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SILLU=IC OU ric Besson L'avait présenté en conseil des ministres, le 31 mars 2010; les objectifs affichés étaient de transposer trois directives européennes, de mieux prendre en compte les efforts d'intégration des migrants et de renforcer la lutte contre L'immigration irrégulière. Plus d'un an après, le 11 mai, le projet de loi relatif à L'immigration, à L'intégration et à la nationalité a été définitivement adopté. Entretemps, oublié le débat sur L'identité nationale: une actualité chassant L'autre, la déchéance de la nationalité, puis L'expulsion des Roms ont pris le relais, donnant lieu à des amendements, des désaccords entre L'Assemblée nationale et le Sénat, enfin, à un texte de compromis. Mais le 17 mai, les députés et les sénateurs socialistes, communistes, verts, radicaux et citoyens ont saisi le Conseil constitutionnel sur . de rejet 3 un certain nombre de mesures phare. A L'appui de cette saisine, des observations ont été adressées, le 18 mai, par neuf organisations et collectifs d'associations. Centrée en vigueur des nouvelles dispositions dépend maintenant de la décision à venir du Conseil constitutionnel, sans doute courant juin La Gazette Santé-Social a réuni, Le 24 mai. Pierre Henry. directeur général de France Terre d'asile. et Francois-NoëlBuffet, sénateur IUMPl, rapporteur au Sénat au nom de la commission des Lois et rapporteur au nom de La commission mixte paritaire du projet de Loi relatif à L'immigration, à L'intégrationet à La nationalité. m FRANÇOIS-NOIL BUFFET senateur (UMP). rapporteur du projet de 101 relatif a I'immigratlon. b l'intégration e t â l a nationalite PIERRE HENRY directeur de France Terre d'asile SUR LE WEB Retrouvez ce débat en vidéo gazette-sante-s~~;.;.fr 1 Pourquoi légiférer de nouveau sur l'immigration? François-Noël Buffet : Le projet de loi avait pour objectif de transcrire en droit français trois directives européennes et de définir les conditions de maintien sur le territoire, les procédures d'éloignement, les placements en rétention administrative, etc. Le débat parlementaire a nourri le texte et, entretemps, d'autres thèmes s'y sont greffés. La commission des lois du Sénat a apporté des améliorations considérables, y compris sur des points techniques :par exemple,l'effet suspensif de l'appel ou encore le bénéfice de l'aide jurididionne~edevant la Cour nationale du droit d'asile. Il s'agit bien de renforcerles droits des étrangers. Le Sénat a joué son rôle qui est de faire autant de droit que de politique. Pierre Henry: Ce sera la cinquième loi de l'ère «Sarkozy»sur la même thématique. Un fait divers en est à l'origine: l'arrivée, en janvier 2010, de 123 Kurdes sur une plage corse. Il est vrai qu'il fallait transposer les trois directives européennes. Toutefois, cela ne constitue qu'un tiers du projet de loi. Les deux autres tiers -le cœur du texte - ont été décidés au gré de l'actualité. Par exemple, la déchéance de la nationalité fait référence au discours de Grenoble fin juillet 2010. Ce projet de loi n'a pas pour objet de marquer le travail législatif du sceau de la qualité, mais d'alimenter un débat politique permanent sur l'immigration. Cette loi est inacceptable en l'état. Par nombre d'aspects, elle est liberticide. Le gouvernement et la majorité n'ont pas caché leur volonté de mettre à distance ce gêneur qu'est le juge des libertés, en allongeant de 48 heures à 5 jours le délai de son intervention. La réforme desconditionsd'attribution d'un titre de séjour pour raisons médicales a suscité de vives réacîionsde la part des associations et des professionneIs de santé. Que leur répondez-vous? F.-N. B: La commission des lois de l'Assemblée nationale a rétabli, en première et seconde lectures, l'article 17-ter relatif au titre de séjour des ((étrangersmalades » que la commission des lois du Sénat avait retiré en première et seconde lectures. Compte tenu d'une évolution récente de la jurisprudence (un arrêt du Conseil d'Etat d'avril 2010 a demandé la vérification de «l'accessibilité effective» d'un traitement dans le pays d'origine et non de sa « disponibilité»), la cornrnission mixte paritaire a cherché une solution de compromis. Le titre de séjour sera accordé en cas d'absence de traitement approprié dans le pays d'origine ou en cas de « circonstance humanitaire exceptionnelle, appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionalede santé ».Cet article fera l'objet d'une interprétation du Conseil constitutionnel qu'il convient d'attendre. P. H. : Je constate l'insincérité de ces débats. Ils ont été viciés. Pendant de longs mois, il a été dit que les étrangers en situationirrégulière plombaient les comptes de la Sécurité sociale, que les fraudes étaient multiples et que, dès lors, il fàllait instaurer un droit d'entrée de 30 euros. Or qu'apprenons-nous?Qu'un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas)et de l'Inspec- on générale des finances (IGF) [*], mmandé par Roselyne Bachelot, été passé sous silence, alors qu'il émontrequ'il n'existe pas de dérive e l'aide médicale de l'Etat (AME) 'institution d'un droit d'enraînera un surcoût pour la ectivité d'environ 20 millions 'euros. Concernant la discussion e l'article 17-ter du projet de loi, ous sommes passés de la notion de traitement médical ans le pays d'origine, à lle d'indisponibilité, pour revenir la notion d'absence.. . dispositionsur la circonstance umanitaire exceptionnelle ne us rassure-t-ellepas? H.: Dans la plupart des pays, problème n'est pas l'absence de édicarnents, mais l'impossibilité, 'le 'lus grand nombre' er. Par une form~lationalamiquée, il est effectivement prévu cas de circonstance hurnanixceptionnelle, le préfet accorun titre de séjour. Or c'est l'avis médecin qui doit primer, pas cedu préfet. En outre, il existe une résomption d'atteinte au secret . * - No75D6 Juin-juillet 2011 179705 ÉTRANGERSHORSUE sont entrés Légalement sur Le territoire frangais, en 2009; 43,3% d'entre eux pour un motif familial. CARTES DEO , UR pour étrangers malades ont été délivrées, en 2009. 215763 BÉNÉFICIAIRES de laide médicale de lEtat IAMEI sont comptabilisés, fin 2009. Sources: rapport d'activiti m g de l'Office français de rimmigration et de I'intégration (O&) ;rapport au Parlement du interministk*i COntr*le l'immigration, mars 201 1. médical, soulevée par les associations et les médecins. F.-N. B: Je fais le pari, au contraire, que les médecins joueront un rôle plus important. Le préfet n'accordera le titre de séjour qu'après l'avis de la commission médicale réionale, dont les experts connaissent bien la situation de différents pays. Bien sûr, le secret médical ne sera pas violé, car la commission.n'entrera pas dans le détail des dossiers. Et si le préfet ne suit pas cet avis, un recours restera ouvert devant la ju- le plan de la procédure. La plusvalue apportée par le Sénat sur ces zones ad hoc a été, entre autres, de les rendre temporaires, avec une durée maximale de 26 jours. P. H. : Le square Villemin, dans le X arrondissement de Paris, vat-il être déclaré zone d'attente? Nous vivons dans une démocratie de l'émotion. Autre point inquiétant, l'allongement de la durée de rétention de 32 à 45 jours. Rien nele justifie, dans la mesure où la durée moyenne actuelle d'éloignement ridiction administrative. P. H. :Pourquoi le Sénat est-il revenu sur sa position? Quelles pressions avez-vous subies ? F.-N. B :Aucune. Il s'agit d'un compromis à l'issue d'un débat parle- n'excède pas 12jours pour 90 % des étrangers retenus. F.-N. B: Nous conservons la durée de rétention la plus courte d'Europe. Quant aux zones d'attente, ni le square Villemin ni le Calaisis ne seront concernés. Nous visons les zones frontalières, plus particulièrement les frontières maritimes. Aveclaaéationde zones d'attente « ad hoc », la France ne va-Gefle pas devenir un vaste centre de rétention? F.-N. B: L'idée est de pouvoir faire face à des situations comme celle que nous avons connue lors de i'arrivée des Kurdes en Corse: nous nous étions retrouvés démunis sur 1 Qu'en est-il de la disposition s l'éloignement des ressortis européens, lorsque « leu jour est constitutif d'un abus droit»? F.-N. B: Le Sénat est revenu su la formulation de l'Assemblée LA GAZETTESANTE-SOCIAL nationale, notamment sur l'interdiction de retour en France et son caractère automatique. Nous avons fixé les conditions dans lesquelles le droit serait abusif. Il faut également faire attention à ceux qui pourraient bénéficier du droit d'asile et leur laisser la possibilité d'exercer ce droit. Le Conseil constitutionnel a été saisi du délai de 5 jours préalable l'intervention dujuge des hiertés. Quelest votre point de vue? F.-N. B: Le Sénat souhaitait un délai de 4 jours, mais le Conseil constitutionnel a fixé une seule limite, de 7 jours. Passer de 48 heures à 5 jours clarifie les interventions du juge administratif et du juge des libertés :il appartient d'abord au juge administratif de se prononcer sur la 1égalité de la mesure d'éloignement, puis au juge des libertés d'autoriser ou non la prolongation de la mesure de rétention, conséquence de la mesure d'éloignement. La liberté individuelle est-elle en cause? On ne peut pas comparer un détenu en détention et un «retenu» en rétention. Par ailleurs,la loi instaure, dans les 24 heures, le «référé-liberté » suspensif d'une décision de refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile. Enfin, elle propose une alternativeà la rétention:l'assignation à résidence que le juge peut prononcer si la personne dispose de garanties de représentation effectives. P. H.: La logique de ce texte est de remplir les quotas d'éloignement. Chaque année, 110000 étrangers en situation irrégulière sont interpellés. Sur ces 110000,90000 font l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'un arrêté (4 de reconduite à la frontière. Sur ces 90 000,40000 sont placés en centre de rétention. Sur ces 40000, 15000 sont effectivement éloignés. Il faut s'interroger sur l'efficacité de cette chaîne administrative ! Et au moment où l'on nous parle des difficultésbudgétaires que traversenotre pays, il faut savoir qu'un étranger retenu mobilise 1,25 fonctionnaireet qu'une mesure d'éloignement coçite entre 12000 et 21 000 euros. F.-N. B: La fourchetteva de 9000 à 15000 euros. La question de fond est de savoir si notre pays a la capacité d'accepter tous les immigrés. 11est normal qu'un Etat se défende contre l'immigration irréguliere et surtout contre les filières qui la LES PEURS PLUTÔT QUE L'INTELLIGENCE >> «On alimente Les peurs, alors que l'on devrait faire appel à l'intelligente de nos concitoyens», commente le député (UMPI Etienne Pinte, dans un rapport d'audit sur l'immigration l*], rendu public le 11 mai par une vingtaine de parlementaires de tous bords. Trentecinq experts (comme Hervé Le Bras, démographe, Lionel Ragot, professeur d'économie, ou Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de Liberté] ont été entendus sur La politique migratoire. De très nombreux préjugés sont brisés: sait-on, par exemple, que les migrants subsahariens ont un niveau d'instruction supérieur à la moyenne frangaise? ou encore que «l'immigration zéro» conduirait à rechercher non pas 3%, mais 5% de PIB supplémentaire à l'horizon 2050 pour financer la protection sociale? [*l Audit de la pol~trquedimmfgratron,dintégratron et de codéveloppement, mai 201 1. est clair. Toutes les déclarations de Claude Guéant vont dans ce sens, et remettent en cause la politique que mène le gouvernement depuis 2007 ! L'immigration choisie est un concept développé par Nicolas Sarkozv. Et voilà aue le ministre de l'1ntérk nous dit qu'il faut diminuer l'immigration légale, et que nous n'avons pas besoin de serveurs étrangers ! F.-N. B :Il ne faut pas perdre la main sur l'immigration choisie, notarnment pour les filières sous tension. Cenjeu - et ce n'est pas toujours facile à traduire dans les actes - est que lorsque l'on fait le choix d'entrer dans ce pays, on fait le choix d'en adopter certainesvaleurs. Nous avons été un pays d'immigration les ddarations de et cela n'aurait aucun sens de nous Claude Cuéant vont fermer. Nous avons mis en place des danscesen b) politiques ces dernières années, il PI.EÆRe.HaNR faut s'y tenir et consacrer les moyens nécessaires à leur réussite. P. H. :Le respect des règles du jeu, nourrissent. Quant aux centres de oui, évidemment. Mais il est rendu rétention, nous avons tellement plus difficile d'année en année, en entendu de critiques, justifiées, sur raison de choix purement idéololeur taille ou leur état que l'on ne peut pas nous reprocher d'en avoir construit ! Les positions du Sénat sont claires: il faut se montrer à la MEsUREs D'ÉU)IGNEMENT fois ferme dans la lutte contre l'imont été mises à exécution migration irrégulière et juste quant à partir du territoire métropolitain, en 2009. aux droits accordés. P. H. :Nous ne pouvons pas nous en Source: rapport au Parlement tenir à une déclaration de principe. du Cornite intenninistCne1de mntr8le de l'immigration, mars 2011. Il faut interroger les politiques publiques qui encouragent, bien souvent, l'immigration irrégulière. Prenons le cas d'actualité de la rive sud giques. La réponse doit être eurode la Méditerranée.Un Tunisien qui péenne et multilatérale.Or les Etats veut expérimenter sa liberté d'der ne veulent pas déléguer leur souveet de venir et demande un visa de- raineté. En août 2008,l'Italie a signé puis Tunis doit présenter des garan- le traité de Benghazi avec la Lybie, ties à hauteur de 3 000 à 4000 euros qui confiait au colonel Khadafi le pour un mois de séjour en France. soin d'organiser une immense priL'équivalent du Smic, en Tunisie,est son pour contenir l'immigration de 125 euros: se tourner vers l'im- africaine subsaharienne. Qu'a fait migration irrégulière lui cotitera l'Europe? Elle s'est précipitée à Tripoli, en octobre 2010, pour signer moins cher ! F.-N. B: Dans le cas des Tunisiens, cet accord. Dans 30 ans, la propornous ne devons pas sortir des ac- tion des plus de 65 ans aura doublé cords de Schengen. Je suis favo- en Europe, quand de l'autre côté rable à un processus exceptionnel, de la Méditerranée, on comptera à la condition que nous disposions 180 millions de jeunes de moins d'un dispositif efficace contre ceux de 30 ans. Nous avons un avenir en partage.i qui veulent le contourner. P. H. : Les étrangers ne sont pas les (*) Analyse de ïévolution des &enses au titre bienvenus en France, le message de l'aide médicale de l'Etat, novembre 2010. 29288