Christian Lüscher ou l`ascension d`un séducteur décomplexé

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Christian Lüscher ou l`ascension d`un séducteur décomplexé
Christian Lüscher ou l’ascension d’un séducteur décomplexé
PORTRAIT | Le candidat au Conseil fédéral est un professionnel reconnu. Mais prendil vraiment la politique au sérieux?
© Pascal Frautschi | Christian Lüscher
MARC BRETTON AVEC XAVIER ALONSO | 15.09.2009 | 00:00
A force, on sait tout sur lui! Au printemps, Christian Lüscher, 46?ans, fait volontiers le
régime; il ne crache pas sur les sports d’eau, fréquente Lo lita Morena et la brasserie Lipp.
Ancien président du Servette, il remet le club à Marc Roger: on connaît la suite… Mais
l’avocat rebondit. Il joue dans deux pièces de théâtre, Les onze petits nègres et Zero two two.
Ciselant son personnage de frimeur qui ne se prend pas forcément au sérieux, le libéral prend
ses aises dans les médias.
Mais il serait trop simple de réduire le candidat genevois au Conseil fédéral à cette simple
image. D’abord parce que Christian Lüscher est un avocat reconnu (lire ci-contre). Ensuite,
parce que son parcours politique est surprenant.
Il déçoit par exemple lors de sa première législature au Grand Conseil. Elu en 2001, l’avocat
n’apparaît même pas dans le classement des meilleurs députés du canton. Bizarre pour
quelqu’un dont «la rapidité d’analyse et la clarté», dixit le radical Gabriel Barrillier, sont
pourtant reconnues. Alors?
Plusieurs explications: la première, c’est que «la politique cantonale ne l’intéresse pas
vraiment», expliquent des députés proches. Ensuite, ce libéral déplaît à gauche et au centre.
Logique! Christian Lüscher est de ceux qui soutiennent Micheline Spoerri après la
manifestation du G8. Il défend la restriction du droit de manifestation, puis la révision de la
Loi sur la police. A l’automne 2007, en pleine élection fédérale, il surfe sur la mendicité, «un
thème où ses convictions et les attentes des gens ont coïncidé», souligne le député libéral
Pierre Weiss.
Aujourd’hui encore au Grand Conseil, certains doutent de cet «agréable charmeur à la mèche
au vent», comme le décrit la socialiste Anne Emery Torracinta. La députée dénonce le côté
retors du libéral qui «voulait invalider l’initiative sur la fumée passive, non pour des
problèmes juridiques, mais parce qu’il était contre». L’écologiste Christian Bavarel évoque
quant à lui ce jour où «après un débat, je lui ai demandé s’il croyait vraiment tout ce qu’il
venait de dire. Il m’a répondu: oui à 25%!»
Activisme à Berne
L’élection à Berne de Christian Lüscher semble avoir changé la donne. Arrivé avec une image
de dilettante, le libéral a travaillé pour l’effacer en s’activant contre le remplacement des
peines de prison par des jours-amende. Son approche vive et décomplexée ainsi que sa
capacité à intégrer rapidement les problématiques les plus complexes ont impressionné.
Néanmoins, ses lacunes sur de nombreux dossiers – dues à une inexpérience que l’intéressé a
notamment avouée lors des auditions chez les Verts (mardi dernier) – retiennent beaucoup de
parlementaires à l’heure de le compter comme un vrai papable pour le Conseil fédéral.
L’avocat malicieux ne fait pas de quartier
«Christian Lüscher? Il a du punch! On aime ou non sa personnalité, avec ses excès, ses
bravades. Mais c’est un fin juriste.» Les propos sont de Me Vincent Spira, qui fut son ancien
associé. Ils sont élogieux. Mais le candidat au Conseil fédéral a aussi ses détracteurs. On se
souvient de la passe d’armes avec Me Henri-Philippe Sambuc, dans l’affaire Frank Muller,
qui l’avait traité de «cow-boy surbotoxé»! Moins vindicatifs, d’autres confrères parlent d’un
«fonceur, avec plus ou moins de discernement». Un plaideur «énergique» en tout cas, qui «ne
fait pas de quartier».
«Un bosseur, sérieux et compétent, confie Me Robert Assaël. Nous avons parfois plaidé
ensemble, parfois nous étions opposés: c’est un adversaire de taille, qui possède un bel esprit
de synthèse.»
Un homme qui, à en croire l’un de ses actuels associés, Me?Charles Poncet, «maîtrise ses
dossiers. Un excellent négociateur qui demeure toujours loyal aux intérêts qu’il défend. Je ne
peux que regretter qu’il devienne conseiller fédéral», glisse l’avocat pamphlétaire. Et qu’a-t- il
défendu? Notamment des familles de victimes du crash du SR-111.
Il est aussi actif dans le dossier de la banque cantonale (BCGE), où il défend l’un des exdirecteurs. Dans celui des Mouettes Genevoises, il a volé au secours des contrôleurs de
l’Inspection cantonale des finances (ICF). Et tenté de sortir des griffes de la justice la «taupe»
de l’affaire Gaon. On l’a entendu défendre un grand magasin de la place, pillé pendant le G8.
Il n’a pas toujours gagné et n’aime pas perdre, «mais il accepte ses échecs», relève Me Spira.
«Je ne partage pas ses opinions politiques, loin s’en faut, glisse Me François Canonica,
plaideur en vue du Barreau genevois. Christian Lüscher est cependant d’évidence un avocat
de grande qualité, travailleur, rapide, réactif et relativement courageux. C’est également un
homme de réseau, qui sait se montrer malicieux.» Deux qualités ô combien utiles en politique.
Xavier Lafargue