130103 L`ENFER EST PAVÉ DE BONNES INTENTIONS
Transcription
130103 L`ENFER EST PAVÉ DE BONNES INTENTIONS
CAFE- PHILO 3/01/2013 animation et synthèse : Michelle Briquet Dictons ou proverbes proposés : 1° Il faut bien un chef 2° L’enfer est pavé de bonnes intentions 3° Il vaut mieux prévenir que guérir 4° Chassez le naturel, il revient au galop. 5° On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre 6° Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle casse. 7° Ni le soleil ni la mort ne se regardent en face. Le proverbe n° 2 a été choisi Ce proverbe est très largement répandu d’Occident en Orient. Il est également très ancien. Dès avant le 12ème siècle où il est attesté en latin dans les écrits de St Bernard, il est écrit que « les bonnes résolutions ne suffisent pas, sans leur réalisation, à éviter le mal et la damnation. » St François de Sales cite cette maxime au XVIème siècle et au XVIIème, les Anglais écrivent : « L’enfer est plein de bonnes intentions. » L’expression « pavé de » remplace « plein » très vite car elle paraît évoquer le chemin vers l’enfer. Quant au mot « enfer », il vient du mot latin inferus qui signifie « en-dessous ». Dans la mythologie antique, l’enfer est un vaste lieu qui se situe dans les profondeurs de la terre et où séjournent les morts Il y a des morts qui sont punis pour leurs crimes: Sisyphe, les Danaïdes, Tantale …Il y a aussi des morts vertueux qui sont dans un endroit agréable, appelé les Champs Elysées. Chez les Chrétiens, l’enfer, au singulier, est un lieu symbolique destiné au supplice des hommes coupables de fautes terribles et qui ne se sont pas repentis. Ils sont condamnés pour l’éternité. Cette description est très schématique et, philosophiquement comme théologiquement, les conceptions de l’enfer sont très discutées. Le proverbe sujet de ce débat est fondé sur un paradoxe puisqu’il évoque une coexistence, ou plutôt un lien de cause à effet du Bien (les bonnes intentions) avec le Mal (l’enfer). Comment la volonté de faire le bien pourrait-elle aboutir à installer le mal ? Nous avons trouvé plusieurs réponses à cette question qui justifient l’affirmation exprimée par ce proverbe. Une de ces réponses est celle qui semble à l’origine de cette affirmation Si nous nous contentons d’une bonne intention sans jamais la réaliser (par paresse, peur ou lâcheté), nous laissons le mal s’installer tranquillement en nous-mêmes et autour de nous. Par exemple, l’intention de rompre avec une addiction, comme l’alcoolisme ou la drogue, si elle n’est pas suivie d’une rupture effective, ne permet pas d’aller mieux ni de faciliter la vie de ceux qui nous entourent. Le proverbe, ici, paraît nous encourager à l’action. D’autre part, la volonté de faire le bien peut déclencher une foule d’événements qui vont à l’encontre de l’intention première et qui déclenchent parfois un mal pire que la situation que l’on désirait améliorer. Les exemples politiques sont ici nombreux : les régimes totalitaires naissent parfois du souci légitime de fonder un Etat juste et équilibré. L’installation du communisme dans les pays de l’Est partait de l’intention généreuse de partager plus équitablement entre les membres de la société les ressources de la Russie et des pays avoisinants mais a abouti à la création d’une nouvelle classe de privilégiés et à l’instauration d’un régime totalitaire et injuste. Nous avons aussi parlé d’Einstein et de la bombe atomique dans la réalisation de laquelle il reconnaît sa responsabilité. La maxime ici nous conseille la prudence et l’humilité. A un moindre degré, les missionnaires chrétiens que l’on a envoyés dans différents pays aux indigènes pour leur « expliquer » que Dieu est amour, ont bien souvent été les instruments d’une élimination de leurs cultures, de leur dénaturation, voire de leur dévalorisation et de leur asservissement. De même les Frères musulmans donnent provisions et argent aux pauvres mais ils s’en servent pour asseoir leur influence et parvenir au pouvoir. Il y a ici une manipulation du bien à des fins égoïstes. Mais que l’intention de faire du bien soit sincère ou que ce soit une manipulation, il faut réfléchir avant de se lancer dans une action sur ses conséquences possibles. Il semble qu’il faille se demander si ce qui nous paraît bien à nous va servir réellement les autres. Souci d’éthique, souci d’objectivité, effort pour passer nos élans, pour généreux qu’ils soient, au crible de la raison. Cependant, nous avons également fait remarquer que ce proverbe, dans son conseil assez pessimiste de prudence, peut décourager des gens sincères qui veulent faire des actions utiles qui apporteront du bien-être à leur entourage. En cela il est contestable.