Je le dis aux Rennais : venez ! Ici, c`est chez vous
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Je le dis aux Rennais : venez ! Ici, c`est chez vous
L'actu culturelle de Rennes et sa région R. Joly ALAIN SURRANS www.lemensuel.com à l’opéra avant. Nous avons beaucoup d’actions auprès des scolaires. Mais nous voulons aussi toucher les adultes et notamment les 25-45 ans. Nous travaillons sur les tarifs. Ils sont parmi les plus bas de France. La place la plus chère est à 49 €. C’est beaucoup plus abordable qu’un concert de Johnny, dont personne n’aura l’idée de dire qu’il est élitiste… Nous proposons aussi les rendez-vous « Révisez vos classiques » pour ceux qui auraient un complexe. Enfin, nous essayons de faire exister l’opéra à l’extérieur en concevant des spectacles qui voyagent dans toute la région. « Je le dis aux Rennais : venez ! Ici, c’est chez vous » A la tête de l’opéra de Rennes depuis 2005, Alain Surrans jongle avec le plus petit budget des opéras de France pour redonner à la « maison » son côté populaire. Sans rien perdre de la qualité des propositions. Le Mensuel : Votre credo a toujours été de faire de l’opéra un art accessible à tous. Est-ce vraiment possible ? Bien sûr. L’opéra parle à tout le monde. En Italie, en Allemagne, en Autriche, personne ne dira que l’opéra est élitiste. Il n’y a qu’en France qu’on imagine ça. C’est le résultat d’une analyse marxiste de la fin du XIXe siècle qui reprochait à l’opéra d’être le lieu où la bourgeoisie se pavanait. Ce n’était pas faux. Mais l’opéra a été réduit à ça. On a oublié que les gens venaient aussi pour écouter de la musique. Le plus drôle c’est que dans toutes les villes du bloc soviétique, plutôt que de fermer les salles, on a ouvert des maisons d’opéra pour populariser son art. Aujourd’hui, vous avez des opéras partout dans les villes d’ex-URSS. En Allemagne, on compte en effet près de 80 théâtres-opéras. En France, on en recense une vingtaine… 25 exactement. Dans les années 1950, les opéras étaient vieillissants et sans envergure. Malraux a réquisitionné les plus petits et les moins intéressants pour en faire des maisons de la culture. A Rennes, la mairie a pris le contre-pied : elle a souhaité conserver son opéra, y a nommé un directeur de renom, Pierre Nougaro, et a construit de toutes pièces une maison de la culture. Contrairement à Nantes, où le théâtre Graslin a été construit par les commerçants pour pouvoir se montrer, l’opéra de Rennes a toujours été une maison populaire. La municipalité, très tôt, souhaitait « donner une occupation aux jeunes gens ». Comprenez : éviter que les militaires n’aillent aux putes. Vous dites que votre rôle est de « rendre l’opéra aux Rennais ». Qu’entendez-vous par là ? Nous avons le budget le plus bas des opéras français. Et comme nous devons payer 120 personnes à chaque soirée, vous pouvez imaginer que nos recettes ne couvrent pas le surcoût. 85% de notre budget dépendent de subventions. Cela signifie que quand le public paie 10 € sa place, le contribuable a mis 40 € pour son spectacle. Je me sens donc redevable. Je le dis aux Rennais : venez ! Appropriez-vous ce lieu ! Ici, c’est chez vous. Que faites-vous concrètement pour les faire entrer dans cette maison ? Mon objectif est de faire venir chaque année 5 000 personnes qui n’ont jamais mis les pieds Captation en 3D, diffusion en HD… On peut aussi évoquer Opérabis qui retransmettait un opéra en direct sur Second life. L’opéra de Rennes joue avec les outils technologiques. N’est-ce pas un peu étonnant pour un art qui paraît poussiéreux ? Mais pas du tout ! L’opéra a toujours été consommateur de nouvelles technologies. C’est l’essence même de cet art : c’est un spectacle spectaculaire, excessif. On y hurle son amour, on y hurle sa douleur. On représente des monstres marins, des tremblements de terre, des arbres qui fleurissent sur scène. Pour ça, il faut des nouvelles technologies. Elles stimulent l’imagination des scénographes… et répondent à leurs rêves les plus fous. Avec tous ces efforts, avez-vous réussi à augmenter la fréquentation de l’opéra de Rennes ? Elle est restée très stable. Mais je n’ai pas les moyens de développer plus de représentations. Nous sommes contraints à 25 levers de rideaux lyriques par an. Dans une petite salle de 640 places. Je ne m’en plains pas. Je n’ai pas d’autre salle… Et puis chez moi, peu importe où on est, on entend les chanteurs respirer. Je programme simplement des spectacles conçus pour ce genre de petits espaces. Monterverdi, ici, c’est génial ! Tiphaine Reto LA TRAVIATA sur écran(s), le 4 juin, à 20h, place de l’Hôtel de ville. Avril 2013 / N°46 Le Mensuel 69