COURS SUR LA « DISSERTATION SUR LES PASSIONS » DE

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COURS SUR LA « DISSERTATION SUR LES PASSIONS » DE
COURS SUR LA « DISSERTATION SUR LES PASSIONS » DE HUME
*Biographie de l'auteur : DAVID HUME 1711/1776
Philosophe écossais, après des études à Edimbourg, il préfère les lettres et la philosophie à la
carrière d'avocat ; séjourne en France entre 1934 et 1737. Son TNH publié en en 1739-40 a peu de
succès ; ce sont les Essais philosophiques sur l'entd humain qui le rendent célèbre. Il surmonte
l'hostilité du clergé pour devenir conservateur d'une bibliothèque universitaire, puis exerce des
fonctions diplomatiques en France où il est accueilli par les philosophes et les salons « couverte de
fleurs ». Il installera Rousseau à Londres puis se brouille avec lui. De retour en 1768 il travaille à
l'édition de ses œuvres. Cf fiche GF.
I) L'empirisme de HUME ou la passion de l'expérience
Def de l'empirisme : (empeiria = expérience gr) théorie philosophique née au XVIIIème selon
laquelle l'expérience seule est à la fois l'origine et le fondement de toute connaissance, contre
le rationalisme cartésien qui fondait toute connaissance sur le travail exclusif de la raison.
Def de l'expérience : c’est l’ensemble des données et des impressions sensibles que nous
éprouvons (experire= éprouver en latin). La question est alors de savoir quel est le rôle de
l’expérience dans la construction de nos connaissances: en quoi est-ce un élément indispensable?
En réaction au rationalisme cartésien, les empiristes (empeiria= expérience en grec) ont, à partir du
18ème siècle, systématisé le recours à l’expérience. Ces philosophes, représentés par les
encyclopédistes Diderot, Dalembert ou Condillac en France, mais aussi Locke et Hume en
Angleterre, faisaient reposer l’empirisme sur 4 principes :
A) L'expérience comme origine et fondement de la connaissance :
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Il part d'un fait, le plus fondamental de l'épistémologie humaine (puisqu'il prend pour acquise la
réfutation lockéenne des idées innées) : celui de la perception. Nous percevons, nos sens nous
font ressentir des perceptions. Nous pouvons dire que nous ignorons ce que nous percevons,
mais nous ne pouvons pas prétendre ne pas percevoir - la perception est un fait. Et puisque
nous n'avons pas d'idées innées, c'est-à-dire d'idées précédant l'arrivée de toute perception ou
impression, « toute idée dérive d'une impression » Il n’y a pas d’idées innées : toutes nos idées
sont le résultat d’une construction plus ou moins tardive à partir des données de l’expérience,
alors que pour Descartes Dieu a placé a priori dans notre esprit des idées claires et distinctes que
la lumière naturelle de la raison permet d‘entrevoir (innéisme). Ici au contraire l’âme est une
« tabula rasa » (table rase), comme une page blanche qui reçoit toutes ses informations a
posteriori, grâce aux matériaux de l’expérience (à cet égard il faut distinguer les empiristes des
matérialistes qui considèrent que tout ou presque est matériellement, génétiquement inné); qu’il
s’agisse des sensations externes ou internes, elles laissent leur empreinte sur notre esprit; savoir
c’est donc d’abord percevoir des impressions sensibles (ex de l‘enfant qui s‘éveille au contact
d‘expériences diverses et variées; ou se placer au niveau d‘Adam et imaginer ce que percevrait
un pur esprit sans corps!). La perception est donc à la fois première d’un point de vue
logique et chronologique : “il nous est impossible de penser à quelque chose que nous
n'ayons auparavant senti” (EEH SVII p. 129). Pour les empiristes, nos idées ne sont donc que
les pâles copies des impressions premières que nous avons pu ressentir: il y a une différence de
degré et non de nature entre les sensations du corps et les idées de l’esprit, même si l’impression
la plus faible restera toujours plus intense que l’idée la plus forte. Se priver de l’expérience
sensible reviendrait donc à se priver de la source de toute connaissance. Cf LOCKE Essai sur
l'entendement humain (1689) : l'esprt est une table rase, une page blanche que l'expérience vient
remplir “Supposons donc qu'au commencement l'âme est ce qu'on appelle une “table rase”,
vide de tout caractère, sans aucune idée quelle qu'elle soit (…) D'où puise-t-elle tous ces
matériaux qui sont comme le fond de tpis ses raisonnements et de toutes ses connaissance ? (..)
de l'epérience : c'est là le fondement de de toutes nos connaissance et c'est de là qu'elles tirent
leur première origine”.
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Principe empiriste de retour à l'expérience originaire (antériorité de l'impression,
correspondance de l'idée et de l'impression) ; recourir à l'expérience comme point de départ
et point de vérification ultime : on en part et on y revient, ou bien on compare les expériences
entre elle (TNH p. 129) d'où l'idée de faire appel à des exemples et à des cas particuliers (for
instance) plus souvent dans le TNH, plus éclairant à cet égard que la Dissertation. Il faut
toujours “consulter l'expérience” pour résoudre les difficulté que l'en rencontre, mais aussi pour
apporter un certain nombre de limitations et de réserves (les exceptions qui confirment la règle
et qui occupent parfois des sections entières “limitations de ce système, ou au système général”
ce qui montre que l'expérience prouve tout autant le faux que le vrai p.116). Hume utilise même
le raisonnement par l'absurde :il suppose son raisonnement faux pour mieux ensuite montrer les
conséquences absurdes et conforter sa thèse “pour donner plus d'autorité à son raisonnement” p.
127. De même que la physique newtonienne décrit les propriétés des corps et étudie leur
mouvement en fonction de leurs principes (ex loi de l'attraction universelle)
(for) INSTANCE = (cas) récits particuliers animés d'une fonction généralisante, séquence de
comportement déjà organisée selon un rythme propre. les corps peuvent être décrits en euxmêmes, selon leur vitesse et leur trajectoire, selon leurs causes efficientes (tel mouvement
résulte de tel choc). Hume part de situations pasionnelles précises, érigées en archtypes pour
arriver à des concepts abstraits puis des principes fondamentaux ; subsumer ces expériences
concrètes sous des lois générles car ne peut pas toutes les décrire.
PBL 1 = peut-on donner des lois aux passions, parler d'une nature humaine passionnelle, malgré
leur caractère particulier et subjectif ? Aporie = Ou faire une philosophie de l'affectivité pure
qui ne permet pas de schématisme et de lois générales (singularité sans abstraction) / ou bien il
faut s'intéresser aux situations par système de classement et conceptualisation, au risque de
perdre la spécificité de chaque affect ressenti (abstraction sans singularité). Hume est toujours en
équilibre entre ces deux exigences : rendre compte de l'impact singulier de l'affect mais aussi
l'élever vers des lois permettant une lecture de la nature humaine.
B) Le raisonnement par induction comme source de la croyance et le scepticisme modéré :
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Tout effet a une cause et même si tout ce qui se suit selon une succession chronologique ne
relève pas de la causalité, tout ce qui relève de la causalité implique une succession
chronologique puisque la cause précède son effet (A précède B) ; mais nous ne nous contentons
pas de relier un effet à une cause selon le principe de causalité logique (pas de fumée sans feu,
A est la cause de B), nous instaurons un rapport de nécessité causale entre les 2 (déterminisme
permettant d'affirmer que si A alors nécessairement B), et ce grâce à la force de l'habitude qui
non seulement ajoute une nécessité a priori au sein du rapport de causalité. mais du coup se
permet de prévoir que Si A se produit alors il ne peut pas s'en suivre autre chose que B.
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Même les raisonnements les plus complexes et les plus abstraits ne sont liés qu’à la répétition de
l’expérience sur elle-même, à l’habitude: on établit une connexion nécessaire, un lien de
causalité entre une cause et sa conséquence à force de les voir se répéter sous nos yeux; le
raisonnement pas induction plutôt que par déduction càd faire découler des cas
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particuleirs à partir d'idées claires et distinctes ou de principes (Popper l'appelle “le
problème de Hume” car il est le 1er à le clarifier) consiste à tirer une conclusion générale à
partie de cas particuliers (# déduction qui va du général au particulier): « J’ai trouvé que tel
objet a toujours été accompagné de tel effet et je prévois que d’autres objets qui en apparence
sont semblables s’accompagneront d’effets semblables » (Hume). Ex: le soleil se lèvera demain,
puisque jusqu’ici il s’est levé tous les matins. Je constate plusieurs fois que A est suivi de B,
donc j’induis de là que A implique B. C’est à force d’observer des conjonctures constantes
entre les phénomènes que nous prenons l’habitude de les anticiper. D’où un scepticisme
modéré de la part de Hume: la plupart de notre savoir ne se fonde que sur des croyances induites
de l’expérience. Sans ces raisonnements simples et immédiats, nous ne pourrions pas nous
familiariser avec le réel: l’induction est la pensée la plus commune et la plus spontanée: déjà
l’enfant répète certains gestes comme pour vérifier que « ça marche »; et plus tard l’adulte sera
toujours tenté de tirer des lois générales à partir de cas particuliers. C’est pourquoi Husserl au
2Oème siècle parlera d’ « Ur -doxa » cette croyance naturelle et originelle qui nous donne des
repères et des certitudes dans le monde qui nous entoure.
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Tirer des principes et des lois générales ; faire une enquête chercher à “réduire ces principes à
un plus petit nombre et pour découvrir entre les causes un dénominateur commun” (TNH II, 1, S
IV p. 108) donc s'élever du particuler au général. Le problème sera de savoir comment un
sceptique modéré qui fait reposer tout son système sur des exemples particuliers peut en tirer
des lois générales. Appliquer à l'étude de la nature et de l'entendement humains le procédé qui a
réussi à Newton pour la mécanique céleste : passer de nos jugements particuliers sur les choses
à leurs principes les plus généraux, « principes qui pour chaque science doivent marquer les
limites de toute curiosité humaine ». Mais ne pas chercher à évaluer à son tour le principe par
lequel on évalue tout le reste, comme le newtonien n'explique pas la gravitation par laquelle il
explique tout le reste. On ne peut établir que des règles générales, vraies jusqu'à preuve du
contraire = tendance à faire valoir des opinions formées dans certaines circonstances à toutes
les circonstances semblables = avec risque de généralisation abusives, règles excessives par
définition, source du préjugé. Conséquence de l'action conjointe de la ressemblance et de la
causalité. Mais peuvent être compensées par des règles correctives ou critiques pour redresser
les probabilités philosophiques en probabilités causales ou en système de preuves. Cherche des
lois, des règles pour régler les « circonstances » passionnelles. But = établir une casuistique
passionnelle (phoronomie = loi porteuse / science de l'équilibre, étude du mvt des corps), non
une définition générique + conditions de régulation de la mouvance concrète de nos passions
comme combinatoire de relations.
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CSQCE = LE SCEPTICISME HUMIEN : la spécificité de l'empirisme humien est son
association avec un scepticisme modéré : on doit douter de nos connaissances qui ne sont la
plupart du temps que des croyances (doute sceptique) ainsi que des données de l'expérience car
nous n'avons pas accès aux choses mêmes mais seulement à nos perception des choses ; refus
de la définition scolastique de la vérité comme adéquation de notre jugement à l'être des choses
qu'il considère comme dogmatique, on ne peut pas passer de nos perceptions aux choses
perçues. et inventaire des opérations de l'esprit tire son origine de la seule considération de
l'expérience, qu'il impose comme seul guide. Au-delà d'elle l'esprit divague, alors que pris dans
ses limites il doute. L'expérience n'est jamais décevante, toujours instructive. Pour autant on ne
se résigne pas à constater l'impuissance de l'esprit (comme dans le pyrrhonisme) ; au contraire,
on constate l'immense pouvoir de l'imagination et de notre capacité à croire.
Mais pout autant on ne doit renonçer ni à connaître le vrai (#doute pyrrhonien) ni à s'appuyer
sur les faits sensibles (# doute cartésien). Semble reprendre la Ière MM de Descartes et Hume la
mène au bout et s'y tient ; il repère le pyrrhonisme comme une attitude monstrueuse car radicale
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et porte sur les facultés même et non slt sur leur usage ; or Hume ne veut pas examiner leur bien
fondé, mais slt leur bon ou mauvais emploi des facultés, pas la dénonciation de ces « facultés »
= l'hyper rationalisme conduit au scepticisme qui est certes le comble de la philo, le plus raffiné
mais peut aboutir à une apathie et une apraxie or la nature est tjrs plus forte, ce n'est qu'un jeu de
l'esprit et la force de la nature emporte tout (on retourne à la vie). Cf conclusion du livre I
dépressive, au bout du rouleau du scepticisme, il suffira que je joue au tric trac avec des amis
pour me rasséréner donc il y a bien une démarche rationnelle mais elle s'inscrit dans la nature
elle-même qui finit toujours par vaincre. On n'a pas d'autre moyen de connaître que ces
croyances et elles sont révélatrices du fonctionnement de l'entendement humain (acceptation et
description de ces croyances). L'homme n'est pas sûr de ce qu'il sait mais cette certitude
reposant en réalité sur des incertitudes est la seule qui lui permette de penser le monde ; donc ce
scepticisme n'interdit pas la connaissnce même scientifique, il est même plutôt le fondement de
toute science. De la réalisation de son projet empiriste résulte une philosophie sceptique.
Hume est sceptique car empiriste : c'est le recours à l'expérience qui ne permet pas d'ériger de
vérités absolues d'où une grande humilité philosophique. Le scepticisme oppose “les choses qui
apparaissent” et “les choses qui sont pensées” ce qui aboutit à la suspension du jugement donc
interroge ce qui justifie les certitudes de la raison et les croyances de l'expérience ; mais en
même temps il retourne le scepticisme contre lui-même, contre ses excès, que ce soit celui qui
précède toute recherche (doute hyperbolique cartésien qui ne peut être dépassé qu'en utilsant des
facultés mises en doute dc pétition de principe) ou celui qui est postérieur à toute recherche
(pyrrhonisme qui ne reconnaît même pas les faits de l'usage et de la croyance). D'où un
scepticisme modéré = l'impuissance de la raison nous oblige à constater certaines croyances
spontanées sans pour autant les tenir pour légitimes. Liée au modèle newtonien qui avoue son
ignorance face à ce qui dépasse les capacités humaines et ne se fie qu'à des preuves
expérimentales.
Pour Russell cette philosophie a pu apparaître comme “la banqueroute du raisonnable au
XVIIIème siècle”.
PBL 2 = peut-on fonder une connaissance des passions sur des habitudes et des croyances qui
sont propres à un individu, une culture, une époque ?
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C) La méthode des sciences expérimentales : Conséquence épistémologique sur l'histoire des
sciences, qui fonde en partie la science moderne : Toute science (connaissance rationnelle qui
cherche à expliquer les phénomènes naturl en établissant des constantes et des lois générales)
doit reposer sur l’observation de la nature et des faits (un fait étant une donnée objective
observable dans l‘expérience):
CF influence de BACON (fin XVIème) : premier empiriste, un des premiers philosophe des
sciences qui veut tester les données de l'expérience, qui ne disent rien par elle-même, par des
expérimentations adéquates qu'il nomme « expérience cruciale » ou « exemples décisifs », en se
basant sur la notion de causalité efficiente càd connaître le mécanisme qui produit les choses (pt
commun avec le rationalisme et non plus de causalité finale comme chez Aristote : les corps
tombent pour rejoindre leur lieu naturel, la chenille est faite pour devenir papillon ; c'est la
différence cause/fin qui marque toute la différence entre Anciens et Modernes). La méthode
scientifique qu'il préconise repose sur 3 étapes : 1) rassembler tous les phénomènes d'un certain
genre (énumérer tous les phénomènes correspondant à une élévation de la chaleur) ; 2) certains
phénomènes apparemment similaires ne le sont pas (la lumière n'implique pas toujours une
augmentation de la chaleur) ; 3) montrer les degrés de variation que peut connaître le
phénomène initial (faire varier la chaleur selon l'échauffement du feu ou la lumière du soleil).
Faire varier les conditions de l'expérience et déplacer le curseur de manière à observer des
modifications des phénomènes (fréquent ds les exemples et les expérimentations du TNH
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notamment p. ). CF influence épistémologique de BACON = agir sur les relations pour voir
comment les phénomènes varient. Il suffit de supprimer un élément pour constater que tout le
phénomène disparaît avec lui et cela fait la preuve que cet élément est une condition nécessaire
à la réalisation du phénomène (TNH p 129 “si nous interrompons cette relation, la passion et
aussitôt détruite” don cette relation est indispensable à la constitution d'une passion). Hume
propose des expérimentations de sa théorie, en élaborant des expériences de pensées dans
lesquelles différentes circonstances liées aux passions sont soumises à des variations. Ces
expérimentations permettent autant de confirmer la validité de la théorie, que de montrer qu'elle
est capable de rendre compte de cas en apparence contraires. Ainsi, non seulement la théorie estelle élaborée par induction, mais sa fonctionnalité (rendre compte du mécanisme de toute
passion, même dans les cas qui posent problème) est démontrée. Il faut prendre en compte les
effets perturbateurs de certains principes sur certains autres (la révolution de chaque
planète autour du soleil modifiée par l'attraction des planètes entre elles) ; de même les passions
peuvent être amplifiées / modifiées par des principes secondaires comme la sympathie. Or, non
seulement Hume renvoie toujours à l'expérience singulière, mais il met en place des
expérimentations méthodiques : l'ordre d'exposition de la DI suit ouvertement les 3 étapes
de BACON : section II consacrée à l'orgueil et l'humilité évoque d'abord les différentes formes
que prennent ces passions (II, 1-2), puis il expose des hypothèses susceptibles de les expliquer
(II, 3-5) c’est-à-dire l'association d'idées et d'impressions, en les mettant à l'épreuve de
l'expérience (II, 6-9) ; puis il souligne les variations d'intensité qui peuvent toucher toutes les
passions (I, 4 et tout VI).
La construction de théories scientifiques ne peut pas se faire sans le concours de
l’expérience : elle en est à la fois la cause, l’inspiration (c’est l’observation des phénomènes qui
va provoquer des interrogations, des hypothèses) et la conséquence (le scientifique provoquera
une expérience pour valider ses hypothèses, car ce n‘est pas la première observation qui est
forcément la bonne). Ainsi, l’observation scientifique est toujours polémique puisqu’elle vient
confirmer ou infirmer une croyance antérieure; elle nous oblige à reconstruire le réel autrement
que ce que nous croyions savoir sur lui. Mais il faut passer de l’expérience à
l’expérimentation: une expérience isolée n’est pas fiable car ce sont les choses qui agissent sur
nous de façon incontrôlée et elle ne se produit jamais deux fois dans les mêmes conditions; la
contingence et la multiplicité des expériences pose pbl ici: par ex la chute d’une feuille morte ou
d‘une pomme, dont la trajectoire est aléatoire, soumise à des conditions extérieures variables,
m’indique que les corps chutent toujours vers le bas, mais ne me disent rien sur la loi de la chute
des corps, d‘où l‘expérimentation du tube de Newton. Il est impossible de répéter un fait naturel
sur lui-même donc pour passer du constat de fait à l’explication du phénomène, il faut refaire
l’expérience dans des conditions maîtrisées et répétables à l’infini: c’est le rôle de
l’expérimentation. Dans ce cas c’est nous qui agissons sur les choses en provoquant une
expérience selon un protocole précis. Terme employé par Hume dans le TNH.
Il faut donc distinguer la démarche empirique du sens commun de la démarche
scientifique : dans le 1er cas, un phénomène particulier reçoit une info précise, et il produit une
conséquence précise. Mais entre le reçu et le produit, on ne sait pas ce qu’il y a : le phénomène
est une boîte noire (le sel fait monter les blancs ou fait partir les taches de vin mais on ne
connaît pas les causes chimiques de cela, il s'agit d'un savoir-faire aveugle, automatique sans
savoir véritableà). On sait qu’une causalité existe (ou plutôt, on le croit naturellement) et relie
les deux, mais on ignore comment elle fonctionne. C’est ainsi que raisonne, par exemple, la
médecine traditionnelle et ses « recettes de grand-mère » (on constate tel symptôme et on donne
tel remède, lequel conduit le plus souvent à l’arrêt du symptôme, mais on ne sait pas pourquoi
ou comment). La démarche de la science de l’homme, c’est-à-dire du projet de Hume, est toute
autre. La science d’un domaine donné tente d’expliquer la manière dont fonctionne ce domaine
ou dont fonctionnent les phénomènes qui appartiennent à ce domaine. Ainsi, la météorologie
tente d’expliquer les principes généraux selon lesquels fonctionnent les phénomènes météo
(nuages, pluie, etc.). La science de l’homme, elle, prend l’individu ou l’humain pour objet.
Telle sera la philosophie expérimentale prônée par les encyclopédistes; on collectionne des
faits sans a priori (on « botanise» ), puis on imagine des lois reliant ces faits; on les vérifie dans
l’expérience; enfin on peut faire des prévisions. Toute science doit montrer par l’expérience
avant de démontrer par la raison : il suffit d’observer les phénomènes pour en trouver les causes.
Ex: la décomposition de la lumière: « La philosophie rationnelle pèse les possibilités, prononce
et s’arrête tout court. Elle dit hardiment: on ne peut pas décomposer la lumière. La philosophie
expérimentale l’écoute et se tait pendant des siècles; puis tout à coup elle montre le prisme et
dit : la lumière se décompose » constate Dalembert.
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LE PARADIGME NEWTONIEN
Sous titre du TNH = “Essai pour introduire la méthode expérimentale dans les sujets moraux”.
Non pas seulement se conformer au modèle newtonien mais atteindre la même exactitude pour
la nature humaine : son pbl =comment l'esprit devient -il une nature ? (Deleuze) . Explication
de l'ordre de l'univers à partir de principes simples (loi de la gravitation universelle, principe
d'inertie), sans se préoccuper de prétentions métaphysiques, de Dieu ou de causes finales : “la
philosophie naturelle consiste dans la découverte de la structure et des opérations de la nature,
dans leur réduction, autant qu'il se peut, à des règles générales ou à des lois, dans
l'établissement de ces rgles par des observations et des expérimentations, et de là dans la
déduction des causes et des effets des choses” (Principes maths de la philo naturelle 1689).
Appliquer la méthode expérimentale ; une complète soumission à l'expérience pour aboutir à
une science humaine. Notons qu'à l'époque la physique s'appelle “philosophie naturelle ou
philosophie expérimentale apppliquée aux sujet naturels” : il est donc logique, si la physique est
une forme de philosophie, que la philosophie devienne une forme de physique. Pour Hume,
comme pour Newton, la science expérimentale est principalement inductive et doit se limiter à
la découverte de lois, de relations constantes. Notre raison ne peut pénétrer la nature ultime
ou l'essence de celle-ci càd qu'on ne peut pas remonter dans les causes jusqu'à la nature
profonde des choses telles qu'elles sont en elles-mêmes. En revanche, elle peut tenter de les
dégager des faits, par l'examen de ceux-ci. Revendiquer aussi le choix des phénomènes contre
les hypothèses (“hypotheses non fingo”) dans le domaine moral et non pas seulement physique.
Newton est l'un des principaux découvreurs de la méthode scientifique, ou expérimentale, qui
vise à confirmer des hypothèses (ou, mieux, à en établir) par l'expérience et l'expérimentation.
Ainsi, loin de prétendre connaître l'univers par de pures spéculations philosophiques, le
scientifique newtonien expérimente, calcule, échafaude des hypothèses et des théorèmes qu'il
s'efforce de vérifier autant que possible, en n'hésitant pas à les remettre en question si les faits
semblent les contredire. Ses notions forment un système, terme qui ne renvoie pas à une
théorisation purement intellectuelle des passions, mais à la démarche empirique de Newton.
Hume espère ainsi établir un système sur la base d'un petit nombre de principes capables de
rendre compte des phénomènes étudiés, de la même manière que les scientifiques s'efforcent de
rendre compte des mécanismes de la nature en ne multipliant pas les principes explicatifs : il
s'agit d'être économe en hypothèses et de confronter les principes à des expérimentations afin de
confirmer la justesse du système (principe de parcimonie ou rasoir d'Ockham).
3 niveaux d'analyse des passions en découlent chez Hume = définition des objets, principes
de leur apparition, circonstances de leur modification.
Donc tout au long de la DI Hume procède par des raisonnements a priori qui seront sans cesse
testés et affinés par l'observation. Newton procède d'abord de façon hypothétique indépendante
de l'expérience en tirant des conséquences logiques de principes défendus mais l'expérience sert
de preuve pour attester de leur validité. Ex : Si la loi de la gravitation universelle est vraie, alors
on doit pouvoir prévoir la vitesse de la chute des corps ou l'importance de la marée r/ à la
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proximité de la lune. Hume utilisera le même type de méthode notamment sur l'amour et la
haine (TNH II, 2, II ) où il alterne principes et “expérimentations pour confirmer le système”.
C'est un expérimentateur soucieux de tester ses principes en sélectionnant des exemples dans ce
seul but : à ce titre Hume est le premier, non pas à réfléchir sur les passions, mais à élever la vie
passionnelle au rang de monde càd de totalité ordonnée comme un cosmos, un système
organisant une multiplicité en trouvant une constance et une régulatité dans ces
phénomènes. Conception de la passion comme un système reliant toujours : sujet/objet/cause
(qualités, éléments déclencheurs) / finalité (fin pratique, visée du bonheur). Identité
reproductible dans les mêmes circonstances mais relations d'indépendances entre les éléments
qui la composent afin de les faire varier.
Il compare explicitement sa démarche à celle des physiciens : “n'atteignons nous pas la même
évidence qu'en optique ?”(sur la crainte et l'espoir I, 4, p. 60). Transformer la science des
couleurs en une réflexion mathématique et faire varier les éléments composant le prisme pour
constater les effets. Cf traité d'optique de Newton, branche de la physique.
La conclusion de le DIP va jusqu'à faire le rapprochement entre sciences de l'homme et sciences
de la nature qu'il présente comme objectif principal du texte (VI, 9, p. 93) : “ dans leur
production comme dans leur transmission les passions suivent une sorte de mécanisme régulier
susceptible d'une investigation aussi précise que celles des lois du mouvement, de l'optique, de
l'hydrostatique ou de toute autre division de la philosophie naturelle”
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Plus tard au XIXème = Appliquer une méthode hypothético déductive : Telle sera la
démarche expérimentale décrite par Claude Bernard (fondateur de la physiologie) dans son
« Introduction à la médecine expérimentale ». Elle procède par 3 étapes: 1) il faut tout d’abord
observer et établir des faits positifs (calcul, mesure, témoignages): en général le point de départ
de la recherche est un fait qui pose problème , il y a contradiction entre le fait observé et le
savoir antérieur (fait polémique) ; 2) puis vient l’explication rationnelle de ces faits en instaurant
des liaisons logiques ou causales entre eux : de là on pourra formuler déjà une hypothèse (si p
alors q) càd une explication qui rend le phénomène intelligible même si elle relève de
l’imagination et est contre-intuitive ; enfin 3) on applique et vérifie cette hypothèse en la
confrontant à la réalité de l’expérience, pour la confirmer ou l’infirmer, par la mise en place d'un
protocole expériemntal : « on introduit cette idée anticipée dans un raisonnement en vertu de
quoi on fait des expériences pour la contrôler ».
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EN RESUME « Afin d'éliminer les hypothèses, qui accompagnent l'absence d'une étude
exacte de la nature humaine, on s'astreindra à l'examen des phénomènes, on s'efforcera de
dégager les circonstances, puis on induira par analyse les principes qui leur sont communs ;
ces principes seront à leur tour soumis à des principes plus généraux, et l'on poursuivra la
progression dans la généralité, aussi longtemps qu'elle sera supportée par une méthode
expérimentale strictement appliquée, tout en s'efforçant de produire un ordre systématique.
Cette méthode, Hume l'applique parfois avec ostentation, presque comme un cérémonial, visant
à manifester à tous les lecteurs l'importance et le sérieux de son entreprise. “ Michel Malherbe
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PBL 2 = Il s'agit donc d'établir une science des passions c’est-à-dire une science subjective qui
pèse certaines raisons, certains motifs. Si on tire du côté scientifique on soulignera l'aspect
rigoureux, méthodique, généralisateur de la réflexion humienne sur les passions. Si on tire du
côté perceptif, on soulignera l'aspect subjectif, relatif, pragmatique, arbitraire des passions. Dans
tous les cas la question qui se pose est : peut-on établir une sciences de passions, reposant sur
une méthode expérimentale rigoureuse et permettant d'établir des lois universelles et
nécessaires ?
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D) Conséquence psychologique qui fonde la définition contemporaine et phénoménologique
de la conscience = Une critique de l’identité personnelle: il est difficile d’isoler un moi
substantiel qui serait toujours identique à lui-même, puisque nous traversons des expériences
toujours changeantes; le cogito cartésien serait donc une illusion substantialiste, comme si tous nos
états mentaux prenaient racine dans un seul et unique moi. Or, je ne suis jamais le même, je deviens
un autre à chaque instant qui passe; nous forgeons cette fiction du moi, ce lien invisible entre
l’enfant en photo et l’adulte que nous sommes devenu, quitte à inventer des chaînons manquants,
pour que notre esprit ait l’impression de ne faire qu’un. « L’esprit est un sorte de théâtre où
diverses perceptions font successivement leur apparition ».(Hume) Ainsi, « avoir de l’expérience »
ne serait que le résultat d’une accumulation d’expériences concrètes différentes de soi-même, cette
succession de « moi(s) » que l’usage de la vie a concrétisée: il conviendrait donc plutôt de dire
« avoir eu des expériences ». Dès le début, Hume rompt avec l’humanisme et le cartésianisme.
En effet, l’humanisme fait de l’homme le centre de l’univers et la mesure de toute chose, tandis que
le cartésianisme prétend connaître une âme immatérielle qui serait ontologiquement distincte du
monde des phénomènes. L’orientation humienne ne peut aller qu’à l’encontre de ces deux
perspectives : d’abord, Hume accepte un certain perspectivisme logique, il comprend que l’homme
doit d’abord se connaître lui-même pour pouvoir ensuite connaître les autres phénomènes (il ne lui
adjoint aucune valeur métaphysique en tant qu’homme) ; ensuite, il refuse d’aborder la question
d’une âme immatérielle, dans la mesure où nous n’avons aucun moyen d’y répondre car aucune
expérience de celle-ci. En fait l'esprit n'est pas et n'a pas de nature ; il est donné plutôt comme une
collection d'idées, non pas une faculté mais l'ensemble des choses qui sont ce qu'elles apparaissent,
comme une pièce sans théâtre. Atomisme psychologique (l'esprit par lui-même n'est qu'une
collection d'atomes, ce qui rend une vraie psychologie impossible).
CF TEXTE SUR LA FICTION DU MOI :
IDENTITE = l'identité est une relation philosophique que l'imagination établit entre des existences
différentes, des impressions ou des idées qui sont ressemblantes et qui sont donc réunies,
synthétisées, en l'idée d'un même objet. L'identité attribuée est toujours fictive et l'idée que nous
avons de notre moi ou d'autrui aussi. Il y a une irréductible singularité des perceptions donc on ne
peut jamais constater la moindre identité réelle ; plusieurs objets ne peuvent être identiques, du fait
même de leur pluralité, et comme l'identité est une relation il est inutile de dire qu'un objet est
identique à lui-même. Cette proportion à synthétiser la diversité dans la mêmeté est donc une
croyance, c'est un sentiment et non une perception.
ESPRIT = « lieu » inqualifiable des perceptions qui le constituent comme mémoire, imagination ou
entendement. Ce n'est pas une faculté et il n' a pas d'essence (annonce la phéno), ni simplicité ni
identité. C'est un amas ou une collections de perceptions de toutes sortes, impressions ou idées.
« Rien n'est jamais réellement à l'esprit que ses perceptions ».
PBL 3 = Hume veut remonter aux lois qui régissent le psychisme humain, le fonctionnement
naturel de l'imagination, de l'entendement et de la sensation MAIS sans pour autant trouver l'origine
du comportement dans un Je ou un Cogito isolés, existant a priori, sans non plus chercher la clé de
l'entendement (mind) qui n'est qu'un faisceau de perceptions différentes. Si l'esprit humain se
caractérise par l'instabilité, le chaos des perceptions ou des affects, comment devient il une nature et
peut-il se constituer en système ? Comment ordonner le chaos des affects en un monde de
passions ? Dans ce cas, qui est le sujet des passions ? Qui est responsable de l'état passionnel
dans lequel je me trouve si je je n'existe pas ?
En résumé : on ne peut pas connaître sans l'expérience et on ne peut pas faire de science sans
se référer à la science de la nature humaine ; mais quel type de connaissance nous apporte
l'expérience en matière de passions, dans la mesure où il s'agit d'affects complexes qui nous
8
embarquent malgré nous mais qui relèvent déjà d'une intellectualisation du réel ?
II) Analyse et commentaire de la DISSERTATION SUR LES PASSIONS de HUME
A) Présentation générale
*Histoire du texte :
*Le TNH 1739 (Une tentative pour introduire la méthode de raisonnement expérimental dans les
sciences morales) = son livre phare, rédigé lors d'un séjour en France à La Fleche (“à l'ombre de
Descartes” Malherbe) ; devenir le Newton de la métaphysique en appliquant la méthode
expérimentale à la nature humaine ; fonder une science nouvelle de la nature humaine qui serve
de capitale à toutes les autres sciences : « Il est évident que toutes les sciences, d'une façon plus
ou moins importante, ont une relation à la nature humaine, et que, si loin que l'une d'entre elles
peut sembler s'en écarter, elle y revient toujours d'une façon ou d'une autre. Même les
mathématiques, même la philosophie naturelle et la religion naturelle dépendent dans une certaine
mesure de la science de l'HOMME, car elles tombent sous la connaissance des hommes et sont
jugées par leurs pouvoirs et leurs facultés. Il est impossible de dire quels changements et quelles
améliorations nous pourrions faire dans ces sciences si nous connaissions entièrement l'étendue et
la force de l'entendement humain “ (Intro TNH). Chez Hume, l’homme est un phénomène et c’est
ainsi qu’il faut le connaître. Une fois le phénomène homme connu, les autres phénomènes seront
d’autant plus faciles à comprendre et à expliquer.
Jusqu'ici la nature humaine n'était qu'un objet parmi d'autres, ou la conséquence d'une science
générale qui lui préexistait : pour Hume la science de la nature humaine est posée pour la première
fois comme unique fondement (on a besoin de la connaître pour faire de la science, meme les maths
dependent de la structure de l'esprit humain) et visée de la science (comme on en a besoin il faut
commençer par explorer cet objet là avant tous les autres).
Nature et nature humaine = inconnaissables hors inférences ou observations particulières qui en
s'appuyant sur des expériences passées projette un expérience possible permettant de croire en
certaines circonstances (particularité des situations ou des objets, ce peut être un point de vue
subjectif ou un élémént variable x, un cas exemplaire) ou principes au-delà desqules on ne trouve
pas de fondement. Nature : “un mot vague et indéterminé”, une équivocité à assumer de manière à
dégager une règle tout en sa basant sur des cas limites. On parle de « naturalisme » chez Hume car
nos comportements sociaux sont fondés sur la nature humaine dont on peut établir des lois (on a du
mal à imaginer et trouver un pays où le parricide serait une vertu ou le suicide la fin la plus noble
donc il y a une relative constance de la nature humaine au-delà de la diversité des moeurs) même si
on ne peut que les constater sans les expliquer : on décrit les passions “par une constitution de
nature dont nous ne saurions pousser plus avant l'explication” (DIP p. 80). L'histoire ne fait que
varier le circonstances ce qui donne une illusion d'irrégularité ou de chaos. Mais c'est une
conception trop rigide qui ne rend pas compte de la contingence des rapports humains. Est
« naturel » ici non ce qui est contraire de « culturel » donc biologique ou animal, car toutes les
passions sont culturelles au sens anthropologique (propres à l'homme) et ethnologique (influencées
par le déterminisme socio-culturel ou l'éducation) ; non pas ce qui est fixé archaïquement,
primitivement ; mais ce qui est régulier, habituel, comme une seconde nature, obéissant à des
lois pouvant évoluer. Donc : Il n'y a pas d'affectivité immuable même s'il y a des cycles.
Mais “jamais entreprise littéraire fut plus infortunée que mon TNH. Il tomba mort-né des presses
9
sans même avoir l'honneur de susciter un murmure chez les fanatiques”.(“Ma vie”)
*DI publiée en 1757 après le TN de 1739-40 et reprend les mêmes thèmes et thèses du livre II car
échec de celui-ci donc le réécrit sous forme plus brève et incisive (1/6ème) : dire autrement pour
mieux être entendu, pour accorder la philosophie au sens commun : « les réflexions
philosophiques ne sont que des réflexions de la vie courante rendues méthodiques et corrigées »
(EEH). Comprendre/ apprendre l'homme mais aussi être compris de lui : « soyez philosophe, mais
au milieu de votre philosophie, soyez toujours un homme » (EEH).
Déjà le livre I est devenu l'Enquête sur l'entendement humain en 1748, le livre III est devenu
l'Enquête sur les principes de la Morale.
Def Essai = exercice de réflexion associé à un effort d'écriture littéraire depuis la Renaissance
(Montaigne en 1580) ; liberté formelle dans les arguments et le style ; c'est une tentative, une
expérimentation ; d'où une certaine modestie, qui convient bien aux sceptiques et prisée par les
honnêtes hommes à partir du XVIIème qui s'intéressent à tout et refusent de se spécialiser. Comme
c'est une manière brève et plaisante d'argumenter, ils traitent non de problèmes métaphysiques
traditionnels (Dieu, liberté, lois de la nature) mais les manières des hommes, leurs mœurs, leurs
conduites. A cheval entre deux mondes, celui de l'érudition (savants, philosophes) et celui de la
conversation (clubs, salons) comme l'explique Hume lui-même dans un essai sur l'essai en 1742. Il
veut réconcilier les deux mondes ; se soucier de la réception de nos recherche auprès de l'opinion
tout en élevant le débat : il se veut « ambassadeur des provinces du savoir auprès de celles de la
conversation ». Le genre de l'essai convient mieux aux passions dlmo il n'a pas l'ambition de savoir
absolu et d'exhaustivité d'un traité car les passions « ne fonctionnent pas toujours avec une
régularité parfaite » (II, 11 p. 78) et varient selon les circonstances. Il mêle le sérieux de l'analyse et
le ton plus léger de l'étude de mœurs, il divertit le lecteur par de nombreux exemples, surtout dans
la section II sur l'orgueil, dès qu'il affirme, il évoque des exemples vivants. Il y a aussi de
nombreuses allusions à des théories ou des auteurs visant les gens cultivés : Addison, Horace,
Virgile, les maximes de La Rochefoucauld etc. Mais Hume cite plus des essayistes ou des poètes
que des philosophes car il est sensible à la singularité de chaque passion (aller du particulier au
général / induction). EX : la tragédie est plus intéressante car le style théâtral ne donne pas au jeu
des passions un cadre étroit.
DIP reprenant le livre II, publié avec 3 autres dissertations, avant dernière œuvre ; aux côtés de la
DIP, on trouve 3 autres essais (Four Dissertations) qui sont en lien avec elle car le monde humain et
un monde au sein duquel les passions sont omniprésentes donc les autres essais permettent de
repérer les conséquences des passions dans les sphères de la religion (Histoire naturelle de la
religion s'oppose aux tentatives d'argumentations rationnelles des théologiens et souligne le rôle des
passions dans la croyance religieuse : ce n'est pas par curiosité ou amour de la vérité qu'on croit en
Dieu mais à cause du « souci anxieux du bonheur, la crainte des maux futurs la peur de la mort » ;
Hume prend une position sceptique qui n'est ni la révélation irrationnelle des anciens, ni la religion
naturelle qui tente de raisonner ; 3 positions que Hume fait dialoguer ; il considère qu'aucune
connaissance ni rationnelle ni révélée n'est possible en matière de religion ; seul le sceptique peut
observer une foi véritable car il sait qu'il ne fait que croire et n'érige pas sa croyance en savoir, ce
qui permet la tolérance religieuse), de l'art (De la tragédie : on peut jouir de la représentation de la
jalousie ou de la haine car une émotion calme comme « l'énergie de l'expression, le pouvoir des
rythmes, les charmes de l'imitation » peut adoucir la violence de la passion et apaiser l'âme du
spectateur cf catharsis d'Aristote Poétique).
Avantages : suppression des redondances et des lourdeurs mais : glissements dans sa philosophie et
changement de valeurs de certains points décisifs. Change de manière plus que de matière. EX :
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tableau de correspondance possible : Section III = IIde partie du livre sur les passions / Section V =
IIIème partie du TNH etc
Inconvénients = pas de titres pour se repérer dans la progressions ; moins d'exemples éclairants que
dans le TNH d'où la nécessité d'utiliser le tableau de correspondance p. 390s pour consulter la
source du TNH sur des points obscurs ou des présupposés non justifiés. Si quelque chose apparaît
obscure, ce peut être un effet de la contraction, et non de l'absence d'argumentation de Hume.
Malgré la réduction de taille, elle conserve les mêmes exemples et les mêmes citations que le
TN, mais en nombre plus réduits. Cad que tout ce qui est dans la Dissertation est dans le TNH
mais tout ce qui est dans le TNH n'est pas dans la Dissertation.
Points communs : volonté de schématisation et d'aboutir à des lois/ un système pour rendre compte
de la complexité des passions. Confirme le raisonnement par induction : on part d'exemples
particuliers pour en tirer des lois générales.
Différences =
La dissertation a ses exigences propres liées à la brièveté du propos : avoir des points de départs
stables pour une argumentation rapide et convaincante. Ex : les hypothèses du TN deviennent des
thèses ds la DI (ex le rôle de l'espoir et de la crainte, lié à l'incertitude du réel, dans la construction
des passions). Pas le temps pour une longue exploration d'où cette différence de tonalité rhétorique.
Le TNH situait la théorie des passions à mi chemin entre celle de l'entendement et celle de la morale
pour montrer le lien entre les mécanismes intellectuels, cognitifs, les mouvements affectif et les
jugements moraux. Changement d'angle d'attaque aussi : on commence par la fin du Livre II
(espérance et crainte) car il a un souci différent : il ne s'agit plus de critiquer le moi substantiel en
partant de l'orgueil (ce n'est pas l'orgueil qui est le produit du moi mais le moi qui est le produit de
l'orgueil) ; de même que la honte cristallise toutes les caractéristiques de l'être pour autrui chez
Sartre : ce n'est pas parce que j'ai honte que j'ai conscience d'autrui, c'est parce que j'ai conscience
du regard d'autrui sur moi que j'ai honte. Il y a donc une conception encore plus probabiliste du
moi, qui se définit relativement à ce qui n'est pas lui : les calculs sous-tendent le mélange de nos
passions. De plus, il fait le choix de séparer la réflexion sur la volonté (SV) et celle sur les passions
directes (SI), qui étaient réunies dans la 3ème partie du Livre II (« De la volonté et des passions
directes ») : la volonté perd son rôle modérateur ou médiateur. Enfin, il y a dans le livre II une
longue discussion sur le libre arbitre au début de la 3ème partie ce qui est abandonné dans la DIP en
centrant la réflexion sur le rapport entre raison et passions dans la détermination du vouloir.
* Originalités du texte :
Après l'entendement, ce sont les passions qui sont au cœur de l’enquête philosophique (cf Livre II
du TNH). Ainsi l'ordre chronologique du TNH ne doit pas nous tromper : il remonte des effets
aux causes ; ce sont les passions qui fondent l'entendement et non l'inverse ; il suit un ordre de
composition (du plus simple au plus complexe) et non d'analyse (du complexe au simple,
recherche des principes premiers à partir des notions complexes). La 2èmeplace ne doit pas être
interprétée comme une secondarisation des passions r/ au travail de l'entendement mais comme une
place centrale ; il faudrait plutôt relire tout le TNH à partir du Livre II car la nature humaine est
passionnelle dans toutes ses dimensions et les passions sont les déterminants fondamentaux de
tout la vie intellectuelle, y compris de l'entendement. Donc la Dissertation va permettre de
rétablir la priorité des passions et l'ordre causal des phénomènes en remettant les passions au centre.
Hume veut substituer à une psychologie de l'esprit une psychologie des affections de l'esprit :
l'esprit est lui-même une manière d'être affecté, « l'esprit n'a pas les caractères d'un sujet
préalable », DELEUZE , il trouve sa positivité dans ce qui lui vient du dehors et l'affect ; l'esprit
est une affection de l'esprit : « la raison n'est rien qu'une détermination générale et calme des
passions fondée sur une une vue distante ou sur la réflexion » (TNH).
2 notions sont en déclin r/ TN :
11
* la sympathie : allusion et non analyse à part ; elle est remplacée par l'intérêt (rôle grandissant de
l'utilitarisme). Ex : il place les passions directes avant les passions indirectes comme si les passions
étaient avant tout des déterminations immédiates du plaisir et de la douleur. Donc relativise la
médiation d'autrui.
* les esprits animaux : les passions ou les croyances ne sont plus des forces mais des sentiments ;
il a des exigences plus rigoureuse en biologie à ce moment là et ce vague discours physiologique
sur les esprits animaux n'explique rien (esprits vitaux ténus, subtils, qui reçoivent des impressions
du dehors et impriment le mouvement aux muscles donc ils semblent résoudre le pbl de
l'articulation âme/corps car leur rôle est d'établir le mouvement dans la machine du corps mais ne
font que le déplacer). Cf TNH p. 116 II, 1, S5 = « sans l'impression présente, l'attention ne se fixe
pas, et les esprits animaux ne se mettent pas en branle » / seulement quelques allusions en VI, 8 :
« Les esprits animaux changent difficilement de direction, cette difficulté agite les esprits animaux,
la surprise ... met les esprits en effervescence, … les passions déclinent ; il n'y a plus de presse des
esprits animaux » p. 92. Les Modernes ont révolutionné la philosophie des passions en révélant
l'importance concrète du corps et des détails de la physiologie humaine dans le développement des
affects ; toute la 1ère partie du Traité des passions de Descartes est consacrée, comme un traité
d'anatomie, à expliquer les sensations de chaleur, les mouvements des membres, les sensations du
ventre, du coeur, de la respiration etc. qui accompagnent les passions. C'est surtout le rôle du sang et
des nerfs qui est souligné, « semblables à des petits tuyaux qui viennent tous du cerveau et
contiennent, ainsi que lui, un certain air ou vent très subtil, qu'on nomme les esprits animaux » (PA,
art 7, p. 104). Physiologie des passions à laquelle Hume rend un hommage discret : il ouvre son
essai en mentionnant le rôle de « la structure originale de nos organes » (I, 1, p. 58) de même que
le livre II s'ouvrait sur l'idée que les impressions « naissent de la constitution du corps, des esprits
animaux, ou de l'application des objets aux organes extérieurs » (p. 99) . Mais il n'entend pas
approfondir le sujet ; même si les impressions relèvent de « causes naturelles et physiques », leur
examen relève des « sciences de l'anatomie et de la philosophie naturelle » et cela entraînerait le
TNH « trop loin de son sujet » (II, I, 1 p. 99).
CF Influence de DESCARTES/ Passions de l'âme car :
1. Etude indépendante des passions pour elles-mêmes.
2. Références aux esprits animaux.
3. Mise en disposition de l'esprit par nos passions.
4. Analyser les phénomènes passionnels en éléments simples pour ensuite recomposer le complexe
même si système inachevé (CF 4 règles de la méthode).
Différences avec Descartes : Il ne s'agit pas de dénombrer ou classer les passions mais d'étudier la
dynamique et le passage incessant d'une affection à une autre # contre tout substantialisme et
dualisme de l'âme # contre toute prétention à définir les passions comme Locke.
cf Les « têtes d'expression des passions de l'âme» de Charles Le Brun (peintre de la galerie des
glaces à Versailles) s'inspirent de la théorie cartésienne des passions, mais aussi de la théorie
aristotélicienne de l'art comme imitation (mimesis), pour montrer que les passions restent toujours
le signe d'une interaction entre l'âme et le corps ; le visage traduit mais aussi, de ce fait, trahit les
affects. Cf également le masques (persona en latin) utilisés dans le théâtre grec pour traduire des
émotions ou des passions d'une personne et faire paraître vrai ce qui est seulement feint.
[VII. Le désir. Cette Passion rend les sourcils pressez & avancez sur les yeux, qui sont plus ouverts
qu’à l’ordinaire ; la prunelle enflammée se place au milieu de l’œil ; les narines s’élèvent & se
ferment du côté des yeux ; la bouche s’entre-ouvre, & les esprits qui sont en mouvement donnent
une couleur vivre & ardente.
XII. Tristesse. L’abattement que la tristesse produit fait s’élever les sourcils vers le milieu du front
plus que du côté des joues ; les yeux presque fermez, mouillés & abaisses du côté des joues ; la
12
prunelle est trouble ; le blanc de l’œil jaune ; les paupières abattuës & un peu enflées ; le tour des
yeux livides ; les narines tirant en bas ; la bouche entre-ouverte & les coins abaissez ; la tête
nonchalamment penchée sur une des épaules ; la couleur du visage plombée ; les lèvres pâles &
sans couleur.
XVI. L’horreur. L’objet méprisé cause quelquefois de l’horreur & pour lors le sourcil se fronce &
s’abaisse beaucoup plus. La prunelle située au bas de l’œil est à moitié couverte par la paupière
inférieure ; la bouche entre-ouverte, mais plus serrée par le milieu que par les extrémités, qui étant
retirées en arrière, forment des plis aux joues ; le visage pâlit & les yeux deviennent livides ; les
muscles & les veines sont marqués.
XVII. L’effroi. La violence de cette Passion altère toutes les parties du visage, le sourcil s’élève par
le milieu ; les muscles sont marquez, enflez, pressez contre l’autre, & baissez sur le nez, qui se
retire en haut aussi-bien que les narines ; les yeux forts ouverts ; la paupière de dessus cachée sous
le sourcil ; le blanc de l’œil environnée de rouge ; la prunelle égarée se place vers la partie
inférieure de l’œil ; le dessous de la paupière s’enfle & devient livide ; les muscles du nez et des
houes s’enflent, & ceux-ci se terminent en pointe du côté des narines ; la bouche fort ouverte, & les
coins fort apparents ; les muscles et les veines du col tendus ; les cheveux hérissés, la couleur du
visage comme du bout du nez, des lèvres, des oreilles, & le tour des yeux pâle & livide ; enfin tout
doit être fort marqué.
XVIII. La colère aiguë. Les effets de la colère en font connaître la nature. Les yeux deviennent
rouges & enflammés ; la prunelle égarée et étincelante ; les sourcils tantôt abattus, tantôt élevés
également ; le front très ridé ; des plis entre les yeux ; les narines ouvertes & élargies ; les lèvres se
pressant l’une contre l’autre, l’inférieure surmontant la supérieure, baisse les coins de la bouche un
peu ouverts, formant un ris cruel & dédaigneux.
XIX Haine ou Jalousie. Cette Passion rend le front ridé ; les sourcils abattus & froncés ; l’œil
étincelant, la prunelle à demi cachée sous les sourcils tournés du coté de l’objet : elle doit paraître
pleine de feu aussi-bien que le blanc de l’œil & les paupières ; les narines pâles, ouvertes, plus
marquées qu’à l’ordinaire retirés en arrière, ce qui fait paraître des plis aux joues ; la bouche fermée
en sorte que l’on voit que les dents sont serrées ; les coins de la bouche retirez & fort abaissez ; les
muscles des mâchoires paraîtront enfoncés ; la couleur du visage partie enflammée, partie jaunâtre ;
les lèvres pâles ou livides.
XX. Le désespoir. Comme cette Passion est extrême, ses mouvements le sont aussi ; le front se ride
de haut en bas ; les sourcils s’abaissent sur les yeux, & se pressent du côté du nez, l’œil en feu &
plein de sang ; la prunelle égarée, cachée sous le sourcil, étincelant & sans arrêt, les paupières
enflées & livides ; les narines grosses, ouvertes, & élevées ; le bout du nez abaissé ; le muscles,
tendons, veines enflés & tendus ; le haut des joues gros, marqué & serré à l’endroit de la mâchoire ;
la bouche retirée en arrière est plus ouverte par les côtés que par le milieu. La lèvre inférieure
grosse et renversée ; l’on grince des dents ; l’on écume ; l’on se mord les lèvres, qui sont livides
comme tout le reste du visage ; les cheveux sont droits & hérissées.]
2 notions sont retirées r/ TN :
* La notion de Force, de dynamique = elle permettait par exemple de rapprocher l'orgueil de
l'amour ou l'humilité de la haine d'autre part car elles ont une même dynamique et provoquent une
sensation de plaisir ou de déplaisir, alors qu'on a plutôt tendance à les opposer étant donné que
l'amour et la haine concernent autrui alors que l'orgueil et l'humilité concernent le moi. CF SHEMA
5
* La Volonté = elle perd son rôle (le contrôle du principe de réalité revient au jeu complexe des
passions faibles ou fortes avec un possible ressenti illusoire) ; elle est tour à tour distinguée des
passions puis traitée comme l'une d'entre elles. La raison n’a aucune force par elle-même. Elle est
« l’esclave des passions », c’est-à-dire un outil à leur disposition même si pas de remarques sur la
raison comme esclave des passions ds la Dissert. (cf schéma 8)
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BUT du texte :
= ni faire l'éloge ni critiquer ni conseiller un bon usage des passions mais expliquer et décrire les
opérations de l'esprit humain sur un mode constatatif ; pas de jugement éthique. 3 niveaux = définir
l'objet des passions / les principes de leur apparition / les circonstances de leur modification. Il
ne s'agit pas non plus de seulement décrire leur apparence, mais de dévoiler les mécanismes
invisibles. Hume adopte un point de vue dynamique sur les passions, les espèces d'un même genre
de passions ayant tendance à s'engendrer l'une l'autre # tradition antique des taxinomies jusqu'à
Descartes proposait des classifications figées par genres et espèces ; il leur emprunte néanmoins en
soulignant que les espèces du même genre peuvent s'engendrer. Ex : jalousie ou angoisse présentées
comme des espèces de douleur, comme des états isolés les uns des autres.
Double tension paradoxale = à la fois critiquer l'adage scolastique selon lequel l'homme est un
animal raisonnable pour démontrer le fond passionnel de la nature humaine / mais en même temps
adopter une méthode scientifique pour rendre compte de cette nature à travers un système de règles,
une modélisation des passions qui n'a rien de subjectif ou arbitraire. Montrer que c'est, non pas la
raison, mais la part d'irrationnel qui constitue l'homme, tout en l'expliquant de la manière la
plus rationnelle qui soit, à la façon des scientifiques.
Difficulté = en science les objets étudiés sont extérieurs à l'observateur et ne sont donc pas altérés
par l'observation ; on doit pouvoir décrire avec neutralité objective (or l'homme est un être de
passions donc il est ici à la fois le sujet et l'objet, juge et parti, on prend toujours une perspective sur
un système passionnel d'où le risque de partialité) et reproduire l'expérience en faisant varier les
paramètres (or reconnaissance d'une relative instabilité des passions dont l'identité n'est qu'une étape
transitoire entre 2 passions ; la passion est une altération ; de plus il y a une infinité d'états
passionnels individuels et Hume refuse de les faire tous découler d'une seule comme La
Rochefoucault avec l'amour de soi ; et on ne peut pas provoquer des passions comme des
phénomènes physiques). CF l'introduction du TNH soulignait les difficultés épistémologiques
“quand on recueille ses expériences, elle ne peut les produire à dessein, avec préméditation”.
Mais comme ds toute science humaine, on peut prendre des précautions scientifiques ; on peut
ériger des lois ; on peut considérer la passion comme un phénomène de manière neutre sans le
personnaliser (neutralité affective de la personne sur laquelle on expérimente. Ex : orgueil =
sentiment de soi que ce soit Crevel ou Rastignac ; il y a donc une objectivation nécessaire de la
passion pour l'étudier et la repérer : de même que le psy ne doit pas transférer ses sentiments sur son
patient, il ne faut pas que le philosophe vive « la haine en première personne ») ; la sympathie avec
les autres (qui est l'âme de touts les passions) permet l'identification par le passionné lui-même de
ses propres passions chez autrui (effet de miroir voire mise en abyme qui peut confirmer notre
propre point de vue et mettre en évidence ce qui se produit le plus souvent). Et puis même en
science le fait de l'observation empêche l'observation du fait en soi, toute observation passe par la
médiation d'un oeil ou d'intruments humains !
Il faut séparer les principes (objectifs) de la sensation vécue (confuse) car l'étude des passions
présente des difficultés.
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B) EXPLICATION LINEAIRE
PLAN GENERAL
SECTION I / LES PASSIONS DIRECTES = joie, tristesse, crainte, espoir = ont pour objet les
biens et les maux considérés du point de vue du plaisir et de la souffrance. TNH livre II, partie
III, sections 9 et 4.
SECTION II A IV / LES PASSIONS INDIRECTES = amour, haine, orgueil, humilité =
cherchent aussi des biens ou refusent des maux mais dlm où nous les percevons en nousmêmes ou chez autrui. TNH Livre II, partie I, sections 5,6,7,8,9,10,11 puis partie II, sections
1,2,3,6,8,9,10,11.
SECTION V A VI / RAISON , VOLONTE ET PASSION = TNH livre II, partie III, sections 3,
4,5,6,7,8
Conclusion de la Dissertation sans correspondance au TNH
SECTION I / LES PASSIONS DIRECTES = joie, tristesse, crainte, espoir = ont pour objet les
biens et les maux considérés du point de vue du plaisir et de la souffrance.
CF TABLEAU HUMIEN
LES PASSIONS COMME IMPRESSIONS DE REFLEXION
Impressions = « toutes nos sensations, passions et émotions, telles qu’elles font leur première
apparition dans l’âme ».
* LES IMPRESSIONS CF SCHEMA 1= « Les perceptions qui entrent avec le plus de force et de
violence, nous pouvons les nommer impressions ; et sous ce terme, je comprends toutes nos
sensations, passions et émotions, telles qu’elles font leur première apparition dans l’âme. » =
originaux ou modèles dont les idées sont les copies ; elles sont fortes et vives. Elles sont l'absolu du
problème, le principe qu'on ne questionne pas et dont on ne cherche pas plus loin les conditions,
bref la structure atomique de l'esprit (relève de l'anatomie ou de la physiologie), c'est ce dont on ne
peut connaître la cause, au-delà de quoi l'analyse ne peut remonter (cf intuition sensible). D'où le
principe de vérification suivant : toujours, quand on a un doute, « rechercher de quelle impression
dérive cette idée supposée ». L'empirisme frôle ici le matérialisme , réduisant l'homme à un être
vivant et matériel essentillement déterminé par ses affects. Il ,n'est pas “un empire dans un empire”
masi une chose parmi les choses, un corps parmi les corps : le rapport externe et sensible sera donc
toujours privilégié.
* TOUT EST PERCEPTION : Ontologie de la perception où tout ce qui se présente à l'esprit est
perception : c'est à cela seulement qu'on peut attribuer une existence : antériorité de l'impression sur
l'idée d'où la nécessité de décomposer les idées complexes en idées simples puis rechercher des
impressions correpondantes ; immédiateté de la perception, pas de représentation d'autre chose situé
en face de soi ; nature atomistiques des perceptions qui remet en cause l'idée de continuité ou
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d'identité du sujet. Qu'est-ce que penser ? C'est copier en composant. Les impressions et les
idées sont les atomes ultimes dont la combinaison ou la fusion (qui s'opère selon une ou
plusieurs des relations) constitue l'intégralité du monde empirique, moral et intellectuel.
Les objets de référence ne sont pas les mêmes (“certains objets, d'autres objets ...”) donc il ne
faut pas confondre les impressions de sensation avec les impressions de réflexion qui vont en
dépendre mais sans s'y réduire.
IMPRESSION DE SENSATION = ce qui frappe nos sens et nous fait percevoir quelque chose, ce
sont l'origine de l'esprit. Cf nos sensations premières, nos perceptions immédiates, nos impressions
premières et originales qui naissent sans perception qui les précède puisque c'est ce dont la
perception sera faite. La dimension corporelle est indépassable puisque c'est grâce à nos sens que
nous ressentons quelques chose des objets extérieurs sur nos organes, même si Hume renvoie aux
esprits animaux cartésiens qui opèrent la jonction entre l'âme et le corps.
VIVACITE = une vue de l'esprit ; évidence immédiate qui accompagne et caractérise les
impressions, force de conviction de nature affective et incomparable ; impressions et idées sont
éprouvées différemment en intensité ; il y a cependant la vivacité des idées auxquelles on croit car
elles ont acquis, par un phénomène de transfert, une force sensible qui les distingue des autres
(notamment des fictions). Il y a une ambivalence et une difficulté à décrire cette force car c'est
l'atome du scepticisme au-delà duquel on ne peut aller. L'impression a pour essence cette réalité
affective qu'on juge très évidente surtout quand on la compare à l'idée. Cette vivacité donne des
contenus pour existants sans jamais qu'on puisse savoir s'ils ont ou non une réalité extérieure.
Celui qui voit la couleur rouge ou qui ressent la colère est voué à sa perception.
Mais les passions sont plus et autre chose que des sensations.
# CF Hutcheson : théorie des sens externes : les émotions sont des sensations spécifiques liées aux 5
sens.
IMPRESSION DE REFLEXION = PASSIONS = un affect qui naît soit d'une impression de
sensation soit d'une idée ; toute passion naît d'un rapport réglé entre sentiment et idée ; ce
sont des entités psychologiques, mentales, secondes, qui ne se réduisent pas à des sensations
immédiates, car elle dérivent d'idées mais comme les idées dérivent elles-mêmes des sensations, la
boucle est bouclée (cercle vertueux) : elles sont à la fois sensibles et réflexives, une certaine
manière de sentir les idées-images. La vue comme le simple souvenir d'une chose peut faire naître
la peur ; comme les précédents elles ne sont pas appréhendées par le biais d'une idée mais
concrètement et directement vécues, senties : c'est pourquoi elles sont décrites comme des
« modifications originelles de l'existence », une modification de notre être par des objets ou des
situations qui se distinguent des sensations immédiates ; elles sont de réflexion non au sens du
cogito réflexif (ou produit d'un acte intellectuel) mais au sens de réactions subjectives immédiates
à ce qui est donné. Le retour de l'idée provoque de nouvelles impressions qui en dérivent, copiées
par la mémoire et l'imagination, engendrant d'autres impressions ou idées. C'est la qualification de
l'esprit, l'effet des principes dans l'esprit. Cf affects, émotions, sentiments, désir, passions qui
ressemblent aux sensations primitives de plaisir et de douleur. Les passions ne sont pas un
nouvel objet discernable de l'entendement ; toue passion est une réaction au plaisir et à la
douleur, elle résulte de ce qui dans l'impression est agréable ou douloureux, lorsque dans
l'impression domine la sensation de plaisir ou de douleur. Donc toute impression est dotée d'une
charge affective. Une passions est elle-même une impression pure que l'on envisage à partir du
sentiment agréable ou pénible qu'elle suscite. L'affect en constitue l'essence, c'est pourquoi on ne
peut la définir, seulement la décrire. La logique des passions est d'intériorisation : les objets
trouvent une résonnance intérieure et au-delà d'un certain seuil de vivacité l'idée devient elle-même
une impression. Les passions ne sont donc pas des choses que les hommes porteraient
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accidentellement en eux et qu'on pourrait enlever comme une protubérance : ce sont des processus
qui constituent le fonds de notre être. Une passion est un processus de redoublement du sensible :
d'ailleurs toute passion est passion de qqchose, des réactions de l'esprit à ce qui l'affecte.
DEF TNH “une passion est une émotion violente et sensible de l'esprit qui se déclenche quand se
présente un bien ou un mal” II, 3, 8. p. 288
PBL 1 : On ne remonte pas jusqu'au bout dans la série des causes : De même pour les principes
de fonctionnement de l’esprit humain, puisque nous percevons les effets de ces principes, mais ne
percevons pas directement les principes eux-mêmes. C’est pour pallier, dans la mesure du
possible, à cette non-perception directe que Hume recourt à la modélisation (conception d'un
modèle, représentation d'un système par un autre, plus facile à appréhender).
Pas de définition possible de certains affects : « […] Les passions de l’ORGUEIL et de
l’HUMILITÉ étant des impressions simples et uniformes, il est impossible de jamais en donner une
juste définition par une multitude de mots, et c’est aussi le cas pour les autres passions. Tout au
plus pouvons-nous prétendre les décrire en énumérant les circonstances qui les accompagnent
[…]. »
car :
1) ATOMISME ce qui constitue l'atome de la vie affective est insécable, indécomposable : l'amour
et la haine impossibles à définir TNH p. 163 car « elles ne font que procurer une impression simple
sans aucun mélange ni composition ». principe critique de la réduction analytique de toute idée
complexe en éléments simples (la philo est une critique de l'entdt, de la morale etc., au sens de tri et
de discernement : partant des opinions et des croyances des hommes pour en chercher par analyse et
induction, le principe = proposition première qui sert de support à d’autres, permettant de tirer des
conséquences (postulat, axiome) ou de commander une action) ; genèse des principes de nos
jugements. Pas de véritable atomisme psychologique isolant les passions les unes des autres par
découpage artificiel : souligne plutôt son associationisme : à ne pas confondre avec
atomisme (l'esprit par lui-même n'est qu'une collection d'atomes, ce qui rend une vraie psychologie
impossible). Les passions sont les éléments fondamentaux qui expliquent tout le reste et non
l'inverse ; ne se contentent pas d'articuler ensemble connaissance et morale mais permettent de les
expliquer.
2) INTUITIONISME = ce qui fait impression et auto-suffisant et n'a pas besoin de preuve externe
« ces passions sont d'elles-mêmes suffisamment connues par le sentiment et l'expérience ordinaire
que nous en avons » TNH p. 164. cf intuition sensible
3) PHENOMENISME Au commencement était l'impression, perception originelle et vive, qui
nous fait entendre, voir, aimer, haïr, désirer ou vouloir. Hume prend pour point de départ de son
enquête ce qu'il appelle les perceptions de l'esprit. Toute idée, toute connaissance, provient d’une
perception. Toute idée gagne en force dans l’esprit lorsqu’une perception apparentée y survient.
(Exemple : si nous voyons des voitures toute la journée, l’idée de voiture aura plus de vivacité et de
prégnance dans notre esprit que si nous n’en voyons que très rarement.) Ces perceptions sont de
deux sortes : les impressions et les idées.
Cette division correspond à la différence entre sentir et penser : « Chacun, de lui-même, percevra
facilement la différence entre sentir et penser. ». Penser vient après cette expérience quand l'esprit
se remémore les impressions, les mélange pour en faire des idées. Impressions et idées sont les deux
noms de l'expérience. Les idées viennent chronologiquement après les impressions, elles sont
qualitativement moins vives et moins fortes que les premières. On ne peut être sûr de bien penser
que si l'on chercher toujours l'impression qui est derrière et dont dérive l'idée (ex on a vu de l'or et
gravi une montagne, on sait donc pourquoi on rêve d'une montagne d'or).
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PBL 2 = Les impressions ne sont pas représentatives de quelque chose ; elles sont une réalité
autosuffisante. Pour dire que l'impression est « représentative » il faudrait admettre une double
existence, celle des objets et celle des impressions ; or ce n'est pas ici l'empreinte que des corps
extérieurs laissent sur l'esprit par le biais des sens mais une expérience primitive sans lien avec
une extériorité : l'impression est l'être même ; elle est présentative et dotée d'une évidence
absolue ; d'ailleurs le mot “impression” ne convenait pas à Hume, mais l'quivalent de ce qu'il veut
décrire ne se trouve dans aucune langue. Nous y adhérons spontanément et c'est en elle que nous
vivons, comme perceptions primitives caractérisées par un sentiment spécifique.
PBL = opposition entre leur caractère réflexif ou secondaire en tant qu'impression de réflexion
càd impressions produites par les idées correspondant aux impressions de sensation, dérivées des
impressions de sensations car saisies affectives de ces données qui les précèdent (réflexion au sens
de réaction sentimentale, une manière de ressentir la sensation et son idée, auxquelles elle donne un
retentissement spécifique d'où l'idée qu'il y a des passions directes, qui orientent primitivement vers
la jouissance ou le déplaisir, selon que les sensations sont possibles, certaines ou incertaines (cf
tableau humien flèche de droite)
mais aussi un caractère primaire, impulsif : une fois qu'elles le présentent à l'esprit elle se
donnent comme “vivre immédiat” (Malherbe), non représentatives, dotées d'une certaine
primitivité, impulsions primitives à partir de quoi sont formés nos jugements et actes (cf tableau
humien flèche de gauche). A la fois toutes les passions et par voie de conséquence les jugements
moraux dérivent des sensations agréables ou désagréables ; mais aussi les passions possèdent en
elles-mêmes un qualité affective originale, propre càd sont elles-mêmes considérées comme des
plaisirs ou des peines ; càd que plaisir et souffrance ne sont pas seulement la cause mais l'être
même des affects (même plus tard avec les passions indirectes, l'orgueil sera considéré comme
“une certaine satisfaction que nous ressentons en nous-mêmes” (II, 1), la compassion décrite
comme un “malaise” (III, 4), la passion amoureuse comme composée de plaisir (III, 7)). Plaisir et
souffrance sont l'alpha et l'omega de la condition humaine.
Pbl 3 de la distinction ave les affects des animaux : sujet disparu entre TNH (II, S12, P1) et DIP :
“tout ce que nous découvrons être vrai d'une espèce peut être conclu sans hésitation comme certain
de l'autre” p. 156 car anatomiquement constitués de manière semblables ; il y a une correspondance
entre passions chez les animaux et chez les hommes. Mais le désir et les passions n'ont-ils pas une
part essentiellement culturelle et anthropologique. Ce dont ne rend pas compte sa théorie, si ce n'est
lorsque les passions se complexifient et font intervenir des relations entre idées dont ne sont pas
capables animaux. La différence homme/animal se situerait au niveau des idées complexes sur le
tableau.
NATTENTION : impression de “réflexion” ne signifie ni représentation intellectuelle, ni prise de
conscience de soi, ni détachement du sensible ; même les passions les plus directes (émotions)
seront déjà des impressions de réflexion au sens où elles sont enregistrées dans la mémoire et
réutilisées par l'imagination pour former d'autres idées-images et ainsi la dynamique passionnelle se
déploie dans toutes les directions. Ce sont des processus moteurs sans pour autant être innés, et ils
définissent notre nature tout en étant d'une grande plasticité et variété. Comment est-ce possible ?
Les passions sont des résultats, les produits d'une triple interaction, idées-affects, hommemonde, hommes entre eux. Il y a une interaction permanente entre le monde des affects et le
mondes des idées-images : donc si l'on veut comprendre le fonctionnement des passions, il faut
déborder le cadre passionnel dlm où les passions elles-mêmes débordent le monde des affects pour
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envahir le monde de l'esprit. Les passions, mêmes directes, impliquent l'intervention du monde
des idées et réciproquement, les idées impliquent toujours déjà l'intervention des affects. Et
c'est d'ailleurs parce que le monde des idées est un monde lui-même “affecté” que le monde est des
passions est un monde complexe faisant intervenir l'imagination et l'entendement.
LE MONDE DES IDEES COMME MONDE AFFECTE
IDEES = 2ème genre de perceptions, toujours dérivée d'une impression ; comme idée simple elle
en constitue la copie ; comme idée complexe, elle est un agencement d'idées simples. Le
premier principe de la nature humaine est que « toutes nos idées simples doivent dériver
d'impressions simples qui leur correspondent et qu'elles représentent exactement ». L'idée est une
image mentale de cette impression (théorie des idées-images inverse de Platon : c'est l'impression
qui est modèle) donc : la question de l'origine de nos connaissances ne se pose plus au sein du
dualisme cartésien entre l'âme et le corps, le réel c'est l'impression, il appartient à la vie mentale
(Hume prépare le terrain à la phéno et fait la moitié du chemin en considérant qu'il n'y a plus un
sujet isolé en face d'un monde d'objets mais un sujet imprégné et défini par le monde des objets, le
monde est dans l'esprit, non au dehors ; la phéno terminera ce mouvement d'extériorisation de la
conscience en disant que la conscience est dans le monde) ; la relation idée / impression est celle de
copie, reproduction affaiblie, par rapport à un modèle, donc pas de différence de contenu mais de
degré de vivacité et du sentiment qu'il procure, pas de différences de nature comme le veut le
principe empiriste, mais une différence de force : « la pensée la plus vive est encore inférieure à la
sensation la plus terne ».
IDEE simple = idée que je me fais d'un objet particulier (cette pomme), son image mentale
correspondante, par association de plusieurs impressions contigües (sa couleur, sa forme, son odeur
etc.). Toute idée simple, comme toute impression, est singulière.
IDEE complexe = plusieurs idées associées par ressemblance forment des idées générales et
abstraites, des concepts (ce qu'il y a de commun entre toutes les pommes possibles). Les idées
complexes sont formées par association fantaisiste ou régulière (ressemblance, contiguité, causalité)
et constituent la totalité du concevable, la limite du possible.
CF IDEISME = hérité de Locke, doctrine réduisant tous les objets de notre entendement à des
idées simples ou complexes ; sauf qu'il précise la relation que cette idée entretient avec le réel : estce seulement une représentation ou un véritable intermédiaire ? Comment une idée peut-elle
ressembler à une chose ? La philosophie de Hume est une critique de la représentation justement
parce que les idées ne peuvent pas “représenter” des relations abstraites : Hume donne à l'esprit une
origine simple et évite ainsi aux idées d'avoir à représenter des choses, on voit mal comment les
idées pourraient leur ressembler. Il n'y a qu'un copyright des IDEES CF SCHEMA 2= copie
de cette impression qui survit à sa disparition, faible copie d'une impression première ; si tout
idée est représentative de qqchose, elle l'est d'une impression qui est de même nature qu'elle
et supérieure seulement en intensité. Aucune idée n'est valable ni n'a d'existence si on ne sait
assigner la ou les impressions dont elle est la copie (au moins pr les idées simples). Esprit n'est
autre chose qu'une mosaïque d'impressions : ce qui est intéressant à étudier ce ne sont pas les
impressions en elles-mêmes mais les relations entre elles et les idées qui forment le tissu de l'esprit.
Hume propose une modélisation du fonctionnement de l'entendement humain pour en tirer
des principes.
D’abord, il tente de comprendre les principes de fonctionnement de l’entendement (livre I du
TNH). L’entendement est le cadre logique de l’esprit, il est l’ensemble de principes logiques selon
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lesquels nous raisonnons et développons des croyances. Ce ne sont pas des principes
nécessairement explicites : en général, ils sont même plutôt implicites, car ils sont tellement
« naturels » à nos yeux que nous ne les remarquons pas. La tâche de Hume dans cette première
étape (qui est aussi le premier livre du Traité) est de comprendre en quoi consistent ces principes.
Et il y a deux genres d'affections : le dépassement du donné qui sera source de connaissance et
l'affection passionnelle et morale.
Les connexions imaginaires : l'associationisme atténue l'atomisme de Hume.
CF SCHEMA 3 : Les RELATIONS entre idées : les pensées sont méthodiques, on ne pense pas
n'importe comment, même le rêve ou la conversation la plus décousue ne s'organise pas n'importe
comment, il y a une connexion entre nos idées ou images “elles ne sont pas entièrement dépourvues
de règles et de méthode dans leur changement” DIP p. 64. Il y a des lois qui maintiennent l'ordre
dans l'esprit comme les lois de l'attraction newtonienne maintiennent l'ordre ds l'univers. Comment
les idées simples deviennent-elles des idées complexes ? (lacune du système de Locke). On établit
des connexions en respectant 3 règles : Il s’agit en quelque sorte de la « mécanique » de l’esprit.
On parlera de SCHEMATISME = passage par généralisation des exemples particuliers du flux
affectif à une loi universelle (induction) ou de la loi à l'expérience vécue (déduction) d'où une
liaison de la conception à la sensation par le biais de l'imagination car celle-ci est hybride. Des idées
vives de la mémoire on peut passer ensuite à la compréhension de toutes les autres idées vives par
opération de transfert. Certaines idées sont éprouvées d'une autre manière que les autres.
LES PRINCIPES D'ASSOCIATION = ce sont les règles selon lesquelles les idées s'appellent les
unes les autres et se lient pour former des ensembles distincts déterminants le cours de la pensée.
L'esprit est libre d'associer les idées selon sa fantaisie mais a tendance à établir des liaisons
régulières (ressemblance, contiguité, causalité) : Hume les constate comme “une sorte d'attraction
qui possède des effets aussi extraordinaire dans le monde de l'esprit que que dans le monde actuel”
et agit à la manière d'une “force douce”. Ce sont des tendances ou des plis dans l'imagination qui
passe facilement d'une idée à une autre selon ce rapport et cela détermine des attentes. Les
principales opérations de l'entendement n'en sont que les effets et cela permet d'expliquer les
conditions de formation de nos attentes mentales. Alors que les impressions ne s'unissent que par
resemblance, les idées de la mémoire sont généralement associées d'après les 3 règles, même si elles
peuvent se lier sans princips. Hume considère ces 3 principes comme “le ciment de l'univers” et
on tient le concept d'association comme le vrai pivot de son système sceptique.
RELATIONS = liaisons des idées dans l'esprit, naturelles si déterminées par des conditions ( 3 =
ressemblance, contiguité, causalité à cause de l'attraction entre perceptions singulières ou comme
une “force douce” qui incline la liberté de la fantaisie à avoir certaines attentes ex
singulier c ontigu  ressemblant  c ausal  ) ; philosophiques si c'est l'esprit qui prend l'initiative
et juge bon de comparer deux idées (assemblages d'idées par un acte de l'entendement qui les
compare sous un point de vue arbitraire, 7 = ressemblance, contrariété, degrés d'une qualité,
rapports de quantité = pures comparaisons d'idées indépendantes de l'expérience, structures
formelles de la connaissance ; identité, contiguité, causalité = connues par expérience, probables).
Les « relations philosophiques » sont ce que l’esprit identifie en fait de relations entre les objets.
Deux idées entrent en connexion :
* soit à cause de leur ressemblance = un tableau nous fait penser à son original, au modèle.
RESSEMBLANCE = relation naturelle ou philosophique la plus libre qui soit, lie des idées
particulières entre elles pour les comparer. C'est la “source la plus fertile d'erreur” participant au
phénomène de la croyance mais peut aussi comparer des idées entre elles indépendamment de
l'expérience pour constituer une connaissance démonstrative. Dans son ontologie de la perception le
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rapport de ressemblance est désormais des idées aux impressions, plutôt que des impressions aux
objets.
* soit parce que les impressions qu'elles copient sont contiguës, voisines = penser à un
appartement fait penser à l'immeuble ou la rue dans lequel il se trouve.
CONTIGUITE = association reliant des idées d'après la proximité temporelle ou spatiale des
impressions correspondantes ; il y a chez Hume une pensée du contigu et du distant. La contiguité
répétée contribue à la constitution de la croyance surtout causale (par association d'idées).
* soit parce que l'une représente une cause et l'autre l'effet, la relation de cause à effet (si on
pense à une blessure on pense automatiquement à ce qui l'a causé et à la douleur qu'elle engendre).
CONNEXION = Hume nie l'existence de liens de causes à effets réels entre les choses, ce qui a tiré
Kant de « son sommeil dogmatique ». On admet une connexion nécessaire slt entre des faits voisins
et successifs, observés plusieurs fois, ce qui n'affecte pas le le couple de faits mais engendre dans
notre esprit une habitude. Ex quand 2 boules de billards se heurtent, on pense que le mouvement de
la 1ère est la cause du mouvement de la scde, et qu'il y a une connexion nécessaire entre les 2 (cf
texte). Une boule de billard va heurter une autre boule de billard, on croit que la première va
communiquer son mouvement à la seconde, ce qui est très probable, sauf si le joueur a provoqué un
effet de retour de la boule sur elle-même ; si je crois A, alors je crois par habitude, car j'imagine que
ce qui s'est produit la plupart du temps va se reproduire ; si je crois B, je ne fais qu'un pari, avec
moins d'intensité, et n'y croirait vraiment qu'a posteriori. Or l'expérience nous indique seulement
une conjonction et une succession de faits, on a l'habitude de les voir se produire à la suite l'un de
l'autre mais nous n'en sommes pas sûrs logiquement. Et nous imaginons un lien entre les 2 :
l'imagination sert de catalyseur de l'association des idées. Lorsqu’une boule de billard (image
des boules de billard vient de Malebranche) heurte une autre boule de billard et lui transmet son
impulsion, nous voyons deux phénomènes survenir l’un après l’autre. Nous croyons alors voir une
cause et un effet. Pourtant, nous ne percevons pas directement la causalité. Si elle existe (ce que
nous ne pouvons pas prouver par des arguments démonstratifs, mais nous sommes forcés de
reconnaître l’existence de la causalité dans la pratique, car nous ne pourrions pas raisonner sans
elle), nous ne la percevons que d’une manière indirecte.
DONC : L'idée de relation de cause à effet provient de notre habitude et n'est pas réellement
ds les choses. Trois présupposés non vérifiables: constance de la nature / le futur doit ressembler au
passé / fiabilité des inductions passées (pétition de principe car présuppose que ce qui a tjrs
fonctionné fonctionnera toujours donc présuppose l'induction). L'association est donc une qualité
qui unit les idées et non une qualité des choses elles-mêmes. Le privilège de la causalité par
rapport à la contiguité et la ressemblance, c'est qu'elle nous fait affirmer l'existence de
qqchose, car elle confère à l'idée de l'objet une solidité et une objectivité, mais les deux autres
préparent déjà cela en naturalisant l'esprit et en préparant la croyance. L'association est une loi de la
nature et comme toute loi elle se définit par ses effets, non par une cause. Donc on doit se contenter
de scruter les effets, pas besoin de remonter aux causes des principes. L'essentiel est leur effet sur
l'imagination. Seule l'expérience nous autorise à inférer un effet d'une cause. Ex : le soir on se
couche en se disant que le soleil se lèvera demain : même si le contraire est toujours possible, non
contradictoire, même si je ne peux pas le prouver par la seule expérience, car elle ne me permet pas
de prouver la ressemblance du futur avec le passé, ma raison étant incapable de démontrer que le
soleil se lèvera demain, pourtant je persiste dans ma croyance, mon action combat mon
ignorance, avec pour grand guide de toute la nature humaine le principe de l'accoutumance
qui, de la répétition dans le passé, permet d'anticiper le futur. La relation de nécessité causale
est seulement une relation constante ds les choses et elle n'est que dans le sujet qui la contemple.
C'est paradoxalement une subjectivité qui se dépasse vers ce qu'elle ne connaît pas sencore, qui
21
affirme au-delà de ce qu'elle sait, mais qui en meme temps est passive. Le fait de la connaissance est
que mon jugement dépasse l'expérience et l'idée.
NECESSITE = détermination d'un effet par une cause : la nécessité est inférée par l'esprit sur la
base de conjonctions constantes de deux phénomènes ; idée fragile car arbitraire (elle n'est que dans
l'esprit de celui qui la pense) mais utile pour se répérer et distinguer les conjonctions les plus
probables.
COUTUME = tendance de l'esprit qui le conduit à associer deux idées par une relation de nécessité
sous l'influence de la conjonction constante des impressions correspondantes = habitude qui a pour
condition la répétition d'événements impressionnels contigus, pour effet la liaison de leurs idées et
le « transfert de vivacité » qui provoque la croyance. La capacité à prendre des habitudes est un
principe de la nature humaine. Il est naturel à l'esprit de dépasser le donné, passivement. Toutes les
association d'idées sont possibles et comme ces relations sont extérieures à leurs termes, la
connaissance n'a pas de fondement objectif = Habitude = affection de l'esprit qui le porte à étendre
aux cas semblables ce qu'il a remarqué ds ses expériences passées et le pousse à inférer une
existence future. Opération dont la coutume est le résultat. L'expérience m'instruit de
conjonctions d'objets ds le passé, tandis que la coutume me pousse à attendre la même chose à
l'avenir. L'expérience rend possible la comparaison mais ne détermine pas l'inférence. « La coutume
fait toute la causalité ». CAUSALITE = relation liant deux idées par une connexion considérée
comme nécessaire, l'une des 2 idées représente la cause de ce que l'autre représente comme effet.
Cette relation fait l'objet de doutes sceptiques pour en critiquer la nécessité prétendue tout en faisant
l'objet d'une explication empiriste qui la reconnaît comme effet de la coutume. Relation naturelle
entre les idées, elle n'est pas interrogeable comme telle bien qu'elle soit la seule qui dépasse le
donné intellectuel ou empirique pour aller plus loin. En tant que relation philosophique elle ne
dépend pas uniquement des idées même si elle fait l'objet d'un démonstration. Donc elle ne peut
être prouvée a priori (une idée ne contenant pas de qualité déterminant son objet comme cause ou
effet) ni a posteriori (cela supposerait que le passé soit la règle de l'avenir). Ce n'est qu'une attente
naturelle. La répétition produit un effet de coutume sur l'esprit qui considère ces conjonctions
comme des connexions nécessaires. La causalité n'est pas dans les choses mais trouve son
origine dans l'esprit qui est déterminé à l'association par cette conséquence psychologique du
passé qu'est la coutume. La causalité devient alors un cas de croyance. Conjonction constante =
contiguité de deux impressions, répétée dans la mémoire ; l'esprit passe de ce lien contingent à un
lien nécessaire entre deux impressions, l'une cause, l'autre effet. La constance de nos impressions se
ramène au fait que les objets nous “ sont toujours apparus ds le meme ordre” et nous “reviennent
sans le moindre changement”. Il y a donc un écart entre le fait mnésique de la conjonction et
l'idée vive de la connexion qui est une croyance. C'est la coutume qui vient combler cet écart.
DONC = C'est la connexion imaginative qui fait l'intermédiaire entre l'idée simple et l'idée
complexe (ex : comparaison entre portrait et son modèle, idée simple, entraîne idée complexe de
relation de causalité entre les 2, l'un ayant inspiré l'autre). « Par idées, j’entends les images
affaiblies des impressions dans la pensée et le raisonnement. Telles sont, par exemple, toutes les
perceptions excitées par le présent discours, à l’exception seulement de celles qui proviennent de la
vue et du toucher, et à l’exception du plaisir immédiat ou du désagrément qu’il peut occasionner. ».
En résumé : la ressemblance mène du portrait peint au modèle ; la contiguïté dans l'espace ou le
temps du salon où je discute à la maison qui l'abrite, de l'ami que je rencontre à cet autre ami
rencontré hier ; la relation de causalité conduit la pensée à comprendre le contenu de la dissertation
comme une conséquence de l'échec du TNH. La ressemblance, la proximité, les rapports de taille et
de nombre… font partie des relations à partir desquelles l’imagination développe des objets
complexes. Hume tentera de montrer en quoi telle ou telle situation particulière (par exemple, la
fierté que nous ressentons lorsque nous regardons des objets coûteux qui nous appartiennent)
s’explique par des principes de fonctionnement de l’esprit. D'où une emprise de l'imagination sur
22
l'esprit. Ce n'est pas pour autant une critique moralisatrice qui dénoncerait les approximations de
l'esprit humain : c'est un constat de fait, la raison n'est pas le guide l'action. Croire, c'est sentir
d'une manière particulière, avoir une idée dont la vivacité est proche de celle de l'impression
et qui nous pousse à adhérer à ce qui n'est pas encore comme si c'était déjà.
Dans tous les cas, je crois parce que j'imagine. L'imagination se sert de l'évidence de l'expérience
(ce qui saute aux yeux) pour la plier à ses règles d'association. L'homme est irrationnel mais (car)
imaginatif dlm où cette confusion se fait dans un certain ordre. L'imagination invente la nécessité là
où il n'y a que constance, car l'expérience nous apprend seulement la conjonction des événements
dans le passé et l'imagination en tire par habitude une règle de connexion. C'est l'oeuvre de
l'imagination de nous faire sentir la nécessité, alors que l'expérience ne livre rien au-delà d'ellemême.
“ La croyance c'est qqchose de senti par l'esprit qui distingue les idées du jugement d'une fiction de
l'imagination.Cela leur donne plus de poids et d'influence ; les fait paraître de plus grande
importance ; les renforce dans l'esprit et en fait le principe directeur de nos actions”
* DEF de la CROYANCE qui en découle = Il y a un rôle déterminant de l'affectivité dans la
théorie de la croyance fondée par Hume : le réel est de l'ordre de l'exigence plus que de la chose.
De l'insuffisance des choses sensibles à s'expliquer elles-mêmes Hume ne déduit pas la supériorité
et le rôle indispensable de l'entendement humain mais le rôle de la croyance humaine, dont il faut
chercher les motifs. D'où un scepticisme modéré (« sceptique mitigé ») : on doute des jugements
portés sur le réel mais on ne peut faire autrement que de croire en ce qui nous apparaît. Ce n'est ni
l'idée de la chose, ni la chose elle-même qui produit efficacement la relation de cause à effet :
c'est notre croyance. « L'idée d'un objet est une partie essentielle de la croyance qu'on y accorde,
mais non le tout ». La croyance n'est que l'idée avec un degré de vivacité très élevé et c'est
seulement lorsque la croyance s'ajoute à l'idée que l'idée devient la connaissance de qqchose
de réel et non une fiction. Croire à une idée n'ajoute rien au contenu de l'idée mais ses idées ont
alors plus de force et de stabilité (prendre pour une histoire vraie ce que l'autre tient pour un conte).
“L'essence de la relation est la relation facile. L'esprit, devenu nature, a tendance” DELEUZE. La
croyance est un je ne sais quoi que chacun sent suffisamment. Bien que nous percevions les objets
qui nous entourent – et bien que nous croyions naturellement en la réalité de nos perceptions, c’està-dire en l’existence effective des objets hors de nous -, nous ne percevons pas les liens de causalité.
CROYANCE = « idée vive reliée ou associée à une impression présente », vivacité de l'idée à
laquelle on croit ; opinion accompagnée par une certitude subjective donc pas connaissance au sens
strict. La 1ère de nos croyances est que les objets sensibles existent, et le souvenir qu'on en garde.
* DEF de la CONNAISSANCE qui en découle = « assurance que fait naître une comparaison
d'idées » = 3 sortes = 1) connaissance démonstrative ou certaine, raisonnements démonstratifs a
priori (relations d'idées qui sont certaines ssi non contradictoires) et qu'on peut regrouper ensemble :
2) causale et assurée par des preuves 3) incertaine ou probable, raisonnements probables, inférences
a posteriori, relations entre les faits qui n'atteignent qu'une certitude morale car le contraire est
toujours possible, la chance n'étant qu'une forme d'ignorance, comme un déni de la causalité.
Hume distingue donc entre deux modes du connaître : la connaissance en tant que telle
(perception d'une relation entre idées) et la probabilité (= possibilité mesurable, évidence
accompagnée d'incertitude, dont le contraire est toujours possible) cf section I, &3. La science
causale de la nature humaine est une science sceptique inspirée de la science des probabilités. Cf
autre inspiration épistémologique / BERNOULLI = utiliser la logique des probabilités pour
attribuer une valeur à une action.
Il y a deux sortes de raison puisqu'il y a deux sortes de relations, les relations d'idées qui
23
dépendent seulement d'idées comparées entre elles, et les relations d'objets. La première
concerne strictement les relations entre idées, alors que la seconde traite les choses de fait.
Elles produisent tantôt des certitudes (par intuition ou démonstration), tantôt des probabilités,
croyances (raison expérimentale, entendement) mais dans tous les cas elles ont comme racine
commune la comparaison donc leur convictions respectives ne sont pas sans rapport. Cette
opposition est centrale pour toute la philosophie humienne car elle exprime l'idée que la
connaissance empirique, issue de notre rencontre avec le monde, ne peut être rationnellement
justifiée jusqu'à ses fondements. La probabilité recoupe en ce sens le fameux problème de la
causalité, car, une fois que la critique sceptique a montré comment notre habitude d'associer
causalement les évènements ne repose pas sur un fondement rationnel, la solution est de faire
confiance à nos sens. En effet, dans la majeure partie des cas, c'est-à-dire avec une plus grande
probabilité, ils ne nous trompent pas. Hume insiste sur l'inférence en matière de faits : tous les
raisonnements probables qui nous permettent d'affirmer l'existence de faits en dehors de notre
expérience actuelle, ce qui n'est ni slt expérience actuelle ni slt relation d'idées. Ex : ds le
témoignage on conclue des effets actuels à leurs causes passées, ds la prévision on conclue de la
cause dont nous avons l'expérience actuelle à l'effet qu'elle produira (Ex : le soleil se lèvera
demain, certitude différente de celle des maths). Cette inférence repose sur la connexion de la
cause et de l'effet. La connaissance est donc bien possible et elle nous vient de l'expérience mais
l'expérience nous donne moins d'infos que ce qu'on croit et les connexions sont des projections de
notre esprit sur les choses, qui lui-même n'est qu'une suite de perceptions : Hume questionne ainsi
le rapport entre le réel et notre représentation du réel.
AU FINAL = Ce primat de la dimension affective peut s'observer de deux façons : soit l'idée
est tellement avivée qu'elle se transforme en impression (ce qui sera le cas avec les passions
indirectes section II), soit c'est l'impression originelle de plaisir ou de douleur qui donne son
statut de bien ou de mal à l'objet, ce qui est le cas avec les passions directes.
& 1 La DIP commence par ce que le TNH II avait relégué en partie III, ce qui donne à la théorie
humienne une certaine dimension hédoniste (hédonisme = théorie selon laquelle le plaisir est le seul
moyen d'être heureux) qu'elle n'avait pas dans le TNH qui commençait par l'exposition des passions
indirectes les plus complexes et les plus élaborées. Cela semble indiquer que le plaisir et la
souffrance sont les seuls critères du bien et du mal. Plaisir (placeo = plaire, être agréable= = état
affectif agréable +/- durable que procure la satisfaction d'une tendance physique ou psychique.
* Les passions directes sont des passions simples et indivisibles. Elles ne sont constituées
d’aucun mélange. On ne peut pas les définir. On ne peut que ressentir ces passions pour savoir à
quoi les idées qui les désignent correspondent. Désigner de telles passions par des mots pour qui ne
les ressentirait pas reviendrait à tenter de décrire la couleur à un aveugle. Def = “passions qui
proviennent d'une poursuite directe du bien ou d'une aversion pour le mal” (II, 1). La
sensation de plasisit produit immédiatement le désir et ensuite la volonté d'agir. Elles
concernent notre rapport immédiat aux circonstances et sont onstitutives de notre moi affectif
Il existe deux genres de passions directes : à côté de celles qui naissent dun plaisir et de la
douleur, il y a celles celles qui relèvent d'un instinct naturel (besoin biologique comme la faim ou la
soif ou l'appétit sexuel ou le désir de voir nos ennemis punis ou nos amis récompensés , cf pulsions
de vie et de mort chez Freud). L'homme est déterminé à fuir la douleur et à rechercher le plaisir,
c'est ce qui oriente ses activités. “L'esprit par un instinct originel tend à s'unir au bien et à éviter le
mal” TNH p.289.
&1 Le Bien et le Mal doivent être définis en référence aux sensations de plaisir et de douleur.
24
Plaisir et douleur = ce sont des impressions de sensation d'un genre particulier qui suscitent
directement les passions et sont donc les « ressorts principaux de l'esprit humain ». Ils
accompagnent toute perception sans être traversé par une idée : ce sont des faits primitifs auxquels
s'ordonnent toutes les passions comme quêtes du plaisir et fuite de la douleur (ici « biens et maux,
agrément ou malaise »). Les passions directes comme désir ou aversion, joie et tristesse (si biens et
maux certains) ou espoir et crainte (si biens et maux incertains) les suivent directement. Tout ici
s'inscrit dans une économie du plaisir. Il y a connexion par ressemblance entre les impressions de
plaisir / douleur et les passions qui sont elles-mêmes plaisantes ou douloureuses. Ce sont donc ces
expériences qui introduisent d'elles-mêmes toute la vie passionnelle, qui va être dominée par une
tendance à l'équilibre, à une vie « modérée », combinant des plaisirs moins grands mais plus sûrs.
Le bien et le mal ne sont que le nom que l'esprit donne aux objets plaisant ou pénibles : mise
en place d'une morale qui est régie par le principe de plaisir comme tendance à se procurer les
objets bons et à éviter les objets qui causent des souffrances.
# Traditionnellement on considère que nos sensations ont une dimension double càd qu'elles ont une
dimension affective puisqu'elles nous permettent d'éprouver directement le réel qui nous entoure
sous forme de plaisir ou de déplaisir ; mais aussi elles ont une dimension représentative càd qu'elles
présentent le réel sous un certain angle, comme si elles étaient déjà une interprétation du sens du
réel (pour Descartes par ex la joie ou la tristesse peut être purement intellectuelle et se situe bien au
delà du plaisir ou de la souffrance, dans un jugement, et même si elle provient de sensations
agréables ou désagréables, elle en provient donc ne s'y réduit pas) ; or Hume rabat la dimension
représentative sur la dimension affective, gommant la 1ère au profit de la seconde : les
sensations de plaisir et de souffrance sont purement perceptives donc physiques (soit on éléve la
sensation vers une dimension plus intellectuelle, soit on fait descendre le sens dans la sensation, ce
qui est le cas ici) ; il y a prédominance de la dimension affective sur la dimension
représentative des sensations. Il suffit qu'une chose nous afsse du mal ou du bien pour qu'elle soit
jugée comme un bien ou un mal : il y a ici assimilation entre le plaisir et le bien, entre la
souffrance et le mal (cf Epicure si l'on considère qu'il suffit de ressentir du plaisir pour être
heureux donc vertueux mais au prix d'une hiérarchisation de ces plaisirs ; voire Calliclès si l'on ne
fait plus le tri entre les plaisirs qui sont bons à prendre).
Ce rabattement conceptuel en produit un autre (2ème alinéa), qui confirme l'”amoralisme” de
Hume : de ce fait, le jugement moral du bien et du mal ne doit pas lui non plus être séparé du
plaisir et de la souffrance. Ils ne sont pas conçus mais perçus ou même ressentis. Ils ne sont pas
des objets de connaissance mais des continuations de nos sentiments par d'autres moyens. Il n'y a
donc pas de conscience ou de réflexion morale dont le rôle serait de délibérer avec soi-même pour
choisir le bien et le mal selon des définitions abstraits. Si nos affects sont des ressentis, et si nos
jugement moraux dépendent de nos affects, alors nos jugement moraux eux-même sont (influencés
par) des ressentis. Et de ce fait, les passions ne portent pas sur des objets qui sont bons ou mauvais
en soi et qui préexisteraient à notre jugement, mais c'est parce que nous sommes affectés et
passionnés que nous attribuons telle valeur morale à un objet ou à une situation. Ce n'est pas parce
que certains objets sont bons ou mauvaix en soi qu'ils produisent des passions, c'est parce que nous
ressentons des passions que nous attribuons une couloration axiologique aux choses ; rabattement
sémantique du moral sur le psychologique. Cf Spinoza : “nous ne désirons aucune chose parce que
nous la jugeons bonne, mais au contraire nous appelons bonne la chose que nous désirons” : ce qui
est bon pour soi est considérér comme bon en soi ; Le bien dans ce cas n’est pas une valeur
transcendante (placée au dessus de nous) qui préexisterait au désir : le bien n’est pas
indépendant du sujet qui désire, nous jugeons la valeur morale d’une chose à l’aulne de notre désir
pour elle. C’est donc le désir qui précède et qui détermine la valeur morale d’un acte: le désir est
condition du bien. Chacun est ainsi tenu de rechercher ce qui lui est utile et agréable, il est naturel
et raisonnable pour Spinoza de désirer ce qui nous permet de continuer d’exister. Nos jugements
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moraux sont donc presque toujours l’expression d’un état affectif. Si une chose nous procure de la
joie et du plaisir, elle sera bonne ; si elle nous procure de la peine et de la souffrance, elle sera
mauvaise. Le seul critère moral est alors l’augmentation ou la baisse, les fluctuations de la joie et de
la tristesse. Car la raison du caractère désirable d’une chose réside en nous, dans le sujet désirant , et
non dans l’objet désiré. L’objet est presque un prétexte au désir et seul le “désir de persévérer dans
son être” (“conatus”) compte.
Les passions sont l'origine de tous nos jugements de valeur et non leus effets : il y a inversion
du rapport de cause à effet càd que ce n'est pas la morale qui cause les affects mais les affects qui
causent la morale. Ex : il suffit que le chatiment d'un adversaire nous fasse plaisir pour qu'il soit
moralement bon en soi, ou que la maladie d'un ami nous fasse du mal pour qu'elle soit moralement
mauvaise en soi.
Donc : pas de passion ni de morale sans expérience affective ; la sensation est la condition
nécessaire de la passion, de même que la passion à son tour est la condition nécessaire de tout
jugement moral. Mais est-ce une condition suffisante ? Tous les plaisirs ou peines corporels ne
donnent pas naissance à des passions (ex : la chaleur, une démangeaison, la faim ne deviennent pas
nécessairemet des passions) même si certaines peuvent être cause de passions (épilepsie ou gale
cause de honte ou humilité II, 11 / plaisie visuel produit orgueil). Plaisir et douleur ne sont pas
eux-mêmes des passions mais toute passion leut est liée. Les sensations corporelles peuvent
déclencher des passions et ainsi déborder le domaine physiologique ou organique mais certaines ne
sont pas ou n'enclenchent pas de passions. Il faut donc d'autres éléments pour définir l'état
passionnel malgré la prédominance affective. Hume ne réduit pas les passions à une action du
corps sur l'âme comme dans le dualisme cartésien : les passions résultent d'associations
d'impressions et de idées dans un réseau affectif complexe, un flux perpétuel d'affects qui n'est pas
isolable de la complexité des circonstances (éléments qui font la singularité des situations).
CF SCHEMA 4 BIS PASSIONS DIRECTES ET INDIRECTES
SCHEMA 5 / CRAINTE
&2 Les passions directes suivent les perceptions de biens et de maux présents (joie/chagrin) ou la
représentation de biens et de maux possibles (espoir/crainte, désir/aversion).
On remarque que Hume prend le parti d'explications multiples voire contradictoires pour
rendre compte d'une réalité affective complexe. Certaines passions mêlent le bien et le mal, le
plaisir et la souffrance, ce sont des passions directes mais mixtes
Il existe 3 catégories de passions directes : celles qui proviennent d'une présence ou quasiprésence, imminence / celles qui proviennent de l'attente d'un bien ou d'un mal non encore présent /
celles qui proviennent de la poursuite des biens futurs ou de la fuite des maux, qu'ils soient présents
ou distants. Hume ne cherche pas à donner une définition des propriétés internes des plaisir et des
peines mais une réflexion sur la distance variable qui nous en sépare ou nous en rapproche.
Joie et tristesse sont les plus directes car double immédiat du plaisir et de la souffrance ; désir et
aversion déclenchés par toute situation où l'on se représente un bien ou un mal. Pas d'examen
détaillé mais originalité : pas besoin de sentiment de manque pour que le désir apparaisse ; le bien
est considéré simplement, il suffit de reconnaître un objet comme un bien pour qu'il soit désiré.
Insiste plus sur l'espoir et la crainte qui reposent sur la théorie des jugements de probabilité :
espoir et crainte sont l'envers et l'endroit d'une même incertitude : on espère que cela se produise
(pas) ou on craint que cela ne se produise (pas), sans en être sûr. Traité x fois au livre I du TNH, il
souligne ici les conséquence affectives des jugement de probabilité plutot que sur leurs
fondements épistémiques : “la probabilité résulte d'une opposition de chances ou de causes
contraires qui ne permet pas à l'esprit de se fixer, mais qui, le ballotant sans cesse, d'un côté à
l'autre, le détermine à considérer un objet tantôt comme existant tantôt comme inexistant” (I, 3) . Ils
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naissent quand la réalisation d'un bien ou d'un mal est seulement possible ou probable mais pas
certaine. Ces passions sont un mélange de joie et de tristesse qui les crée directement : l'incertitude
du bien fait fluctuer l'imagination qui passe dela joie que produit l'idée de sa possession à la tristesse
que produit l'idée de sa perte, sans pouvoir se fixer : “le pour et le contre prévalent alternativement”
ce qui laisse l'esprit dans l'incertitude la plus totale. Dans cette fluctuation hésitante l'esprit sent
alternativement les impressions momentanées de joie et de tristesse. C'est le passage rapide de
l'une à l'autre qui produit une tierce passion, qui est plus et autre chose qu'un simple composé
de deux car les émotions (d'où l'image de l'huile et du vinaigre plus loin), plus lentes, vibrent et
durent plus longtemps que les idées donc l'une peut commencer quand l'autre se prolonge. Aux
idées contigües de joie et de tristesse s'ajoute la continuité des impressions entre elles.
CF EEH (version courte du livre I du TNH) Section VI / De la probabilité : l'ignorance de la
cause réelle des événements a la même influence sur l'entendement que le hasard et engendre les
mêmes sortes de croyances ou d'opinion : psychologiser l'entendement ne l'empêche pas de
raisonner et intellectualiser les affects ne les empêchent pas de vefrser dans la doxa. Prend
l'exemple du dé marqué d'un même signe sur 4 faces : il est plus probable qu'il tombe sur l'une
d'entre elles quand on le jette donc notre attente de cet événement serait plus grande, ce qui nous
fait croire plus à la réalisation de cet événement qu'à un autre : “la croyance n'est qu'une conception
d'un objet plus ferme et plus puissante que celles qui accompagne les fictions de l'imagination”. Le
calcul de probabilité est la conséquence directe du scepticisme humien car c'est parce que nous
doutons des causes, quand elles sont irrégulières ou méconnues, que nous devons nous réfugier dans
le probable. C'est le revers de l'habitude : ce que nous ne pouvons pas déterminer avec certitude par
habitude, nous devons intégrer la marge de possibilité inverse, celle que l'événement ne se produise
pas, pour affirmer quelque chose. C'est l'exception à la règle habituelle, liée à la contingence
imprévisible des événements, qui crée du probable. En l'absence de croyance et de transfert du
passé vers le futur, il n'y a que du probable ; ce qui jusqu'ici avait pour conséquence un scepticisme
philosophique puisque toutes nos théories peuvent être jugées incertaines, va produire des effets
psychologiques donc pratiques avec les passions.
CF Influence de PASCAL (invente/formalise le calcul de probabilité pour réduire la part de
hasard ) : Logique différentielle : tout plaisir réel est relié à une peine possible ; on ne ressent
jamais autant un plaisir que si l'on vient/ craint d'en être privé. Mise en œuvre d'une balance entre
crainte et espérance. Sans crainte et sans espoir, l'intérêt s'évanouit : dans la dramaturgie par ex. “les
scènes contentes sans crainte ne valent rien, ni les extrêmes misères sans espérances”, rien
d'étonnant pour un moraliste qui conçoit la condition humaine comme une tragédie.
&3-9 Les formes variées de l'espoir et de la crainte sont fonction de la probabilité des biens et des
maux. On remarquera que Hume veut repérer les conduites les plus fréquentes et opte lui-même
pour un calcul de probabilité sur les éléments récurrents pour analyser le calcul de probabilité
qui est à l'origine des passions de crainte et d'espoir, ce qui montre que le calcul de probabilité est
utilisé par l'entendement dans d'autres circonstances que les passions, mais aussi qu'il y a une mise
en abyme : Hume est lui-même un exemple de ce qu'il démontre.
& 3 Selon que la situation a plus ou moins de chances de se produire, cela entrâine des
transformations affectives. Ces passions simples se compliquent assez vite : elles font intervenir le
calcul de probabilité qui est plutôt une prérogative de l'entendement et elles naissent de la
représentation imaginaire de biens et de maux futurs. Equivalence entre entendement et imagination
soulignée au & 3 car ils se comportent identiquement dans des situations d'incertitude, d'expectative
(sous la forme d'une contrariété affective résultant des idées ou des images), mais aussi de manière
générale parce que l'entendement n'est qu'une partie réglée de l'imagination par des lois logiques
(l'imagination constitue tout le fonde l'esprit humain et se décline en mémoire comme imagination
27
reproductrice, en fantaisie comme imagination créatrice et en entendement comme imagination
réglée).
DEF de l'IMAGINATION qui en découle : « une sensation en voie de dégradation » (phantasme
= apparition, tout ce qui apparaît à l'esprit comme collection d'idées) ; rien ne se fait par
l'imagination, tout se fait dans l'imagination ; l'idée est dans l'imagination non pas au sens où
l'imagination serait une faculté de produire des idées mais la production de l'idée par
l'imagination n'est qu'une reproduction de l'impression dans l'imagination. C'est le
mouvement des idées, l'ensemble de leurs actions et réactions à la fois lieu et lien des idées (qui se
fait souvent au hasard). La constance et l'uniformité viennent seulement de la manière dont les idées
sont associées dans l'imagination selon différents principes d'association. L'idée générale ne peut
être représentée que dans l'imagination sous la forme d'une idée particulière.
L'imagination n'est pas une faculté mais un lieu, celui des idées, le fond de l'esprit :
l'imagination est la collection des images des impressions càd l'esprit ; identification entre le
concevable et l'imaginable nous n'avons “d'autre choix qu'entre une raison fausse et pas de raison
du tout” ; l'ensemble des idées simples constitue la mémoire, un espace progressivement engendré
par les expériences et notre histoire ; leur libre mouvement constitue la fantaisie ; leur association
selon des règles, des régularités : l'entendement. Théorie de l'imagination qui substitue “à une
psychologie de l'esprit une psychologie des affections de l'esprit” DELEUZE.
La passion s'étend parce qu'elle se réfléchit ; la passion se réfléchit dans l'imagination. Elle se
trouve devant une reproduction d'elle-même élargie et s'ouvre sur un monde artificiel où elle peut se
déployer sans limites. L'imagination acquiert, en se peuplant de passions et de leurs objets, « tout
un jeu de passions qui lui appartiennent ». Dans la réflexion (à prendre au sens de miroir
réfléchissant et non d'intuition intellectuelle du moi par lui-même), la passion s'imagine et
l'imagination se passionne. C'est donc l'imagination qui rend possible une réflexion de la
raison. Elle réfléchit l'affection qui retentit ensuite dans l'esprit. La passion ne se réfléchit pas
dans l'imagination sans que l'imagination n'étende la passion en retour.
« Le pouvoir de l'imagination, c'est d'imaginer le pouvoir » DELEUZE.
La passion trace des figures constantes et déterminées dans l'imagination grâce à des règles.
Ainsi la passion ne fixe pas l'imagination de la même façon que les modes d'association : ceux ci
donnaient aux idées des relations réciproques possibles, alors que les passions donnent un sens, une
direction, une réalité à ces relations (en les faisant correspondre à un cas ou une image particulière).
L'imagination suit le penchant que la passion lui donne, le possible devient réel grâce à elle. Mais il
n'y a pas que cette effet simple de la passion sur l'imagination : elle est ce par quoi la passion se
réfléchit, se regarde, se contemple à travers des images et des principes d'associations qui vont la
faire grandir, aller au-delà du réel, se refléter indéfiniment.
D'où l'image de l'instrument à cordes p. 58-59 pour l'esprit humain par opposition à un
instrument à vent : image qui confirme la conjonction esprit/corps mais aussi le fait que le corps
n'est pas une machine corrélat du fait que l'esprit n'est pas un pur esprit immatériel (on sort du
dualisme cartésien) ; les impressions de réflexion sont autant de vibrations entraînant la propagation
d'une onde au-delà du choc initial alors que le son s'évanouit dès qu'on cesse de souffler dans l'autre
cas. Les passions peuvent subir un emballement du fait d'une simple pensée car l'entendement ou
l'imagination est plus “leste”, fonctionne sur un temps court (les idées-images naissent et
disparaissent instantanément) alors que les passions ont une temporalité lente et diffuse, selon un
mouvement perpétuel qui rend parfois difficile de les distinguer entre elles ; elles s'inscrivent dans
une histoire et un devenir ; tout comme la durée bergsonienne, elles s'imbriquent même les unes
dans les autres, une nouvelle pouvant commençer tandis qu'une autre continue de se prolonger. Ce
qui intéresse Hume, c'est la dynamique passionnelle càd leur influence réciproque et leurs
relations, les modalités de ce mélange et les lignes de passages.
28
& 4 = Si les chances sont également probables, alors la passion est d'autant plus forte.
Expérimentations de système de variations comme sur un curseur ou un bouton pour
distinguer l'essentiel du contingent (cf traité d'optique de Newton) ; en augmentant le chagrin, on
penche vers la la crainte ; en diminuant le chagrin on augmente l'espoir. Conflit entre 2 passions
contraires qui se synthétisent en une troisième car “l'existence et l'inexistence sont des objets
incompatibles entre eux” TNH p. 293.
& 5 = Deux sortes de probabilités : si le probable est la part d'imprévisibilité, il peut être dû soit à
un hasard absolu (ignorance totale des causes qui déterminent un événement dûe à la complexité et
l'infinité des causes) soit à un hasard relatif (dû à notre ignorance ou au manque de moyens
techniques donc réductible au fur et à mesure que la science progresse). Il distingue ainsi une
probabilité objective, liée à la nature de l'objet en lui-même (même si “la chance n'est rien de réel
en soi” cad que la probabilité n'existe pas en soi, c'est toujours le résultat d'un rapport de l'homme
au monde) / d'une probabilité subjective, liée à notre jugement ou notre ignorance.
& 6 = Mais l'espoir et la crainte peuvent apparaître dans des cas où il n'y a pas seulement probabilité
(ce qui a plus de chance d'arriver que de ne pas arriver) mais da,s le cas où le mal ou le bien est
seulement possible càd qui peut aussi se produire que ne pas se produire càd que rien ne fait
pencher vers le réel ou l'impssible ; surtout si le mal est grand : même si le risque est faible, le
danger couru (torture future) compense la faiblesse dela probabilité. Ainsi le bonheur et le malheur
ne sont pas seulement liées à des situations réelles mais virtuelles donc cela accroit la dimension
psychologique et imaginaire (illusoire ?) du sentiment de bonheur ; possibilité d'inversion
affective ( ex :la joie d'un autre provoque ma tristesse) donc relativité du bonheur ou du malheur
selon le point de vue d'où l'on se place.
On peut avoir l'impression de la possibilité du bonheur ou du malheur et cela constitue déjà un
bonheur ou un malheur que de croire pouvoir l'être. Même si il est impossible que le malheur arrive,
l'imagination invente une réalité où il pourrait arriver. Ex = peur du précipice p. 60-61
CF Pascal / Montaigne : le philosophe face au précipice. Cf phobies comme peur irrationnelle
provoquant un état de panique alors que ce n'est dû qu'à un effet de résonnance subjective
“Le plus grand philosophe du monde, sur une planche plus large qu'il ne faut, s'il y a au-dessous un
précipice, quoique sa raison le convainque de sa sûreté, son imagination prévaudra” Pensées
« Qu'on loge un philosophe dans une cage de menus filets de fer clairsemés, qui soit suspendue au
haut des tours de Notre-Dame de Paris, il verra par raison évidente qu'il est impossible qu'il en
tombe, et si (1), ne se saurait garder (s'il n'ai accoutumé le métier des recouvreurs (2)) que la vue
de cette hauteur extrême ne l'épouvante et ne le transisse. Car nous avons assez à faire de nous
assurer aux galeries (3) qui sont en nos clochers, si elles sont façonnées à jour (4) encore qu'elles
soient de pierre. Il y en a qui n'en peuvent pas seulement porter la pensée. Qu'on jette une poutre
entre ces deux tours, d'une grosseur telle qu'il nous la faut à nous promener (5) dessus: il n'y a
sagesse philosophique de si grande fermeté qui puisse nous donner courage d'y marcher comme
nous ferions, si elle était à terre. J'ai souvent essayé cela en nos montagne de deçà (6) (et si suis de
ceux qui ne s'effrayent que médiocrement de telles choses) que je ne pouvais souffrir la vue de cette
profondeur infinie sans horreur et tremblements de jarrets et de cuisses, encore qu'il s'en fallût bien
ma longueur que ne fusse du tout au bord, et n'eusse sur choir(7) si je ne me fusse porté à escient
au danger “ Essais
DONC = La puissance de l'imagination se manifeste dans la naissance et le développement de
toutes les passions provoquant une “espèce de croyance” qui peut s'exercer dans un sens (peur
panique) ou l'autre (calme retrouvé). C'est en cela que le désir ou l'aversion se distinguent de la
volonté : ils naissent de la simple considération d'un bien ou d'un mal alors que la volonté est liée à
une action.
29
Ce qui vaut pour des maux incertains vaut a fortiori pour de maux certains (prisonnier enfermé sans
jamais pouvoir sortir) : l'homme subit la torture de la claustration et est hanté par l'image de sa
propre situation comme pour se protéger par cette image interposée de la situation réelle qui est la
sienne alors que cette extériorisation produit l'effet contraire. p. 61
Cf schema 7 exemple de passion DIRECTE, la crainte. Puisque nos connaissances ont lieu grâce
à l’uniformité (relative) des phénomènes et des règles générales à l’œuvre derrière eux, nous ne
pouvons qu’être surpris lorsque survient un phénomène inhabituel. Cette surprise, en proportion de
la différence qu’elle présente avec ce à quoi nous sommes habitués, suscite en nous de la curiosité.
Or, toujours en proportion, cette curiosité est une passion violente et soudaine. Laquelle violence
nous effraie et, par la transmission des forces qui s’effectue d’une passion à une autre, se transforme
en crainte. A partir de ce moment-là, nous pouvons remarquer deux choses : d’abord, que la crainte
doit avoir un objet, qu’elle ne peut pas être crainte d’on ne sait quoi (sinon, ce n’est plus de la
crainte, mais de l’angoisse), ensuite que l’imagination tend à associer ces deux phénomènes
concomitants (la surprise et la crainte) et à identifier l’un comme cause de l’autre. Nous identifions
alors la passion à la perception, identifions la crainte à l’objet surprenant, et c’est pourquoi nous
avons peur des surprises. C'est le contraire de l'habitude et cela provoque comme une “commotion
dans l'esprit” TNH p. 297 car on n'y est jamais vraiment préparés (comme bruit d'une explosion).
& 7 = la crainte ou l'espoir ne dépendent pas seulement de l'existence probable ou possible d'une
chose mais du genre de chose qui peut se produire. L'incertitude sur la personne décédée ne devient
chagrin qu'une fois la certitude apparue : “c'est un mal certain dont l'espèce est incertaine” (TNH p.
297); Dans ce cas le “mouvement vibratoire qui ressemble à un mélange conflictuel” hésite entre les
deux personnes jusqu'à se fixer sur l'une d'entre elles et c'est alors que la crainte se meut en chagrin.
&8 = si toute passion d'espoir et de crainte relève de l'incertitude, toute incertitude ne produit pas de
telle passion de même que toute sensation ne produisait pas de passion. Condition nécessaire mais
pas suffisante. De même une incertitude peut provoquer de la crainte même si il n'y a pas
balancement avec l'espoir ni contradiction des passions entre elles ; je peux n'éprouver que de la
crainte face à la maladie certaine d'un ami si je le quitte un soir et craint de ne pas le revoir le
lendemain. L'incertitude sur son état se suffit à elle-même pour provoquer la crainte. Au final
“n'importe quel doute produit cette passion” TNH p. 299. Il existe d'autres passions directes qui
sont des variations sur le thème de l'espoir et de la crainte : étonnement, consternation, anxiété etc.
&9 Si le passions naissent d'objets différents sans liens les uns avec les autres, les passions se
succèdent sans influer les unes sur les autres : elles peuvent se substituer les unes aux autres si elles
sont contraires et ont des objets différents. Ex : perte d'un procès et naissance d'un fils n'ont aucun
rapport donc l'une ne peut compenser ou tempérer l'autre. cf divertissement pascalien : “D’où vient
que cet homme qui a perdu son fils unique depuis peu de mois et qui est accablé de procès, de
querelles et de tant d’affaires importantes qui le rendaient tantôt si chagrin n’y pense plus à
présent ?” Dans ce cas sont comme deux liqueurs différentes dans deux bouteilles différentes.
Les passions peuvent aussi se neutraliser jusqu'à un calme état d'indifférence à propos d'un
événement mixte. L'esprit atteint plus facilement le calme et la tempérance si il s'agit du même
événement qui possède une ambivalence car alors les deux passions se détruisent. Elles peuvent se
contredire entre elles comme se renforcer les unes les autres. Propriété de neutralisation des acides
et des bases. Avantage et inconvénient d'une même situation par ex.
cf la métaphore de l’alcali et de l’acide (apres l'optique, la chimie): image de fluides et de
mélanges propices à symboliser les processus dynamiques passionnels, d'autant que le moi lui30
même est un flux : « Si les objets des passions contraires sont totalement différents, les passions
sont comme deux liqueurs opposées dans des bouteilles différentes qui n’ont aucune influence l’une
sur l’autre. Si les objets sont en connexion intime, les passions sont comme un alcali et un acide
qui, mélangés, se détruisent. Si la relation est plus imparfaite et consiste en des vues
contradictoires du même objet, les passions sont comme de l’huile et du vinaigre qui, même
mélangés, ne s’unissent et ne s’incorporent jamais parfaitement. » p. 62.
En résumé = se suivent si objets différents (2 liqueurs différentes) ; se détruisent si parties
différentes d'un même objet (alcali et acide) ; se mêlent si dérivent de chances contraires et
incompatibles (espoir et crainte comme huile et vinaigre). Soit se suivent, soit se détruisent l'un
l'autre, soit se mélangent sans jamais s'unifier.
TR / Première loi de la nature humaine apparait déjà : les passions se définissent par l'influence
qu'elles subissent à la fois des sensations éprouvées mais aussi de la diversité des images ou idées
produites par l'imagination et des relations d'idées. Les passions directes ne mettent pas en jeu une
mécanique sociale même si elles sont prises dans un tissu social : “nous ne pouvons former aucun
souhait qui ne fasse référence à la société (…) tout plaisir devient languissant quand on en jouit hors
de toute compagnie” (TNH II, II, 5, p. 201). Avec les passion directes, c'était la dimension pratique
des passions qui était approchée : elles n'avaient pas pour objet les autres hommes, mais des objets
plaisants ou pénibles. Avec les passions indirectes apparaît la dimension sociale des passions.
SECTION II A IV / LES PASSIONS INDIRECTES = amour, haine, orgueil, humilité =
CF SCHEMA 6 ET 7
SECTION II &1 à 3 = les passions indirectes et les principes de leur analyse ou la fabrique des
passions =cherchent aussi des biens ou refusent des maux mais dlm où nous les percevons en
nous-mêmes ou chez autrui.
&1
De même que les passions directes n'étaient pas décrites par les propriétés internes des plaisirs ou
souffrances qui les occasionnent mais par le rapport de l'esprit à ces plaisirs selon qu'ils sont
vécus comme présents ou probables, de même les passions indirectes ne donnent pas lieu à une
description des sensations engendrées mais sont éclairées par une réflexion sur les objets qui
procurent ces sensations. Elles se développent sur la base des (dé)plaisirs que notre propre moi ou
la personne d'autrui nous font éprouver mais leur complexité est liée à la diversité des pesrpectives
et des circonstances qui les produisent. Le pbl de la double dimension à la fois primitive et réflexive
est passions se pose à nouveau avec plus d'acuité : comment soutenir le caractère primitif des
passions alors qu'elles sont définies comme impressions réfléchies ?
Indirect ne signifie pas qui passe par la médiation de jugements ou d'un mécanisme mental ou à
cause d'un objet absent car c'était déjà le cas des passions directes ; cela veut dire = les sensations
qui les causent nous affectent en tant qu'elles proviennent de moi ou d'un autre : c'est la médiation
du rapport à soi ou aux autres.
Les principales passions indirectes sont l'orgueil (satisfaction ou complaisance de soi) et l'humilité
(mécontentement de soi) : elles concernent l'image de soi, l'amour et la haine (idem pour autrui).
L'avantage est qu'elles dévoilent la structure passionnelle : elles sont paradigmatiques de tous les
états passionnels. Elles requièrent une cause extérieure. Même si l'orgueil a pour objet le moi, il
ne peut s'éveiller que indirectement par le détour d'objets qui sont liés au moi mais qui ne sont pas
31
le moi ; la considération nue du moi ne suffit pas pour le déclencher. La différence essentielle avec
les passions directes est donc qu'elles sont directement et fondamentalement sociales. Elles sont le
résultats du concours pluriel de plusieurs facteurs et causes qui leurs sont extérieurs. On
considère un objet intermédiaire dont l'idée se convertir en impression : le moi (pour orgueil et
humilité) ou autrui (amour et haine). Les passions indirectes sont des passions dérivées des
passions directes. Elles proviennent d’un mélange de ces passions simples et de diverses
circonstances extérieures. Par exemple, la joie peut provenir à la fois de l’orgueil, de l’amour et
d’un sentiment de force, tandis que le sentiment de sécurité peut comporter aussi bien de l’orgueil
que de l’humilité (deux passions qui s’opposent).
ORGUEIL (pride = fierté plus neutre en fr, superbia en lat, orgueil + péjoratif en fr) = « une
certaine satisfaction que nous ressentons en nous-même pour quelque perfection ou possession
dont nous jouissons » =
# choix tactique car critiqué comme péché capital par l'Eglise càd péché entraînant tous les autres
(depuis la somme théorlogique de Thomas d'aquin au XIIIème or Hume veut sortir du cadre
religieux et théologique) ou comme vice. Mais évolue au XVIIème car considéré comme
revendication d'honneur, recherche de gloire (symbolisé par Titus chez Racine qui préfère la gloire
de l'empereur à l'amour de Bérénice, préfet cruel et libertin qui se change en empereur vertueux à la
mort de son père Vespasien, comme métamorphosé par sa fonction ; diem perdidi = j'ai perdu ma
journée si je n'ai pas accompli un bien ; il meurt de la peste en disant « je n'ai commis qu'une seule
erreur » sans qu'on sache laquelle …) cf Molière Les Précieuses ridicules tournent en dérision
l'orgueil de ceux qui veulent briller dans les salons par le beau langage et les belles manières.
Chez Pascal l'orgueil est toujours une fierté mal placée ne découlant pas d'une juste appréciation de
sa valeur propre. L'orgueil n'est que vanité, souci de l'apparence et non de la réalité. Mauvaise
passion qui détourne les hommes de la vérité et du Bien, donc de Dieu. Cf Pensées 139, 148, 150,
152, 153. Vanité = au sens latin du terme (vanitas), désigne le vide d’un être dont les prétentions
dépassent les capacités effectives tellement qu’il en devient digne de risée. Le terme vanité
représente ainsi l’expression comique, voire burlesque, de la notion, plus dramatique, de néant. Ce
n’est pas seulement parce qu’une chose ou une conduite manque de fondement qu’elle est vaine,
c’est aussi parce que cette absence de raison fait qu’elle n’est littéralement rien. Le thème de la
vanité de l’homme annonce et prépare ainsi celui du néant de l’homme, qui réapparaît dans les
Pensées à un stade postérieur de l’argumentation. Cette vanité, conçue comme absence de raison, de
justification et plus généralement de fondement, permet de susciter le rire, parce qu’elle révèle dans
les conduites humaines des disproportions entre ce que l’on a coutume de penser et ce que la réalité
révèle. Est vain ce qui manque de fondement ou de cause solide, par exemple le respect que l’on
accorde aux grands de naissance, alors que leur valeur humaine ne mérite pas toujours un excès
d’honneur. Ridicules aussi les raisons qui nous font estimer les Grands : « La coutume de voir les
rois accompagnés de gardes, de tambours, d’officiers et de toutes les choses qui ploient la machine
vers le respect et la terreur font que leur visage, quand il est quelquefois seul et sans ses
accompagnements, imprime dans leurs sujets le respect et la terreur parce qu’on ne sépare point
dans la pensée leur personne d’avec leur suite qu’on y voit d’ordinaire. Et le monde qui ne sait pas
que cet effet vient de cette coutume croit qu’il vient d’une force naturelle ». + autre texte
Critique se poursuit avec Rousseau qui définit l'orgueil comme amour-propre, né de la vie en
société, à ne pas confondre avec l'amour de soi (instinct de survie, de conservation, “sentiment
naturel qui porte tout animal à veiller à sa propre conservation”) propre à l'homme naturel. Se
préférer soi-même aux autres ou vouloir être préféré par eux constitue la racine de tous les maux
humains : “sentiment relatif, factice et né dans la société qui porte chaque individu à faire plus de
cas de soi que de tout autre, qui inspire aux hommes tous les maux qu'ils se font mutuellement”.
# Le fait de s'apprécier soi-même est pour Hume moralement neutre et un moteur capital des
32
actions humaines car peut être utile pour reconnaître nos propres qualités et devenir vertueux en
nous rendant conscient de nos mérites et en provoquant l'approbation d'autrui : “il n y' pas de
qualité de l'esprit plus indispensablement requise pour procurer l'estime et l'approbation des
hommes” (TNH III). Comme pour Aristote : on ne peut définir les vices par leur objet, être content
de soi n'est ni bon ni mauvais, c'est l'être trop ou pas assez qui est mauvais, EN IV, 6, 1125a : « le
magnanime s'estime à son juste mérite alors que les autres pèchent par excès ou défaut » ; seules
sont mauvaises la vanité, placer son mérite trop haut et la pusillanimité, avoir une opinion trop
petite de soi-même ; savoir de quoi on est digne ou non est une juste mesure, un juste milieu
nommée magnanimité et cela seul est vertueux. Contre la morale chrétienne, à choisir entre les 2,
Hume choisit l'orgueil car il ne peut y avoir de vertu pour celui qui se méprise lui-même : “l'orgueil
et la haine fortifient l'âme tandis que l'amour et l'humilité l'affaiblissent” TNH p. 233. L'orgueilleux
est plus utile à lui-même et aux autres car il procure l'estime des autres “il serait plus avantageux de
surestimer notre mérite que de nous en fair une idée inférieure à notre juste valeur”. TNH III p.
723. “Quoi de plus utile que toutes les passions de l'esprit, l'ambition, la vanité, l'alour, la colère ?
Mais que de fois elles rompent leurs digues et causent les plus grandes convulsions dans la
société !” (Dialogues sur la religion naturelle)
Mais on préfère l'humilité à l'orgueil chez les autres car cela permet de conserver une meilleur
estime de soi (note ironique du livre III du TNH). D'ailleurs on ne peut pas s'enorgueillir de l'éloge
de qqun qu'on méprise car on ne peut pas entrer en sympathie avec son esprit et revenir de lui à soi
pour causer l'orgueil.
# choix non anodin car en rapport avec la critique du moi fictif, sa fausse conception substantialiste
chez Descartes. Les causes multiples d'orgueil souligneront la subjectivité du moi.
# ne revient pas pour autant à une morale de l'intérêt ou de l'amour-propre comme celles de de
Hobbes (“désir d'acquérir pouvoir sur pouvoir” comme moteur du genre humain) ou La
Rochefoucault car sera tempérée par la sympathie naturelle entre les hommes. Hume veut montrer
que l'orgueil lui-même n'est intelligible que sur fond d'une sympathie première, dont il se détache.
Hume détruit la doctrine de l'égoïsme en montrant qu'on ne peut ressentir le plaisir de la renommée
que si l'on participe de l'esprit des autres . De plus, la docrine de l'égoïsme est incohérente car si
l'orgueil provenait du seul fait d'avoir un moi, alors tout le monde serait orgueilleux, on serait
toujours satisfait de soi “l'orgueil serait perpétuel s'il provenait immédiatement de la nature” TNH
p. 114 ; il faut donc autre chose. Donc chercher les autres causes de l'orgueil implique de ne le
envisager que comme des manières d'être de la nature humaine et non comme des vices.
Chez LRF (moraliste du XVIIème) il y a un pessimisme moral qui considère que l'orgueil est la
passion dont dérivent tous les sentiments moraux, ce qui nous incite toujours à privilégier notre
intérêt à celui des autres : “Nos vertus ne sont, le plus souvent, que des vices déguisés » ; d'où la
condamnation des passions, présente également chez ceux qui les condamnent, nul n'y échappe : “Si
nous n'avions point d'orgueil, nous ne nous plaindrions pas de celui des autres”.
alors que pour Hume le plaisir qu'on ressent face à une conduite noble est indépendant du plaisir
qui renforce l'orgueil. Il liquide toutes ces thèses, toutes les philosophies morales précédentes d'un
seul geste car cela dépend “plus de l'invention que de l'expérience”. (Abrégé 6, 37)
# “amour de soi” expression inadéquate pour Hume ; on ne peut pas s'aimer soi-même “au sens
propre”donc la complaisance à soi n'est pas de l'amour, dédié à autrui, ce n'est pas la même
sensation que “cette émotion tendre qu'éveillent un ami ou une femme aimée” (TNH II).
DONC = il n'y a pas de passion du pouvoir chez Hume, car le pouvoir n'est qu'une des causes de
l'orgueil, comme occasion de se distinguer ; c'est par orgueil que les hommes aiment le pouvoir, la
domination, qui n'est que le moyen d'une autre passion et non une fin en soi. # Hobbes
&2 Distinction objet /cause
L'objet des passions indirectes (“ce vers quoi l'esprit dirige sa vue”, objet simple et unique) ne doit
pas être confondu avec la cause de ces passions (ce qui chez moi ou l'autre cause la passion, “ce qui
33
suscite l'émotion”, la qualité agréable ou déplaisante possédée par le moi ou l'autre par ex le mérite
ou le démérite, la laideur ou la beauté, causes tres nombreuse et variables d'où la nécessité de
décrire le circonstances). Par qualité, Hume entend certaines propriétés, telle que la beauté,
susceptibles de produire en nous des impressions26. Par sujet, Hume entend l'objet (chose, être
vivant) porteur de ces qualités26. Par objet de la passion, Hume entend l'objet auquel la passion est
rapportée26. Par exemple, analysant la passion de l'orgueil, Hume discerne les conditions
suivantes : un certain sujet doit produire en nous un sentiment agréable par quelqu'une de ses
propriétés ; ce sujet doit nous être relié de quelque manière, en sorte qu'il se produit une transition
entre le sentiment de la qualité et notre moi. Ce moi, en tant qu'il est ainsi relié à une qualité, est
alors l'objet propre de la passion de l'orgueil. Ainsi, la propriété d'un bien digne d'éloge est pour son
propriétaire un sujet d'orgueil.
OBJET / CAUSE : identification des passions indirectes par leurs objets / explication par leurs
causes.
OBJET = variable selon les passions (celle du jeu, du pouvoir ou celle de l'amour) mais il faut
discerner le dénominateur commun à toutes malgré leur diversité. Quel que soit l'affect, on cherche
toujours à travers les passions l'objet qui nous fait du bien. L'objet des passions indirectes est
« ce vers quoi l'esprit dirige sa vue » (objet passionnel et subjectif, créé par le sujet lui-même, c'est
la passion elle-même qui le vise et le constitue).
CAUSE = qualités ou défauts qui produisent nos émotions ; elles sont reliées à l'objet de la passion
(c'est le mérite de cet ami ou la beauté de cette femme), c'estla « cause efficiente » qui explique son
apparition et sa persistance.
Passions indirectes si plus complexes, ayant une cause qui les suscite à cause de telle qualité
résidant en elle, et un objet visé et constitué par la passion elle-même : “voici donc une passion
située entre 2 idées : l'une qui la produit, l'autre qu'elle produit. La 1ère représente la cause, la
seconde, l'objet de la passion”, la passion indirecte se caractérisant par l'association des idées de la
cause déclencheuse et de l'objet passionnel, doublée d'une association des impressions de la cause et
de la passion comme le plaisir de la beauté et le plaisir de l'orgueil.
Il y a alors une « double impulsion » imprimée à l'esprit : deux formes d'association donnent
naissance aux passions indirectes : celle des idées et celle des affections : ma belle maison produit
de l'orgueil car l'habitude a produit une association entre les 2 idées que je me fais de ma maison et
de mon propre moi ; de plus, le spectacle de cette maison provoque du plaisir, que j'associe au
plaisir provoqué par l'orgueil lui-même. Toutes associations sont indissociables les unes des autres
et il y a interaction entre elles.
Le carré des passions indirectes (TNH p. 167) : Cf Schema 5. Du côté gauche du carré, nous
avons le couple orgueil/humilité. Du côté droit, le couple amour/haine. Le premier couple
s’intéresse au moi, le second à autrui. Ces couples sont en réalité deux extrêmes sur une même
échelle : un orgueil faible est plus proche de l’humilité qu’un orgueil fort, et il peut éventuellement
basculer
(si
la
passion
change
en
degré)
dans
l’humilité.
Si les deux couples de passions sont parallèles et ne se recoupent pas, ce qui unit les deux couples
est que l’orgueil et l’amour sont des passions agréables, tandis que l’humilité et la haine sont des
passions désagréables.
PBL = si les passions indirectes sont déclenchées par des qualités physique et morales qu'on trouve
en soi ou chez autrui (il se concentrera sur ces sources aux &6-7), comment expliquer qu'on puisse
s'enorgueillir d'objets extérieurs (son pays, qui n'est pas beau en soi) ou aimer qqun pour ses
richesses, qui ne sont pas des qualités intrinsèques ? “Notre vanité se fonde tout autant sur des
maisons, des jardins etc” TNH II, I , 9. Les passions indirectes peuvent être déclenchées par d'autres
objets que l'objet primitif (le moi ou autrui) : la théorie des lois des passions a pour but de résoudre
cette difficulté. Hume met en évidence les “causes efficientes” càd les circonstances dans lesquelles
émergent ces passions (vocabulaire emprunté à théorie des 4 causes d'Aristote = mouvement
nécessaire pour que l'objet soit ce qu'il est). L'orgueil ne se fixe pas que sur des objets dans
34
lesquels le moi se réfléchit : il est produit par des qualités déterminées d'objets déterminés.
&3
Le principe (négligé par les philosophes) des passions indirectes est la conjonction de deux
formes d'associations : l'association des idées “principe par lequel nous passions par une
transition facile d'une idée à une autre” p.64 et l'association des affections “l'une n'a pas
plutôt surgi que les autres suivent naturellement” p. 65.
3 propriétés remarquables =
1) comme notre esprit ne peut se fixer sur une idée bien longtemps, les idées se relient entre elles
donc les idées se succèdent entre elles autant que les passions cf rappel des 3 types d'association par
ressemblance, contiguité, causalité p. 64 : “elles passent ordinairement avec régularité d'un objet à
ce qui lui ressemble, à ce qui lui est contigu ou à ce qu'il produit”. Contrairement aux affirmations
habituelles, il n'y a rien d'arbitraire dans les associations produites par l'imagination. Versant
cognitif des passions indirectes.
2) contrairement aux idées, les passions, en tant qu'impressions de réflexion, ne se suivent que par
ressemblance : “toute les impressions qui se ressemblent sont reliées entre elles” p. 65 ; d'où des
cycles passionnels où une émotion en entraîne une autre, liant le chagrin (échec au concours) et la
colère (contre les corrrecteurs), la colère à l'envie (jalousie du voisin qui a réussi), l'envie à la
malveillance (envie de saboter sa voiture), laquelle provoquera à nouveau du chagrin (l'amende à
payer) etc. La proximité qualitative des émotions leur permet de se produire entre elles. Versant
affectif des passions indirectes.
3) Quand il s'agit du même objet, dans certaines passions, l'association des idées “corrobore”
l'association des passions entre elles, les idées vont alimenter les impressions (idée ou plaisir de
crever ses pneus ou trafiquer ses freins, passions inquiètes liées à la peur d'être surpris, arrêté etc ) :
“en unissant leur action, ils confèrent à l'esprit une double impulsion” p. 65. Utilise alors la règle de
double association : loi fondamentale de transformation des passions de leur naissance à leur mort ;
elles ne sont pas innées mais acquises par association d'idées et d'impressions (inspirée de la loi
d'attraction newtonienne car selon H les matériaux psychologiques et physiques relèvent des
mêmes lois, ce qui présuppose un principe d'inertie des idées et des impressions).
Règle de la double association = les passions indirectes associent les idées de leur cause et de leur
objet avec les impressions agréables ou désagréables de la cause et de la passion elle-même.
Un mécanisme de connexion s'établit entre une qualité/ un défaut/ une circonstance et le moi,
donc entre cause et objet.
Surcroît de plaisir ou de souffrance, “prime de beauté” apportée par les idées ou les images que je
convoque en pensée ou par les sensations ressenties ; idées et impressions, plus que jamais en
continuité les unes avec les autres, s'apportent “une assistance mutuelle” p. 66. Ex = beauté d'un
paysage associant les 5 sens / “tout comme les différentes couleurs d'une peinture, quand elles sont
bien diposées, servent de faire valoir les unes aux autres” : les mélanges diversifient les possibilités
de plaisirs.
DONC = Cela produit une potentialisation réciproque au sens où les produits de l'imaginationentendement suscitent des émotions qui à leur tour provoquent l'activité de l'imagination.
“Corroborer” signifie à la fois cet effet de confirmation et de renforcement.
On pourrait s'étonner que Hume expose d'abord ses principes et ensuite les cas auxquel on peut les
appliquer mais il ne faut pas oublier les éxigences d'une dissertation brève et efficace et le fait qu'ils
sont aussitôt suivis d'exemples. Il s'agit désormais de vérifier le principe de double relation.
cf théorie des 4 causes d'Aristote = l'orgueil a une matière dont il est constitué (son objet le moi et
les impressions agréables provoquées par mes qualités), une forme (impression simple, originale et
indécomposable qui le distingue des autres passions), une finalité (utilité à soi et aux autres pour
l'estime) et des causes efficientes, causes productrices des mouvements affectifs (loi d'association
des idées + des émotions) .
35
SECTION II & 4 à 9 = l'orgueil et l'humilité peuvent être expliqués par le principe de double
association ou double relation
&4
L'association des idées et ses effets théoriques sur l'orgueil et l'humilité : on n'est jamais fier
tout court, mais toujours fier de qqchose : comment et pourquoi va-t-on relier à soi-même ou à
autrui certains attributs ?
Toutes les causes qui produisent l'orgueil sont reliées à moi par contiguïté ou causalité
(ressemblance inutile pour faire ressortir ma supériorité). Je ne suis fier de mon pays que parce
que je me le représente comme indissociable de moi, lié à ce que je sui, je m'identifie à lui. L'orgueil
est causé par une connexion entre le moi-objet et la cause, ce qui lui appartient et qui nourrit cette
passion (l'idée-image que je me fais de moi et celle de mes qualités) : “tout ce qui nous enorgueillit
doit, d'une façon ou d'une autre, nous appartenir” p. 66. D'où le fait que les qualités personelles ou
externes provoquent directement du plaisir ; la vanité si elles sont connectés avec l'idée plaisante
qu'on se fait de soi et les objets qui sont reliés au moi.
&5 L'association des affections et ses effets théoriques sur l'orgueil et l'humilité.
...mais aussi par les impressions agréables, le plaisir procurés par l'objet du moi ou les qualités qu'il
possède. La relation nécessaire entre les idées de la cause et le moi ne suffisent pas : il faut qu'elle
possède une qualité ou un défaut, qualités qu'ils possèdent intrinsèquement de donner du plaisir par
eux-mêmes. Le sentiment d'orgueil est agréable en soi : l'orgueil est un sentiment dont toute
l'essence réside dans le plaisir éprouvé. cf plaisir narcissique (vive le selfie). L'impression de l'objet
qui cause l'orgueil est agréable, tout comme l'impression de l'orgueil lui-même : les impressions
sont semblables ; de même lo'bjet de la passion est relié au moi et l'objet de la passion est le moi
donc ces deux objets se ressemblent aussi. Il y a donc deux relations de ressemblance entre les
causes de l'orgueil et l'orgueil : une relation d'impressions et une relation d'idées. Résumé : “tout ce
qui procure une sensation plaisante et se trouve relié au moi suscite la passion de l'orgueil, qui est
agréable elle aussi et a le moi pour objet” TNH II, 1, 5 p. 114
Cf schema 6 La double relation est une interaction entre des idées (déjà présentes dans l’esprit) et
des impressions nouvelles, qui causent des passions : exemple de passion directe avec l'orgueil.
Imaginons que je regarde une Ferrari dans la rue. Cette Ferrari me paraît belle par elle-même : en la
regardant, j’éprouve une impression de plaisir liée au fait que je la trouve belle. Il n’y a aucune
relation entre la voiture et moi, donc aucune relation d’orgueil ou d’humilité qui y est liée. Il
n’empêche que sa beauté existe dans mon esprit et suscite chez moi du plaisir.
A présent, imaginons que cette Ferrari ne soit pas une voiture vue par hasard dans la rue, mais ma
voiture. Elle m’est liée par une relation de propriété (qui ne change rien à l’objet lui-même, mais
existe dans l’esprit). Cette relation me relie à la voiture. Le sentiment de beau s’associe à l’idée de
l’objet, elle-même associée à l’idée du moi. La beauté de l’objet, la valeur que lui attribuent les
autres, tout cela flatte mon orgueil par une double relation entre l’idée du beau et l’idée de l’objet.
Dans le schéma, la double relation vaut pour l’orgueil, mais elle vaut aussi pour toutes les autres
passions.Si la Ferrari n’est pas à moi et que je vois quelqu’un s’installer au volant (quelqu’un dont
je suppose qu’il en est le propriétaire), il y a deux possibilités : soit le plaisir esthétique se
36
communique à l’idée que je me fais du propriétaire de la Ferrari, et j’éprouve à son égard une
sympathie proportionnelle à ce plaisir ; soit je ressens plutôt de la jalousie à son égard, auquel cas je
raisonne par comparaison, et le plaisir s’inverse pour se transformer en déplaisir. D’après Hume,
c’est l’estime ou la sympathie qui sont les plus courantes dans ce genre de cas (Traité, II, II, V).
La double relation s’exerce de manière intrapersonnelle (c’est-à-dire au sein de l’esprit d’un
individu) et interpersonnelle (c’est-à-dire entre deux ou plusieurs individus).
DONC = Cette analyse de l'orgueil, et de son contraire, l'humilité, permet à Hume de montrer le
mécanisme de transition qui se produit au sein d'une double relation : une première relation,
d'impression, originellement indépendante de la passion ; une seconde relation, d'idée, par laquelle
la sensation est reliée à celui qui éprouve la passion. La sensation originelle est donc "transfusée"
du sujet au moi. L'absence de l'une ou l'autre de ces relations empêche ou détruit la passion. Afin de
confirmer cette théorie de la double relation, Hume multiplie les expérimentations, c'est-à-dire qu'il
invente des situations en faisant varier les éléments qui entrent en jeu. Ces expérimentations sont
ainsi des expériences de pensées qui doivent montrer la pertinence du système pour décrire les
mécanismes qui produisent ou empêchent la production d'une passion.
La passion donne à l'imagination un penchant, alors que l'idée retient l'esprit. Donc la passion
a besoin de l'association des idées mais inversement l'association suppose la passion (les idée
s'associent en fonction d'un but que seule la passion peut conférer à l'activité humaine, c'est parce
que l'homme a des passions qu'il associe les idées de telle ou telle manière, selon tel intérêt, ex :
gentillesse associée à bêtise dans le cas de la haine). Il y a donc une double implication / double
relation de la passion et de l'association d'idées. Ce qui constitue le moi c'est la synthèse de
l'affection et de la réflexion « la synthèse d'une affection qui fixe l'imagination (la passion dicte à
l'imagination ce qu'elle doit imaginer) et d'une imagination qui réfléchit l'affection (l'imagination
décuple le pouvoir de la passion en lui ouvrant un monde artificiel, virtuel où tout est possible).
L'imagination chez Hume selon Deleuze est à la fois « réfléchissante (elle calme les passions en
les réfléchissant), essentiellement débordante (elle ouvre un monde possibles) et apparemment
constituante (elle permet à la passion de se fixer sur des images) ».
& 6-9
Confirmation des hypothèses précédentes par l'expérience
&6 les qualités morales : peines et plaisir sont “la source primitive du blâme et de la louange” p. 67.
On remarque que le plaisir et la douleur sont encore ici indissociables des distinctions morales
(mérite et démerite) qui les causent : mérite et démérite causent directement plaisir ou souffrance
dans cette morale du sentiment ; la vertu nous cause directement du plaisir et le vice du déplaisir.
Tout du moins, s'il n'en sont pas la cause ils l'accompagnent cd que la vertu est en soi une
impression de plaisir (ex de la fable). A partir du moment où on identifie le plaisir au bien, il ne peut
pas être jugé comme mauvais, et si on identifie la souffrance au mal, elle ne peut pas être considérée
comme bonne : pas de distance critique ou morale face à eux. Constat de fait et non examen de ce
qui justifierait en droit d'opposer vice et vertu. Hume revendique le droit de philosopher sur
les passions indépendamment de toute considération morale. Cf TNH II, 1, sVII p. 122s.
L'intérêt prend une place grandissante dans la DIP pour fonder la vertu.
Ex de l'esprit = l'humour indéfinissable (anglicisme sans traduction française), le trait d'esprit est
une forme de plaisir du moi en société pluisqu'il est censé démontrer la finesse, la subtilité d'un être
intelligent face aux autres: “il est moins sot qu'il en a l'air / c'est toute la différence entre nous !”
répond le personnage principal de “Ridicule”.
La vanité produit des débordements considérables en société (cf Crevel) mais aussi et surtout un
mensonge aux autres / à soi-même puisqu'elle veut donner l'illusion d'être un autre, jusqu'à
37
s'inventer des aventure ou une vie qu'on n'a pas eue, quitte à s'approprier celles des autres. p. 69.
« nous mettrons toujours sous les yeux des autres les traits dont nous sommes les plus satisfaits »
TNH p166.
Le moi étend sa capture bien au-delà des biens qu'il possède et constitue son empire par le simple
jeu des associations dont il est le centre organisateur. CF Pascal : « le moi est haïssable … il est
injuste … il se fait centre de tout ». Cf reprise au & 9 p. 73 : Hume ne cesse d'emboîter les sections
les unes dans les autres, citant ici un aspect qu'il traitera plus tard.
CF Vanités en peinture : La Vanité est un type particulier de nature morte, à implication
philosophique, qui évoque à la fois la vie humaine et son caractère éphèmère. Si le thème est très
ancien, on le trouve déjà chez les antiques, il se constitue comme genre autonome vers 1620 à
Leyde en Hollande, pour se répandre ensuite tout au long du XVII e siècle en Europe,
particulièrement en Flandes et en France. Prisées à l'époque baroque les vanités vont quasiment
disparaître au XVIIIe siècle, mais renaissent avec Cézanne, puis plusieurs peintres du XXe siècle.
Les objets représentés symbolisent les activités humaines, étude, argent, plaisir, richesse, puissance,
mises en regard d'éléments évoquant le temps qui passe trop vite, la fragilité, la destruction, et le
triomphe de la Mort (avec souvent un crâne humain).
CF MONTAIGNE Les ambitions, les richesses, les affaires, les divertissements, les croyances
passagères, les présomptions de grandeur et de savoir, l’attachement aux biens du monde dont
l’homme fait preuve chaque jour ne sont que vanité. Montaigne dans ses Essais « dénonce les
multiples manifestations de l’orgueil humain » en offrant au lecteur une interprétation personnelle
du thème de la vanité du monde, thème qui alimente son expression et sa pensée. Montaigne utilise
« l’écriture comme voyage sans but et sans fin » pour décliner tous les sens possibles de la vanité à
travers les diverses activités humaines décrites. Mais la vanité dans les Essais, c’est aussi et surtout
le rapport à l' »excrément » c’est-à-dire, tout ce que produit le corps et est évacué par lui. Ainsi,
« l’écriture est le produit de l’esprit comme l’excrément est le produit du corps ». De cette façon,
l’auteur prend conscience de sa condition de vivant destiné à la mort comme le sont les prod uits de
ses réflexions qui suscite en lui tant d’orgueil et de suffisance. Ainsi, l’on remarque un jeu de
l’auteur avec le mot « bulle », « emblème du vide et de la fragilité humaine » dans les tableaux de
vanité.
&7 les qualités physiques = la beauté est définie dans le TNH comme “un ordre ou une
construction de parties ajustées pour procurer du plaisir ou une satisfaction de l'âme” (ex du palais)
p. 126 ; beauté tout aussi indéfinissable que l'esprit. “une forme qui produit du plaisir” p. 127. La
beauté peut être associée à de nombreuses passions (amour, orgueil pour la beauté de notre visage
ou silhouette) mais elle n'est pas une propriété objective des choses qui déclencherait des
passions chez les hommes de manière systématique ; la beauté n'est pas une qualité originelle ; elle
est seulement le corrélat de certaine sensations agréables que l'on peut ressentir (ou pas), elle
n'est qu'affaire de sentiment. Contre la théorie classique du beau comme perfection ou harmonie
interne aux choses, on ne peut pas en former de concept général et abstrait ; il y a autant de beautés
que de ressentis. Relativisme esthétique. Délogée du monde objectif, la beauté gagne le monde
intérieur et subjectif des passions.
Problème du goût = Règle du goût : tous les hommes n'ont pas les mêmes dispositions pour
éprouver le charme de l'art ou l'éventail des passions. Analyse à la limite entre esthétique et
philosophie morale : la délicatesse du goût peut être éduquée par la fréquentation des oeuvres et
permet d'appaiser les passions violentes donc engendre des passions calmes comme la raison. Cf
Essais esthétiques : “Rien n'améliore autant le caractère que l'étude des beautés”.
Ex : la tragédie : met en scène des passions humaines nourrit l'imagination des spectateurs et leur
fournit des passions qui vont en retour changer les passions de celui-ci ; la passion réfléchie par
l'imagination va changer de qualité, ainsi la tristesse d'une passion représentée se noie dans le plaisir
38
du jeu de l'imagination.
Cf Shaftesbury sur l'esthétique et l'enthousiasme (s'échapper de soi même pour s'élever vers
dieu).Idéaliste qui croit en l'existence d'un sens moral inné et d'une beauté de l'âme humaine (contre
Hobbes, chaque humain étant naturellement instruit du Bien et du Mal.
Cf Kant qui fonde le jugement de goût sur le plaisir singulier sauf que pour Kant le jugement
esthétique est désintéressé et on fait comme si tout le monde avait le même.
&8-9 les biens extérieurs et les possessions = la notion de propriété est déterminante pour grossir
les passions égoïstes. Elle confirme que nous habitons un monde et nous le faisons notre par nos
investissements affectifs ; on ne se contente pas de le regarder du dehors comme un tableau.
On passe aisément des biens matériels que l'on possède et qui constituent des signes extérieurs de
richesse (maison , jardin, équipage= voiture) qui donnent de l'éclat à notre moi en le prolongeant à
l'extérieur, en le faisant exister sous les yeux des autres, à tout ce qui peut y être associé de près ou
de loin. Ex : un transfert de propriété s'effectue de la propriété naturelle de mon corps à la nature
que j'ai travaillée (Locke).
Ex de l'esclavage = on tire moins de jouissance de posséder des machines ou des marionnettes que
des hommes dont le regard servira de témoin de notre puissance ; le maître entre dans l'esprit des
esclaves et s'y regarde comme le maître TNH p. 145, ce qui exalte sa personne en le distinguant. Un
homme ne jouit de l'orgueil que parce qu'il participe au plaisir que les autres ont de contempler sa
supériorité.
Portrait ironique du vaniteux p. 73 : “l'air qu'il respire est plus sain”. Ton plus moralisateur : il y a
des remarques axiologiques sous-jacentes, implicites : (II, 8 p.71) ; la passion de l'orgueil parle
d'elle-même avec son étalage de biens.
Un puissant mécanisme d'appropriation imaginaire se met en place grâce à l'usage grammatical des
adjectifs possessifs (mon pays, ma paroisse). Le moi s'empare de qqchose qui provoque du plaisir
par sa beauté et l'associe par contiguité au moi (oui c'est bien moi là qui pose à côté d'une ferrari) ce
qui renforce la passion d'orgueil possédant son plaisir propre. Le TNH souligne le fait que, grâce à
l'argent, le plaisir est aussi d'anticiper des possessions possibles et apporte la même joie que par des
possessions réelles : “l'avare jouit de son argent càd du pouvoir de se procurer tous les plaisirs” p.
143 / “l'anticipation du plaisir est par elle-même un plaisir très considérable” puisqu'on se trouve
presque au même niveau d'intensité que l'impression. p. 144
Cela peut aussi se manifester par l'intérêt pour un pays étranger si on déprécie son pays en le
comparant aux autres. p. 70-71 Ainsi, une éthique de la sympathie doit empêcher une double
dérive : l'égoïsme pur et le repli sur soi ; la bienveillance excessive qui s'inquiète plus de l'étranger
que de ses propres concitoyens.
# Cf Freud “narcissisme de la petite différence” (Malaise ds la Civ) : Un groupe ne s’identifie
comme groupe que par l'exclusion d'individus désignés par une petite différence qui fait sens pour
la communauté qui les exclut. Le rejet de l'autre devient un ciment communautaire. Par l’exclusion,
la communauté peut satisfaire sur des étrangers des pulsions agressives refoulées par le devoir de
bienveillance envers les semblables. Cf antisémitisme et racisme des personnages de la Cousine
Bette à propos du Brésilien, surtout lors du dîner.
TR : Les lois fondamentales des passions indirectes s'appliquent-elles toujours ? Ne sont-elles pas
atténuées ou renforcées dans leurs effets selon les circonstances (principes secondaires) ?
39
SECTION II & 10 à 11 = circonstances modifiant les effets de la double association dans
l'orgueil et l'humilité
Certaines circonstances favorisent, augmentent ou diminuent l'effet de la double association.
La sympathie a un effet si puissant qu'elle peut presque à elle seule faire apparaître ou disparaître
une passion. Elle atténue aussi à sa manière l'atomisme individuel selon lequel les hommes seraient
repliés sur leur intérêt individuel (Hobbes, Mandeville). Cf Théorie de l'attraction répulsion de
Newton : on a besoin ds autres même si on ne peut les supporter cf insociable sociabilité de Kant.
Communication des passions qui peut être positive ou négative.
&10 La sympathie (pas au sens commun d'affection pour un proche) et l'approbation d'autrui ou
comment les passions circulent par effet de contagion = “notre propension à recevoir par
communication les inclinations et les sentiments des autres” (TNH p. 146) ; l'approbation des autres
hommes est déterminante car ces témoins privilégiés nous octroient une bonne ou mauvaise
réputation. Les jugements extérieurs confirment ou contredisent la passion pour soi-même. Le
bonheur de l'orgueillleux dépend de l'assentiment des autres hommes (du nombre de “like” sur
facebook). Cela contredit les partisans d'une morale égoïste ou egotiste, solitaire. Il y a une
origine « sympathique » des passions c’est-à-dire une identification à ce que nous imaginons
qu'autrui éprouve, grâce à la communication entre les hommes. Les sentiments des hommes se
communiquent aisément. D'où une intersubjectivité des passions (les hommes sont des sujets
pensants capables de prendre en considération la pensée d'autrui dans leur jugement propre, encore
une fois propre à l'homme). Mécanisme de transmission des passions d'une personne à une autre
donc principe secondaire et non passion originale. Ici Hume souligne plus ses effets que ses
fondements psychologiques. Elle donne l'amour de la renommée mais empêche aussi d'être trop
partial avec soi-même en se confrontant au regard d'autrui.
L’estime qu’autrui éprouve pour moi donne lieu à de l’orgueil. Lorsqu’autrui montre qu’il
m’estime, il ne flatte pas seulement mon orgueil : il éprouve du plaisir à m’estimer (impression de
plaisir), et cette expression se transmet à moi par sympathie. Je ressens donc la même impression
de plaisir que l’autre. Seulement, puisque cette impression est dirigée vers moi plutôt que vers
autrui, elle n’est plus de l’estime (l’estime étant une passion indirecte dérivée de l’amour, qui est
passion tournée vers autrui) mais de l’orgueil. L'orgueil est l'organe d'une substantification du
moi sous le regard d'autrui, même ci cet autre c'est moi. “les hommes tiennent toujours compte
des sentiments d'autrui pour se juger soi-même”.
SYMPATHIE = (souffrir avec) “principe d'identification affective”, il y a qqchose en commun,
toujours déterminé par fuite de la douleur et recherche du plaisir (pas au sens unique de Rousseau
source de neutralité bienveillante, ici elle peut aussi bien provoquer la tendesse que le mépris) =
principe de communication des sentiments / passions d'une personne à une autre, ouverture à
autrui, elle varie selon le degré de proximité (ex souci de l'opinion de l'autre). Certes il y a peut-être
une influence des esprits animaux (Descartes) qui communiquent les infos du dehors, et aussi la
ressemblance avec les autres hommes aide à reporter sur soi ce qui vaut pour autrui, il est comme
moi (Spinoza), mais c'est surtout un effet indirect des associations d'idées (j'associe sa colère
extérieure et ses gesticulations expressive à un sentiment intérieur et cela nous fait tenir un
raisonnement par analogie ; quand je verrai les mêmes manifestations, je les associerai à la colère,
au point de la ressentir moi-même “nous sommes suffisamment guidés à la fois par l'expérience
commune et par une espèce de présentation qui nous dit ce qui agira sur les autres au moyen de ce
que nous ressentons immédiatement en nous-mêmes” TNH p. 166. de la manifestation des affects
de l'autre j'infère qu'il souffre ou se réjouit et j'en déduis l'idée de souffrance ou de plaisir mais cette
idée de l'affect se convertit en l'affect lui-même (j'imagine ce que je ressentirais à sa place), du fait
de l'identité de nature des impressions et des idées.
40
Mécanisme = l'impression qu'on a de soi est très vive et la sympathie transfère une partie de cette
vivacité aux objets auxquels nous sommes reliés ; or nous le sommes à autrui par contiguité (on
partage le même espace-temps) et par ressemblance (l'alter ego, un autre moi qui n'est pas moi “la
nature a conservé une grande ressemblance entre tous les hommes” TNH II, 1, 11).
Réciproquement, la passion d'autrui va prendre à nos yeux une certaine valeur, celle de cause de ses
actions, selon le sens qu'on donne aux signes. Pas de perception de soi sans celle d'un autre et
réciproquement. “la comparaison est une méthode sûre pour augmenter notre estime d'une chose”
TNH p. 145 Cf triangulation du désir GIRARD.
Cf impératif catégorique kantien / “penser en se mettant à la place de tout autre” ne se réduit pas à
la sympathie car trop sensible et particulier ; exigence plus universelle.
DONC = Les passions ne sont pas des vécus solitaires et tirent partie de leur élan de
comparaison entre nous et les autres. Elles ne germent pas d'une intériorité close sur elle-même.
Autrui en est la médiation indispensable. La seule consistance du moi (mosaïque de perceptions) lui
vient de ses affects et de la confirmation de son existence par autrui. CF Sartre : “autrui est le
médiateur indispensable entre moi et moi-même”.
CF Rousseau “Et l'estime publique eut un prix”. Chacun s'expose sur une scène où il attend des
autres qu'ils lui confirment l'image ou la valeur qu'il se donne. Désir de reconnaissance illimité. Ex
des maladies qui font honte &11 p. 77.
EN RESUME = Il y a chez Hume aussi cette ambivalence de la sympathie = ce sont les mêmes
processus passionnels qui socialisent et qui individualisent l'homme : l'individu ne se sent exister
que dans la distinction, qui exige une comparaison constante< ; la sympathie est la propriété de
l'imagination qui fait que j'éprouve les mêmes sentiments que les autres : je souffre à la vue de leur
souffrance et me réjouis de leur joie ; mais je peux aussi, par le même mécanisme projectif,
m'affliger de son bonheur ou me réjouir de son malheur en retour de ce premier mouvement
d'identification. Ex : foule de supporters : sympathie n'est pas empathie ni communion car peut
avoir un aspect négatif (foule lors d'un meeting nazi). Chacun fait qqchose qu'il ne décide pas, la
foule ne pense pas. Faire foule et s'y dissoudre est un moyen de se retrouver dans le monde. Les
passions impliquent la société comme moyen oblique de les satisfaire. Cette abolition des
frontières intersubjectives produit tout autant la construction d'un moi qui se contemple dans le
miroir du regard d'autrui (moins flatteur donc plus instructif) mais aussi l'esprit de comparaison, la
jalousie existentielle qui est source de conflits.
Ainsi, la sympathie explique le poids qu'on accorde aux opinions des autres ; d'ailleurs je reste
indifférent aux jugements des gesn que je méprise (preuve a contrario). Nous tirons notre plaisir des
sentiments d'autrui et cela participe à la formation ou au soutien de bcp de passions ; la sympathie
est aussi le principe même du sens moral, dont le raffinement dépend d'une extension de la
sympathie par les règles générales. Peu d'hommes sont ainsi capables d'aller à l'encontre de
l'opinion des autres d'où “la grande uniformité observable dans les façons de penser d'une même
nation” (TNH p/ 146), pour le meilleur (cohésion, solidarité) et pour le pire (aveuglement de la
foule).
&11 La durée est une circonstance qui favorise aussi l'orgueil ou l'humilité = le caractère durable
de l'objet de la passion : ce dernier doit être constant pour être source de plaisir et d'orgueil (si je
suis élu miss monde pour une seconde c'est moins fort que pour un an) ; la valorisation de soi exige
un objet constant qui mérite qu'on lui consacre du temps et sur lequel on puisse s'appuyer.
La singularité de l'objet passionnel : il doit nous être particulier et nous distinguer des autres :
différenciation sociale oblige ; le fait que l'objet ait une relation particulière ou exclusive avec le
moi (si tout le monde a un physique de miss monde cela perd de la valeur, l'être aimé nous semble
lui aussi unique au monde ; par contre la meteo n'est pas reliée à moi donc pas source d'orgueil) ; la
41
hiérarchie sociale compte aussi : les règles qui régissent la société ont un rôle à jouer dans l'ordre
des passions. Les normes sociales et juridiques contribuent à motiver l'orgueil en privélégiant la
lignée paternelle dans le nom qu'on porte, l'héritage etc. Ex : le pouvoir du nom des Hulot. Cf déjà
p. 72
Ex : certains affects apparaissent seulement dans certaines circonstances historiques comme régler
ses dettes par duel ou par contrats selon les époques. (cf TN II, 3, pas ds DI). D'où une historicité
des passions (dimension historique et temporelle de l'existence humaine en situation), même s'il y a
des cycles en histoire. Distinguer le temps long (coutumes ou habitudes passionnelles) du temps
bref (succession quotidiennes de nos passions). Ex : l'amour n'a pas toujours été associé à la
galanterie ; la haine pour un homme n'a pas toujours visé toutes sa famille par vengeance ; il n'y a
pas la même conception et pratique de l'amour chez les Grecs et chez les Français du XVIIIème.
Pbl se pose à ce stade de la réflexion = l'analyse de l'orgueil repose sur le fait que les objets qui
peuvent le produire sont dotés qu'une excellence intrinsèque, qui leur est propre, qui ne vient pas
que du moi, mais cela paraît impliquer un réalisme des valeurs incompatible avec le scepticisme de
Hume et qui justifierait les inégalités sociales (on donne le nom du père parce qu'on lui accorde plus
d'importance qu'à la mère), comme si c'était dans la nature des choses alors que c'est une institution
arbitraire. Mais Hume ne fait qu'observer sans la juger sa propre société et reconnaît que la mère est
souvent pourvue de qualités supérieures (p. 72) ; de plus c'est l'affect de plaisir effectivement
éprouvé de la même façon par tous qui est décrit et cela se diversifie dans l'imaginaire de chacun.
La deuxième section se termine sur une remarque méthodologique = il faut un certain temps pour
que se produise par sympathie l'acquisition des règles ; les affects sont l'effet de l'habitude puique
l'articulation des passions répond à des règles, sur la répétition d'une même connexion. Hume
propose une expérience de pensée consistant à imaginer un autre homme plongé dans notre monde
passionnel et surpris de nos habitudes, ne comprenant pas nos us et coutumes : il souligne par là en
sociologue le rôle de l'accoutumance dans l'attribution des valeurs, la puissance du social dans
l'engendrement et la construction des passions comme phénomènes culturels. La nature humaine est
un ensemble de normes qui sont régulières mais qui peuvent évoluer. La sympathie opère comme
comme norme sociale qui assure un ordre de valeur commun.
TNH “les esprits humains sont le miroir les uns des autres”
DONC = Cela confirme encore l'idée que la passion est une modalité d'organisation du rapport du
moi au monde, qui règle les conduites les plus variées en projetant sur le réél des significations
propres : le vaniteux s'approprie tout ce qui peut le faire briller, le jaloux interprète tous les faits et
gestes de l'autre comme suspects, l'avare organise ses relations sociales selon ses intérêts pécuniers.
SECTION III = la haine et l'amour et les passions mixtes à la lumière du principe de double
association
Hume définit l'amour et la haine à partir de l'orgueil et de l'humilité car elles résultent des mêmes
ciconstances ou qualités (vertu, beauté, richesse) mais elles sont déplacées du moi vers autrui.
&1 Les qualités qui produisent l'orgueil et l'humilité produisent également l'amour et la haine
Nous éprouvons du plaisir à contempler les qualités des autres et cette relation produit l'amour par
ressemblance. L'amour se fixe sur une personne autre mais toute personne n'éveille pas en nous
cette passion dont c'est une qualité de l'autre personne qui l'éveille. Si l'association des idées
n'intervenait pas, en voyant la bienveillance ou le mépris, je n'éprouverais que de la joie ou de la
tristesse. L'amour et la haine supposent que j'associe la bienveillance ou le mépris à la personne
d'autrui. Et la “transition facile” entre l'idée de mon ami et l'idée de bienveillance s'ancre d'autant
plus en moi que j'aurai eu d'occasions de les relier dans mon expérience passée donc il y a un rôle
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déterminant de l'habitude là encore.
# CF PASCAL : on n'aime jamais personne, mais seulement des qualités. C'est encore ici le
sentiment agréable de l'amour ou désagréable de la haine qui fait la passion. Alors que l'amour
devrait permettre d'ôter les masques et nous livrer le vrai de l'être aimé, on apprécie qqun pour sa
beauté ou ses qualités morales mais ce n'est jamais la personne elle-même qu'on aime, seulement
des qualités temporaires ou illusoires. Pascal “ On n'aime donc jamais personne mais seulement des
qualités”. Cf Cyrano = Roxane croit aimer Christian mais elle aime les vers de Cyrano. Chez Hume,
l'amour est bien distinct de ses causes : je n'aime pas l'autre pour ses qualités, cela reviendait à
m'aimer moi-même à travers lui, à l'instrumentaliser en me disant que je l'aim car A il est beau B il
est riche etc. C'est la personne elle-même que j'aime et non ses qualités : causes efficientes et non
finales de l'amour, elle l'ont provoqué, y ont contribué mais la personne ne s'y réduit pas, je l'aime
pour ce qu'elle est, non pour faire usage de ses qualités. Pascal confond l'objet d'amour avec ses
causes. Chez Hume l'amour n'est jamais concupiscence vulgaire : c'est un composé de plaisir, de
bienveillance et d'appétit naturel, une sorte de relation amoureuse qui s'accompagne de plaisir
sexuel.
Amour et haine se nourrissent également de la double relation d'association des idées et des
impressions : tout ce qui est lié à leur objet partage la même affection
&2 L'association des idées dans l'amour et la haine : j'associe le tort que j'ai subi à la personne
qui me l'a causé puis à son entourage et mon amour / ma haine va se diffuser progressivement
(parfois jusqu'à la société entière). Sorte de loi de transitivité par laquelle si A est lié à B et B lié à
C alors A est lié à C : “Notre imagination s'élance du moi qui nous est toujous si intimement
présent, glisse sans entrave selon la relation ou la connexion et conçoit en toute sympathie la
personne qui nous est étroitement liée” p. 79. La sympathie nous pousse à jouir du bonheur de
l'autre et à souffrir de son malheur : on passe de l'idée de son bonheur/malheur à une impression
vécue en propre.
&3 L'association des affections dans l'amour et la haine : le sentiment désagréable qu'engendre
ce tort est un affect proche de la colère et la colère un affect voisin de la haine. Effet de contagion.
Il peut y avoir dans le circuit des passions réversibles ou asymétriques càd que certaines passions
ont plus de facilité à en produire d'autres. Ex : haine et amour toujours suivies de colère et
bienveillance. Les passions sont donc dynamiques puisqu'elles nous incitent à l'action en générant
de la bienveillance ou de la colère. Ce qui différencie l'amour et la haine de l'orgueil et de l'humilité
c'est qu'elles ne se suffisent pas à ells-mêmes et nous incitent à l'action, càd le désir de bonheur et
de malheur sont conjoints à ceux qu'on aime ou qu'on hait donc ils “portent l'esprit au-delà de luimême” p. 80. Elles nous donnent la volonté d'agir et sont le moteur de nos désirs de bonheur ou de
misère d'autrui. Par ex la colère et la haine “confèrent une force nouvelle à toutes nos pensées et
à toutes nos actions”.
En résumé = si les associations d'idées faisaient défaut, ma colère ne se diffuserait pas à l'auteur et
son entourage (pas de vengeance chez les animaux) ; si l'association des émotions faisait défaut je
ne ressentirais qu'une émotion primaire (tristesse) sans passer à d'autres (colère ou haine).
Mais nous aimons des êtres malgré leurs défauts (une mère aime son enfant même s'il est laid) donc
il y a une autre cause que la double relation d'impressions et d'idées partant des qualités de l'autre :
nos parents, nos familiers et ceux qui nous ressemblent sont les objets de notre amour
indépendamment de leurs qualité. Or, l'esprit ne se soutient dans l'être que parce que la vivacité des
passions des autres hommes avive notre esprit en devenant nôtres : genèse de l'humanité à partir de
la sympathie.Les autres hommes sont les plus vivants des objets donc la seule existence des autres
me détermine à les aimer. Etre un homme, c'est aimer les hommes, sans tomber dans un amour
abstrait. On comprend mieux alors pourquoi les parents ou les familiers s'aiment du fait de leur
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contact durable et varié, qui éveille durablement l'agitation de l'esprit, plus que des inconnus. Et
nous nous aimons car nous sommes leplus proche de nos familiers, par la même sympathie qui nous
fait aimer les autres. Fin de l'opposition entre amour et amour-propre.
Donc, la sympathie ici ne joue plus seulement le rôle de démultiplicateur de l'orgueil/humilité
mais remplit une fonction encore plus capitale dans l'amour/haine dont elle constitue le fond
ultime. L'âme de toute passion c'est la sympathie va même jusqu'à affirmer le TNH p. 201:
“quelles que soient les autres passions … leur âme ou leur principe animateur c'est la
sympathie” car “nous ne pouvons former aucun souhait qui ne fasse référence à la société”.
Société = réseau de sympathies qui sympathisent les unes avec les autres. La socialisation et
l'individualisation ne s'opposent plus chez Hume : les individus à la fois constituent et sont
constitués par la société. Les relations sociales fabriquent la nature même de l'homme.
Individualisme = Indifférence de l'individu à ce qui n'est pas lui (solipsisme) : cf écorchure doigt :
« il n'est pas contraire à la raison de préférer la destruction du monde à une égratignure de mon
doigt » (TNH) .
&4-7 Les espèces de l'amour et de la haine et leur mélanges : la compassion et l'envie (&4-5), le
mépris (&6), le respect (&7). Toutes ces passions sont des impulsions, elles s'accompagnent du
désir d'agir : la bienveillance veut le bonheur de l'être aimé ; la méchanceté ou envie, le malheur de
quiconque nous est supérieur. On sort de la pure émotivité affective car ces passions enveloppent le
germes de toute action. Cela modifie la sympathie et la complexifie.
& 4 Compassion ou pitié = “malaise qui nous saisit lors de souffrance d'autrui”p. 80, émotion
irrésistible qui produit un élan vers l'action pour empêcher la souffrance d'autrui et favorise
certaines formes de l'amour, l'amour du prochain, notamment vouloir le bonheur de l'humanité.
Fonction cardinale. Idée de la souffrance d'autrui se transforme en impression de malaise ; surgit
toute seule de la spontanéité de l'esprit sans passion préliminaire : “notre imagination progressant
de l'idée vive de la misère d'autrui à l'impression réelle de celle-ci” p. 80.
En vertu des mécanismes de la sympathie, nous sommes déterminés à participer plus fortement aux
malheurs des autres qu'à leur bonheur car les émotions de souffrance sont plus vives. On se porte
naturellement au secours de la victime. C'est la communauté de misère qui engendre l'homme plutôt
que les distinctions de la grandeur.
Auparavant la pitié est plutôt critiquée comme émotion signe de faiblesse car l'esprit ne doit pas
être dirigé par les affects et la sensibilité (Platon) ; de même le devoir moral est au-delà de la pitié
particulière et sensible selon Kant : on doit secourir autrui par obligation morale et non par
sentiment pour lui (“penser en se mettant à la place de tout autre” et non “de tel autre” 3ème
maxime du sens commun). Hume rejoint plutôt Rousseau ici en faisant de la pitié un des
fondements de la conduite morale, vertu naturelle à partir de laquelle se déclineront toutes les vertus
sociales : “ la pitié est un sentiment naturel, qui, modérant dans chaque individu l’activité de
l’amour de soi-même, concourt à la conservation naturelle de toute l’espèce. C’est elle qui nous
porte sans réflexion au secours de ceux que nous voyons souffrir : c’est elle qui, dans l’état de
nature, tient lieu de lois, de moeurs et de vertu… C’est, en un mot, dans ce sentiment naturel, plutôt
que dans des arguments subtils, qu’il faut chercher la cause de la répugnance que tout homme
éprouverait à mal faire, même indépendamment des maximes de l’éducation ».
# Méchanceté ou Envie révèle la nature et les effets de la comparaison ; c'est par la comparaison
que nous évaluons notre place dans le monde (cf cousine bette / adeline hulot) ; cela présuppose
bien une prise de conscience de soi réflexive et comparative incluant la conscience d'autrui puisque
j'ai conscience de ma propre infériorité par rapport à tel autre auquel je me compare et qui me
domine : “il semble bien que la comparaison de nous-mêmes avec les autres soit la source de
l'envie et de la méchanceté”p. 80.
NB Chez LRF la compassion est aussi un vice caché : “il y a souvent plus d'orgueil à plaindre les
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malheurs de nos ennemis ; c'est pour leur faire sentir que nous sommes au-dessus d'eux que nous
leur donnons des marques de compassion”. Maximes
&5 Ressemblance de tendance ou de direction, et non d'émotions, entre
compassion/bienveillance et envie/colère mais cela produit encore et toujours une association des
passions entre elles. Principe de “direction parallèle”= pitié et tendresse, ou haine et envie vont
toujours ensemble, pitié produit amour, méchanceté de la haine etc. / pourtant la pitié est un
sentiment désagréable et et l'envie un sentiment agréable. La pitié resemble donc à la haine de ce
point de vue là. Mais en fait la direction de la pitié et de l'amour restent parallèles car ce sont des
passions actives qui veulent produire le bonheur de l'être aimé / de ceux qui souffrent. Leur
impulsion est donc analogue même si elles suscitent des émotions contraires. Elles ont la même
destination pratique. C'est pourquoi pitié, amour et bienveillance s'entremêlent toujours un peu. Il y
a chez les humains une bienveillance mutuelle qui tend à promouvoir les intérêts de l'espèce et
procure le bonheur dans la société. La sympathie préiside à la genèse de la société civile.
&6 = Mais les mêmes qualités ou causes (ex : pauvreté) peuvent produire des passions contraires
(mépris ou compassion) selon la proximité et l'identification par sympathie avec autrui : la pauvreté
de l'étranger nous indispose jusqu'au dégoût tandis que celle de l'ami nous indispose jusqu'à
l'empathie et nous fait souhaiter son bonheur. Ainsi la souffrance des autres peut produire pitié ou
mépris selon l'élément prédominant : si la sympathie est faible, la gene aussi donc l'idée ne se
transforme pas en impression ; un malheur plus fort produit une double sympathie : nous souffrons
avec l'autre (sympathie désagréable) et cela produit de la bienveillance , par la double sympathie
avec l'affect et la personne. La sympathie éveillera donc des passions contraires selon son degré
de force : “à des degrés différents, le même objet produit des passions contraires” (TNH II, 2, 9).
Cf section V du TNH II, 2 sur l'estime pour les riches et les puissants = thèse scandaleuse nous
aimosn les riches uniquement si nous sympathison avec eux. P195. On entre dans le plaisir que les
riches tirent de leurs biens, on les vit fictivement, même si les richesses sont d'abord le plaisir des
riches avant d'être les miennes, on sympathise avec leur orgueil ; la sympathie des autres avec
l'orgueil des riches fonde l'estime qu'on en a. Donc l'orgueil ne détruit pas le mouvement
sympathique. Eux mêmes ne sont orgueilleux de leur richesse que parce qu'ils sympathisent avec
notr sympathie pour leur orgueil. “les esprits des hommes sont des miroirs les uns pour les autres”
TNH II, 2, V
&7 = Le Respect est lui même un sentiment qui relève d'un mélange d'humilité de soi et d'estime de
l'autre tandis que le mépris mélange l'orgueil de notre propre personne (la boursouflure du Moi)
avec la perception de sa misère. A chaque fois on mélange ce qui est le cas (les qualités telles
qu'elles sont en elles-mêmes) et ce qui est comparé à nous (nous les comparons à nos propres
qualités). Ainsi le même homme peut être source de respect ou de mépris “selon que son
observateur passe d'une position inférieure à une position égale puis supérieure à la sienne” = mise
en perspective qui souligne le relativisme des points de vue : “l'objet a beau rester le même, si nous
changeons de point de vue sur lui, nous modifions radicalement son rapport à nous-même” TNH p.
232. Le sens des passions dépend donc du sens que nous projetons dans la réalité perçue. Et de
manière générale ce qui nous dépasse, nous est supérieur nous donne un sentiment d'infériorirté
tandis que ce qui nous est inférieur nous élève.
CF chez Kant : le seul sentiment moral qui pousse à considérer l'autre comme un fin en soi et non
comme le moyen d'autre chose mais il a pour fonction de réguler les passions, il n'en fait pas partie.
En somme = la ressemblance des passions ou des tendances (compassion, bienveillance, envie,
colère) compose une association qui constitue le tout de la passion. Les passions sont toujours prises
dans un mélange affectif dont la tonalité dominante varie selon les circonstances.
45
SECTION IV = Exemples complémentaires et difficultés particulières
Les idées qui suscitent les sentiments doivent s'ordonner selon le principe de simplicité et de
proximité. Faute d'une telle relation le passions s'évanouissent. Implications de cette
caractéristique de la vie affective en IV.
&1 Rappel de l'utilité des exemples complémentaires pour illustrer la théorie de la double relation.
Nouvelles illustrations envisageant le degré de proximité entre la cause et l'objet ainsi que
l'influence des relations d'idées sur la naissance d'une passions.
&2 On passe aisément de l'amour à l'orgueil = transfusion de l'amour à l'orgueil ; prendre du
plaisir aux qualités d'autrui nous pousse à aimer celui qui les possède et si il est proche de nous,
nous sommes alors inclinés à nous aimer nous-même à travers lui, puisque nous aimons une
personne aimable, c'est que nous ne sommes nous-mêmes aimables ; transition opérée par
l'imagination, facilitant le passage du plus éloigné au plus proche, parce que la personne est la cause
réelle de notre amour, ce qui entraîne le passage graduel de l'amour à l'orgueil ; fluidité du
mouvement de l'imaginaire passionnel : les qualités causent notre estime, on éprouve du plaisir
en sa compagnie, puis l'imagination conçoit le plaisir de cette relation mais aussi le privilège à être
le seul à l'éprouver, ce qui devient motif d'orgueil.
&3 Mais l'orgueil ne nous pousse pas à aimer : la réciproque est moins aisée car il est plus difficile
de passer de ce qui nous est proche ou contigu (le loi orgueilleux) à ce qui nous est lointain (l'être
aimé) ; “Il n'y a pas de transfusion des passions aussi de l'orgueil à l'amour que de l'amour à
l'orgueil” p. 83.Cf LRF “On passe souvent de l'amour à l'ambition, mais on ne revient guère de
l'ambition à l'amour” Maxime 490. On se situe ici non plus dans les variations de la loi, mais dans
les variations des variations, ce qui atteste encore de la complexité des relations affctives.
&4 On est porté à aimer ceux qui sont liés à ceux que nous aimons. Idem pour les proches de cette
personne, on passe alors de l'objet principal (l'autre) à des objets secondaires (ses proches) car les
passions descendent plus facilement qu'elles ne montent.
&5-6 L'association des idées peut être interrompue par une grande disproportion des idées : les
relations d'idées ne sont effectives que si il y a une certaine proportion du lien de proximité entre les
passions et les individus : on ne saurait envier qqun qui est trop éloigné de nous (par sa profession
ou sa richesse) car la comparaison serait sans effet de même qu'on doit comparer deux objets de la
même epèce (deux chevaux entre eux et non un cheval et une montagne). Plus l'écart se creuse entre
lui et moi et plus cruelle est l'humiliation, mais dans cette distance il doit y avoir une proximité
pour qu'il y ait des éléments de comparaison commensurables ; on ne peut envier qqun avec qui on
ne partage rien, aucun point commun (principe de simplicité dans les transitions imaginaires par
contiguité). On ne va pas comparer une cathédrale à une pyramide, un poète à un philosophe, un
prince à un mathématicien etc. Ne comparer que le comparable, de même que la relation se forme
dans l'imagination à condition d'être facilitée par des successions habituelles. Les hommes sont
envieux selon le principe relativiste “les objets paraissent plus grands ou plus petits par une
comparaison avec d'autres” (le bateau de mon oncle est plus grand que le chapeau de mon père mais
plus petit que le jardin de mon frère).
&5 = l'histoire passée peut servir de réservoir de cas à examiner, Hume a recours à l'histoire, jamais
à son propre cas personnel p. 84. Le lointain ne peut éveiller que des passions légères, sans
46
conséquence lourdes (l'exotisme) ; il n'y a de véritable enjeu affectif que dans ces
confrontations avec le proche. Ex : les conflits les plus violents apparaissent entre nations proches.
Ex de l'Italie longtemps déchirée par des guerres intestines entre principautés et petites républiques
jusqu'à son unification au XIXème et qui a même souvent préféré une domination étrangère à celle
d'un rival immédiat. L'orgueil devient ici un ressort affectif de l'histoire des Etats. Les analyses
humiennes permettent donc d'expliquer aussi bien les passions collectives (nationalistes, partisanes)
que individuelles.
&6 = exemples tirés des beaux-arts confirmant que les passions traversent le monde. Proximité des
contraires dans une oeuvre nous choquerait, il faut considérer les objets d'un même artiste comme
deux oeuvres distinctes voire éloignée pour que cela produise du plaisir esthétique car dans ce cas la
première et la deuxième lecture du poète anglias Prior n'entrent pas en contradiction l'une avec
l'autre : “c'est par cette rupture dans les idées que se trouve interrompu le progrès dans les
affections” p. 85, elles n'ont rien à voir, ne sont pas comparables donc cela ne nous choque pas. La
confusion des genres (héroïque et burlesque) serait choquante dans un même tableau, mais pas à
deux coins opposés du salon.
&7 L'association des idées peut également être facilitée par l'imagination : la transition d'une
passion à une autre se produit sur le même modèle que la connexion entre les idées. Devant
limpossibilité d'un accès véritable au réel (constat sceptique), le passage d'une idée à une autre a
pour seul principe la fréquence de la conjonction. Ce qui vaut pour l'imagination vaut pour les
passions puisque les deux travaillent ensemble. Dernier exemple : si le pay que j'admire est sans
connexion avec moi, il produit une émotion sans passion, par contre si je contemple le même
paysage depuis mon manoir ou celui d'un ami, cela “donne une nouvelle direction au sentiment de
plaisir” et produit de la vanité ou de l'estime (p. 86).
SECTION V A VI / RAISON , VOLONTE ET PASSION
Etant donnée la conception dynamique des passions il est logique que la réflexion se termine par
l'influence décisive de celle-ci sur les actions humaines. On peut donc considérer la DIP comme une
théorie de la dimension mondaine des passions. Elles cimentent le monde humain et et tissent son
devenir.
SECTION V = La raison et les passions
&1 = la raison au sens strict de raison logique (Descartes “faculté de juger du vrai et du
faux”) ne commande jamais la volonté.
Souvent définie par la négative : la raison n'est pas « le guide de la vie », elle ne peut pas
« produire une action ni susciter une volition », n'a pas d' « influence originelle », et ne doit être que
« l'esclave de passions ». Les idées abstraites et les raisonnement ou démonstrations sont objets de
curiosité gratuite, spéculation désintéressée, mais pas de “volition” càd qu'ils ne servent pas de
motifs pour agir ; autrement dit le motif de l'action ne peut être purement logique et rationnel. La
raison logique est dénuée de toute initiative pratique. La raison ne fait qu'énoncer des jugements
sur les causes et les effets, ce qui ne nous fait pas balançer d'un côté plutôt qu'un autre. Pris
isolément, l’entendement est passif ; il n’est qu’un ensemble de principes logiques interconnectés,
mais pas une entité dotée de mouvement. La raison n'est pas absente (elle désigne des objets et
des moyens à la passion) mais elle n'a pas un rôle actif et ne peut rien contre la passion. La
raison sait dire froidement le vrai ; la passion agit et invente. Elle se contente d'établir des lois
auxquels les faits obéissent (ce qui est le cas) mais elle reste muette sur les valeurs (ce qui devrait
être). On ne peut pas dire que la raison produise une action ni qu'elle produise ou combatte les
47
passions. La raison possède des effets pratiques seulement quand elle est alliée aux passions et leur
est subordonnée ; ce n'est pas une prescription de la part de Hume, mais un constat. Ici, l’input
(l'info externe, le stimulus) est toujours le même, mais l’output (le résultat) ne l’est plus. Si un
entendement passif voit son savoir augmenter de manière exponentielle et linéaire avec le temps, à
force de recevoir passivement des perceptions et des expériences, les passions rendent l’esprit
actif et poussent l’individu à agir. Sans elles, l’individu ne bouge pas, l’esprit est mécanique ;
avec elles, il ne l’est plus. Même si les passions sont elles aussi déterminées par la causalité, elles
constituent une combinatoire si complexe et si subjective que nous ne pouvons pas les considérer
comme un pur mécanisme logique. De notre propre point de vue d’humains, nous ne le pouvons
pas ; nos croyances, nos mouvements, sont motivés et structurés par nos passions.
Les passions au contraire sont le principe de vie et d’action au sein de l’individu. Une passions
n'est ni vraie ni fausse. Elles constituent ce sans quoi l’individu n’agirait pas, elles incitent à la
(dé)valorisation nécessaire à la prise de décision. Sans les passions ce serait le règne de
l'indifférence ou de l'inactivité, car seul le plaisir et la peine produits par un objet conduisent au
désir ou à l'aversion qui nous font agir. Ce sont les passions qui donnent vie à l’entendement, qui
empêchent l’individu d’être purement passif. Les passions sont le seul moteur de la raison ce
qui exclut celle-ci de toute initiative pratique. Comprendre les passions pour les innocenter.
En morale, pas d'inférence possible contrairement à l'entendement qui repose sur des associations :
“nous n'inférons pas qu'un caractère est vertueux de ce qu'il plaît, mais en sentant qu'il plaît de
cette manière particulière, nous sentons effectivement qu'il est vertueux” (TNH) c'est un état de fait
immédiat.
C'est la passion qui donne sa valeur aux chose, et non la raison : elle a slt comme fonction
d'observer des limites ds lesquelles les appréciations de valeurs se font ; ce sont les passions qui
valorisent les choses, la raison les décrit slt. Comme passion calme, la raison peut réorienter les
passions, jouer la passion contre les passions, les infléchir selon les circonstances, une passion qui
canaliserait les autres passions. Il y a une jeu passionnel mm ds l'entdt par ex ds l'identification à
autrui. La raison est inséparable de la nature. Les passions ne sont pas des facultés, pas de doctrine
des facultés toutes constituées chez Hume : c'est un jeu d'impressions et d'idées, comme l'endt, avec
des visions différentes ; c'est tjrs le meme matériau ; les relations se font et se défont ; on peut slt
détecter des groupes ou systèmes de relations. S'accoutumer à réfléchir pour surmonter ce dt on
souffre, c'est tt ce qu'on peut faire. Même si l'entendement et la passion sont distingués,
l'entendement n'est que le mouvement que le mouvement de la passion qui devient sociale.
# Cf critique de la liberté d'indifférence chez Descartes, qu'il retourne contre elle-même : pour
lui être libre c'est ne pas être déterminé, ne doit être précédée d'aucune cause, notamment par ses
affects, donc en être détaché ; mais dans ce cas on ne sait plus à qui attribuer la responsabilité de
nos actes s'il sont indépendants de moi et de mes passions, je ne saurais être blâmé ou loué pour ce
que j'ai fait. Attribuer une liberté d'indifférence interdit donc de formuler un jugement moral
à son encontre. S'oppose aux théories du libre arbitre ou de la liberté d'indifférence qui préparent
une morale permettant le gouvernement de la volonté par la raison. Etant elle-même soumise aux
obligations passionnelles, elle ne saurait créer de nouvelles obligations. Pas de volonté morale,
seulement psychologisante, pas de faculté de vouloir autonome mais seulement des volontés
particulières ou volitions ; ce qui fait naître l'illusion de liberté (impression d'être à l'origine de nos
actions). La volonté s'inscrit dans un système global nécessitariste. Se restreint à la question du
pouvoir d'agir au lieu de préparer une morale du devoir. La volonté et le libre-arbitre, ou liberté de
la volonté, sont analysés par Hume comme des passions. La discussion à propos de la liberté est
l'occasion d'établir la motivation de nos actions et de décrire le système des passions d'une manière
cette fois dynamique. Le libre-arbitre décrit la propriété qu’aurait la volonté humaine de se
déterminer librement — voire arbitrairement — à agir et à penser, par opposition au déterminisme
48
ou au fatalisme, qui affirment que la volonté est déterminée dans chacun de ses actes par des forces
qui l’y nécessitent. L'alternative que pose Hume est la suivante : ou bien nous n'avons aucun motif
lorsque nous voulons, ou bien la volonté est toujours déterminée. La première partie de l'alternative
se révèle absurde, car elle a pour conséquence que, si notre volonté est libre, alors nos volitions sont
le fruit du hasard : ainsi serions-nous fous ou irresponsables, et nos actes ne refléteraient rien de
substantiel ou de fondamental en nous. La thèse de Hume est ainsi que la doctrine de la liberté de
la volonté détruit la morale, alors que nous raisonnons quotidiennement d'après la doctrine de la
nécessité : nous supposons en effet continuellement que les actes d'autrui ont une motivation, et il
ne peut en aller autrement si nous supposons que le comportement d'autrui est intelligible. Par
conséquent, ces actes sont déterminés et propres à un individu selon son tempérament et ses
dispositions ; dans cette mesure seulement, un individu peut être blâmé ou loué.
&2= Critique de la définition de la raison au sens populaire et coercitif ;on n'accorde à la raison
un effet sur la volonté que parce qu'on confond communément la raison et les passions calmes ;
quand on croit qu'un homme agit par raison, c'est en fait qu'il agit avec un désir tranquille de
satisfaire ses intérêts. Pas de raison pratique au sens de conscience morale extérieure aux passions et
aux affects. Tout est affecté : imagination, entendement, raison. La raison est incapable de
corriger les passions puisqu'elle en fait partie, ni s'y opposer ni les surmonter : comment
s'opposer à une impression ? Ce serait comme vouloir aller contre nos caractéristiques physiques ou
sensibles. Les passions étant des faits incontestables et indépassables, le jugement peut seulement
intervenir pour envisager les moyens de les satisfaire ou démontrer l'inexistence de l'objet visé ou
des qualités qui l'ont déclenchée. Identifier ou mieux cerner les objets passionnels, tout au plus. La
raison est leur outil.
Ex : un homme épris de sa maitresse (Hulot, W. ou Crevel) va faire intervenir à deux niveaux : pour
juger de certains faits pertinents (constater qui vient de sortir de chez elle, ce qu'elle aime que je lui
offre) et pour calculer par le raisonnement les moyens de réaliser ses buts (comment aller la voir
sans que personne ne le sache, comment dilapider l'argent familial pour lui offrir un appartement).
Seules les passions accompagnées d'un jugement faux peuvent être tenues pour déraisonnables sauf
que ce qui est contraire à la raison ce n'est pas la passion mais le jugement. La passion n'est ni
raisonnable ni déraisonnable, seul le jugement peut l'être. Les prédicats vrai et faux ne
concernent que des relations d'idées, déductions ou inductions logiques. Or, les propositions
axiologiques telles que la condamnation du meurtre n'expriment pas une vérité mais traduisent un
sentiment qui lui-même exprime une passion (l'horreur de la mise à mort, la compassion etc.).
ENTENDEMENT ou raison empirique = figure achevée de l'imagination réglée par des
principes d'association, il est limité par l'expérience d'où il est issu mais peut produire des vérités
démonstratives.
RAISON = composée “des affections d'une espèce identique aux passions, mais telles qu'elles
agissent plus calmement, sans causer de désordre dans le caractère” TNH p. 288 = ultime figure
de l'imagination, passion calme qui soumet le divers empirique à ses règles générales et peut ainsi, à
distance critique des choses, discerner le vrai du faux. Imagination formée par l'expérience à
comparer ses idées, à les unir par des principes d'association, à en tirer des règles de vérité ;
c'est une raison empirique qui ne ferait nature et règle qu' a posteriori. La raison est le « pouvoir
des règles » et l'entendement la « faculté de croyance ».
EEH p. 73 : “l'homme est un être raisonnable” mais aussi “il est continuellement à la recherche du
bonheur” et donc “espère atteindre la satisfaction d'une passion ou d'une affection”.
# Hume s'oppose à 2 traditions :
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* celle d'une liberté de la volonté qui peut être infinie (Descartes : volonté « si vague et si
étendue qu'elle n'est enfermée dans aucune borne ») car la volonté ne peut être que déterminée par
d'autres forces qu'elles-mêmes, mue par les passions donc n'a pas de pouvoir absolu ; même la
religion a interêt à entretenir cette illusion du libre arbitre car peut responsabiliser le pécheur. Pas de
responsabilité morale, religieusen juridique sans déterminisme de la volonté. Hume prend le
problème du déterminisme à l'envers : ce n'est pas un problème métaphysique (comment la volonté
pourrait-elle être libre de ses choix si les passions la détermine?) mais plutôt un problème
scientifique : si l'homme était libre donc cause de soi, alors il ne pourrait plus faire l'objet d'une
science de l'homme ; le libre arbitre détruit la possibilité d'une science humaine et non pas la
science de l'homme (réduisant l'homme à une somme d'affects) détruit la possibilité du libre arbitre.
* et celle qui croit pouvoir opposer le travail de la raison à la force des passions (héritage
stoicien), car la raison ne peut mouvoir notre volonté si nos seuls mobiles sont passionnels
(Descartes : soit opposer la raison à la passion, soit opposer les passions entre elles, seule la
dernière solution vaut pour Rousseau). Refus de l'opposition traditionnelle entre raison et passions.
Opposer raison et passion comme le fait Pascal (cf texte N°11 : “Guerre intestine de l’homme
entre la raison et les passions. S’il n’y avait que la raison sans passions. S’il n’y avait que les
passions sans raison. Mais ayant l’un et l’autre il ne peut être sans guerre”) c'est confondre la
raison avec une passion calme : expression rhétorique d'une confusion entre raison sans
vivacité et passion qaund elle est calme (à cause de la resemblance). Faire comme si un conflit
entre différentes modalités de passions faisait l'emporter la plus violente. Même dire comme dans le
TNH que “la raison est l'esclave des passions”, c'était encore supposer qu'elles sont extérieures l'une
à l'autre. En ce sens, la DIP voit plus loin que le TNH en remettant en cause l'idée même d'un
combat entre raison et passions.
CF SCHEMA 8 SUR RAISON OUTIL PASSIONS
CF Influence de SPINOZA / Lettre à Schuller
1. La conscience d'une passion n'implique pas la connaissance de ses causes ni sa maîtrise ;
mécanique passionnelle ne dépendant pas de notre libre arbitre ; si nous sommes tous
persuadés de posséder une liberté, si nous nous sentons libres, c'est parce que nous avons l'illusion
intérieure que notre esprit peut dominer la matière des choses et que nous ignorons les causes qui
nous déterminent. La conduite humaine est tout autant déterminée que celle de la matière
puisqu'elle répond aussi à des expériences répétées produisant des habitudes chez Hume. Pas de
différence, comme chez Spinoza, entre phénomènes naturels et phénomènes moraux : remet en
cause la prétendue causalité libre par liberté de la volonté. Le caractère imprévisible et capricieux
de l'homme ne prouve pas sa liberté mais plutôt l'incertitude de ses inférences. La liberté se réduit à
l'efficacité pragmatique de nos motifs ou au pouvoir d'action, qui lui-même est un effet de
l'habitude. Nécessitarisme sceptique qui réconcilie l'idée de liberté (un « pouvoir d'agir ou ne pas
agir suivant les déterminations de notre volonté ») et l'idée d'une possible illusion de liberté (« désir
chimérique de montrer note liberté »). En somme c'est une liberté conditionnelle. Liberté renvoie à
notre ignorance de la complexité des causes et nécessité aux constances et inférences qui sont tirées
de ces causes : « bien que nous puissions imaginer que nous sentions en nous de la liberté, un
spectateur peut inférer nos actions de nos motifs et de notre caractère ». cf texte N°9.
Mais pas d'irrationnalisme (refus de toute raison logique ou scientifique) pour autant car
recherche la vérité sans préjugé et veut résoudre autant de mystères que possible donc l'exercice de
la raison même s'il est postérieur aux préférences du sentiment, vient étendre et corriger les
impulsions affectives. Elle est donc indifférente puisqu'instrumentale (capable du meilleur comme
du pire) mais peut permettre d'appréhender les choses avec modération, éroder les passions
50
violentes, s'opposer à la folie des ignorants etc. Quand la passion nous fait désirer qqchose, la raison
logique peut intervenir pour en préciser les moyens de l'atteindre. De plus, il y a des passions plus
calmes que d'autres et on peut tenter de favoriser celles-ci donc ce n'est pas tragique. Pas de
fatalisme ni vouloir enchainé par la nécessité car ce qui n'est que l'effet de l'habitude et de la
coutume (la causalité) peut toujours être corrigé. Et on peut même aller jusqu'à dire que la
fiction du moi sujet de ses propres actes produit des effets, (croire) être à l'initiative de ses actes.
Certes nos actes et nos motifs sont déterminés, mais la volonté reste à l'initiative de ses actes quand
elle envisage des choses à faire comme possibles.
&3 = les objets que l'on rattache à la raison sont les mêmes objets que ceux des passions, sauf qu'il
y a un éloignement, une mise à distance. Un mal venu de loin est plus facilement rationnalisé qu'un
mal proche qui provoque directement des émotions. Paramètre de la distance et du proche.
&4 = Si l'entendement a un fond passionnel, le principe rationnel du meilleur choix possible ne
se vérifie pas toujours : le plus souvent les hommes ne suivent pas le jugement émanant de leur
raison, ce qui prouve bien l'influence des passions.
La volonté n'est jamais influencée que par les passions calmes ou violentes. La volonté n'est pas
une passion en elle-même car c'est un ingrédient essentiel de toutes. Pour autant il faut distinguer
volonté et désir = la volonté n'est pas seulement la simple expression consciente du désir mais elle
suit le désir sans pour autant s'y réduire ; la volonté apparaît quand il semble à l'esprit qu'il peut agir
efficacement , quand les circonsatnce mettent l'esprit en situation de concevoir l'action sous la
modalité du possible ; ce n'est pas une pure réaction instinctive ou impulsive comme le désir, c'est la
conscience que nous avons de créer une idée ou un geste nouveau : def volonté = “l'impression
interne que nous sentons et dont nous sommes conscients lorsque nous donnons naissance
intentionnellement à un nouveau mouvement de notre corps ou de notre esprit” TNH II, III, 1 p.
245. C'est une anticipation réfléchie de l'entendement sur les moyens d'atteindre un but, la
réalisation du désir. Le désir enclenche l'acte volontaire car ce que nous voulons c'est toujours
satisfaire un désir et la volonté n'intervient que lorsqu'une initiative consciente et délibérée est
possible. Donc elle n'est réductible ni au désir (impulsion brute) ni à la raison (règles logiques sans
vie). Rapport moyen/ fin comme volonté/désir.
VOLONTE = provoquer sciemment un mouvement du corps ou une perception de l'esprit en visant
l'apparition d'un plaisir ou la disparition d'une douleur donc toujours intéressée et affectée,
déterminée par les expériences concrètes de plaisir et de douleur. Variante du désir qui appartient
aux passions directes. Ne pas distinguer le pouvoir et l'exercice de la volonté. Non puissance de
choix symbolisant un commencement absolu. Elle “intervient à chaque fois que l'on peut se
procurer la présence d'un bien ou se débarrasser d'un mal par une action quelconque de l'esprit ou
du corps” (I, 2). Mais ce n'est pas la raison qui décide de la différence entre bien et mal car seule la
dimension affective de notre expérience décide de la valeur de nos jugements de valeur.
En cas de conflits passionnels, les passions calmes ou violentes prédominent selon le tempérament
et la disposition de la personne concernée. La force d'âme (vertu stoïcienne) n'est que la
“prévalence des passions calmes sur les passions violentes”. Les passions calmes sont alors
dominantes et paradoxalement plus fortes que les violentes (les plus fortes ne sont pas toujours les
plys bruyantes) : ici Hume semble encore un peu tributaire de l'opposition entre raison et passion
sauf qu'elle se déplace à l'intérieur des bonnes et mauvaises passions lesquelles ne sont pas figées
mais circonstancielles. A une passion ne peut s'opposer qu'une passion contraire et cette passion ne
peut pas provenir d'une raison extérieure.
Ce qui rend difficile la prévision des actes humains : le résultat d'une telle lutte est imprévisible et la
diversité des passions incommensurables. Au paramètre de la proximité vient s'ajouter celui de
l'intensité.“ Cette lutte de la raison et de la passion diversifie la vie humaine et rend les hommes
51
non seulement différents les uns des autres mais encore différents d'eux-mêmes à des moments
distincts” TNH p. 288
EN RESUME :
La pratique de l'entendement détermine le détail de la nature en procédant par extension car ds la
nature tout objet peut être cause ou effet. Alors que dans la pratique morale les éléments sont
immédiatement donnés, et au lieu d'être , partielles, les parties sont exclusives, partiales. Dans le
domaine de l'affectivité, la même contrainte empiriste impose une genèse du moi pratique à partir
des passions (surtout indirectes) : genèse du moi propre qui résulte de la liaison des impressions
entre elles par plaisir et douleur mais aussi genèse du moi d'autrui, par sympathie. Le moi ne peut
être cause ni principe, il est plutôt effet # cogito ou esprit cartésien.
“L'esprit n'est pas sujet, il est assujetti” DELEUZE (Empirisme et subjectivité)
Donc double csqce morale : il n'y a pas d'idée de causalité libre se déterminant par elle-même / il
n'y a pas de morale absolue ou universelle puisque la raison est dominée par l'imagination et les
passions. C'est ds l'imagination que Hume cherche l'unité des hommes, montrant que même la
raison qu'on lui opposait jusqu'ici ,est le fruit de notre imagination. La liberté n'est pas exclue mais
le problème est posé différemment car on ne part plus du présupposé d'une volonté absolue et
infinie comme Descartes ni de la condamnation morale des passions : la liberté s'établit par la
satisfaction de l'intérêt sensible. La liberté est la mise en oeuvre de l'intelligence au service de la
satisfaction de la vie.
52
SECTION VI= les causes de la violence ou du calme des passions
Cette dernière section porte sur la conversion d'une passion en une autre, y compris dans le cas
de passions différentes ou contraires, calmes (sentiment de beauté ou de laideur) et violentes
(amour, haine, chagrin, joie). Puisque la raison logique ne peut agir sur les passions et que la notion
de raison morale n'a pas de sens pour Hume, la véritable confrontation ne se produit qu'entre
deux passions, l'une violente et l'autre calme, qui exerce une fonction d'équilibre, indipensable au
maintien de la vie. Jusqu'ici les lois et les circonstances des passions avaient été abordées en faisant
abstraction de la question de l'intensité ; l'originalité de la dernière section vient de ce que ces lois
et circonstances sont à nouveau parcourues mais comme source de puissance et de variation
émotionnelle, l'intensité du vécu. L'écriture s'accèlère, les & sont plus courts, chacun amenant une
nouvelle proposition sur ce qui fait décliner ou accroître les passions.
On peut y distinguer deux séries de principes :
* la combinatoire des passions entre elles (&1-4), quand nous sommes soumis à plusieurs
mouvements affectifs, l'intensité s'associe à la fusion des passions ;
* les facteurs externes (&5-9) qui jouent sur l'intensité des passions : incertitude, absence,
habitudes, imagination.
“Les passions violentes ont une influence plus puissante sur la volonté (…) les passions calmes
sont capables de les maitriser (…) une passion calme peut facilement se transformer en une
passion violente (...)” TNH p. 288
&1-2 = La fusion des passions
Première constante dégagée par Hume = deux passions distinctes qui coexistent dans l'esprit ne
sauraient demeurer longtemps séparées. La puissance de l'une entraîne la connexion de l'autre
comme par un effet d'attraction. Et toute l'énergie accumulée des deux affects se concentre sur
l'objet de la passion dominante.De même que le mouvement d'un corps peut se trouver accéléré
quand un autre lui imprimre une force nouvelle ; seule différence : ici les passions peuvent aller
dans des directions différentes voire contraires. Lorsqu'une passion en avale une autre, elle le fait en
vertu de l'attraction ; une passion forte absorbe une passion plus faible pour en faire une partie
d'elle-même et s'accroître à partir de là. Cette propriété n'a rien de magique : elle résulte de la durée
de l'émotion qui accompagne toute perception. L'émotion dure plus longtemps que la perception
elle-même donc est capable de se transfuser dans une autre émotion au point de la convertir en elle.
Et ce même quand le principe de ressemblance ne s'applique plus. Cf instrument à cordes.
Référence à Virgile : “L'espoir qui s'ajoute à la colère l'attise” pour montrer la transfusion entre
l'espoir (sentiment de la probabilité d'un bien à venir) en passion violente (la colère, par
impatience). Dynamique paradoxale donc. Les conflits entre passions contraires, loin de produire
équilibre ou atténuation réciproque, engendrent bcp d'agitation. Elles s'attisent mutuellement.
On ne peut donc changer les passions par un raisonnement, mais on peut les infléchir.
CF Passions et politique = pour gouverner les hommes il est important de savoir jouer sur les
passions, utiliser les affects en alimentant la curiosité du peuple ou en provoquant l'anxiété dans le
but de paraître comme la seule issue possible (sans nous ce serait pire). De même, l'apparat militaire
peut être utilisé pour donner du courage. Là encore il y a une ambivalence passionnelle.
Même si l'existence humaine commence par l'égoïsme, la sympathie dépasse l'intérêt personnel et se
déploie par degrés vers le corps social : les passions ont utiles à la société, elles produisent du lien
soial, ce que prouvent les hommes politiques et le militaires. L'exemple du courage militaire prouve
encore que les mêmes objets (parade militaire) sont investis de passions opposées (courage, fierté
ou peur, abbatement) selon les orientations et les points de vue.
53
CF Sophistique et l'art de persuader comme mauvais usage de la rhétorique, cuisine de l'âme,
contrefaçon de la justice, qui utilise les affects et les raisonnements fallacieux pour faire adhérer à
une opinion, qui frappe l'imagination pour mieux susciter l'adhésion et parasiter la pensée. Fénelon :
“A Athènes tout dépendait du peupe et le peuple lui-même dépendait des orateurs”.
CF MACHIAVEL =
&3-4 = Les passions peuvent être rendues violentes lorsqu'elles se fondent entre elles alors
qu'elles ont des directions contraires
D'où l'idée très nouvelle qu'il y a des passions calmes ou violentes selon leur force :
traditionnellement (les métaphysiciens comme le sens commun) on ne considère qu'il n'existe que
les passions violentes, sans tenir compte des variations d'intensité ; les grandes passions sont
violentes car sans distance à l'égard de l'objet passionnel et déterminent des comportements. Les
passions calmes sont plus stables, moins nettement éprouvées par le sujet et déterminent des
jugements ou des lignes de conduite (sens moral, raison, sens de la beauté etc.). En réalité, ces
passions ne diffèrent pas fondamentalement les unes des autres, mais diffèrent simplement en degré.
CF SCHEMA 4 PASSIONS CALMES ET VIOLENTES
Cette différence de degré aura néanmoins un effet différent sur l’esprit.
Les passions calmes, qui sont les plus courantes, existent longtemps dans l’esprit et conduisent la
pensée d’une manière parfois insensible et inconsciente. Au contraire, les passions violentes sont
épisodiques, puissantes, beaucoup plus sensibles. Elles s’épuisent aussi plus rapidement. Ces deux
types de passions font partie de la même échelle de degrés et sont tous deux indispensables au
fonctionnement de l’esprit. Bien qu’une pensée « calme » soit plus propice à l’exercice de la
philosophie et moins dangereuse, les passions violentes sont également nécessaires : en effet, ce
sont les plus actives, et Hume compare lui-même la philosophie à la chasse en expliquant que
l’enquête philosophique vise à débusquer des vérités qui ne se laissent pas prendre toutes seules.
Une passion dominante (l'amour) peut se nourrir de passions concomitantes mêmes si elles sont
antagonistes (colère, haine).
Cf Phèdre et l'hainamoration de Lacan. La passion amoureuse (plaisante) peut se nourrir des
morsures de la jalousie (déplaisante).
Voire même, le désir s'accroît grâce à cet antagonisme. L'évocation de devoirs (duty) aux enfants ou
adultes ne permet pas toujours de se libérer des passions, comme les lois qui interdisent qqchose
engendrent le désir de transgression : le désir augmente avec l'interdit car il se nourrit de ce qui lui
manque ou lui demeure inaccessible. Donc en cas d'opposition, la passion la plus forte grossit alors
qu'elle devrait être limitée par les obstacles qu'elle rencontre. Il n'est rien qui augmente plus la
passion que la confrontation à un obstacle car le voile ou l'obstacle stimule l'imagination. Il y aurait
donc une bonne et une mauvaise manière de faire se combattre devoir et passions : la mauvaise
manière serait d'aiguiser l'appétit immoral par la représentation du devoir, alors que le combat est
perdu d'avanace ; la bonne manière serait de développer la “force d'âme” citée en section V p. 88
càd que la notion de devoir devienne une passion calme dominant les autres, un amour ferme et
constant. Seule la culture des passions calmes semble efficace.
(Cf Shakespeare Macbeth)
&5-6 = les autres facteurs peuvent jouer dans des directions opposées ; ainsi la certitude d'obtenir
ce qu'on désire peut autant si elle est faible attiser le désir que la certitude absolue peut l'affaiblir ;
les effets de l'incertitude et de la dissimulation sont semblables à ceux de l'interdit ; en revanche
sécurité et désespoir affaiblissent et calment les passions. Cf balancement espoir et crainte section I
mais accentués du fait de la passion déjà existante.
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Cf stratégie de séduction liées au fait que l'être désiré n'est pas un objet fixe que l'on peut posséder
mais un être changeant, susceptible de nous échapper, autant de contuites imprévisibles qui
renforcent la passion (cf Valérie)
&7= les effets de l'absence = ainsi, selon les situations, une même cause peut venir renforcer ou
apaiser les passions ; ce sont les effets de l'absence. Les passions les plus vives ne sont pas
forcément les plus fortes : c'est ce que révèle l'épreuve de l'absence.
CF LRF, Maximes, 276 “L'absence diminue les médiocres passions et augmente les grandes,
comme le vent éteind les bougies et allume le feu”.
&8 = les effets de l'habitude ou de l'inhabituel ; la force de l'habitude engendre un sentiment
d'usure tandis que la faible habitude donne une intensité plus élevée au ressenti ; les passions se
distillent en fonction du tempérament des individus et de l'objet, ce qui multiplie les cas de figure
possibles.
&9 = les effets divers de l'imagination (proximité du souvenir, habitude, éloquence) sur la
puissance des passions sont à nouveau soulignés ce qui prouve encore que le noeud du problème
n'est pas dans la relation entre raison et passion chez Hume mais dans la relation entre imagination
et passions. Lorsque la manière dont nous imaginons qqchose est vive, la passion associée sera
également intense. Mais si l'imagination rencontre un obstacle, elle peut également affaiblir les
passions. Tout cela confirme qu'une passion ne suarait être bonne ou mauvaise, car certains facteurs
peuvent autant multiplier que diviser le coefficient de force des passions. Neutralité axiologique.
Sujet inépuisable. On ne saurait en proposer une science achevée mais on peut en étendre la
connaissance et faire accéder le champ de la morale au même degré de certitude que la philosophie
naturelle. La mise en évidence des mécanismes des passions et de leurs transfusions montre qu'il est
possible d'étudier la régularité des phénomènes moraux comme les physiques. Hume termine sur
une note plus optimiste que dans le TNH.
55
CONCLUSION GENERALE : Peut-on parler d'une morale humienne ?
La section VI a construit implicitement un pont entre dynamique et éthique, entre la théorie des
lois des passions et une théorie cherchant les moyens de favoriser la domination des passions
calmes sur les passions violentes, même si elle ne prescrit aucune conduite à adopter face aux
passions et ne fait qu'énumérer des circonstances. Est-ce à dire qu'un usage réfléchi des passions est
possible ou souhaitable pour Hume ? La connaissance des passions est un prélude au pouvoir
sur les passions, puisqu'en les comprenant on peut les faire varier, agir sur elles Pourtant Hume
souligne plutôt la prééminence des passions sur la raison dans la détermination de la volonté.
Les passions sont des faits (ce qui est le cas) : comment établir des normes (ce qui devrait être)
à partir du pur constat de leur existence et des lois qui les gouvernent ? De plus, la diversité
évenementielle fait échouer d'avance toute tentative de morale a priori, même si leur pluralité est
réduite à un certain nombre de cas exemplaires, grâce aux règles générales qui normalisent
l'expérience. Or, la règle générale paraît elle-même issue d'une réflexion de la passion dans
l'imagination d'où un pbl de circularité logique : ce qui est sensé réguler les passions est lui-même
un résultat des passions. Comment réguler le passionnel par du passionnel ?
Plusieurs points semblent interdire une morale humienne au sens classique =
* La raison est impuissante = En effet, la conception d'une idée susceptible de constituer un motif
pour la volonté ne suffit pas : il faut que cela s'accompagne d'un certain plaisir ou douleur, sans
passions elle restera sans effets pratiques. Le bien et le mal ne sont connus que par le sentiment, le
plaisir ou le malaise qu'on éprouve devant certains actes ou attitudes. La raison est d'essence
théorique donc ne saurait nous révéler ce qui est désirable ou non. Elle n'intervient que pour juger la
situation présente (cet homme est ds le besoin) et des moyens de satisfaire les volontés, mais elle ne
cause l'action que de manière oblique (pour l'aider il faut lui trouver un travail). Donc la morale ne
saurait se déduire de manière logique et mathématique comme le prétendant Descartes grâce à une
faculté de juger du bien et du mal qui serait innée en chacun de nous. Fin de la suprématie de la
raison comme faculté supérieure et absolue.
* Réciproque du principe précédent = Les passions constituent le fond sur lequel nous nous
construisons tous et entièrement. Le comportement moral, de ce fait, reste subordonné au
passionnel : ce qui devait combattre les passions repose sur les passions donc toute morale du
détachement semble sapée dans ses fondements mêmes. La morale est affaire de sentiment. C'est la
force seule des passions qui détermine le choix de la volonté. Règle de la liberté : la volonté qui est
aussi une espèce de passion, produit une image d'elle-même et se meut ds tous les sens.Puisque
Hume divise les perceptions de l'esprit, c'est-à-dire tout ce dont nous pouvons avoir connaissance,
en impressions et idées, il s'ensuit que la morale relève soit d'un discernement rationnel (idée), soit
d'une certaine impression qu'il s'agirait d'identifier. Pour établir le second terme de l'alternative, il
doit suffire, aux yeux de Hume, de réfuter la première hypothèse. Le Livre III du Traité commence
donc par une réfutation détaillée du rationalisme en morale.
* L'intérêt personnel semble prédominer puisque chacun ne recherche toujours que son propre
plaisir en priorité :« Il n'est pas contraire à la raison de préférer la destruction du monde à une
égratignure de mon doigt » (TNH). Phrase qui fit scandale et qui empêcha de comprendre la
philosophie morale de Hume voire fit considérer qu'il n'y en avait pas. A l'atomisme passionnel
répondrait un individualisme moral = indifférence de l'individu à ce qui n'est pas lui (jusqu'au
solipsisme= solitude chaque conscience avec elle-même). C'est l'émotion agréable ou désagréable
qui détermine l(a)'(dés)approbation morale. D'où la difficulté pour dériver les jugements moraux de
règles rationnelles : la tradition sentimentaliste dont il hérite oblige à tenir compte de la variété,
l'inégalité et la diversité des circonstances. Le sens moral n'est alors que le plaisir pris à la
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considération d'un acte, ce qui engendre notre assentiment. Or, dans la morale classique, toute
intention ou action morale doit être désintéréssée (cf Kant). La vraie cause de la morale est la
passion, càs une impression seconde ou réflexive de plaisir ou de déplaisir : morale de l'utile
et de l'agréable. Morale qui sait calculer et se rendre à l'évidence du sentiment : “Il n'est pas de
créature humaine à laquelle la vue du bonheur ne donne du plaisir et celle du malheur, un
déplaisir”. (EPM). L'homme des salons sait que l'on préfère toujours le gai luron au taciturne. Le
beau visage à un corps mutilé, que c'est une affaire de goût. Règle de l'intérêt : la femme ne peut pas
physiquement donner de certitude à son mari que les enfants sont biens de lui / donc une fois la
passion réfléchie ds l'imagination, cette passion prend un contenu social et fait apparaître l'exigence
de vertu et de fidélité de la femme.
* La vertu est plus une convenance sociale qu'une conviction intime : la morale est affaire de
sens commun. S'il y a une certaine universalité des principe de moralité cela ne vient pas de leur
préexistence dans le monde des valeurs intelligibles mais d'une certaine unité de la nature humaine
qui s'accorde sur certaines règles fondamentales. La société ne se développe qu'en secondant les
passions au lieu de les contredire. La qualification morale d'un caractère vient de sa conformité à la
moyenne des sentiments, actes vertueux qui sont motivés par les passions les plus courantes. La
morale est d'abord l'inscription des moeurs dans les coeurs.
VERTU = disposition approuvée par les autres et répondant à deux principes : l'utilité et
l'agrément ; le tableau des vertus peut se lire selon deux axes majeurs : naturalité / artificialité
des vertus ; utilité/agrément de leur manifestation. On ne peut la définir a priori car se reconnaît
au plaisir de sympathie éprouvé par le spectateur d'une disposition à la vertu (et non d'un acte
vertueux) ; chacun est l'herméneute du comportement d'autrui chez qui il décèle un caractère
plaisant ou non. Sentimentalisme qui est un intentionnalisme. On peut relever les décisions
morales pour en faire un catalogue raisonné mais ce sont des pratiques déterminées par des passions
dont elles sont le signe, rien de plus, donc philosophie morale très modeste. Si on peut y remonter
directement elles sont naturelles, spontanées, si on a recours au medium d'un intérêt, elles sont
artificielles (« devoirs moraux dont on s'acquitte uniquement par un sentiment d'obligation » ; ex
justice, fidélité, pudeur etc.). Les vertus artificielles ne peuvent s'accomplir qu'avec la participation
de tous et dépendent de deux obligations : morale (coutume et sympathie) et naturelle (intérêt
pour origine). On distingue celles qui sont utiles de celles qui sont agréables
= Sentiment dont le principe est une impression de plaisir ou de douleur, considéré comme un effet
de la sympathie ou de la bienveillance. Phénomène de contagion passionnelle, la sympathie est
toujours dotée de degrés de préférences, mais capable d'être étendue ou corrigée par des règles
générales.
Pas de morale naturelle ni innée = La morale ne constitue pas directement l’homme, elle ne fait
pas immédiatement partie de la nature humaine, elle ne structure pas naturellement son esprit ni
n’émane naturellement de lui (contrairement à l’entendement et aux passions). Si Hume s’y
intéresse, c’est parce que les deux premiers moments seuls suffisent à modéliser l’individu. A la fin
du livre II du Traité, le modèle est achevé. Il n’y a plus grand-chose à y ajouter. Pourtant, en rester
là ne serait pas satisfaisant : il faut tester les input et les output de manière déductive, systématique,
et plus seulement « au coup par coup » (ce que faisait Hume avec les exemples du livre I). Le
philosophe doit par conséquent mettre son modèle en situation pour voir ce qu’il donne. Cela,
Hume le fait en décrivant la genèse de la société, et avec elle celle de la morale et des vertus
artificielles (par opposition aux vertus dites naturelles et spontanées).
La nature humaine ne change pas : elle est anhistorique (bien qu’elle ne puisse être connue,
car expérimentée et progressivement comprise, qu’à travers l’histoire). C’est la morale, son
output
normatif
concret
et
changeant,
qui
l’est.
La morale est faite de qualités que l’on loue ou que l’on blâme. Elle est faite de vertus et de vices.
Parmi les vertus, certaines sont naturelles (c’est-à-dire apparaissent immédiatement et
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spontanément à partir de la seule nature humaine), d’autres sont artificielles (c’est-à-dire
n’apparaissent que progressivement, à travers l’histoire, et dans le cadre de circonstances
particulières). De toutes les vertus artificielles, la plus importante est la justice. Hume la décrit
comme une vertu artificielle, car elle dépend non seulement d’une passion (comme toutes les
vertus), mais aussi de la propriété.
Si nous sommes vertueux c'est parce que la vertu est bénéfique à notre situation : l'expérience
prouve que nous sommes dans un monde où il faut composer des intérêts. Dans une société
d'abondance, les règles de justice sont moins nécessaires alors que dans la pénurie on a plus intérêt
à respecter les règles de justice. Il entre du calcul dans la vertu mais nous sommes perfectibles
quand même : “Nous sommes naturellement partiaux envers nous-mêmes et nos amis ; mais nous
sommes capables d'apprendre les avantages qui résulteraient d'une conduite plus équitable”
(EPM).
MAIS
* Pas de relativisme moral pour autant : Les jugements moraux existent : on peut toujours
admettre qu'il y a désaccord sur ce qui est moralement bon ou mauvais mais il y a des distinctions
morales et elles ne sont pas que des illusions. Les jugements moraux sont des faits, et même si ils ne
sont pas fondés rationnellement, ils ne sont pas pour autant relatifs aux moeurs et aux époques. Il y
a une certaine uniformité dans la nature humaine, des constantes morales : la fidélité comme
principe moral par ex. “Nous ne pouvons pas plus changer nos propres sentiments que les
mouvements des cieux” TNH III, II, 5.
* Pas de cynisme non plus : Une moralisation du caractère est encore possible ; elle repose sur
la victoire de certains affects sur d'autres. Les passions calmes constituent la nature humaine dans
son cours ordinaire et font les moeurs et les manières des gens ou des peuples. Les passions
violentes restent exceptionnelles, liées à des circonstances particulières, les passions calmes sont
des passions fondamentales qui demeurent les mêmes et constituent l'élément de la vie active
(l'amour de la vie, la recherche du bien). Elles peuvent devenir offensives si elles sont en danger
mais étant communes à tous les hommes et continuelles. Ex : l'avidité , qui pourrait être une
passion destructrice de la société, contraint les hommes à inventer l'économie, à régler les échanges
dans le cadre du droit commercial etc. « Devoir » chez Hume n'est pas une obligation raisonnable
issue du dehors et venant s'imposer aux passions du dehors = c'est une relation de fait entre raison et
passion. Il n'y a pas de raison pratique qui serait souveraine face à des passions rebelles. L'exercice
de la raison même s'il est postérieur aux préférences du sentiment, vient étendre et corriger les
impulsions affectives.
* Pour autant il ne tombe pas totalement dans l'utilitarisme de Bentham (doctrine éthique qui
prescrit d'agir (ou ne pas agir) de manière à maximiser le bien-être global de l'ensemble des êtres
sensibles, une forme de conséquentialisme, évaluant une action (ou une règle) uniquement en
fonction des conséquences escomptées, qui se distingue de la morale rationnelle kantienne où c'est
l'intention qui compte ; le fondement de toute société étant la recherche du bien être) car l'agréable
tempère l'utile : “il a toujours quelque objet en vue” et “il agit, parle, ou pense rarement sans but ni
intention” mais cela vise son bonheur donc plus pragmatique qu'utilitariste / ni dans
l'hédonisme (le plaisir est le seul moyen de faire le Bien) car tous les plaisirs ne sont pas bons à
prendre et risquent de contredire nos intérêts. Le jugement moral n'est pas une forme prise par
l'intérêt personnel : même si la contemplation de la vertu est agréable et celle du vice pénible (en
nous ou chez autrui), c'est un plaisir moral particulier qui est une conséquence mais non le but
recherché. L'appréciation di vice et de la vertu est une perception, une impression, comme tout le
reste, qui a donc un objet (le caractère de telle personne) et une émotion correspondants (sentiment
provoqué). Apprécier moralement, c'est éprouver un plaisir particulier à contempler un caractère.
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* La sympathie : La sympathie est le coeur battant de toute cela au sens que l'on peut tenter de
se mettre à sa place en épousant ses valeurs mm si c'est une fiction : on peut sympathiser avec
des situations qu'on ne vivra jamais. Elle fait entrer l'individu dans le point de vue de ceux qui lui
sont +/- proches. On épouse la partialité des autres, plutôt que l'intérêt de tous. La sympathie est
l'adhésion désintéressée aux intérêts des autres, une sorte de générosité restreinte.
L'approbation morale est une modification de l'amour produite par les seules qualités de l'esprit.
C'est pourquoi l'orgueil peut être source de vertu comme conscience morale lucide, seuls ses excès
ou son exubérance sont condamnables car alors devient illusoire. Ainsi, la vertu vient du plaisir
auquel je participe en voyant une personnalité utile ou agréable à elle-même et aux autres : la
morale est donc essentiellement l'appréciation du spectacle des affaires humaines.
CL /TR = Les passions chez Hume forment un monde car 1) les passions sont une manière
originale de se rapporter au monde dlmo il rend compte des variations de notre rapport affectif au
monde selon la déclinaison des modes du plaisir et de la peine ; 2) système d'objets « naturels »
descriptibles car possédant des mécanismes internes (il y a une nature en l'homme dlm où l'homme
est déterminé, passif r/ à ses affects ET une nature humaine dont le propre est d'être passionné) ;
système où interagissent les éléments entre eux : les passions forment un système ordonné et on
peut faire ressortir leur régularité en se référant au modèle des sciences physiques ; on peut dégager
des lois auxquelles toutes les passions obéiraient 3) les passions ne restent pas confinées dans la vie
intérieure mais investissent et changent le monde autour d'elles puisqu'elles déterminent la volonté
et l'action humaines : le monde humain est le monde des passions dlm où il en résulte ; le monde
des passions donne naissance à d'autres mondes comme celui de l'art, de politique ou de la religion.
En quoi la comédie humaine de Balzac nous fait-elle pénétrer dans un monde passionnel ?
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