4.2.2.Conditions de travail

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4.2.2.Conditions de travail
Outils critiques pour se réapproprier la politique
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4.2.2.Conditions de travail
Dernières modifications : 11.03.2007, 12:44
Un autre exemple d'atteinte à l'intégrité physique, ne concernant pas cette fois-ci les moyens d'existence, mais le milieu
du travail où le travailleur est soumis à des pressions diverses.
« Sur le plan du bien-être moral et physique, tout d’abord. On sait les conséquences ravageuses que l’ordre hiérarchique
inhérent à l’organisation du travail a sur la santé publique (dépressions, consommation effrénée d’anti-stressants,
alcoolisme...) et, de façon plus diffuse, sur l’évolution des rapports humains qui fondent la vie en société. (...) Dans sa
réalité courante, marquée par la soumission à un ordre qui en monopolise les fruits et n’en reverse que les épluchures, le
travail agit surtout comme un facteur de déstructuration. Les violences symboliques ou réelles qui s’y exercent ont
été efficacement décrites par Marie-France Hirigoyen dans son ouvrage sur le harcèlement moral: triomphe du pervers
polymorphe, management par la peur, sadisme au quotidien... [Le harcèlement moral, la violence perverse au
quotidien, par Marie-France Hirigoyen (Syros, 1998)] C’est peu dire que de tels « produits » sont inadaptés au
fonctionnement harmonieux d’une société. [...] Entrer dans le monde du travail, c’est prendre place dans un espace de
domination dont l’on ne sort jamais indemne, sauf à s’en faire le complice — ce qui n’est, après tout, que la forme
achevée de l’aliénation.» (VOLEM RIEN FOUTRE AL PAÏS (Une contribution) Olivier Cyran,
http://www.homme-moderne.org/rienfoutre/volem/cyran.html)
« On nous juge tout le temps, expliquait ainsi une femme manager à l'American Express, on examine si votre
comportement est en cohérence avec le système et ils ont trente-six méthodes pour découvrir si vous n'adhérez plus... ou
si vous adhérez un peu, beaucoup ou passionnément. Et il est dans l'intérêt de chacun d'adhérer passionnément. » [... ]
Pour les uns, cette exigence de performance dans un contexte d'extrême pression temporelle a un effet
galvanisateur extraordinaire. L'urgence est alors vécue comme une amphétamine de l'action et le sentiment ressenti
est un sentiment de toute-puissance et de plaisir à dominer le temps. [...] d'autres, en revanche, ne vivent pas les
choses sur le même registre et ne parviennent plus à trouver du sens dans le déferlement temporel auquel ils sont
contraints. La conséquence en est que lorsqu'ils « craquent », ils le font sur un mode quasi machinique. On assiste en
effet à l'émergence d'un type de pathologies que l'on pourrait qualifier de pathologies de l'hyperfonctionnement ou
encore de pathologies de la « surchauffe », comme lorsqu'on dit qu'un moteur est en surchauffe. À maintes reprises, les
témoignages recueillis dans le cadre de notre recherche sur Le Culte de l'urgence (N.Aubert) faisaient état de personnes
qui se mettaient à fonctionner comme des « piles électriques qu'on ne peut pas débrancher » ou d'autres qui « tournent en
rond, comme un embrayage ou une boite de vitesses qui tourne dans le vide » ou encore qui « pètent les plombs ». Les
métaphores utilisées ne sont pas neutres et convergent dans une analogie de l'individu avec une machine, propulsée par
des processus mécaniques ou électriques pourvoyeurs d'énergie. Cette analogie est bien significative du rapprochement
que l'on peut établir avec le mode de fonctionnement requis par un contexte exigeant une réaction immédiate et
instantanée. N'étant plus sollicitée au niveau de sa réflexion, ne pouvant plus prendre le temps du recul et de
l'analyse, sommée de réagir de manière toujours plus rapide pour gérer un télescopage permanent d'actions ou
de réponses à apporter dans l'instant, la personne finit par fonctionner sur sa seule dimension « énergétique »,
comme une centrale électrique ou un circuit électronique dont, à certains moments et du fait d'une surchauffe prolongée,
les branchements ou les connections sautent brutalement, comme sous l'effet d'un gigantesque court-circuit.
[...] Nombre de témoignages faisaient en effet état de perturbations survenues en soi-même, tel le sentiment de devenir
extrêmement nerveux et irritable, ou de changements brutaux pouvant être observés dans le comportement de ceux qui
sont soumis à des pressions particulièrement fortes; étaient ainsi mentionnés des « réactions totalement imprévisibles »,
une « double personnalité » chez des individus se montrant « tantôt très sympathiques, tantôt totalement odieux », des
réactions « complètement hystériques », des phénomènes de vieillissement soudain et prématuré, touchant des personnes
jusque-là particulièrement dynamiques, des processus de « détérioration mentale et psychologique », etc. Cette
perturbation forte des capacités relationnelles et personnelles, cette altération parfois pathologique du comportement
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illustrent bien cette notion de corrosion, comme si l'intégrité personnelle et psychique de la personne était attaquée sous
la pression extrême de l'environnement, comme si l'individu se retrouvait « à vif », sans plus aucune défense par rapport
aux agressions et sollicitations de son entourage, et que l'équilibre de sa personnalité et de sa vie se trouvait rompu,
comme décomposé, sous les coups de boutoir d'une exigence toujours plus inflexible. » (INTENSITE DE SOI,
INCANDESCENCE DE SOI, Nicole Aubert, dans "La performance, une nouvelle idéologie ?", sous la direction de
Benoît Heilbrunn, 2004, p 81-83-84-85-86)
« [Les précaires sont livrés] aux aléas de l’économie sans pouvoir se projeter dans l’avenir. Le coût social de ce manque
de protection est énorme, aboutissant à une destruction des personnes et un terrible gâchis de ressources humaines.
(...) » (Le racisme anti-pauvres, par Jean Zin)
« La précarité affecte profondément celui ou celle qui la subit; en rendant tout l'avenir incertain, elle interdit
toute anticipation rationnelle et, en particulier, ce minimum de croyance et d'espérance en l'avenir qu'il faut
avoir pour se révolter, surtout collectivement, contre le présent, même le plus intolérable. A ces effets de la
précarité sur ceux qu'elle touche directement s'ajoutent les effets sur tous les autres, qu'en apparence elle épargne. Elle
ne se laisse jamais oublier; elle est présente, à tout moment, dans tous les cerveaux (sauf sans doute ceux des
économistes libéraux, peut-être parce que, comme le remarquait un de leurs adversaires théoriques, ils bénéficient de
cette sorte de protectionnisme que représente la tenure, position de titulaire qui les arrache à l'insécurité ...). Elle hante
les consciences et les inconscients. L'existence d'une importante armée de réserve, que l'on ne trouve plus seulement, du
fait de la surproduction de diplômés, aux niveaux les plus bas de la compétence et de la qualification technique,
contribue à donner à chaque travailleur le sentiment qu'il n'a rien d'irremplaçable et que son travail, son emploi est en
quelque sorte un privilège, et un privilège fragile et menacé (c'est d'ailleurs ce que lui rappellent, à la première
incartade, ses employeurs et, à la première grève, les journalistes et commentateurs de toute espèce). L'insécurité
objective fonde une insécurité subjective généralisée qui affecte aujourd'hui, au cœur d'une économie hautement
développée, l'ensemble des travailleurs et même ceux qui ne sont pas ou pas encore directement frappés. » (Contre-feux,
Pierre Bourdieu, 1998, p96)
Il est très facile de transformer l'évaluation en menace
Suicide à la Tour Montparnasse, 20 Minutes 9 mars 2007
«Selon le psychiatre Christophe Dejours, "autrefois, le suicide au travail n'existait pas. Le phénomène a longtemps
concerné le monde agricole avec l'exode rural. Dans les entreprises, les premier cas ne remontent qu'à une dizaine
d'années et deviennent de plus en plus fréquents depuis cinq ou six ans? On peut estimer qu'en France, par an, entre
300 et 400 salariés se suicident sur leur lieu de travail." [...] Se suicider sur son lieu de travail est loin d'être d'anodin :
"Ces suicides sont liés à la manière dont les solidarités, les phénomènes d'entraide, ont été désagrégés dans le monde du
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travail, analyse Christophe Dejours, ce tissu social traditionnel est en train d'être liquidé par un management de plus en
plus agressif. Le fait que quelqu'un souffre, soit harcelé, a toujours existé. Ce qui change, c'est que les salariés sont de
plus en plus seuls pour affronter l'arbitraire et la souffrance qui en découle.". Que faut-il entendre par un management
agressif ? Le psychiatre dénonce la généralisation depuis une dizaine d'années des méthodes d'évaluation
individuelle des performances des salariés, grâce à l'informatique notamment. "Et il est très facile de transformer
l'évaluation en menace. Résultat, les cadres se surveillent les uns les autres, c'est une guerre de position.[...]."»
(Marc Endeweld, Magazine Regards, Mars 2007, p47)
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