présenter un amendement législatif qui encadrera l’utilisation de la directive anticipée pour les soins. Vers une réforme Des travaux antérieurs avaient préparé le terrain à l’avènement de cette réforme du dispositif de protection irlandais (voir l’encadré à page suivante). La législation actuelle, la Loi sur les aliénés, qui date de 1871, est taxée de paternaliste en raison de son modèle de prise de décisions basé sur la recherche du « meilleur intérêt de la personne ». Les curateurs et les professionnels de la santé et des services sociaux décident, à la place de la personne, ce que devait être son meilleur intérêt. La terminologie législative est aussi considérée préjudiciable envers les personnes handicapées, car des termes tels que idiots, faibles d’esprit et aliénés n’ont plus leur raison d’être aujourd’hui. Face aux avancées médicales, technologiques et sociales, la législation devrait être modernisée. Selon le ministre de la Justice, la réforme des curatelles est également nécessaire pour que l’Irlande puisse ratifier la Convention des Nations Unies relative Page 12. aux droits des personnes handicapées (1). Les parlementaires, qui avaient étudié la question en 2012, sont du même avis : « Nous devons écarter le paternalisme et reconnaître pleinement la volonté et les préférences de la personne tel que stipulé par l’article 12(4) de la Convention des Nations Unies. » (2) La réforme Afin d’adapter la loi à la diversité des situations individuelles, le législateur prévoit des interventions visant à minimiser le plus possible la restriction des droits des personnes. Il propose trois types de prise de décisions : l’assistance, la codécision et la représentation. Une personne dont la capacité est ou pourrait être remise en question pourra en désigner une autre à titre d’assistant ou de codécideur pour l’aider dans sa prise de décisions. Le tribunal devra homologuer toute entente de codécision avant qu’elle puisse entrer en vigueur. Si la personne n’a pas la capacité requise pour agir conjointement avec un codécideur, le tribunal pourra lui désigner un représentant. Enfin, un aidant naturel ou un préposé de la santé ou des services sociaux pourra agir informellement à ce titre si une personne inapte n’est pas autrement assistée ou représentée. Sources : Irlande, Department of Justice and Equality, Assisted Decision-Making (Capacity) Bill 2013, Dublin, 2013, 140 p. Suzanne Doyle et Eilionóir Flynn, « Ireland’s ratification of the UN convention on the rights of persons with disabilities: challenges and opportunities », British Journal of Learning Disabilities, 4:1 (2013), p. 171-80. Disponible via Wiley. 1. Irlande, Department of Justice and Equality, Minister Shatter and Minister Lynch Announce Publication of the Assisted Decision-Making (Capacity) Bill 2013, Dublin, 2013. D’autres lois devront aussi être modifiées. 2. Irlande, Oireachtas [Parlement], Joint Committee on Justice Defence and Equality, Report on hearings in relation to the Scheme of the Mental Capacity Bill, Dublin, 2012, p. 7. Les parlementaires citent également la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (l’Affaire Chtoukatourov c. Russie du 27 mars 2008). Curateur public du Québec ▪ Bulletin de veille ▪ Octobre 2013 La capacité mentale d’une personne serait donc évaluée en fonction de la décision à prendre et de ses habiletés cognitives à comprendre les choix possibles et leurs implications selon le contexte. L’évaluation de la personne devra se faire dans son milieu de vie. Les fluctuations de ses capacités pourront être considérées lors du choix des mesures à prendre afin d’encourager sa participation. Pour la nomination d’un représentant, la cour demandera un rapport médical et un autre sur les circonstances motivant la demande (1). Assistance (par mandat) Le projet de loi prévoit qu’une personne puisse choisir quelqu’un de confiance pour l’assister dans sa prise de décisions en établissant une entente d’assistance. L’assistant aura pour fonction : de conseiller la personne concernée en lui expliquant les informations relatives à la décision à prendre; d’évaluer, de déterminer et de communiquer la volonté et les préférences de la personne; de s’assurer que les décisions du mandant soient fidèlement respectées. L’assistant aura le droit de recevoir des renseignements personnels sur le mandant s’ils sont nécessaires à la prise de décisions. Codécideur (par mandat avec homologation judiciaire) Un individu pourra aussi préparer une entente de codécision qui prendra effet lorsque le tribunal imposera une « ordonnance de codécision ». L’entente ne peut être modifiée ou annulée que par le tribunal. En l’absence d’une entente de codécision déjà préparée et signée par la personne concernée, le tribunal pourra nommer un codécideur dans la mesure où elle possède la capacité de préparer une telle entente et qu’un de ses proches se porte volontaire pour agir à titre de codécideur. L’entente de codécision pourra inclure autant les soins et le bien-être que les affaires financières de la personne. La longue marche vers la réforme (2) 2003 Document de consultation de la Commission de réforme du droit (CRD) Le droit et les aînés 2005 Document de consultation de la CRD La ca- 2008 Avant-projet de loi du gouvernement sur la capacité mentale 2012 Rapport parlementaire sur l’avant-projet de loi Projet de loi sur la prise de décisions assistée pacité juridique des adultes vulnérables 2006 Rapport de la CRD Le droit et les personnes vulnérables 2013 avait pu prendre la même et si cette décision n’était pas dommageable à elle-même ou à autrui. Dans les autres cas, le codécideur pourra apposer son veto. Le codécideur aura le droit d’obtenir les renseignements personnels du mandant. Il devra aussi soumettre un rapport annuel au Curateur public. Représentant (nomination par le tribunal) Si une personne n’a pas la capacité voulue pour préparer ou approuver une entente de codécision, le tribunal pourra rendre une ordonnance ponctuelle, afin de prendre la meilleure décision dans les circonstances (3), ou nommer un représentant. Le représentant sera normalement un proche de la personne inapte, mais si aucun n’est disponible, le tribunal devra choisir un des trois candidats que le Curateur public proposera. L’étendue et la durée des pouvoirs accordés au représentant devront dans la mesure du possible être limitées. Ces pouvoirs pourront inclure autant les soins et le bien-être de la personne que ses affaires financières. Le tribunal pourra nommer plus qu’un représentant en spécifiant s’ils doivent décider conjointement ou séparément. Le codécideur et le mandant partageront le droit de prendre des décisions et, le cas échéant, les deux devront signer conjointement les documents nécessaires. Toutefois, le codécideur devra acquiescer à une décision du mandant si une personne raisonnable 2. Law Reform Commission, Consultation Paper on Law 1. Irlande, Department of Justice and Equality, Assisted 3. L’ordonnance ponctuelle irlandaise (décision-making or- Decision-Making (Capacity) Bill 2013, Dublin, 2013, p. 44 (article 30). Curateur public du Québec ▪ Bulletin de veille ▪ Octobre 2013 and the Elderly, 2003, 236 p.; LRC, Consultation Paper on Vulnerable Adults and the Law: Capacity, 2005, 232p.; LRC, Vulnerable Adults and the Law, 2006, 193 p.; Irlande, Department of Justice, Equality and Law Reform, Scheme of Mental Capacity Bill 2008, 2008, 95 p.; Irlande, Oireachtas, Joint Committee on Justice Defence and Equality, Report on hearings in relation to the Scheme of the Mental Capacity Bill, 2012, 739 p. der) sera semblable à la « one-off decision » de la Cour de protection en Angleterre et au Pays de Galles. Page 13. Lexique irlandais Bureau du greffier de la cour Curateur public Entente d’assistance Entente de codécision Mandat de protection durable Médiation sociale Ordonnance de codécision Ordonnance ponctuelle Ordonnance de représentation Représentant informel − − − − − − − − − − Wards of Court Office Public Guardian Decision-making assistance agreement Co-decision-making agreement Enduring powers of attorney Advocacy Co-decision-making order Decision-making order Decision-making representative order Informal decision-maker Le tribunal pourra confier l’administration de l’ensemble ou d’une partie du patrimoine de la personne représentée au Curateur public, qui sera alors tenu de prendre en considération l’avis d’au moins deux membres de sa famille. teur public procédera à l’homologation s’il n’a pas reçu d’avis d’opposition des intéressés. En cas d’objection sérieuse, il pourra demander au tribunal de trancher. Le mandataire pourra présenter un certificat pour soutenir ses prétentions. Le remboursement des dépenses du représentant pourra provenir du patrimoine de la personne représentée. Le tribunal pourra autoriser une rémunération, tirée de ce patrimoine, si le représentant agit à titre de professionnel. Il pourra aussi exceptionnellement autoriser des représentants volontaires ou familiaux à être ainsi rémunérés. Dès la présentation de sa demande d’homologation, le mandataire désigné pourra prendre des décisions financières courantes ou concernant le bien-être du mandant si elles ne peuvent pas être reportées, si la nature et le contenu du mandat le prévoient. Tout comme le codécideur, le représentant devra soumettre un rapport annuel au Curateur public. Personnes inéligibles Nul ne peut devenir codécideur ou représentant s’il a été déclaré coupable d’une infraction concernant la personne inapte ou sa famille, s’il est un failli non libéré ou s’il est inéligible à occuper un poste d’administrateur dans une société. Le propriétaire de la résidence où habite la personne inapte, ainsi que son conjoint et ses employés, sont également exclus – sauf s’ils sont des parents de la personne inapte. Si un codécideur ou un représentant devient par la suite inéligible, sa nomination cesse d’avoir effet. Mandataire Le projet de loi irlandais reprend le mandat de protection des affaires financières du mandant et y ajoute le domaine des soins et du bien-être. Plusieurs de ses aspects témoignent de la préoccupation de limiter les risques pour les mandants. Le mandataire devra s’adresser au Curateur public pour demander l’homologation du mandat en même temps qu’il informera le mandant et ses proches de sa requête. Après un délai de cinq semaines, le CuraPage 14. Par la suite, le mandataire devra présenter au Curateur public un rapport annuel fournissant des renseignements sur les dépenses qu’il aura faites au nom du mandant et sur toute somme qu’il aurait reçue à titre de remboursement ou de rémunération. Le ministre responsable pourrait établir des règles concernant le format du mandat, des dispositions obligatoires, les procédures d’homologation, le contenu du rapport annuel et, le cas échéant, la rémunération du mandataire. Si le mandant a la capacité requise, il pourra en tout temps révoquer son mandat. Un mandat en faveur d’un conjoint deviendrait caduc en cas de divorce ou de séparation de plus de 12 mois, sauf si le mandant précise le contraire. Représentant informel Les proches aidants et des professionnels de la santé pourraient être considérés comme des représentants informels dans la mesure où la personne inapte ne serait plus en mesure de prendre des décisions et n’était pas déjà assistée ou représentée par quelqu’un d’autre. Un représentant informel pourrait prendre des décisions concernant le bien-être ou les soins médicaux de la personne inapte. Il n’engagerait pas sa responsabilité civile s’il respecte les principes énoncés dans le projet de loi et ne fait pas preuve de négligence. Curateur public du Québec ▪ Bulletin de veille ▪ Octobre 2013 Le représentant informel aurait droit au remboursement des frais qu’il aurait engagés et, s’il avait un accès direct à l’argent de la personne inapte, il pourrait se rembourser directement. Il devrait, cependant, conserver les pièces justificatives. Si le représentant est également le conjoint de la personne inapte, ses prérogatives deviendraient caduques en cas de divorce ou de séparation de plus de 12 mois. Curateur public Le gouvernement prévoit, enfin, le remplacement du Bureau du greffier de la cour par un curateur public nommé par le Service des tribunaux irlandais (dirigé par un conseil d’administration composé majoritairement de juges). Le Curateur public serait notamment chargé de la surveillance des assistants, des représentants et des mandataires ainsi que du traitement des signalements concernant leurs actions. Le Curateur public ne deviendra pas le représentant légal des personnes inaptes. Il devra, par contre, constituer des listes de candidats qualifiés pour devenir visiteur ou représentant. Le Curateur public pourra désigner des visiteurs pour faire des évaluations et des investigations dans le milieu de vie des personnes concernées. Seuls ceux qui ont une formation médicale pourraient consulter leur dossier médical. Ces visiteurs seraient, en quelque sorte, les yeux et les oreilles du Curateur public. Si aucun proche n’est disponible pour agir à titre de représentant, le tribunal pourrait demander au Curateur public de lui fournir les noms de personnes qualifiées pour le devenir. Il pourrait s’agir de volontaires ou de professionnels. Un regroupement de 15 d’entre eux a proposé, au début de 2012, une série de principes fondamentaux qui devraient sous-tendre la nouvelle législation (2). Ils ont recommandé trois niveaux de soutien : le soutien à la prise de décisions, notamment à l’aide de la médiation sociale et de guides dans une forme facile à lire, la prise de décisions assistée, avec le concours des proches, et la prise de décisions substituée, en dernier ressort. Ainsi, il faut autant que possible respecter « la volonté et les préférences » de la personne, tel que stipulé à l’article 12 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. La réaction au projet de loi n’est cependant pas uniformément positive. Par exemple, Eilionóir Flynn, auteure d’un livre sur la Convention relative aux droits des personnes handicapées, s’inquiète de la place qu’occupe encore la prise de décisions substituée dans le nouveau schéma législatif irlandais. Le codécideur pourrait apposer son veto sur des actions que la personne concernée souhaite (3). De plus, elle remarque que le projet de loi confère beaucoup de pouvoirs aux représentants informels sans que ces derniers soient obligés de rendre compte de leurs actions. Cette critique peut paraître étrange aux yeux des Nord-Américains, mais en matière des soins médicaux en Irlande, le consentement pour autrui n’est pas formellement établi en droit (4). Si un patient irlandais est inapte et que sa volonté n’est pas connue, le personnel médical doit s’adresser au tribunal (5). − Préparé par Malcolm St-Pierre et André Bzdera, DPSR Le projet de loi ne prévoit pas qu’une rémunération d’un représentant soit payée par les fonds publics lorsque la personne concernée possède un patrimoine et a des revenus modestes. Le Curateur public devra aussi tenir des registres et préparer un guide, ou « code de pratique », à l’usage des personnes impliquées dans les mesures d’assistance et de représentation. Conclusion Globalement, le projet de loi est bien accueilli, car il correspond dans ses grandes lignes aux recommandations des principaux organismes de défense des droits des personnes handicapées de l’Irlande (1). Bill – Lunacy Act 1871 finally replaced, Dublin, 17 juillet 2013. 2. Essential Principles: Irish Legal Capacity Law, Dublin, 2012, 8 p. 3. Eilionóir Flynn, Assisted Decision-Making (Capacity) Bill 2013 Finally Published, juillet 2013. 4. Le consentement pour autrui est prévu à l’article 15 du Code civil du Québec. 5. Le droit à l’intégrité corporelle a une portée très large en 1. Par exemple, Inclusion Ireland, Inclusion Ireland wel- comes long awaited Assisted Decision-Making (Capacity) Curateur public du Québec ▪ Bulletin de veille ▪ Octobre 2013 Irlande depuis la décision de la Cour suprême dans l’affaire Ryan v. The Attorney General de 1964. Page 15. Trois nouvelles du Japon Le dispositif de protection des personnes inaptes du Japon (population : 127 millions) n’a pas été modifié par le législateur depuis la réforme de 2000, mais il arrive que les juges contribuent à son évolution. La Cour suprême du Japon est aussi responsable de la compilation de statistiques sur le traitement des requêtes en ouverture de régimes de protection, car il n’existe pas de curateur public ou d’organisme public central chargé de l’accompagnement et de la surveillance des représentants légaux. Trois récents développements soulignent le rôle joué par les tribunaux japonais : un tribunal de première instance a invalidé la disposition de la loi électorale qui retire le droit de vote aux personnes sous curatelle; la Cour suprême publie désormais le nombre de régimes en vigueur au Japon; les tribunaux ont créé un nouveau mécanisme qui vise à sécuriser le patrimoine des mineurs et des personnes représentées. Le droit de vote restauré Selon l’article 11 de la Loi électorale, les personnes sous curatelle (kôken) ne pouvaient pas participer aux élections. Depuis quelques années, des universitaires et des organisations de défense des droits critiquaient cet état de fait, et plusieurs citoyens avaient intenté des procédures légales visant à l’invalider. Mme Takumi Nagoya, qui est à l'origine de la contestation judiciaire, a donc pu voter aux élections sénatoriales du 23 juillet 2013. Atteinte du syndrome de Downs, elle est représentée depuis 2007 par son père en raison de ses difficultés à gérer ses finances personnelles. Avant l’ouverture de la curatelle, Mme Nagoya votait régulièrement aux élections générales. Quelque 136 000 Japonais ont ainsi retrouvé leur droit de vote. La cause été suivie de très près par les médias et une pétition de 400 000 signatures appuyait la requête de Mme Nagoya. Le juge a aussi annoncé sa décision dans un langage facile à comprendre. Nombre de régimes de protection en vigueur au Japon, 2010-2012 Régime de protection Curatelle Tutelle Régime d’assistance 2010 2011 2012 117 020 126 765 136 484 15 589 17 917 20 429 6 225 6 930 7 508 Source : SGCS, 2013, p. 11. 164 421 régimes de protection En mars 2013, le tribunal de première instance de Tokyo a déclaré que cette disposition était contraire à la Constitution (1). Sans tarder, le gouvernement et les principaux partis politiques de l’opposition se sont mis d'accord pour modifier la loi électorale afin que les personnes sous curatelle puissent voter dès les élections sénatoriales de juillet 2013. Depuis plusieurs années, la Cour suprême du Japon compile et diffuse des données sur le nombre de requêtes en ouverture de régimes de protection que traitent les tribunaux japonais. En 2012, il s’agissait de 34 700 requêtes, donnant lieu à l’ouverture de près de 31 500 régimes (curatelles, tutelles et régimes d’assistance). En attendant le changement législatif, le gouvernement a néanmoins porté l’affaire en appel pour empêcher que la décision judiciaire ne prenne trop rapidement effet et mette en péril la validité d’autres élections organisées sous l’égide de la même loi électorale. Cette décision a été fortement critiquée, mais l’entrée en vigueur quelques semaines plus tard de l’amendement législatif a mis fin au litige. Dans son rapport statistique de 2012, la Cour suprême a publié, pour la première fois, des données sur le nombre de régimes d’assistance et de protection en vigueur depuis 2010 (voir le tableau). 1. Nagase Osamu, Deprivation of voting rights ruled un- constitutional in Japan, Genève, IDA, 2013; Makoto Arai, «Adult Guardianship System and the Right to Vote», The Japan News, 27 mai 2013. Page 16. Sources : Nagase Osamu, Deprivation of voting rights ruled unconstitutional in Japan, Genève, IDA, 2013, 2 p. Secrétariat général de la Cour suprême (SGCS), 成年後見関係事件の概況 - 平成24年1月~12月 [Sommaire des régimes de protection, janvierdécembre 2012], Tokyo, 2013, 13 p. Curateur public du Québec ▪ Bulletin de veille ▪ Octobre 2013 Au 31 décembre 2012, elle estime que 136 500 curatelles, 20 400 tutelles et 7 500 régimes d’assistance étaient en vigueur au Japon. Dans l’introduction de ce rapport statistique, elle souligne cependant qu’il s’agit de chiffres approximatifs. En effet, il n’existe pas de registre centralisé des régimes de protection au Japon. Ce sont les tribunaux locaux qui font la collecte initiale des données. Comparaison Japon-Québec Le Japon et le Québec ont chacun trois régimes de protection : la curatelle, la tutelle et l’assistance. Le dispositif de protection du Japon est en vigueur depuis 2000 alors que celui du Québec a été introduit 10 ans auparavant, en 1990. Le Japon connaît un vieillissement accéléré de sa population et le pays a même amorcé en 2008 une période de décroissance démographique. En 2013, environ 24 % des Japonais avaient 65 ans ou plus. Ce taux ne s’élève qu’à 16 % au Québec. En 2013, le Japon a encore proportionnellement moins de régimes de protection que le Québec (curatelles et tutelles) mais le double du nombre de régimes d’assistance (voir le graphique) (1). Le Japon affiche cependant un taux de croissance beaucoup plus élevé. Depuis 2010, le nombre de régimes de protection au Japon augmente d’environ 8,8 % par année alors que le taux québécois s’élève à seulement 2,4 %. Sécuriser le patrimoine des personnes représentées Les tribunaux japonais sont également à l’origine d’un nouveau mécanisme visant à aider les représentants légaux à bien protéger le patrimoine des personnes représentées. Depuis le début de 2012, on propose la « fiducie tutélaire de soutien », autant pour le patrimoine des personnes inaptes que pour celui des mineurs. Les curateurs et tuteurs conservent la responsabilité de gérer les dépenses courantes des personnes protégées, mais l'excédent est placé dans une fiducie gérée par un tiers, généralement une institution financière. En cas de besoin, le tribunal peut autoriser le retrait de fonds additionnels de la fiducie pour des dépenses exceptionnelles, notamment si elles concernent des soins que la personne représentée requiert (2). Environ 100 fiducies tutélaires de soutien ont été créées en 2012. La valeur moyenne du patrimoine protégé s'élève à 43 millions de yen (450 000 $) (3). Le rapport statistique de la Cour suprême ne distingue pas les fiducies bénéficiant à des personnes inaptes de celles qui ont été créées pour des mineurs. − Préparé par André Bzdera, DRSR 2. Association japonaise des fiduciaires, 後見制臨場信託 [Fiducies tutélaires de soutien], Tokyo, 2012, p. 3. 1. SGCS, 2013, p. 11; Curateur public du Québec, Statistiques, 2013. Curateur public du Québec ▪ Bulletin de veille ▪ Octobre 2013 3. SGCS, 2013, p. 12. Taux de change au 27 septembre 2013 : 100 yens japonais = 1,05 $ canadien. Page 17. Le Bulletin de veille est publié de quatre à cinq fois l’an par le Curateur public du Québec. Ce bulletin peut être téléchargé du site Web de l’organisme à www.curateur.gouv.qc.ca. Comité de rédaction : Gilles Dubé, André Bzdera et Mylène Des Ruisseaux. Graphisme : Avion Rouge. Bulletin de veille Curateur public du Québec 600, boulevard René-Lévesque Ouest Montréal (Québec) H3B 4W9. La reproduction des textes est autorisée à la condition de mentionner la source. Téléphone : 514 873-4074 Sans frais : 1 800 363-9020 Site Web : www.curateur.gouv.qc.ca Courriel : [email protected] Adresses Twitter et Facebook : / CurateurPublic Page 18. / CurateurPublic. Curateur public du Québec ▪ Bulletin de veille ▪ Mars 2013