Bien que l`expression courante « La guerre, c`est l`enfer » semble
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Bien que l`expression courante « La guerre, c`est l`enfer » semble
Jonathan Zribi MPSI 1 Rédaction d’une partie d’une dissertation Bien que l’expression courante « La guerre, c’est l’enfer » semble évincer le caractère si singulier de la guerre, la caractérisation de la guerre par le terme « enfer » n’est pas tout à fait erronée. En effet si l’on compare la guerre à l’enfer, on peut observer différents éléments communs qui permettent en partie d’expliquer l’usage de cette expression. A) La guerre présente une omniprésence de la mort et les attributs imagés traditionnels de l’enfer Tout d’abord, la guerre présente une omniprésence de la mort et les différents attributs imagés traditionnels de l’enfer telle que la couleur rouge due aux flammes et au sang déversé par les soldats. Henri Barbusse dans son roman Le feu et plus particulièrement dans le chapitre du même nom, multiplie les descriptions du champ de bataille et insiste sur sa ressemblance à l’image populaire que l’on se fait de l’enfer. Ainsi, l’éclatement des obus lui rappelle des « éclaircies d’enfer ». Le narrateur par ailleurs, insiste sur les couleurs rouge et noire, propres à l’enfer, dans le même chapitre, au cours de la description des flammes présentes sur le champ de bataille : « Un brasier avec d’immenses et furieuses masses rouges et noires tombait autour de moi, creusant la terre, l’ôtant au-dessous de mes pieds ». De plus, la présence du feu ne se limite pas au champ de bataille. En effet, dans le chapitre « La corvée », le narrateur désigne la pluie incessante de « pluie de feu ». Les soldats vivent enfin, sous terre dans les tranchées rappelant l’image gréco-latine de l’enfer, enfoui sous terre également. Ainsi, Barbusse octroie à la guerre les principaux attributs de l’enfer. L’atmosphère macabre de l’enfer d’autre part, se retrouve également en temps de guerre. Comme l’explique, en effet, Clausewitz dans son ouvrage De la guerre, il n’existe pas de guerre sans violence et sans mort. Le but inhérent de la guerre est en effet d’ « imposer sa volonté à l’adversaire » avec tous les moyens possibles, ce qui implique nécessairement des morts. Clausewitz ajoute d’ailleurs qu’il faudrait être naïf pour croire que l’on peut « terrasser l’adversaire sans causer trop de blessures ». En effet, si on refuse d’employer une force assez considérable pour faire plier l’ennemi, c’est l’adversaire qui nous écrase : « Tant que je n’ai pas écrasé l’adversaire, je dois craindre qu’il ne m’écrase. C’est ainsi que la bataille de Salamine raconté dans la pièce d’Eschyle Les Perses, se termine par l’anéantissement total de toute l’armée Perse. Le messager dit ainsi au vers 431 : « « Jamais en un seul jour n’aura péri une aussi grande foule d’hommes ». De même, le narrateur dans l’ouvrage de Barbusse Le Feu nous raconte au fil du roman que la quasi-totalité de son escouade a été décimée au cours des combats. B) La guerre, comme l’enfer, est un temps de souffrances extrêmes D’autre part, la guerre se rapproche également de l’enfer du fait qu’elle provoque des souffrances extrêmes. Clausewitz définit d’ailleurs, dans le chapitre 3 « Le génie martial » de son ouvrage De la guerre, la guerre comme « le domaine des efforts et des souffrances physiques ». Cette douleur s’exprime dans la pièce d’Eschyle Les Perses, principalement par la récurrence d’interjections comme le terme « Hélas » répété plusieurs fois par la reine Atossa ainsi que le chœur. La reine Atossa craint en effet pour la vie de son fils de Xerxès. L’interjection « Oppopoï » est également très présente tout au long de pièce. Le choix de ces deux interjections montre que la douleur provoquée par la guerre est si terrible qu’elle est indicible. Il n’y a pas de mot pour exprimer ce sentiment de douleur mais seulement ces exclamations spontanées. Par ailleurs, dans Le feu, Henri Barbusse multiplie les scènes de désolations dont la plus marquante est certainement lorsque l’auteur nous décrit dans le chapitre 12 « le Portique », l’émotion du personnage de Poterloo découvrant l’état du village de Souchez, dévasté par les bombardements. Il ne reste plus rien du village comme il écrit :« Le village a disparu. Jamais je n’ai vu une pareille disparition de village.». Poterloo ne parvient plus à distinguer sa maison : « C’est par là. J’sais pas où c’est-où c’que c’était. Ah! Malheur, misère ! ». Barbusse nous peint dans ce passage un personnage dévasté à l’image du village. Souchez et Poterloo se confondent l’un et l’autre ce qui permet d’insister le chaos et l’horreur de la situation. La guerre comme l’enfer, apparaît ainsi comme le lieu des pires souffrances. C) La guerre, une confrontation avec le mal La guerre relève comme l’enfer, d’une confrontation avec le mal. En effet, elle entraine une suspension totale des valeurs communes et morales. Cette rupture avec le « monde du bien » commence d’abord par l’instauration d’un droit de tuer à partir du moment où la déclaration de guerre est signée. Cette autorisation de « tuer » provoque d’ailleurs une confusion parmi les soldats qui ne parviennent plus à distinguer le bien du mal. Leur esprit n’est plus capable de raisonner. Henri Barbusse d’ailleurs rend compte de cette problématique dans le chapitre 20 « Le Feu » de son roman du même nom, au cours duquel les soldats se demandent comment ils vont être jugés à la fin de la guerre : « regarderont-ils ces tueries et ces exploits dont nous ne savons pas même, nous qui les commettons, s'il faut les comparer à ceux des héros de Plutarque et de Corneille, ou à des exploits d'apaches ! ». Ainsi, la notion de « bien », comme en « enfer », a disparu de leur conscience. Par ailleurs, on observe aussi ce bouleversement des valeurs morales dans la pièce d’Eschyle Les Perses, à travers le comportement de l’armée Perse. Le personnage de Darios rapporte en effet au vers 807 de la pièce que les soldats perses s’en sont délibérément pris aux temples grecs ce qui proscrit en temps normal : « Car les soldats, en terre grecque, sans scrupule, ont pillé les statues des dieux, brulé les temples, fait disparaitre les autels ». Les soldats semblent perdre leur qualité d’homme. D’ailleurs, Eschyle exprime cette idée à travers différentes comparaisons des soldats aux animaux comme au vers 75 où il désigne les soldats de « troupeau ». La guerre possède ainsi différentes similitudes qui expliqueraient l’emploie de cette expression « L’enfer, c’est la guerre ». En effet, la guerre comporte des attributs qui rappellent l’image que l’on se fait de l’enfer, comme par exemple l’omniprésence du feu, de la mort et de la couleur rouge. La guerre est de plus, comme l’enfer, un lieu de souffrances d’une terrible singularité et de confrontation avec le mal.